M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne serai pas très longue : pour notre part, nous sommes assez en accord le propos de notre collègue Pascal Savoldelli sur le fait qu’il s’agit d’une question de justice envers ceux qui vont travailler, et sur la nécessité que cela soit reconnu. Le dispositif présenté par le rapporteur général et adopté par la commission des finances nous semble adapté.

Par ailleurs, comme cela a été dit, la proposition du Gouvernement présente un certain nombre de lacunes, puisque seules les entreprises qui auront fait un bénéfice pourront le déployer. J’en appelle au civisme et à la responsabilité des entreprises : si elles restent bénéficiaires dans la crise qui s’annonce, elles devraient peut-être faire aussi un geste.

Ces deux mesures me semblent complémentaires : si aujourd’hui des salariés prennent des risques pour permettre que l’activité économique perdure, notamment dans les transports, alors même qu’on ne leur donne pas toujours de garanties fortes s’agissant de la préservation de leur santé – masques, etc. –, il serait de bon aloi que les entreprises bénéficiaires puissent faire un petit geste à leur égard.

Nous voterons cet amendement présenté par la commission des finances, mais – j’insiste – les salariés qui sont en première ligne pourraient être remerciés par une prime exceptionnelle au moment de la répartition ultérieure des bénéfices qui auront pu être sauvés malgré les difficultés économiques annoncées.

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.

M. Hervé Marseille. Je ne pouvais pas ne pas prendre rapidement la parole parce que, exceptionnellement, je vais voter comme mon collègue Pascal Savoldelli ! (Sourires. – M. Philippe Dallier sexclame.) Cela méritait tout de même d’être souligné… C’est le premier mérite de cet amendement, qui nous réunit très largement sur ces travées.

Je ne répéterai pas ce qu’a très bien dit Bruno Retailleau à l’instant, mais le dispositif que prévoit l’amendement est simple, clair, lisible et massif. Dans cette période où l’on fait appel aux bonnes volontés, où l’on voit des personnes s’engager totalement alors même que le moment est extrêmement difficile, ce dispositif est bien plus lisible – j’insiste – et juste.

Le système de la prime est intéressant. Pour autant, il est injuste, dans la mesure où l’on fait une annonce cosmétique, tout en sachant très bien qu’il y aura après des difficultés et que l’ensemble des PME et des TPE ne pourront pas répondre de la même façon.

À l’évidence, le dispositif de cet amendement apporte une solution à beaucoup de problèmes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Pour ma part, je ne vais pas voter comme Pascal Savoldelli ni comme certains d’entre vous, j’en suis désolé… Sur ces dispositifs d’incitation fiscale et de rémunération complémentaire, j’ai déposé des amendements qui n’ont pas été retenus lors de l’examen d’un texte récent, la loi Pacte, pour rendre l’intéressement obligatoire dans toutes les entreprises de plus de dix salariés. Je suis donc très favorable aux principes de répartition, d’encouragement et de récompense qui sous-tendent l’intéressement et la participation.

La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires produisent un effet d’aubaine. Certes, le patronat et les salariés y sont assez massivement favorables, mais l’effet d’aubaine est totalement vicié : ce n’est plus un système de répartition ou d’encouragement, mais une carotte ! Je ne pense pas que l’on fonde la cohésion sociale des entreprises sur ce genre de dispositifs. D’autant plus que, s’il y a des dérives, ce n’est pas forcément un système très productif au sein de l’entreprise…

On pourrait vouloir mettre en place cet effet d’aubaine, cette carotte, exceptionnellement pour une durée déterminée…

M. Philippe Dallier. C’est l’idée !

M. Jean-Marc Gabouty. Si c’était le cas, je serais plutôt d’accord, mais il faut faire attention à ne pas l’instituer en système. Je crois que l’intention est bonne, mais que le support est mauvais.

Dans le cadre qui est proposé, le dispositif peut à la limite être utile pour des systèmes en tension…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est le cas !

