M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage la plupart des remarques qui viennent d’être formulées.
À la demande du Premier ministre, le ministre de l’économie, qui a mené les négociations, a obtenu des assureurs qu’ils versent 200 millions, puis 400 millions d’euros au fonds de solidarité pour les indépendants. Pour rappel, puisqu’en tant que ministre de l’action et des comptes publics je suis chargé de compter l’argent qui entre dans les caisses de l’État, seuls 185 millions ont été versés à ce jour. Nous pensons, bien sûr, que nous pouvons obtenir plus de la part des assurances.
Comme vous l’avez souligné, il est évident, notamment en examinant la sinistralité automobile, que les assurances ne sont pas en difficulté en ce moment, d’autant qu’elles ne couvrent pas le risque pandémique. Certes, on ne peut pas le leur reprocher, car ce risque n’est couvert dans aucun pays au monde, mais il faudra dorénavant y songer, même si c’est un pari difficile. En revanche, le remboursement intégral de la perte de chiffre d’affaires mettrait évidemment le secteur de l’assurance en grande difficulté. Quoi qu’il en soit, il existe sans doute un juste milieu entre tout et rien.
Même si je comprends l’esprit de ces amendements, j’émets un avis défavorable. Je ne voudrais pas empiéter sur les travaux du ministre de l’économie, qui mène des négociations en ce moment même. J’espère néanmoins que votre amicale pression, pour reprendre votre expression, aidera le Gouvernement à obtenir davantage de la part du secteur assurantiel. En tout état de cause, d’autres textes sont prévus, qui pourraient permettre, si le Gouvernement le souhaitait, en lien avec vos assemblées, de prendre un certain nombre de dispositions législatives.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. La situation économique est tout à fait originale. Par une décision administrative, liée certes à une crise sanitaire, un certain nombre d’activités économiques ont été interdites. On a donc déplacé la marge, puisque l’on a créé, pour certains secteurs, une rente par décision administrative. C’est la loi classique de la concurrence, du monopole, etc. Bref, on a déplacé la rente. Il n’est donc pas illogique de vouloir taxer une rente indue. L’amendement n° 328 déposé par Bruno Retailleau me paraît cohérent, et je le soutiendrai.
Monsieur le ministre, nous vous aiderons. Vous l’avez vous-même reconnu, les assureurs traînent un peu les pieds. Il faut leur mettre la pression, et nous sommes à vos côtés pour cela !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le ministre, j’espère que la pression du Sénat sera utile aux négociations. Ces deux amendements sont sous-tendus par le même raisonnement. Ma proposition est juste un peu plus brutale, car aucun palier n’est prévu : je propose de passer directement de 0,40 % à 0,60 %. Je reconnais bien là la douceur du groupe Les Républicains. (Sourires.)
Je me range donc à la rédaction de M. Retailleau, mais, plutôt que de retirer mon amendement, je préfère le rectifier pour qu’il soit rendu identique à l’amendement n° 328.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 265 rectifié ter, dont le libellé est désormais strictement identique à celui de l’amendement n° 328.
La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Est-il logique que ces deux amendements soient mis aux voix sans que soient examinés les trois amendements suivants, lesquels visent à rétablir la taxe exceptionnelle de 10 % ? Il s’agit toujours d’une question de taxe, mais avec des procédés différents. Pourrions-nous examiner tous ces amendements en discussion commune ?
M. le président. Rétablir une discussion commune semble difficile, cher collègue. (M. le rapporteur général le confirme.)
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je remercie Jean-Marc Gabouty d’avoir aligné son amendement sur le nôtre et d’avoir reconnu la modération du groupe Les Républicains. Son ciblage est néanmoins peut-être meilleur que le nôtre : du coup, il encourage sans doute notre amendement !
Nombre de restaurateurs, d’hôteliers et de chefs de petites entreprises pensaient avoir souscrit un contrat couvrant les pertes d’exploitation. Or le risque pandémique n’est pas couvert. Comme l’a souligné le rapporteur général, il va falloir réfléchir à régler ce problème pour l’avenir. Un certain nombre de collègues, notamment Jean-François Husson, Catherine Dumas et Vincent Segouin, ont fait des propositions.
En tout état de cause, il nous appartient maintenant de gérer le présent, qui est fait d’une injustice extraordinaire. Jérôme Bascher l’a rappelé, toutes les activités ont cessé brutalement en raison du confinement, mais cela a profité à un secteur économique, ce qui est choquant !
