M. Éric Bocquet. Les collectivités sont soumises à un effet ciseaux, entre perte de recettes et augmentation des dépenses de fonctionnement, estimée à 3,6 milliards d’euros par M. Jean-René Cazeneuve, qui avait été chargé de l’évaluer. S’y ajoutent les dépenses exceptionnelles en matière de personnel, puisqu’il a fallu dans beaucoup de cas réorganiser les services périscolaires, de garderie ou restauration, par exemple pour doubler les passages.
Pascal Savoldelli a illustré, avec l’exemple de son département du Val-de-Marne, l’obligation faite à certaines collectivités de voter un budget supplémentaire de crise.
Par cet amendement, nous entendons faire en sorte que de telles dépenses soient effectivement prises en compte.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. P. Joly, Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Marie, Mérillou et Montaugé, Mme S. Robert, MM. Temal, Tissot et Antiste, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué en 2020, par prélèvement sur les recettes de l’État, une dotation aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale ayant réalisé en 2020 des achats de masques à usage sanitaire et de masques à usage non sanitaire.
II. – Pour chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale, cette dotation est égale à la somme des achats de masques à usage sanitaire et de masques à usage non sanitaire réalisés dès le 1er mars 2020 jusqu’à 31 décembre 2020.
III. – Le montant de la dotation est notifié aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, des collectivités territoriales et des outre-mer.
IV. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Cet amendement vise à élargir la période au cours de laquelle les frais supplémentaires supportés par les collectivités locales seront pris en charge, afin que celles-ci bénéficient d’une compensation, en la faisant courir du 1er mars, c’est-à-dire avant la déclaration du Président de la République du 13 avril, jusqu’à la fin de l’année.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je propose le retrait de l’amendement n° 104 rectifié. Outre que j’aurai l’occasion de présenter plusieurs mesures visant à soutenir les collectivités locales dans le cadre du PLF pour 2021, cet amendement ne me semble pas totalement opérant, puisqu’il vise, par exemple, « les dépenses ayant une visée de soutien en matière sociale », ce qui risque de poser quelques difficultés d’identification.
Avis défavorable sur les amendements nos 37 et 16 rectifié bis. Conformément à la tradition de la commission des finances, je ne suis pas favorable à un prélèvement sur recettes de l’État en faveur des collectivités locales pour compenser les dépenses engagées dans la crise sanitaire.
Encore une fois, je proposerai dans le PLF 2021 plusieurs mesures en faveur des collectivités locales, comme le maintien des conditions de compensation aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation, ou la compensation des pertes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement a fait un choix différent s’agissant de la compensation des dépenses. Nous avons mis en place des mécanismes de garantie de recettes, notamment à l’occasion du PLFR 3. Nous avions alors eu ce débat.
Depuis lors, nous avons tenu l’engagement de publier une circulaire autorisant les collectivités à créer un compte dédié pour les dépenses relatives au covid. Ce compte, tout en préservant l’orthodoxie comptable et la séparation entre fonctionnement et investissement, permet l’étalement sur cinq ans des dépenses de fonctionnement liées au covid, et donc une forme d’amortissement.
Cela nous paraît utile pour la trésorerie des collectivités et pour leurs capacités à préserver le maximum d’épargne de fonctionnement au cours des deux années qui viennent. Cela permet de maintenir les dispositifs de garantie, sur lesquels nous aurons l’occasion de faire le point au début de 2021.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er, et les amendements nos 37 et 16 rectifié bis n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 35, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, par prélèvement sur les recettes de l’État, une dotation aux départements, à la Ville de Paris, à la métropole de Lyon, à la collectivité de Corse, au Département de Mayotte, à la collectivité territoriale de Guyane et à la collectivité territoriale de Martinique confrontés en 2020 à des pertes de recettes fiscales prévues aux articles 1594 A et 1595 du code général des impôts liées aux conséquences économiques de l’épidémie de covid -19.
II. – Pour chaque collectivité territoriale mentionnée au I du présent article, cette dotation est égale à la différence, si elle est positive, entre la moyenne des recettes fiscales prévues aux articles 1594 A et 1595 du code général des impôts entre 2019 et le montant de ces mêmes recettes estimé pour l’année 2020.
