M. Julien Bargeton. Selon moi, ils n’y sont guère traduits, mais le débat est ouvert.
Je remercie la commission d’avoir proposé la suppression de deux articles. Le premier concerne le seuil ; en effet, cela a été dit, dans 40 % des cas, ledit seuil ne s’applique pas. Le second, l’article 3, rend plus compliquée l’application du droit, alors même que chacun s’accorde à dénoncer sa complexité !
J’en viens à deux autres points, qui sont maintenus.
Le délai de carence, tout d’abord : en supprimant ce délai, on risque de susciter de nombreux rappels, lesquels sont très mal vécus par les personnes concernées et font peser sur les CAF une charge de travail supplémentaire.
Le second point est relatif à l’indexation. À cet égard, je rappelle que plusieurs mesures ont été prises récemment, parmi lesquelles l’aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros par enfant à charge de moins de 20 ans : 5 millions d’enfants sont concernés.
Le Gouvernement a également prolongé la trêve hivernale, mis en place un plan d’urgence pour l’aide alimentaire, ainsi qu’une aide pour les personnes précaires de moins de 25 ans.
Des actions ciblées, précises, ne sont-elles pas plus utiles qu’une indexation générale ? Le débat mérite d’être posé !
Mme Cécile Cukierman. La loi est faite pour le long terme, pas pour le court terme !
M. Julien Bargeton. La politique du logement représente, on l’a rappelé, 40 milliards d’euros. Or notre pays compte encore 4 millions de personnes mal logées.
Le ministre a parlé de la nécessité d’augmenter l’offre. Nous en sommes tous d’accord, il faut une offre plus large de logements accessibles !
La mère des réformes est la contemporanéisation des aides. (Mme Marie-Noëlle Lienemann marque son agacement.) Il y a un débat sur ce point !
La contemporanéisation signifie que l’on verse les APL en temps réel. C’est très important !
C’est paradoxal : d’aucuns disaient qu’il ne fallait pas faire cette réforme, car elle ne servirait qu’à faire des économies ; dès lors que nous sommes en crise et que ladite réforme va coûter de l’argent, les mêmes nous reprochent de ne pas la mettre en œuvre. Ceux qui la critiquaient la réclament désormais ! Or elle a simplement été décalée ! Il ne faut pas être de mauvaise foi…
Mme Cécile Cukierman. Personne ne dit qu’il ne faut pas améliorer le système !
M. Julien Bargeton. En tant qu’élus, nous avons tous été sollicités par des personnes nous expliquant que leur situation avait changé, qu’elles avaient rompu leur PACS, divorcé, eu un enfant, etc., mais que ce changement n’était toujours pas pris en compte…
Il s’est passé exactement la même chose pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : on a poussé des cris d’orfraie au départ, puis plus personne n’a demandé de revenir en arrière !
Que dit la Cour des comptes sur cette mesure très importante qu’est la contemporanéisation ? Cette nouvelle disposition « devrait constituer une réelle avancée. Cela permettra de mieux fiabiliser les montants de ressources pris en considération dans le calcul et d’adapter le niveau de l’aide à la situation réelle du bénéficiaire. » Cette réforme, nous en avons besoin !
Mme Cécile Cukierman. Plus besoin de faire la loi, il y a la Cour des comptes !
M. le président. Seul M. Bargeton a la parole, mes chers collègues !
M. Julien Bargeton. Contrairement à ce que vous laissez entendre, nous n’avons pas déposé d’amendements de suppression. Mais nous ne voterons pas la proposition de loi. Il est facile de dire que l’on va faire adopter un tel texte…
Ce que nous voulons, c’est ouvrir le dialogue en examinant quelles sont les mesures les plus utiles pour les Français dans le cadre de cette crise.
Mme Annie Guillemot. Pourquoi n’avez-vous rien dit contre la baisse des APL, dont les Français ont besoin ?
M. Julien Bargeton. Cette proposition de loi a le mérite de poser le débat, mais nous ne pensons pas qu’elle apporte les solutions les plus pertinentes. Nous ne la voterons donc pas, sans toutefois, j’y insiste, déposer d’amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le ministre, chère Cécile Cukierman, mes chers collègues, non, cette proposition de loi que nous présentons aujourd’hui n’est pas conjoncturelle et uniquement liée à la crise du Covid ! Nous avions travaillé sur ce texte auparavant.