Les gains pour le secteur de l’assurance s’élèvent à des centaines de millions d’euros, sans doute à des milliards. En deux mois, nous avons compté que les assureurs ont gagné à peu près 800 millions d’euros. La presse s’en est fait l’écho, une mutuelle a restitué à ses adhérents 100 millions d’euros pour la baisse de sinistralité au titre de l’automobile.
Monsieur le ministre, notre amendement a pour objectif de vous aider. Je le dis en prenant à témoin les sociétés d’assurance, qui, j’en suis certain, nous écoutent ce soir : nous allons le voter. Nous ne savons pas ce qu’il deviendra demain, mais il y aura d’autres PLFR : soit le tour de table avec Bruno Le Maire aboutit, et les assurances acceptent de faire un effort supplémentaire ; soit leur prise de responsabilité est défaillante, et nous aurons d’autres occasions d’y revenir.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, il s’agit peut-être d’une méconnaissance du règlement de ma part, mais je suis d’accord avec la remarque formulée par mon collègue Raynal.
M. le président. Cher collègue, nous n’allons pas entamer un débat de cette nature : il a été tranché par la commission !
M. Pascal Savoldelli. Certes, mais trois groupes de sensibilité différente souhaitent aborder la question de la réserve de capitalisation, obligatoire pour les assurances et qui constitue une garantie pour les assurés. Ce n’est pas pour embêter le monde, il s’agit de fixer les taux de provision. !
Si ce point de procédure est tranché, monsieur le président, dont acte, mais nous allons voter ces deux amendements, et nous verrons ensuite le comportement de toutes les composantes politiques…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 265 rectifié ter et 328.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 76 rectifié, présenté par Mme Férat, M. Delcros, Mme Vermeillet, MM. Delahaye, Capo-Canellas et Canevet, Mme N. Goulet, M. Laurey et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes mentionnées aux 1° à 6° du B du I de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier qui, au jour de la promulgation de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation.
II. – Cette taxe est assise sur le montant, à l’ouverture de leur exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi, de la réserve de capitalisation que les personnes mentionnées au I ont constituée en application des dispositions législatives et réglementaires du code des assurances, du code de la mutualité ou du code de la sécurité sociale qui les régissent.
III. – Le taux de la taxe est de 10 %. Le montant de la taxe est plafonné à 10 % des fonds propres, y compris la réserve de capitalisation, des personnes mentionnées au I à l’ouverture de leur exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi.
IV. – La taxe n’est pas admise en déduction du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés.
V. – La taxe est exigible à la clôture de l’exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée dans les quatre mois de son exigibilité sur une déclaration dont le modèle est fixé par l’administration.
VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Le présent amendement vise à rétablir la taxe exceptionnelle de 10 % assise sur le montant de la réserve de capitalisation des acteurs de l’assurance, mise en place en 2011 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
L’économie française, durement affectée par la crise sanitaire sans précédent générée par l’épidémie de Covid-19, doit être aujourd’hui massivement soutenue par les acteurs de l’assurance, bénéficiaires malgré eux de la chute significative du nombre de sinistres couverts.
Le produit de ladite taxe devra être mis à profit pour soutenir les actions en faveur des TPE et PME.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 172 rectifié est présenté par MM. P. Joly et Antiste, Mme G. Jourda, MM. Daudigny, Marie et Lozach, Mmes Conconne, Meunier et Rossignol, MM. Duran, Tissot, M. Bourquin, Montaugé et Vaugrenard, Mmes Tocqueville, Guillemot et Grelet-Certenais, MM. Joël Bigot et Houllegatte, Mme Harribey, M. Gillé, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. Devinaz, Mme Jasmin et MM. Mazuir, Féraud et Durain.
L’amendement n° 294 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes mentionnées aux 1° à 6° du B du I de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier qui, au jour de la promulgation de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation.
II. – La taxe est assise sur le montant, à l’ouverture de leur exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi, de la réserve de capitalisation que les personnes mentionnées au premier alinéa ont constituée en application des dispositions législatives et réglementaires du code des assurances, du code de la mutualité ou du code de la sécurité sociale qui les régissent.
III. – Le taux de la taxe est de 10 %. Le montant de la taxe est plafonné à 5 % des fonds propres, y compris la réserve de capitalisation, des personnes mentionnées au premier alinéa à l’ouverture de leur exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi.
