M. Patrick Kanner. Il y en avait 750 millions !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le président Kanner, je ne vous visais pas personnellement, je suis désolé que vous le preniez pour vous.
La mairie de Tourcoing reçoit des appels de gens souhaitant savoir quand ils pourront avoir des masques. D’un point de vue pratique, je comprends donc les préoccupations que vous exprimez de façon tout à fait digne. À quelques exceptions près, et je le dis parce que vous êtes tous des élus républicains, qui avez été aux commandes du Gouvernement ou qui le serez demain, l’État, les institutions, les fonctionnaires ont été au rendez-vous. Les communes, monsieur le président du Sénat, je le sais, font partie des institutions, les maires étant aussi des agents de l’État, même s’ils tirent leur légitimité de leur élection.
Nous avons dépensé, j’allais dire sans compter, pour la santé des Français. Le système hospitalier, qui est un système d’État, a lui aussi été au rendez-vous, dans des conditions extrêmement difficiles par rapport à d’autres pays européens. On le compare souvent avec celui de l’Allemagne ou des pays asiatiques, or nous n’avons pas du tout les mêmes structures.
Les préfets, les sous-préfets, les agents de la DGFiP, les agents des douanes, qui valident les masques, tous les agents publics, quels qu’ils soient, ont été au rendez-vous. La critique systématique de l’État est donc, me semble-t-il, disproportionnée, permettez-moi de le dire à cette heure tardive.
C’est sûr, nous aurions pu mieux faire, vous avez tout à fait raison. Il est évident que les Français se posent beaucoup de questions, comme il est évident que le Gouvernement ne dispose pas de toutes les réponses. Cela étant, il me semble important de redire que la France aurait été au rendez-vous, quel que soit son gouvernement, car elle est un grand pays, qui dispose d’une grande fonction publique et d’administrations qui fonctionnent.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 rectifié, 197 rectifié ter et 327.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Monier, MM. Tissot, P. Joly, Montaugé et Jacquin, Mme Meunier, MM. Lozach et Daudigny, Mme Lepage, M. Duran, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte et Mazuir et Mmes Conconne et Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du A, du B, du C et du D du I, la date : « 1er juillet 2020 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2021 » ;
2° Au premier alinéa du A et au B du II, la date : « 1er janvier 2021 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2021 » ;
3° Au premier alinéa du A et du B, aux C et D du III, au 1°, au b du 2° et au 3° du V, au 1° du B du VI, la date : « 1er janvier 2022 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2022 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Pour tenir compte de la situation économique très difficile dans laquelle se trouve le secteur du bâtiment et des travaux publics, cet amendement vise à repousser de six mois le calendrier de la suppression progressive du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier, qui avait été négocié dans le cadre de la loi de finances pour 2020. Ce report permettrait de ne pas accroître les difficultés de trésorerie des entreprises du BTP en leur épargnant un surcoût sur les carburants au moment de la reprise économique.
M. le président. L’amendement n° 323, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco et Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Guené et Hugonet, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Leleux et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Regnard et Reichardt, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin, Schmitz, Segouin et Sido, Mme Sittler, M. Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du A du I, la date : « 1er juillet 2020 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2021 » ;
2° Au premier alinéa du A du II, la date : « 1er janvier 2021 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2021 » ;
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je rappelle que le secteur du BTP compte 8 000 entreprises et que 80 % d’entre elles sont des PME, réparties dans tous les départements français. Ce secteur, qui irrigue l’ensemble de notre tissu économique, est durement frappé par la crise : au 15 avril, plus de 70 % de ces entreprises étaient à l’arrêt. C’est un taux très élevé.
Il y aura sans doute une reprise, une relance, mais ce secteur, plus que d’autres, devra cumuler deux effets : celui de la crise et du confinement, plus celui qui résulte du cycle électoral. On le sait très bien, les entreprises du bâtiment sont très sensibles aux cycles électoraux.
