M. le président. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes, N. Delattre et Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
, à peine de nullité
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’alinéa 15 prévoit, dans le cas d’un isolement complet de la personne soumise à quarantaine ou à isolement, qu’il soit garanti à cette personne un accès aux biens et services de première nécessité, ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant d’échanger librement avec l’extérieur.
Ces précautions sont évidemment essentielles. Toutefois, qu’adviendra-t-il si ces conditions ne sont pas réunies ? Le présent amendement vise à prévoir que, en cas de non-respect de ces conditions, la mesure de placement en quarantaine ou à l’isolement sera nulle et non avenue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par M. Requier, Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux, Vall et Guérini, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles tiennent compte de la densité de population ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à ce que les mesures décidées sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique soient mieux proportionnées aux circonstances de temps et de lieu.
En effet, pour que ces mesures soient efficaces d’un point de vue sanitaire, il est nécessaire qu’elles permettent de réduire la densité afin de limiter au maximum les interactions entre individus.
Beaucoup d’observateurs ont noté des incongruités, tel l’accroissement du nombre de personnes se promenant dans les centres de villes balnéaires parce que les plages étaient interdites.
Parallèlement, dans les métropoles, il a pu paraître parfois contre-productif de réduire les plages horaires pour la pratique d’activités individuelles ou de restreindre les lieux de circulation des personnes, ces mesures ayant pour effet d’accroître la densité dans les plages horaires et les lieux de passage permis.
C’est pourquoi il est proposé de prendre en compte cette notion de densité. Cela se justifie totalement dans le cadre d’un état d’urgence destiné à lutter contre une épidémie. L’Aubrac, avec ses deux habitants au kilomètre carré, n’est pas comparable au front de mer de Biarritz et aux berges de la Seine ou du canal de l’Ourcq.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le sénateur, cil est très bien de prendre en compte la densité de la population. Cela fait effectivement partie des paramètres dont il faut tenir compte pour déterminer les mesures de l’urgence sanitaire quand on veut apprécier leur proportionnalité à l’objectif de santé publique visé. Mais il en existe d’autres, et si l’on devait tous les inscrire dans la loi, on n’en finirait pas !
Je comprends que vous soyez attaché à cette proposition, mais je préférerais que, au bénéfice des explications que je viens de vous donner, vous acceptiez de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le président Requier, je vous invite également à retirer cet amendement, car je considère qu’il est satisfait. Par définition, la mise en œuvre des mesures de distanciation sociale suppose d’intégrer toutes les considérations liées à la distance, notamment en fixant une jauge maximale d’accueil du public des lieux qui seront rouverts au public.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 16 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Labbé, Mmes M. Carrère, Costes, N. Delattre, Guillotin et Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve et MM. Roux, Vall et Guérini, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les interdictions susmentionnées se limitent aux circonstances d’urgence absolue et sont motivées par l’absence de solutions alternatives. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Par le présent amendement, nous voulons rappeler que, dans un État démocratique, même si celui-ci fait face à une épidémie, la liberté doit rester la règle, et l’interdiction l’exception.
Si ces interdictions peuvent être justifiées par l’extrême urgence, en revanche elles le sont moins dans la phase de prorogation, où des solutions d’adaptation doivent être recherchées. Il s’agit de ne pas se résigner, de réinventer des moyens de vivre nos libertés dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, tout en prenant les dispositions sanitaires nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Toutes les mesures sont limitées aux circonstances de catastrophe sanitaire, et ce que vous désignez sous le vocable « circonstances d’urgence absolue » recouvre la même notion.
