Sommaire

Présidence de M. Vincent Delahaye

Secrétaires :

MM. Joël Guerriau, Michel Raison.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Parquet européen et justice pénale spécialisée. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Éliane Assassi

M. Alain Marc

M. François Bonhomme

M. Jacques Bigot

M. Joël Labbé

Mme Sophie Joissains

M. Hervé Maurey

M. André Reichardt

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 30 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.

Amendement n° 26 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 1er

Amendement n° 29 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 2

Amendement n° 55 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 31 rectifié de M. Joël Labbé. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Articles 3 et 4 – Adoption.

Article additionnel avant l’article 5

Amendement n° 32 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.

Article 5 – Adoption.

Article additionnel après l’article 5

Amendement n° 47 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 15 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.

Article 6

Amendement n° 9 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 7 – Adoption.

Article additionnel avant l’article 8

Amendement n° 18 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Retrait.

Demande de renvoi à la commission de l’article 8

Motion n° 39 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Article 8

M. Guillaume Gontard

Mme Éliane Assassi

M. Jean-François Husson

Amendement n° 40 de M. Jacques Bigot. – Rejet.

Amendements identiques nos 3 de Mme Éliane Assassi et 48 de M. Jacques Bigot. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 12 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 41 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 5 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 13 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 36 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 42 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 6 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 43 de M. Jacques Bigot. – Rejet.

Amendement n° 10 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 11 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 8

Amendement n° 8 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.

Amendement n° 38 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.

Amendement n° 14 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 46 de M. Jacques Bigot. – Rejet.

Amendement n° 16 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 17 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 2 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 44 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Amendement n° 19 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 20 rectifié de M. Joël Labbé. – Retrait.

Amendement n° 7 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.

Amendements identiques nos 23 rectifié de M. Joël Labbé et 53 de M. Jacques Bigot. – Retrait de l’amendement n° 23 rectifié et rejet de l’amendement n° 53.

Amendements identiques nos 22 rectifié de M. Joël Labbé et 52 de M. Jacques Bigot. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 24 rectifié de M. Joël Labbé et 54 de M. Jacques Bigot. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 21 rectifié de M. Joël Labbé et 51 de M. Jacques Bigot. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 45 de M. Jérôme Durain. – Rejet.

Article 9

Amendement n° 35 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.

Amendement n° 25 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 9

Amendement n° 4 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 10 – Adoption.

Article 11

Amendements identiques nos 27 de Mme Éliane Assassi, 34 rectifié de M. Joël Labbé et 49 de M. Jacques Bigot. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 12

Amendement n° 1 rectifié de M. André Reichardt. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 12

Amendement n° 50 de M. Patrick Kanner. – Rejet.

Articles 13, 14 et 15 – Adoption.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 20 février 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Michel Charasse, qui fut sénateur du Puy-de-Dôme de 1981 à 1988 et de 1992 à 2010.

Un hommage lui sera rendu dans l’hémicycle par le président du Sénat la semaine prochaine.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Discussion générale (suite)

Parquet européen et justice pénale spécialisée

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (projet n° 283, texte de la commission n° 336, rapport n° 335).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi simplement d’un mot de dire à quel point le décès de Michel Charasse, qui fut votre collègue, mais qui fut aussi le mien au Conseil constitutionnel, m’a bouleversée. C’était un très grand républicain et, en plus, un ami très proche et très cher.

Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, cher Philippe Bonnecarrère, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons donc aujourd’hui le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.

Certains contentieux pénaux présentent, en raison de leur nature ou de leur gravité, une spécificité particulière qui justifie qu’ils fassent l’objet de règles de procédure adaptées faisant intervenir des magistrats spécialisés.

C’est le cas des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, pour lesquelles il a paru nécessaire à plusieurs États membres de l’Union d’instituer une coopération renforcée se traduisant par la création d’un tout nouvel organe judiciaire : le Parquet européen.

C’est également le cas, au niveau national, des infractions relevant de la criminalité organisée, de la grande délinquance financière, du terrorisme ou des atteintes à l’environnement, pour lesquelles existent d’ores et déjà des juridictions spécialisées, qu’il s’agisse des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), du parquet national financier (PNF), des pôles spécialisés en matière de santé publique et d’environnement, ou encore du parquet national antiterroriste (PNAT).

Le présent projet de loi a pour objectifs principaux d’adapter notre législation à la création du Parquet européen et d’améliorer les dispositifs actuels concernant la justice pénale spécialisée nationale.

Le titre Ier de ce projet de loi adapte notre législation au règlement du Conseil européen du 12 octobre 2017, qui a prévu la création du Parquet européen.

La création de ce nouvel organe judiciaire européen constitue une étape supplémentaire dans le développement de l’espace judiciaire européen.

Du traité de Maastricht au traité d’Amsterdam, notre pays a toujours accompagné une vision engagée et volontaire de la construction de l’Union européenne et de cette Europe judiciaire.

Le Sénat lui-même a été présent à chaque étape de cette longue construction. Je souhaite donc ici rendre un hommage particulier au rôle que le Sénat a joué en ce domaine. Il faut en effet rappeler que votre assemblée a historiquement soutenu le principe même de la création de ce Parquet européen, alors même que celui-ci ne paraissait être encore qu’une chimère.

Plusieurs résolutions du Sénat ont ainsi appelé à la création de cet organe judiciaire, dont l’une dès 2002, avec le soutien actif de Robert Badinter, apôtre inlassable de la construction européenne.

Sur ce sujet, le Sénat ne s’est pas contenté de pétitions de principe. Ainsi, lorsque la Commission européenne a déposé son projet de règlement portant création du Parquet européen, le Sénat n’a pas hésité à réaffirmer son soutien de principe, tout en portant des exigences précises sur ses modalités de mise en œuvre.

La Chambre haute a en effet adopté à l’époque une résolution portant sur le respect du principe de subsidiarité. Jointe aux résolutions de même nature émanant d’autres parlements nationaux, elle a conduit pour la première fois, dans le contexte de l’espace de liberté, de justice et de sécurité, à la procédure dite du « carton jaune ».

Ce faisant, cette procédure a contraint la Commission à une réponse motivée aux griefs qui lui étaient faits de ne pas se conformer au principe de subsidiarité.

Certes, à l’issue de cette procédure, la Commission a maintenu son projet initial, mais, lors du conseil Justice et affaires intérieures de juin 2014, c’est une orientation générale en faveur d’un Parquet européen collégial, disposant d’une compétence concurrente à celle des autorités nationales, qui a été dégagée. Le « carton jaune » n’y a pas été totalement étranger.

Le règlement du 12 octobre 2017 doit donc beaucoup au Sénat, et je me réjouis de vous présenter aujourd’hui le projet de loi qui assure la compatibilité entre notre droit interne et les équilibres issus du texte de l’Union.

Le Parquet européen s’inscrit dans le cadre d’une coopération renforcée, qui réunit à ce jour 22 États membres sur les 27 de l’Union. Si l’on excepte l’Irlande et le Danemark, qui bénéficient de régimes dérogatoires en matière de coopération judiciaire et policière, ce projet réunit donc en réalité 22 États sur 25. Seules manquent à l’appel la Suède, la Pologne et la Hongrie.

La Suède a déjà annoncé son intention de rejoindre le projet ; concernant la Pologne et à la Hongrie, je suis certaine qu’à long terme ils y viendront…

Permettez-moi de dire maintenant quelques mots du Parquet européen.

Celui-ci sera compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des fraudes qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Union, à savoir les escroqueries à la TVA, les faits de corruption, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance, de blanchiment d’argent, ainsi que certains délits douaniers.

Le schéma retenu permet d’assurer un juste équilibre entre, d’une part, l’efficacité de la répression contre une délinquance astucieuse qui est largement internationale et dont les profits se chiffrent parfois en millions d’euros, et, d’autre part, la préservation de l’autonomie et de la souveraineté de notre ordre judiciaire, puisque les juges du tribunal judiciaire de Paris demeureront compétents pour juger ces infractions et, le cas échéant, condamner leurs auteurs aux peines prévues par le code pénal français.

Le Parquet européen siégera à Luxembourg, capitale judiciaire de l’Union. Il sera dirigé par un procureur européen, en la personne de Laura Kövesi, qui sera assistée de 22 procureurs nationaux – un par État membre participant.

Le Parquet européen comportera aux échelons nationaux des procureurs européens délégués chargés, dans chaque État, du suivi des enquêtes et des poursuites. Ils seront au minimum deux par État. Pour ce qui concerne la France, ils seront à Paris.

