Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La question n’est pas là !
M. Julien Bargeton. Lorsque l’on parle de ce sujet, si l’on veut être objectif et remettre les choses dans leur contexte, il faut aussi citer l’ensemble des mesures déjà prises.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
Les éventuelles pertes de recettes résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Je veux souligner combien cette proposition de loi est importante et rappeler qu’elle a été déposée avant la crise, contrairement à ce qu’a dit M. Bargeton.
Toutefois, on voit bien, avec cette crise, à quel point elle est d’actualité, à quel point son importance est renforcée, parce que la question du logement, en particulier pour les jeunes qui vont chercher un premier emploi – je rejoins ma collègue Annie Guillemot sur ce point –, va se poser de façon cruciale. C’est pour ça que, lors de la réforme de l’APL en temps réel, nous avions regretté que ne soient pas mises en œuvre des mesures d’accompagnement de ceux qui perdaient, de façon brutale, leurs APL.
Nous revenons donc dessus, et il est important que nous travaillions ensemble, en particulier sur la situation des jeunes relativement à la question des APL. Cette réforme ne doit pas être mise en application n’importe comment, sans faire attention aux personnes les plus défavorisées.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, vos réformes et les économies que vous avez voulu faire ont considérablement affaibli les bénéficiaires du secteur social et les bailleurs du logement social ; le modèle du logement social n’est certes pas parfait, mais cela l’a affaibli.
Bien sûr, nous voterons cette proposition de loi – je remercie d’ailleurs Mme Cukierman de l’avoir déposée et de l’avoir soumise à notre examen à ce moment-ci –, mais ce texte montre aussi qu’il est impératif de ne pas faire d’économies sur le logement social ; c’est très important. Nous avons attiré l’attention là-dessus lors de l’examen des trois derniers projets de loi de finances rectificative.
Je crois que vous devez revoir votre politique à ce sujet, monsieur le ministre ; contrairement à ce que vous dites, elle n’est pas bonne et elle va dans le mauvais sens.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Nous allons bien sûr voter cette proposition de loi, mais je veux revenir sur trois points.
En premier lieu, je veux vous faire part de mon inquiétude : il faut arrêter de fragiliser Action Logement, examiner la situation de cet organisme. J’en suis très préoccupée et, dans les territoires, les maires le sont également.
En second lieu, pour répondre à M. Bargeton, sur la réforme des APL, si les agents de la CAF doivent vérifier les revenus des assurés tous les trois mois, ce sera extrêmement difficile aussi. Je pense même, pour être en relation très étroite avec ce réseau, que, pour certaines caisses, ce ne sera pas possible. Il faut donc également revoir cela.
En troisième lieu, je veux revenir sur la politique de la ville. Nous avons constaté, en commission d’attribution – comme tous les élus qui participent à cette instance, je pense –, la paupérisation d’un certain nombre de territoires, avec une concentration de pauvreté. Le monde d’avant était déjà comme ça ; le monde d’après sera pire pour les jeunes d’un certain nombre de quartiers ; les rodéos ne sont sans doute pas le phénomène le plus inquiétant. Nous devons vraiment lutter contre les discriminations et cette concentration de pauvreté dans un certain nombre de territoires et de communes très pauvres. J’ai le sentiment que ça n’ira pas, qu’on aura des troubles très graves à l’ordre public si ça continue ainsi et si on ne met pas les jeunes des quartiers dans l’emploi ou dans des contrats aidés. Je le répète, parce que je pense qu’on est dans une situation explosive.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. J’indique à mon tour que le groupe Union Centriste votera avec grand plaisir cette proposition de loi ; c’est une initiative très heureuse, qui arrive effectivement au moment où ce débat doit être remis au centre des préoccupations du Gouvernement.
Cette discussion pose plus largement tant la question de la possibilité des ménages d’accéder, sans s’endetter, à un logement – derrière l’APL, il y a le problème du surendettement des ménages – que celle, bien sûr, du financement du logement social, à un moment où celui-ci va subir, pour des raisons évidentes, de fortes tensions.
