Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 729 rectifié, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 223 sexies du code général des impôts est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à supprimer la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). En effet, une fiscalité trop lourde, avec des taux trop élevés, ne peut qu’inciter les contribuables concernés à modifier leurs comportements de façon à échapper, en tout ou partie, au poids de l’impôt. Ainsi a-t-on observé une division par trois, en seulement trois ans, du montant de recettes de cette contribution.
Que voulons-nous ? Redistribuer des richesses que l’on ne crée plus ou bien réduire la pauvreté en retrouvant un fort niveau de croissance économique ? Avant de penser à redistribuer les richesses, songeons à les créer. Avant de penser à partager un gâteau qui s’est amenuisé, songeons à le reconstituer et à lui rendre sa taille d’avant le coronavirus.
Pénaliser fiscalement ceux qui ont, par le passé, fait la preuve de leur capacité à entreprendre, à investir, à innover pénalisera au bout du compte l’ensemble des Français, en freinant le redémarrage de notre économie.
M. Vincent Éblé. Absolument faux !
M. Olivier Cadic. Il y a deux fois moins de milliardaires en France qu’en Allemagne. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Cet amendement efficace vise, vous l’aurez compris, à stimuler la croissance et la reprise économique, pour relancer le pays.
Mme la présidente. L’amendement n° 924 rectifié, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au début du dernier alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Lors de sa première interview du 14 juillet, le chef de l’État a assuré que les deux années de fin de mandat seraient consacrées à la relance et à l’emploi.
Cette période exceptionnelle étant une opportunité pour la France de se réinventer, nous proposons de réinventer également notre modèle fiscal.
En effet, si notre pays est, en apparence, celui dont la fiscalité est la plus importante, en réalité, entre les multiples déductions, exonérations, abattements ou autres portes de sortie, les filets laissent passer les grosses fortunes et il ne reste finalement que les contribuables qui ne sont pas forcément les plus riches. Il y a là une injustice qui nécessite, selon nous, que l’on se réinvente.
Tel est le sens de notre amendement, qui tend à revoir la fiscalité des plus aisés. Nous proposons d’augmenter la contribution sur les revenus de celles et de ceux qui gagnent plus de 250 000 euros par an. Actuellement, une contribution exceptionnelle de 3 % des revenus est prélevée ; nous proposons de la faire passer à 8 %. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Allez !
Mme Michelle Gréaume. De la même manière, celles et ceux qui ont la chance de gagner plus de 500 000 euros par an doivent actuellement s’acquitter d’une contribution exceptionnelle de 4 % ; nous proposons de la rehausser pour la fixer à 10 %. L’objectif est avant tout d’instaurer une solidarité entre les plus aisés et les plus précaires.
La crise sanitaire a démontré la nécessité d’un système de protection sociale de qualité ; par conséquent, il convient de taxer les revenus les plus importants pour financer les politiques publiques en faveur de la relance économique, sociale et écologique.
Je veux par ailleurs indiquer à M. le rapporteur général, qui prétend que nous ne parlons que de taxe, de taxe et de taxe, que le groupe CRCE n’a pas proposé que des taxes.
M. Philippe Dallier. Non, il a proposé des impôts, aussi…
Mme Michelle Gréaume. Il a également proposé l’augmentation des salaires, car les exonérations sur les bas salaires ne vont pas aider les salariés à s’en sortir. Or ce sont eux qui font tourner le pays.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Antiste, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy, Cabaret et Conconne, MM. Duran, Durain et Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier, Préville, S. Robert et Schoeller, M. Sueur, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 3,3 % » ;
b) Après le mot : « séparés », la fin est ainsi rédigée : « , divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune ; »
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 4,5 % » ;
b) Après le mot : « séparés », la fin est ainsi rédigée : « , divorcés ou les contribuables soumis à imposition commune. »
La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Ce coup-ci, je sens que notre amendement sera adopté quasi à l’unanimité. (Sourires sur diverses travées.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas sûr…
M. Claude Raynal. Évidemment, M. Cadic aura un peu de mal, je peux le comprendre, mais, après tout, ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que nous soyons unanimes pour saluer cette innovation de Nicolas Sarkozy,… (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Quel homme !
M. Claude Raynal. … qui avait créé une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, contribution que vous avez votée pour la loi de finances pour 2012, de manière tout à fait consensuelle. Je n’étais pas sénateur, mais je ne doute pas que nous vous ayons suivis, à l’époque.