M. Jean-Marc Gabouty. Alors, exceptionnellement, je voterai à l’inverse de ce que je fais habituellement, et soutiendrai l’amendement du rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je voulais convaincre notre collègue Gabouty, mais il a terminé son propos en disant qu’il voterait cet amendement…

De manière générale, je peux entendre ce qu’il dit et nous pouvons en discuter, mais il s’agit là de répondre à cette crise en prévoyant une incitation pour ceux qui vont travailler dans des conditions que nous connaissons toutes et tous. Alors, votons cet amendement !

Comme il y aura une commission mixte paritaire, autant que le Sénat soit unanime, puisque j’ai l’impression que cela est possible : nous aurons ainsi des arguments de poids pour essayer de convaincre nos collègues de l’Assemblée nationale !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Quelques mots d’abord pour souligner, en écho à ce que vous venez de dire, monsieur le président Retailleau, la nécessité d’apporter toutes les réponses, et ce aussi vite que possible.

J’entends les arguments qui sont les vôtres et ceux du rapporteur général sur cette mesure qu’il a proposée, que vous reprenez et défendez. Je pense même que cette mesure, et ma collègue Agnès Pannier-Runacher l’a dit précédemment, est utile pour accompagner un plan de relance, et nous sommes évidemment ouverts à l’idée de travailler ensemble dans ce cadre, notamment – mais pas seulement – pour avancer et faire en sorte que, dès que notre économie repartira, nous puissions l’accompagner de la façon la plus forte possible.

J’entends aussi un deuxième argument, lié peut-être à l’inquiétude ou à l’angoisse que, dans la période que nous vivons, le plafond de 5 000 euros prévu par les dispositions actuellement en vigueur puisse être, dans certains secteurs que nous avons évidemment les uns et les autres du mal à identifier aujourd’hui, dépassé. Si cela devait être le cas, nous pourrions dans les semaines à venir mettre en œuvre des dispositions, y compris rétroactives, pour répondre à ces situations, qui, à mon sens, ne seront pas légion, et apporter des réponses.

Je le dis devant le Sénat, comme nous l’avons fait avec Gérald Darmanin devant l’Assemblée nationale, en lien avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, notre second impératif est d’apporter une réponse qui soit à la hauteur, avec un engagement important de 45 milliards d’euros. J’entends dire parfois qu’il s’agit de mesures de trésorerie ou de reports. Nous avons dit que nous serions ouverts, au cas par cas, à un certain nombre d’annulations pour les entreprises qui en auraient le plus besoin. Ces mesures sont, pour la trésorerie et les finances de l’État, très lourdes. Nous les assortissons de 300 milliards d’euros de garanties, ce qui est massif, même si nous avons tous l’espoir que ces garanties apportées à des prêts aux entreprises ne donneront pas lieu à couverture, ce qui serait la meilleure des nouvelles pour notre économie.

Nous devons, dans ce cadre, garder quelques marges de manœuvre pour éventuellement prendre – personne ne le souhaite, mais cela pourrait arriver – d’autres mesures d’urgence dans un second temps. Nous le savons les uns et les autres, la loi de finances rectificative que nous vous présentons aujourd’hui repose sur une hypothèse de durée de l’épidémie qui n’est qu’une hypothèse. Personne ne peut réellement préjuger de cette durée, même si nous espérons tous qu’elle soit la plus courte possible. J’ai la conviction qu’avant la fin du premier semestre au plus tard, peut-être dans un ou deux mois – mais le caractère très particulier de ce que nous vivons interdit de prévoir précisément ce terme –, nous devrons nous retrouver pour l’examen d’un nouveau projet de loi de finances rectificative. Ce ne sera pas un plaisir – sinon de vous retrouver ! –, mais il faudra certainement tirer les conséquences, et éventuellement prévoir un recalibrage des mesures que nous avons présentées, en fonction de l’évolution tant de la situation économique que de son facteur principal, la situation sanitaire.

Dans ce cadre, nous pourrions, et c’est la raison pour laquelle j’appuie la demande de retrait de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, nous retrouver utilement dans les prochains jours ou les prochaines semaines pour travailler sur ce dispositif et éventuellement sur d’autres pistes. Nous aurons alors un véhicule législatif tout à fait adéquat, avec un projet de loi de finances rectificative qui sera certainement présenté dans les semaines ou les mois à venir pour compléter les mesures que nous prenons, de manière à pouvoir avancer.