Je profite de cette prise de parole, sans en abuser, pour compléter les propos de ma collègue sur Action Logement. L’article 3 d’un texte adopté tout récemment à la suite d’un accord en commission mixte paritaire permet d’enregistrer la trésorerie d’un certain nombre d’organismes publics ou privés exerçant des missions de service public dans les comptes du Trésor.
Si l’on peut, apparemment, être rassuré pour ce qui concerne les bailleurs sociaux, on l’est beaucoup moins pour Action Logement. Nous espérons juste que cette opération ne mettra pas en grand péril les capacités financières de cet établissement, qui doit aller au maximum de ses capacités pour accompagner, auprès des territoires, la production et la rénovation de logements, pour jouer sa mission de service public et pour accompagner les salariés, à un moment où ceux-ci en auront besoin.
Par ailleurs, nous attendons toujours l’arrêté et le décret permettant d’améliorer la gouvernance d’Action Logement et d’instaurer, en son sein, un comité des partenaires, associant des élus locaux ou nationaux.
Tout cela permettra à Action Logement d’aller plus loin et nous assurera d’avoir, à vos côtés, monsieur le ministre, les moyens d’aller plus loin, plus vite et plus fort dans la production et l’amélioration du logement au service des plus fragiles.
Je remercie encore nos collègues de cette initiative, et je remercie le Sénat d’être toujours mobilisé et convergent quand il s’agit de défendre le logement social. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SOCR. – Mme Laure Darcos et M. Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens bien évidemment à remercier chacun d’entre vous, notamment Mme la présidente de la commission et Mme la rapporteure.
C’est vrai, cette proposition de loi a été travaillée avant le début de la crise ; nous avons fait le choix de l’inscrire dans la niche parlementaire d’aujourd’hui, mais les conditions de travail pour écrire le rapport et pour échanger ont forcément été beaucoup plus compliquées, vu les conditions sanitaires que nous vivons depuis plusieurs semaines.
Je veux tout de même vous remercier, monsieur le ministre, de la qualité et de la franchise des débats. Tout débat enflammé est aussi le fruit des passions, tout simplement parce que, quand il s’agit de la question du logement, nous touchons à l’essentiel de la vie humaine, à ce qui permet d’être digne et – je l’ai toujours dit, au cours des débats que nous avons eus – de se construire, de s’inscrire dans une société, de faire du commun ensemble. Ainsi, l’accès à un logement de qualité est un droit fondamental.
Vous reconnaissez des erreurs, cela a été dit ; je ne sais pas si les fautes avouées sont à moitié pardonnées, mais il y a maintenant besoin de les corriger réellement, dans les actes.
Oui, il y a, aujourd’hui – il n’y a pas de débat sur ce constat –, des trous dans la raquette sur la question des APL et de ses bénéficiaires, mais, pour filer la métaphore, la question n’est pas de passer des trous d’une raquette de tennis à des trous, plus petits, d’une raquette de badminton en n’intégrant pas tout le monde dans le dispositif, et encore moins de supprimer les trous par la réduction du spectre de la raquette, pour aboutir à une raquette de ping-pong… Il y a donc un défi : ne pas exclure d’autres personnes du bénéfice des APL en temps réel. Selon les chiffres qui nous ont été donnés, en répondant à certains, vous en excluez d’autres.
Enfin, permettez-moi simplement de vous dire, mon cher collègue, que je n’ai jamais prétendu que cette proposition de loi était l’alpha et l’oméga de la problématique du logement. Je ne fais pas de politique pour faire de la charité, mais, je le dis sans aucune prétention et avec beaucoup d’ambition, ce que nous faisons ce matin répondra durablement aux attentes des Français. (Applaudissements sur toutes les travées, sauf sur celles du groupe LaREM.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir l’efficacité des aides personnelles au logement.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et UC.)
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Création de Points d’accueil pour soins immédiats
Rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à répondre à la demande des patients par la création de Points d’accueil pour soins immédiats (proposition n° 164, texte de la commission n° 462, rapport n° 461).
Je rappelle que notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars dernier.
J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité – je pense qu’il n’y aura pas de problème aujourd’hui… (Sourires.)
Tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi est une occasion de plus d’exprimer notre gratitude et notre reconnaissance aux personnels soignants, qui sont mobilisés depuis des semaines pour faire face à une crise sanitaire sans précédent.