Par conséquent, cet amendement n’apparaît pas indispensable pour satisfaire à votre objectif, et je souhaiterais que vous le retiriez. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président. Cet amendement était pour moi un moyen d’insister et participait d’une pédagogie de la répétition.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 131, présenté par MM. Maurey, Bockel et L. Hervé, Mme Gatel, MM. Bonhomme et Daubresse, Mme Eustache-Brinio, MM. Frassa, Reichardt, Wattebled, Janssens, Laugier et Paccaud, Mme N. Goulet, MM. Mizzon, Bonne, Bizet et Guerriau, Mme Ramond, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Guidez, MM. Canevet, Panunzi, Le Nay, Houpert, Luche et Husson, Mmes Noël et Lassarade, MM. Vaspart et Courtial, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Danesi, Pemezec, Regnard, Gilles, Kern et Fouché, Mme F. Gerbaud, M. Cazabonne, Mmes Raimond-Pavero et L. Darcos, M. Pointereau, Mmes Billon, C. Fournier, de la Provôté et Férat, MM. Cuypers, Bouchet et Détraigne, Mmes de Cidrac, Létard et Imbert et MM. H. Leroy, Mandelli et Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« .… – Les dispositions du 5° ne font pas obstacle à la faculté, pour le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, d’ordonner, au titre du pouvoir de police municipale, des mesures de fermeture provisoire ou règlementant leur ouverture lorsque des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable. »
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. L’examen de cet amendement nous rappellera notre débat un peu étonnant d’hier soir sur la sécurisation juridique des maires dans l’exercice de leurs responsabilités, au regard notamment de la réouverture des écoles.
Nous vivons une situation extrêmement particulière. À ce jour, 30 000 maires élus ne sont pas entrés en fonction, tandis que 30 000 maires sortants sont encore en poste et prennent des décisions qui engagent leurs successeurs, notamment concernant la réouverture des écoles et les conditions d’accueil dans les services périscolaires.
De fait, ceux qui prendront leurs fonctions électives dans trois semaines auront à assumer des décisions sans doute pertinentes, mais parfois insuffisamment préparées. Il nous semble donc qu’il convient de permettre aux maires de décider la fermeture d’une école dans laquelle il serait impossible de faire respecter les gestes barrières, y compris durant le temps périscolaire.
Je connais et respecte l’avis du président Bas, qui nous expliquait hier que la responsabilité de fermer l’école incombe à son directeur, lui seul pouvant en prendre l’initiative, mais je me permets d’insister eu égard au contexte particulier : les maires sortants qui auront pris ces décisions ne seront plus là dans quinze jours, et d’autres devront alors les assumer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je remercie notre collègue Françoise Gatel et les cosignataires de cet amendement d’avoir soulevé cette question. Elle intéresse beaucoup de maires en France. Même si le droit ne leur attribue pas la responsabilité d’ouvrir ou de fermer une école, il est vrai qu’ils ressentent cette responsabilité comme relevant de leur autorité. Il faut donc prendre en compte cette donnée de fait, qui est profondément ancrée dans l’esprit de nos élus locaux, ce que je comprends très bien.
Si je ne suis pas favorable à votre amendement, madame Gatel, c’est, premièrement, parce que son objet est très large. Vous voulez viser les écoles, mais vous visez en réalité, sans l’avoir souhaité je pense, tous les établissements recevant du public et les lieux de réunion. Cela fait beaucoup !
Deuxièmement, il faut prévoir une articulation entre les pouvoirs de police spéciale qui ont été donnés, dans le cadre de la lutte contre le fléau sanitaire, aux autorités déconcentrées de l’État et les pouvoirs de police générale qui sont ceux des maires. Les pouvoirs de police générale des maires ne s’exercent que par exception quand un pouvoir de police spéciale est donné au préfet. Il ne faudrait pas créer un risque de compétition entre le préfet et le maire et mettre ainsi du désordre dans la réglementation entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. On ne saurait – c’est pourtant ce que nous ferions implicitement en adoptant votre amendement – rendre les maires responsables de l’ouverture des écoles. Ils ne le sont pas actuellement et soudain ils le deviendraient, au motif que circule le Covid-19 ?
