M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. C’est un débat que nous avons eu sous d’autres formes hier soir.
Monsieur le sénateur, imaginons que, en venant au Sénat, j’ai été en contact avec une personne malade et que celle-ci m’a transmis le virus. À l’heure où je vous parle, je me sens parfaitement bien, et pour cause, le virus vient d’entrer dans mon organisme ; il commence à se multiplier, mais je ne le sens pas, et cela ne se voit pas.
Imaginons que, demain, une fois l’examen du texte par le Sénat terminé, je décide d’effectuer un déplacement en outre-mer – ce ne sera pas le cas, mais cela aurait pu l’être. Je prends donc l’avion et, à mon arrivée sur le territoire ultramarin, on me demande de réaliser un test PCR pour savoir si je suis porteur du virus. Cela n’apparaîtra pas avec un écouvillonnage profond naso-pharyngé, même bien appuyé. Si le test est renouvelé le lendemain ou le surlendemain, le résultat sera identique, bien que je sois porteur du virus et que ce dernier se multiplie dans mon organisme. C’est la phase dite « pré-symptomatique », la phase d’incubation.
Ensuite, je vais développer des symptômes dans les quatre ou cinq jours suivants, avec une petite fièvre dimanche et lundi. Je n’aurai pas été en quatorzaine, puisque l’on m’aura laissé entrer sur le territoire ultramarin, considérant que mon test négatif constituait une protection. Or, entre dimanche et lundi, j’aurai eu de nombreux contacts, puisque je suis en déplacement, et j’aurai potentiellement contaminé de nombreuses personnes.
Puis, lorsque les symptômes vont se déclencher, on va me tester une nouvelle fois, découvrir que je suis positif au coronavirus et commencer la chaîne de traçage, en contactant tous ceux que j’aurai pu rencontrer depuis deux jours. Malheureusement, ce sera peut-être trop tard, car le virus aura circulé.
Avec cette preuve par l’exemple, j’espère vous avoir convaincu que ce dispositif ne fonctionne pas et ne peut pas représenter une garantie suffisante. Il faut, au contraire, préserver ces territoires.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, à défaut d’avoir convaincu mon collègue Michel Magras, qui est relativement loin de cet hémicycle, vous avez réussi à me persuader, moi. Toutefois, vous me permettrez – sans ironie aucune – d’extrapoler votre conclusion pour l’inviter dans le débat sur la carte des départements, représentés en vert ou en rouge.
Si l’on admet que la fiabilité des tests doit être portée dans le débat public, pourquoi en avons-nous fait l’un des trois items qui permettent de déterminer la couleur des départements ? Il est important de le souligner, parce que, de l’Ardèche à l’outre-mer, il n’y a qu’un pas. En effet, je suis élu d’un département où l’application de ce critère, conjuguée à la rareté des lieux destinés à tester la population, risque malheureusement de le faire passer en rouge jeudi soir.
J’admets vos affirmations, n’ayant pas les connaissances scientifiques requises pour les mettre en doute, mais nous devrions prendre avec mesure ce type d’informations dans la classification des départements.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. J’espère que notre collègue ne retirera pas son amendement, car j’avais envie de le voter.
Ma famille est antillaise, et je vais la voir de temps en temps. Je ne me vois pas confinée à chaque fois pour une quinzaine de jours, tout cela parce que l’on ne saura pas si j’ai le coronavirus ou pas !
Pratiquer des tests me semble une bonne proposition, et je rejoins M. Magras sur ce point. Je tiens au maintien de cet amendement, car à un moment, il faut avancer sur cette question.
Cela n’enlève évidemment rien à la nécessité de protéger les populations outre-mer. Toutefois, monsieur le ministre, allez-vous en interdire l’accès pour les grandes vacances, alors que nombre de personnes, comme moi, comptent s’y rendre à ce moment-là ? Ceux qui savent déjà qu’ils sont positifs pourront-ils s’y présenter avec un seul document, ce qui faciliterait leurs déplacements ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, je n’ai pas de famille antillaise, mais c’est parce que j’aime profondément les Antilles que je ne prendrai pas, à titre individuel, la responsabilité de risquer de transmettre le virus là-bas.
