M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je rejoins pleinement l’analyse de la commission et sa demande de rejet de l’amendement n° 22 rectifié quater : une communication sans valorisation est possible.
En revanche, pour tout dire, la position de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié quater me met très mal à l’aise. Si cet amendement était adopté, on autoriserait explicitement les collectivités à communiquer sur le covid alors qu’elles peuvent déjà le faire, dès lors qu’elles ne valorisent pas leur action.
J’appelle l’attention du rapporteur et du président de la commission des lois sur ce point : entre le premier et le second tour des municipales, un certain nombre de collectivités, principalement les communes, ont communiqué sur le covid. Certaines l’ont fait avec objectivité et pragmatisme, d’autres ont instrumentalisé la situation, d’autres encore ont instrumentalisé la mise en valeur du « super maire » qui luttait contre le covid. Parfois, les résultats entre les premier et second tours ont été étonnamment inversés à quelques voix près et un grand nombre de contentieux sont en cours.
Par conséquent, s’il était adopté, cet amendement pourrait encourager une pratique qu’aucun de nous n’accepte. En outre, et ce point me dérange plus encore, quelques contentieux sont encore pendants et il me semble que ce ne serait pas envoyer un bon message au juge administratif que de l’appeler, par le biais de cet amendement, à une tolérance ou à une pondération dans les jugements qu’il prononcera sur les élections municipales.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Nous rejoignons totalement les analyses de Marie-Pierre de La Gontrie et Arnaud de Belenet. Même si nous savons parfaitement bien que certains ont depuis des années la capacité de passer sans retenue de la communication à la propagande – c’est un euphémisme ! –, la différence entre l’une et l’autre est essentielle !
Par ailleurs, la date des élections risque d’être fixée très peu de temps avant la tenue du scrutin. En d’autres termes, la communication qui tendrait dans certains cas vers une valorisation de l’action d’un certain nombre de présidents de département ou de région pourrait se prolonger jusqu’à tard avant le début des élections.
Nous sommes donc très fermement opposés à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Ces amendements présentent un intérêt. Il n’est qu’à voir le trouble que jettent les élections départementales et régionales !
L’exposé des motifs de ces amendements s’appuie sur le fait que le Gouvernement envisage de reporter ces élections. Il a d’ailleurs mis en place une commission à cette fin.
J’ai déposé voilà quelques semaines une question écrite pour savoir quand serait publié le décret. Au-delà de la question des comptes de campagne, on a aussi des mandataires financiers et toute une ingénierie s’est mise en route pour les élections régionales, ce qui provoque des problèmes en cascade.
Je comprends donc pourquoi cet amendement a été déposé, mais il faudrait surtout, dans les meilleurs délais, une transparence du Gouvernement sur ces élections, peu importe qu’elles soient maintenues ou reportées.
M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 22 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez. Non, je le retire, monsieur le président. En revanche, je maintiens l’amendement n° 23 rectifié quater.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Article 11 (nouveau)
Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, pour le prochain renouvellement général des conseillers des Français de l’étranger, les électeurs peuvent voter :
1° Dans les bureaux de vote ouverts à l’étranger ou par correspondance électronique, dans les conditions prévues par la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France ;
2° Ou par correspondance sous pli fermé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État afin de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. Kerrouche, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 3 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section…
« Vote par correspondance
« Art. L. …. – Lorsque l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-12 du code de la santé publique est déclaré, ou lorsqu’un régime transitoire de sortie d’état d’urgence sanitaire défini à l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence est mis en place, par dérogation à l’article L. 54 du présent code, les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d’assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin.
« Le droit de vote par correspondance résultant du premier alinéa du présent article demeure valable jusqu’au terme du scrutin électoral concerné.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du vote par correspondance. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans le cadre de ses travaux sur ce texte, la commission a inséré un dispositif permettant d’assurer la tenue des élections par l’instauration d’un mécanisme extrêmement complet de vote incluant le vote par correspondance, mais aussi le vote avec possibilité de double procuration. Si cette question fait aussi l’objet d’une réflexion ailleurs, nous y réfléchissons depuis longtemps ici, puisque nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre lors de l’examen du texte tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires. Sur l’initiative de notre collègue Éric Kerrouche, un dispositif avait été proposé, mais on nous avait opposé à l’époque, ce qui était factuellement exact, que le temps était très court et qu’il serait sans doute complexe de mener cette opération à bien pour le second tour du scrutin.
