M. le président. L’amendement n° 3 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 1er et de l’annexe 1.
(L’article 1er et l’annexe 1 sont adoptés.)
Article 2
Par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L. 451-5 du code du patrimoine, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée de l’Armée, dont la référence figure en annexe à la présente loi, cesse de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour transférer ce bien à la République du Sénégal.
Annexe 2 à l’article 2
Numéro d’inventaire du musée de l’Armée : 6995/Cd 526 – Sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall.
M. le président. L’amendement n° 4 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 2 et de l’annexe 2.
(L’article 2 et l’annexe 2 sont adoptés.)
Article 3 (nouveau)
Le titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VII
« Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d’œuvres d’art extra-occidentales
« Art. L. 117-1. – Le Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d’œuvres d’art extra-occidentales a pour missions :
« 1° De donner son avis, avant toute réponse officielle de la part des autorités françaises, sur les réclamations de biens culturels présentées par des États étrangers qui ne relèvent pas du chapitre II du présent titre. Il est saisi à cette fin par le ministère des affaires étrangères dès la réception d’une telle réclamation. Son avis est rendu public ;
« 2° De fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils en matière de circulation et de retour des œuvres d’art extra-occidentales. Il peut être consulté à cette fin par les ministres intéressés, ainsi que par les présidents des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« Il peut consulter toute personne susceptible de l’éclairer dans l’accomplissement de ses missions.
« Art. L. 117-2. – Le Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d’œuvres d’art extra-occidentales comprend un nombre maximal de douze membres, dont au moins :
« 1° Trois représentants des personnels mentionnés à l’article L. 442-8 ;
« 2° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’histoire ;
« 3° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’histoire de l’art ;
« 4° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière d’ethnologie ;
« 5° Une personnalité qualifiée nommée en raison de sa compétence en matière de droit du patrimoine culturel.
« Ses membres sont nommés conjointement par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé de la recherche.
« Art. L. 117-3. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par M. Masson.
L’amendement n° 7 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 5 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 7.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement tend à supprimer l’article 3, ajouté par le Sénat, qui crée un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour d’œuvres d’art extra-occidentales.
Bien entendu, toute proposition de restitution doit faire l’objet d’un travail scientifique. Sur ce point, nous sommes parfaitement d’accord. D’ailleurs, en répondant aux orateurs et en vous répondant, madame la rapporteure, j’ai dit à quel point nous y avons veillé : ce projet de loi garantit la mise en œuvre des recherches historiques et des études d’impact. Une telle commission pourrait mener un travail intéressant, mais l’expertise scientifique est déjà parfaitement convoquée.
Surtout, je pense au danger que représenterait cette commission : elle vous imposerait inévitablement une position dogmatique. Ce faisant, elle contreviendrait au principe revendiqué par tous les orateurs, à une exception près, à savoir l’inaliénabilité. Ces œuvres font partie du patrimoine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour ce qui concerne la restitution des œuvres, ce conseil élaborerait une doctrine ou des procédures dont on ne pourrait s’échapper. Cette méthode me paraît receler des dangers majeurs : elle contrevient au principe que vous avez vous-mêmes retenu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Madame la ministre, je me doutais que le Gouvernement proposerait la suppression de cet article important, introduit par la commission et voté à l’unanimité, tous groupes confondus.
Les membres de la commission se sont bien entendus quant à l’objet de ce conseil.
Tout d’abord, les mots ont leur importance : il s’agit, non pas d’une commission ou d’un comité – ces termes renvoient à des instances très formalisées, édictant des avis prescriptifs –, mais d’un conseil.
Vous avez évoqué la démarche scientifique engagée conjointement par vous-même, à la suite de votre prédécesseur, et par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation – sur ce sujet, je suis néanmoins sans nouvelles de sa part… Les nombreux musées en dehors de Paris, dont nous n’avons pas parlé, sont en effet sous cette double tutelle.
J’ai bien compris qu’un travail scientifique avait été accompli pour procéder à la restitution de ces objets et que vous comptiez le prolonger. D’ailleurs, pour avoir également eu des échanges avec des représentants du ministère des affaires étrangères, j’ai cru comprendre que, sur cette question, un travail interministériel se dessinait pour l’avenir.
Mais, pour notre part, nous souhaitons une instance pérenne, qui survive aux gouvernements, aux changements de ministres, au renouvellement des assemblées parlementaires, et qui puisse enfin s’inscrire dans la durée.
