Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les V et VI de l’article 29 de la loi n° 201832 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ne sont pas applicables aux dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’année 2020 des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés aux trois premiers alinéas du I du même article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Cet amendement a pour objet de suspendre l’application des contrats de Cahors en 2020. Il va dans le même sens que le précédent, mais pas pour les mêmes raisons.
Pour notre part, nous pensons que les contrats de Cahors ont fait leurs preuves et ont permis une maîtrise des dépenses dans le cadre de la loi de programmation.
Mme Sophie Primas. Non, ce sont les élus qui ont permis cette maîtrise !
M. Patrick Kanner. Exactement !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il a en tout cas permis aux élus de le faire ! (Exclamations.) Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le moment de rouvrir le débat sur les contrats de Cahors…
En revanche, je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que la crise sanitaire actuelle exigera des collectivités locales qu’elles puissent assumer des dépenses urgentes pour aider la population ou soutenir les entreprises, ce qui pourrait les conduire à dépasser le plafond maximal de dépenses inscrit dans leur contrat.
Nous proposons de suspendre l’application de ces contrats en 2020. Concrètement, cela signifie que les services de l’État ne regarderont pas en 2021 si les plafonds individuels de dépenses ont été respectés en 2020.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ces deux amendements sont vraiment très intéressants, mais, s’il faut vraiment choisir l’un des deux, je serais tenté de retenir – je m’en excuse par avance auprès des auteurs de l’amendement du groupe socialiste – celui du Gouvernement.
En effet, à la suite d’un examen technique à la loupe, auquel j’ai procédé dans l’après-midi, puisque j’avais du temps libre (Sourires.), j’ai constaté que les dispositions de l’amendement n° 79 allaient encore plus loin que le vôtre, monsieur Kanner.
Comme je pense que l’objet de cet amendement correspond exactement à ce que vous voulez – si vous aviez eu davantage de temps, ou plus de collaborateurs, vous auriez d’ailleurs certainement rédigé un amendement similaire à celui du Gouvernement –, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Kanner, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
M. Patrick Kanner. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l’amendement n° 79.
M. Alain Richard. Naturellement, comme tout le monde doit y mettre de la bonne volonté, je voterai avec enthousiasme cet amendement.
Je fais simplement observer au Gouvernement, puisqu’une majorité d’entre nous l’a voté ici – certains ne s’en souviennent peut-être plus –, que le « pacte de Cahors » a été adopté par le législateur et que les contrats qui l’appliquent sont pluriannuels.
Par conséquent, si l’on neutralise l’année 2020, je me demande comment nous pourrons en vérifier l’application sur une période qui englobe ladite année… Cela justifie sans doute qu’un petit travail de perfectionnement de ce dispositif soit mené d’ici à la fin de l’année.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Article 8
Les délais dans lesquels le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi sont prolongés de quatre mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré à la date de publication de la présente loi.
Les délais fixés pour le dépôt de projets de loi de ratification d’ordonnances publiées avant la date de publication de la présente loi sont prolongés de quatre mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré à cette date.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier et Castelli, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde et M. Roux, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’article 8 du projet de loi prévoit que les délais dans lesquels le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des dispositions légales sont « prolongés de quatre mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré » à la date de publication de la présente loi. Il en va de même pour les projets de loi de ratification d’ordonnances.
Dans sa réponse à la question d’actualité au Gouvernement de notre collègue Bruno Retailleau tout à l’heure, le Premier ministre a indiqué avoir besoin du Parlement pour continuer à contrôler le Gouvernement, tout en l’appelant à le faire avec le sens de l’État, avec vigilance et avec exigence, mais aussi avec la volonté de lui laisser la faculté de trouver les solutions adaptées à la crise que nous connaissons.
Nous serons toujours des facilitateurs, mais la confiance n’exclut pas le contrôle. Je ne distingue pas les fondements sur lesquels nous pourrions démesurément allonger les délais habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances.
C’est pourquoi je propose de supprimer l’article 8. Madame la ministre, vous pourrez revenir quand vous le souhaitez devant le Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je vous remercie de soulever cette question, ma chère collègue, puisque, en effet, nous sommes toujours réticents à nous dessaisir de nos prérogatives constitutionnelles en faveur de l’exécutif, ne serait-ce que temporairement.