Il y avait en effet d’ores et déjà dans notre pays, avant l’actuelle crise sanitaire, un énorme problème, qui a explosé depuis, de pouvoir d’achat et de garantie contre la précarité du logement pour les catégories de population les plus modestes.
Je n’aborderai pas l’ensemble de la politique du logement, car nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des plans de relance. Nous ciblons une mesure très concrète et opérationnelle, qui a un effet massif : les aides personnelles au logement.
Premièrement, je me réjouis que la Cour des comptes reconnaisse, pour une fois, le rôle majeur des APL dans la redistribution sociale, au niveau global et pas seulement pour le droit au logement. Elle indique ainsi que ces aides « jouent de fait un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes : elles représentent près de 30 % de l’effort de redistribution en direction des ménages du premier décile de niveau de vie, qui constituent plus de 75 % des bénéficiaires. »
M. Julien Bargeton. C’est ce que j’ai dit !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ceux qui auraient des doutes sur la cible, la Cour précise bien que 75 % des bénéficiaires sont dans le premier décile ! Il n’y a donc pas à s’interroger à cet égard…
Deuxièmement, l’effet de ces aides est stratégique et permanent.
Mme Annie Guillemot. Et dans le privé ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans le privé, le sujet est le même !
En effet, tandis que le taux moyen de dépenses pour le logement est de 25 %, il s’élève à 30 ou 35 % pour les familles modestes, et même à 40 ou 45 % quand elles habitent dans le parc privé.
Mme Annie Guillemot. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’effet des APL est donc double puisqu’il est redistributif et, à la fois, favorise le pouvoir d’achat ponctionné par les dépenses de logement.
On nous dit que notre dispositif est complexe. Je veux bien l’entendre, mais les avantages fiscaux que Bercy dévide à tire-larigot, tous les quarts d’heure, le sont aussi !
J’en suis d’accord, les choses doivent être simples, pour que le peuple puisse comprendre ses droits et en bénéficier. Je n’ai aucun état d’âme, mais je connais aussi le discours de La République En Marche : « C’est compliqué, donc il faut réduire la prestation. » (M. le ministre fait un geste de dénégation.)
M. Julien Bargeton. Non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pardonnez-moi, mais c’est ce que vous faites !
Si vous aviez instauré la contemporanéisation des APL à euro constant, notamment, nous aurions pu nous contenter d’un débat technique pour chercher, ici ou là, d’éventuels trous dans la raquette… Mais là n’est pas le sujet !
Depuis des années, vous le savez, Bercy a dans le collimateur les dépenses prétendument trop importantes consacrées aux APL. La preuve en est que vous les avez massivement diminuées. Le rapport de Mme Estrosi Sassone est sur ce point d’une précision absolue, et je vous renvoie à ses chiffres : ces aides ne cessent de baisser ! (Mme Valérie Létard applaudit.)
Votre problème n’est donc pas la complexité, mais la régulation budgétaire, que vous faites sur le dos des personnes relevant du premier décile, c’est-à-dire les plus pauvres.
Mme Catherine Fournier. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous reconnaissez que vous avez fait une erreur avec la baisse de 5 euros des APL. La Cour des comptes dit la même chose. Mais faute avouée n’est pas pardonnée ; elle ne l’est que si elle est réparée ! (Mmes Valérie Létard et Annie Guillemot applaudissent.)
Nous vous demandons de réparer cette faute. Lors du débat budgétaire, nous ne pouvions pas vous demander cette rectification, car cette mesure relève du domaine réglementaire.
Je le répète, nous vous le demandons solennellement : les 5 euros doivent être rendus aux catégories qui bénéficient des APL. C’est un droit !
Nous ne débattons pas en l’occurrence d’une mesure conjoncturelle, d’une aide que l’on accorderait pendant une année en raison de la crise du Covid. Nous voulons remettre en marche ces aides à la personne, afin qu’elles soient à la hauteur des besoins sociaux et qu’elles permettent de solvabiliser et de garantir le droit au logement des familles les plus modestes de ce pays !
