M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Duplomb, votre question m’offre l’occasion de clarifier certains éléments que, semble-t-il, vous n’auriez pas perçus ou, peut-être, que vous auriez fait semblant de ne pas percevoir…
Elle est en tout cas l’occasion de faire le point sur la situation des services de réanimation, qui sont fortement mobilisés dans la gestion de cette crise. À cet égard, je me permets de saluer, moi aussi, l’engagement de ces équipes.
M. Laurent Duplomb. Cela n’a rien à voir !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Hier, le nombre de nos concitoyens patients covid pris en charge en réanimation atteignait 3 878. Cela représente d’ores et déjà 76,5 % de nos capacités initiales de prise en charge en réanimation, soit les 5 100 lits que vous évoquiez au début de votre intervention. À titre de comparaison, sachez que ce niveau équivaut à celui de la dernière semaine de mars.
Il est donc impératif, vous le comprenez bien, que nous puissions continuer à prendre en charge les besoins en réanimation, qu’ils soient covid ou non. Pour ce faire, nous agissons sur deux leviers : la déprogrammation, qui a été évoquée à l’occasion de la question de la sénatrice Catherine Deroche, et la mobilisation d’autres lits.
À ce titre, je ne puis que m’élever en faux contre les propos que vous avez tenus. Dès l’été, nous avons effectivement porté à 5 800 – c’est le chiffre que vous avez donné – le nombre de lits en réanimation. Mais, la semaine dernière, nous avons atteint un niveau de 6 400 lits et visons, pour la fin de semaine prochaine, un palier à 7 700 lits.
M. Max Brisson. Il en manque encore !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le prochain palier que nous sommes en mesure d’atteindre, monsieur le sénateur Duplomb, est fixé à 10 500 lits en réanimation.
Sachez par ailleurs que les ARS soutiennent les coopérations entre établissements et les transferts vers d’autres régions – on le sait, la situation sera plus difficile à gérer au cours de cette seconde vague, l’ensemble du territoire national étant touché de la même façon –, mais aussi vers des pays étrangers.
Enfin, comme vous le savez, les lits ou le matériel ne suffisent pas ; il faut aussi des hommes !
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Depuis le début de la crise, nous avons formé 7 000 professionnels de santé pour qu’ils puissent agir dans les services de réanimation, et je veux ici saluer leur engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.
M. Laurent Duplomb. La vérité, c’est que le Gouvernement a échoué !
Vous avez échoué à créer ces lits, préférant vous réfugier derrière une administration française engluée dans ses certitudes et sa technocratie et pour laquelle tout est impossible !
Où sont les 10 000 respirateurs commandés, qui, pour moitié, se sont d’ailleurs révélés inopérants ? Où sont les 7 000 personnels soignants supplémentaires que vous venez de mentionner et qui ont également été annoncés par le Président de la République, mercredi dernier ? Pourquoi aucun lien n’est noué entre les hôpitaux publics et les cliniques privées ? (M. le Premier ministre proteste.)
La vérité, monsieur le Premier ministre, c’est que, si vous aviez bien géré l’après-première vague, nous n’aurions pas à connaître un deuxième confinement ! Et je ne peux accepter que, à cause de votre entêtement, nous en connaissions, croyez-moi, un troisième, un quatrième et, peut-être, un cinquième ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
menaces sur action logement
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Valérie Létard. Monsieur le Premier ministre, notre pays vit des heures graves. En même temps que les attentats et la pandémie, c’est la crise économique et sociale qu’il nous faut combattre. La pauvreté progresse ; un nombre croissant de Français bascule dans la précarité.
Après le travail, c’est la perte du logement qui inquiète. Pourrais-je payer mon loyer ? Pourrais-je loger ma famille et mes enfants ? Voilà les questions qui nous sont posées, à nous parlementaires de terrain. Dans ce domaine, aussi, nos compatriotes ont besoin d’être rassurés et protégés.
Monsieur le Premier ministre, comme la sécurité sociale, le logement, particulièrement le 1 % Logement, devenu Action Logement, fait partie du pacte social que nous avons hérité de la Résistance et de l’après-guerre.
Cet héritage est le fruit d’une triple volonté : garantir et sanctuariser, chaque année, des moyens financiers au logement, y compris dans les périodes difficiles ; gérer ces sommes de manière paritaire, entre patrons et salariés ; mener des actions complémentaires à celles de l’État, dans un esprit de responsabilité sociale pour tous les Français, à commencer par les plus modestes.
