Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi en préambule de saluer le travail réalisé sur cette proposition de loi par notre rapporteure, Élisabeth Doineau, et de la remercier pour ses mots d’introduction.
Depuis plus de vingt ans, le nombre de passages dans les services d’urgence augmente de 3,5 % chaque année en France ; il est passé de 10 millions en 1996 à plus de 20 millions aujourd’hui, soit près de 30 000 personnes chaque année par structure. Les établissements publics sont en première ligne, puisque seuls 18 % de ces passages sont pris en charge par le secteur privé.
Afin de désengorger les urgences hospitalières des prises en charge de patients dont le pronostic vital n’est pas engagé, ce texte crée des points d’accueil pour soins immédiats (PASI), initiative développée en région Auvergne-Rhône-Alpes. Ces PASI seraient labellisés par les agences régionales de santé.
Mes chers collègues, le temps de parole qui m’est attribué ne suffirait pas à établir la liste et à rappeler les conclusions des multiples rapports établis ces dernières années sur la question des urgences et de leur engorgement – certains ont été établis au sein de notre assemblée et nombre de ces rapports sont très intéressants. L’amont, l’aval, le milieu, la ville, l’hôpital, les cliniques, les obligations, les incitations, les organisations, les désorganisations, les fermetures, les rémunérations, les dotations, les abandons : tout a été dit et évalué sur les urgences, les soins non programmés et la permanence des soins ambulatoires. Pourtant, la situation a continué de se dégrader, les personnels se sont épuisés, lassés du manque de moyens, et les usagers des urgences se sont parfois révoltés.
L’heure des décisions ne peut plus être retardée. Une crise sanitaire violente vient de nous frapper. En amont des réanimations, les urgences, qui étaient déjà surchargées, ont été placées dans une tension extrême. La capacité d’absorption dont ces services ont fait preuve n’a résulté que de la conjugaison de l’engagement extraordinaire de leur personnel et de l’évaporation – la quasi-disparition – des patients autres que Covid-19. Ce phénomène a donc d’autres conséquences sanitaires, mais c’est un autre débat…
Le choix des autorités sanitaires, dans un premier temps et durant plusieurs semaines, d’exclure de la réponse à l’épidémie les intervenants du secteur ambulatoire aura contribué à cette surcharge. La réponse de notre système à un virus qui nécessitait pour une large part des soins immédiats sans gravité aura particulièrement mis en lumière le défaut de sollicitation d’une chaîne de soins associant et mobilisant l’ensemble des acteurs.
Toute la pression a été reportée sur les hôpitaux, ce qui a abouti à leur submersion et entraîné une telle concentration de la réponse qu’on en a oublié d’autres lieux, où le virus tuait massivement. En 2020, on ne meurt plus de la canicule dans nos Ehpad ; on y meurt d’un virus et d’un défaut de soins.
Alors, oui, bien sûr, réorganiser nos soins d’urgence non vitale, nos soins non programmés ou immédiats, est indispensable, impératif ! L’heure des décisions ne peut plus, ni moralement ni politiquement, être retardée. Il est des débats qui, à l’heure du post-Covid, acquièrent une acuité que beaucoup ne percevaient pas, mais qui s’impose aujourd’hui. Nous y sommes !
Ce texte, que l’Assemblée nationale a adopté en novembre 2019, était alors un tout petit pas. Je ne sais pas s’il était efficient, mais, en juin 2020, après cette crise, quelle peut être la signification de la création d’un nouveau nom et d’un label par les ARS ? Jusqu’à aujourd’hui, les ARS agréaient ; maintenant, elles labellisent… Comment les législateurs que nous sommes peuvent-ils porter une réponse aussi faible à l’occasion de notre premier débat post-Covid relatif à l’organisation du système de soins ?
L’heure est aux décisions structurantes, à un regard lucide et aux changements nécessaires. Il me semble que le Ségur de la santé a été convoqué pour cela ! Même si ses conditions d’organisation nous interpellent, même si les refus déjà exprimés par le Premier ministre, comme celui de modifier la gouvernance de nos hôpitaux – quelle erreur ! –, ne portent pas à l’optimisme sur ses résultats, il est prématuré et trop peu signifiant d’adopter, avant ses conclusions, une proposition de loi dont le caractère beaucoup trop partiel pourrait être perçu par les professionnels concernés comme une désinvolture politique.
