M. le président. L’amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 47
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les projets d’ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit de supprimer certaines consultations préalables à l’édiction des ordonnances, qui demanderaient plusieurs semaines, alors que nous sommes en situation d’urgence.
Je pense, par exemple, à l’ordonnance permettant d’adapter le droit de la copropriété : elle doit aujourd’hui être soumise à l’avis obligatoire d’un conseil, dans le cadre d’un processus qui prendrait plusieurs semaines. Et il existe de nombreux autres cas similaires.
Évidemment, le Conseil d’État sera toujours consulté et pourra, le cas échéant, revoir la copie du Gouvernement. Mais nous souhaitons procéder à certaines consultations en urgence, afin de pouvoir publier rapidement les ordonnances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes traditionnellement défavorables aux ordonnances. Mais là, c’est une déferlante !
On est en droit de s’interroger sur les garde-fous qui demeurent. Parce que nous sommes en situation de crise sanitaire, on donne les pleins pouvoirs au Gouvernement… Dans ces conditions, est-ce la peine d’aller au bout de la séance ?
M. le président. Nous irons jusqu’au bout de la séance, ma chère collègue ! (Sourires.)
Je mets aux voix l’amendement n° 74.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Leconte, Mme Artigalas, MM. Carcenac et Éblé, Mme Féret, MM. Jomier et Montaugé, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les dispositions législatives prises en vertu des 2° à 7° du I et du II du présent article sont applicables jusqu’au 1er avril 2021.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Depuis le début de l’examen de l’article 7, on ne compte plus les amendements du Gouvernement tendant à l’autoriser à légiférer par ordonnances : sans même évoquer ceux qui ont été déposés au cours de la séance, je n’en dénombre pas moins de neuf en matière économique et sociale et de vingt-cinq dans le champ administratif et juridique, qu’il s’agisse de sécurité, des droits des individus, du droit des collectivités locales ou des autorités administratives indépendantes.
Nous venons de voter vingt-cinq dispositifs habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans des domaines très larges, tout en supprimant les consultations obligatoires prévues par une disposition législative ou réglementaire. Cette situation est particulièrement préoccupante.
Certes, nous comprenons qu’il y a urgence, et c’est pourquoi nous n’avons pas davantage réagi jusqu’à présent, sauf quand nous souhaitions soulever un point précis ou débattre de telle ou telle disposition.
Toutefois, même si le président de la commission des lois nous rappellera qu’il est toujours nécessaire de les ratifier, il est question dans ce texte d’une quarantaine d’ordonnances, qui concernent des domaines extrêmement variés, et qu’il faudra examiner en très peu de temps.
Nous avons tous un peu d’expérience sur ces travées : nous savons d’avance que notre travail de parlementaire sera à peu près aussi précis et sérieux que celui que nous faisons aujourd’hui, c’est-à-dire que nous n’entrerons pas dans le détail.
Dans ces conditions, tout en tenant compte de la nécessité de garantir une certaine stabilité dans le champ économique et social, c’est-à-dire en dehors de dispositifs qui nécessitent d’être appliqués un peu plus longtemps, nous proposons d’indiquer que l’ensemble des dispositions prises en vertu des 2° à 7° du I et du II du présent article ne seront applicables que jusqu’au 1er avril 2021.
Ainsi, nous précisons que l’habilitation à légiférer via ces ordonnances est consentie pour un motif d’urgence et que les mesures prises ne seront pas pérennes dans notre droit.
Pour des raisons de sécurité juridique, dans un esprit de sérieux et de responsabilité, nous excluons du dispositif de l’amendement les autres ordonnances visées par l’article 7. Ce que nous proposons est absolument essentiel, parce que les mesures qui seront décidées toucheront à la vie des collectivités locales, au droit, à la sécurité et au fonctionnement de notre système juridique.
On ne peut pas accepter de travailler ainsi : ce serait vraiment une démission du Parlement que d’aller au-delà de cette réponse dans l’urgence en de tels domaines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Dans bien des cas, il est possible d’admettre que les mesures cesseront tout à fait à partir du mois d’avril 2021, mais d’autres circonstances nécessiteront qu’elles continuent de s’appliquer.
