M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Nous proposons que l’abattement de 40 %, applicable aux revenus distribués par les sociétés françaises ou étrangères ayant leur siège dans un État de l’Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales – fiscalité bienveillante pour les actionnaires –, soit ramené à 20 %, pour soumettre l’ensemble des revenus à l’impôt.
Ce faisant, nous sommes animés du même esprit que celui qui prévaudra lorsque nous présenterons d’autres amendements visant à établir une taxe de 4 % sur les dividendes.
Voilà qui permettrait de créer des recettes pour des politiques publiques offensives de votre gouvernement, monsieur le ministre, par exemple la question de la transition écologique ou celle de la justice sociale. Il faut bien mobiliser de l’argent public pour peser.
Tout le monde doit contribuer à la relance. Par conséquent, il faut mettre à contribution, sans les mettre sur la paille, ceux qui, par leurs dividendes, sont les plus riches dans ce pays. S’ils font le choix du prélèvement forfaitaire unique, l’imposition sera de 30 %.
Vous le voyez, ce n’est ni transgressif ni insupportable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas du tout certain que la relance passe par une augmentation des taux d’imposition, surtout dans un pays qui atteint le taux le plus élevé de l’OCDE.
Cette proposition me semble assez aller à contre-courant. Qui plus est, taxer les dividendes une année où il n’y en a pas me paraît assez étonnant ! (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, cet amendement n’indique aucune limitation de durée et je rappelle que la France a un léger problème de compétitivité.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements qui visent à augmenter les prélèvements sur les dividendes. Le même raisonnement prévaudra pour les amendements à venir. Ce n’est pas moi qui ai inventé l’expression de « ras-le-bol fiscal » : elle date d’un certain temps, me semble-t-il, et a été reprise, y compris du côté gauche de l’hémicycle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je formulerai deux précisions.
En premier lieu, l’abattement de 40 % ne s’applique pas en cas d’imposition forfaitaire au taux de 12,8 %. En effet, si le taux d’imposition à l’impôt sur le revenu de 12,8 % est relativement attractif et compétitif par principe, cette imposition forfaitaire est assise sur le montant brut des revenus concernés.
En second lieu, je précise que l’abattement de 40 % est, lui, maintenu en cas d’option du contribuable pour l’imposition de ses revenus mobiliers suivant le barème progressif. Dès lors, diminuer cet abattement reviendrait, selon nous, à pénaliser les contribuables les plus modestes, qui ont intérêt à opter pour l’imposition de l’ensemble de leurs revenus mobiliers au barème progressif. Ce n’est pas, je pense, votre intention en cette période de crise sanitaire.
Par ailleurs, cet abattement répond à une logique : il s’agit de prendre en compte le fait que les revenus distribués ont déjà été imposés à l’impôt sur les sociétés. Ce n’est pas la première imposition à laquelle ils sont soumis.
J’ajouterai deux choses.
La première, c’est que, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous considérons que la réponse à la crise ne passe pas par une augmentation des prélèvements obligatoires, quelle que soit leur nature.
La seconde, c’est que, au-delà de cette position sur le niveau des prélèvements obligatoires, nous avons décidé non pas de taxer plus fortement les dividendes, mais d’interdire l’accès aux dispositifs d’aide de l’État aux sociétés versant des dividendes. Bruno Le Maire et moi-même y avons veillé tout particulièrement. L’accès aux prêts garantis par l’État ou au report, voire aux exonérations, de cotisations n’est pas ouvert aux sociétés qui maintiennent le versement de dividendes. Cela témoigne de notre attention à cette question.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 900 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 10 000 euros le taux de :
« – 10 % pour la fraction supérieure à 10 000 € et inférieure ou égale à 20 000 € ;
« – 17 % pour la fraction supérieure à 20 000 € et inférieure ou égale à 30 000 € ;
« – 34 % pour la fraction supérieure à 30 000 € et inférieure ou égale à 40 000 € ;
« – 37 % pour la fraction supérieure à 40 000 € et inférieure ou égale à 50 000 € ;
« – 40 % pour la fraction supérieure à 50 000 € et inférieure ou égale à 60 000 € ;
« – 42 % pour la fraction supérieure à 60 000 € et inférieure ou égale à 75 000 € ;
« – 44 % pour la fraction supérieure à 75 000 € et inférieure ou égale à 100 000 € ;
« – 48 % pour la fraction supérieure à 100 000 € et inférieure à 125 000 € ;
« – 50 % pour la fraction supérieure à 125 000 € et inférieure ou égale à 150 000 € ;
« – 55 % pour la fraction supérieure à 150 000 € et inférieure ou égale à 200 000 € ;
« – 60 % pour la fraction supérieure à 200 000 €. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à instaurer un nouveau barème de l’impôt sur le revenu de onze tranches, contre cinq aujourd’hui, et un taux d’imposition maximal de 60 %, contre 45 % aujourd’hui, pour les foyers fiscaux qui bénéficient d’un revenu fiscal de 200 000 euros ou plus. Seraient concernés environ 160 000 foyers fiscaux, soit 0,5 % du total.