Afin de permettre à ces procureurs européens délégués français d’exercer leur mission, le projet de loi – c’est évidemment cela qui est important – modifie le code de procédure pénale, le code de l’organisation judiciaire et le code des douanes.

Ces modifications ont pour objet premier de leur garantir une totale indépendance. Ils ne pourront recevoir d’instructions que du Parquet européen ; ils ne pourront donc pas recevoir d’instructions générales du ministre de la justice ni même d’instructions générales ou particulières du procureur général de Paris.

Les modifications proposées procèdent par ailleurs aux adaptations procédurales nécessaires pour permettre à ces procureurs européens délégués français de conduire leurs investigations et d’exercer des poursuites devant les juridictions françaises.

Il est ainsi prévu que ces procureurs européens délégués disposent des mêmes prérogatives que le procureur de la République, ainsi, et c’est beaucoup plus novateur, que certaines prérogatives relevant de la compétence du juge d’instruction.

Ils pourront ainsi placer un individu sous contrôle judiciaire ; ils pourront, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD), placer des suspects sous écoutes téléphoniques ; ils pourront également solliciter l’autorisation du JLD pour placer un suspect en détention provisoire.

Ce dispositif est donc très novateur dans notre procédure pénale puisqu’il confie au procureur délégué européen des pouvoirs aujourd’hui exercés par des juges d’instruction. Mais c’est le règlement du Parquet européen qui le prévoit et ce dispositif n’a pas vocation à être perçu comme une première étape d’évolution de notre droit interne vers la suppression du juge d’instruction.

Ces dispositions, qui devraient entrer en application avant la fin de l’année 2020, permettront d’améliorer de manière significative la lutte contre les fraudes aux intérêts de l’Union.

Je me réjouis que votre rapporteur et votre commission des lois, dont je veux ici souligner la qualité du travail, aient accepté ces dispositions en les améliorant sur certains points techniques.

Le titre II du projet de loi est relatif à la justice pénale spécialisée. Il consolide l’efficacité et la cohérence des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la criminalité et la délinquance organisées, la délinquance économique et financière.

Ce projet de loi tend également à assurer un traitement contentieux plus efficace des atteintes à l’environnement.

Concernant les juridictions spécialisées, en premier lieu, le texte prévoit de faciliter l’exercice des compétences des parquets spécialisés afin de mieux prendre en considération leur expertise et les objectifs qui avaient présidé à leur création.

Il est ainsi prévu que les parquets spécialisés pourront, en cas de compétences concurrentes avec d’autres parquets, exercer leurs compétences prioritairement par rapport aux parquets non spécialisés. Ce dispositif permettra aussi de résoudre les conflits de compétences de manière efficace.

En deuxième lieu, le titre II procède à une extension des compétences du parquet national antiterroriste, qui pourra notamment représenter le ministère public aux audiences d’assises de première instance en matière de crimes contre l’humanité, de crimes de tortures et de disparitions forcées, de crimes et délits de guerre.

Il reconnaît par ailleurs une compétence concurrente à ce même parquet national antiterroriste pour certains crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation.

En troisième lieu, ce même titre II renforce les compétences du parquet national financier afin d’assurer la meilleure efficacité possible en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, en lui conférant, en la matière, une compétence nationale concurrente.

Sur le point spécifique de la lutte contre les atteintes à l’environnement, le projet de loi hisse notre organisation judiciaire à la hauteur de notre ambition politique et des attentes de nos concitoyens en matière de contentieux environnemental.

La justice tient un rôle incontournable de régulation en prévenant, en sanctionnant et en réparant les atteintes écologiques. Pourtant, aujourd’hui, le contentieux environnemental représente seulement 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des condamnations civiles.

Ces chiffres ne reflètent pas pour autant la réalité des atteintes qui sont portées quotidiennement à l’environnement et à la biodiversité. Ils ne rendent pas davantage compte de l’activité des services de l’État chargés du respect de la réglementation applicable.

L’action quotidienne des inspecteurs de l’environnement permet, par la mise en œuvre des mesures de police administrative, de prévenir, de sanctionner, voire de réparer les infractions les plus courantes à l’égard de l’environnement. Mais certaines atteintes exigent une réponse judiciaire effective et plus rapide, car ces actes constituent des dommages graves et irréversibles à l’environnement pour lesquels une réponse administrative ne peut suffire pour faire cesser les manquements.

Aussi, lorsque la justice est saisie, elle doit être efficace. Cela passe par une organisation et des réponses judiciaires rénovées.

Nous créons donc dans ce texte une justice pour l’environnement construite en première instance sur trois niveaux.

Pour la préservation du cadre de vie de nos concitoyens, nous confortons une justice de proximité. Je pense aussi aux affaires qui concernent la vie quotidienne des Français et des élus locaux : par exemple, les décharges sauvages, les permis de construire illégaux, les infractions à la réglementation sur la pêche ou la chasse, la pollution visuelle et sonore.

Ces affaires seront jugées par les tribunaux judiciaires dans chaque département. Quand plusieurs tribunaux judiciaires existent dans un même département, un tribunal pourra, le cas échéant, être spécialisé pour ce contentieux, comme le permet la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Mais il n’est pas question, pour ces affaires, de saisir une juridiction éloignée.

Pour la protection contre les atteintes graves ou la mise en péril de l’environnement, nous créons une juridiction spécialisée de première instance par ressort de cour d’appel. Ces juridictions pour l’environnement auront vocation à traiter, par exemple, les pollutions d’effluents ou des sols par des activités industrielles, les infractions au régime des installations classées qui dégradent l’environnement, les atteintes aux espèces ou aux espaces protégés, les infractions à la réglementation sur les déchets industriels, etc.

Nous spécialisons dans ce cas-là à la fois les magistrats qui dirigent ces enquêtes et ceux qui jugeront les affaires.

Cela permettra de raccourcir le délai de traitement des procédures, qui, actuellement, n’est pas satisfaisant.

Cela permettra aussi de mieux maîtriser la technicité du droit applicable.

Enfin, dernier étage, pour les accidents industriels causant des victimes multiples ou pour les risques technologiques majeurs – je pense ici aux activités nucléaires –, nous maintenons les pôles nationaux environnement et santé publique qui existent aujourd’hui et qui sont basés à Paris et à Marseille. Ils sont compétents à eux deux sur l’ensemble du territoire national.

Typiquement, une affaire comme celle de Lubrizol restera de la compétence de l’un de ces pôles.

Quelle que soit la juridiction de première instance saisie, les affaires seront évidemment jugées en appel par la cour d’appel territorialement compétente.

Nous apportons également avec ce texte des réponses judiciaires rénovées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de cette nouvelle organisation judiciaire que je viens de vous présenter, il est indispensable, me semble-t-il, de relever le niveau des réponses judiciaires. Si vous l’acceptez, nous allons donc créer une nouvelle réponse judiciaire plus rapide, ciblant la réparation du préjudice occasionné et responsabilisant les entreprises : il s’agit de la convention judiciaire écologique.

Il n’est plus acceptable qu’il soit économiquement rentable pour une entreprise de causer un préjudice écologique ou de s’affranchir des règles qui permettent de préserver notre santé et notre cadre de vie.

Le dispositif de la convention judiciaire écologique est inspiré de la convention judiciaire d’intérêt public, qui est déjà utilisée dans la lutte contre la corruption et la fraude.

Face aux risques encourus par l’entreprise d’une procédure judiciaire longue entraînant la mise en cause des dirigeants et une grave détérioration de son image, la démarche consiste à instaurer une procédure coopérative efficace entre la personne morale et l’autorité judiciaire. Elle permettra, sous le contrôle du juge, la réparation du préjudice en complément du versement d’une amende.

Cette réponse est particulièrement adaptée aux atteintes portées à l’environnement, car elle permet de mettre rapidement en place des mesures de réparation environnementale ou/et un programme de mise en conformité.

Elle est également intéressante en ce qu’il s’agit de responsabiliser les entreprises et de les mobiliser sur l’importance des enjeux écologiques, et non de rechercher seulement la responsabilité pénale des dirigeants.

Nous souhaitons également développer les peines de travaux d’intérêt général (TIG) en matière d’environnement et de développement durable pour les particuliers qui commettent des petites infractions portant atteinte à l’environnement. C’est ce que nous appelons les « TIG verts ». J’ai demandé au directeur de l’Agence du travail d’intérêt général d’en faire l’un de ses axes de développement, en liaison avec les associations, les collectivités locales et les départements.