Les maires nous ont réclamé de limiter les possibilités d’engagement de leur responsabilité à raison des décisions qui relèvent de leur compétence, et voilà que nous élargirions par la loi le champ de leur responsabilité, et donc celui des poursuites pénales qui pourraient être engagées sur le fondement de la disposition que nous avons adoptée hier, laquelle permet de clarifier le régime de cette responsabilité et d’éviter que le juge ait un trop large pouvoir d’appréciation ! Aujourd’hui, les maires ne peuvent pas être pénalement sanctionnés au titre de la décision d’ouvrir les écoles ; cet amendement adopté, ils pourraient l’être, même si c’est dans les conditions plus restrictives que nous avons adoptées hier.
Il faudrait bien plutôt pouvoir rassurer les élus municipaux, avec lesquels vous avez naturellement des discussions quotidiennes sur ce problème, en leur expliquant le droit applicable, l’étendue de leur compétence et des risques qu’ils encourent. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent se désintéresser de l’ouverture des écoles : c’est bien sûr à eux de mobiliser les moyens nécessaires pour que les écoles puissent rouvrir. Toutefois, ce n’est pas à eux de prendre la décision ; la distinction est importante.
Avis défavorable, donc, à moins que vous ne retiriez votre amendement, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. J’irai dans le même sens que le président Bas, en rappelant que nous disposons en la matière d’une jurisprudence toute fraîche – l’encre n’en est pas encore sèche, elle date d’il y a quinze jours – du Conseil d’État, qui avait été saisi par la commune de Sceaux sur la question de l’articulation entre la responsabilité du maire et celle du préfet. Cette jurisprudence s’intègre parfaitement au raisonnement du président Bas. Je demande donc à mon tour aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. J’ai cosigné cet amendement, car il me semble que la situation doit être clarifiée. Je suis élu de l’Oise ; ma collègue Laurence Rossignol pourra vous confirmer que l’on observe actuellement une épidémie d’arrêtés de fermeture ou de non-réouverture d’écoles dans notre département. Si l’on suit le raisonnement de notre cher président de la commission des lois, tous ces arrêtés sont illégaux – c’est ce qu’il nous a fait comprendre hier. Cependant, la législation n’est pas aussi claire que cela. Le fameux article L. 411-1 du code de l’éducation ne dit pas clairement que les directeurs d’école ont le pouvoir d’ouvrir ou de fermer les écoles.
À l’inverse, le 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales relatif aux pouvoirs de police du maire dispose que ce dernier peut, en cas de maladie épidémique ou contagieuse, prendre des décisions allant jusqu’à la fermeture d’établissements municipaux.
Devant ce flou, voire ces contradictions, il me semble que l’adoption de cet amendement apporterait une clarification particulièrement souhaitable, qui serait appréciée par de nombreux maires. Je n’en suis tout de même pas à collectionner les arrêtés que m’envoient les maires de mon département, mais je pourrais vous transmettre celui, remarquablement rédigé, de la ville de Méru, 15 000 habitants. Je ne suis pas persuadé qu’il soit « hors la loi ». Peut-être sera-t-il définitivement conforme à la loi si l’amendement de M. Maurey est voté.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Ma suggestion, pour régler le problème posé par l’amendement de Françoise Gatel, serait plutôt que, dans un rapport de partenariat, le maire estimant n’être pas en capacité d’assurer soit les services périscolaires, soit la bonne organisation des locaux pendant le temps scolaire en fasse état par lettre à l’inspecteur d’académie, lequel, placé devant la responsabilité induite par ce non possumus, prendra la décision de fermer l’école ou, au contraire, de passer outre, considérant que les arguments ou les données de fait présentés par le maire sont insuffisamment probants.
Je fais la distinction entre la mise en état des locaux, strictement indispensable au fonctionnement du service public scolaire, et la fourniture des services périscolaires, car ces derniers ne sont pas obligatoires. L’éducation nationale peut décider de maintenir le fonctionnement de l’école tout en disant aux parents que les services périscolaires sont défaillants.