M. Roger Karoutchi. Vous avez voté contre !
M. Claude Raynal. Vous avez dû voter pour cette contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Je salue cette vision de l’ancien Président de la République ; simplement, au lieu de rester à 3 % et 4 %, comme vous l’avez décidé, nous vous proposons de passer de 3 % à 3,3 % et de 4 % à 4,5 %. Il s’agit, vous le voyez, de quelque chose de tout à fait raisonnable. Je vous remercie donc de votre soutien, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Roger Karoutchi. Vous ne l’avez pas votée en 2011 ! C’est facile, après !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La France a une maladie. Il ne s’agit pas forcément des taux élevés d’imposition, parce que, globalement, même si la France est plutôt dans la fourchette haute, ces taux sont, en Europe, relativement élevés. En revanche, ce qui distingue la France des autres pays, c’est son instabilité fiscale. Contrairement à l’Allemagne, où la fiscalité immobilière n’a pas bougé depuis des dizaines d’années, nous modifions, chaque année, en loi de finances, les taxes, nous les augmentons, nous créons des surtaxes, et cætera, et cætera.
M. Julien Bargeton. Y compris le Parlement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, je suis d’accord avec Julien Bargeton, nous y participons sans doute tous, ce n’est malheureusement pas l’apanage d’un seul groupe ; tout le monde y participe, le Gouvernement comme les parlementaires.
C’est une maladie française et la confiance, dont nous parlions hier, repose notamment sur la stabilité des règles. Cette maladie est sans doute un élément qui n’est pas de nature à restaurer la confiance. Pour que nos concitoyens investissent et consomment, il faut que les règles soient stables.
Ce raisonnement me conduit donc à dire à notre collègue Cadic que, si l’on peut comprendre son raisonnement sur le plan international, la suppression de cette contribution ne serait pas, dans le contexte actuel, tout à fait opportune. Par ailleurs, l’augmenter le serait encore moins. Encore une fois, la réponse à la crise doit être non pas dans l’augmentation de fiscalité, mais, au contraire, dans la stabilité d’un certain nombre de règles, ce qui est de nature à restaurer la confiance des Français.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous faisons le pari tant de la stabilité que de la diminution progressive des prélèvements obligatoires et de l’attractivité. D’ailleurs, les indicateurs externes, qui ne sont pas construits par le Gouvernement, ont démontré que, au sein de la zone euro, notre pays est devenu, en 2019, le premier pays destinataire d’investisseurs étrangers. Cela concourt évidemment à la croissance et cela a permis de participer à la baisse du chômage, avant la crise du covid. C’est une politique que nous voulons poursuivre en cette période de sortie – espérons-le – de crise. La stabilité de cette trajectoire est importante pour nous.
De la même manière, nous considérons qu’il existe des outils de financement de la solidarité – M. Karoutchi en rappelait la genèse de 2012 –, notamment la contribution sur les hauts revenus, qui permet d’embrasser les revenus au-delà des seuls revenus salariés. Nous y sommes également attachés, tant pour des raisons de stabilité que par souci de solidarité de la part des contribuables les plus aisés.
Pour ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement de M. Olivier Cadic et sur ceux qui visent à augmenter le taux de ce prélèvement.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. La maladie française, c’est surtout sa pression fiscale !
M. Vincent Éblé. Il faut arrêter avec ça !
M. Sébastien Meurant. Nous avons la plus grosse pression fiscale de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec des résultats macroéconomiques – le chômage et la croissance –, qui ne sont pas bons sur la durée. Ça, c’est un fait !
M. Pierre Laurent. Cela n’a rien à voir avec les impôts !
M. Sébastien Meurant. La question de l’assiette, en revanche, est une véritable question. On le sait très bien, un bon impôt touche très faiblement beaucoup de monde.
M. Vincent Éblé. On parle de prélèvements obligatoires, ce n’est pas la même chose !
M. Sébastien Meurant. En France, nous avons à la fois la pression fiscale la plus élevée et des résultats, en matière de chômage et de croissance, parmi les pires. Notre fiscalité décourage ceux qui entreprennent, qui investissent.