Ces dispositions découlent de la loi de réforme pour la justice. Je souhaitais les évoquer, car elles permettent de dresser un panorama complet de la réponse pénale qui peut être apportée aux délits environnementaux.

Je me réjouis, là encore, que M. le rapporteur et la commission des lois aient accepté ces dispositions. À cet égard, je remercie Philippe Bonnecarrère de les avoir améliorées, s’agissant notamment de leur application dans les territoires d’outre-mer.

Le titre III du projet de loi comporte plusieurs dispositions diverses, essentiellement en matière pénale. Celles-ci ont notamment pour objet de compléter certaines dispositions de simplification de la procédure pénale, qui résultaient de la loi du 23 mars 2019.

À la suite d’une décision récente de la Cour de cassation, le texte détermine les conditions dans lesquelles, durant des enquêtes préliminaires, les officiers de police judiciaire (OPJ) et les agents de police judiciaire (APJ) peuvent, en vertu d’une autorisation générale du parquet, faire procéder à des examens médicaux et psychologiques. Il permet aux OPJ de faire procéder, sans autorisation du parquet, à des comparaisons d’empreintes ou de traces génétiques ou digitales.

Les modifications proposées tirent également les conséquences de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) récentes du Conseil constitutionnel. Le code de procédure pénale est tout d’abord modifié pour permettre aux jurés d’assises d’être pleinement éclairés sur l’existence et le fonctionnement de la période de sûreté, dans le cas où ce dispositif serait attaché de plein droit à la peine prononcée par la cour. Ce même code est ensuite modifié pour permettre aux prévenus placés en détention provisoire en matière criminelle depuis plus de six mois de s’opposer à ce que les audiences devant la chambre de l’instruction se tiennent par visioconférence, de sorte qu’ils puissent, le cas échéant, comparaître physiquement.

Le titre III tend ensuite à instituer, au sein du code des transports, une nouvelle peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transports publics. Elle pourra être prononcée contre les personnes ayant commis des infractions graves ou répétées dans les transports en commun. Il s’agit de la reprise d’une disposition censurée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier dans la loi d’orientation des mobilités.

Je me félicite également de ce que ces dispositions aient reçu l’accord de M. le rapporteur et de la commission, qui ont apporté des améliorations et des compléments, auxquels le Gouvernement a donné son accord.

Enfin, le projet de loi comportait une habilitation à mettre en place, par ordonnance, un dispositif de péréquation et d’aide à l’installation sur l’ensemble du territoire pour les professions de notaire, d’une part, d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, d’autre part.

Il s’agissait de pérenniser et de généraliser les dispositifs de péréquation déjà mis en place par ces deux professions, en redéfinissant les missions du fonds interprofessionnel d’accès au droit et à la justice, pour atteindre l’objectif de péréquation et d’aide à l’installation des professionnels fixé par la loi du 6 août 2015.

La commission a décidé de substituer à cette habilitation un mécanisme qui conforte les dispositifs existants au sein de chacune de ces deux professions, tout en assurant un droit de regard des pouvoirs publics sur ceux-ci. L’amendement adopté vise ainsi expressément à attribuer au Conseil supérieur du notariat et à la Chambre nationale des commissaires de justice la faculté de percevoir des contributions volontaires obligatoires pour financer les aides à l’installation ou au maintien des professionnels. L’objectif initial du recentrage du dispositif de péréquation et d’aide à l’installation sur ces professions est ainsi préservé, et l’objectif de la loi de 2015, respecté.

Les conséquences sur le périmètre du fonds interprofessionnel d’accès au droit et à la justice pourront être précisées dans le cadre de la navette parlementaire, en concertation avec les professionnels concernés.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de son apparence technique, ce projet de loi présente une importance politique particulièrement significative en ce qu’il permet à la France de se conformer à un engagement européen qu’elle a porté avec force et conviction ces dernières années, à savoir la création du Parquet européen.

Par ailleurs, ce texte permettra d’améliorer singulièrement le fonctionnement de notre justice pénale pour le traitement des contentieux spécialisés les plus complexes, que j’ai évoqués devant vous, particulièrement en matière d’atteintes à l’environnement, ce qui constitue un point extrêmement important.

Je vous demande ainsi de bien vouloir adopter ce texte, en étant persuadée qu’il recueillera auprès de vous une très large adhésion. (MM. Thani Mohamed Soilihi et Joël Labbé applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui vous est présenté est relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.

S’agissant de la constitution du Parquet européen, disons-le d’emblée, les dispositions proposées sont prometteuses. La capacité de transcrire dans notre droit, dans notre institution judiciaire, qui plus est dans un domaine régalien, un mécanisme très original constitue par ailleurs une bonne surprise.

En effet, depuis plus de dix ans, il y a une aspiration à la constitution d’un Parquet européen et à une coordination entre pays, dans la mesure où nombre d’infractions sont transfrontalières. Si l’Europe est un marché unique, elle constitue également un système juridique porteur de valeurs. En bref, c’est un État de droit.

Ainsi, l’émergence – laborieuse – de ce Parquet européen, dont Mme la garde des sceaux a rappelé les débuts, correspond à une vraie attente de la société, qui marque une étape de la construction européenne. C’est une étape prometteuse, puisque les infractions retenues sont celles qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, qu’il s’agisse de corruption, d’une mauvaise utilisation des subventions publiques ou de fraude à la TVA.

La commission des finances connaît les enjeux. Avec toutes les réserves de rigueur, on évoque traditionnellement un montant de 50 milliards d’euros de fraude au niveau des différents budgets européens. Le Parquet européen sera compétent pour des fraudes d’un montant égal ou supérieur à 10 millions d’euros et concernant au moins deux pays.

Il n’y a pas création d’une magistrature européenne. Chacun des 22 pays – ce sujet a été traité dans le cadre d’une coopération renforcée – désignera un représentant ; la collégialité fixera les règles du jeu.

Ce texte, qui résulte de la transcription d’une directive européenne, constitue une bonne surprise. Si l’entreprise paraissait complexe, le système proposé, qui se fonde sur la désignation de deux procureurs délégués européens, est réussi. En année pleine, le nombre de dossiers traités par notre pays devrait être de l’ordre de 60 à 100, soit de 30 à 50 dossiers par magistrat, ce qui est raisonnable.

Ces magistrats seront donc français et relèveront de la souveraineté nationale. Il existait en effet un désaccord sur ce point : les dossiers dépendraient-ils du niveau européen ou français ? Le procureur général près la Cour de cassation tranchera, et les deux procureurs enquêteront à partir des moyens d’enquêteurs français. Si des mesures devaient être prises à l’égard du prévenu – je pense à la détention provisoire ou à d’autres mesures privatives de liberté –, c’est un juge des libertés et de la détention français qui examinera les choses, avec l’exercice d’une voie de recours devant la chambre d’instruction de Paris. Enfin, la juridiction française, ou plus exactement parisienne, traitera les dossiers, en application de notre droit.

Ainsi, le parquetier commencera son travail d’enquête en tant que procureur et le poursuivra, si des actes techniques plus précis sont nécessaires, en qualité de juge d’instruction, d’où le statut hybride, évoqué par Mme la garde des sceaux, de ce magistrat. Dans la mesure où des instructions sont données par le Parquet européen, notre système traditionnel du juge d’instruction n’était pas compatible, ce qui a justifié, en la matière, la mise en place d’une telle solution.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a formulé deux propositions : il s’agit, d’une part, de préciser le moment où le parquetier devient juge d’instruction – si vous me permettez cette simplification –, et, d’autre part, de protéger les droits de la défense, en prévoyant notamment l’assistance par acte d’avocat.

Ce premier volet, appréciable, a donc été bien traité.

Le second volet concerne les juridictions pénales dites spécialisées. J’évoquerai rapidement les arbitrages entre juridictions. Un système assez simple a été proposé par le procureur général François Molins : il donne la priorité à la juridiction spécialisée sur celle de droit commun et à la juridiction de niveau national sur celle qui exerce à l’échelon territorial. Cette position n’a fait l’objet d’aucune difficulté, qu’il s’agisse des syndicats de magistrats ou des avocats.

Il en est de même pour ce qui concerne les précisions apportées concernant la compétence du parquet national antiterroriste (PNAT), en particulier les atteintes graves aux intérêts de la Nation, à savoir les affaires d’espionnage.

Quant au parquet national financier (PNF), il voit sa compétence élargie aux infractions, auparavant souvent connexes, en matière d’entente ou d’abus de position dominante.