Il y a parfois loin d’une intention tout à fait louable à une action utile. Cette proposition de loi l’illustre parfaitement. Alors, n’envoyons pas ce message trop minimaliste ! Il risquerait d’être contre-productif pour les professionnels de santé et nos concitoyens. Le groupe socialiste et républicain ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter Élisabeth Doineau pour la qualité de son rapport et l’équilibre qu’elle a su trouver.
À peine un an après le vote de la loi Ma santé 2022 et alors que le Ségur de la santé se met tout juste en place, cette proposition de loi revêt pour certains un caractère presque anachronique. Nous sommes en effet nombreux à nous interroger sur le timing de cette proposition et sur son articulation avec les nouvelles organisations de soins. Toutefois, ayant pris connaissance de l’avis de notre rapporteure, ainsi que du vote unanime de l’Assemblée nationale, j’ai entrepris de sonder les professionnels de mon territoire afin de confirmer ou d’infirmer ce premier avis. Je dois dire que les retours ont été plutôt unanimes.
Sur le fond, les objectifs sont partagés : désengorger les urgences et offrir aux patients une plus grande lisibilité sur les possibilités d’accès à des soins immédiats. Néanmoins, certains éléments nous empêchent d’y voir une véritable plus-value. La raison principale réside dans l’organisation actuelle du système de soins. Si ce système est bien évidemment perfectible, nous devons reconnaître les efforts des professionnels de santé de ville pour s’adapter, dans un contexte difficile, aux réformes successives de ces dernières années, aux nouvelles organisations et aux nouveaux acronymes : PTS, PTA, CPTS, MSP, ESP… Je pense particulièrement aux maisons de santé pluriprofessionnelles et aux communautés professionnelles territoriales de santé, dont l’une des missions premières est bien l’amélioration de l’accès aux soins en ville, notamment aux soins non programmés.
Dès lors, que dire aux médecins qui se sont déjà organisés sur le terrain, et qui continuent de le faire, pour garantir un accès rapide à la médecine de ville pour tous ? Que nous créons un nouveau dispositif, un énième cahier des charges et de nouvelles exigences ? Quid des relations qu’ils ont nouées depuis des années avec leurs partenaires, comme SOS Médecins ou les plateaux techniques de leur territoire ?
Pour ma part, je suis convaincue qu’il est préférable de consolider l’existant, en confiant pleinement aux acteurs de terrain la responsabilité de mettre en place l’organisation nécessaire pour répondre aux soins dits immédiats, comme ils le font déjà sur de nombreux territoires. L’objectif doit surtout être de clarifier le rôle de chacun auprès des services de régulation et des patients pour orienter ceux-ci correctement, en allouant à ces structures des budgets supplémentaires et en incitant davantage les jeunes médecins à s’installer en zones sous-dotées.
Le plan Ma santé 2022 était ambitieux. Il a posé des bases, et il faut aujourd’hui accélérer sa concrétisation et son déploiement sur le terrain. En juillet 2019, nous avons voté la loi Santé : selon une récente communication, son taux d’application stagnerait encore à 30 % ; nous en attendons une mise en application pleine, entière et plus rapide.
Par ailleurs, des inquiétudes ont émergé quant au risque d’augmenter le recours aux soins, en labellisant des points d’accueil pour soins immédiats. Ces termes pourraient laisser entrevoir une forme de self-service de la santé dans une société où l’on demande toujours plus et toujours plus vite. En outre, on crée un intervenant supplémentaire et on risque de déroger au parcours de soins, dans lequel le médecin traitant joue un rôle central.
Depuis le début de la crise sanitaire, notamment pendant la période de confinement, nous avons assisté à une baisse significative du nombre de passages aux urgences et dans les cabinets médicaux. Si ces chiffres ont pu alerter sur de possibles dégradations de la santé des Français par un moindre recours aux soins, il confirme l’existence de passages inappropriés, notamment aux urgences – la Cour des comptes les a estimés à environ 3,6 millions pour la seule année 2017. C’est pourquoi je suis convaincue que nous devrions plutôt profiter de cette période et des comportements adoptés pendant la crise pour aider les patients à mieux utiliser notre système de santé.