Cette proposition me semble équilibrée, car elle nous permet de continuer à travailler sur ces sujets tout en mettant en œuvre extrêmement vite les mesures que nous vous proposons d’adopter dans un premier temps. Je le répète, s’il devait y avoir un dépassement du plafond des 5 000 euros, tel qu’il est prévu par les dispositions actuellement en vigueur, nous connaissons, vous et moi, la capacité du Parlement, surtout dans ces conditions, à prendre des mesures rétroactives.

J’appuie donc la demande de retrait qui a été présentée. Il ne s’agit pas d’un avis défavorable sur le fond, vous l’avez compris ; c’est plutôt le signe d’une volonté de travailler ensemble, peut-être en temporisant quelque peu, mais avec la garantie d’avoir à l’avenir un véhicule tout à fait adéquat pour pouvoir porter cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le secrétaire d’État, je ferai deux remarques.

D’abord, je relaie l’interrogation de Bruno Retailleau. Nous attendons votre réponse à sa question, mais je voulais aussi vous dire que, même en période d’urgence et de crise, vous ne changez pas beaucoup de style : votre démarche est toujours de considérer que l’idée est excellente, que vous allez la travailler et y réfléchir… Mais à un moment donné, on a besoin d’une réponse rapide, c’est-à-dire demain. Les entreprises doivent rapidement entendre le message et en voir les conséquences. Même si nous entendons vos bonnes intentions, je crois que nous n’en sommes plus là : il faut passer à l’action !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. M. le président Retailleau tenait à avoir une réponse à sa question sur les masques : pour être très claire, je précise que nous donnons la possibilité à des personnes morales autres que l’État de faire de petites commandes de masques, en importation. Cela est parfaitement possible, c’est la nouvelle doctrine que nous avons clarifiée.

Je veux redire ici pourquoi le directeur général de la santé et l’ensemble des professions de santé attirent l’attention sur le fait que ces masques ne constituent pas des protections pour les salariés : ils protègent en effet essentiellement contre la projection de gouttelettes émises par ceux qui les portent. Ils constituent donc éventuellement une protection pour leur environnement, mais pas pour eux-mêmes.

Ce que nous avons constaté au vu de l’usage des masques et ce que nous disent les experts, c’est que l’utilisation de masques induisait une moindre attention aux gestes barrières. Voilà la raison pour laquelle nous avons une attitude réservée : leurs utilisateurs se rapprochent, puisqu’ils se sentent protégés…

M. Bruno Retailleau. Vous ne pouvez pas dire ça !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je ne fais que vous répéter ce que nous disent la direction générale de la santé et les experts qui travaillent sur le sujet, lequel est suffisamment sérieux pour que je ne m’élève pas au-dessus de ma condition. J’insiste, ce discours est très exactement celui que nous tiennent les experts sur ce sujet qui doit faire l’objet de la plus grande rigueur d’un point de vue sanitaire. C’est non pas Agnès Pannier qui parle, mais Agnès Pannier qui récite ce que les experts lui demandent de diffuser largement, car c’est important.

Au regard des attitudes que nous avons pu constater, il faut redire qu’un masque ne protège pas l’individu et qu’il faut maintenir avec force les mesures barrières.

Par ailleurs, l’usage du masque peut entraîner des contaminations : si vous manipulez votre masque, vos mains peuvent ensuite diffuser le virus par contact. Il faut suivre la doctrine d’emploi des masques…

M. Bruno Retailleau. Il ne faut pas de masques, c’est ça ?

M. le président. Il faut conclure sur ce point, madame la secrétaire d’État, pour revenir à la question de la défiscalisation.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. En effet, j’aimerais pouvoir conclure mon propos avant de revenir à la défiscalisation, qui est un sujet important : la doctrine d’emploi des masques suppose de maintenir de manière très forte les mesures barrières et d’avoir une formation préalable sur le sujet.