Alors qu’elles ont connu un double choc, un troisième est attendu, d’ordre fiscal celui-là, la loi de finances pour 2020 ayant prévu une augmentation de 40 % des impôts sur le gazole non routier. Certes, le prix du carburant va diminuer, mais vous savez très bien, mes chers collègues, que, compte tenu des taxes que supporte le carburant, la diminution du prix à la pompe n’est absolument pas proportionnelle à la chute du prix du baril de pétrole.
On ne peut pas, pendant une crise, augmenter brutalement les impôts de 40 % et prélever 220 millions d’euros sur un secteur très fragilisé. Comme mon collègue, je plaide donc pour un report de six mois de cette hausse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Malheureusement, les statistiques donnent un peu raison aux auteurs de ces deux amendements.
Aujourd’hui, les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, ainsi qu’un certain nombre de commerces sont totalement à l’arrêt. C’est le cas également de 90 % des entreprises du BTP. La reprise devrait être progressive pour certains commerces, plus rapide pour d’autres. Espérons que le bâtiment pourra reprendre rapidement. Un guide des bonnes pratiques étant paru, un certain nombre de chantiers devraient pouvoir redémarrer.
Cela étant, la commission est un peu réservée sur le tempo proposé. La crise très grave que nous connaissons risque d’entraîner, tant mieux peut-être, outre parfois des effets pervers, un prix du pétrole durablement bas pendant quelques mois. Je pense que peu d’éléments pourraient concourir à une hausse du prix du carburant, la demande étant faible, en particulier dans les transports et les échanges internationaux. Dès lors, il nous a semblé que c’était peut-être au cours de cette période qu’il fallait appliquer la hausse prévue, car elle pourrait être relativement insensible pour les entreprises.
Ces amendements visent non pas à supprimer cette hausse, mais à la repousser de six mois. Or ne conviendrait-il pas de l’instaurer au moment où le prix du carburant est au plus bas ? La reporter ne reviendrait-il pas à reculer pour mieux sauter ? La question se pose.
L’avis de la commission, je le répète, est réservé, même si j’entends bien les difficultés du secteur. Il ne faudrait pas, en effet, qu’il subisse un prélèvement de 220 millions d’euros au moment de la relance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er, et l’amendement n° 323 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Guerriau, Fouché, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Chasseing et Capus.
L’amendement n° 196 est présenté par Mme Vermeillet et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 79 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est ainsi modifié.
1° Au premier alinéa, le montant : « 41 246 740 001 » est remplacé par le montant : « 41 254 740 001 » ;
2° À la seconde colonne de la septième ligne du tableau du deuxième alinéa, le montant : « 93 006 000 » est remplacé par le montant : « 101 006 000 » ;
3° À la dernière ligne du même tableau, le montant : « 41 246 740 001 » est remplacé par le montant : « 41 254 740 001 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié bis.
M. Franck Menonville. Cet amendement vise à augmenter de 8 millions d’euros les crédits de la dotation particulière « élu local » (DPEL), afin d’élargir le nombre de communes éligibles à la majoration de cette dotation consécutive à la revalorisation de l’engagement local, notamment dans le cadre de la loi Engagement et proximité. Il s’agit de faire entrer 3 500 communes rurales de moins de 500 habitants dans ce dispositif.
Rappelons également qu’il convient de saluer l’engagement des maires dans la gestion de la crise sanitaire. Le maillage des maires des petites communes a été indispensable et très efficace en ces temps difficiles. Les connaissances qu’ont ces élus de leur commune et de leur population, leur détermination et leur engagement ont été essentiels dans nos territoires ruraux. Faire entrer ces 3 500 communes dans le dispositif de majoration et de revalorisation est donc une mesure de justice.
Cette crise doit nous inciter à avoir une nouvelle vision des libertés locales.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l’amendement n° 196.