Pour la commission, le couperet est trop brutal : elle est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Cet amendement est inutile, car les mesures prévues à l’article 7 sont, par leur objet et leur nature mêmes, limitées à la durée de la crise sanitaire. Dans bien des domaines, j’espère que cette crise sera bien plus courte que ce que nous prévoyons, mais on ne peut pas préjuger de sa durée. Il nous paraît difficile aujourd’hui de fixer une date par principe.
En revanche, je le répète, toutes les mesures sont limitées à la durée de la crise sanitaire, et c’est de cela que nous devrons vous rendre compte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe attache une grande importance à l’amendement de notre collègue Jean-Yves Leconte. En effet, nous voyons bien que, d’habilitation en habilitation, nous aboutissons à une situation dans laquelle tout devient possible.
La France est un État de droit. Aussi sommes-nous particulièrement impressionnés par le précédent amendement, sur lequel je souhaite revenir.
Tout d’abord, les projets d’ordonnances qui sont prises sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire, ce qui instaure un flou intégral.
Ensuite, on nous explique qu’il s’agit d’une série de mesures exceptionnelles. Nous considérons que ces dispositions, effectivement liées à une situation tout à fait exceptionnelle, à une catastrophe d’une ampleur immense, que l’on n’a jamais connue auparavant, sont nécessaires.
Toutefois, si ces mesures recueillent notre accord, c’est à la condition qu’il soit bien précisé, et qu’il soit bien clair pour tout le monde que, une fois la situation assainie, celles-ci ne resteront pas en vigueur : des dispositifs ayant un caractère parfaitement exceptionnel ne peuvent devenir pérennes. C’est ce que M. Leconte a démontré et défendu avec une grande clarté.
Évidemment, si l’objectif est de permettre la prorogation de certaines mesures, comme l’ont dit M. Bas et Mme la ministre, on l’autorisera. Nous ne sommes pas stupides, plusieurs dispositions devront certainement être prolongées. Nous savons bien que l’épidémie ne s’arrêtera pas subitement et que les gens ne seront pas tous guéris d’un coup : l’amélioration sera sans doute progressive.
Néanmoins, nous voulons mettre en garde contre l’éventualité – il existe en effet un certain nombre de précédents, et je pourrais les citer – que certaines mesures exceptionnelles prises par ordonnance deviennent peu à peu pérennes.
Nous sommes prêts à admettre de nombreuses dérogations, parce que la situation catastrophique du pays l’exige, mais c’est uniquement si l’on fixe des limites.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. J’irai dans le sens contraire de notre collègue Jean-Yves Leconte. Son amendement vise à priver d’effet, à une date fixée à l’avance, l’intégralité des dispositions qui résulteront d’un ensemble très vaste d’ordonnances.
Nous comprenons tous que la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons, et qui va encore se dégrader, implique d’altérer, de modifier et d’adapter un très large éventail de dispositions légales. La question se pose d’affirmer que nous sommes sûrs de pouvoir mettre fin un jour donné à l’ensemble de ces dispositifs, alors que nous connaîtrons évidemment de nombreuses situations de transition.
Prenons l’exemple de la série d’habilitations que nous venons de compléter pour adapter un certain nombre de délais administratifs et modifier des procédures administratives ou techniques : bien malin qui pourrait affirmer aujourd’hui qu’il connaît le jour exact où celles-ci deviendront inutiles.
En réalité, il n’existe que deux solutions.
Soit l’on ne vote pas cet amendement et, dans ce cas, par mesure de précaution ou par scrupule à l’égard du risque de pérennisation de dispositions spécifiques, le Parlement pourra mettre fin délibérément, après les avoir examinées attentivement, à des mesures qui risqueraient à tort de se perpétuer. Nous, parlementaires, pouvons en effet déposer à cette fin toutes les propositions de loi que nous voulons.
Soit l’on adopte l’amendement de nos collègues socialistes et, dans cette hypothèse, on sera obligé d’engager une revue de tous les dispositifs, probablement dans la précipitation, avant la date que nous aurons fixée, afin de sélectionner ceux d’entre eux qu’il nous semble nécessaire de proroger. Il me semble que cette dernière façon de légiférer n’est pas bonne, notamment dans la situation d’urgence évolutive que nous vivons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je voudrais tout d’abord préciser que nous avons exclu du dispositif de l’amendement, parce que nous sommes conscients que les acteurs économiques, en particulier, ont besoin de stabilité, une partie des dispositions législatives prévues par l’article, même s’il s’agit également de mesures provisoires.