Enfin, je le redis parce que j’ai entendu beaucoup de choses, il y a une confusion entre les masques filtrants, qui permettent de préserver la santé des personnels sanitaires placés à moins de vingt centimètres des patients en filtrant les aérosols, et les masques barrières, qui protègent votre environnement lorsque vous avez des symptômes. Faisons bien la différence ! Rien n’empêche les collectivités locales de les commander en petites quantités.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les différentes interventions venant de toutes les travées montrent que nous soulevons un problème réel, celui des personnes qui aimeraient travailler, mais qui sont chez elles, soit parce qu’elles sont confinées, soit parce que leur entreprise est purement et simplement fermée.

Cela montre aussi les réelles difficultés rencontrées par certains secteurs pour faire venir des salariés. Je suis d’accord avec vous, cela ne touche pas un secteur plus qu’un autre : tous les secteurs sont aujourd’hui concernés. Il y a aussi la question des mesures sanitaires : chaque jour, des collègues nous font remonter des problèmes qui vont de la collecte ou de la livraison du lait qui ne se fait pas à des chaînes logistiques qui s’arrêtent. Le Gouvernement n’a pas, me semble-t-il, une position très claire sur les travaux publics à ce stade.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Si, nous avons une position très claire !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il arrive que la gendarmerie interrompe des chantiers. C’est la réalité, je peux vous donner des exemples très précis !

Il y a aujourd’hui un décalage entre les annonces et ce qui se passe sur le terrain. L’inspection du travail dit par exemple aux chefs d’entreprise qu’ils encourent un risque. Il faut, à un moment donné, apporter une clarification et prévoir un certain nombre de mesures de protection, car il est très difficile aujourd’hui d’avoir une doctrine claire.

Dans notre strict domaine de compétences, c’est-à-dire la présente loi de finances rectificative, il est aujourd’hui important d’envoyer un signal d’encouragement à ces salariés qui travaillent et à ces entreprises qui fonctionnent, pour certaines en suractivité par rapport à une période normale en raison d’un nombre moindre de travailleurs – certains étant confinés, d’autres devant garder leurs enfants.

La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, c’est un dispositif qui n’est pas discriminant pour les entreprises – il n’est pas nécessaire qu’elles aient un accord d’intéressement, par exemple. Ce système concerne tous les secteurs qui sont en tension et qui concourent aujourd’hui l’activité économique. Il nous semblait qu’il s’agissait d’un dispositif simple.

Néanmoins, j’entends les arguments tirés de l’urgence et de la nécessité de voter de la manière la plus unanime possible l’essentiel de ce projet de loi de finances rectificative, qui comprend deux mesures : le dispositif de chômage partiel et, surtout, les 300 milliards d’euros de soutien au crédit. Car s’il n’y a plus de crédit bancaire, de nombreuses entreprises vont tout de suite arrêter totalement leur activité.

J’entends également le propos du Gouvernement sur un prochain texte – pour être très clair, un projet de loi de finances rectificative. Si celui-ci devait arriver dans les prochains mois, cela ne nous convient pas ; mais s’il est présenté très rapidement, dans les prochaines semaines, et que le Gouvernement s’engage à prendre éventuellement des mesures à caractère rétroactif, je suis prêt à retirer mon amendement de façon à éviter la réunion une commission mixte paritaire et à permettre une entrée en vigueur la plus rapide possible de ce texte.

Car l’urgence extrême, c’est aujourd’hui sans doute le mécanisme de garantie bancaire et les 300 milliards d’euros. Mais j’aimerais que le Gouvernement nous dise si un texte support est vraiment dans les tuyaux. Encore une fois, vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d’État, le bien-fondé de mon amendement, et nous sommes prêts à le retravailler. Utilisez-le, parce que c’est un dispositif qui fonctionne et qui n’est pas discriminant !

Mais, j’insiste, j’aimerais avoir des précisions sur le calendrier. Au vu des explications que vous m’apporterez, je serais prêt à retirer l’amendement pour y retravailler dans les prochains jours, mais en tout cas pas dans les prochains mois.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Je ferai trois observations, deux pour apporter des compléments et une pour répondre très directement à M. le rapporteur général.