Mme Sylvie Vermeillet. Le 21 novembre 2019, Édouard Philippe, devant les maires de France, en présence de M. le président du Sénat et de M. le président de l’AMF, déclarait : « Beaucoup d’entre vous doivent se dire que leur commune n’aura pas les moyens de financer cette remise à niveau de leur indemnité. Nous allons donc proposer un effort ciblé, mais substantiel, sur la dotation particulière pour les élus locaux : nous proposerons de la doubler pour les communes éligibles de moins de 200 habitants et de l’augmenter de 50 % pour les communes éligibles de 200 à 500 habitants. C’est une façon de garantir le fait que les mesures qui ont été proposées peuvent entrer en vigueur de façon pérenne pour ceux qui sont concernés. »
Aujourd’hui, les communes concernées s’aperçoivent que leur DPEL n’a pas été augmentée comme cela leur avait été promis et qu’un critère supplémentaire de potentiel fiscal a été introduit pour réduire le coût de la mesure.
À l’heure où le Président de la République en appelle aux maires pour mener à bien le déconfinement, il manque 8 millions d’euros pour honorer cette promesse. Comment pourrait-on revenir dessus ? Comment expliquer, alors que l’on mobilise 110 milliards d’euros dans la crise que nous traversons et que les maires sont indispensables, qu’on ne puisse pas trouver 8 millions d’euros pour respecter un engagement du Président de la République et du Premier ministre ?
Nous ne sommes pas hors sujet. Il s’agit non pas d’augmenter les indemnités des maires, mais de respecter l’engagement pris devant eux, ainsi que la volonté exprimée par le Sénat.
Cet amendement vise donc à rétablir la DPEL telle qu’elle aurait dû être. Parce qu’il n’existe pas de maires au rabais, il ne doit pas non plus y avoir de DPEL au rabais ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lors de l’examen du projet de loi de finances, nous nous étions interrogés sur les modalités de cette revalorisation.
Il est vrai que le décret qui a été soumis au CFL ne semble pas respecter l’engagement d’origine. Cela étant, cette question s’adresse plutôt au Gouvernement : pourquoi, très concrètement, l’engagement pris n’a-t-il pas été tenu ? Pour sa part, la commission demande le retrait de ces amendements, qui paraissent un peu éloignés de l’objet du projet de loi de finances rectificative, lequel prévoit les mesures à prendre face à l’urgence économique et sanitaire. Il s’agit essentiellement de sauver les entreprises et d’apporter un soutien aux populations les plus fragiles.
J’aimerais toutefois que le Gouvernement confirme, s’il le peut, l’engagement qu’il avait pris lors de l’examen du projet de la loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements, qui n’ont effectivement pas de lien avec le texte en discussion. Je l’ai dit précédemment, les mesures en faveur des collectivités locales sont renvoyées au prochain texte financier que nous vous proposerons.
Monsieur le rapporteur général, le ministre chargé des collectivités territoriales a eu l’occasion de s’exprimer devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation présidée par votre collègue Jean-Marie Bockel sur l’ensemble des sujets concernant les collectivités locales, en particulier sur la question des indemnités des élus. Par ailleurs, il me semble que Mme Gourault est la plus à même de vous répondre sur l’intégration des 8 millions d’euros qui correspondraient à l’engagement pris par le Premier ministre devant l’Association des maires de France.
Je le répète, je demande le retrait de ces amendements, qui n’ont pas de lien avec le projet de loi de finances rectificative. Cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement ne reviendra pas sur cette question, de sa propre initiative ou à votre demande, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Pour ma part, je souhaite que nous votions largement ces amendements, afin de tendre la main au Gouvernement et de l’aider à tenir un engagement pris par le Premier ministre lors du congrès des maires de France et par Sébastien Lecornu, ici, au Sénat. Nous étions d’ailleurs très nombreux à écouter le ministre ce jour-là.
Nous partageons tous la conviction qu’il faut soutenir les maires des toutes petites communes. Je précise bien à l’intention des Français qui nous écoutent ce soir qu’il s’agit non pas des maires des grandes communes, mais de ceux qui dirigent des communes de moins de 200 ou de 500 habitants. Ces maires n’ont pas de services, ils sont les bonnes à tout faire de la République, les fantassins toujours en première ligne. On le voit bien, et le ministre l’a dit justement, la République va devoir s’appuyer sur ses maires face à cette pandémie. Or nombre d’entre eux ne peuvent compter que sur leurs propres forces et sur celles de leur conseil municipal.