Ce modèle, ce n’est pas quelque chose du passé qui, sous des prétextes techniques, devrait être abandonné. C’est un modèle pour aujourd’hui, un modèle d’union nationale pour une France qui donne ses chances à chacun.
Dans le moment historique que nous vivons, monsieur le Premier ministre, quelles sont les intentions de votre gouvernement en matière de logement, en particulier à l’égard du pilier de notre modèle social que constitue Action Logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice, Action Logement est un partenaire essentiel du Gouvernement dans la mise en œuvre des politiques du logement ; il s’agit notamment du principal financeur de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et ses filiales assurent 40 % de la production annuelle de logements sociaux.
Le partenariat entre l’État et Action Logement est essentiel, comme l’a montré la récente extension aux salariés modestes de l’aide aux impayés de loyer. Le Gouvernement n’a donc aucunement l’intention de déstabiliser cet organisme ou de diminuer sa capacité de soutien au secteur du logement. (Brouhaha.)
Pour autant, il paraît important de moderniser le fonctionnement et la gouvernance de ce groupe, tout en maintenant sa gestion paritaire. La réforme engagée en 2016 n’a pas été menée à son terme : demeurent d’importants dysfonctionnements d’organisation et d’exécution.
Cette réforme permettra également de clarifier la répartition des rôles entre l’État et Action Logement, tout en améliorant la lisibilité et l’efficience des interventions déployées en faveur des citoyens et des entreprises.
Vous le savez, le Gouvernement privilégie la concertation avec les partenaires sociaux pour définir des évolutions, les mettre en œuvre et les contractualiser. Cette concertation a d’ores et déjà commencé. D’ailleurs, l’ensemble des partenaires sociaux seront reçus, dès demain, par Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon et Olivier Dussopt.
Ces discussions ont vocation à aboutir au printemps de 2021. Elles doivent permettre d’améliorer la gouvernance d’Action Logement et de contractualiser une trajectoire quinquennale ambitieuse, qu’il s’agisse des interventions ou des investissements.
Si la trésorerie d’Action Logement est structurellement bénéficiaire, c’est bien l’utilisation optimale de la participation de l’employeur à l’effort de construction que nous visons ; cette ressource doit bénéficier le mieux possible à la politique du logement et aux salariés.
Dans les prochains jours, le Gouvernement déposera un amendement au projet de loi de finances, afin d’assurer, par voie d’ordonnance, les modifications législatives qu’appelleront les conclusions de la concertation. Vous pouvez être assurée de la pérennité de cette structure ! (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.
Mme Valérie Létard. Je le rappelle à chacun : Action Logement est pour ainsi dire l’unique financeur du logement en France. Il ne s’agit donc pas d’une petite affaire !
Aujourd’hui, nous devons assurer la relance du bâtiment, qu’il s’agisse de la construction ou de la rénovation. Nous devons être au rendez-vous de la mobilité des salariés. Nous devons être là pour faire face aux impayés de loyer, qui menacent plus d’un million de Français, frappés par les difficultés économiques.
Dans un tel contexte, peut-on objectivement remettre en question Action Logement, imposer un délai de trois ans pour mettre la machine en route sous prétexte de la réformer ? Bien au contraire, il faut accélérer la machine ; nous devons être au côté d’Action Logement pour lui permettre d’être efficace, tous ensemble !
Monsieur le Premier ministre, je connais l’intérêt que vous portez à ce sujet. Nous comptons sur vous pour éviter tout passage en force. Il faut assurer une coopération avec les acteurs du logement, le Parlement et les élus locaux, car il s’agit d’une affaire collective.
Nous devons gagner la bataille du logement : ne préemptons pas cet argent pour le verser au pot commun, au moment où – on le sait bien – ce sujet va être majeur ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
situation des commerces de proximité
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Monsieur le ministre, la question que je vais poser n’est pas la mienne, mais celle de centaines de personnes – élus locaux, commerçants ou indépendants – à qui j’ai eu l’occasion de parler au téléphone ces derniers jours.
Tous ces professionnels, je dis bien tous, sont dans une situation désespérée : ils n’attendent rien de bon pour leur activité, et leur existence vire parfois au drame. Plusieurs maires m’ont ainsi parlé de cas de détresse psychologique chez les commerçants de leur commune.
Je pense notamment à ce restaurateur de 62 ans, qui, à la veille d’une retraite qu’il espérait paisible, a dû réinjecter l’épargne de toute une vie dans son entreprise. Il n’a plus rien, et son entreprise va être mise en liquidation, car il est incapable d’honorer ses engagements. En pleine détresse psychologique, ce restaurateur a dû être interné in extremis par le maire de sa commune.
