M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Il était important de dire ces choses, car l’aménagement du territoire doit être une préoccupation constante. Cela dit, je suis sensible à ces arguments ; je retire donc mon amendement, monsieur le président. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. La parole est libérée !
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.
L’amendement n° 26, présenté par MM. Mohamed Soilihi, de Belenet, Richard, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Après les mots :
dispositions applicables à l’instruction
insérer les mots :
et au respect du principe du contradictoire
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement du groupe La République En Marche tend à rappeler que nous sommes collectivement garants du respect du droit, pour tout justiciable, au procès équitable.
Nous le savons, au cœur de la notion de procès équitable figure le respect du principe du contradictoire, corollaire indissociable des droits de la défense. Ce principe vise à assurer l’information des parties sur les éléments de fait et de droit de l’affaire. Sont concernés ici l’assistance d’un avocat, la communication du dossier ou encore le mode de preuve utilisé.
La chambre criminelle de la Cour de la cassation a par ailleurs affirmé le caractère absolu du respect du principe du contradictoire ; beaucoup de jugements ou d’arrêts sont cassés en raison de la méconnaissance de ce principe, sous la double invocation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 427, alinéa 2, du code de procédure pénale.
Dans cet esprit, notre commission des lois a précisé les droits des personnes mises en examen, placées sous le statut de témoin assisté ou s’étant constituées parties civiles dans le cadre d’une instruction conduite par le procureur européen délégué.
Il s’agit, au travers de cet amendement, de prolonger le travail accompli en commission et de réaffirmer la place du principe du contradictoire dans la conduite des investigations du procureur européen délégué.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’amendement est bien sûr de qualité ; toutefois, il me semble déjà satisfait.
L’esprit du texte qui vous a été présenté, dans le cadre de ce que j’ai appelé une transposition « simple et pragmatique » dans notre système judiciaire, consiste à ne pas créer un droit de procédure pénale spécifique pour le Parquet européen.
L’idée est donc que les deux procureurs européens délégués appliquent l’ensemble de nos dispositions de procédure pénale, qui apportent toutes les garanties, notamment celle du respect du principe du contradictoire.
Le principe même de la réforme proposée va dans le sens que vous souhaitez, mon cher collègue. Ainsi, aux termes de l’article 696-113 du code de procédure pénale tel qu’institué par l’article 1er du présent projet de loi, le procureur européen délégué conduira les investigations conformément « aux dispositions applicables à l’enquête de flagrance ou à l’enquête préliminaire et à celles du code des douanes ». Quand il interviendra en tant que magistrat instructeur, il sera soumis à l’article 696-129 nouveau du même code, qui dispose que « les personnes mises en examen, témoins assistés ou parties civiles exercent l’intégralité des droits qui leur sont reconnus par le présent code au cours de l’instruction, en particulier le droit d’être assisté par un avocat et d’avoir accès au contenu de la procédure, de formuler une demande d’acte auprès du procureur européen délégué, de présenter une requête en annulation ou de former un recours devant la chambre de l’instruction ».
Ainsi, l’intégralité des droits ouverts par notre code de procédure pénale profitera aux personnes faisant l’objet de ces enquêtes. L’amendement me semble donc satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je formulerai le même avis.
Je comprends absolument les motivations qui ont inspiré cet amendement, mais il me semble, au regard tant des éléments que vient de citer M. le rapporteur que d’autres éléments rédactionnels, que les garanties que vous souhaitez voir réaffirmer sont déjà apportées.
Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l’amendement n° 26 est-il maintenu ?
M. Thani Mohamed Soilihi. Je me devais de demander cette précision dans la mesure où plusieurs pays sont concernés, qui n’appliquent pas forcément tous les mêmes principes. Eu égard aux précisions apportées tant par M. le rapporteur que par Mme la garde des sceaux, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 26 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales est abrogé.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Selon l’article 6 du règlement du Conseil du 12 octobre 2017, « le Parquet européen est indépendant ». L’ensemble de ses membres, parmi lesquels les procureurs européens délégués, « ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune personne extérieure au Parquet européen, d’aucun État membre de l’Union européenne, ou d’aucune institution, d’aucun organe ou organisme de l’Union. Les États membres de l’Union européenne […] respectent l’indépendance du Parquet européen et ne cherchent pas à l’influencer dans l’exercice de ses missions. »
Or l’article L. 228 du livre des procédures fiscales limite le pouvoir du procureur européen délégué, puisqu’il rend irrecevables « les plaintes portant sur des faits autres que ceux mentionnés aux [cinq premiers] alinéas du I […] déposées par l’administration à son initiative, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ».