M. Sébastien Meurant. On est revenu sur le prélèvement libératoire et cela fait rentrer plus d’argent que ce qui était prévu, nous l’avons tous constaté, monsieur le président de la commission des finances, cher Vincent. C’est donc une mesure intéressante pour l’État puisqu’elle conduit à plus de rentrées fiscales. C’est la courbe de Laffer, que l’on connaît bien.
Oui, il faut une fiscalité plus juste, des prélèvements plus justes, mais qui soient incitatifs. Or, on le sait très bien, l’ISF, puisque vous y revenez chaque fois, a encouragé l’émigration,…
M. Vincent Éblé. C’est totalement faux, le rapport d’Albéric de Montgolfier et de moi-même démontre le contraire !
M. Sébastien Meurant. … non celle des très, très riches, qui étaient déjà partis depuis longtemps – les Patrick Drahi et Bernard Arnault sont des personnes extrêmement minoritaires, même si, effectivement, ces fortunes des Gafam posent une vraie question.
Ceux qui créent de la richesse et de l’emploi en France, ce sont les PME et les PMI, que l’on doit absolument faire revenir. Cela passe évidemment par un système fiscal, social attractif, ce qui n’est pas le cas.
M. Vincent Éblé. Vision idéologique contredite par les faits !
M. Sébastien Meurant. C’est tout de même assez incroyable… Madame la présidente, est-il possible de parler ?
M. Vincent Éblé. Oui, pour dire des choses intéressantes…
Mme la présidente. Monsieur Éblé, vous pourrez prendre la parole ensuite, si vous le souhaitez.
M. Sébastien Meurant. S’il suffisait de prélever et de fiscaliser tout ce qui bouge, on aurait de meilleurs résultats macroéconomiques et moins de chômage. Allez donc voir à Cuba ou en Corée du Nord, mes chers collègues… (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oh non !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. J’apprécie cet instant…
Je suis d’accord avec tout ce qui est dit relativement à la stabilité. Dans la vie, les citoyens et les entreprises, comme tous les acteurs, souhaitent de la visibilité et de la stabilité ; on est d’accord là-dessus. Je suis sûr que vous ne vous méprendrez pas à ce sujet, ne pensez pas que nos propositions sont cumulatives.
M. Roger Karoutchi. Non…
M. Claude Raynal. Nous vous faisons des propositions, en espérant que, dans ce panel, certaines recueillent un avis favorable de votre part.
Il n’y a donc pas ceux qui imposent et ceux qui n’imposent pas. Dans la réalité, on vient de le rappeler, la contribution dont nous parlons a été instituée sous la présidence Sarkozy.
Le problème d’aujourd’hui est que l’on met tout sous le tapis. On paye, on dépense, on crée de la dette et on en reparlera demain. Je vous l’affirme, cela n’est pas de nature à donner confiance, monsieur le rapporteur général, ni aux habitants ni aux entreprises. En effet, figurez-vous que, quand ils voient la dette passer de 100 % à 120 % du PIB, les habitants s’inquiètent ; s’ils thésaurisent plus qu’ils ne consomment, c’est bien parce qu’ils se disent que, à un moment ou à un autre, il leur faudra une réserve pour ce qu’il faudra payer en plus. C’est l’analyse de chacun d’entre nous, à titre individuel, et de tous vos concitoyens ; vous le verrez si vous les interrogez.
Ce dont on a besoin, ce n’est pas uniquement la stabilité ; il faut expliquer assez rapidement comment, collectivement – entreprises, citoyens – on répartit la charge. Tant que nous ne le ferons pas, nous vous interrogerons sur ce point, avant que des décisions, comme celle qui a été prise sur la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), soient prises une par une. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Il faudrait avoir un débat sur ce qu’on appelle « un riche ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Demandez donc à Hollande ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Quel drôle de climat ce matin ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Le Gouvernement est trop à droite, cela vous irrite, que se passe-t-il ? (Sourires.)
Vous avez réagi, précédemment, aux propos de Michelle Gréaume. Je vais redonner, calmement, quelques éléments. Ma collègue a évoqué l’idée de passer de 3 % à 8 % le taux d’une imposition touchant les revenus de plus de 250 000 euros par an. Elle a ensuite évoqué les revenus de plus de 500 000 euros par an, pour lesquels nous proposons de faire passer le taux d’imposition de 4 % à 10 %. Cela suscite de l’émotion et on pense que nous commettons une erreur de visée économique et financière.