Toutefois, à vrai dire, il me semble tout de même que, en cette période de mobilisation générale des administrations centrales des ministères dans la lutte contre une épidémie, dont le caractère absolument exceptionnel n’est contesté par personne, il est sage de laisser au Gouvernement un peu plus de temps pour préparer les ordonnances que nous l’avons autorisé à prendre.
Cela ne revient pas à abdiquer nos pouvoirs de contrôle, puisque, de toute façon, il lui faudra bien revenir vers le Parlement lorsque ces ordonnances auront été publiées. On voit bien que l’exécutif a accepté le sacrifice de différer l’examen d’un certain nombre de projets de loi et de réformes qui tenaient à cœur au Président de la République et au Gouvernement. Il en va de même pour les dispositions qu’ils comptent prendre par ordonnance.
On ne peut pas tout faire à la fois. Aujourd’hui, nous sommes en guerre contre le coronavirus, ce qui mobilise toutes les énergies. Je crois qu’il faut en tenir compte, et c’est la raison pour laquelle il me serait agréable que vous acceptiez de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 26 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est excellent : il suffit de lire son objet pour s’en rendre compte.
Je rappelle que les ordonnances sont un dispositif qui prive le Parlement de son rôle, même si, bien sûr, il lui revient ou non de les ratifier.
Nous avons dans ce texte toute une collection d’ordonnances. Souvenez-vous aussi, mes chers collègues, que notre assemblée a voté tout à l’heure un amendement qui a pour objet de dispenser les projets d’ordonnance de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.
Quand on prévoit des ordonnances, en général, on décide de fixer des délais de ratification qui, d’ailleurs, peuvent être variables. Or l’article 8 nous incite à prendre une mesure générale consistant à prolonger de quatre mois ces délais, lorsque ceux-ci n’ont pas expiré à la date de publication de la loi. Ainsi, on aboutit à un système totalement flou, qui permet de tout faire.
On va d’ailleurs assister à un engorgement complet du Parlement avec toutes ces ratifications.
Naguère, vous le savez bien, les projets de loi de ratification n’étaient pas examinés par le Parlement : il suffisait que les projets de loi soient déposés sur le bureau des assemblées pour être ratifiés de facto. Désormais, il faut un débat et, comme il s’agit de matières importantes, il faudra un véritable débat. Rendez-vous compte du nombre de débats qu’il faudra organiser ! Sauf à considérer qu’ils sont purement formels, mais, dans ce cas, c’est l’essence même du travail législatif qui se dissout.
Je sais très bien que nous nous trouvons dans une situation d’urgence et qu’il faut prendre des mesures tout à fait exceptionnelles, mais, en même temps, je trouve que le Gouvernement va trop loin avec ce texte. C’est pourquoi je soutiens avec force…
M. Philippe Bas, rapporteur. Et ferveur !
M. Jean-Pierre Sueur. … et vigueur l’amendement de notre collègue Nathalie Delattre.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous apprécions tous la rigueur juridique du président Bas, mais, en la circonstance, nous avons un peu de mal à le suivre.
Tout à l’heure, il a défendu une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à un certain nombre d’amendements, en nous expliquant qu’il ne fallait surtout pas nous dessaisir de notre pouvoir parlementaire. Et à l’instant, le même président Bas nous explique qu’il faut délivrer une autorisation de renouvellement automatique des ordonnances et qu’une telle mesure ne pose strictement aucun problème. Il faudra tout de même m’expliquer !
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
Les mandats, échus depuis le 15 mars 2020 ou qui viendraient à l’être avant le 31 juillet 2020, des présidents, des directeurs et des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent la fonction de chef d’établissement dans des établissements relevant du titre Ier du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation, ainsi que ceux des membres des conseils de ces établissements sont prolongés jusqu’à une date fixée par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, et, au plus tard, le 1er janvier 2021.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Le Gouvernement souhaite, par cet article, prolonger les mandats des présidents d’université.
Je ne comprends pas l’utilité de cette mesure, puisque le droit en vigueur, d’une part, permet la mise en place d’une direction provisoire dans une université, et, d’autre part, autorise le recteur à prendre à titre provisoire toutes les mesures conservatoires pour assurer la gestion de l’université. C’est l’article L. 719-8 du code de l’éducation.