Ensuite, je rappelle que nous prévoyons une caducité non pas au bout de trois ou de six mois, mais au terme d’une année. Dans l’hypothèse où il faudrait aller plus loin pour certaines dispositions, nous pourrions le faire de manière plus sereine que ce que le texte prévoit : lorsqu’il nous faudra voter en masse des projets de loi de ratification d’ordonnances dans un mois ou dans trois mois, il sera impossible de travailler dans de bonnes conditions.
Enfin, j’ajoute que, dans la période à venir, le contrôle de légalité des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et le contrôle de constitutionnalité des dispositions que nous votons aujourd’hui, ne pourra pas s’exercer ou s’exercera dans de telles conditions que nous sortirons de tout cadre juridique connu, au moins pour les prochains mois.
Cette situation n’est pas acceptable dans une démocratie sur le long terme.
Si nous voulons faire en sorte que les dispositions que nous votons, ou celles qui ont vocation à durer, soient vraiment efficaces, il faut qu’elles respectent notre Constitution. Il faut donc pouvoir les examiner dans de meilleures conditions et prévoir un contrôle de légalité des mesures administratives.
Or ce n’est pas prévu, mes chers collègues ! Il n’est qu’à voir ce qui figure dans le projet de loi organique dont nous débattrons dans quelques instants.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que nous tenons à préserver l’État de droit et à garantir au Parlement des conditions de travail convenables, de sorte qu’il puisse correctement voter des dispositions qui ne seront pas censurées par le Conseil constitutionnel dans quelques mois, lorsque les conditions seront un peu meilleures, il est absolument indispensable de voter mon amendement. Celui-ci est un gage de sécurité juridique, et ses dispositions témoignent de notre sérieux parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, tout à l’heure, j’ai proposé à votre collègue Olivier Véran de créer un comité de suivi de l’état d’urgence sanitaire.
Je suis désolée de réitérer ma proposition, mais elle me semble de plus en plus utile à mesure que j’entends égrener la liste des ordonnances que l’on devra ratifier, les thèmes et les sujets d’interrogation auxquels nous sommes confrontés, face à une situation qui est totalement inédite.
Même si la mesure n’est pas adoptée par voie d’amendement et si la décision est prise de manière spontanée par le Gouvernement, il me semble intéressant d’associer des membres du Parlement issus de toutes les commissions permanentes à ce comité de suivi, à l’image de celui que l’on avait créé en matière de terrorisme.
Dans son discours, le Président de la République a répété quatorze fois que c’était la guerre. Je trouve que la situation est aussi grave que celle que l’on a vécue en 2015 à la suite des attentats.
Madame la ministre, j’aimerais, sinon avoir un engagement, du moins savoir si cette proposition pourrait susciter un quelconque intérêt de la part du Gouvernement.
Selon moi, c’est le seul moyen de savoir si les mesures peuvent être interrompues ou non, d’être informé de l’état du dispositif sanitaire et de l’évolution de l’épidémie et de mettre fin, en conséquence, aux mesures provisoires que nous sommes en train de voter.
Je reviens donc à la charge : quelle est la position du Gouvernement sur le principe d’un comité de suivi de l’état d’urgence sanitaire ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous sommes évidemment sensibles à l’exposé de notre collègue Leconte.
Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous expliquez que l’amendement est caduc, puisque, de toute façon, les dispositions s’arrêteront avec la crise sanitaire.
On entend aussi certains collègues déclarer que la crise pourrait durer beaucoup plus longtemps et qu’il ne faudrait pas fixer de date de caducité, même éloignée dans le temps, puisque, je le rappelle, M. Leconte l’a fixée au 1er avril 2021, ce qui nous permet tout de même de nous retourner.