C’est au moment de la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, qu’a été consolidée l’idée d’actualisation automatique a minima en fonction de l’IRL, donc de l’évolution des prix du logement.
Mme Annie Guillemot. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette mesure est structurelle. Grignoter ces aides revient à diminuer les capacités d’accès au logement et à augmenter les difficultés de pouvoir d’achat des plus modestes.
Si l’on compare les sommes en cause et l’argent qui a été déversé au dernier moment pour colmater la brèche, on constate que cette proposition de loi est modeste. Elle est néanmoins efficace, car elle cible juste et dans la durée.
Mme Valérie Létard. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Lorsqu’un ordre de grandeur global, évoluant positivement, sera adopté pour les APL, nous serons tous prêts à travailler pendant des jours, des heures et des nuits sur la simplification du système, à la condition toutefois qu’il demeure juste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui la proposition de loi de Cécile Cukierman consacrée aux aides personnelles au logement.
Nos collègues communistes considèrent que la politique menée depuis le début du quinquennat en matière de logement a conduit à une précarisation accrue des ménages à revenus modestes, et ils proposent quatre mesures pour infléchir cette politique : la suppression du délai de carence d’un mois pour le versement des aides personnelles au logement ; l’abrogation du seuil de non-versement des APL, actuellement fixé à 10 euros par mois ; le maintien des APL en cas d’impayés de loyers dans le cas d’une crise sanitaire ; la réindexation des APL sur l’indice de référence des loyers en 2020.
La commission des affaires économiques du Sénat s’est prononcée favorablement sur deux mesures : le délai de carence et la réindexation des APL sur l’indice de référence des loyers. Elle a considéré, à juste titre, que la politique menée jusqu’à présent avait pénalisé les ménages les plus en difficulté et qu’elle risquait d’amplifier ces difficultés au regard de la crise économique catastrophique qui s’annonce, comme l’ont dit plusieurs de mes collègues.
Au-delà des mesures proposées par nos collègues communistes et de celles qu’a retenues la commission, se pose la question de la pertinence et de l’efficacité des politiques de logement menées depuis de nombreuses années, singulièrement depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Je salue le travail fourni et constant de ma collègue rapporteur sur ce sujet.
Nous voyons bien que la régulation budgétaire, qui sape le pouvoir d’achat des plus modestes et aggrave la précarité des ménages, ne peut tenir lieu de politique. L’enjeu n’est pas mince.
Je rappelle que les trois aides personnelles au logement sont versées à 6,6 millions de ménages et permettent une diminution importante de la charge des dépenses de logement des locataires qui en bénéficient. La Cour des comptes relève qu’elles couvrent en moyenne 49 % du loyer hors charges, dans le cas de l’APL versée aux locataires de logements sociaux, et environ 36 % du loyer pour ce qui concerne l’allocation de logement familial et l’allocation de logement social versées aux ménages logés dans le secteur locatif privé.
En 2015 et 2017, ces trois aides atteignaient 18 milliards d’euros par an. Elles ont été ramenées à 17 milliards d’euros en 2018 et 2019, et la loi de finances pour 2020 prévoit un montant stabilisé à 15,3 milliards d’euros.
Les deux mesures décidées au deuxième semestre de 2017 – la réduction uniforme des APL de 5 euros par mois, et la mise en place d’une réduction du loyer de solidarité dans le parc locatif social – n’ont eu d’autre objectif que de réduire le déficit des finances publiques. Elles ont fortement ébranlé l’opinion publique et suscité une vague de contestation. Elles succédaient à de nombreuses mesures de régulation, moins visibles, prises par le gouvernement de François Hollande, comme le gel ou la sous-indexation des paramètres de calcul, la dégressivité de l’aide pour les loyers les plus élevés, la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires, ou encore la suppression de l’aide pour les accédants à la propriété.