Au-delà des mots que je viens de prononcer – ils ont leur importance –, il y a les actes, qui sont imminents. Le Ségur de la santé, qui s’est ouvert la semaine dernière, est riche de promesses et d’espoir pour tous ceux qui soignent, pour tous ceux qui accompagnent, pour tous ceux qui sauvent.
Il est indispensable de reconnaître les soignants dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils font, tout comme il est indispensable de soulager leur quotidien en adaptant notre système de santé aux enjeux de notre temps et en permettant à chacun d’accéder à des soins correspondant à sa situation. La crise sanitaire a été une épreuve de vérité pour notre système de santé en révélant à la fois ses atouts et ses faiblesses.
Depuis plusieurs années, nous le savons, les services d’urgence sont saturés. Ils sont pris d’assaut et sont devenus, pour beaucoup de nos concitoyens, une sorte de réflexe, une première porte d’entrée dans le système de santé. Les images de lits dans les couloirs, de soignants faisant ce qu’ils peuvent dans des conditions dégradées ne datent pas d’hier. Elles sont le reflet des évolutions et des grandes mutations de notre société.
La figure rassurante du médecin de famille qui prenait les décisions de santé, qui était joignable à toute heure du jour et de la nuit a perdu de son évidence pour beaucoup de Français. Elle ne répond probablement plus non plus totalement à la conception qu’ont les nouvelles générations de médecins de leur exercice professionnel. Avec la perte de ce repère, nombreux sont les Français qui font part de leur difficulté à s’orienter dans notre système de santé.
Je sais combien les médecins libéraux se mobilisent aujourd’hui et à quel point ils sont prêts à le faire encore davantage demain, en particulier dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé qui émergent et se structurent dans les territoires afin de garantir l’accès de chacun à un médecin traitant. Ce combat est fondamental, car le médecin traitant est, et doit rester, le gage d’un suivi au long cours, d’une prise en charge globale, intégrant une dimension à la fois préventive et curative et contribuant à la bonne orientation des patients dans notre système de santé. Sans médecin traitant, l’errance médicale s’accentue, les patients n’ont plus personne à qui s’adresser, les urgences deviennent tout à la fois le premier et le dernier recours, pour ne pas dire le seul recours pour beaucoup. Il en résulte un engorgement de ces services, cette situation faisant peser une pression néfaste sur tout le monde.
Le texte qui est débattu aujourd’hui, et dont l’examen a débuté en novembre dernier, est une initiative parlementaire. Sa vocation est d’apporter une plus grande clarté à notre système de santé. Permettez-moi de saluer le travail qui a été effectué pour proposer un texte opérationnel. Je salue également tous ceux qui ont enrichi ce texte à l’Assemblée nationale et ici, au sein de la commission, et qui, par leur contribution, proposent des solutions très concrètes pour améliorer l’accès aux soins dans notre pays.
Pour éviter les situations d’engorgement des urgences, ce texte prévoit la création d’une catégorie nouvelle de structures de santé, à mi-chemin entre la médecine générale traditionnelle et les services d’urgence : les points d’accueil pour soins immédiats. Cette catégorie est, sur le fond, pertinente, car nous savons que beaucoup d’admissions aux urgences ne répondent pas aux critères de la médecine d’urgence.
Il s’agira de labelliser pour une durée de cinq ans, par le biais des agences régionales de santé, des structures capables d’accueillir des patients dans le cadre de soins non programmés, lorsque les situations ne répondent pas aux critères de la médecine d’urgence. Une signalétique spécifique, qui reste à définir, permettra d’identifier ces structures et d’orienter le patient vers celles-ci, contre le réflexe, puisque c’est bien devenu un réflexe, d’aller aux urgences.