J’en viens au droit de l’environnement.

Même si certains collègues souhaiteront transformer le débat en une sorte de réforme du droit de l’environnement, le texte n’a pas cette ambition. Il intervient sur deux cadres.

Tout d’abord, il s’agit de dédier, au niveau de chaque cour d’appel, des juridictions au domaine de l’environnement. Disons-le franchement, ce n’est pas une mesure révolutionnaire. En effet, il s’agit non pas de créer des tribunaux spécifiques en matière d’environnement, mais de constituer, dans chaque cour d’appel, un tribunal dit judiciaire. Dans la mesure où ce type de tribunal traitera un plus grand nombre de dossiers, il développera sans doute une plus grande connaissance de ces matières, ce qui nous assurera une plus grande sécurité. À mes yeux, c’est une mesure essentiellement pédagogique prise en direction du monde judiciaire, qui souligne les attentes en matière d’environnement.

Ensuite, la modification principale introduite par le texte réside dans l’ouverture au droit de l’environnement des conventions judiciaires dites d’intérêt public. Celles-ci ont été créées dans notre droit fiscal par la loi Sapin II pour lutter contre la corruption et ont connu une belle prospérité. C’est la raison pour laquelle je me permets de conseiller à nos collègues socialistes de ne pas y être forcément défavorables. C’est un outil ultra-puissant, puisqu’une entreprise peut se voir imposer, pour des atteintes à l’environnement, des mesures de réparation pouvant aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires. Il s’agit d’une procédure rapide, donnant lieu à une publication sur l’aspect local.

Dernier élément, ces dispositifs, issus du droit anglo-saxon, possèdent une efficacité, notamment en matière de corruption, qui fait défaut aux mesures de justice habituelles.

Dans la dernière affaire concernant Airbus, ils ont été très utiles à notre pays. Ils intègrent des programmes dits de mise en conformité ou de monitoring. Ainsi, plutôt que d’exclure une entreprise d’un marché public, ce qui fait peser des risques sur l’emploi, il s’agit de se doter des moyens d’aller dans l’entreprise et de voir les politiques de sécurité et de formation mises en œuvre. Même si nous avons adopté quelques amendements de précision en la matière, un tel dispositif nous paraît tout à fait adapté.

Pour finir, j’évoquerai trois éléments relevant de l’article 77-1 du code de procédure pénale. Les parquets sont habitués à faire des réquisitions générales, et les OPJ appliquent leur « petit manuel ». Si des violences sont commises en matière sexuelle, ils réquisitionnent un médecin. Si quelqu’un est victime d’un vol au moment d’une opération de retrait bancaire, ils regardent les enregistrements de vidéosurveillance. C’est ce que nous prévoyons en acceptant des réquisitions générales, sous réserve qu’une information soit immédiatement donnée au procureur de la République pour qu’il puisse poursuivre son enquête.

Au moment de l’examen des amendements, j’évoquerai plus longuement la peine complémentaire d’interdiction d’accès aux transports publics. Si, intellectuellement, elle peut sembler curieuse dans sa structuration, nous verrons qu’elle correspond à des problèmes pratiques réels. Par ailleurs, les garanties prévues en termes de libertés me paraissent la rendre acceptable.

Enfin, le sujet des huissiers de justice et des notaires constituant presque un sujet à part, je vous présenterai au cours de l’examen des amendements l’arbitrage ou les efforts de conciliation qui ont été les nôtres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la fraude contre les intérêts financiers de l’Union européenne est aujourd’hui largement répandue.

Entre le détournement de fonds européens, la fraude à la TVA, la corruption ou encore le blanchiment d’argent, ce sont, chaque année, plusieurs dizaines de milliards d’euros qui échappent au budget de l’Union européenne et de ses États membres.

Cela a notamment pour conséquence de mettre en péril leur capacité à lever de l’argent et à mettre en œuvre leurs politiques économiques et sociales, ainsi que la confiance des entreprises et des citoyens européens dans leurs institutions.

À titre d’exemple, selon une étude publiée en septembre 2019, la Commission européenne estime à 137 milliards d’euros les pertes de recettes de TVA en 2017. La fraude en serait la principale explication.

Quant à la fraude aux fonds européens, le rapport de notre collègue Patrice Joly, rendu en juillet dernier, faisait état d’un manque à gagner de plus de 390 millions d’euros pour l’Union européenne.

Il faut rappeler que ces statistiques sont à nuancer. Tout d’abord, ces opérations sont par nature difficiles à évaluer ; ensuite, parce que fondées sur les signalements effectués par les États membres, elles sont bien souvent le reflet de leur volonté ou de leur capacité à détecter la fraude.

En raison du préjudice évident pour l’Union européenne, il était indispensable de mettre en place un effort de répression concerté et conjoint, afin de garantir une protection effective de ses intérêts financiers.

C’est la raison pour laquelle, sur le fondement de l’article 86 du traité de Lisbonne et sous l’impulsion de notre pays et de l’Allemagne, 22 pays de l’Union européenne ont signé, le 12 octobre 2017, le règlement mettant en œuvre une coopération renforcée et instituant un Parquet européen.

Cette nouvelle autorité judiciaire viendra compléter l’arsenal constitué de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), d’Eurojust, d’Europol et des parquets nationaux.

L’ordonnance relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal constituait une première étape vers ce renforcement de la lutte contre la fraude au niveau européen.

Ce mouvement est aujourd’hui poursuivi par la mise en place du futur Parquet européen, qui siégera à Luxembourg fin 2020 et sera compétent pour enquêter sur et poursuivre les infractions pénales portant atteinte au budget de l’Union européenne.

Le présent texte prévoit d’adapter les procédures et l’organisation judiciaires à la création de cette nouvelle autorité judicaire, afin d’éviter les problèmes de concurrence de compétences avec d’autres juridictions nationales spécialisées, notamment le parquet national financier.

Il dote les deux procureurs européens délégués, agissant au niveau déconcentré, de pouvoirs importants.

L’intégralité des prérogatives des magistrats du parquet leur sont confiées, leur indépendance étant garantie.

La conduite de leurs investigations devant les juridictions françaises est encadrée, avec la création d’un nouveau régime d’enquête leur permettant de solliciter l’autorisation de prendre certaines mesures de sûreté ou portant atteinte à la vie privée auprès du JLD.

Par ailleurs, le procureur européen délégué pourra ordonner des placements sous contrôle judiciaire, soumis au recours du JLD, puis, le cas échéant, à celui de la chambre de l’instruction.

En vue de faire face aux nouveaux types de délits, le projet de loi comporte également des dispositions traitant de la justice pénale spécialisée, qui tantôt renforcent les compétences de ces juridictions – c’est le cas pour celles qui sont spécialisées dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité et la délinquance organisées, la délinquance économique et financière –, tantôt créent de nouvelles juridictions spécialisées au sein de chaque cour d’appel – ainsi des nouveaux pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes graves à l’environnement.

Le projet de loi prévoit, pour ce dernier contentieux, une réponse pénale adaptée, en permettant au procureur de la République de conclure, sur le modèle de la transaction pénale et tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, une convention judiciaire environnementale avec une personne morale mise en cause, convention qui imposerait à cette dernière de verser une amende au Trésor public.

Dans tous ces domaines, en cas de concurrence de compétences et tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, la priorité sera accordée au parquet bénéficiant d’une compétence spécialisée.

Le groupe La République En Marche soutient avec force les efforts déployés collectivement pour lutter avec détermination contre la fraude et la corruption au sein de l’Union européenne. Nous saluons également la volonté du Gouvernement de faire en sorte que la justice soit rendue plus rapidement, par des magistrats spécialisés, et nous félicitons de ce qu’un effort particulier ait été réalisé pour renforcer l’efficacité de la réponse pénale en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement.

C’est pourquoi – vous vous en doutez, mes chers collègues – nous voterons en faveur de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi est porteur, selon nous, d’au moins deux projets de loi importants : l’un sur le Parquet européen, l’autre sur la justice environnementale.

Mais ce n’est pas tout. Vous l’avez dit : d’autres sujets viennent s’agréger à ces deux volets principaux, sans aucune autre cohérence que celle qui consiste à corriger de précédentes lois, l’enjeu étant essentiellement de prendre acte de décisions QPC du Conseil constitutionnel, mais aussi de rectifier des erreurs.

Tout cela est fait, de surcroît, à grand renfort d’ordonnances – vous savez ce que nous en pensons – et de procédure accélérée, afin de traiter en un temps record des sujets aussi techniques que disparates.