Enfin, des incertitudes demeurent sur la question des moyens. Si l’auteur de cette proposition de loi entrevoit, grâce à ces PASI, une baisse des dépenses de santé, certains d’entre nous, élus ou professionnels de santé, n’en sont pas convaincus. Au contraire, l’existence de telles structures pourrait conduire à une dilution des moyens existants, notamment humains, déjà très contraints. En effet, le manque de généralistes est criant dans certains territoires, et je crains que cette proposition de loi ne vienne porter un nouveau coup à la médecine de proximité, en polarisant les soins de premier recours autour des centres d’urgence de ville, que l’on imagine plus aisément s’installer en agglomération qu’en zone rurale.
Pour conclure, je dirai que tout le monde s’accorde sur les objectifs et que je souscris aux amendements de la rapporteure Élisabeth Doineau adoptés en commission, qui renforcent la cohérence des PASI avec l’offre de soins et le parcours santé et tentent de réaffirmer l’initiative première des acteurs du territoire dans la démarche de labellisation. Pour autant, je ne suis pas totalement convaincue qu’un nouvel outil réponde aux problématiques soulevées, en particulier dans le contexte du lancement du Ségur de la santé. Là où les organisations sont en place, là où les professionnels de terrain se coordonnent, le système fonctionne bien. Il faut donc accélérer les transformations en cours. Pour cela, un travail doit être mené, notamment sur les zones dites atones, c’est-à-dire là où les élus et les professionnels ont du mal à s’organiser. Une piste que vous pourriez reprendre pour le Ségur de la santé est de renforcer sur les territoires en difficulté une véritable ingénierie de projet.
Je terminerai en rappelant que la période que nous venons de vivre a consacré la pratique de la télémédecine comme alliée indispensable de notre système de santé. C’est avec ces outils, déjà existants, et non avec des échelons supplémentaires, que nous devons penser la santé de demain.
Pour toutes ces raisons, une majorité du groupe du RDSE s’abstiendra sur cette proposition de loi ; certains la voteront.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je veux associer mon groupe à l’hommage rendu aux soignants durant la crise que nous connaissons encore aujourd’hui.
Comme l’a dit mon collègue Bernard Jomier, depuis vingt ans, le nombre de passages aux urgences ne fait qu’augmenter dans notre pays. Il a même doublé depuis 1996.
Confrontés à la douleur et à l’angoisse, nos concitoyens privilégient massivement les services d’urgence afin d’obtenir une réponse rapide et un diagnostic précis. Ainsi, en 2016, on comptait plus de 21 millions de passages aux urgences, contre 10,1 millions en 1996. Plusieurs facteurs expliquent ce recours aux urgences.
Nous avons en tête l’image de services d’urgence engorgés, de personnels à bout de force, mais aussi déterminés et qui ont tenu bon. Nous leur sommes évidemment reconnaissants.
Nous devons apporter des réponses concrètes au problème de l’engorgement des services d’urgence, pour les personnels comme pour les patients.
Dans son rapport de 2017, la Cour des comptes estimait à 3,6 millions par an le nombre de passages dits « inutiles » aux urgences. Ce chiffre doit malgré tout être relativisé, puisque, selon une autre étude parue en octobre 2019, ces visites inadéquates ou inutiles seraient notamment liées à un manque patent de médecins généralistes dans nos territoires.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé, près de 60 % des patients se rendent aux urgences parce que les soins y sont accessibles et qu’ils peuvent y réaliser rapidement des examens complémentaires.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui permet en partie de répondre à la demande croissante de diagnostic et de soins rapides des patients, par la création de points d’accueil pour soins immédiats. Ces points d’accueil auraient trois missions : assurer les soins non programmés relevant de la médecine générale, lorsque le pronostic vital du patient n’est pas engagé ; caractériser l’état de santé physique et psychique du patient par un avis obtenu par un médecin généraliste ; orienter si nécessaire le patient vers un service d’urgence ou un service spécialisé.
La crise que traversent les services d’urgence ne date pas d’hier. Elle est le fruit du manque d’investissements qui, depuis de nombreuses années, a fragilisé le secteur et impacté les conditions de travail des professionnels de santé.
Nous saluons les objectifs de cette proposition de loi. Celle-ci vise à participer à une meilleure gradation de la réponse à la demande de soins non programmés, en maillant plus finement le territoire. À cet égard, la création des points d’accueil pour soins immédiats dédiés à la prise en charge de soins rapides des patients dont le pronostic vital n’est pas engagé constituerait un début de réponse face à l’engorgement des services d’urgence.