Aujourd’hui, la situation est totalement différente, ce qui a conduit la commission à adopter un dispositif qui figure désormais dans le texte qui nous est soumis.
L’amendement n° 67 a pour objet d’étendre ce dispositif à toutes les élections. En effet, le premier mouvement de la commission – et c’est bien naturel – a été de prévoir un dispositif pour les élections de 2021, c’est-à-dire pour les élections générales. Pour des motifs que j’ignore, ce dispositif ne s’applique pas aux élections partielles, pas plus qu’aux élections suivantes, alors même que le rapport de la commission évoque expressément l’hypothèse que l’élection présidentielle et les élections législatives qui suivront pourraient être concernées.
Cet amendement a donc pour objet d’étendre le dispositif figurant dans le texte de la commission à toutes les élections et de ne pas le limiter aux seules élections prévues l’année prochaine, si tant est qu’elles soient maintenues à cette date.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons pris d’autres dispositions en faveur du vote par correspondance, qui nous paraissent plus adaptées et permettent sa sécurisation, sans faire dépendre la possibilité de cette modalité d’exercice du droit de suffrage de l’état d’urgence sanitaire, dont on sait qu’il peut être un jour prolongé, le lendemain abandonné, le surlendemain repris.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je garde un souvenir assez précis de la nuit du 14 au 15 mars dernier, des discussions qui ont pu avoir cours sur la question des élections municipales, de ce qui a pu alors être évoqué et des positions, souvent différentes, qui ont été exprimées par certains le lendemain.
Pour plus de clarté et pour associer publiquement l’ensemble des parties prenantes, il a été décidé de confier à M. Jean-Louis Debré une mission pour étudier les conditions dans lesquelles pourraient se tenir les scrutins départementaux et régionaux et voir si les conditions sanitaires – et exclusivement celles-ci, je vous rassure, madame la sénatrice – nécessiteraient d’adopter des scénarios alternatifs.
Les conclusions de cette mission devraient être rendues d’ici à trois semaines. Je vous propose d’attendre qu’elles soient remises avant de procéder à une évolution de notre législation en matière électorale, si tant est que celle-ci soit nécessaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement, comme il l’a été à l’amendement n° 23 rectifié quater, dont je regrette l’adoption.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par M. Reichardt, Mme N. Goulet, MM. Frassa et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Kern, L. Hervé, Vogel, Marseille et Longeot, Mme Schalck, MM. Klinger, Bonneau, Daubresse et J.M. Arnaud, Mmes Loisier, Joseph et de La Provôté, M. Cardoux, Mme Guidez, M. Lefèvre, Mme Dumont, MM. P. Martin et Henno, Mmes Muller-Bronn, C. Fournier et Drexler et MM. Paccaud, Chaize et Levi, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, la date limite mentionnée au II de l’article L. 52-12 du code électoral est fixée au 8 janvier 2021, 18 heures, pour le renouvellement partiel du Sénat organisé le 27 septembre 2020.
II.- Le présent article est applicable en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de bon sens pour nos collègues élus ou réélus le 27 septembre dernier, qui se trouvent parfois en difficulté pour déposer leurs comptes de campagne. Dans cette période de confinement, certains ne peuvent pas voir leur expert-comptable ou récupérer un certain nombre de pièces pour achever cette formalité qui est plus que substantielle.
Par conséquent, dans le cadre des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire et, surtout, au confinement, cet amendement vise à repousser au 8 janvier prochain la date de dépôt des comptes de campagne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. La crise sanitaire n’empêche pas d’établir dans les délais un compte de campagne pour une élection sénatoriale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Sur cet amendement, qui me donne l’occasion de saluer et de féliciter tous les sénateurs qui viennent d’être élus ou réélus, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je prends acte de l’avis défavorable de la commission, mais je précise qu’une mesure comparable a été prise pour le second tour des élections municipales.
Les cabinets d’expertise comptable ont fermé ou ont mis en place du télétravail. La situation est compliquée.
Certes, il s’agit d’une disposition importante, mais dont le terme est prévu au 8 janvier prochain. Nous avons voté des mesures autrement plus contraignantes et il me semble que, par cohérence, nous pourrions offrir cette souplesse à nos collègues élus ou réélus, dont je précise que je ne fais pas partie, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. L’amendement n° 10 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 91, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le décret de convocation des électeurs pour le prochain renouvellement général des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique est publié, au plus tard, le 31 décembre 2020.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, je suis un peu inquiet du périmètre de la mission qui a été confiée à l’ancien président du Conseil constitutionnel.