L’État a pris un engagement à son plus haut niveau, le Sénat a voté une revalorisation. Or il ne sera pas possible de rehausser la rémunération des élus des petites communes avec justice et équité si la dotation particulière « élu local » ne suit pas – il manque 8 millions d’euros.
Mes chers collègues, ne remettons pas à demain ce que nous pouvons faire dès ce soir.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié bis et 196.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 265 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty et Requier, Mmes Laborde et N. Delattre et M. Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 235 ter X du code général des impôts, le taux : « 0,40 % » est remplacé par le taux : « 0,60 % ».
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le ministre, je vais enfin vous proposer des recettes. Elles sont rares ce soir… (Sourires.)
Cet amendement vise à moduler la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages organisée par l’article 235 ter X du code général des impôts. Le contexte actuel lié à la crise du Covid-19 peut en effet conduire ces entreprises à surprovisionner à la suite d’une sinistralité qui risque fort de diminuer durant plusieurs mois.
Les assurances vont réaliser des économies en termes d’indemnisations. Aucun chiffrage précis n’ayant été réalisé à ce jour, on se fie donc à ce qu’elles annoncent. Ces économies sont dues non pas à un effet de gestion, mais au confinement. Elles résultent de la contrainte imposée à l’ensemble des Français, ou en tout cas à la très grande majorité d’entre eux. Les assurances sont l’un des rares secteurs d’activité bénéficiaires du confinement.
Les compagnies d’assurance se sont précipitées pour proposer des formules indépendantes les unes des autres : des remises, des délais de paiement, la continuité de l’assurance, même en l’absence de paiement des primes, en mélangeant ce qui est un décalage de trésorerie avec des remises. Elles proposent par ailleurs à leurs assurés de renoncer à ces remises pour abonder le fonds de solidarité, parvenant ainsi à les comptabiliser presque deux fois ! C’est ainsi que la présidente de la Fédération française de l’assurance a pu dire que la crise leur avait déjà coûté 3 milliards d’euros, ce chiffre étant à mon avis assez proche du montant des économies qu’elles réalisent.
Je ne suis pas sûr de ces chiffres, mais d’après le rapport de 2018 de la Fédération française de l’assurance, les dommages au titre de l’assurance automobile, de l’assurance construction, des assurances sur les biens des particuliers et des entreprises représentent au total près de 40 milliards d’euros, dont pratiquement la moitié au titre de la seule assurance automobile. Or j’ai parcouru 400 kilomètres en voiture ce matin pour me rendre au Sénat, et, croyez-moi, je n’ai pas vu beaucoup de véhicules légers sur les routes entre Limoges et Paris.
Le montant des économies avancé dans l’amendement en discussion commune de notre collègue Bruno Retailleau me semble très sous-estimé. Pour ma part, je pense que les économies réalisées se chiffrent en milliards d’euros. Ainsi, les indemnisations au titre de l’assurance automobile s’élèvent à 18 milliards d’euros par an, soit 1,5 milliard d’euros par mois en moyenne. On peut rapidement faire le calcul pour la période allant du 15 mars au 15 mai, soit deux mois, même en se fondant sur une hypothèse pessimiste d’accidents de la route… Et je ne prends pas en compte la diminution de l’indemnisation des autres dommages ! Il n’y a pas non plus de hausse du nombre de cambriolages ou de bris de machines dans les entreprises ; peut-être subsiste-t-il des dégâts des eaux, mais cela ne va pas très loin.
Cet amendement vise donc à mettre la pression sur le secteur des assurances, qui, selon moi, ne contribue pas au niveau auquel il devrait le faire. Nous avons préféré pour cela nous appuyer sur un dispositif existant plutôt que de créer une nouvelle taxe.
M. le président. L’amendement n° 328, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco et Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Guené et Hugonet, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Leleux et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau, Poniatowski et Priou, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Regnard et Reichardt, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin, Schmitz, Segouin et Sido, Mme Sittler, M. Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 235 ter X du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase, le taux : « 0,40 % » est remplacé par le taux : « 0,50 % » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce même taux est porté à 0,60 % pour s’appliquer au titre des mois écoulés à compter du 1er janvier 2021. »
La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Cet amendement tend à prévoir une hausse progressive en 2020 et en 2021 de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages.