J’en viens au fond du projet.

Premièrement, concernant le Parquet européen, sa mise en place est l’aboutissement de longues négociations, de près de dix ans, entre l’Union et ses États membres. Le projet originel de Parquet européen « très intégré » avait fait l’objet de vives critiques, en particulier du Sénat français, qui avait été à l’initiative d’un « carton jaune » adressé à la Commission européenne – 13 autres assemblées parlementaires nationales lui avaient emboîté le pas. Ainsi contrainte de revoir sa « copie », la Commission européenne avait alors abouti au projet qui a donné lieu à la création de l’actuel Parquet européen, de forme collégiale et s’appuyant sur des délégués nationaux dans chaque État membre.

Pour notre part, nous y sommes plutôt favorables. Si le nombre d’affaires dont se saisira, ou dont sera saisi, le Parquet européen semble assez limité – les procédures concernées seront, en France, au nombre de 60 à 100, selon l’étude d’impact –, il s’agira d’affaires aux enjeux financiers importants, pour lesquelles le cadre européen est légitime, l’Union et ses États membres étant parfois confrontés à des affaires complexes de fraude aux fonds structurels ou de fraude de grande ampleur à la TVA transfrontalière. Vous connaissez, madame la ministre, nos combats sur tous ces sujets.

Cependant, la création de ce parquet ne va pas sans soulever, à nos yeux, quelques questions.

Qu’en est-il, d’abord, de la garantie d’indépendance promise aux parquetiers européens ? Le procureur mènera seul l’intégralité des investigations en matière d’atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, et exercera les poursuites devant le tribunal judiciaire de Paris. « Si son indépendance est reconnue par le règlement, elle risque pourtant de rester une chimère si elle n’est pas entourée de garanties », estime le Syndicat de la magistrature. Or le projet reste muet sur les conditions de cette indépendance, le Gouvernement expliquant avoir fait le choix d’une mise à disposition du magistrat français souhaitant exercer ces fonctions.

Aussi la cohérence entre le statut de ce Parquet européen, en situation de détachement, et celle du parquet français actuel pose-t-elle question. La création du Parquet européen aurait pu être l’occasion d’envisager une réforme en profondeur du statut des magistrats du parquet, réforme que nous demandons depuis longtemps.

À cet égard, madame la garde des sceaux, qu’en est-il du projet de réforme tant attendu sur le sujet ?

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Par ailleurs, le procureur européen délégué pourra, à son appréciation, mener l’enquête selon les règles applicables à l’enquête parquet ou selon les règles applicables à l’instruction, en se passant du juge d’instruction. Cela pose aussi question, d’autant que les compétences du parquet, pour l’instant limitées aux affaires financières, pourront ou pourraient par la suite être étendues, notamment en matière d’antiterrorisme.

Nous serons vigilants sur ce point, sachant en outre que cette extension de l’arsenal judiciaire de l’Union européenne ne peut être pensée tout à fait indépendamment du reste de la politique européenne – je pense notamment à la politique sécuritaire de l’Union. De ce point de vue, nous gardons à l’esprit le modèle qui a présidé à la construction de l’espace européen sur la base du contrôle aux frontières et d’une fermeture aux extracommunautaires, modèle d’ailleurs largement inefficace pour enrayer la criminalité transfrontalière, qu’il s’agisse de terrorisme, de trafic de drogue ou d’immigration clandestine.

J’en viens au volet environnemental du projet.

Afin de remédier à la grande faiblesse du contentieux environnemental, l’article 8 institue une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale, qui concernera les personnes morales.

Désengorger les tribunaux par le recours à la justice « transactionnelle », d’inspiration américaine, ne nous laisse présager rien qui vaille : sans la tenue d’un procès en bonne et due forme et avec des droits de la défense inexistants, ces conventions ne permettront pas une reconnaissance explicite de la culpabilité de l’auteur du délit.

Aussi, il y a fort à parier que les entreprises fautives se tireront d’affaire à moindres frais et sans trop écorner leur réputation. Nous proposerons, à titre de solution de repli et pour remédier à ce problème, d’aménager le dispositif de cette convention.

Pour notre part, nous considérons qu’il est urgent de donner davantage de crédit à la justice environnementale et, surtout, d’accorder de vrais moyens aux polices de l’environnement. Or les moyens des agences de l’État, que ce soit l’Agence française pour la biodiversité ou l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), connaissent tous une rétraction.

Pour ce qui est des nouveaux pôles régionaux spécialisés, l’idée est non pas du tout de créer une justice spécialisée, mais simplement de nommer des référents sur les contentieux « environnement » au sein des juridictions existantes. L’étude d’impact du projet de loi précise bien que cette mesure est « à moyens budgétaires constants ».

Si, en vertu de la dimension « pédagogique », soulignée en commission par M. le rapporteur, nous pouvons partager l’avis de Greenpeace, qui considère que « ces juridictions spécialisées permettraient aux magistrats d’être plus à l’aise avec les dossiers environnementaux », nous ne pouvons cependant que regretter l’insuffisance, voire l’inutilité – des juridictions spécialisées, en effet, existent déjà –, des dispositifs proposés par le Gouvernement pour répondre à cette question essentielle pour les décennies à venir.

Enfin, toutes les dispositions « annexes » nous semblent inquiétantes, bien que peu surprenantes, car dans la droite ligne de la politique que vous avez portée en matière d’organisation judiciaire par le biais de votre loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : moins de collégialité dans la mise en œuvre de techniques spéciales d’enquête ; plus de pouvoir, de manière générale, conféré aux OPJ ; recours accru à la visioconférence ; instrumentalisation de notre code pénal à des fins d’affichage, avec la création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports.

Mais nous reviendrons sur tout cela au cours du débat.

En définitive, madame la ministre, alors que nous aurions pu voter en faveur du volet relatif au Parquet européen, le volet environnemental apparaît, lui, bien en deçà des attentes, et – je viens de le dire – certaines mesures du titre III nous semblent difficilement acceptables.

Nous nous abstiendrons donc sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. François Bonhomme. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, les règles de notre procédure pénale ont été adaptées afin de mieux régler certains contentieux pénaux spécifiques dont, en raison de leur nature ou de leur gravité, le traitement justifiait des procédures particulières faisant intervenir des magistrats ou des juridictions spécialisés.

Cette spécialisation fut engagée en 1986 en matière de lutte contre le terrorisme, cette lutte justifiant de donner une compétence nationale spécialisée aux juridictions parisiennes, puis poursuivie par la création de nombreuses autres compétences spécialisées, au niveau national ou interrégional, notamment en matière économique et financière, de délinquance et de criminalité organisées, de santé publique ou de crime contre l’humanité.

Cette exigence de spécialisation a plus récemment conduit à la création du parquet national financier par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, puis du parquet national antiterroriste par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Cette exigence de spécialisation a également conduit à l’adoption du règlement européen du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, afin d’améliorer la lutte contre les infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.

Les principaux objectifs du projet de loi que nous examinons cet après-midi sont ainsi d’adapter notre législation à la création du Parquet européen et de poursuivre l’amélioration des dispositifs actuels de notre droit national concernant la justice pénale spécialisée.

Ce texte appelle plusieurs remarques.

En premier lieu, la création du Parquet européen s’inscrit dans la perspective de la construction d’un espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Afin de respecter la souveraineté des États en matière judiciaire, son organisation est cependant décentralisée : les procureurs européens délégués, désignés dans chaque État membre, seront chargés de conduire les enquêtes et de représenter le ministère public devant les juridictions de jugement nationales.

Cette organisation décentralisée n’était pas celle qui avait été envisagée par la Commission européenne lorsque celle-ci avait présenté, en 2013, sa proposition initiale de règlement portant création du Parquet européen. Ce projet de la Commission était, à l’origine, très intégré : un procureur unique aurait disposé d’une compétence exclusive pour mener des enquêtes dans toute l’Union européenne.

Ce projet s’est heurté à la ferme opposition de plusieurs États membres.

En effet, pour la première fois, 14 chambres parlementaires nationales, dont le Sénat français, ont mis en œuvre la procédure dite du « carton jaune » – rien à voir avec le football –, estimant que la proposition de la Commission européenne ne respectait pas le principe de subsidiarité.

Après quatre années de négociation, je me réjouis qu’un compromis ait été trouvé autour de quelques principes : compétence partagée avec les autorités nationales ; organisation collégiale ; désignation de délégués nationaux chargés de conduire les enquêtes dans chaque État membre.