On nous dit qu’une telle proposition va à contre-courant. De quel courant ? Je ne le sais pas !
Selon un récent sondage, plus de 75 % des Français souhaitent que les riches soient davantage taxés au sortir de cette pandémie.
M. Philippe Dallier. Ainsi formulé, c’est sûr ! Ce genre de sondage…
M. Éric Bocquet. C’est vous qui êtes à contre-courant !
Plus des trois quarts des Français interrogés sont favorables à une telle mesure. C’est le cas de 86 % des sympathisants de gauche, de 60 % des sympathisants des Républicains et même de 57 % des sympathisants de La République En Marche. Ce n’est pas inintéressant.
Par ailleurs, le 13 juillet dernier, 83 millionnaires du monde entier ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils demandent à être davantage taxés.
M. Philippe Dallier. Votre amendement ne vise pas ces millionnaires !
M. Éric Bocquet. Ils ne sont pas devenus fous, ne souffrent pas d’un effet collatéral de la pandémie.
Ils expliquent dans leur appel : « Nous avons une dette énorme envers les gens qui travaillent en première ligne dans cette bataille globale. Des salariés essentiels sont largement sous-payés pour la charge qu’ils portent. À l’avant-garde de ce combat se trouvent nos personnels soignants, dont 70 % sont des femmes. Ils affrontent le virus mortel chaque jour, tout en assumant la plus grande responsabilité pour le travail à la maison non rémunéré. Le risque que ces personnes courageuses prennent pour prendre soin de nous nous impose d’établir un véritable nouvel engagement de solidarité avec ce qui compte vraiment. Taxez-nous ! » (M. Philippe Dallier rit.) Ils terminent par cette phrase magnifique : « L’humanité est plus importante que notre argent. »
En défendant cet amendement, nous ne sommes pas à contre-courant.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est donc l’amendement des millionnaires ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 559 rectifié bis, présenté par MM. P. Joly et Antiste, Mme Harribey, M. Vaugrenard, Mmes Conconne et Préville, M. Devinaz, Mme G. Jourda, M. Lurel, Mmes Tocqueville, Jasmin et Conway-Mouret et MM. Mazuir, Féraud et Jomier, est ainsi libellé :
Après l’article 2 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième à dernier alinéa du 1 du I de l’article 197 du code général des impôts sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« – 9 % pour la fraction supérieure à 10 064 € et inférieure ou égale à 25 659 € ;
« – 24 % pour la fraction supérieure à 25 659 € et inférieure ou égale à 49 514 € ;
« – 31 % pour la fraction supérieure à 49 514 € et inférieure ou égale à 73 369 € ;
« – 44 % pour la fraction supérieure à 73 369 € et inférieure ou égale à 157 806 € ;
« – 49 % pour la fraction supérieure à 157 806 € et inférieure ou égale à 280 000 € ;
« – 54 % pour la fraction supérieure à 280 000 € et inférieure ou égale à 480 000 € ;
« – 60 % pour la fraction supérieure à 480 000 €. »
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. On est plus sûr de gagner avec ces amendements qu’en jouant au loto !
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 557 rectifié bis, qui est un amendement de repli.
Ces deux amendements visent à étendre les tranches du barème de l’impôt sur le revenu, à la fois pour réduire la charge pesant sur les Français les moins riches et pour augmenter la contribution des Français les plus fortunés, pour des raisons d’équité, mais également d’équilibre financier.