La gradation des soins ne doit pas être une notion technique, voire abstraite, pour nos concitoyens ; elle doit être une réalité de terrain. De ce point de vue, cette proposition de loi est un outil très concret pour apporter une réponse juste, pertinente, aux soins requis. Il faut bien le dire, entre la consultation chez son médecin traitant et l’admission dans un service d’urgence, il y a toute une série de nuances, des degrés de gravité divers. On peut avoir besoin de soins immédiats sans pour autant requérir l’intervention de la médecine d’urgence. Autrement dit, l’ambition de cette proposition de loi est non pas de créer une couche supplémentaire, mais bien de matérialiser un chaînon qui parfois peut manquer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, nous ne ferons pas l’économie, dans le cadre du Ségur de la santé, d’un débat sur les organisations, sur la bonne coordination des collectifs de soins, sur les territoires. C’est l’un des grands enjeux de la concertation qui a été lancée par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran.
La crise sanitaire que nous traversons a conduit chaque service à se réinventer, à prioriser, à s’articuler avec les autres. Des trésors d’ingéniosité, d’imagination sont nés de cette crise. Il faudra que le « monde d’après », comme l’on dit, s’enrichisse de ces dispositifs.
Sous réserve de certaines modalités pratiques, qui restent à définir, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui poursuit, qui complète l’action du Gouvernement dans le champ de l’accès aux soins non programmés entamée il y a désormais plusieurs mois.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par m’associer à l’hommage qui vient d’être rendu aux soignants et par remercier ceux de nos collègues qui se sont rendus disponibles à l’hôpital pendant la crise, en particulier Véronique Guillotin et Bernard Jomier.
Ces derniers mois nous ont rappelé avec force une évidence simple : la santé est au cœur des priorités de nos concitoyens.
Au moment où s’engage le Ségur de la santé, et alors que les attentes s’expriment de manière pressante, la proposition de loi du député Cyrille Isaac-Sibille dont nous allons débattre n’a pas l’ambition de refonder notre système de soins. Elle apporte une réponse ponctuelle, mais néanmoins concrète et pragmatique, à des réalités que nous sommes nombreux à constater.
Ces réalités, ce sont les angoisses de nombre de nos concitoyens dans les territoires où la démographie médicale est fragile et où l’accès aux soins est difficile.
Ces réalités, ce sont aussi les difficultés, en partie corrélées, résultant de l’engorgement des services d’urgence, dont la fréquentation a plus que doublé en vingt ans, ce qui a eu des conséquences en chaîne sur l’hôpital. Nos collègues Laurence Cohen et René-Paul Savary, présents aujourd’hui, avaient d’ailleurs parfaitement mis en évidence ces conséquences dans un rapport en 2017.
En effet, les services d’urgence assurent une prise en charge complète, en un seul lieu et sans avance de frais. Ils offrent une réponse à une urgence médicale ressentie, que les patients ne trouvent pas toujours, dans les mêmes conditions, auprès des professionnels de ville. Or, selon la Cour des comptes, une consultation « classique » serait, dans 10 % à 20 % des cas, plus appropriée au regard du besoin médical réel, qui plus est à un coût moindre pour l’assurance maladie.
Les points d’accueil pour soins immédiats (PASI), instaurés par la proposition de loi visent à assurer, pour des soins qui ne relèvent pas stricto sensu de l’urgence médicale, comme la petite traumatologie, une prise en charge intermédiaire entre le cabinet médical et le service d’urgence. Cette offre de soins graduée serait dimensionnée aux besoins médicaux des patients, avec un accès direct, ou organisé, à des plateaux techniques, notamment d’imagerie ou de biologie médicale, afin de constituer une réelle alternative aux urgences hospitalières. Elle présenterait les mêmes garanties d’accès financier aux soins, notamment par l’application du tiers payant. Toutes les auditions l’ont démontré, c’est là une exigence de chacun. Elle serait enfin aisément identifiable par une signalétique spécifique : par exemple une croix orange, comme le propose l’auteur du texte, en référence à la croix rouge des urgences et à la croix verte des pharmacies.
L’instauration du label « PASI » permettra de rendre visibles et lisibles des structures qui existent pour certaines d’ores et déjà, au sein d’une maison, d’un centre de santé ou adossées à un hôpital de proximité. Les PASI s’inspirent en effet d’expériences de terrain diverses, résultant parfois de la transformation de services d’urgence surdimensionnés, parfois de l’initiative de professionnels libéraux.