Premier complément, Agnès Pannier-Runacher l’aurait dit mieux que moi, car c’est le domaine de compétences de son ministère, sous l’autorité de Bruno Le Maire : un travail commun est actuellement mené entre les services du Gouvernement et les organisations professionnelles du bâtiment pour arrêter une doctrine commune et permettre ainsi une homogénéité du message. Une circulaire du ministère de l’intérieur précisera aussi les choses, afin que tout puisse être cadré.

Deuxième complément : nous ne sommes pas revenus sur la question de la prime, mais j’ai entendu les interrogations qu’elle peut susciter chez certains d’entre vous, lesquelles avaient été exprimées à l’occasion du vote du projet de loi de finances pour 2020. Je vous dirai simplement, de manière très télégraphique, que nous allons travailler à la rendre plus simple et plus souple, au-delà de ce que nous avons fait sur les questions de décision unilatérale, de manière à couvrir davantage de monde et plus facilement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Enlevez l’accord d’intéressement !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Cela ne répondra pas à l’intégralité des interrogations exprimées depuis le projet de loi de finances, mais nous allons simplifier les choses.

Enfin, je veux vous répondre très directement, monsieur le rapporteur général. Vous me demandez de m’engager à présenter un projet de loi de finances rectificative dans les semaines qui viennent. Avant d’être plus affirmatif, je crains de devoir vous dire que c’est l’actualité qui nous le commandera. L’engagement que je prends devant vous, quand j’évoque un délai de quelques semaines, ne s’entend que parce que l’actualité va nous y conduire, tant pour accompagner la relance que pour répondre à la crise.

Le Gouvernement a véritablement la volonté de travailler sur vos propositions concernant ces sujets. S’il y a une différence pour vous entre quelques mois et quelques semaines, je peux l’entendre, car ce n’est pas neutre, mais je sais que l’actualité va nous amener à quelques semaines, car il y aura urgence.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, je vous propose, sous le regard et l’écoute du président du Sénat, de confirmer votre engagement par un courrier. Ce sujet est absolument majeur : je pense qu’il faut assouplir les conditions de versement de la prime de 1 000 euros, notamment sur la condition de l’intéressement, et prévoir aussi un soutien aux entreprises, notamment par les heures supplémentaires et par les dispositifs d’encouragement à ceux qui travaillent.

Au vu de l’engagement pris par le Gouvernement en présence du président du Sénat, je retire mon amendement.

Article additionnel avant le titre unique - Amendement n° 8
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
Article additionnel avant le titre unique - Amendement n° 10 rectifié

M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.

En lien avec le président de la commission des finances, le rapporteur général et l’ensemble des présidents de groupe du Sénat, je serai extrêmement attentif à ce que les semaines ne deviennent pas des mois, car il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État.

L’amendement n° 20, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

A. – Avant le titre unique : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 5 millions d’euros. Entre 5 et 10 millions d’euros, le taux du crédit d’impôt passe progressivement et linéairement de 30 % à 0 % »

B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

TITRE …

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Mon collègue du CNRS Bruno Canard, directeur de recherche, travaille depuis très longtemps sur la famille de virus à laquelle appartient celui qui provoque le Covid-19. Alors qu’il est un spécialiste mondialement reconnu, il passe son temps, comme tous les chercheurs aujourd’hui, à trouver de l’argent et a dû arrêter ses recherches, faute de crédits. Aujourd’hui, il nous dit : « Face au coronavirus, énormément de temps a été perdu pour trouver des médicaments. » Voilà comment, mes chers collègues, des économies réalisées sur le budget de la recherche se paient aujourd’hui en vies humaines.

Très récemment, la ministre de l’enseignement supérieur a décidé, dans l’urgence, de créer un fonds doté de 5 millions d’euros pour la recherche sur le coronavirus. Je ne trouve pas du tout dans votre texte, monsieur le secrétaire d’État, la trace budgétaire de cet engagement pris devant la Nation. Il faut absolument financer ce fonds aujourd’hui : c’est une nécessité pour faire face non seulement à la crise actuelle, mais aussi à celle qui viendra l’hiver prochain, parce qu’on peut redouter que ce virus soit, comme celui de la grippe, saisonnier.