Je profite de cette occasion pour passer un message à M. le ministre en remettant sur la table le sujet des capacités d’accueil. Je n’ai en effet pas trouvé le moyen réglementaire de présenter, dans ce débat, un amendement sur cette question. Nous allons nous retrouver, sur le plan scolaire, avec des déficits de capacités d’accueil très substantiels. Toutes les remontées des maires qui nous parviennent donnent à penser que l’on ne dépassera pas, au total, 10 % ou 12 %, voire 15 % dans le meilleur des cas, des capacités d’accueil habituelles pour le primaire.
Je trouve donc que le Gouvernement serait bien inspiré d’activer le service minimum d’accueil – cela relève du domaine législatif, malheureusement, il faudrait l’inscrire dans le présent texte – instauré en 2008 dans des circonstances légèrement controversées, mais qui fait désormais partie des usages et que personne n’a retouché depuis lors.
Pour l’instant, le code de l’éducation dispose que l’organisation de ce service minimum d’accueil est subordonnée au dépôt d’un préavis de grève. En tout cas, pour ce qui est d’offrir une capacité d’accueil supplémentaire là où les mairies estiment pouvoir le faire, elle serait compatible avec l’enseignement à distance, puisque les animateurs peuvent prévoir des séquences d’enseignement à distance assurées par les enseignants. Je pense qu’il s’agirait là, en vue de répondre aux besoins d’accueil et de soutien des parents qui doivent reprendre leur activité professionnelle, d’un complément utile aux mesures déjà prises par l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Peut-être suis-je trop crédule, mais, dans son intervention du début d’après-midi sur les grandes chaînes de télévision, le Président de la République n’a parlé quasiment que du maire, de son rôle dans l’ouverture des écoles, notamment. Il a très clairement indiqué que, si les circonstances locales ne le permettaient pas, la réouverture ne pourrait pas avoir lieu.
La proposition de notre collègue Hervé Maurey, que Françoise Gatel vient de présenter, vise à permettre au maire de décider, par un arrêté, que les écoles de sa commune ne rouvriront pas.
La jurisprudence du Conseil d’État relative à l’arrêté pris par la ville de Sceaux a trait à une obligation faite à l’ensemble de la population de porter un masque dans le domaine public. Le dispositif de l’amendement concerne plutôt les bâtiments de l’école, qui accueillent d’ailleurs parfois d’autres services publics – sans parler des mairies-écoles, je citerai les garderies périscolaires ou les cantines, qui sont des services publics certes facultatifs mais consubstantiels à l’école et dont l’ouverture ou la fermeture relèvent directement de l’autorité du maire.
Le mérite de cet amendement est de donner aux maires le rôle que le Président de la République leur a en définitive reconnu, mais peut-être, encore une fois, suis-je trop crédule ou naïf. Ce que nous demandent les collègues maires avec lesquels nous avons été en contact ces derniers jours, c’est du temps, de l’accompagnement et, pour ceux qui ont pris des arrêtés, une réponse à la question de savoir si, oui ou non, ces arrêtés sont illégaux.
Je prendrai un autre exemple de jurisprudence administrative : certaines collectivités ont été encouragées à prendre des arrêtés de couvre-feu aggravant la doctrine de l’État. Ces arrêtés municipaux n’ont pas été déférés ; ils ont parfois été appliqués par la police nationale ou la gendarmerie nationale et certains d’entre eux sont toujours en vigueur – des préfets ont pris des arrêtés à l’échelle départementale ou d’une partie du département pour régler le problème.