Cette échéance nous laisserait pourtant le temps d’examiner la situation et de déterminer si ces mesures doivent être prorogées ou non. Elle nous paraît raisonnable s’agissant des dispositions visées à l’article 7. Aussi, pourquoi refuser cet amendement ? Nous ne comprenons pas bien.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je tiens juste à préciser que toutes les ordonnances résultant d’une habilitation législative donnée au Gouvernement sont prévues pour la durée de la crise sanitaire. Nous signalons simplement que nous ne connaissons pas la durée de cette crise. Aucune disposition pérenne ne figure dans les textes qui vous sont soumis aujourd’hui.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Meunier, M. Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Leconte et Temal et Mme Monier, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux articles L. 22121 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu’au 31 juillet 2020, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.-
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je reviens sur le sujet que j’ai évoqué tout à l’heure avec le ministre des solidarités et de la santé, avant que celui-ci ne quitte le banc du Gouvernement.
Depuis le début de l’examen de ce texte, nous débattons des moyens permettant d’amortir les effets de l’épidémie de coronavirus sur l’ensemble des activités de notre pays, qu’elles soient économiques ou sociales.
Parmi ces activités, l’article 7 consacre beaucoup de place à la question de la sauvegarde et de l’adaptation des entreprises, ainsi qu’à celle du maintien de l’emploi, ce qui est tout à fait normal. On a par exemple abordé tout à l’heure le sujet des assistantes maternelles et celui de l’adaptation du secteur médico-social.
Je voudrais en cet instant attirer votre attention, madame la ministre, sur un sujet qui n’a peut-être pas encore été discuté au sein du Gouvernement, ce que je comprendrais parfaitement, tant vous avez de problèmes à traiter.
Il se trouve que je connais bien cette question, pas simplement parce que l’on m’aurait rapporté des difficultés dans le cadre d’entretiens personnels, mais parce qu’elle a donné lieu à une note du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) : comment la crise du coronavirus influe-t-elle sur l’activité en matière d’IVG ?
Aujourd’hui, les répercussions sont considérables. Elles le seront encore davantage dans les semaines à venir, d’abord parce que certains hôpitaux reportent la pratique des IVG sur d’autres établissements, qui se trouveront dès lors très sollicités.
Je pense aussi à toutes ces patientes atteintes par le coronavirus qui devaient accéder à une IVG, ou à ces soignants eux-mêmes malades, à tel point que le CNGOF envisage de transformer un certain nombre d’IVG en interruptions médicales de grossesse, ou IMG.
Aujourd’hui, les professionnels demandent un allongement des délais d’accès à l’IVG de deux semaines durant la période exceptionnelle dont nous parlons depuis le début de cette discussion. Ils le demandent pour ne pas se retrouver dans l’illégalité ou ne pas devoir en permanence, au cas par cas, trancher entre le nécessaire respect de la loi et le meilleur moyen de traiter les situations auxquelles ils sont confrontés.
Le Gouvernement doit leur offrir cette possibilité. Il ne s’agit pas de débattre de nouveau du délai légal d’accès à l’IVG. Ce n’est pas moi qui ai mis ce sujet sur la table, c’est le collège des obstétriciens. Pour tout dire, je n’avais pas pensé moi-même défendre cet amendement.
Je ne crois pas que l’on puisse régler le problème en dehors de la loi, donc à un autre moment que ce soir. Le ministre de la santé a gentiment répondu tout à l’heure qu’il en parlerait à ses collègues et aux obstétriciens, mais il ne pourra pas trouver de solution hors d’un texte législatif.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement ce soir, tout en répétant qu’il n’est pas de mon fait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol. C’est honteux !
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque l’état d’urgence sanitaire a été déclaré, les débats contradictoires relatifs à la prolongation de la détention provisoire des personnes mises en examen, prévenues ou accusées peuvent, tant que l’état d’urgence sanitaire est en vigueur, se tenir sans que celles-ci comparaissent personnellement lorsque le recours aux dispositions prévues à l’article 706-71 du code de procédure pénale s’avère matériellement impossible.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je veux évoquer un problème de procédure pénale que j’ai déjà abordé cet après-midi lors des questions d’actualité au Gouvernement. Je reviens à la charge, car on ne m’a pas répondu sur le délai dans lequel seraient prises les ordonnances.
L’épidémie de coronavirus entraînera évidemment de très lourdes perturbations dans les juridictions pénales. Si la loi prévoit le recours à la visioconférence pour les audiences, il reste que les tribunaux sont très mal équipés, qu’ils rencontreront des problèmes et que des lacunes procédurales pourraient survenir.