Si l’article en question a été modifié par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, en vertu de laquelle, dans certaines hypothèses, l’administration est contrainte de signaler les faits litigieux, le principe du verrou de Bercy demeure, au moins en partie.
Nous demandons donc au travers de cet amendement, comme nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises dans le passé, la suppression du monopole de l’administration fiscale pour le déclenchement de la procédure, ce monopole ne paraissant de surcroît pas conforme au règlement européen instituant le Parquet européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. En ce qui concerne l’indépendance des magistrats européens délégués, il n’y a aucune difficulté ; les juridictions européennes ont une culture très forte de l’indépendance des magistrats, peut-être même supérieure à la nôtre.
Par ailleurs, le verrou de Bercy n’est pas en cause ici ; ce sujet a déjà été largement traité, mais je profite de cette occasion pour vous donner, monsieur Bocquet, des précisions, vous sachant très attentif à la question. La réforme récente a déjà eu une incidence – j’ai même été étonné des chiffres : en 2019, Bercy a transmis 1 678 dossiers à la justice, contre 823 en 2018. Ce doublement du nombre de dossiers transmis à nos parquets montre que les modifications intervenues en ce domaine sont substantielles.
Enfin, concernant le fonctionnement du Parquet européen, si demain vous ou moi sommes informés d’un fait de fraude fiscale, nous pourrons, comme tout citoyen, déposer plainte auprès du procureur de la République française, lequel aura l’obligation de transmettre cette plainte au Parquet européen, qui décidera ou non de poursuivre.
En d’autres termes, il n’y aura plus de filtre national. Tel était l’objectif de la Commission européenne et des États membres : rendre possibles cette coordination et l’autonomie de décision européenne. Ainsi, vous avez satisfaction plus profondément que vous ne le pensez.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ajouterai un autre argument à ceux du rapporteur.
Votre amendement me semble sans lien avec l’objet du texte, monsieur le sénateur, dès lors que les délits de fraude fiscale n’entrent pas dans le champ de compétence du Parquet européen. Je le rappelle, les fraudes à la TVA, notamment de type « carrousel » – les plus fréquentes –, sont appréhendées par nos juridictions sous la qualification d’escroquerie. Il y a donc une distinction entre ces deux éléments. C’est pourquoi le dispositif de votre amendement ne s’applique pas parfaitement, selon moi, à la situation dont nous parlons.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je prends acte des propos de notre rapporteur. J’avais bien noté la légère augmentation du nombre de dossiers transmis par Bercy à la justice, mais je veux rappeler les éléments du débat que nous avons eu en 2018 : 50 000 dossiers de contrôle fiscal sont constitués chaque année ; entre 12 000 et 15 000 portent sur des fraudes caractérisées ; pour 4 000 dossiers, le montant de la fraude est supérieur à 100 000 euros ; entre 900 et 1 000 dossiers sont transmis à la commission des infractions fiscales. Ce dernier chiffre a augmenté, dont acte.
Néanmoins, je citerai les propos de Mme Éliane Houlette, qui était procureur du parquet national financier au moment de ce débat : « Le verrou de Bercy bloque toute la chaîne pénale. Il empêche la variété des poursuites et constitue un obstacle théorique, juridique, constitutionnel et républicain, en plus d’être un handicap sur le plan pratique. »
Le débat n’est donc pas définitivement clos, car le verrou de Bercy a été modifié, un peu desserré, certes, mais il n’a en aucun cas été supprimé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Dispositions modifiant le code de l’organisation judiciaire
Article 2
Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 211-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-19. – Le tribunal judiciaire de Paris connaît des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et relevant de la compétence du procureur européen conformément au règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, dans les cas et conditions prévus par le code de procédure pénale. » ;
2° Après l’article L. 212-6, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-6-1. – Nonobstant les articles L. 122-2 et L. 212-6, le ministère public près le tribunal judiciaire de Paris est exercé par le procureur européen ou ses délégués pour les affaires relevant de ses attributions. » ;
3° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 213-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-13. – Le code de procédure pénale fixe les règles relatives à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement du tribunal judiciaire de Paris pour la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union conformément au règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité. » ;
4° La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III est complétée par un article L. 312-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-8. – Nonobstant les articles L. 122-3 et L. 312-7, le ministère public près la cour d’appel de Paris est exercé par le procureur européen ou ses délégués pour les affaires relevant de ses attributions. »
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
sous-section 1
par la référence :
sous-section 2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je vous propose, mes chers collègues, de remplacer la référence à la sous-section 1 par la référence à la sous-section 2. On a les triomphes que l’on peut… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Après avoir beaucoup hésité, j’émets un avis favorable sur cet amendement. (Nouveaux sourires.)