Je le redis, nous avons tous engagé nos efforts dans la lutte contre l’épidémie, et il ne s’agit pas de pointer telle ou telle responsabilité individuelle.
Toutefois, à l’échelle collective, il convient d’adopter cette démarche protectrice à l’égard des territoires qui n’ont pas la chance de pouvoir bénéficier d’une évacuation sanitaire vers des pays limitrophes ou des régions voisines. La gestion des lits de réanimation en cas d’urgence ou de fortes tensions épidémiques n’est pas du tout similaire à celle qui est pratiquée sur le territoire métropolitain.
Je le répète, c’est justement parce que nous aimons les outre-mer et leurs habitants que nous devons prendre sur nous, dans une période épidémique particulière.
Monsieur Darnaud, la quantité de tests à réaliser, comme celle des tests positifs, est un indicateur intéressant, contrairement aux faux négatifs ou à ceux qui ne sont pas réalisés au bon moment. Ce qui importe, c’est de savoir quel est le nombre de tests positifs dans un territoire donné, car c’est un reflet de la circulation du virus.
Quels que soient le nombre de faux positifs et le moment où ils apparaissent, l’existence de 50 tests positifs dans une petite commune atteste d’une forte circulation virale et de l’apparition d’un cluster. En revanche, l’absence de test positif après un dépistage de 1 000 personnes est a priori le signe que le virus circule peu à cet endroit. C’est en ce sens que le test est un indicateur important.
En ce qui concerne la capacité à réaliser des tests, je ne veux pas déflorer ici la carte qui sera présentée jeudi soir. Toutefois, monsieur Darnaud, je ne résiste pas à l’envie de vous dire, parce que vous habitez en Auvergne-Rhône-Alpes – la plus belle région du monde ! (Sourires.) –, que, à l’échelle régionale, les données qui nous remontent démontrent une capacité de tests tout à fait opérationnelle.
Comme je l’ai expliqué de nouveau hier pour la question des réanimations, et c’est normal, nous nous inscrivons dans une réflexion plus régionale que départementale, compte tenu du soutien des établissements de santé.
Votre région, monsieur le sénateur, abrite une commune nommée Le Pont-de-Beauvoisin, parce qu’elle est à mi-chemin entre deux départements, l’Isère et la Savoie. Vous imaginez bien que l’on ne va pas classer chaque moitié de la commune dans deux couleurs différentes !
Si la réflexion régionale fait sens pour les réanimations, il en est de même pour la capacité à mobiliser nos forces vives et à les répartir sur l’ensemble du territoire, afin qu’elles réalisent des tests, qui seront ensuite analysés par les laboratoires de biologie.
À l’heure à laquelle je vous parle, la région Auvergne-Rhône-Alpes ne rencontre aucune difficulté quant à sa capacité à réaliser des tests demain. Néanmoins, nous le saurons jeudi soir avec plus de précisions. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Monsieur Darnaud, l’amendement n° 184 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Mathieu Darnaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 184 rectifié bis est retiré.
Article 3
L’article L. 3131-17 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Au deuxième alinéa, les références : « 1° à 9° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 5° à 9° » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de l’État dans le département sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé.
« Le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée. Ils sont prononcés par le représentant de l’État dans le département au vu d’un certificat médical établi et transmis dans les conditions décrites à l’article L. 3113-1.
« Les mesures mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent à tout moment faire l’objet d’un recours par la personne qui en fait l’objet devant le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe le lieu de sa quarantaine ou de son isolement, en vue de la mainlevée de la mesure. Celui-ci peut également être saisi par le procureur de la République territorialement compétent ou se saisir d’office à tout moment. Il statue dans un délai de soixante-douze heures.