Les évolutions attendues à partir de cette année – je pense, en particulier, à la prise en compte contemporaine des ressources des bénéficiaires pour le calcul des aides, dont la mise en œuvre a d’ailleurs été repoussée à plusieurs reprises, tant elle est complexe – et le projet de création d’un revenu unique d’activité regroupant l’ensemble des aides à la personne nous laissent craindre une poursuite de cette politique récessive en matière de logement.
C’est une politique sans affect, menée sans vision et de manière technocratique, dans le cadre de laquelle tous les acteurs – État, ménages et bailleurs sociaux – sont perdants ; cette politique est vouée à l’échec.
Si je ne méconnais pas la nécessité de maîtriser les dépenses, je considère qu’il est temps, monsieur le ministre, de refonder la politique du logement et de remettre l’équité du système au cœur de vos préoccupations. Cette équité, selon la Cour des comptes, passe par l’analyse fine de la situation des personnes disposant de revenus d’activité très modestes, fortement pénalisées en matière d’aide au logement par rapport à celles qui bénéficient de revenus de transfert. Elle passe également par une meilleure information des allocataires potentiels des aides au logement, qui sont environ 2 % à ne pas demander le bénéfice de l’APL ; la question du non-recours n’est pas sans incidence sur la situation de pauvreté de certains ménages.
Une réforme véritablement ambitieuse aurait pour objectif une simplification des règles de calcul des aides. La Cour des comptes regrette, à juste titre, que les pouvoirs publics n’aient toujours pas mis fin à la complexité de ces modes de calcul, à l’origine de nombreux indus et de fraudes.
Je ne reviendrai pas sur la perte de confiance des bailleurs sociaux vis-à-vis des pouvoirs publics, survenue à la suite de la réforme du mouvement HLM et de la réduction de loyer de solidarité, décidée unilatéralement. Néanmoins, il me semble nécessaire de s’interroger sur les moyens qui doivent être effectivement alloués aux bailleurs sociaux pour relancer l’effort de construction, qui s’avérera indispensable.
Je l’évoquais au début de mon intervention, la crise économique s’annonce particulièrement violente, avec un risque de paupérisation d’une partie de la population. Les besoins en logements sociaux, voire très sociaux, seront importants, et la solvabilité des ménages devra être assurée au moyen des aides au logement. Or les objectifs de construction ne seront à l’évidence pas atteints cette année, compte tenu de l’arrêt des chantiers durant la crise sanitaire. La reprise sera lente et allongera les délais de livraison.
Par conséquent, je souhaite que le Gouvernement soit attentif au rôle essentiel du logement social et des aides personnelles au logement, qui permettent de satisfaire les besoins essentiels des catégories modestes ; un véritable engagement doit être pris à très court terme contre le mal-logement et la précarité, qui fracturent notre société et laissent tant de monde sur le bord du chemin. (Mmes Viviane Artigalas, Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais, vu la teneur des dernières prises de parole, je ne peux pas ne pas le faire.
D’abord, je ne sais combien d’heures j’ai passées dans cet hémicycle, mais je pense que vous m’avez rarement vu éluder des questions ou faire de la basse politique ; ce n’est pas mon genre, j’ai toujours été dans un état d’esprit très constructif.
Ensuite, je ne suis pas d’accord avec vous, madame la sénatrice Darcos, quand vous affirmez que, depuis trois ans, nous mettons en œuvre une politique du logement « sans vision » ; j’ai montré exactement l’inverse. Si vous le voulez, nous pouvons entrer dans ce débat, mais, dans ce cas, je vais vous donner des chiffres, puisque c’est ce qui est le plus parlant.
C’est sans doute une « politique sans vision » qui a fait que la rénovation, au travers de l’ANAH, dont j’ai la responsabilité, a doublé en deux ans ; l’ancienne secrétaire d’État Valérie Létard pourra vous le confirmer !
C’est sans doute une « politique sans vision » qui fait que l’on a engagé, en un an et demi, au travers de l’ANRU, 10 milliards d’euros de travaux de rénovation, parce que nous considérons, comme l’a dit Mme la sénatrice Guillemot, que la situation des quartiers nous oblige !