Je travaille sur ces questions depuis dix ans et je ne le sais que trop : faute d’impulsion politique, les volontés s’étiolent au sein des ministères, qui plus est quand ces derniers ne disposent pas des moyens nécessaires. J’en veux pour preuve divers témoignages : le ministère de la culture n’avance pas très vite pour la restitution des biens spoliés – j’y insiste, faute de moyens –, alors que le sujet fait consensus.
Qu’il s’agisse du Parlement ou du Gouvernement, le politique doit donc disposer d’un tel conseil, qui sera un outil d’aide à la réflexion : chaque fois qu’une demande est émise, il doit être éclairé par les bonnes expertises. Les spécialistes de la question doivent s’exprimer, dans une variété d’approches : outre les directions des musées, il faut entendre les historiens de l’art, les anthropologues ou encore les juristes.
À ce titre, je vous renvoie à l’excellent rapport de Michel Van Praët et du groupe de travail sur la problématique des restes humains dans les collections publiques, réuni au sein de la Commission scientifique nationale des collections.
Il ne s’agit en aucun cas de privilégier une approche dogmatique, mais de mener une réflexion très approfondie, fondée sur un faisceau d’appréciations, pour apporter une réponse simple à chaque demande de restitution d’œuvres patrimonialisées. On évitera ainsi les réponses tous azimuts, ne concernant pas véritablement ce qui doit être considéré comme pouvant et devant revenir au pays d’origine.
En créant cet outil, nous voulons tout simplement permettre un travail de fond en continu. Je le répète, je l’ai vécu – je connais la qualité du travail mené par les représentants de l’institution muséale, et ils me pardonneront de le souligner : il y a eu beaucoup de résistances pour s’engager dans cette voie. On s’est souvent voilé la face. Or le vaste mouvement de restitution est là, devant nous, dans tous les pays européens qui ont un passé colonial.
Il faut regarder les choses en face et faire un travail de fond tranquillement, sereinement, pour éclairer le politique tout en respectant le principe d’inaliénabilité. Il faut étudier ces questions au cas par cas. Étant donné leur place dans l’histoire et dans la culture des pays, certains objets très symboliques doivent peut-être faire l’objet d’une loi d’exception.
Il me semble donc que nous sommes complètement d’accord quant au but à atteindre ; mais, pour notre part, nous retenons une autre méthode. Il s’agit notamment de se prémunir contre la tentation du fait du prince.
Pour la signature d’un contrat avec une filiale d’Alstom, François Mitterrand était allé en Corée du Sud au début des années 1980. À cette occasion, il avait rendu l’un des 297 manuscrits coréens détenus par la Bibliothèque nationale de France : vous imaginez le tollé que cette restitution a provoqué à l’époque.
Par la suite, Nicolas Sarkozy s’est vu reprocher de semblables faits du prince. Aujourd’hui, c’est au tour d’Emmanuel Macron : de telles critiques peuvent donc toucher tous les Présidents de la République. En ce sens, l’éclairage pérenne du conseil national de réflexion serait extrêmement utile !
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, il s’agit non pas de créer ce conseil, mais de le restituer… (Sourires.) En effet, une telle instance existait déjà par le passé !
Ce conseil est essentiel pour permettre un débat contradictoire, transparent et public – ce sont là trois critères fondamentaux pour apporter un éclairage sur ces œuvres – en garantissant une distanciation historique et en assurant l’information du Parlement.
Nous venons de voter l’article 2 ; néanmoins, nous aurions pu palabrer sur le choix du sabre. Pour ce qui concerne l’origine de cet objet, l’étude d’impact et l’exposé des motifs se contredisent. Il apparaît que ce sabre n’a jamais appartenu à Omar Tall : il a été offert par Faidherbe à son fils avant d’être repris par un autre général. Sa lame est française – modèle Montmorency, 1820, fabriqué en Haute-Alsace –, il a été donné par un général français et repris par un général français !
Est-ce vraiment ce qu’aurait choisi le Sénégal ? Je n’en suis pas sûr. D’ailleurs, quand on reprend le rapport Sarr-Savoy, on s’aperçoit que la demande vient non de la République du Sénégal, mais de la famille d’Omar Tall. Or le même rapport précise que les restitutions doivent relever de relations d’État à État. Il s’agit d’une clause forte, qui, manifestement, n’a pas été respectée en l’occurrence.