En 2017, un rapport d’information de nos collègues Laurence Cohen, Catherine Génisson et René-Paul Savary faisait déjà état d’un changement de mentalité de la part de nos concitoyens et d’une évolution sociétale valorisant l’immédiateté de l’accès aux soins, ce qui expliquerait notamment le recours aux urgences hospitalières chez les patients.
Une autre recommandation est la prévention. Celle-ci se traduit tout d’abord par une meilleure information de la population. Elle constitue l’un des enjeux importants du désengorgement des services d’urgence, auxquels on recourt parfois par méconnaissance de l’état de santé des patients.
L’éducation à la santé de la population, c’est aussi permettre à chacun de savoir vers quel professionnel se tourner en fonction de son état de santé. Il nous paraît essentiel de permettre à ces points d’accueil pour soins immédiats de jouer ce rôle. Tel est l’objet de l’amendement que nous avons déposé sur ce texte.
L’examen de cette proposition de loi intervient dans un contexte particulier, celui d’une crise sanitaire survenue à peu près un an après la crise de l’hôpital. La crise sanitaire qui frappe notre pays a une fois de plus démontré la nécessité que nous disposions de services d’urgence efficaces et, surtout, les difficultés auxquelles font face celles et ceux qui, chaque jour, sauvent des vies dans des conditions toujours plus difficiles.
Conscient de cette réalité – nous le sommes tous –, le Gouvernement a lancé, la semaine dernière, le Ségur de la santé. Cette concertation avec l’ensemble des acteurs du système de santé, de l’hôpital, de la ville et du secteur médico-social fait suite à l’engagement pris par le Président de la République le 25 mars dernier dans le discours qu’il a tenu à Mulhouse, dans lequel il a exprimé son souhait qu’un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble de carrières soit conduit à l’issue de la crise. L’une des priorités est la mise en place d’organisations plus proches des territoires et plus collectives entre l’hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social.
Bien évidemment, l’adoption de cette proposition de loi ne sera qu’une petite pierre à l’édifice qu’il nous faut construire. Le Ségur de la santé permettra – nous l’espérons sincèrement – de refonder notre système de santé face aux difficultés rencontrées par les professionnels et les patients. Cependant, ce texte nous paraît aller dans le bon sens. Il s’appuie sur des expériences de terrain et donne aux professionnels la faculté de s’organiser dans un cadre souple.
Pour toutes ces raisons, notre groupe le votera.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier notre rapporteure Élisabeth Doineau pour le travail qu’elle a réalisé.
Cette proposition de loi arrive dans un contexte particulier : l’organisation de notre système de santé est en pleine ébullition. La crise née de la pandémie du Covid-19 a été le révélateur des maux dénoncés depuis des années à l’hôpital.
Ce texte, qui part d’un bon sentiment, ne prend pas en compte l’ampleur des difficultés et reste assez flou, puisque nous n’avons aucun élément sur le futur cahier des charges, qui sera défini par décret. Il fait même sien un postulat tout à fait contestable, tendant à faire croire que les urgences seraient saturées du fait d’un afflux injustifié de patients, alors que le recours aux urgences serait inapproprié dans seulement 6 % des cas.
Le fond du problème réside plutôt dans l’augmentation du nombre des déserts médicaux, le vieillissement de la population et la plus grande prévalence des maladies chroniques. En réalité, c’est toute la chaîne des soins qu’il faut revoir, en travaillant en profondeur sur la complémentarité entre médecine de ville et hôpital, et non sur la mise en concurrence du public et du privé. Si les cliniques privées ont été si peu mises à contribution durant la crise du Covid-19 pour soigner les malades, c’est en partie le résultat des politiques de tarification à l’activité et de cette mise en concurrence, qui les ont conduites à se spécialiser dans les soins rentables à fort remboursement.
Le risque n’est-il pas que cette proposition de loi permette aux cliniques commerciales de prendre en charge les patients qui en ont les moyens ? De fait, elle ouvre la labellisation des PASI aux établissements privés, qui ne participaient pas au service public hospitalier jusqu’alors. Même si elle précise que les patients devront être adressés à des structures pratiquant le tiers payant, ce que nous défendons totalement, elle ouvre la porte aux structures pratiquant des dépassements d’honoraires, sous réserve simplement que le patient en soit averti. De plus, si l’idée d’encourager les médecins libéraux à s’organiser sur leur territoire est tout à fait juste, ce texte méconnaît les réalités.