Bien sûr, je suis conscient de la gravité de la crise sanitaire, mais on ne peut opposer les morts du covid aux morts économiques. Vous imposez ce confinement à des commerçants qui n’ont fait que respecter les mesures que vous leur aviez imposées. Rien ne prouve que ces commerces abritent des clusters.
Aussi, ma question est simple : qu’allez-vous faire – enfin ! – pour que nos entreprises puissent reprendre leur activité au plus vite ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, je tiens à revenir un peu plus en détail sur les éléments que vous mentionnez et à exposer quelques considérations.
Tout d’abord, face à la situation dramatique que vous évoquez, le Gouvernement déploie un ensemble d’aides que j’ai précédemment détaillé.
Ensuite – je le souligne également –, nous assumons le primat du sanitaire dans la gestion de cette crise. Cela étant, le Premier ministre, comme il l’a lui-même rappelé, a fait en sorte avec Bruno Le Maire que certaines activités proscrites pendant le premier confinement soient désormais autorisées, afin que l’on puisse continuer à produire et à vivre.
Évidemment, les décisions prises ont de terribles effets de périmètre. Par exemple, certains commerces vendent en même temps de la nourriture et des articles d’habillement. À cet égard, le Premier ministre et Bruno Le Maire ont annoncé la fermeture d’un certain nombre de rayons dans les hypermarchés.
Nous sommes face à une alternative : continuer à prendre des décisions difficiles, en dentelles – vous aurez noté que ces fermetures de rayons ont de graves conséquences sur l’emploi –, ou opter pour un nivellement des normes par le bas. Par capillarité, un tel choix conduirait à rouvrir tous les commerces et, mécaniquement, à augmenter nos interactions sociales en accroissant le nombre de personnes circulant dans les rues.
On peut soutenir cette stratégie, mais elle me paraît assez éloignée de la réalité sanitaire de notre pays. Je vous le rappelle, un Français est contaminé par le covid toutes les deux secondes ; un Français en meurt toutes les quatre minutes… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Face à la réalité sanitaire, il nous faut toujours suivre une ligne de crête, entre la nécessité de faire respecter le confinement au maximum et le soutien au petit commerce ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.
M. Vincent Segouin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous le dis clairement : les mesures prises par ce gouvernement ne sont à la hauteur ni des attentes ni de la situation.
Vous promettez 10 000 euros par entreprise, mais peu auront cette somme. Vous souhaitez étendre le click and collect aux petits commerces, alors que c’est contraire à leur ADN. Vous annoncez des suppressions de charges sociales : ce ne sont que des reports. Vous n’avez aucune stratégie. Vous recourez sans cesse à la dette, mais cette dernière est un poison. Comme l’a dit le Président de la République, la dette, c’est de l’impôt au carré !
Plus je vous écoute, plus votre manque de cohérence me désespère.
On laisse les grandes surfaces ouvertes, mais, en même temps, on ferme les petits commerces, qui pourtant respectent les mesures sanitaires.
On ferme nos restaurants, mais, en même temps, on laisse ouverts des restaurants d’entreprise et des cantines à grande fréquentation.
On empêche les gens d’aller chez le libraire, mais, en même temps, on les laisse se masser dans les transports en commun. (M. le Premier ministre manifeste son exaspération.)
On interdit les coiffeurs à domicile, mais, en même temps, on autorise les livraisons ou les travaux à domicile.
On laisse les gens passer les frontières de notre pays sans aucun contrôle, mais, en même temps, on enferme les Français chez eux en leur imposant de justifier leurs moindres faits et gestes.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Vincent Segouin. Je comprends les Français qui n’acceptent plus vos injonctions. Ils demandent simplement de l’écoute et de la concertation.
Les mesures sont acceptées…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Vincent Segouin. … quand elles sont comprises et cohérentes. Vous n’avez plus la confiance du Sénat ; vous n’avez plus la confiance des maires sur le terrain. (Marques d’impatience sur les travées du groupe RDPI.)
L’agressivité du ministre de la santé envers les députés, hier encore, ou ses propos à l’encontre des maires ne font qu’aggraver cette perte de confiance ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
situation dans le caucase
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Alors que le terrorisme djihadiste frappe de nouveau notre pays et l’Europe, le président Erdogan multiplie les menaces contre la France, comme il l’avait d’ailleurs fait ces derniers mois contre le gouvernement autrichien.