Le Gouvernement pourrait donc parfaitement se passer de cet article 9, ainsi que de l’amendement n° 104 qui constitue en fait une exception à l’exception…
Il me semble que, pour éviter une succession de mesures dérogatoires, il faut tout simplement en rester au droit en vigueur, sauf bien sûr si le Gouvernement a d’autres intentions… Si tel est le cas, il serait tout de même préférable de nous en faire part !
M. le président. L’amendement n° 104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque les élections permettant le renouvellement de ces conseils se sont tenues avant la date de promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Alors que plusieurs jours, voire semaines, peuvent se dérouler entre l’élection des membres des conseils des universités et celle du président,…
Mme Françoise Gatel. Comme dans les conseils municipaux !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. … le présent article ne saurait avoir pour effet d’empêcher des conseils nouvellement élus d’élire un nouveau président, ce qu’ils peuvent faire au demeurant par voie électronique.
Cet amendement a ainsi pour objet de permettre, dans cette seule hypothèse, la réalisation de l’élection du président de l’université avant l’extinction du délai de prolongation des mandats prévue par cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je crois qu’il faut tout d’abord saluer l’extrême efficacité du Gouvernement, qui a réussi à se saisir de ce problème de telle manière qu’il a déposé son amendement à vingt-trois heures vingt-sept… (Sourires.)
Autrement dit, tant que le débat n’est pas terminé, le Gouvernement réussit à nous proposer de régler les problèmes les plus importants de la vie de la Nation à la faveur de ce texte sur la lutte contre la pandémie de coronavirus. Félicitations ! Je vous demande, madame la ministre, de transmettre mes félicitations à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Pour autant, j’ai une petite réticence. Tout à l’heure, nous discuterons du report de l’élection des maires – elle devait avoir lieu demain, samedi ou dimanche –, et je tombe sur cet amendement aux termes duquel il faut absolument, toutes affaires cessantes, prendre les dispositions nécessaires pour procéder à l’élection des présidents d’université. Mais s’il n’est pas possible de réunir les conseils municipaux en ce moment, comment réunir les conseils d’université nouvellement élus pour qu’ils élisent leur président ?
J’ai trouvé la réponse à cette question : le ministère de l’enseignement supérieur ne laisse rien au hasard et il semble avoir un temps d’avance sur les collectivités territoriales, puisque, l’élection se déroulant par voie électronique, il n’y aura pas de réunion du conseil. Le dispositif est maîtrisé, les acteurs en sont familiers, les garanties pour la sécurité du scrutin sont complètes et sa sincérité est assurée. (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
Dans ces conditions, mon cher collègue Ouzoulias, je me dis que nous pourrions fort bien accepter cet amendement qui ne me paraît pas être inspiré par de mauvaises intentions.
Malheureusement, je ne peux le faire au nom de la commission, car je m’exprime à titre personnel. Je ne peux donc pas, mes chers collègues, chercher le moins du monde à vous convaincre !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je suis un peu perdu. Je crois comprendre du plaidoyer du président Bas que cette expérimentation électorale pourrait ensuite être appliquée aux conseils municipaux.
Personnellement, je suis toujours très favorable aux expérimentations ; je fais donc confiance au président de la commission en ce qui concerne cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi, à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de prolonger la durée de validité des visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour ainsi que des attestations de demande d’asile qui ont expiré entre le 16 mars et le 15 mai 2020, dans la limite de cent quatre-vingts jours. Un projet de loi de ratification est déposé devant le parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. L’article 10 du projet de loi prévoit de prolonger par ordonnance la durée des visas, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés et attestations de demande d’asile qui auront expiré entre le 16 mars et le 15 mai 2020. Une fois n’est pas coutume, le Gouvernement semble prendre ses responsabilités en matière migratoire ; nous ne pouvons que saluer une telle décision.
Les procédures d’obtention d’un titre de séjour et celles qui sont nécessaires à leur renouvellement sont source d’un stress constant pour les personnes migrantes. Beaucoup d’entre elles craignent l’expulsion ou l’enfermement en centre de rétention administrative, même si elles sont en situation régulière, intégrées et présentes sur notre sol depuis de nombreuses années.
Si, à cette peur constante de l’éloignement il avait fallu ajouter l’angoisse engendrée par la crise du coronavirus, la situation aurait pu s’avérer insoutenable pour les étrangers résidant en France.