Contrairement à ce que le Gouvernement propose aujourd’hui, le financement des dépenses qui ont été et qui seront engagées doit se faire non pas seulement par la dette, mais également par des ressources fiscales nouvelles.
À cet égard, si la France a un niveau élevé de prélèvements obligatoires, comme le souligne souvent le rapporteur général, il faut non pas raisonner de manière globale, mais au regard des catégories de Français et de revenus concernés.
Aussi proposons-nous d’augmenter le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu. La tranche la plus faible serait imposée à 9 % et la tranche la plus élevée à 60 %.
Le taux de 60 % n’est pas si déraisonnable, car il est très éloigné…
M. Philippe Dallier. C’est vrai que vous aviez proposé un taux de 75 %, alors 60 %, ce n’est pas si déraisonnable !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette disposition a été par deux fois retoquée par le Conseil constitutionnel !
M. Patrice Joly. … du taux de 75 % instauré aux États-Unis sous Roosevelt. Ce taux avait même été porté à 90 % à une certaine période pour la tranche la plus élevée. Dans les années 1980, ce taux était encore de 65 %.
Le second amendement vise lui aussi à proposer de nouvelles tranches pour les revenus les plus élevés, avec des taux moins importants que dans l’amendement que je viens de défendre.
M. le président. L’amendement n° 557 rectifié bis, présenté par MM. P. Joly et Antiste, Mme Harribey, M. Vaugrenard, Mmes Conconne et Préville, M. Devinaz, Mme G. Jourda, M. Lurel, Mmes Tocqueville, Jasmin et Conway-Mouret et MM. Mazuir et Féraud, est ainsi libellé :
Après l’article 2 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième à dernier alinéa du 1 du I de l’article 197 du code général des impôts sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« – 11 % pour la fraction supérieure à 10 064 € et inférieure ou égale à 25 659 € ;
« – 30 % pour la fraction supérieure à 25 659 € et inférieure ou égale à 73 369 € ;
« – 41 % pour la fraction supérieure à 73 369 € et inférieure ou égale à 157 806 € ;
« – 45 % pour la fraction supérieure à 157 806 € et inférieure ou égale à 280 000 € ;
« – 49 % pour la fraction supérieure à 280 000 € et inférieure ou égale à 480 000 € ;
« – 54 % pour la fraction supérieure à 480 000 €. »
Cet amendement est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avec ces amendements, nous avons l’impression d’être déjà en train d’examiner le projet de loi de finances pour 2021. On s’entraîne ! Ils abordent en effet des sujets de fond traités dans les PLF. Chaque année, des amendements visant à modifier les tranches du barème ou à en créer de nouvelles sont proposés.
Sur ces questions, il est intéressant de se pencher sur les chiffres. Le Gouvernement disposera peut-être prochainement des chiffres de la dernière campagne de l’impôt sur le revenu, mais ceux de 2017 montrent l’hyperconcentration de l’impôt : 20 % des contribuables les plus aisés ont acquitté 85,1 % de l’impôt sur le revenu, contre 83,4 % en 2016. Très concrètement, la concentration s’est accrue.
Le nombre de contribuables soumis à l’impôt sur le revenu se réduit chaque année. Des amendements du groupe du RDSE visent d’ailleurs à prévoir – peut-être est-ce en mémoire de Joseph Caillaux ? – que l’ensemble des contribuables soient imposés. Je salue d’ailleurs au passage la constance des membres de ce groupe. (Sourires sur les travées du groupe RDSE.)
En conclusion, je ne suis pas certain que la réponse à la crise passe par l’augmentation de la pression fiscale. Je l’ai dit, la France est le pays de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte.
On peut certes se faire plaisir, en souvenir du bon vieux temps,…
M. Philippe Dallier. Oui ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … mais je rappelle que le taux de 75 % a été par deux fois censuré par le Conseil constitutionnel.
M. Patrice Joly. Ce n’est pas notre proposition !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On ne va peut-être pas revenir à la période du président « normal » ! Avis défavorable.