M. le président. En conséquence du retrait de l’amendement n° 30 rectifié, l’amendement de coordination n° 31 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions modifiant le code des douanes
Article 3
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Après la section 1 du chapitre II du titre XII, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Du Parquet européen
« Art. 344-1. – Conformément aux dispositions de l’article 696-111 du code de procédure pénale, lorsqu’ils portent sur des infractions prévues par le présent code, les signalements prévus à l’article 24 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen sont adressés au Parquet européen par l’intermédiaire du procureur de la République compétent, lui-même informé par les agents des douanes sur le fondement du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.
« Art. 344-2. – En application de l’article 696-113 du code de procédure pénale, lorsque le Parquet européen décide d’exercer sa compétence sur des infractions prévues par le présent code, le procureur européen délégué peut conduire les investigations conformément aux dispositions du code des douanes.
« Art. 344-3. – Dès lors que le Parquet européen exerce sa compétence, ou pendant les délais prévus au 1 de l’article 27 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité :
« 1° Par dérogation au 2 de l’article 343 du présent code, l’action pour l’application des sanctions fiscales n’est pas exercée par l’administration des douanes, mais par le procureur européen délégué ;
« 2° L’administration des douanes ne peut transiger, en application de l’article 350, que si le Parquet européen admet le principe d’une transaction.
« Art. 344-4. – Lorsque le Parquet européen a exercé sa compétence, le procureur européen délégué compétent communique, dès que possible, à l’administration des douanes l’ensemble des informations permettant la notification de la dette douanière, en application des articles 102 et 103 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union. » ;
2° Après le mot : « tribunal », la fin du 1 de l’article 358 est ainsi rédigée : « compétent en application des dispositions du code de procédure pénale. » – (Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE PÉNALE SPÉCIALISÉE
Chapitre Ier
Dispositions communes
Article 4
Après l’article 43 du code de procédure pénale, il est inséré un article 43-1 ainsi rédigé :
« Art. 43-1. – Lorsque le ministère public près le tribunal judiciaire dispose, en application du présent code, d’une compétence spécialisée et concurrente qui s’étend aux ressorts d’autres tribunaux judiciaires, spécialisés ou non, cette compétence s’exerce de façon prioritaire sur celle des parquets près ces tribunaux tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement. Lorsqu’il décide d’exercer sa compétence, le ou les parquets près ces tribunaux se dessaisissent sans délai à son profit. » – (Adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives au procureur de la République antiterroriste
Article additionnel avant l’article 5
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Avant l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier, deuxième, troisième et dernier alinéas de l’article 706-17, au premier alinéa, cinq fois, de l’article 706-17-2, à la première phrase du premier alinéa, deux fois, et au troisième alinéa de l’article 706-18, aux premier, deuxième et dernier alinéas de l’article 706-19, à l’article 706-20, aux premier et deuxième alinéas de l’article 706-22, au premier, quatre fois, deuxième, trois fois, et dernier alinéas de l’article 706-22-1 du code pénal, le mot : « Paris » est remplacé par le mot : « Rennes ».
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement procède du même esprit que l’amendement n° 30 rectifié, mais il vise une institution déjà en place, le parquet national antiterroriste, que nous proposons de relocaliser à Rennes. (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Comme par hasard !
M. André Reichardt. Pourquoi pas à Strasbourg ?
M. Joël Labbé. « Le grand débat national a mis en lumière les attentes majeures des Français en matière de transformation de l’action publique, de simplification de leur relation avec l’administration et d’accompagnement de leurs projets.
« Les Français ont à cette occasion exprimé une forte demande de services publics plus proches, plus lisibles, adaptés aux usagers, et accessibles dans tous les territoires. Ils ont insisté sur un besoin de proximité ainsi que sur une exigence de simplification des procédures administratives. »
La constitution de juridictions spécialisées semble aller à l’encontre de cet extrait de l’exposé des motifs du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, destiné à renforcer la proximité entre les administrations et les administrés.