C’est la raison pour laquelle je propose un amendement visant à faciliter la procédure pénale.
Je sais que la commission y est défavorable, mais j’insiste pour des raisons techniques. À défaut d’ordonnances prises dans des délais extrêmement brefs, des vices de procédure pourraient apparaître, et nous assisterions à la remise en liberté de certains détenus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je comprends parfaitement votre préoccupation, ma chère collègue. On pourrait effectivement envisager – c’est votre proposition – qu’une personne, au lieu de comparaître physiquement, soit entendue par visioconférence. Seulement, l’article 7 du présent projet de loi, que nous venons d’adopter, comporte déjà une autre disposition, qui prévoit une procédure écrite.
Dès lors que cette procédure écrite, qui est encore plus souple que celle de la visioconférence, va au-delà du moyen que vous voulez utiliser pour atteindre le même but, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi je serais contraint, au nom de la commission, d’émettre un avis défavorable – mais pas négatif quant à l’objectif que vous visez !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement partage votre préoccupation, madame la sénatrice. C’est pourquoi l’ordonnance d’adaptation de la procédure pénale, qui sera prise en application de l’article 7, prévoit que les débats contradictoires de prolongation de détention provisoire pourront se dérouler sans la présentation de la personne.
Le projet d’ordonnance est déjà prêt : le Conseil d’État en sera saisi dans les prochains jours, dès le vote de la loi. Vous avez raison sur le fond, mais votre amendement nous paraît inutile : nous vous proposons de le retirer.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
L’amendement n° 19, présenté par MM. Chaize et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 et en particulier d’assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux mentionnés à -l’article L. 7321 du code de la sécurité intérieure, toute mesure visant à :-
- déroger aux procédures de délivrance d’autorisations par les autorités administratives,
- déroger aux procédures d’information des autorités administratives,
- prévoir des modalités de réquisitions des personnels des exploitants de ces réseaux et de ces services, ainsi que de leurs sous-traitants,-
est autorisée pendant une durée de six mois à compter de la date de publication de la présente loi.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 19 est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Non, je m’en remets à la décision de la commission et le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 est retiré.
L’amendement n° 20, présenté par MM. Chaize et Retailleau, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 et en particulier d’assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux mentionnés à l’article L. 732-1 du code de la sécurité intérieure, toute mesure visant à permettre la collecte et le traitement de données de santé et de localisation, est autorisée pendant une durée de six mois suivant la date de publication de la présente loi.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 20 est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 20 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8, présenté par MM. Éblé, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Leconte, Mme Artigalas, M. Carcenac, Mme Féret, MM. Jomier et Montaugé, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ensemble des dépenses engagées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour faire face à l’urgence sanitaire imposée par l’épidémie de Covid-19 et à ses conséquences en matière sociale, économique et de fonctionnement des services publics sont considérées comme résultant d’éléments exceptionnels affectant significativement leurs résultats au sens des dispositions du troisième alinéa du V de l’article 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Le fameux pacte de Cahors est sûrement la première atteinte aux grands principes de décentralisation posés par les lois de 1982 et les suivantes.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la seule !
Mme Françoise Gatel. Il y en a eu avant !
M. Patrick Kanner. Il constitue en tout cas un retour du contrôle d’opportunité de l’État sur les dépenses, du moins les principales d’entre elles, des collectivités territoriales. Je pense notamment aux établissements publics de coopération intercommunale.
Vous le savez, ce pacte de Cahors vise à limiter les engagements des collectivités en termes de fonctionnement. Toutes ne l’ont pas signé, d’ailleurs, quitte à voir le représentant de l’État les condamner à des amendes dans le cadre de ce contrôle d’opportunité.
Le présent amendement vise simplement à ce que les dépenses de fonctionnement engagées pour lutter contre la pandémie du Covid-19 ne puissent être imputées sur les dépenses des collectivités concernées.
Les régions vont se mobiliser pour accorder des aides économiques. Hier, M. le président Retailleau a également évoqué ces départements qui achèteront peut-être des millions de masques pour faire face à l’épidémie.
Nous pensons que toute cette énergie, qui se concrétise par les dépenses de fonctionnement dont je viens de parler, ne devrait pas être comptabilisée dans le cadre du pacte de Cahors, et que ce dernier devrait être suspendu.