Dans mon département du Val-de-Marne, il existe douze structures, dénommées « SAMI », qui assurent les urgences médicales le soir, le week-end et les jours fériés. Ce système fonctionne grâce, d’une part, à l’implication du conseil de l’ordre départemental des médecins ainsi que d’une équipe de médecins volontaires et, d’autre part, à l’engagement de collectivités, qui participent à certains frais. Mais, aujourd’hui, ces médecins volontaires ont vieilli et ne trouvent pas de relève. Le fait que les SAMI soient labellisés PASI ne changera rien à l’affaire.
Il serait d’ailleurs peut-être temps, monsieur le secrétaire d’État, de revenir sur le décret Mattei, qui a supprimé les gardes des médecins le soir et le week-end.
M. René-Paul Savary. Ah oui !
Mme Laurence Cohen. Sachant votre qualité d’écoute, je compte sur vous pour faire remonter ce vœu à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Cette proposition de loi cherche à trouver une solution, en distinguant les soins urgents des soins immédiats, qui n’entraîneraient pas de risque pour la survie des patientes et des patients. Pour y parvenir, elle propose d’associer plus fortement les professionnels de santé de proximité autour d’un plateau technique et au sein d’une CPTS, ce qui concerne notamment les maisons de santé et les centres de santé.
Mes chers collègues, pour avoir parcouru l’ensemble du territoire et avoir visité plus de cent trente établissements, dans l’Hexagone et dans les territoires ultramarins, avec les collègues de mon groupe et nos homologues de l’Assemblée nationale, je considère qu’il faudrait que les ARS aident les maires, sur les plans financier comme logistique. En effet, nos édiles se sentent bien seuls au moment où ils décident d’implanter des centres de santé sur leur territoire.
En fait, les différents plans qui se sont succédé, notamment lors du passage de Mme Buzyn au ministère, n’ont pas rompu avec la logique de restrictions budgétaires qui plombe notre système de santé. Le plan Ma santé 2022 met notamment à mal les hôpitaux de proximité, en remettant en cause leurs missions, et porte un coup à la continuité des soins.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai participé, hier, avec plusieurs de mes collègues, à une rencontre avec le ministre des solidarités et de la santé et ses services dans le cadre du Ségur de la santé. Fort des propositions des professionnels de santé, particulièrement mobilisés depuis plus d’un an et des enseignements de la pandémie du Covid-19, le Gouvernement va-t-il enfin remettre à plat l’intégralité de notre système de soins ?
Les solutions passent, en plus de ce que j’ai énoncé, par l’augmentation globale du budget de l’hôpital – vous savez que nous avons des propositions de nouveaux financements pour y parvenir –, l’ouverture de lits d’amont et d’aval des urgences et la revalorisation des professionnels de santé et du médico-social, avec une augmentation de leurs salaires et une progression de leur statut. Il ne suffit pas de dire, dans cet hémicycle, que l’on soutient les professionnels. Il ne suffit pas de se payer de mots. Il faut aller sur place, les assurer de ce soutien et relayer leurs revendications ici même.
On voit bien que le problème est global et qu’il ne peut en rien être résolu par une proposition de loi. Parce que nous ne pouvons ignorer la gravité de la crise de notre système de santé, nous ne pouvons nous contenter d’un sparadrap sur une jambe de bois. C’est pourquoi notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je veux également rendre hommage aux soignants qui prennent en charge des patients du Covid-19.
La proposition de loi du député Cyrille Isaac-Sibille vise à créer des points d’accueil pour soins immédiats sur l’ensemble du territoire, avec pour objectifs d’améliorer l’accès aux soins et de désengorger les urgences. Je souhaite saluer son travail ainsi que celui de notre rapporteure, Mme Élisabeth Doineau.
Le développement de ces pôles est une mesure de bon sens. Nos services d’urgence prennent en charge une part significative de soins non programmés n’entrant pas du tout dans le champ de leurs missions. Le nombre de passages aux services d’urgence est passé de 10 à 20 millions en vingt ans. La médecine de ville, en raison de la désertification, de la surcharge de travail, mais aussi de l’habitude de fonctionner sur rendez-vous, ne répond plus suffisamment à la demande de soins non programmés. Or près de 20 % des patients ressortent des urgences avec une simple ordonnance, sans examen complémentaire.