La concentration à Paris des instances judiciaires spécialisées, qu’elles soient à venir ou déjà en place, comme le parquet national antiterroriste, entraîne une distanciation géographique entre les justiciables et le juge. Elle conduit en outre à la concentration du personnel administratif et judiciaire dans la région où l’immobilier est le plus cher, privant d’autres territoires de la République d’un levier important de développement.
On aurait pu également proposer d’installer le parquet national financier à Toulouse ou à Strasbourg, par exemple…
M. André Reichardt. Ah, vous apprenez vite !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je veux d’abord rassurer les grands électeurs du Morbihan : M. Labbé ne considère pas que le plus grand danger à venir, en matière de terrorisme, réside dans l’indépendantisme breton… (Sourires.)
Je vous ferai la même réponse que précédemment, mon cher collègue : il faut parfois penser à l’efficacité. Le parquet national antiterroriste (PNAT) travaille avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui est localisée à Paris. Il y a donc une certaine logique à l’implanter dans la même ville, même si nous comprenons bien votre souci d’aménagement du territoire.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.
Outre son instance parisienne, qui mutualise ses compétences avec la force de frappe du tribunal judiciaire de Paris, le PNAT compte également, depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, treize procureurs délégués répartis dans toute la France et assurant un maillage de l’ensemble du territoire national. Enfin, il y a des magistrats antiterroristes référents dans chaque tribunal.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les grands électeurs. Je précise que, n’étant pas renouvelable cette année, je n’ai aucun intérêt direct à l’adoption de cette disposition… En outre, je tiens à dire qu’il n’est pas dans mes habitudes de procéder ainsi !
Mon message sur l’aménagement du territoire ayant été entendu, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié est retiré.
Article 5
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article 627-1 et à la fin du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article 627-3, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;
2° Au premier alinéa de l’article 627-2, après le mot : « République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
3° Après le troisième alinéa de l’article 628-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 34, le ministère public près la cour d’assises statuant en première instance est représenté, lorsqu’il exerce sa compétence pour la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application du même article 628, par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. En appel, le procureur général peut se faire représenter par le procureur de la République antiterroriste ou l’un de ses substituts. » ;
4° La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 702 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 5
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 47, présenté par MM. Sueur, Jacques Bigot, Durain et Kanner, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 689-11. - En dehors des cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV du présent code pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée de l’une des infractions suivantes :
« 1° Les crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;
« 2° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« La poursuite ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit, par cet amendement, de reprendre des dispositions qui ont déjà été adoptées à quatre reprises par le Sénat, de manière unanime, mais qui n’ont jamais été débattues à l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’appliquer le statut de Rome, qui donne aux magistrats français le pouvoir d’intervenir en matière de crimes contre l’humanité, de crimes de génocide et de crimes de guerre poursuivis par la Cour pénale internationale (CPI).
Vous le savez, madame la ministre, il existait quatre verrous. Nous avons renoncé à supprimer l’un d’entre eux, à savoir le monopole du parquet. Un obstacle purement formel de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale a été levé. Je vous en donne acte.
Restent deux problèmes.
Le premier est la condition de résidence habituelle sur le territoire français des auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Comme M. Badinter ou Mme Delmas-Marty l’ont souvent déclaré, les auteurs de ces crimes ont rarement l’imprudence de résider habituellement dans notre pays. La question est de savoir si on peut les interpeller lorsqu’ils se trouvent en France. Ce serait la moindre des choses que d’en décider ainsi et de l’inscrire dans la loi, car ces criminels sont les pires qui soient.
La seconde difficulté tient à la double incrimination, qui suppose que notre législation soit identique à celle d’autres pays qui ne partagent pas du tout notre conception du droit et des droits de l’homme. Vous avez bien voulu accepter que cette condition soit levée pour les auteurs de crimes de génocide, mais je ne vois pas pourquoi il faudrait la maintenir pour les auteurs de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre. C’est incompréhensible !
Le dispositif de cet amendement, qui témoigne d’une certaine ténacité, est strictement conforme à celui que le Sénat a voté antérieurement. J’espère que la position du Gouvernement aura, quant à elle, évolué sur ces graves questions.