Je le dis tout simplement, sans polémique ; salaire moyen annuel brut des Français : 38 409 euros ; salaire moyen annuel net : 29 304 euros. Peut-être donc que l’on commet des erreurs d’appréciation, mais entre, d’une part, une personne qui touche 38 409 euros bruts et 29 304 euros nets par an et qui travaille, et, d’autre part, celle qui touche plus de 250 000 euros ou plus de 500 000 euros, même si j’ai peut-être un manque de savoir et de connaissances, je vous dis que la seconde est beaucoup plus riche que la première, qui travaille.
M. Julien Bargeton. Mais elle paye aussi beaucoup plus d’impôts…
M. Stéphane Piednoir. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. Cela relève du bon sens, au sens que lui donne le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Je veux rappeler avec bienveillance à Olivier Cadic et aux autres que l’on prend toujours le niveau des prélèvements obligatoires en France, mais il faut prendre en compte le coût total de l’accès aux services, pour comparer les pays de manière pertinente. Si l’on considère le seul niveau de prélèvements fiscaux ou sociaux aux États-Unis, sans tenir compte de l’accès à la santé ou à l’éducation, on se trompe. Le coût de la santé aux États-Unis est, je le rappelle, deux fois plus important qu’en France, avec un service rendu aux Américains beaucoup moins important, en tout cas pour les moins favorisés. C’est un élément important à prendre en compte.
En outre, je veux aussi rappeler le rôle économique de l’État dans la création de richesse. L’État n’est pas un puits sans fond, les dépenses réalisées constituent des recettes pour les acteurs économiques qui en bénéficieront. Tous les bons manuels d’économie, que l’on peut trouver dans toutes les bonnes librairies, le soulignent.
Par conséquent, il faut donner à l’État les moyens d’agir, tant sur le plan économique que sur le plan social. Je ne peux donc que vous inviter à vous associer à l’amendement présenté par Claude Raynal.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis très admiratif de Claude Raynal. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SOCR. – M. Olivier Jacquin applaudit.)
M. Claude Raynal. Enfin ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. En effet, s’il remercie le président Sarkozy d’avoir créé cette contribution exceptionnelle, il oublie juste que, à l’époque, la gauche ne l’a pas votée et n’a pas voté non plus, pour des raisons diverses, le budget pour 2012. Elle a donc refusé de voter chaque mesure ainsi que le budget dans son ensemble, toujours avec des argumentations plus intelligentes les unes que les autres…
Donc, si cette disposition est, nous dit-on, une excellente mesure, il est dommage de ne pas l’avoir votée à l’époque.
La réalité est beaucoup plus simple : si cette mesure Sarkozy, proposée fin 2011, est toujours en vigueur, c’est que l’acceptabilité de ce niveau d’imposition est telle que les gouvernements successifs n’ont jamais remis ce taux en cause. J’entends bien le débat, mais, de gauche ou de droite, personne ne peut prétendre avoir trouvé le niveau idéal d’impôt et de dépense publique. Si quelqu’un le connaissait, il serait au pouvoir et y serait encore pour longtemps ; or il n’y a qu’à observer le rythme des alternances en France pour se rendre compte que personne ne l’a trouvé.
Ainsi, que l’on se donne des leçons, c’est très bien, mais la vérité, c’est que l’impôt doit être accepté pour être rentable, durable et pour que le système fonctionne.
Aujourd’hui, la crise est telle que je ne peux qu’être d’accord avec les déclarations du Président de la République – Dieu sait pourtant que je ne suis pas un supporteur du gouvernement actuel ni du chef de l’État – selon lesquelles ce n’est pas au cœur de la crise, qui conduit tout le monde vers le gouffre, que l’on change le système et que l’on va chercher de nouvelles mesures. En effet, celles-ci déstabiliseraient encore davantage des gens qui ne savent plus très où ils en sont, puisque personne ne sait si la crise sanitaire est finie ; d’ailleurs, si j’en crois les derniers chiffres, ce n’est pas le cas, nous allons peut-être même nous retrouver confinés dans les semaines ou les mois à venir.
Par conséquent, ne dites pas aux entreprises ou aux riches que l’on va retrouver des marges d’imposition en les taxant, à un moment où l’on ne sait même pas où l’on va. Attendons de savoir comment nous sortons de tout cela et, lorsque les choses seront clarifiées, on verra.