Pour l’auteur du texte, ces points d’accueil ont vocation à former une « réponse ambulatoire » à la prise en charge des soins non programmés, en complémentarité de Ma santé 2022 ou du pacte de refondation des urgences et des mesures progressivement mises en place pour accompagner la structuration des acteurs de la médecine de ville et le déploiement de l’exercice coordonné. En ce sens, les évolutions apportées au texte par l’Assemblée nationale ont permis d’articuler les PASI avec les projets de territoire en cours de formalisation, notamment ceux qui sont portés par les professionnels de santé dans les CPTS, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État.
Si l’initiative est bienvenue, j’entends également certaines réserves que ce texte peut susciter ; nos débats en commission s’en sont fait l’écho. Ces réserves sont autant de points de vigilance auxquels il nous faudra être attentifs afin d’emporter l’adhésion des professionnels de santé.
Un premier écueil serait de promouvoir une approche consumériste du soin. Nous aurons, lors de l’examen des amendements, un débat sur la notion de « soins immédiats », qui peut, à certains égards, induire cette perception.
Au-delà des questions de vocabulaire, l’enjeu de la régulation sera déterminant pour assurer la pertinence des prises en charge et éviter tout appel d’air. Cette régulation médicale devra être cohérente avec les initiatives des professionnels dans les territoires ou avec le projet de numéro unique – le service d’accès aux soins envisagé par le Gouvernement. En outre, l’information des patients sur l’offre de soins disponible, laquelle est à ce jour largement insuffisante, sera un corollaire indispensable afin d’éviter tout risque de confusion en cas d’introduction dans le paysage sanitaire d’une croix orange.
Un second écueil serait de déstabiliser l’organisation mise en place dans les territoires en ajoutant un étage au millefeuille – cela a été rappelé en commission –, une structure en plus, déconnectée des autres acteurs, comme le craignent des syndicats de médecins.
Les médecins généralistes sont les premiers acteurs des soins non programmés, et il n’est nullement question de leur dérober ce rôle. Bien au contraire, les PASI ont vocation à venir en appui de ces professionnels dans leur mission. Pour cela, l’inscription des PASI dans un projet territorial est évidemment un élément fondamental.
Les ajustements que nous avons introduits dans le texte de la commission, sur ma proposition, ont eu précisément pour objectif de souligner la nécessaire complémentarité des PASI avec l’offre présente à l’échelon d’un territoire. Tout effet de concurrence serait délétère, sachant combien la ressource médicale est rare.
Nous avons également tenu à mettre en avant la nécessaire articulation avec le parcours de soins coordonné, de même que l’initiative première des acteurs de santé dans la démarche de labellisation. Ce type de projet ne saurait résulter d’une approche dogmatique des agences régionales de santé.
En outre, nous avons tenu à sortir d’un cadre médico-centré et à souligner le rôle essentiel qui pourra être dévolu aux autres professions dans ces structures, en premier lieu les infirmiers ou les masseurs-kinésithérapeutes, voire les pharmaciens.
Au final, ce texte ne résoudra pas d’un coup de baguette magique les difficultés d’accès aux soins. Il ne se substitue pas non plus aux réformes attendues de notre système de santé pour mieux répondre aux besoins. Je pense, par exemple, aux réflexions qui doivent encore progresser sur la coopération entre les professions de santé ou sur la revalorisation des visites à domicile. Cette proposition de loi offre néanmoins un outil pragmatique et complémentaire dont les professionnels de santé pourront se saisir dans les projets de territoire en cours de formalisation.
Le cadre général posé par ce texte offre, selon moi, la plasticité nécessaire pour adapter les PASI aux réalités locales, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. C’est une condition qui me semble essentielle : le cahier des charges national devra rester simple et souple pour s’adapter à cette diversité et éviter tout carcan inutile.
Je sais que ce texte, même ainsi modifié par la commission, soulève encore certaines réserves sur plusieurs de nos travées et que son opportunité suscite des interrogations, à l’heure où s’ouvre le Ségur de la santé. Il nous semble cependant qu’il est conforme à des principes que nous avons à cœur de défendre dans cet hémicycle lorsque nous débattons de l’organisation de la santé : le volontariat des acteurs de terrain, la souplesse d’adaptation aux réalités des territoires, la prise en compte des besoins des patients.