IV. – La taxe n’est pas admise en déduction du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés.
V. – La taxe est exigible à la clôture de l’exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée dans les quatre mois de son exigibilité sur une déclaration dont le modèle est fixé par l’administration.
VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié.
M. Patrice Joly. Il me paraît indispensable, compte tenu de la situation, que les assurances contribuent à l’effort. Cela a été rappelé, elles sont significativement bénéficiaires. La MAIF évalue à 75 % la baisse de la sinistralité automobile.
Je suis un adepte du financement public à travers les impôts et non à travers les appels aux dons, qui sont la solution retenue par le ministre. Plutôt que d’attendre que les bonnes volontés se décident à contribuer au fonds de solidarité créé pour soutenir notamment les petites et moyennes entreprises, il me paraît utile de fixer une base taxable, fiable et liquidable. Pour obtenir une contribution des assurances à hauteur de leurs capacités financières, nous avons eu l’idée de mettre en place une taxation sur la capitalisation.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 294.
M. Pascal Savoldelli. Ces trois amendements se rejoignent et portent sur la question des réserves de capitalisation des assurances.
Même si certains sont plus compétents que moi dans le domaine assurantiel, je peux dire que l’objectif assigné aux assureurs est de répondre à la dépréciation des valeurs comprises dans l’actif de l’entreprise et à la diminution des revenus.
J’ai interrogé des artisans et des commerçants de mon territoire. Ils ont cotisé entre 4 000 euros et jusqu’à 18 000 euros par an pour bénéficier d’un contrat assez large du point de vue assurantiel. Aujourd’hui, ils enregistrent tous des pertes d’exploitation, et ils se retrouvent sur le carreau, sans personne pour les aider !
Je le dis sans nostalgie, ni personnelle ni politique : en 1999, le secteur assurantiel a versé 7,5 milliards d’euros d’indemnisation. Or nous faisons face aujourd’hui à une catastrophe dont les dommages excèdent ceux qui ont été enregistrés en 1999, tout le monde s’accorde à le dire !
Peut-on s’autoriser à taxer les fonds de capitalisation des assurances à hauteur de 10 % ? On peut être d’accord ou pas avec cette proposition, mais elle est issue de trois sensibilités différentes de notre hémicycle. Ça, c’est l’urgence.
Et puis, il y a l’après. Nous aurons aussi des confrontations légitimes, démocratiques et tranquilles, par exemple sur le nouveau contrat que sont en train de préparer AXA ou d’autres. C’est dans la presse, je n’apprends rien à personne.
Quoi qu’il en soit, la question que pose aujourd’hui notre groupe et d’autres groupes politiques est la suivante : comment faire pour que les commerçants, les artisans et les plus petits patrons s’en sortent quand ils ont souscrit des contrats à hauteur de 4 000 et jusqu’à 18 000 euros et qu’ils ne sont pas couverts ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si on schématise, les réserves de capitalisation sont des provisions techniques obligatoires devant permettre aux assurances d’apporter une réponse en cas de sinistre. Ce sont des obligations prudentielles qui s’imposent. Il ne faut y toucher qu’à bon escient.
Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la situation est inédite, puisqu’une interdiction administrative crée une espèce d’effet d’aubaine : il n’y a pas de sinistralité, non en raison de l’aléa habituel, mais du fait d’une situation complètement nouvelle. C’est pourquoi la question de la contribution du secteur mérite d’être posée. J’ai d’ailleurs été favorable aux deux amendements précédents. Néanmoins, avant de fixer une taxe sur la capitalisation des assurances, il convient de s’interroger sur le niveau pouvant être taxé compte tenu des nécessaires réserves prudentielles.
J’ai entendu ce qu’a dit à l’instant M. le ministre sur les discussions avec le secteur de l’assurance. J’ai également entendu ce qu’a dit Bruno Retailleau, et je le suivrai volontiers dans son argumentation. Nous aurons dans quelques semaines à examiner un nouveau PLFR. Ce n’est pas un mystère, nous serons obligés d’y revenir. J’espère simplement que ce texte portera sur la relance. Quoi qu’il en soit, il nous faudra continuer à soutenir l’économie. Je propose donc que nous prenions rendez-vous : soit les négociations avec le secteur de l’assurance ont abouti de manière satisfaisante, soit nous prendrons nos responsabilités !