À l’heure où la pandémie nous frappe, nous devons faire preuve de solidarité avec les migrants. Le virus est susceptible de s’attaquer à tout le monde. Protégeons nos concitoyens et de la même manière permettons à ceux qui n’ont pas la nationalité française de vivre cette crise dans une certaine stabilité et de la manière la moins dramatique possible.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. J’ai déposé deux amendements concernant la situation des étrangers en France dans cette situation de pandémie.
L’un d’eux ne pourra pas être discuté, puisqu’il a été déclaré irrecevable. Il visait à suspendre l’application de deux décrets le temps de l’état d’urgence sanitaire, et je souhaite donc interpeller le Gouvernement à ce sujet, car celui-ci peut agir, même si le Parlement n’adopte pas de mesure législative.
Ces dernières années, l’accès aux soins des étrangers n’a cessé de connaître des restrictions. Ainsi, au mois de décembre dernier, le Gouvernement a adopté deux décrets qui ont limité cet accès aux soins.
L’un diminue la période de maintien des droits pour la prise en charge, la faisant passer de douze à six mois, ce qui, en pratique, au vu des délais en usage dans les préfectures, fait basculer de nombreuses personnes de la protection universelle maladie (PUMa) à l’aide médicale de l’État (AME) et complexifie la gestion du dispositif par l’assurance maladie.
L’autre est encore plus inquiétant, puisqu’il introduit un délai de carence de trois mois pour les demandeurs d’asile avant qu’ils puissent bénéficier de la prise en charge de leurs soins.
Dans les circonstances actuelles, encore plus qu’en temps normal, ces restrictions empêchent l’accès aux soins et font de cette population une population à risque. Nous alertons d’ailleurs régulièrement le Gouvernement sur ce point : restreindre l’accès aux soins de ces étrangers, en particulier pour les demandeurs d’asile, est contraire non seulement à notre devoir humanitaire, mais aussi à l’intérêt sanitaire de la population française elle-même.
C’est pourquoi je demande instamment au Gouvernement de suspendre, en cette période exceptionnelle d’urgence sanitaire, les mesures qui restreignent l’accès aux soins d’une partie de la population.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Je formulerai deux remarques à ce stade de nos débats.
Tout d’abord, la dramatique situation épidémiologique sur l’ensemble de notre continent laisse complètement de côté la tragédie qui se déroule à la frontière grecque.
Or ces deux drames vont se rejoindre. Comme, dans le même temps, les États membres de l’Union européenne semblent se replier sur leurs frontières nationales, en oubliant la nécessaire solidarité, la situation ne pourra que s’aggraver pour ces migrants qui fuient la guerre – celle-ci ne s’est pas arrêtée, bien au contraire ! –, ce qui aura bien évidemment des conséquences sur la santé des Européens.
Ensuite, je souhaite interroger le Gouvernement sur la situation des personnes titulaires d’un visa Schengen de court séjour, qui se retrouvent bloquées en Europe du fait de l’interruption des lignes aériennes.
Ce sujet ne fait pas partie de l’habilitation à légiférer par ordonnance que demande le Gouvernement. Or, si une personne dépasse la durée de son visa, ne serait-ce que d’un jour, il ne lui sera plus délivré de visa à l’avenir !
Comment la France et les autres États membres de l’espace Schengen vont-ils traiter cette situation ? Comment faire en sorte que ces personnes qui, je le répète, sont involontairement bloquées sur notre territoire ne soient pas considérées comme étant en situation irrégulière ?
M. le président. L’amendement n° 43 a été déclaré irrecevable.
L’amendement n° 47, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Première phrase
Remplacer les mots :
cent quatre-vingts jours
par les mots :
quatre-vingt-dix jours
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Même en période d’urgence sanitaire et de confinement, ce gouvernement n’a pas pu s’en empêcher – il est incorrigible !
Si vous vous occupez des Français avec les manquements graves que l’on connaît désormais, il y en a toujours, toujours plus, pour les demandeurs d’asile. Les préfectures sont fermées, sauf pour les demandeurs d’asile. Les Français doivent rester chez eux et se terrer ; les demandeurs d’asile peuvent rester chez nous en toute liberté.
Mme Laurence Cohen. N’importe quoi !