Ce compromis n’a toutefois pas convaincu la totalité des États membres de l’Union européenne, ce qui a justifié de recourir à la procédure dite de coopération renforcée. Y participent 22 États, à l’exclusion de l’Irlande et du Danemark, qui bénéficient d’une clause dite d’« opt-out » dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, ainsi que de la Hongrie, de la Pologne et de la Suède, qui ont refusé de s’y joindre.

En deuxième lieu, ce projet de loi, dans son titre II, étend les compétences des parquets nationaux spécialisés, prévoit la création d’un pôle spécialisé dans le contentieux environnemental dans le ressort de chaque cour d’appel, et fixe des règles destinées à régler les conflits de compétences entre juridictions. Ces dispositions ne présentent aucune difficulté.

En troisième et dernier lieu, ce projet de loi comporte des mesures d’adaptation du code de procédure pénale à diverses décisions rendues par le Conseil constitutionnel ou par la Cour de cassation.

Il contient aussi deux mesures de fond : la création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport public et une demande d’habilitation du Gouvernement à définir par ordonnance les modalités de financement d’un fonds destiné à favoriser une présence équilibrée sur le territoire des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.

Je me félicite de ce que, par ses travaux, la commission ait apporté quelques modifications au projet de loi sans remettre en cause ses équilibres.

Elle a notamment tenu à préciser les règles applicables aux procureurs européens délégués.

Elle a également complété les dispositions relatives à l’interdiction de paraître dans les transports publics, pour rendre cette mesure opérationnelle.

Elle a en outre supprimé la demande d’habilitation que je viens d’évoquer, afin d’autoriser directement les ordres professionnels des commissaires de justice et des notaires à percevoir, auprès de leurs membres, des contributions destinées à financer des aides à l’installation ou au maintien des professionnels.

À cet égard, je tiens à saluer la qualité des travaux du rapporteur, notre collègue Philippe Bonnecarrère.

Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants porte un regard positif sur ce texte, d’autant que la structure du Parquet européen, dans sa conception actuelle, est une victoire du Sénat français !

Il votera donc ce projet de loi à l’unanimité. (MM. Claude Malhuret, Hervé Maurey, Thani Mohamed Soilihi et Vincent Segouin applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 17 juillet 2013, la Commission européenne a déposé une proposition de règlement afin de créer un Parquet européen, avec l’intention de « combler les lacunes du système répressif actuel, qui repose exclusivement sur les efforts nationaux, et d’assurer une plus grande cohérence et une meilleure coordination de ces efforts ».

Or, en la matière, il y a bel et bien urgence à agir. Je rappelle que, entre 2010 et 2017, l’Office européen de lutte antifraude a recommandé le recouvrement de plus de 6,6 milliards d’euros pour le budget de l’Union européenne. Il a par ailleurs présenté plus de 2 300 recommandations concernant des mesures judiciaires, financières, disciplinaires et administratives que devraient prendre les autorités compétentes des États membres et de l’Union européenne.

Je rappelle également que l’Office européen de lutte antifraude ne dispose d’aucun pouvoir de sanction.

La Commission européenne estime quant à elle que la fraude à la TVA pourrait, à elle seule, représenter près de 50 milliards d’euros de pertes par an pour les budgets des États membres de l’Union européenne.

Il n’est pas inutile de rappeler aussi que ce projet de règlement a d’abord été rejeté par de nombreux États membres, dont la France, puisqu’il s’appuyait sur l’idée de créer un Parquet européen incarné par un procureur unique et disposant d’une compétence exclusive pour enquêter sur et poursuivre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne.

Cette première proposition s’opposait donc directement au principe de subsidiarité.

À l’issue de nombreuses négociations, c’est finalement en ayant recours au mécanisme de la coopération renforcée que les ministres de la justice français et allemand de l’époque ont fait avancer le texte, via l’idée d’une coopération collégiale sous la forme de procureurs délégués.

Le règlement a été définitivement adopté le 12 octobre 2017, et le nouveau Parquet européen reposera sur deux organes distincts : d’une part, le collège, composé d’un chef du Parquet européen et de procureurs européens ; d’autre part, des chambres permanentes, mises en place par le collège, qui superviseront et dirigeront les enquêtes en décidant notamment des classements sans suite, des procédures de poursuites simplifiées ou des renvois des affaires devant les juridictions nationales.

L’un des enjeux principaux est donc de donner au procureur délégué des compétences qui relèvent en France du seul juge d’instruction.

Le projet de loi donne compétence au procureur européen délégué pour recourir à des actes qui relèvent normalement du juge d’instruction. Il pourra placer la personne mise en cause sous contrôle judiciaire mais ne pourra pas prendre seul des mesures attentatoires aux libertés comme l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou le placement en détention provisoire.

Seul le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur européen délégué, sera compétent pour autoriser ces mesures – cela a été dit.

Enfin, l’ensemble des affaires seront jugées par les juridictions parisiennes, à savoir le tribunal judiciaire et la cour d’appel.

Comme le souligne notre collègue Philippe Bonnecarrère, que je salue, dans son rapport, ce mécanisme équilibré, favorablement accueilli par notre commission des lois, ne peut que satisfaire l’ensemble de nos concitoyens.

Le Parquet européen a également le mérite de rassembler l’ensemble des services de l’Union européenne, que ce soit l’Office européen de lutte antifraude ou l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs.

En effet, Europol pourra être amené à fournir toute information pertinente au sujet des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, et à apporter une aide à l’analyse dans le cadre d’une enquête.

Je note également que ce projet de loi permettra de mieux traiter les infractions environnementales, madame Assassi, puisque trois quarts des procédures aboutissent à des alternatives aux poursuites.

D’ailleurs, la durée des procédures a un impact direct sur les sanctions prononcées, qui n’apparaissent pas toujours dissuasives et à la hauteur des enjeux environnementaux. Selon l’étude d’impact, sur 1 993 personnes physiques condamnées en 2018, seules 27 ont écopé de prison ferme et 954 se sont vu infliger des amendes fermes d’un montant de 1 464 euros en moyenne. Sur 139 personnes morales condamnées en 2017, il n’y a eu que 60 amendes fermes.

Le Parquet européen permet donc de renforcer la construction d’une justice européenne qui permettra à l’Union de se défendre efficacement contre les atteintes à ses propres intérêts.

Selon l’étude d’impact, le Parquet européen devrait récupérer entre 60 et 100 dossiers français par an.

Je salue également le souhait du Gouvernement de faire figurer dans ce projet une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports publics.

En effet, cette disposition de la loi d’orientation des mobilités (LOM) avait été censurée par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Cette mesure attendue permettra de lutter contre les affaires de vol à la tire ou d’attouchements sexuels commis dans les transports en commun. On ne peut tolérer que, dans une ville touristique comme Paris, le nombre de vols à la tire ait progressé de 40 % entre 2018 et 2019. Pas moins de 31 000 infractions de ce type ont été recensées dans le métro parisien. Chacun sait qu’elles sont le plus souvent commises par des multirécidivistes dont le visage est parfaitement connu des forces de l’ordre sur le terrain, ainsi que du personnel de la RATP. Celui-ci joue d’ailleurs un rôle extraordinaire de prévention, que je salue, en alertant régulièrement les passagers.

C’est donc avec un œil bienveillant que nous examinerons ce projet de loi qui répond à de nombreuses attentes et qu’il est désormais urgent de mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE. – Mme Claudine Kauffmann et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Jacques Bigot. Madame la ministre, on ne peut que déplorer une certaine négation du rôle du Parlement dans la manière dont, très précipitamment, nous avons été saisis de ce texte. Il a été examiné en conseil des ministres le 29 janvier dernier et il est discuté en séance au Sénat le 25 février ! Je félicite le rapporteur d’avoir pu, pendant ce laps de temps très bref, organiser les auditions. Elles ont d’ailleurs eu lieu, pour l’essentiel, dans une période de suspension traditionnelle du Sénat.

Ce n’eût été que pour évoquer le Parquet européen, cela aurait été compréhensible. Le Sénat, comme vous l’avez souligné, a beaucoup travaillé sur le sujet. Or ce texte vise à mettre en œuvre en France ce règlement européen, auquel nous adhérons. Tout cela ne pose guère de difficulté. Nul besoin ici de reprendre les arguments que vous-même, M. le rapporteur et d’autres collègues ont déjà avancés : la mise en œuvre d’un système permettant de poursuivre les atteintes aux intérêts de l’Union paraît bonne.