III. – Le montant de la dotation prévue au II du présent article est notifié aux collectivités territoriales mentionnées au I par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, des collectivités territoriales et des outre-mer. À titre exceptionnel, le montant de la dotation est constaté par les bénéficiaires en recettes de leur compte administratif 2020.
IV. – La dotation fait l’objet d’un acompte versé en 2020, sur le fondement d’une estimation des pertes de recettes fiscales prévues aux articles 1594 A et 1595 du code général des impôts subies au cours de cet exercice, puis d’un ajustement en 2021. La différence entre le montant de la dotation définitive calculée une fois connues les pertes réelles subies en 2020 et cet acompte est versée en 2021. Si l’acompte est supérieur à la dotation définitive, la collectivité concernée reverse cet excédent.
V. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.
VI. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à V est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Il s’agit d’un amendement de solidarité visant à venir en aide aux départements, qui se trouvent une situation financière particulièrement alarmante.
L’expression a été reprise par toutes les associations d’élus et bon nombre de nos collègues : les départements se trouvent coincés dans un « effet ciseaux » entre baisse de leurs recettes et hausse de leurs dépenses.
Nous avons pu regarder les récentes évaluations de la Banque Postale, qui sont sans appel. L’épargne brute des départements devrait retomber en 2020 à son niveau de 2015, avec une baisse de 26,8 %. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui constituent la seconde recette des départements après la taxe foncière, celle-ci étant vouée être remplacée par une part de TVA, devraient baisser de 15 % en 2020, participant à ce recul.
Notre amendement tend à apporter à ces départements un soutien fort face à leur perte de recettes. Nous estimons que les avances remboursables pour compenser les pertes de droits de mutation à titre onéreux sont insuffisantes et ne font que décaler le problème, telle une véritable bombe à retardement.
Par ailleurs, les conditions d’éligibilité de ces avances ont rendu cette mesure encore plus décevante, puisque de nombreux départements n’ont pas pu en profiter. À ce stade, je me vois contraint de partager avec vous un constat qui me semble effarant : sur les 2,7 milliards d’euros de crédits débloqués, moins de 500 millions bénéficieront aux départements !
Monsieur le ministre, au lieu d’annuler des crédits, améliorons les compensations aux collectivités ! Nous proposons de remplacer ces avances remboursables par une réelle compensation des pertes de DMTO sur l’année 2020 par rapport à 2019.
Un département – c’est un peu le cas du mien – peut avoir une population pour partie assez pauvre, mais n’être pas pauvre du point de vue de sa structure financière. Mes chers collègues, la péréquation horizontale, la solidarité entre nous, cela ne va plus être possible !
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui témoigne d’un esprit de responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue Pascal Savoldelli ne retient pas le mécanisme des avances remboursables. Or c’est ce mécanisme qui a été mis en œuvre, en tenant compte des conditions de remboursement, que le Sénat a d’ailleurs fait en sorte de renforcer.
Dans l’attente du PLF, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le système d’avances remboursables fait l’objet de discussions entre le Gouvernement et l’ADF
Au mois de septembre, quand il s’est agi de calculer l’acompte sur cette avance, quatre-vingts départements sur les cents étaient éligibles. Ils ont tous été saisis : quarante d’entre eux l’ont demandé, quarante ont refusé.
Début 2021, nous regarderons précisément combien les départements ont perçu en droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Il y aura une régularisation après acompte et les départements seront de nouveau tous interrogés.
Je rejoins M. Savoldelli sur un point ; la somme sera très certainement inférieure à ce qui a été provisionné, pour une unique raison : la baisse des DMTO en 2020 est bien moins importante que ce que nous craignions lors de l’examen du PLFR 3. Dans la mesure où il s’agit d’un mécanisme de compensation, si les recettes sont plus importantes que prévu, la compensation baisse au fur et à mesure de l’augmentation des recettes.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par M. Canevet, Mmes N. Goulet, Billon et Sollogoub et MM. Levi, Kern, Le Nay et Cigolotti, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l’article 42 septies du code général des impôts, après les mots : « autre organisme public », sont insérés les mots : « et privé dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. On parle beaucoup de souveraineté alimentaire dans notre pays. Nous connaissons l’importance du secteur agroalimentaire. En parallèle, nous avons des objectifs de transition écologique. Nous pourrions donc mettre en place des outils à cette fin. Cet amendement me semble à ce titre très important pour toute la filière agroalimentaire.