Un débat contradictoire et public, fondé sur des pièces, est donc bel et bien nécessaire, faute de quoi l’on en arrive à de telles décisions. Nous avons voté cet article à l’unanimité. Je ne le regrette pas. Mais on sent que l’on nous a un peu forcé la main : si le Sénégal avait pu choisir, il aurait sans doute préféré la bibliothèque d’Omar Tall, que les armées françaises ont également prise à Ségou. Ses 518 volumes, aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France, sont extrêmement importants pour toute la tradition soufie de la confrérie Tijaniyya, dont Oumar Tall était le représentant !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Finalement, en la matière, deux constances se font face.
D’un côté, le Sénat déplore la suppression, par le projet de loi ASAP, de la Commission scientifique nationale des collections : nous en avons débattu dans cet hémicycle et, avec de nombreux membres de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly a regretté que l’on ait tout fait pour empêcher le fonctionnement de la CSNC, notamment en la privant de moyens.
De l’autre, quel que soit le ministre en poste, le ministère de la culture ne souhaite pas que cette commission fonctionne.
Madame la ministre, nous sommes là au cœur de nos divergences. Personnellement, je ne sais pas comment l’on mobilise des expertises sans une méthode, sans un cadre, sans un minimum de rigueur. En procédant au cas par cas, on n’échappe pas au fait du prince. Ce que Pierre Ouzoulias a dit au sujet du sabre l’illustre parfaitement : un peu d’expertise aurait certainement permis d’aborder la question autrement.
Sans le cadre commun que nous vous proposons avec constance, vous ne pourrez pas éviter le fait du prince. Catherine Morin-Desailly l’a rappelé à juste titre : tous les chefs d’État, tous les présidents, tous les princes de l’instant peuvent avoir cette tentation. Le chancelier de L’Hospital nous observe. (L’orateur désigne la statue de Michel de L’Hospital.) Depuis l’édit de Moulins, le patrimoine national n’est plus à la disposition du prince : il s’agit là d’un principe fondateur de notre nation.
Il faut s’opposer au fait du prince : nous nous y opposons avec force et avec constance !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, notre groupe va effectivement voter contre l’amendement du Gouvernement.
Nous avons retenu le dispositif proposé par Catherine Morin-Desailly, et pour cause : c’est le seul que nous ayons trouvé pour entraver un tant soit peu l’action du prince. Nous ne voulons pas, à l’avenir, être placés de nouveau dans la situation de contrainte où nous nous trouvons aujourd’hui.
Le présent texte – je le relève à mon tour – est un projet de loi de ratification, voire de régularisation. On demande au Parlement d’entériner juridiquement ce qui a été promis, voire, pour le fameux sabre, ce qui a déjà été accompli dans les faits.
Bien entendu, nous tous ici sommes attachés au caractère inaliénable des œuvres : il s’agit du patrimoine de la Nation !
À cet égard, nos positions sont aux antipodes l’une de l’autre. Vous estimez qu’il faut recourir à des projets de loi d’exception : très bien ! D’ailleurs, nous reviendrons sur ce point en débattant de l’intitulé du texte. Vous ajoutez qu’il faut juger au cas par cas. Mais, de notre côté, nous voulons une procédure encadrant l’action du prince.
Avec ce texte d’exception, vous ouvrez un champ infini de précédents. Max Brisson l’a dit : le président du Bénin a déjà déclaré que cette démarche était insuffisante. Déjà, cinq ou six autres pays africains demandent la restitution d’au moins 13 000 objets. Où va-t-on s’arrêter ?
L’an dernier, le Parlement belge a voté une résolution tendant à engager un dialogue avec la France au sujet des quelque 200 œuvres – sculptures et peintures, notamment de l’école de Rubens – saisies comme prises de guerre lors de la Révolution et de la période napoléonienne. Y a-t-il de bons et de mauvais tributs de guerre ?
Nous voulons poser un cadre : souffrez simplement que nous cherchions une procédure nous protégeant, pour l’avenir, contre la prolifération des lois d’exception. Notre patrimoine appartient au peuple français et il faut garantir son caractère inaliénable.
En commission, la proposition de Catherine Morin-Desailly a rallié une très large majorité, bien au-delà de nos appartenances partisanes respectives !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Ce débat est très intéressant ! Pour Mme la rapporteure, le conseil national de réflexion a vocation à donner un avis scientifique éclairé. D’ailleurs, il serait composé presque exclusivement de personnalités qualifiées se prononçant sur la provenance et la qualité des œuvres.