La forte baisse de la sinistralité, que vient de rappeler Jean-Marc Gabouty, notamment du nombre d’accidents automobiles, résulte bien sûr des mesures de confinement et permet, selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance, aux assurances d’économiser entre 300 et 400 millions d’euros par mois, soit entre 600 et 800 millions d’euros pour les seuls mois de mars et d’avril. Leurs provisions vont donc être bien supérieures aux résultats de l’assurance dommage, ce qui justifie d’affecter les recettes ainsi dégagées au soutien des TPE et des PME, lesquelles connaissent de grandes difficultés durant la période de confinement.
En début de séance, nous avons parlé du fonds national de solidarité. Nous avons constaté que nous n’étions pas satisfaits au départ de l’engagement de solidarité nationale des assurances. Aujourd’hui, mes chers collègues, je vous le dis : les assurances doivent être au rendez-vous de la mobilisation économique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En matière d’assurances, une question mérite d’être posée – j’en ai discuté avec notre collègue Jean-François Husson –, celle de la prise en charge des pertes d’exploitation du fait d’une pandémie. Nous aurons sans doute à y réfléchir collectivement Le Gouvernement s’y attelle. Pour ma part, j’ai eu un entretien avec la présidente de la Fédération française de l’assurance.
Il est évidemment hors de question qu’à travers une contribution quelconque on puisse couvrir un aléa aussi important que celui-ci. Un régime assurantiel de type catastrophe naturelle avec participation de la Caisse centrale de réassurance et de l’État semble plus adapté. Un certain nombre de nos collègues ont déposé des propositions en ce sens. Nous ne pouvons en effet nous satisfaire d’un système laissant les pertes d’exploitation sans réponse assurantielle, même si l’État contribue à les amoindrir à travers le fonds de solidarité.
Quoi qu’il en soit, tel n’est pas ici l’objet de ces deux amendements. Je profitais uniquement du fait que la question des assurances soit abordée pour préciser que la commission des finances travaillera, avec d’autres commissions, sur les différentes propositions des sénateurs.
Force est de reconnaître que nous sommes dans une situation très particulière. L’aléa fait certes partie de l’assurance – c’est même sa raison d’être : il y a de bonnes années et il y a de mauvaises années –, mais si l’on taxait les assurances lorsqu’il n’y a pas de sinistre, c’est-à-dire les bonnes années, cela remettrait en cause le principe même de l’assurance. Néanmoins, comme je l’ai souligné, nous sommes ici dans une situation totalement inédite.
Prenons l’exemple de l’assurance automobile, qui a été cité à l’instant. Le décret du 23 mars introduit une quasi-interdiction de déplacement, avec contrôle des forces de l’ordre, sauf pour des motifs très précis et limités. Concrètement, nous assistons quasiment à une suspension de l’obligation d’assurance. De fait, la plupart des véhicules ne roulent pas : il n’y a d’ailleurs plus personne sur les autoroutes et il y a très peu de monde sur les routes. Bref, il ne s’agit pas pour les assurances de traiter l’aléa habituel, c’est-à-dire de gérer une bonne ou une mauvaise année : on est dans un régime très particulier d’interdiction administrative de circuler, sauf très rares exceptions.
Tout cela mérite, à mon sens, un traitement spécial. Cette situation tout à fait inédite va engendrer des effets d’aubaine et entraîner des profits liés à cette période de confinement. À combien ceux-ci doivent-ils être chiffrés, je l’ignore. Quoi qu’il en soit, ces amendements, qui tendent à prévoir une hausse de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances de dommages, ne me paraissent pas incongrus du fait du caractère extrêmement particulier de la sinistralité, en forte baisse en raison des interdictions administratives.
La commission est donc favorable à l’amendement n° 328 et demande le retrait à son profit de l’amendement n° 265 rectifié bis. Encore une fois, il s’agit non pas de taxer une bonne année, mais de tenir compte du fait que le service assurantiel est suspendu puisque l’on ne peut pas rouler.