« Les mesures mentionnées au premier alinéa du présent II ne peuvent être prolongées au-delà d’un délai de quatorze jours qu’après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation.
« Lorsque la mesure interdit toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l’isolement se déroule, la mise en quarantaine ou le placement à l’isolement ne peut se poursuivre au-delà d’un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l’État dans le département, ait statué sur cette prolongation.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II. » ;
4° (nouveau) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les 2° et 3° de l’article L. 3131-15 sont abrogés ;
2° Après l’article L. 3131-17, il est inséré un article L. 3131-17-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3131-17-…. – I. – Si cette mesure constitue l’unique moyen de lutter contre la propagation de l’épidémie, le représentant de l’État dans le département peut ordonner le placement à l’isolement d’une personne dont il est médicalement attesté qu’elle souffre de l’infection à l’origine de l’épidémie. Dans les mêmes conditions, le représentant de l’État dans le département peut ordonner le placement en quarantaine d’une personne dont il est médicalement attesté qu’elle est susceptible d’être porteuse de l’infection à l’origine de l’épidémie.
« La décision de mise à l’isolement ou en quarantaine est motivée et prise après certificat médical. Elle entraîne pour la personne l’obligation de demeurer à son domicile, sous réserve des déplacements indispensables aux besoins familiaux, de santé ou d’approvisionnement et dont les modalités sont fixées par la décision en fonction de la nature et des modes de propagation de l’infection. La décision fixe la durée de la mesure, qui ne peut excéder la période durant laquelle la personne est susceptible de transmettre l’infection.
« La prolongation de la mesure au-delà de quatorze jours ne peut être autorisée que par le juge des libertés et de détention, saisi à cette fin par le représentant de l’État dans le département. Le juge des libertés et de détention statue en chambre du conseil, après avoir entendu la personne et, le cas échéant, son avocat. L’audience peut être assurée par vidéoconférence. La durée totale de la mise à l’isolement ou en quarantaine ne peut excéder un mois.
« À tout moment, la personne placée en isolement ou en quarantaine peut demander la mainlevée de cette mesure devant le juge des libertés et de détention.
« II. – À peine de nullité, toute personne placée à l’isolement ou en quarantaine est immédiatement informée, par écrit et dans une langue qu’elle comprend de la nature, de la durée et des motifs de la mesure à laquelle elle est soumise, ainsi que des droits qui lui sont reconnus.
« III. – Le fait, pour une personne placée à l’isolement ou en quarantaine, de ne pas respecter les conditions de la mesure à laquelle elle est soumise, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
« IV. – Un décret précise, en tant que de besoin, les conditions d’application des présentes dispositions. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 3 du présent projet de loi prévoit les modalités de placement à l’isolement des citoyens contagieux.
Une telle décision serait prise par le représentant de l’État dans le département, sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé et après constatation médicale. Un garde-fou est prévu, le juge des libertés et de la détention, pouvant être saisi par le patient.
Malheureusement, la rédaction présentée par le Gouvernement n’est pas vraiment satisfaisante. Rappelons-le, la mise à l’isolement pour raison médicale est une privation de liberté, alors même que le porteur du virus n’a rien commis d’illégal. Cette décision n’est donc pas à prendre à la légère et doit être encadrée.
Le présent amendement tend donc à proposer une nouvelle rédaction de l’article 3, afin que le placement coercitif en quarantaine se dote d’un cadre légal rigoureux garantissant la nécessité et la proportionnalité d’un recours à une telle mesure.
Le dispositif que nous proposons appelle notamment à se faire plus respectueux du droit à l’information et à la défense de la personne placée à l’isolement. Il y est notamment prévu la garantie de la présence d’un avocat dans le cadre de l’audience du malade avec le juge des libertés et de la détention. Il y est également assuré que le requérant se verra informé par écrit, et dans une langue qu’il comprend, de la nature, de la durée et des motifs de la mesure à laquelle il est soumis, ainsi que des droits qui lui sont reconnus.