M. Philippe Dallier. Attention, il bouge encore, il pourrait revenir !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je l’ai dit, le Gouvernement est défavorable à toute augmentation des prélèvements obligatoires.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Sauf à celles qu’il décide lui-même !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. J’ajoute, concernant en particulier la proposition défendue par M. Bocquet, qui visait à porter à 60 % le taux d’imposition pour la fraction supérieure à 250 000 euros, que les foyers dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 250 000 euros, porté à 500 000 euros pour un couple, sont d’ores et déjà soumis à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 3 % au-delà de 500 000 euros et de 4 % au-delà d’un million d’euros.
Si nous additionnions la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au taux de 4 %, ainsi que les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % sur les revenus du patrimoine et la tranche marginale à 60 % que vous proposez de créer, nous aboutirions à un niveau de taxation global qui pourrait être considéré comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel. À cet égard, M. le rapporteur général a rappelé les décisions récentes du Conseil constitutionnel. Nous avons donc même une crainte sur la constitutionnalité de l’amendement que vous proposez.
Indépendamment de cette précision, notre position consiste, je l’ai dit, à nous opposer à toute augmentation des prélèvements obligatoires. J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je comprends tout à fait que l’on puisse rouvrir ce débat et qu’il y ait une ligne de fracture entre nous. Quoi de plus normal sur un sujet tel que celui-là ? Cela dit, je finis par trouver l’argumentaire assez pénible.
On nous dit que les 83 plus grosses fortunes mondiales demandent à être taxées davantage. Très bien ! Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’elles soient plus taxées en France – mais ce n’est pas en France que l’on trouve le plus de millionnaires –, aux États-Unis ou ailleurs. Ce qui me perturbe, c’est que les amendements qui nous sont soumis ne visent pas les 83 plus grosses fortunes mondiales. Ce n’est pas vrai !
On use du même argumentaire pour les 20 % de Français qui vont continuer de payer la taxe d’habitation. Dans un article récent, Le Parisien parlait à leur propos des « ménages les plus fortunés » ! Franchement, la taxe d’habitation continuera d’être due à partir de 2 380 euros par part, et on parle des « ménages les plus fortunés » ! Si la fortune commence à 2 380 euros par part, il faut nous le dire.
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. Philippe Dallier. Pensez-vous réellement que les 83 personnes qui réclament d’être plus taxées sont représentatives de celles que vous visez dans vos amendements ? Il y a là quelque chose que je ne comprends pas !
À titre d’exemple, le taux de 44 % s’appliquerait, pour le groupe CRCE, sur la fraction supérieure à 75 000 euros, à 73 000 euros pour le groupe socialiste. Vous voulez donc taper sur les classes moyennes et moyennes supérieures, et non pas sur les 83 personnes les plus fortunées au monde.
Nous ne sommes pas d’accord sur ce sujet, mais, de grâce, soyez plus précis dans vos argumentaires. C’est facile de pointer du doigt les super riches. Je suis également favorable à ce qu’on les taxe plus, mais, franchement, de tels amendements auront un fort impact sur les classes moyennes et les classes moyennes supérieures. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne sont pas à la noce en matière d’impôts dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je souhaite apporter quelques précisions.
J’indique d’abord qu’il n’y a aucune haine des riches dans notre propos… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Nous, on les aime et on voudrait qu’il y en ait plus !
M. Éric Bocquet. Épargnez-nous cet argument, qui nous est régulièrement opposé, mais qui n’en est pas un. Nous, nous sommes mus par la haine de l’injustice et par un souci d’égalité et de justice fiscale dans ce pays.
Je suis récemment tombé sur un article de l’excellent magazine Challenges, dans lequel – c’était le 20 mai – M. Gabriel Attal, alors secrétaire d’État chargé de la vie associative, aujourd’hui porte-parole du Gouvernement, a déclaré, alors qu’il était question de philanthropie et de la générosité à l’anglo-saxonne : « En France, les milliardaires ne donnent pas assez. Cette crise va propager la misère et creuser les inégalités. Je souhaiterais de leur part des paroles et des actes forts afin d’afficher leur solidarité. »
Pour nous, c’est l’inverse : il faut utiliser l’outil fiscal, fixer les règles de la redistribution à l’aide du barème.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je le dis aux uns et aux autres : il ne faut jamais trop verser dans la caricature, même si on y prend plaisir !