C’était une attente de la commission. Il est logique que le procureur existe pour envisager des poursuites, mais il n’y a pas d’atteinte à la souveraineté des États.

Deux procureurs délégués pour la France seront désignés. Leur particularité – il faut se mettre dans le système européen – sera d’avoir des pouvoirs de juges d’instruction, sous certaines limites. Vous avez raison de le rappeler, cette disposition n’ouvre aucune perspective similaire en France. En revanche, ce qui nous interpelle une fois de plus, c’est la nécessité constitutionnelle de garantir l’indépendance du parquet en France, point qui nous est régulièrement rappelé, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Jacques Bigot. S’agissant du titre Ier, nous n’avons pas d’observation particulière à faire à ce stade. Ce texte peut donc être adopté. La France étant l’un des acteurs majeurs de la mise en œuvre du Parquet européen, ce projet de loi permettra dès la fin de l’année, au plus tard au début de l’année 2021, à ce parquet de pouvoir se mettre en mouvement.

Toutefois, madame la ministre, vous avez ajouté à ce texte des dispositions qui nous surprennent et auxquelles nous ne pouvons pas adhérer en l’état – je dis bien en l’état. Parlant de l’article 8, vous nous dites qu’il marque votre ambition politique en matière environnementale, et vous félicitez de ce que le rapporteur vous soutienne. Ce dernier était en réalité beaucoup plus nuancé, reconnaissant à juste titre qu’il ne s’agissait pas d’une ambition politique majeure et qu’elle n’avait rien de révolutionnaire !

Il y aura des procureurs et des juges spécialisés dans le ressort de chaque cour d’appel, dans un tribunal désigné. Pourquoi pas ? Mais que feront-ils puisqu’il ressort de la lecture de l’étude d’impact que les magistrats sont saisis de peu d’affaires en matière environnementale ?

Il n’y a pas, mes chers collègues, de poursuites de la part d’un procureur sans enquête ni dossier des agents chargés de l’environnement et de la constatation des délits. C’est vrai, aujourd’hui, devant les juridictions ordinaires de première instance. Ce sera vrai également, demain, devant ces nouvelles juridictions !

Je ne prends qu’un seul exemple : le code de l’urbanisme. Il concerne également les atteintes environnementales. Or il n’y a plus de poursuite, à la demande d’un maire, en cas de non-respect d’un permis de construire, à telle enseigne d’ailleurs que la loi Engagement et proximité prévoit de donner de nouveaux pouvoirs aux maires afin de lutter contre les constructions sauvages.

En matière de dépôt sauvage d’ordures et d’insalubrité générale, il n’y a pas non plus de poursuites, car il y a très peu de constatations, faute de moyens. Permettez-moi donc de douter quand vous nous dites aujourd’hui que ce texte marque votre ambition politique de sanctionner et de prévenir les atteintes à la biodiversité et à l’environnement !

Vous nous proposez un outil nouveau, la convention judiciaire d’intérêt public, qui s’appliquera en matière d’écologie, soulignant que cela permettra de mieux responsabiliser les entreprises, de réparer le préjudice et d’éviter une procédure lourde. Il s’agit surtout d’éviter une procédure lourde ! Nous savons tous que, lorsqu’on poursuit une entreprise pour des atteintes à l’environnement, il est essentiel d’avoir un dossier fourni, étayé par des constats ne pouvant être contestés par les avocats. Finalement, cela arrangera bien le parquet de pouvoir trouver un accord, un « deal », en quelque sorte, si l’entreprise accepte de reconnaître l’infraction…

Pour quelle raison avons-nous accepté une convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale ? Parce qu’il s’agit de permettre à l’État de récupérer de l’argent qui ne lui a pas été donné. Là, il s’agit d’atteinte à la biodiversité et à l’environnement. Quelle sera la réparation ? De quelle manière le procureur pourra-t-il l’apprécier ?

Tout cela nous fait dire que ce texte n’est pas abouti. Nous n’y sommes pas opposés, madame la garde des sceaux, mais nous souhaiterions pouvoir vous auditionner sur l’article 8, ainsi que la ministre de la transition écologique et solidaire. Il importe que notre rapporteur puisse travailler davantage sur cette question afin d’identifier les manques dans l’organisation actuelle.

Voilà pourquoi nous présenterons à l’article 8 une motion de renvoi à la commission. Nous partageons votre ambition politique, mais nous voulons effectivement aller au fond des choses.

En dehors des atteintes à l’environnement, nous proposerons quelques amendements sur des délits ou des infractions qui pourraient retenir votre attention dans ce domaine.

Nous avons également déposé un amendement sur le crime d’acte sexuel sur mineur parce qu’il est au cœur de l’actualité. Dans la mesure où ce texte comprend des dispositions diverses, pourquoi ne pas en prendre aussi une à cet égard ?

En ce qui concerne toujours le registre des dispositions diverses, madame la garde des sceaux, vous avez prévu un article 12 pour répondre au souci, tout à fait légitime, d’assurer l’accès au droit dans tous les territoires de l’État. C’était d’ailleurs une des préoccupations du Président de la République, Emmanuel Macron, lorsqu’il était ministre de l’économie. Vous nous faites une proposition sur l’accès au droit. Nous avons pensé que vous pourriez, en tant que garde des sceaux, être sensible à la question de l’accès au droit et à la justice.

Pour l’accès au droit et à la justice, il existe des professionnels, auxiliaires de justice, qui sont les avocats. Le 17 octobre 2018, dans cette enceinte, parlant de la réforme de la justice, vous nous aviez dit – M. le président Bas s’en souviendra –, alors que nous abordions avec vous la question de la commission d’office, de l’aide juridictionnelle et des moyens donnés aux avocats pour assurer correctement leurs missions, qui vont être amplifiées, notamment par le code de justice pénale des mineurs : « je vais rencontrer la profession et nous en reparlerons en mai ou juin 2019 ». Depuis, rien : la profession affirme qu’elle n’a eu aucun entretien !

M. Jacques Bigot. Nous vous demandons donc une chose toute simple, madame la garde des sceaux, à savoir de ne pas mettre fin au régime autonome des retraites des avocats tant que l’État n’aura pas réglé le problème de la juste rémunération desdits avocats en matière de commission d’office et d’aide juridictionnelle ! C’est d’ailleurs ce que vous demande en partie le Conseil national des barreaux (CNB).

Nous vous proposons donc, à l’occasion de ce texte, de vous exprimer en tant que garde des sceaux, garant du bon fonctionnement de la justice. Vous savez qu’à l’heure actuelle la justice ne fonctionne pas bien à tous égards.

De ce point de vue, il serait peut-être utile, au-delà de la solidarité gouvernementale sur la réforme des retraites, de permettre aux auxiliaires de justice de survivre !

Le précédent président du CNB nous disait que les avocats gagnent bien leur vie quand ils font du droit des affaires et du conseil. Le jour où il n’y aura plus d’avocats prêts à assurer les commissions d’office et l’aide juridictionnelle, la justice ne fonctionnera plus. D’autres que moi vous l’ont dit. Nous aurons, à la fin de ce texte, l’occasion d’examiner votre position sur notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. André Reichardt. C’est futé !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui comporte des dispositions très variées, plus ou moins attendues par nos concitoyens.

L’adaptation de notre système judiciaire à l’instauration d’un Parquet européen, en particulier à l’installation de procureurs délégués dans chaque État membre, vient clore un long processus de négociations européennes. Le groupe du RDSE ne peut que saluer la mise en œuvre d’une nouvelle coopération renforcée au sein de l’Union européenne. Cela devrait permettre d’accroître la lutte contre les fraudes portant préjudice aux intérêts financiers de l’Union, et donc des citoyens européens.

Certains considèrent que cette réforme pose une nouvelle fois la question de l’avenir de la procédure pénale en France et des places respectives du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ainsi que du juge d’instruction dans cette procédure.

Je laisserai aux juristes de cet hémicycle – ils sont nombreux – le soin d’expliquer pourquoi ces évolutions nécessitent de mener à bout l’indépendance du parquet.

Bien qu’elles concernent la qualité de la justice rendue et l’autorité de la loi, il n’est pas certain que ces questions fassent partie des préoccupations premières de nos concitoyens.

Au contraire, d’autres mesures du texte touchent plus directement à leurs préoccupations contemporaines. Je pense à la multiplication des juridictions spécialisées, souvent localisées à Paris, qui semble s’inscrire à contre-courant du grand besoin d’accessibilité aux services publics. Les quelques amendements que nous avons déposés pour délocaliser certains de ces magistrats dans des ressorts provinciaux visent à ouvrir le débat.