Il est écrit dans l’exposé des motifs du texte que la médecine de ville n’est pas en mesure de répondre rapidement, car elle ne dispose pas de matériel de biologie, de suture, de stérilisation, de plâtre. Au contraire, tous les cabinets sont équipés, depuis vingt ou trente ans, de kits de suture et de spéculums stériles à usage unique. En outre, il est fréquemment possible d’obtenir le résultat d’un examen biologique dans les deux heures, même si le laboratoire le plus proche est distant de vingt ou trente kilomètres.
La présente proposition de loi vise à mettre en place une solution avec des points d’accueil pour soins immédiats (PASI) sur tout le territoire, les patients y étant orientés par le centre 15, lequel aura, par son interrogatoire, éliminé la possibilité d’une urgence, par les pharmacies, qui jouent un rôle très important en milieu rural, par des personnels paramédicaux, voire par un secrétariat médical.
Le PASI n’est pas un service d’urgence bis. D’ailleurs, j’aurais, pour ma part, plutôt opté pour l’appellation « point d’accueil pour soins non programmés », car le terme « immédiat » peut évoquer, d’emblée, une urgence, laquelle est traitée par le SAMU et le service d’urgence. Le PASI a été envisagé, dans un premier temps, au sein des établissements de santé, mais les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) prévues ne disposent pas forcément d’établissements de santé sur leur territoire – ces derniers sont parfois distants de trente à cinquante kilomètres. Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, les CPTS ont pour missions de faciliter l’accès aux soins des patients et d’améliorer la prise en charge de soins non programmés. Je pense du reste qu’il est essentiel, comme le texte le prévoit, que le tiers payant soit appliqué très simplement, avec une augmentation du tarif de la consultation du praticien volontaire, sur la base d’une cotation spéciale.
Je veux montrer très concrètement que cela se fait déjà en milieu rural. Je me permets, en toute modestie, de citer mon expérience de vendredi et de samedi. Remplaçant le praticien qui va enfin me succéder, j’ai vu arriver des malades pour des soins non programmés à la maison de santé de ma commune. Il s’agit d’un cabinet de deux médecins, gérant un peu plus de 2 000 dossiers de patients et situé à cinquante kilomètres d’un établissement de santé regroupant dix professionnels. J’ai reçu huit malades hors de tout rendez-vous : pour une fièvre du nourrisson avec diarrhées, une cystite, un traumatisme du pied, une lombalgie aiguë, une colique néphrétique, une brûlure locale du deuxième degré, une fièvre, chez une personne placée en Ehpad, et une rhinopharyngite avec fièvre, chez un adulte que j’ai adressé au laboratoire, pour un test au Covid-19. Je n’ai pas pratiqué de points de suture, bien que ce soit très fréquent. Je n’ai vu ni otites, maladie que l’on rencontre surtout en hiver, ni problèmes cardiaques, ni piqûres de tiques – elles sont aussi très fréquentes –, ni allergies bénignes. Si un élément de gravité avait été constaté lors de l’examen, ces patients auraient été adressés à un service des urgences du CHR ou du CHU, après l’avis du médecin régulateur.
Ce petit résumé bien modeste montre concrètement qu’il est nécessaire d’encourager les points d’accueil pour soins non programmés ou immédiats en milieu rural, ne serait-ce que dans le cadre des maisons de santé, à tour de rôle, dans le territoire de la CPTS, bien évidemment avec l’accord des praticiens, afin de ne pas encombrer les urgences. Fluidifier l’organisation des soins non programmés, c’est exactement l’objet du pilier n° 4 du Ségur de la santé, monsieur le secrétaire d’État.
En conclusion, je souscris à l’objet de cette proposition de loi, qui vise à la mise en place de points d’accueil pour soins non programmés ou immédiats dans tous les territoires. C’est très bien de recourir aux établissements de santé, mais il faut aussi encourager les initiatives en ce sens en milieu rural – il ne faudrait pas qu’elles soient freinées par la création des PASI. Comme l’a dit Mme la rapporteure, l’ARS, chargée de la validation des PASI, devra y procéder avec souplesse et pragmatisme, notamment en milieu rural.
J’espère que mes propositions seront entendues. En attendant, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera évidemment ce texte à l’unanimité.