Dans une démocratie, on ne change pas le calendrier des élections, quelles qu’elles soient, sans un motif d’intérêt général extrêmement puissant. C’est un principe fondamental.
Le seul motif pour lequel on pourrait reporter les élections locales prévues au mois de mars prochain, c’est naturellement un motif de sécurité sanitaire, si le déroulement de la campagne puis le déroulement du scrutin devaient avoir une incidence négative sur la santé publique en exposant nos concitoyens, en premier lieu les candidats, à des risques de contamination. Il faut donc d’abord s’attaquer au problème de la sécurité de la campagne électorale, à ses modalités et à la sécurité du scrutin avant d’envisager un report. Partir de l’idée que la seule question posée serait celle du report revient à restreindre l’enjeu que nous avons à relever dans la perspective de ces élections à une question qui est subordonnée à la question principale.
Imaginons que 2021 soit une année d’élection présidentielle. Faudrait-il commencer par se poser la question de réviser l’article 6 de la Constitution, qui prévoit la date de la fin du mandat présidentiel, avant de s’interroger sur notre capacité à sécuriser le scrutin présidentiel ?
Ce raisonnement que nous refuserions pour l’élection présidentielle, comment pourrions-nous accepter de le tenir pour des élections qui, pour être des élections administratives et non politiques, pour reprendre la terminologie juridique, n’en sont pas moins extrêmement importantes ? Elles le sont plus encore aujourd’hui, alors que nous avons à lutter contre les effets sanitaires, mais aussi économiques et sociaux d’une crise multiforme qui nous angoisse tous de la même manière, et alors que les collectivités sont en première ligne face aux difficultés que rencontrent nos concitoyens.
Par conséquent, nous considérons qu’il ne faut pas tarder à faire paraître le décret de convocation des électeurs pour les élections du mois de mars prochain. Il ne faudrait pas en effet que le Gouvernement vienne un jour nous dire qu’il est trop tard pour convoquer les électeurs et qu’il se trouve contraint de reporter le scrutin. En d’autres termes, il ne faut pas que la décision se prenne de manière implicite, avant d’être prise de manière expresse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mentionné la décision du Gouvernement. Si le Gouvernement peut formuler des propositions dans ce domaine, il n’a pas de décision à prendre : seul le Parlement peut, par la loi, reporter un scrutin.
Indépendamment de ce que sera votre proposition, si vous voulez écarter tout soupçon de différer des élections pour des motifs de convenance politique, il vous faut démontrer d’abord, non pas que vous vous êtes interrogé sur la date d’un scrutin, mais que, conscient de votre responsabilité, vous avez tout mis en œuvre pour assurer la sécurité de ce scrutin en pensant aussi que d’autres scrutins se profilent pour lesquels personne ne peut savoir aujourd’hui si la situation sanitaire permettra qu’ils se tiennent sans avoir à prendre des précautions particulières. Quoi qu’il en soit, il faudra bien qu’ils se tiennent.
Monsieur secrétaire d’État, c’est très simple : lors de ses travaux, la commission a examiné un amendement qui ne convenait pas et qui a donné lieu à un débat. J’ai proposé, pour trancher la difficulté à laquelle nous étions confrontés, de déposer l’amendement n° 91 que je vous présente maintenant. Il doit être adopté, car nous ne pourrons pas attendre au-delà du 31 décembre prochain pour savoir si les élections doivent se tenir ou pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Que d’a priori sur les intentions du Gouvernement comme sur le travail à venir et sur les conclusions de la mission conduite par Jean-Louis Debré, monsieur le rapporteur ! Laissons-le mener sa réflexion avec les parties prenantes.
Certes, pour les élections régionales et départementales, le code électoral ne prévoit pas de date limite pour prendre le décret de convocation.
M. Philippe Bas, rapporteur. Six semaines avant le scrutin !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous avez raison. À ce titre, le 31 décembre est peut-être trop tardif dans les faits.
D’ailleurs, en 2015, pour des élections de même nature, le délai de prévenance nécessaire pour nos concitoyens et pour les collectivités locales – vous avez rappelé le rôle que ces dernières jouaient, rôle d’autant plus important cette année qu’un double scrutin est prévu – a été plus long, le décret de convocation ayant été pris le 28 novembre 2014.