Or, pour vous, monsieur Retailleau, le rôle de ce conseil est d’empêcher le fait du prince…
M. Bruno Retailleau. De l’encadrer !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Ces deux visions sont parfaitement contradictoires.
Soit c’est une démarche scientifique d’analyse des œuvres ; soit c’est une procédure qui, comme vous le souhaitez, contraint le pouvoir exécutif…
M. Bruno Retailleau. À la transparence !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je ne porte pas de jugement de valeur : vous avez bien dit que ce conseil doit empêcher le fait du prince ! On voit bien toute l’ambiguïté de cette démarche.
M. Max Brisson. Que proposez-vous ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Pour notre part – je l’ai dit –, nous réaffirmons le caractère inaliénable des biens détenus par les musées français. Il faut suivre, projet de loi après projet de loi, une procédure dérogatoire – je n’aime pas le terme « loi d’exception ». Dès lors, chaque sujet est examiné de manière spécifique, suivant une procédure scientifique parfaitement définie.
Monsieur Ouzoulias, en l’occurrence, nous n’avons pas eu besoin de ce conseil pour obtenir une parfaite description des œuvres : le travail scientifique a été fait. La provenance du sabre d’El Hadj Omar Tall a été parfaitement établie. Toute son histoire a été décrite. De même, on connaît en détail le pillage du palais d’Abomey, auquel le roi Béhanzin avait mis le feu. Sur le plan scientifique, tout le monde a été parfaitement éclairé.
M. Max Brisson. Fixez une méthode !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Enfin, cette affaire présente un aspect diplomatique, qui est au moins aussi important. Or les diplomates seraient complètement absents de ce conseil scientifique, alors qu’une telle démarche ne peut pas les laisser de côté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes donc bien en pleine ambiguïté !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la ministre, nous avons un désaccord, d’ailleurs pas tant sur le fond de vos propos que, plus globalement, sur la manière d’aborder ces questions.
Je ne parlerai pas du fait du prince – la formule peut être quelque peu blessante. Je dirai plutôt que deux logiques coexistent au sein de l’État et peuvent entrer en confrontation.
D’un côté, il y a votre logique, celle de l’administration de la culture : une logique patrimoniale que nous partageons non seulement au sein de notre commission, mais, assez largement, au Sénat. De l’autre, il y a la logique diplomatique dont vous avez parlé : une logique qui parfois interfère et entre en opposition – qui joue, en tout cas, un jeu différent.
Nous savons bien que ces restitutions, celles dont nous parlons comme les autres, antérieures ou à venir, donnent lieu, à un moment donné, à une confrontation au sein de l’État entre ces deux logiques. L’intérêt de ce conseil est précisément de participer à l’élaboration d’une décision interministérielle, qui équilibre les deux logiques et permette la prise en compte de chaque dimension.
Nul n’ignore la dimension diplomatique de ces restitutions ;…
M. Max Brisson. C’est pour l’instant la seule !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. … nul n’ignore non plus qu’elle est particulièrement importante pour la France dans le cadre de son dialogue avec l’Afrique. Reste que le choix des œuvres doit obéir aussi à une logique culturelle et patrimoniale.
Vous avez fait remarquer, à juste titre, que nous n’avions pas intégré dans le conseil un représentant du Quai d’Orsay. S’il ne s’agit que de cela, nous pouvons très probablement le faire. Au reste, l’approche interministérielle que nous souhaitons promouvoir à travers ce conseil en sera renforcée.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 8 est présenté par M. Dossus, Mme de Marco, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 3, 4 et 8
Remplacer les mots :
d’œuvres d’art extra-occidentales
par les mots :
de biens culturels extra-européens
II. - Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
œuvres d’art extra-occidentales
par les mots :
biens culturels extra-européens
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement, très simple, vise à clarifier deux termes : d’une part, il s’agit d’introduire la notion de biens culturels, reconnue par le droit du patrimoine en France ; d’autre part, de lever l’ambiguïté associée au qualificatif « occidental » – la Nouvelle-Zélande peut être considérée comme un pays occidental – en privilégiant une acception géographique limitée.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Thomas Dossus. Il est défendu.