Mon sentiment est donc qu’il faut donner aux maires la capacité de décider de ne pas rouvrir une école.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Hier, j’ai quelque peu tempêté en expliquant combien les maires pouvaient se sentir dépassés par l’ampleur technocratique du protocole sanitaire auquel ils se trouvent confrontés. Je remercie le président Bas d’avoir fait voter par le Sénat tout entier, contre l’avis de la garde des sceaux, un dispositif qui protège non seulement les maires, mais aussi les directeurs d’école et, au-delà, toutes celles et tous ceux qui, dans l’urgence, sont appelés à prendre des décisions sans avoir complètement eu le temps d’assimiler les textes qui leur sont applicables et à propos desquels ils n’ont pas été consultés.
Si l’on constate aujourd’hui une épidémie d’arrêtés de fermeture, cela tient au fait que la concertation et la consultation ne sont intervenues qu’après la publication des textes. Cette situation contribue à la généralisation d’un sentiment d’angoisse parmi les maires, mais aussi parmi les directeurs d’école.
Cela étant dit, malgré la qualité et le nombre des signataires de cet amendement, j’ai un peu de mal avec leur proposition, parce que l’école est nécessaire. Il faut aider les maires à prendre leurs responsabilités en ouvrant les écoles. Catherine Deroche a évoqué les violences faites aux enfants. Le déconfinement et le retour à l’école sont une nécessité pour beaucoup d’enfants de ce pays, pour les décrocheurs, mais aussi pour celles et ceux qui ont besoin de retrouver d’autres espaces pour s’aérer. C’est pourquoi – je le dis amicalement à Françoise Gatel – je ne pourrai voter un dispositif qui, en définitive, donne aux maires des arguments pour ne pas rouvrir leurs écoles. (Mme Catherine Dumas et M. Ladislas Poniatowski manifestent leur approbation.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement m’inspire une certaine perplexité. Le président Bas a rappelé, comme il l’avait déjà fait en commission, que la décision de rouvrir une école ne relevait pas de la responsabilité juridique directe du maire. La rédaction ici proposée revient, de fait, à faire du maire un acteur de la réouverture des écoles, qu’il le veuille ou non. Je crains donc une sorte d’effet pervers, s’agissant d’un amendement dont les auteurs souhaitaient au contraire ouvrir aux maires certaines possibilités : ceux-ci se trouveraient contraints de prendre la décision de rouvrir ou de maintenir fermées les écoles alors même qu’en principe ils n’ont pas à la prendre.
Par ailleurs, je note, mes chers collègues, que vous avez limité le champ de cet amendement aux maires ou aux présidents d’établissement public de coopération intercommunale. J’ai pourtant entendu un président de région, Hervé Morin, indiquer, je le cite : « Je n’ouvrirai pas les lycées si… ».
Si chacun endosse, pour des raisons qui sont toutes excellentes, une responsabilité que, pour l’instant, la législation ne lui donne pas, n’y a-t-il pas à craindre quelque effet pervers ? Je suis donc perplexe devant cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Comme Max Brisson, je pense réellement qu’aujourd’hui beaucoup d’enfants ont besoin de pouvoir retourner en classe, pour certains parce qu’ils sont décrocheurs, pour d’autres parce qu’ils vivent une situation très difficile au sein de leur foyer.
Par ailleurs, eu égard au travail que nous avons collectivement accompli hier autour de l’amendement du président Bas, sur lequel nous nous sommes tous mis d’accord, je ferai deux remarques.
Premièrement, en adoptant le présent amendement, nous compliquerions encore davantage la tâche des maires. La décision d’ouvrir l’école ou de la maintenir fermée sera pour eux très inconfortable à prendre. Il ne faut pas se mentir : un certain nombre d’enseignants se demandent déjà s’ils doivent ou non revenir en classe. Si en plus nous plaçons le maire en situation de responsabilité, cela aura pour conséquence de créer pour lui une forme de droit de retrait et de l’inciter à dire : « on arrête tout, je ne rouvre pas l’école ».