C’est sans doute une « politique sans vision » qui nous a conduits à concevoir le plan Action cœur de ville, cher au RDSE, porté par le ministre Jacques Mézard ! Depuis combien de temps n’avions-nous pas eu une politique d’aménagement et de rénovation du cœur de nos villes moyennes ? Souvenez-vous ! Est-ce que c’est ça, une politique sans vision ? Quelque 3 milliards d’euros ont d’ores et déjà été engagés dans ce cadre.
C’est sans doute une « politique sans vision » qui nous a conduits à transformer le fameux CITE en une prime intitulée « MaPrimeRénov’ » ! Et c’était complexe ! Auparavant, 50 % du crédit d’impôt pour la transition énergétique bénéficiait aux 20 % des ménages les plus aisés. Depuis que nous avons instauré, le 1er janvier dernier, MaPrimeRénov’ – ça a été du boulot, je peux vous le dire ! –, 50 % de ce dispositif bénéficie aux 50 % des ménages les plus fragiles.
Je réfute donc totalement l’idée selon laquelle il n’y a pas de vision ! La vision est très claire : il s’agit de faire, d’un côté, de la rénovation, de la rénovation, de la rénovation et, de l’autre, du logement abordable, du logement abordable, du logement abordable !
De la même manière, je veux revenir sur la question des plus précaires, des sans-abri. Grâce à l’effort déployé collégialement, avec les collectivités et les associations, nous avons mis à l’abri 180 000 personnes. Avant le début de la période hivernale, nous étions aux environs de 145 000 ; c’est donc 35 000 places de plus depuis le 1er novembre dernier.
Mme Éliane Assassi. Vous parlez d’hébergement, nous parlons de logements !
M. Julien Denormandie, ministre. C’était la première fois que mon ministère proposait des chèques services, c’est-à-dire des tickets restaurant et de l’aide alimentaire pour suppléer les associations.
En deux ans, la politique « le Logement d’abord », soutenue depuis longtemps dans cet hémicycle, qui vise – le sénateur Julien Bargeton le rappelait – à arrêter le cercle vicieux de l’hébergement d’urgence et à installer les gens dans un vrai logement, a permis de sortir 150 000 personnes d’un logement de très grande précarité ou de la rue, pour leur donner un logement pérenne. Ce n’est pas une vision, ça ?
En ce qui concerne l’expulsion locative, je suis infiniment d’accord avec les deux orateurs qui l’ont évoquée. D’ailleurs, ma main n’a pas tremblé quand, à deux reprises depuis le début de la crise sanitaire, j’ai décalé la fin de la trêve hivernale. Cela a été l’une des premières annonces faites par le Président de la République, dès le mois de mars, et la main du Gouvernement n’a pas tremblé quand il s’est agi de repousser, une nouvelle fois, la fin de la trêve hivernale, ce qui entraîne le report des expulsions locatives et le maintien du dispositif d’hébergement d’urgence.
Enfin, madame la ministre Lienemann, franchement, nous nous connaissons trop… (Sourires sur les travées du groupe CRCE.) Je vous renvoie aux propos du directeur général de la CNAF, que vous connaissez bien et qui est un très grand serviteur de l’État : c’est lui qui m’a demandé de reporter la réforme. Il m’a dit que, si on la lançait le 1er avril, en pleine crise du Covid-19 et alors que le taux de satisfaction atteignait 91 %, cela impliquerait un accompagnement individuel. Cet accompagnement individuel, c’est le boulot formidable des agents des CAF, dont je salue l’excellent travail. C’est uniquement pour cela que l’on a décalé. Il ne faut pas y voir de sous-entendus ni en avoir une mauvaise interprétation.
J’ai un autre point de désaccord. Nous considérons tous, je crois, que le système des APL est très complexe. Calculer les APL en temps réel représente des milliers d’heures de travail.
Mme Annie Guillemot. Embauchez !
M. Julien Denormandie, ministre. Cette réforme n’est pas une question d’efficacité, elle est juste, comme vous l’avez dit. Simplement, il fallait se retrousser les manches, faire bouger le système et la mettre en œuvre. Dès 2012, la Cour des comptes indiquait que le système était trop complexe ; il aurait donc été très bien que cette réforme soit conduite en 2012,…
Mme Éliane Assassi. Où étiez-vous en 2012 ?