M. Stéphane Ravier. Le confinement n’est que de quinze jours, mais vous prolongez leurs droits de six mois. Tant qu’à faire, prolongez-les de deux ans, cinq ans, dix ans !
Comme si cela ne suffisait pas, nous apprenons que certains juges ordonnent la libération des centres de rétention de tous les clandestins en attente d’expulsion, considérant qu’il était devenu impossible dans les conditions actuelles de les expulser du territoire national. Pour les Français, c’est « Restez chez vous ! ». Pour les étrangers, c’est « Restez chez nous ! ».
Manifestement, tous n’ont pas envie de rester : les bateaux à destination de l’Algérie sont pris d’assaut. On saura désormais quelle patrie ils préfèrent en cas de crise sanitaire. Imaginez que nous soyons demain en grave crise diplomatique…
Cette crise est donc le révélateur de vos échecs, de vos obsessions et de votre aveuglement idéologique. Comme d’habitude, vous vous souciez des autres avant de vous soucier des nôtres. Pourtant, les nôtres ne peuvent pas fuir, ils n’ont qu’un seul pays et ils sont en train de s’y terrer pour tenter d’éviter d’y mourir prématurément.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par MM. Assouline et Leconte, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’état d’urgence sanitaire suspend les procédures de placements en centres et locaux de rétention prévue aux articles L. 551-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
La parole est à M. David Assouline.
M. Stéphane Ravier. Prenez donc du Vogalène !
M. David Assouline. … je voudrais faire appel à votre humanité, mes chers collègues.
Tous ceux qui ont visité un centre de rétention connaissent les problèmes de surpopulation et de promiscuité que ces structures affrontent déjà en temps normal. Je rappelle qu’ils sont souvent organisés en dortoirs. Les étrangers qui sont dans ces centres rencontrent de très grandes difficultés pour accéder aux soins, et leur situation sanitaire est déplorable.
Je pense à ces gens qui sont souvent en France depuis longtemps et qui y ont parfois leur famille. Ce ne sont pas des criminels, mais ils sont maintenus en rétention pour être raccompagnés à l’étranger.
Dans la situation actuelle, où de nombreuses liaisons aériennes sont suspendues, nous n’avons aucune raison de les laisser en centre de rétention, puisqu’ils ne peuvent de toute façon pas être renvoyés. Maintenir ces personnes en centre de rétention va créer encore plus d’engorgement et de situations dramatiques.
Une directive a bien été prise pour faire en sorte de ne pas enfermer en centre de rétention les étrangers qui souffrent du coronavirus, mais nous savons que certains malades sont indétectables et ne manifestent pas de symptôme. On prend donc encore le risque de mettre en centre de rétention une personne contagieuse, ce qui créera nécessairement le chaos au sein du centre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. C’est pourquoi cet amendement, déposé par le groupe socialiste, a pour objet la suspension temporaire, pendant l’état d’urgence sanitaire, des procédures de placement en centres de rétention. De toute façon, nous ne pourrons pas raccompagner ces personnes durant plusieurs semaines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cette proposition présente l’inconvénient d’empêcher toute utilisation des centres de rétention durant l’état d’urgence sanitaire, alors que cela peut tout de même être nécessaire dans certaines situations. Qui plus est, je pense qu’il est possible de régler autrement une partie du problème soulevé.
L’objet du présent projet de loi n’est pas de remettre en cause le principe même des centres de rétention et de suspendre leur activité. Cependant, vous avez raison, mon cher collègue, de vous inquiéter, et je partage votre préoccupation. Le sujet est d’ailleurs le même pour les prisons.
En l’état du droit, cette préoccupation liée aux conditions de vie dans les centres de rétention pendant l’épidémie peut être prise en compte, puisqu’il revient au préfet, sous le contrôle rigoureux du juge des libertés et de la détention, de ne pas placer en rétention des étrangers, par exemple lorsqu’ils peuvent être assignés à résidence ou lorsqu’il n’existe pas de perspective raisonnable d’éloignement, ce qui peut être le cas si les liaisons aériennes sont suspendues. On a d’ailleurs constaté ces derniers jours que des décisions de libération ont été prises grâce à cette procédure.
Il me semble que le droit actuel est suffisant et que votre proposition est disproportionnée par rapport à l’objectif. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.