Pour ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’avais prévu de dire, en introduction de mon intervention, tout le plaisir que j’avais de parler devant une foule en délire ; il me faut réviser quelque peu mes prétentions… (Sourires.)
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été adoptée par l’Assemblée nationale en novembre 2019, alors que de nombreux services d’urgence des hôpitaux publics connaissaient depuis des mois un mouvement social.
Nos collègues Laurence Cohen et René-Paul Savary ont parfaitement analysé les difficultés des services d’urgence. Ils doivent être regardés non comme un point d’entrée défaillant dans le système de soins, mais comme un miroir grossissant des dysfonctionnements de l’ensemble de notre système de santé. Leurs difficultés résultent moins de leur organisation propre que de leur positionnement original au confluent, en amont, des carences de la médecine de ville et de la permanence de soins ambulatoires et, en aval, des rigidités hospitalières.
Nous avons régulièrement eu l’occasion d’évoquer dans cet hémicycle et au sein de la commission des affaires sociales le problème que pose pour notre système de santé la gestion de la permanence des soins et, plus généralement, de l’accueil des soins non programmés – madame la rapporteure, je préfère cette terminologie à celle de soins immédiats, qui semble accréditer l’idée d’immédiateté.
Nous avons été conduits à examiner plusieurs dispositions sur ce sujet ces dernières années avec la mise en place de mesures diverses directement liées à la prise en charge des soins non programmés. Je pense notamment aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui, je le rappelle, ont pour mission de permettre aux patients du territoire concerné d’obtenir un rendez-vous le jour même ou dans les vingt-quatre heures, dès lors qu’il s’agit d’une urgence non vitale.
Depuis la signature en juin dernier de l’accord conventionnel interprofessionnel, les CPTS s’organisent sur l’initiative des professionnels de santé des territoires pour construire une offre de soins coordonnée. Le ministère de la santé estimait qu’il serait nécessaire de créer environ un millier de CPTS pour couvrir l’ensemble du territoire conformément aux objectifs du plan Ma santé 2022. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai une première question : pouvez-vous nous donner un état des lieux de la mise en place de ces CPTS ?
Par ailleurs, le pacte de refondation des urgences, annoncé en octobre dernier par Mme la ministre de la santé, prévoyait la création d’un service d’accès aux soins (SAS). Ma deuxième question est la suivante : où en sommes-nous ? Là encore, la coordination entre les centres 15 et les médecins de ville est une question primordiale, et j’imagine que la participation des médecins libéraux sera valorisée sur ce sujet. Monsieur le secrétaire d’État, la négociation conventionnelle entre les médecins libéraux et l’assurance maladie est-elle engagée ?
Enfin, les professionnels de santé se sont organisés sur leurs territoires, en créant des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), des maisons médicales de garde, etc. Même si toutes ces initiatives ne sont pas suffisantes au regard de l’engorgement des services d’urgence, la réponse à la question qui nous est posée réside-t-elle dans la création d’un nouveau label par l’ARS ? Honnêtement, je ne le pense pas.
Comme je l’ai décrit à l’instant, les points d’accueil pour soins non programmés existent déjà, mais sous d’autres appellations. Ajouter une énième structure dans l’organisation des soins ne nous semble pas pertinent, d’autant plus que le Gouvernement vient d’installer le Ségur de la santé – Mme la rapporteure l’a rappelé –, qui, je l’espère, ne sera pas que le Ségur de l’hôpital…
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de former le vœu que ce Ségur ne soit pas un catalogue de demandes, mais qu’il apporte des solutions concrètes pour améliorer les conditions de travail de tous les professionnels de santé : médecins, infirmiers, paramédicaux… Je prendrai un exemple : la question du temps que les personnels, tous secteurs confondus, consacrent à leurs tâches administratives. Des solutions pratiques et rapides pour augmenter le temps médical doivent être mises en place ; tout le monde y gagnera, patients comme soignants.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez commencé votre intervention par un hommage aux soignants – permettez-moi, comme Mme la rapporteure, de le faire à mon tour –, mais cet hommage ne pourra se matérialiser que si des mesures concrètes et acceptées par les professionnels de santé sont effectivement adoptées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)