M. le président. Le sous-amendement n° 10, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Alinéa 5, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et ne portent pas sur des restes humains
II. – Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :
et compléter cette phrase par les mots :
, hors restes humains
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Les amendements identiques nos 2 et 8 et l’amendement n° 6, très proches sur le fond, vont dans le sens des discussions constructives que nous avons menées en commission autour du rôle et du périmètre de cette nouvelle instance. Je remercie chacune et chacun d’avoir bien contribué à éclairer et à approfondir le débat jusqu’à ce soir.
La commission a jugé tout à fait approprié d’élargir le périmètre du conseil national à l’ensemble des cas extra-européens, plutôt qu’extra-occidentaux, afin de lui permettre de se prononcer sur les demandes qui pourraient émaner d’autres pays eux aussi précédemment colonisés : je pense à l’Amérique du Nord, à l’Australie ou encore à la Nouvelle-Zélande – je suis bien placée pour le dire.
En revanche, pour ne pas alourdir excessivement l’appellation du conseil, il nous semble préférable de faire référence à la notion de biens extra-européens, prévue par les amendements identiques nos 2 et 8, plutôt qu’à celle de biens originaires d’un État non membre de l’Union européenne, prévue par l’amendement n° 6, que Mme Lepage présentera dans quelques instants.
Élargir le périmètre du conseil national à l’ensemble des biens culturels présente l’avantage de lui donner compétence pour les demandes relatives à des objets, au-delà des œuvres d’art – je le concède volontiers ; en revanche, cela présente l’inconvénient d’élargir son périmètre à la question des restes humains, alors qu’un travail de fond a déjà été mené en la matière, aboutissant à un consensus scientifique. De là mon sous-amendement n° 10, tendant à exclure les restes humains du champ de compétence du conseil national.
La commission est favorable aux amendements identiques nos 2 et 8, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Lepage, MM. Antiste, Assouline, Lozach et Magner, Mmes Monier et S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3, 4 et 8
Remplacer les mots :
d’œuvres d’art extra-occidentales
par les mots :
de biens culturels originaires d’un État non membre de l’Union européenne
II. – Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
œuvres d’art extra-occidentales
par les mots :
biens culturels originaires d’un État non membre de l’Union européenne
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Cet amendement vise aussi à remplacer la notion « d’œuvres d’art » par celle de « biens culturels », pour les raisons qui ont été expliquées. Je conçois, madame la rapporteure, que l’expression « biens culturels originaires d’un État non membre de l’Union européenne » soit un peu lourde dans le titre du conseil… Je me rallie à votre avis et aux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Les deux amendements identiques et le sous-amendement visent des modifications terminologiques qui n’apportent pas véritablement de différences conceptuelles, maintenant que vous avez entériné la création de ce conseil.
La notion de « biens culturels », plus large que celle d’« œuvres d’art » est, en effet, inscrite dans le code du patrimoine.
S’agissant du remplacement du terme « extra-occidental » par « extra-européen », mon ministère, s’appuyant sur l’avis des spécialistes des musées concernés, conserve une préférence pour la première formule, comme le montrent les journées professionnelles et les séminaires de recherche qu’il organise, avec des musées nationaux ou l’Institut national d’histoire de l’art, dont les intitulés mentionnent bien : collections extra-occidentales ou art extra-occidental.
Vous ayant livré ces réflexions, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 8, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 6 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Intitulé du projet de loi
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Brisson, Retailleau, Bonne et Cuypers, Mmes Bourrat, Berthet, Drexler, Bonfanti-Dossat et M. Mercier, M. Bazin, Mmes Goy-Chavent, Micouleau, Dumas et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Chain-Larché, MM. Savin, J.M. Boyer, Mouiller, Duplomb, Vogel et Rapin, Mme de Cidrac, M. Courtial, Mmes Gruny et Eustache-Brinio, MM. Genet, Cardoux et Hugonet, Mme Deroche, M. Calvet, Mme Imbert, M. Piednoir, Mmes Di Folco et L. Darcos, MM. Regnard et Savary, Mme Joseph, M. Karoutchi, Mme Belrhiti, MM. de Legge et Bascher, Mme Lavarde, MM. Sido, Longuet, J.B. Blanc, Milon, Anglars, Belin et Sautarel, Mmes Schalck et Ventalon, MM. C. Vial et Mandelli, Mme Lherbier, MM. B. Fournier et Chevrollier, Mme Lopez et MM. Bonhomme, Laménie, Segouin, Gremillet, Bouchet et Husson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi d’exception portant sur le transfert de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal
La parole est à M. Max Brisson.