À ce stade, je ne suis pas favorable à ces amendements, car je ne veux pas mettre à mal les assurances. Il faut des réserves techniques obligatoires pour garantir, le cas échéant, le paiement des sinistres. Il s’agit là de toucher aux réserves de cotisations. Faisons-le avec prudence pour être certains que nous nous situons au bon niveau.
Encore une fois, je fais confiance au Gouvernement, qui a engagé une négociation. Si elle échoue ou si le résultat obtenu n’est pas satisfaisant, nous y reviendrons dans le prochain PLFR. Je demande donc le retrait de ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne suis pas défavorable par principe, au nom du ministère de l’action et des comptes publics, à la demande de vos trois groupes. Seulement, comme je l’ai indiqué précédemment, une négociation est en cours – M. le rapporteur général et M. Retailleau l’ont reconnu. Ce n’est pas en adoptant de tels amendements que nous faciliterons la négociation.
Certes, le Parlement souhaite nous apporter son aide, et je l’en remercie. Je note que toute la Nation est d’accord pour dire que les assurances doivent contribuer davantage, car vos prises de position sont assez similaires à celles exprimées à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, cela a été rappelé, le présent texte n’est pas un PLFR de relance. Je tiendrai cette ligne tout au long de l’examen du projet de loi, sinon le Gouvernement perdrait de sa légitimité dans les contre-arguments. La question de savoir comment financer cette relance, à laquelle les assureurs devront prendre leur part, je le dis bien volontiers, ne se pose pas encore.
Enfin, je souhaite apporter un correctif. J’ai annoncé que les assurances avaient versé 185 millions d’euros sur l’aide de 400 millions d’euros qui a été annoncée. On me dit qu’elles ont effectué ce soir un virement de 10 millions d’euros supplémentaires. (Sourires et exclamations sur la plupart des travées.) Leur contribution, pour être honnête avec la représentation nationale, s’élève donc à 195 millions d’euros. (Mêmes mouvements.)
M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 76 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez. Tout à fait, monsieur le président. Il s’agit d’un amendement d’appel pour inciter à la réflexion.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je retire l’amendement n° 294, pour favoriser l’adoption de l’amendement n° 76 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 294 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er, et l’amendement n° 172 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Temal, M. Bourquin, P. Joly, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Bérit-Débat, Joël Bigot, Courteau et Daunis, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Préville et Monier, MM. Todeschini, Durain, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les entreprises mentionnées au 3° de l’article L. 310-1 du code des assurances et agréées au titre de l’article L. 321-1 du même code pour la branche d’assurance des pertes pécuniaires diverses sont assujetties à une contribution exceptionnelle au bénéfice du fonds de solidarité institué par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
II. – Le montant de cette contribution est égal à la totalité des sommes économisées mensuellement par les entreprises visées au I depuis la promulgation de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, par rapport à la même période de l’année précédente. Il ne peut être inférieur à un milliard d’euros versés avant la fin de l’année 2020.
III. – L’ensemble des pièces permettant d’établir le montant de la contribution sont fournies au ministre chargé de l’économie à qui charge est donnée de contrôler l’exactitude des montants. En cas de non-fourniture de ces documents, une pénalité peut être exigée.
IV. – Le premier versement de la contribution prévue au I est payé au comptable public compétent, au plus tard 30 jours après la publication de la présente loi.
V. – Le non-versement total ou partiel de la contribution prévue au I entraîne la suspension de plein droit de l’agrément visé au même I pour un an.
VI. – Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à l’impôt sur les sociétés.
VII. – Cette contribution est calculée mensuellement et est valide pendant toute la durée de l’état de déclaration de l’état d’urgence sanitaire tel que défini aux articles L. 3131-12 et suivants du code de la santé publique.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Les assureurs vont être contents que nous pensions autant à eux ce soir…
Je vais peut-être vous étonner par le pragmatisme de cette proposition toute simple et pleine de bon sens. Il est beaucoup trop tôt pour connaître la situation exacte des assureurs. Nous ne la connaîtrons qu’à la fin de l’année. Je propose donc de constater au mois le mois, d’une année sur l’autre, les économies réalisées dans le domaine de la sinistralité. Il ne s’agit pas de procéder au doigt mouillé. Grâce à ce procédé, ce ne sera ni une taxe trop forte ni une taxe trop faible. Il ne s’agira pas non plus d’une obole, car ce n’est pas cela que nous demandons.