Nous devons travailler dès maintenant, et en toute urgence, sur les voies médicamenteuses pour guérir ce virus, « quoi qu’il en coûte » comme l’a dit le Président de la République. Nous avons trouvé une solution budgétaire pour financer directement cette ligne en fonction des contraintes auxquelles nous sommes soumis. Nous vous proposons un plafonnement du crédit d’impôt recherche (CIR) qui ne touche pas les PME, afin d’injecter rapidement des moyens très importants dans la recherche, qui malheureusement a été délaissée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous entends bien, mais, dans la vraie vie, cela ne fonctionne pas comme ça ; ce n’est pas parce que l’on réduit le CIR que cela donnera plus d’argent à la recherche publique. J’ai entendu ce que disait le Président de la République et c’est vrai que l’on n’en a pas encore vu, à ce stade, la traduction budgétaire ; le Gouvernement nous donnera peut-être plus de précisions à ce sujet.

Néanmoins, la question de la recherche publique, singulièrement dans le domaine médical, n’est évidemment pas traitée par le dispositif de votre amendement, qui tend à plafonner le CIR. Or ce n’est pas parce que l’on réduit le CIR que cela donne plus d’argent à la recherche publique.

De toute façon, malheureusement, les dépenses de recherche vont mécaniquement diminuer du fait de la conjoncture. Dans le secteur de l’aéronautique, par exemple, c’est la première fois qu’il n’y a pas eu du tout de commande d’avion – zéro ! Cela veut dire concrètement qu’il n’y aura pas de chiffre d’affaires et cela impliquera une réduction de tous les budgets, y compris, malheureusement, des budgets de recherche. Ainsi, nombre de sociétés seront affectées, en raison de la baisse de leur activité, et tous leurs budgets en souffriront, y compris la recherche.

Cela constituerait donc un très mauvais signal, dans cette période extrêmement difficile, de réduire un dispositif − le crédit d’impôt recherche − qui a fait ses preuves ; en outre, quand bien même cet amendement serait adopté, cela n’épuiserait évidemment pas le traitement de la question de la recherche publique, qui, par ailleurs, a besoin de moyens, c’est indéniable.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. En réalité, la mesure contenue dans cet amendement aurait pour effet de réduire les ressources de la recherche privée, qui est utile, sans augmenter celles de la recherche publique.

En revanche, nous nous rejoignons sur l’encouragement de la recherche publique, et nous travaillons actuellement sur le projet de loi de programmation de la recherche, qui vous sera présenté ultérieurement, pour lequel 15 milliards d’euros, sur dix ans, avaient d’ores et déjà été annoncés. Le Président de la République a annoncé le renforcement de ce budget à hauteur de 5 milliards d’euros. Je crois donc que ce sujet sera pleinement pris en charge. Ainsi, comme Olivier Dussopt le signalait malicieusement, nous aurons prochainement besoin de projets de loi de finances pour accompagner tous ces efforts…

Je veux par ailleurs préciser qu’il y a, aujourd’hui, un effort spécifique, puisqu’une première enveloppe de 8 millions d’euros est précisément affectée au coronavirus, à laquelle se sont ajoutés 50 millions d’euros pour étudier les traitements, les vaccins et l’évolution du virus.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement : à défaut il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je crois très sincèrement que vous ne prenez pas la mesure de l’urgence à laquelle nous sommes confrontés. Les 50 millions d’euros dont je parle correspondent à l’engagement de la ministre, je ne les ai pas inventés.

Par ailleurs, à propos du projet de loi sur la recherche, justement, le président du Sénat nous a dit très récemment, et je suis de son avis, que ce projet de loi ne comporte ni méthode, ni calendrier, ni fond. On ne va donc pas attendre, pour investir sur la recherche et sur le coronavirus, que cette loi arrive, fût-ce en 2021. Ce dont nous avons aujourd’hui besoin, c’est d’un engagement immédiat ; il faut que vous incluiez ces 50 millions d’euros dans le présent texte budgétaire. Tel est le message politique que vous devez envoyer à la communauté scientifique pour qu’elle trouve un vaccin dans les plus brefs délais ; c’est votre devoir, vous devez envoyer ce message à la Nation et nous devons retrouver, dans votre texte, cet engagement de 50 millions d’euros.