Il s’agit pour le Gouvernement non pas de jouer la montre, mais, bien au contraire, d’essayer de donner un maximum de visibilité aux électeurs, aux candidats – je sais d’ailleurs qu’un certain nombre d’entre vous se présenteront –, comme à l’ensemble des prestataires qui œuvrent à la réalisation et à la distribution de la propagande électorale.
C’est bien dans ce cadre-là que nous avons chargé Jean-Louis Debré de cette mission. Que lui avons-nous demandé, puisque c’est cela qui semble vous poser problème, monsieur le rapporteur ? Nous l’interrogeons sur notre capacité collective à organiser ce scrutin dans des conditions optimales de sécurité ; c’est bien le sens de la démarche du Gouvernement, de la demande qu’il lui a formulée et des réponses qu’il attend de sa part.
La date du 31 décembre 2020 est sans doute dans les faits trop tardive. C’est pourquoi je propose une fois encore que nous attendions les conclusions de la mission menée par Jean-Louis Debré pour pouvoir, en toute transparence, collectivement, parce que nous aurons établi les conditions de sécurité sanitaire de l’organisation de ce scrutin, prendre ensemble les dispositions.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je saisis la balle au bond. M. le secrétaire d’État me convainc que le 31 décembre est en effet un délai beaucoup trop long. Je rectifie donc l’amendement de la commission et je remplace la date du 31 décembre par celle du 30 novembre. Cela laissera deux jours de plus au Gouvernement. En effet, il faut qu’on ait le temps de s’organiser !
Monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement, de manière répétée, s’oppose à la réintroduction sécurisée d’un vote par correspondance, qui est l’une des solutions possibles.
Je ne comprends pas non plus pourquoi le Gouvernement, qui avait déposé un amendement visant à assouplir le régime des procurations lors de l’examen du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, oublie de le représenter quinze jours plus tard ! Heureusement, nous n’avons pas, nous, oublié cette intention du Gouvernement et nous l’avons concrétisée en introduisant dans notre texte un assouplissement du régime des procurations.
Ces deux éléments permettront de sécuriser le scrutin. Si vous le souhaitez, vous pouvez fort bien ne pas attendre les conclusions de la mission chargée de réfléchir à la date des élections locales pour prendre des mesures de sécurisation du scrutin. Vous pourriez, sans inconvénient, et même si vous deviez décider de nous proposer de reporter la date des élections locales, d’ores et déjà accepter ces assouplissements et ces sécurisations, qui nous paraissent indispensables.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 91 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le décret de convocation des électeurs pour le prochain renouvellement général des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique est publié, au plus tard, le 30 novembre 2020.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il me semble, monsieur le rapporteur, compte tenu de l’enjeu auquel nous faisons face, qu’il n’est pas utile de livrer une petite bataille comme celle que vous menez avec votre sous-amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’était ma propre proposition !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Si vous le dites…
Permettez-moi de revenir un instant sur le vote par correspondance. À l’époque, nous n’avions pas missionné Jean-Louis Debré sur ce sujet.
Que ce soit sur le vote par correspondance ou sur les procurations, eh bien oui, nous souhaitons faire les choses dans l’ordre, en toute transparence ! C’est la raison pour laquelle nous avons missionné l’ancien président du Conseil constitutionnel, l’un de vos proches, qui a lui aussi servi sous Jacques Chirac.
M. Philippe Bas, rapporteur. Quelle instrumentalisation !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous avez vous-même rappelé que vous aviez servi sous Jacques Chirac. C’est aussi le cas de Jean-Louis Debré. N’y voyez donc pas de l’instrumentalisation. Jean-Louis Debré est quelqu’un dont la probité ne peut pas être mise en défaut sur ces questions importantes pour nos concitoyens, pour nous tous, collectivement.
Attendons donc les conclusions de cette mission, qui va associer l’ensemble des parties prenantes, à commencer par le président de la Haute Assemblée, je n’en doute pas, avant de tirer des conséquences, que ce soit sur le vote par correspondance ou sur d’autres aspects, en premier lieu la date du scrutin.
Tel est le sens de notre démarche, qui n’a rien d’extraordinaire. Il s’agit de faire les choses dans l’ordre, de réfléchir et de prendre collectivement les décisions qui s’imposent, rien de plus.