Bien évidemment, si les assureurs ne se conforment pas à cette disposition, une sanction est prévue. Un mécanisme plancher de 1 milliard d’euros comme base de la solidarité serait instauré.
Bruno Retailleau a cité la MAIF, qui a évalué à près de 100 millions d’euros les économies réalisées en huit semaines dans le seul domaine de l’automobile. La Fédération française de l’assurance estime, elle, qu’en quarante jours, pour les seuls sinistres automobiles, les économies s’élèveraient à près de 300 millions d’euros.
Les chiffres des assurances sont transparents. Pour les assurances de biens, en 2018, la Fédération française de l’assurance signale 56 milliards d’euros de cotisations, dont 22 milliards d’euros au titre de l’automobile. Tout cela nous donne une idée de ce qu’il est possible de faire.
Vous nous avez incités à la prudence, monsieur le rapporteur général, au sujet de la taxe sur la réserve de capitalisation. Nous vous proposons ici un dispositif complémentaire à la taxe sur les excédents de provisions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’idée est tout à fait séduisante, mais je m’interroge sur le caractère opérationnel de cet amendement. Prévoir que le montant de la contribution est égal aux « sommes économisées mensuellement » me paraît peu ou pas opérant. En matière fiscale, il faut déterminer une assiette avec suffisamment de précision, une branche, une période de référence, etc.
Certes, nous avons ce débat parce que la situation que nous vivons est totalement inédite. Soit les assurances font un geste en matière de franchise, de report et de réduction des cotisations par exemple pour la branche automobile, au moins durant la période de confinement puisqu’il est impossible de rouler, soit nous prendrons nos responsabilités. À ce stade, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Jacquin, l’amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Jacquin. Deux fois oui ! Si j’entends bien les arguments, il s’agit d’un bon principe. Il y aurait uniquement un problème de faisabilité.
Je précise que la méthode sera déterminée par décret. Les bilans des assureurs sont connus. M. le ministre dispose de services de qualité à Bercy tout à fait en mesure de calculer ça. Il n’existe pas non plus des dizaines de milliers de compagnies d’assurance. Mettez-y un peu de bonne volonté !
Vous l’avez souligné, la situation est injuste. Certaines entreprises souffrent grandement quand d’autres profitent de la situation. Nous ne voulons ni taxe ni obole, nous voulons uniquement mettre en place une juste compensation pour contrebalancer les gains des uns, liés à la perte d’activité des autres.
Je pense à un ami horticulteur, qui paye ses cotisations d’assurance parce que c’est un honnête homme, mais qui a interdiction de vendre ses produits. Je pense à un ami kinésithérapeute, qui s’est installé il n’y a pas longtemps. En plus des assurances, il doit faire face au remboursement de ses emprunts, et il n’a pas obtenu de reports suffisants. Je pense à l’hôtel où je suis descendu : je suis seul client alors que l’établissement compte cent chambres ! L’hôtelier paye aussi ses assurances, il m’en a parlé ! Je pense à un ami entrepreneur, qui paye ses assurances pour son matériel de travaux publics qui dort. Je pense à un musée devant lequel je suis passé et qui est fermé ou à un garagiste – summum du cynisme – qui paye son assurance, mais n’a plus de travail en ce moment !
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Bérit-Débat, Joël Bigot, M. Bourquin, Courteau et Daunis, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, MM. Kerrouche et Jacquin, Mmes Préville et Monier, MM. Temal, Todeschini et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est institué pour l’exercice 2020 une contribution unique de solidarité sur les encours constitués par les personnes physiques au titre d’un contrat d’assurance sur la vie conclu auprès d’organismes relevant du code des assurances ou du code de la mutualité, d’établissements de crédit, de la Banque de France, d’un comptable public compétent ou de sociétés de gestion de portefeuille, et ce quelle que soit la nature du support de compte.
Le montant du prélèvement est fixé à 0,5 % de la valeur des encours constatée au 1er avril 2020.
Le prélèvement n’est applicable qu’aux encours supérieurs ou égaux à 150 000 euros à la date précitée.
Lorsqu’une même personne physique est titulaire de plusieurs contrats et pour l’application de l’alinéa précédent, il est tenu compte de la somme des encours de ces contrats.
La parole est à M. Claude Raynal.