Cette série d’amendements, qui rencontre au Sénat un succès limité, nous le savons, vise à nous permettre de réfléchir tous ensemble à la manière dont nous allons résoudre les crises qui sont devant nous. Il faudra bien un jour trouver une solution à la crise des finances publiques. Alors que nous creusons la dette, il faudra bien, à un moment ou à un autre, que l’on cesse de mettre la poussière sous le tapis et que l’on se demande qui paiera et comment.
On peut indéfiniment reporter ce débat. Pour notre part, nous souhaitons qu’il soit abordé lors de l’examen de tous les projets de loi de finances rectificative. Il le sera à nouveau au moment du projet de loi de finances. Après, on peut discuter de tout : des modalités, des montants…
M. le ministre nous dit que, de façon générale, le Gouvernement ne souhaite pas augmenter les prélèvements obligatoires. C’est tout de même extraordinaire alors que vient d’être décidé le report de la date de fin de l’alimentation de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) par la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Cela représente des milliards d’euros de prélèvements pour tous, et pour le coup pas seulement pour les plus riches !
On peut bien nous dire que ce n’est pas là une augmentation d’impôt, mais la prolongation de 2025 à 2042 – excusez du peu ! – d’une cotisation de l’ordre de 0,5 % sur l’ensemble des revenus, si ce n’est pas une hausse d’impôt, qu’est-ce que c’est ? Soyons clairs : c’est bel et bien une augmentation d’impôt, qui touchera tous les revenus et tous les salariés, y compris les plus modestes.
Il est tout à fait légitime de se demander, dans le cadre de ce projet de loi, qui va payer la facture du covid. De même, il sera totalement légitime de le faire lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Ne sombrons donc pas dans la caricature et traitons du fond du sujet. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je me sens tenu d’intervenir sur un sujet aussi symptomatique. Dès que survient une crise dans notre pays, le réflexe systématique est de vouloir faire payer les plus fortunés.
Comme vous le savez, j’habite dans un autre pays, où l’on évoque souvent ce réflexe. Selon une étude comparative récente, la France présente un indice d’envie sociale bien plus élevé que ses autres partenaires.
D’après cette étude, même quand la situation des personnes enviées se détériore, 61 % des Français sont favorables à une taxation accrue des millionnaires. Seuls 20 % la désapprouvent. En Allemagne, c’est très exactement le contraire.
Quand on y regarde bien, notre problème est en fait un peu culturel. Le taux des non-envieux en France est faible : il est estimé à 27 %, contre 49 % au Royaume-Uni.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. En quoi est-ce un problème ?
M. Olivier Cadic. Cette étude explique un peu ce réflexe, qui est donc d’ordre culturel. Il faut se souvenir que l’envie est aussi l’un des sept péchés capitaux. (Rires et exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La gourmandise aussi, nous le verrons en examinant les amendements sur le chocolat ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Vive le ruissellement !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 559 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 557 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1021 rectifié ter, présenté par Mme Schillinger et MM. Dennemont, Iacovelli, Karam, Bargeton, Mohamed Soilihi, Yung, Buis et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 2 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Dans les départements particulièrement touchés par la crise sanitaire, les primes exceptionnelles versées aux sapeurs-pompiers en vertu du décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de covid-19 font l’objet d’une compensation financière par prélèvement sur les recettes de l’État.
II. – Un décret détermine les départements pouvant prétendre à une compensation de la prime exceptionnelle versée aux sapeurs-pompiers ainsi que le taux de cette compensation.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement a pour objet d’encourager le versement aux sapeurs-pompiers de la prime prévue par le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020.
Cette prime reposant entièrement sur les finances des départements, son coût peut potentiellement décourager ces collectivités, et ce plus particulièrement lorsqu’elles ont été très touchées par l’épidémie.
Aussi cet amendement tend-il à prévoir pour les départements les plus touchés par l’épidémie une compensation par l’État des primes aux sapeurs-pompiers décidées par les départements en vertu dudit décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La situation des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) varie selon les départements. Dans certains d’entre eux, les SDIS ont été très sollicités. Je pense à l’est de la France, à l’Île-de-France – où les sapeurs-pompiers sont des militaires –, au département de l’Oise. Ils l’ont moins été dans d’autres départements.
Un dispositif de compensation par l’État est-il prévu ? Nous n’avons pas eu le temps cette nuit de réaliser l’expertise nécessaire. Nous souhaitons donc entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.