Aujourd’hui, ces entreprises peuvent évoluer vers la transition écologique en réalisant des investissements qui leur permettent de se moderniser et, surtout, de consommer moins d’énergie. Pour cela, elles peuvent se faire financer soit par des subventions publiques, soit par des dispositifs de type certificats d’économie d’énergie (C2E), qui visent cet objectif. Quand il s’agit de subventions publiques, elles ne rencontrent pas de problème pour étaler leur amortissement sur plusieurs exercices, alors que c’est impossible dans le cadre de certificats d’économie d’énergie.
Cet amendement vise donc à corriger cela en rendant possible un tel amortissement. Il est financièrement neutre pour l’État et permet d’éviter les effets de bord pour les entreprises agroalimentaires. En effet, si ces dernières, quand elles bénéficient de subventions, doivent payer l’impôt sur les sociétés l’année même de l’investissement, elles risquent d’être mises à mal. Or elles le sont déjà suffisamment dans la situation actuelle. Il me semble donc important de les accompagner. Encore une fois, cet amendement ne coûte rien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Actuellement, seules sont amortissables les subventions d’équipement accordées à une entreprise par l’Union européenne, l’État ou les collectivités publiques. L’extension de cette possibilité aux financements attribués via les certificats d’économie d’énergie dépasse le champ de l’article, qui réserve ce bénéfice aux subventions publiques.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que le PLFR soit le meilleur véhicule législatif pour adopter un tel dispositif.
Enfin, nous allons examiner, dans le cadre du PLF pour 2021, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » qui contient un volet de 200 millions d’euros consacré à la rénovation énergétique pour les PME et qui incitera également à la réalisation de dépenses de rénovation. S’y ajoutera un crédit d’impôt de 30 % pour un panel de dépenses éligibles.
Tels sont les raisons pour lesquelles l’avis est défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.
L’amendement de M. Canevet nous oblige à mener une réflexion sur le fonctionnement des certificats d’économie d’énergie, dont certains rapports ont pu montrer qu’ils présentaient parfois un caractère inflationniste.
Au-delà de l’extension d’un mécanisme d’étalement réservé aux subventions publiques à un financement privé – même s’ils sont émis par l’État, les C2E sont assimilés à des mécanismes de financement privé –, il y a derrière vos interrogations un véritable besoin de réforme pour éviter cet effet inflationniste et mieux maîtriser ces dispositifs. Cela devra toutefois relever de textes ultérieurs, et non du PLFR 4.
M. le président. Monsieur Canevet, l’amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, monsieur le président, je vais le retirer. Mais il y a tout de même un vrai problème : les C2E participent de l’action publique. Le fait de ne pas pouvoir les intégrer dans l’étalement des amortissements ne va pas dans le bon sens.
Il me semble préférable que les entreprises aient recours à ce dispositif, plutôt que de solliciter des financements publics, dont beaucoup d’acteurs ont besoin par ailleurs. Si l’on peut s’en passer et compter sur le privé, c’est mieux. Il ne faut donc pas pénaliser les entreprises qui parviennent à trouver des dispositifs de financement par ce biais. Or c’est à cela que l’on aboutit.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié est retiré.
L’amendement n° 135 rectifié, présenté par M. Canevet, Mmes N. Goulet, Billon et Sollogoub et MM. Levi, Kern, Le Nay, Cigolotti, Delcros, Delahaye et Détraigne, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au deuxième alinéa du III de l’article 80 quaterdecies du code général des impôts, les mots : « lorsque l’attribution a été réalisée au profit de l’ensemble des salariés de l’entreprise » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement vise à favoriser l’actionnariat salarié. Dans certains cas, l’article 80 quaterdecies du code général des impôts impose des conditions. J’entends lever l’une d’entre : celle en vertu de laquelle tous les salariés sont automatiquement bénéficiaires de la distribution d’actions. Cette exigence ne permet pas de réaliser toutes les opérations chaque fois qu’elles sont possibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Là encore, je propose le retrait de cet amendement, qui concerne un sujet relevant typiquement du PLF, et non du PLFR.