La rédaction proposée ici devrait permettre de concilier un dispositif proportionné et respectueux des droits des personnes concernées avec les moyens dont disposent les autorités pour agir contre la propagation de l’épidémie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 196, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les références :
5° à 9°
insérer la référence :
du I
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 127, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret, de la Gontrie et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Le placement en quarantaine est subordonné à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée ou de son refus de se soumettre à un dépistage.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’ai cosigné cet amendement uniquement pour la forme, afin de pouvoir le présenter au nom de mes collègues Jean-Yves Leconte, Hélène Conway-Mouret et Claudine Lepage, qui sont tous trois représentants des Français de l’étranger et qui ne pouvaient donc être présents aujourd’hui.
Cet amendement vise à préciser qu’une mise en quarantaine n’est possible que si l’infection est établie ou si la personne refuse de se soumettre à un test de dépistage ou à un examen médical.
Pourquoi ? Parce que les conditions de mise en quarantaine et de mise à l’isolement, ainsi que la distinction entre ces deux catégories, ne sont pas suffisamment claires aujourd’hui, parce qu’aucune disposition n’a encore été prise aux frontières pour organiser ce qui constitue une mesure privative de liberté et parce qu’il nous semble que mieux vaut un dépistage qu’une quarantaine sans test préalable.
Enfin, rappelons que, depuis la mi-mars, le Gouvernement a incité les Français installés à l’étranger à ne pas rentrer en France.
De plus, l’organisation du rapatriement de plus de 150 000 personnes fut concentrée sur les personnes résidant en France ou, de manière provisoire, à l’étranger. Il n’est donc pas acceptable que les Français vivant à l’étranger soient placés en quarantaine à leur retour en France et subissent cette disposition inutilement inégalitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous en avons beaucoup parlé : le test de dépistage ne suffit pas à nous permettre d’être tranquillisés sur les risques de contamination. Nous n’avons pas accepté la disposition visant Saint-Barthélemy, nous ne pouvons pas l’accepter concernant les Français de l’étranger, j’en suis désolé.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux, Vall et Guérini, est ainsi libellé :
Alinéa 6, au début
Insérer les mots :
La mise en quarantaine,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement n’a plus lieu d’être : il était en lien avec des amendements que nous avions déposés sur l’article 2, lesquels n’ont, hélas, pas été adoptés.
Je le retire donc, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.
L’amendement n° 117 rectifié, présenté par M. Leconte et Mmes Conway-Mouret, Lepage et de la Gontrie, est ainsi libellé :
Alinéa 6, au début
Insérer les mots :
Une mesure de mise en quarantaine,
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement est très proche du précédent. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 117 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 6, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ils ne peuvent concerner les personnes mineures.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise les mesures de quarantaine et d’isolement prises à l’encontre des mineurs, lesquelles suscitent notre inquiétude.
Comment concilier des décisions individuelles et le droit de mener une vie familiale normale, droit protégé à l’échelon national et européen ?
Il est certainement encore trop tôt pour évaluer les effets du confinement sur les enfants, lequel ne peut pas tout à fait être comparé à l’expérience d’un placement en centre de rétention administrative ou à une incarcération avec leur mère.
Il est vraisemblable que les mesures de restriction des libertés, dont les conditions de mise en œuvre sont floues, affecteraient les jeunes enfants si elles devaient perdurer trop longtemps.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère, Costes et Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’intéressé est mineur, ces mesures font l’objet d’un recours devant le juge des enfants.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement, qui a été déposé par ma collègue Nathalie Delattre, vise à prévoir une disposition dérogatoire, afin que l’intérêt des enfants soit pris en compte dans la procédure de placement en quarantaine ou à l’isolement. Dans un tel cas, le recours doit être intenté devant le juge des enfants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur le premier amendement et s’en remettra à la sagesse du Sénat sur le second.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. L’examen de ces amendements nous offre l’occasion d’essayer de comprendre un peu mieux la façon dont le Gouvernement envisage la mise en quarantaine de mineurs qui arriveraient seuls en France, en situation régulière.