M. Richard Yung. Tout à fait !
M. Rémi Féraud. Sa politique impérialiste se manifeste en Méditerranée, en Libye, en Syrie, en Irak et, désormais, dans le Caucase, où il soutient concrètement l’offensive de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.
Nous soutenons la position claire et ferme du Président de la République, non pas contre le peuple turc, à qui nous exprimons notre solidarité après le tremblement de terre d’Izmir, mais contre un pouvoir autoritaire, qui menace la stabilité de la région et la sécurité de l’Europe,…
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
M. Rémi Féraud. … alors même qu’il est membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.
Monsieur le ministre, il faut maintenant que les actes soient à la hauteur des paroles. La France va-t-elle vraiment demander des sanctions financières contre la Turquie ? Alors que son processus d’adhésion à l’Union européenne est au point mort, ce pays perçoit-il encore des fonds de préadhésion ?
Le boycott des produits français est décrété en violation de l’union douanière entre l’Europe et la Turquie. S’il perdurait, seriez-vous prêt à demander sa suspension ?
En septembre dernier, un rapport de l’ONU a dévoilé les exactions très graves commises à l’encontre des Kurdes de Syrie : quelles suites envisagez-vous d’y donner ? Comptez-vous saisir le Conseil de sécurité des Nations unies ? Pouvez-vous d’ailleurs nous garantir que la France a mis un terme à toute vente de matériel militaire à la Turquie ?
Enfin, après la nécessaire dissolution de l’organisation extrémiste des Loups gris, comptez-vous agir résolument contre l’influence du régime turc sur le territoire national ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et RDPI.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vos questions sont légitimes et totalement pertinentes. (Exclamations sur des travées du groupe SER.)
Une longue liste de désaccords très sérieux nous oppose à Ankara. Nous attendons tout d’abord de la Turquie qu’elle cesse d’avoir un comportement belliqueux dans le voisinage européen. Ses actions unilatérales en Méditerranée orientale, sa politique agressive en Libye et ses manœuvres dans le Haut-Karabakh sont autant de ferments de déstabilisation majeurs. Mais, ces dernières semaines, nous avons franchi dans nos relations avec la Turquie un palier inadmissible entre pays alliés.
Les insultes, les calomnies, la volonté d’instiller une campagne de haine contre la France et l’Europe sont de nature totalement différente : ce sont des menaces. Nous attendons que le président turc et son gouvernement y mettent un terme immédiat. Nous ne tolérerons pas non plus que cette haine et cette violence soient exportées sur le territoire français ; les groupuscules qui les relaient ne doivent pas avoir droit de cité.
En Europe, les réactions de solidarité sont unanimes. Elles le démontrent : il ne s’agit pas d’un simple contentieux franco-turc, mais d’attaques contre l’Europe, ses valeurs et son modèle, fondé sur les libertés fondamentales et l’État de droit.
M. Philippe Pemezec. Alors, pourquoi vouloir laisser la Turquie entrer ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Conseil européen a fixé un rendez-vous le mois dernier, avant même l’escalade à laquelle nous avons assisté. Si la Turquie ne modifie pas fondamentalement et concrètement sa posture avant le Conseil européen de décembre prochain, nous prendrons, à l’échelle européenne, les mesures nécessaires à l’encontre des autorités turques.
Vous avez proposé une liste de sanctions, et je vous assure que, dans cette perspective, toutes les options sont sur la table ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, lors de l’invasion d’Afrine, dans le nord de la Syrie, nous avions alerté quant aux risques d’être faible face aux entreprises du président Erdogan ; la suite a montré que nous avions raison.
Qu’il s’agisse des mots ou des actes, nous veillerons à la fermeté de votre gouvernement ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Julien Bargeton et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
souveraineté de l’industrie de défense
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, ces dernières années, les désordres géopolitiques mondiaux, puis la crise sanitaire, ont replacé au cœur du débat public le concept de souveraineté, qu’elle soit nationale ou européenne.
Contrairement à d’autres secteurs largement délocalisés, les industries de défense françaises continuent à produire en France et pèsent dans notre économie. Engagées au service de la sécurité collective, elles représentent un vivier de compétences rares et d’emplois dans les territoires.
Cette excellence permet à nos armées de disposer de la meilleure technologie possible pour conserver la supériorité sur le terrain. Elle bénéficie également au commerce extérieur, en permettant de rivaliser à l’export avec les pays à bas coûts.