J’en termine, madame la présidente, en évoquant ceci : j’ai souvenir d’un Premier ministre socialiste, Jean-Marc Ayrault, qui avait déclaré : « l’année prochaine, nous ferons une grande table ronde pour remettre à plat l’ensemble de la fiscalité française, de manière à enfin trouver des solutions ». Il ne l’a jamais faite…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ah oui ! J’ai participé à la première réunion, puis ça a fait « pschitt ! »
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais j’ai mes idées et quand j’entends M. Karoutchi parler d’acceptabilité, je veux lui demander : acceptable par qui ?
M. Roger Karoutchi. Par la société !
M. Joël Labbé. Il se trouve que notre pays est en situation de péril ; il s’agit de trouver des mesures qui soient acceptables par une grande majorité de la population. Soumettons-lui ces mesures !
On a évoqué les niveaux moyens de revenus. Il est normal qu’il y ait des plus riches et des plus pauvres, mais l’échelle n’arrête pas de s’agrandir. Si tout allait bien, pourquoi pas ? Mais, là, ce n’est plus acceptable par la population, monsieur Karoutchi.
L’amendement proposé par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste me convient très bien, et l’amendement socialiste serait le minimum ! J’espère qu’on va envoyer un signe à notre population, parce que la question de l’acceptabilité, posée en ces termes, je ne peux pas l’accepter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Quand on parle d’acceptabilité de l’impôt, on doit se poser la question de la situation actuelle : est-ce que les Français acceptent la situation fiscale de notre pays ? Je crois que les vastes mouvements sociaux qui se sont déroulés au cours des derniers mois, des dernières années, montrent que le système n’est plus accepté. Ce n’est pas forcément le fait de ceux qui payent le plus, il n’est plus accepté de ceux qui payent le moins parce qu’ils ont le moins de revenus.
Or ceux qui payent le moins, payent-ils vraiment moins ? Ce n’est pas le cas ; aujourd’hui, dans notre pays, plus de la moitié des recettes fiscales de l’État proviennent de la TVA, impôt le plus injuste, payé par tous, même par ceux que l’on dit souvent non imposables. Tous ceux-là contribuent au moindre centime dépensé. Voilà ce qui n’est plus acceptable, ce qui n’est plus accepté : la part des impôts les plus injustes dans les recettes fiscales de l’État, car, ce que finance l’État, ce sont les services publics qui doivent contribuer à la redistribution.
Or cette redistribution, même si c’est l’une des meilleures au monde, n’est aujourd’hui pas à la hauteur, au vu de la façon dont les inégalités, notamment de revenus, croissent.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Si le système n’est plus accepté, c’est peut-être simplement parce qu’il n’est plus compris, tellement il est devenu complexe. Le rendement de cette taxe a été divisé par trois en trois ans, je vous l’ai dit. J’ai bien compris que certains veulent augmenter le taux, parce que, pensent-ils, cela fera remonter le rendement de cet impôt. Mais non ! Il se passerait exactement le contraire, cela continuerait de diminuer. Et à la fin, comme dans la fable « La Poule aux œufs d’or » de La Fontaine, s’il en reste un peu, on tuera l’impôt et on constatera que la poule ne donne plus d’œufs du tout.
Je suis désolé, il n’y a pas, d’un côté, les travailleurs, que vous représenteriez, et, de l’autre, ceux qui les regardent.
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est vrai.
M. Olivier Cadic. On travaille tous. À titre personnel, j’ai commencé à travailler à 19 ans, avec un revenu de 3 600 francs, un salaire d’opérateur. Je sais ce que c’est, j’ai vécu cette vie et j’ai beaucoup travaillé, comme tout le monde. Chacun peut essayer de se construire un patrimoine, de s’élever, cela fait partie de la vie professionnelle. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Nous sommes tous sur le même bateau. Avec votre approche, vous essayez chaque fois de cliver le pays ; il y aurait, d’un côté, les travailleurs, et, de l’autre, les profiteurs qui les regardent. Cela me gêne et c’est pour cela que je tiens à cet amendement. Chacun doit comprendre que l’on a besoin de ramer tous ensemble, sur le bateau, dans le même sens. (M. Vincent Segouin applaudit.)
M. Pierre Laurent. On aimerait bien !
M. Olivier Cadic. C’est comme ça que le pays s’en sortira. Donc je vous invite à envoyer ce signal, en votant mon amendement. (M. Fabien Gay s’esclaffe.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)