À titre d’exemple, il pourrait s’agir d’un enfant ayant un parent à l’étranger et un parent en France. S’il rentrait seul, ce mineur s’isolerait chez son parent français. Mais, dans l’hypothèse où il y aurait un problème et où il ne pourrait pas être accueilli dans un lieu familial, que prévoyez-vous pour lui ? De quelle protection bénéficierait-il ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, un décret prévoira évidemment des mesures d’accompagnement extrêmement précises pour les mineurs. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme Laurence Rossignol. Mais encore ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est un peu court !
M. Olivier Véran, ministre. Ces précisions figureront dans le décret, qui interviendra après le débat législatif.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Le suspense est insoutenable !
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes, N. Delattre et Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le procureur de la République est informé de la décision individuelle prononcée.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Le présent amendement vise à prévoir l’information automatique du procureur de la République en cas de décision individuelle de placement en quarantaine ou à l’isolement.
Il tend à compléter le dispositif de l’article 3, afin de rendre effective la saisine du procureur de la République prévue à l’alinéa 7. En effet, comment celui-ci pourrait-il se saisir s’il n’a pas été informé ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement est satisfait, cette disposition étant déjà prévue dans l’article. Mme Carrère pourrait donc le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 203, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque les modalités de la mesure ayant pour objet la mise en quarantaine et le placement ou le maintien en isolement interdisent toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine et l’isolement se déroulent, ces mesures peuvent à tout moment faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention qui statue dans les 72 heures. Celui-ci peut également se saisir d’office à tout moment.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Cet amendement vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, lequel prévoit que seules les mesures de privation de liberté pourront faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention, et non pas toutes les mesures d’isolement et de quarantaine.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes, N. Delattre et Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
par une ordonnance motivée
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cette disposition résulte des observations de la Commission nationale consultative des droits des droits de l’Homme sur le projet de loi.
Il s’agit de compléter l’alinéa 7, afin de préciser que le juge statue par une ordonnance motivée pour garantir des conditions de recours satisfaisantes à la personne faisant l’objet d’une décision individuelle de mise en quarantaine ou de placement à l’isolement.
L’urgence sanitaire ne devrait pas se traduire par un recul des droits juridictionnels acquis par une longue construction jurisprudentielle et législative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement du Gouvernement est un hommage au Conseil d’État. De ce point de vue, il me semble qu’il a de sérieux fondements. Pourtant, je n’y suis pas favorable, mes chers collègues, et je vais vous expliquer pourquoi.
Pour les mesures privatives de liberté, c’est en effet le juge des libertés et de la détention qui est compétent ; pour les mesures restrictives de liberté, c’est le juge administratif.
Dans le cas qui nous occupe, quelle que soit la mesure, quarantaine ou mise à l’isolement, les personnes pourront tout de même sortir de chez elles dans certains cas, mais pas du tout dans d’autres. Quand elles auront le droit de sortir, c’est le juge administratif qui sera compétent, quand elles n’en auront pas du tout le droit, ce sera le juge des libertés et de la détention. La différence est tout de même ténue. Selon qu’elles pourront aller faire leurs courses ou qu’elles devront se faire livrer à manger chez elles, le juge compétent ne sera pas le même !
Le nombre de mesures prévues n’étant pas si élevé, j’ai pensé qu’il serait plus simple d’adopter dans tous les cas le régime applicable aux mesures privatives de liberté, même si je sais bien que l’on n’est pas entièrement privé de liberté lorsqu’on peut aller faire ses courses soi-même.
La commission a eu la gentillesse de me suivre, sans pour autant faire de ce sujet une question de principe. Il me semble qu’il faut s’en tenir là.
Monsieur le ministre, vous pouvez maintenir votre amendement, mais je suis obligé d’émettre un avis défavorable, car il est contraire à la position de la commission. Et je ne pense pas que cela ait une réelle importance…
Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 22 rectifié.