Je renouvelle donc mon avis défavorable sur cet amendement, même rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel contexte étrange ! Tout est étrange dans ce débat, et d’abord cet amendement. S’il est juridiquement à mon avis assez fragile, il a au moins la vertu de poser les termes du débat. On a vu au cours de l’échange qui vient de se dérouler que deux argumentations s’opposent.
Si je dis que cet amendement n’est pas solide, c’est, d’une part, parce que je ne suis pas convaincue que l’on puisse enjoindre au Gouvernement de prendre un décret de convocation, d’autre part, et cela a été déjà rappelé, parce que si la date des élections devait être reportée, c’est le Parlement qui en déciderait. Nous serions nécessairement associés à une telle décision.
Je trouve curieuse la mission qui a été confiée à Jean-Louis Debré. Le Gouvernement évolue dans un monde politique étrange : il en vient désormais à s’adresser à une personnalité extérieure pour parvenir à un consensus. Le Parlement est pourtant là pour cela, me semble-t-il. Le débat sur la date des élections aurait pu avoir lieu dans les deux assemblées.
Il est tout de même étrange de confier cette mission à une personnalité extérieure, aussi talentueuse ou légitime soit-elle, d’autant que cette mission semble variable, en tout cas à rallonge. En effet, chaque fois que vous vous levez, monsieur le secrétaire d’État, M. Debré se voit chargé d’une mission supplémentaire ! J’avais d’abord compris qu’il réfléchissait à la date des élections, je comprends maintenant qu’il travaille également sur les conditions, sur le vote par correspondance. Bref, je le redis, tout cela est assez étrange.
Le contre-pied que vient de prendre à l’instant le rapporteur, qui propose la date du 30 novembre au lieu du 31 décembre, est encore plus étrange. Monsieur le rapporteur, le 30 novembre, nous serons encore en confinement. Certes, le Président de la République peut faire preuve de beaucoup d’imagination, mais nous savons qu’il sera impossible le 30 novembre de fixer la date des élections au milieu de toute cette confusion. Nous ne sommes donc pas d’accord sur cette date.
Pour conclure, après avoir écouté vos échanges à fleurets non mouchetés, nous préférons ne pas prendre part au vote, car nous considérons que c’est au Parlement que doit se dérouler le débat sur la date des élections, conformément d’ailleurs à ce que prévoient les textes.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Que souhaitons-nous pour les Français, pour les électeurs ? Nous voulons éviter le chaos que nous avons connu les 15 mars et le 28 juin. Le chaos dans les prises de position a mis en danger les 500 000 personnes qui ont tenu les bureaux de vote dans ce pays. Je rappelle qu’il n’y avait ni gel ni masques le 15 mars dernier.
Nous voulons aussi éviter le chaos démocratique que constitue le taux d’abstention que nous avons connu lors des deux tours des élections municipales, lesquels ont eu lieu à plus de trois mois d’intervalle.
Il est normal que nous nous intéressions aux élections départementales et régionales et que le Gouvernement, mais aussi la représentation nationale, les anticipe – le mot a été utilisé régulièrement hier – afin qu’elles puissent se dérouler dans de bonnes conditions.
En tant que président de groupe, j’ai eu Jean-Louis Debré une demi-heure au téléphone, car il consulte l’ensemble des personnes susceptibles de l’aider à se forger une opinion. On peut se l’avouer entre nous, il est tout de même hautement improbable que les élections puissent se tenir dans de bonnes conditions au mois de mars. Ne jouons pas les vierges effarouchées en disant qu’elles pourront avoir lieu, car ce n’est pas vrai. Au nom de mon groupe, je lui ai dit que nous souhaitions un report de ces élections au mois de juin.
Très sincèrement, je pense que, sur l’ensemble de nos travées, quelles que soient nos appartenances politiques, nous souhaitons tous, de manière consensuelle, éviter la catastrophe que nous avons connue sur le plan démocratique.
Dans ce contexte, allons au bout du raisonnement, monsieur le secrétaire d’État. Puisqu’il faudra peut-être, pour ne pas dire sûrement, reporter les élections, qui sont un rendez-vous essentiel pour les Français, votons le report dans les meilleurs délais, dès le début de l’année 2021. Nous devons faire un effort de clarté et de lisibilité pour nos compatriotes afin qu’ils puissent se projeter dans cette élection, qui constituera un rendez-vous démocratique essentiel dans cette période de doute dans notre pays.