Pour autant, le secteur de la défense n’est pas exempt de fragilités et les confinements de l’année 2020 vont laisser des traces. Vous le savez, les entreprises françaises de technologies sensibles suscitent déjà les convoitises. Certaines d’entre elles sont passées sous contrôle étranger. J’ai également évoqué le cas de Photonis, l’un des leaders mondiaux de la vision nocturne, qui, après maintes péripéties et interventions de l’État, serait sur le point d’être racheté par un groupe américain.
Alors que le Gouvernement brandit partout le concept de souveraineté, comment comptez-vous mieux protéger les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense, ou BITD, et leur permettre de se financer pour assurer leur développement ?
Une solution française pour Photonis semble en train d’émerger : le Gouvernement sera-t-il au rendez-vous pour la faire aboutir ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur, vous évoquez l’entreprise Teledyne et son projet de racheter la société Photonis.
À cette fin, Teledyne a bien présenté une demande d’autorisation au début de l’année 2020. Cette requête a été soumise au processus de contrôle des investissements étrangers en France, les IEF. Photonis – vous l’avez dit également – fournit des entreprises du secteur de la défense française et dispose de technologies de pointe, notamment pour ce qui concerne la vision nocturne.
Comme la loi le prévoit, dans le cadre de la procédure de contrôle des IEF, le Gouvernement a instruit, par l’intermédiaire de Bercy, l’offre de Teledyne. Il a posé un certain nombre de conditions à une éventuelle autorisation de cet investissement.
À cet égard, notre position a toujours été claire : il faut protéger nos entreprises stratégiques et leur technologie, mais il faut aussi rendre possibles des investissements nécessaires au développement des entreprises en question, notamment pour qu’elles puissent rester à la pointe de leur secteur. Tel est l’objectif que nous nous sommes assignés pour l’opération Photonis.
À la suite de nos échanges, l’entreprise Teledyne a fait le choix de retirer son offre de rachat de Photonis. Un certain nombre de solutions existent, mais si Teledyne devait soumettre une nouvelle demande d’autorisation de rachat de Photonis au titre du contrôle des IEF, l’État l’analyserait à la lumière des conditions fixées lors de la première négociation et avec le même objectif : concilier la défense de notre souveraineté technologique et le nécessaire développement de notre industrie de défense.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Monsieur le secrétaire d’État, malgré les éléments que vous mentionnez, Photonis sera racheté par un groupe américain. En outre, cette entreprise a joué des exigences françaises, que vous avez rappelées, pour revoir son prix d’acquisition à la baisse, du moins si l’on en croit la communication tonique de l’acquéreur Teledyne.
Plus que de la communication ou du coup par coup, nous attendons des actes forts pour notre souveraineté ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. J’y associe mon collègue Claude Kern, qui a été le premier à m’alerter à ce sujet.
Notre pays est face à un risque de pénurie de sang, dû tout autant aux difficultés actuelles de collecte qu’à la non-revalorisation des personnels de l’Établissement français du sang, l’EFS.
Nous avons besoin de 10 000 dons par jour pour satisfaire aux soins de 1 million de malades chaque année. Or la crise sanitaire entrave considérablement la collecte : il y a moins de dons de la part des étudiants, qui figurent parmi les populations les plus généreuses en la matière, et moins de personnel dans les entreprises, où ont lieu nombre de collectes. En parallèle, les professionnels de l’EFS sont eux aussi touchés par le virus et nombre de bénévoles sont empêchés pour cause de vulnérabilité.
L’engorgement des hôpitaux, dû à la covid, n’arrange rien : il impose des déprogrammations et des reprogrammations d’opérations qui augmentent les besoins.
Dans ces conditions, l’EFS tire la sonnette d’alarme. Le stock est en grande tension.
Ce problème entre en résonance avec les difficultés du personnel de l’EFS. Alors que le Gouvernement annonce l’accélération de la revalorisation, dans le secteur public, des salaires des professionnels de santé des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, pourquoi avoir exclu du Ségur les professionnels de santé qui travaillent au sein de l’Établissement français du sang ?
Au total, 1 000 médecins, 1 500 à 2 000 infirmières et infirmiers ainsi que de nombreux techniciens de laboratoire sont concernés. Aujourd’hui, ils ressentent un profond sentiment d’injustice. Eux aussi sont au front, depuis longtemps, et plus encore depuis la crise sanitaire.
Monsieur le ministre, allez-vous revaloriser le statut des personnels de l’EFS ? Comment comptez-vous agir et réagir pour répondre aux besoins en poches de sang et assurer la gestion de ces stocks ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)