M. Julien Denormandie, ministre. … voire avant, car cela fait des années que le système est beaucoup trop complexe. Pas une personne, ici, ne peut dire qu’il est pertinent. Il s’agit donc simplement d’une question de courage et de volonté de faire.
Pour finir, je veux simplement remercier Mme la sénatrice Cukierman d’avoir lancé ce débat, toujours très enflammé, mais tellement important pour nos concitoyens.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à garantir l’efficacité des aides personnelles au logement
Article 1er
Au début de l’article L. 823-5 du code de la construction et de l’habitation, sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les aides personnelles au logement sont dues à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d’ouverture du droit sont réunies. Toutefois, lorsque ces conditions sont réunies antérieurement au mois de la demande, l’aide est due à compter du premier jour du mois au cours duquel la demande est déposée. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 823-7 du code de la construction et de l’habitation est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. L’article 2 du texte supprime l’application du seuil de non-versement, aujourd’hui fixé à 10 euros. Ce seuil existe pour toutes les prestations, afin d’optimiser le travail des caisses ; 17 000 ménages seraient concernés.
Je tiens à rappeler deux choses : c’est ce gouvernement qui, en 2017, a abaissé ce seuil à 10 euros, contre 15 euros depuis 2007 ; c’est ce même gouvernement qui a supprimé ce seuil de 10 euros pour le parc local social ordinaire. Ainsi, dans les faits, il n’y a d’ores et déjà pas de seuil pour une grande partie des bénéficiaires, cela concerne moins de 40 % des aides personnelles au logement.
Cet article pose également la question de la charge de travail supplémentaire qui serait alors imposée aux caisses, au vu du nombre de dossiers supplémentaires – on parle tout de même de 17 000 dossiers – et alors que les frais représentés par la liquidation de l’aide dépasseraient le montant de celle-ci.
Par conséquent, vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche votera pour l’amendement de suppression de la rapporteure, considérant que cette mesure risque de mettre en tension les effectifs des caisses.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Vous avez indiqué, monsieur Bargeton, que c’était ce gouvernement qui avait abaissé le seuil de non-versement de 15 euros à 10 euros, mais c’est aussi lui qui a mis en place la réduction de loyer de solidarité et qui a fait en sorte que le seuil de non-versement n’existe plus dans le parc social, en raison même de la réduction de loyer de solidarité. Il faut aussi replacer les choses dans leur contexte.
Nous nous sommes entretenus avec les auteurs de la proposition de loi sur cet article 2. Même s’il s’agit d’une mesure traditionnelle de gestion, les coûts de traitement des dossiers et des demandes d’intervention seraient, même pour les bénéficiaires, nettement plus élevés que ce qui reviendrait aux allocataires au travers de l’APL ; du reste, même si cette allocation était annualisée, afin de constituer une somme un peu plus importante, elle serait, de toute façon, trop modique par rapport au coût d’instruction des dossiers.
Ainsi que nous en étions convenus, nous souhaitions que le débat ait lieu en séance. C’est la raison pour laquelle nous proposons seulement maintenant cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Je serai brève.
D’abord, je veux dire qu’il faut peut-être revenir sur la sous-indexation des APL.
Ensuite, même s’il y a de bonnes mesures dans la réforme des APL, il faut faire attention aux jeunes. Il y aura près de 350 000 jeunes qui, s’ils y arrivent, prendront un nouveau job et qui ne toucheront plus l’APL. Il faut absolument abonder et revoir cette réforme en ce sens.
M. le président. En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Article 3
(Supprimé)
Article 4
Le II de l’article 200 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Puisqu’il faut remettre les choses dans leur contexte, il faut aussi mentionner les autres mesures prises par le Gouvernement. Je veux ainsi citer la prime d’activité, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et l’allocation aux adultes handicapés, qui ont toutes été revalorisées. Je veux également mentionner la prolongation automatique des minima sociaux et de la trêve hivernale, le lancement d’un plan alimentaire d’urgence, l’aide exceptionnelle versée à 4 millions de ménages en difficulté ou encore l’aide pour les jeunes précaires de moins de 25 ans. J’ai parlé de cela lors de ma prise de parole liminaire.