L’amendement pose en outre quelques problèmes, mais je suppose que vous le présenterez de nouveau durant l’examen du PLF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Michel Canevet, l’amendement n° 135 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 135 rectifié est retiré.
L’amendement n° 137 rectifié, présenté par M. Canevet, Mmes N. Goulet, Billon et Sollogoub et MM. Levi, Kern, Le Nay, Cigolotti et Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article 163 quinquies B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au second alinéa du 1° quater, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « ou d’entités mentionnées au premier alinéa du 1° quinquies » ;
2° Au second alinéa du 1° quinquies, après la référence : « 1° quater », sont insérés les mots : « ou d’entités mentionnées au premier alinéa ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement concerne le fonds commun de placements à risques et vise à assouplir le dispositif en introduisant la possibilité de recourir à des fonds interposés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de cet amendement. Le dispositif structurant en matière de capital-investissement que mon collègue propose requiert une évaluation approfondie à laquelle il faut à mon sens procéder, ce qui n’empêche pas de déposer cet amendement sur le PLF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Canevet, l’amendement n° 137 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 137 rectifié est retiré.
L’amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209… ainsi rédigé :
« Art. 209…. – I. – 1. Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
« 2. Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union européenne ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.
« 3. Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui-ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :
« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;
« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;
« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.
« 4. En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.
« 5. En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :
« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;
« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers, mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.
« 6. L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.
« 7. La part du total des produits mentionnée au a du 3 est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis.
« II. – 1. Les bénéfices qui sont attribuables à une présence numérique significative ou au regard d’une présence numérique significative sur le territoire national sont imposables dans le cadre fiscal applicable aux entreprises.
« 2. Les bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative sont ceux que la présence numérique aurait réalisés s’il s’était agi d’une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, par l’intermédiaire d’une interface numérique.
« 3. Aux fins du 2 du présent II, la détermination des bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative repose sur une analyse fonctionnelle. Afin de déterminer les fonctions de la présence numérique significative et de lui attribuer la propriété économique des actifs et les risques, les activités économiquement significatives exercées par cette présence par l’intermédiaire d’une interface numérique sont prises en considération. Pour ce faire, les activités réalisées par l’entreprise par l’intermédiaire d’une interface numérique en relation avec des données ou des utilisateurs sont considérées comme des activités économiquement significatives de la présence numérique significative qui attribuent les risques et la propriété économique des actifs à cette présence.
« 4. Lors de la détermination des bénéfices attribuables conformément au 2, il est dûment tenu compte des activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative qui sont pertinentes pour le développement, l’amélioration, la maintenance, la protection et l’exploitation des actifs incorporels de l’entreprise.
« 5. Les activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative par l’intermédiaire d’une interface numérique comprennent, entre autres, les activités suivantes :
« a) La collecte, le stockage, le traitement, l’analyse, le déploiement et la vente de données au niveau de l’utilisateur ;
« b) La collecte, le stockage, le traitement et l’affichage du contenu généré par l’utilisateur ;
« c) La vente d’espaces publicitaires en ligne ;
« d) La mise à disposition de contenu créé par des tiers sur un marché numérique ;
« e) La fourniture de tout service numérique non énuméré aux a à d. Un décret en Conseil d’État peut compléter cette liste.
« 6. Pour déterminer les bénéfices attribuables au titre des 1 à 4, le contribuable utilise la méthode de partage des bénéfices, à moins que le contribuable ne prouve qu’une autre méthode fondée sur des principes acceptés au niveau international est plus adéquate eu égard aux résultats de l’analyse fonctionnelle. Les facteurs de partage peuvent inclure les dépenses engagées pour la recherche, le développement et la commercialisation, ainsi que le nombre d’utilisateurs et les données recueillies par État membre.
« III. – Les données qui peuvent être recueillies auprès des utilisateurs aux fins de l’application du présent article sont limitées aux données indiquant l’État dans lequel se trouvent les utilisateurs, sans permettre l’identification de l’utilisateur. »
La parole est à M. Éric Bocquet.