Deuxièmement, je pense, comme Max Brisson, qu’hier nous avons fait le nécessaire pour protéger les maires et les chefs d’établissement. C’était indispensable : je comprends l’angoisse que ressentent aujourd’hui les chefs d’établissement, sachant que les conditions du respect des consignes sanitaires ne sont pas les mêmes dans les établissements des territoires ruraux et dans ceux des zones urbaines.
Si nous créons une difficulté supplémentaire, un cas de conscience pour les maires, j’ai tendance à penser que, malheureusement, les écoles ne rouvriront pas. Je le redis, l’école est nécessaire à la République. Il est urgent qu’elle rouvre, dans des conditions sanitaires optimales, évidemment, pour les enseignants comme pour les enfants. Je pense réellement que nous avons fait le nécessaire pour protéger les uns et les autres. Ne plaçons pas les maires dans une situation telle que la décision qu’ils seront amenés à prendre, pour se protéger et parer à toute éventualité, sera de maintenir fermées les écoles.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. J’abonderai moi aussi dans le sens de mon collègue Max Brisson, en apportant toutefois à ses propos une petite nuance.
Nous débattons aujourd’hui de notions juridiques, de dispositions du code général des collectivités territoriales et du code de l’éducation très éloignées de la réalité vécue par nos collègues maires et par les directeurs d’école. Je m’empresse de dire, pour l’avoir moi-même vécu, comme la plupart d’entre vous j’en suis sûr, à l’occasion des échanges quasi hebdomadaires que nous avons avec les préfets et l’ensemble des représentants de l’État territorial, que ledit État territorial sollicite pleinement les maires.
Je prendrai un exemple. En Ardèche, il a été demandé aux maires de tendre vers une politique du « zéro défaut » pour l’ouverture des écoles. Parallèlement, étant entendu qu’au-dessus d’un seuil de quinze élèves par classe l’école ne peut reprendre que par demi-groupe, à raison de deux jours par semaine pour chaque demi-groupe, il a été aussi demandé aux maires de mettre en place, s’ils le pouvaient, des activités périscolaires y compris pendant le temps scolaire pour ceux des élèves qui n’auraient pas classe. L’État sollicite ainsi les maires en permanence.
Les uns invoquent le code général des collectivités territoriales, les autres le code de l’éducation ; tous ont d’une certaine manière raison, mais c’est le flou qui prévaut : on demande aux élus locaux une agilité absolue, une réactivité dont ils n’ont pas le moindre moyen, et on leur renvoie en définitive des responsabilités qu’ils n’ont pas la capacité d’endosser. Plutôt que d’opposer les textes, monsieur le ministre, il est grand temps que le Gouvernement précise clairement les choses, pour que l’État territorial puisse donner aux maires une feuille de route lisible.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai vraiment le sentiment qu’à force de vouloir en faire un peu trop, on ne simplifie rien. Hier, nous avons eu un débat très clair sur la responsabilité du maire. Certains – nous en étions – voulaient qu’un article spécifique fût consacré à cette responsabilité. La majorité a choisi que cette question soit traitée via un amendement de portée plus générale, comme l’a proposé Philippe Bas. Le Gouvernement s’est opposé, avec le succès que l’on sait, à ces deux positions. Cela me paraît clair et, me semble-t-il, nous avons bien fait de voter ce dispositif.
Quant à l’amendement dont nous discutons à présent, nous n’y sommes vraiment pas favorables. Son adoption remettrait les maires dans des situations confuses, compliquées, alors que le droit commun suffit. Que dit le droit commun ? Tous les jours, lorsqu’un plafond s’effondre, lorsqu’un dommage rend inutilisable une salle des fêtes, des maires décident de fermer des établissements. Nous prenons tous de telles mesures, ne serait-ce que pour protéger les usagers du service public.
Je propose donc que nous nous en tenions à ce droit commun et à ce que nous avons voté hier. Je ne crois pas que l’on gagne à ajouter des dispositions, en réalité très circonstancielles, du type de celle que nous sommes en train d’examiner.