Je pense également aux attentes en matière de protection de l’environnement, qui sont elles aussi de plus en plus partagées au sein de notre société, ne serait-ce que lorsqu’elles sont nécessaires pour préserver la santé publique. La décision du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2019 ayant reconnu une faute de l’État à raison des insuffisances du plan de protection de l’atmosphère de l’agglomération lyonnaise répond à la demande de réparation du préjudice d’une mère pour elle et son enfant. De fait, nos concitoyens se tournent de plus en plus vers la justice pour que leur droit à vivre dans un environnement sain soit respecté.

Madame la ministre, je voudrais donc d’abord saluer l’inscription d’un titre consacré à la justice pénale environnementale dans ce texte. J’y vois une réponse à la promesse faite par votre collègue Brune Poirson dans ce même hémicycle il y a un peu moins d’un an, au moment de l’examen de la proposition de loi sur l’écocide. Je crois en effet que la voie pénale ne doit pas être écartée pour prévenir la pollution de notre écosystème.

À cette fin, vous proposez l’instauration de pôles régionalisés spécialisés et le recours à la convention judiciaire d’intérêt public, mais je crains qu’il ne s’agisse d’avancées quelque peu ambivalentes et insuffisantes. En revanche, madame la ministre, je salue votre initiative de rendre prioritaire la création de postes de travaux d’intérêt général environnement et développement durable, que vous appelez « TIG verts », pour l’insertion sociale par des peines utiles à la société. Il y a une vingtaine d’années, lorsque j’étais maire de la commune de Saint-Nolff, c’est avec plaisir que j’ai chaque fois joué le jeu des travaux d’intérêt général. À cette occasion, j’ai pu constater que souvent les plus durs étaient les meilleurs !

Nous avons donc proposé une série d’amendements destinés à explorer d’autres pistes. En matière pénale comme dans les autres champs des politiques publiques, la prise de conscience écologique rebat toutes les cartes. L’éparpillement des infractions visant à sanctionner des atteintes à l’environnement entre quinze codes nuit à leur application.

Les quantums devraient par la même occasion être révisés. Le rapport Une Justice pour lenvironnement, publié tout récemment, souligne que les moyens humains d’enquête devraient être considérablement renforcés. Il comporte plusieurs pistes d’améliorations civiles et administratives qu’il aurait été utile d’intégrer, ce que l’article 45 de la Constitution nous empêche de faire.

Ces considérations me semblent prioritaires par rapport à la nécessité d’instaurer une nouvelle peine complémentaire d’interdiction d’utiliser les transports publics, que l’on comprend mal. Le groupe du RDSE, comme à son habitude, aura une position plurielle : c’est dans ses gènes ! Nous sommes bienveillants par rapport à ce texte, mais certains d’entre nous sont extrêmement exigeants et préfèrent attendre de connaître le sort qui sera réservé à nos amendements.

En conclusion, je citerai le sociologue philosophe Bruno Latour : « Ce monde me va tout à fait, je n’en connais pas de meilleur ; d’ailleurs, je n’en ai pas d’autre. » À nous d’en prendre conscience et d’agir en conséquence ! (M. Jean-Noël Guérini et Mme Élisabeth Doineau applaudissent.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains.

Mme Sophie Joissains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la protection des personnes et des biens requiert que notre organisation judiciaire soit en phase avec un monde où les échanges se multiplient sans considération des frontières, y compris quand ces échanges sont le fait de réseaux criminels bien organisés.

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui entend, dans cet objectif, adapter la législation française à la coordination nécessaire avec le Parquet européen et à renforcer l’efficacité de la justice pénale spécialisée.

C’est une joie pour moi de voir enfin arriver ce texte en séance.

En effet, fin 2012, je rendais un rapport au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, favorable à la création du Parquet européen et, le 15 janvier 2013, le Sénat votait déjà une résolution en ce sens. L’organisation du Parquet telle qu’elle est conçue par le règlement vient en grande partie de la prise de position du Sénat français.

En effet, quelques mois après l’adoption de la résolution que je viens d’évoquer, notre commission recevait le projet de la Commission européenne, projet extrêmement centralisateur et directif, qui allait totalement à l’encontre de nos préconisations.

Je remercie Simon Sutour, qui était alors président de la commission des affaires européennes, pour son appui et la détermination dont il a su faire preuve.

La Commission européenne, faisant fi de notre souci de préserver la souveraineté et les usages des États membres, était bien décidée à imposer la création d’un parquet très intégré. Nous avons alors décidé de voter une nouvelle résolution, cette fois-ci contre ce projet, pour non-respect du principe de subsidiarité. Quatorze parlements nationaux se sont prononcés dans le même sens, ce qui a, pour la deuxième fois depuis le début de l’existence de la Commission européenne, déclenché la procédure dite du « carton jaune » contre son projet et l’a conduite à le réexaminer, même si elle a pour le moment refusé de le modifier. C’était une première étape.

Les négociations au sein du Conseil ont finalement permis d’aboutir au règlement du 12 octobre 2017 créant le Parquet européen sous la forme d’une coopération renforcée, dans une configuration conforme aux positions françaises et aux préconisations du Sénat.

Le 16 mai 2019, le sénateur Jacques Bigot et moi-même avons déposé, au nom de la commission des affaires européennes, une proposition de résolution sur la coopération judiciaire en matière pénale et la mise en œuvre du Parquet européen, afin de faire le point en replaçant le sujet dans un contexte plus large.

L’objet de cette nouvelle institution européenne est de préserver les intérêts financiers de l’Union. Créé à partir d’Eurojust, le Parquet européen a vocation, comme cela est inscrit à l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), à possiblement s’ouvrir à la criminalité transfrontalière. Mais la règle de l’unanimité rend cette perspective lointaine et l’excellent travail d’Eurojust réduit l’urgence.

La fraude contre les intérêts financiers de l’Union européenne est aujourd’hui largement répandue, et les failles dues au manque de coordination et de coopération entre les États membres sont en grande partie responsables de cette situation. La Commission européenne estime que la seule fraude à la TVA représenterait 50 milliards d’euros de pertes par an pour les budgets des États membres, soit un tiers du budget de l’Union européenne. Le Parquet européen sera compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. En pratique, il pourra notamment s’agir d’escroqueries à la TVA, de faits de corruption, de détournement de fonds publics, d’abus de confiance, de blanchiment d’argent et de certains délits douaniers.

Le Parquet européen travaillera en liaison étroite avec les parquets nationaux, mais aussi avec l’Office européen de lutte contre la fraude (OLAF), Europol et Eurojust. Il reposera sur une structure à double niveau, afin d’assurer l’application d’« une politique pénale homogène », ainsi qu’une « adaptation efficiente aux fonctionnements nationaux ». Installé à Luxembourg, il comportera un bureau central composé d’un chef et de vingt-deux procureurs, soit un par État membre, et reposera sur deux organes distincts : le collège, qui assurera le suivi général des activités, la définition de la politique pénale et répondra aux questions générales soulevées par certains dossiers spécifiques ; les chambres permanentes, qui superviseront les enquêtes en décidant notamment des classements sans suite, des procédures de poursuite simplifiées ou des renvois des affaires devant les juridictions nationales.

Les procureurs européens délégués (PED) représenteront, quant à eux, un échelon déconcentré au sein de chaque État et seront chargés du suivi opérationnel des enquêtes et des poursuites.

Il s’agit là, à mon sens, d’une organisation respectueuse de la souveraineté des États membres, qui devrait permettre un ancrage solide dans les systèmes nationaux et être acceptée par les praticiens.

Par ailleurs, ce projet de loi prévoit des dispositions relatives à la justice pénale spécialisée. Il prévoit l’exercice prioritaire de compétence en cas de ministère public spécialisé et l’extension des compétences du parquet antiterroriste, et comporte des dispositions relatives à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées, les pratiques anticoncurrentielles et les atteintes à l’environnement ; mon collègue Hervé Maurey développera ce dernier point dans quelques minutes.

Ce projet de loi comporte enfin des dispositions diverses, notamment, à l’article 11, la création d’une peine complémentaire de « non-parution dans un réseau de transport public ». Sur ce point, monsieur le rapporteur Philippe Bonnecarrère, que je félicite pour son travail, a déposé un amendement visant à renforcer la garantie des droits de la personne condamnée.

L’article 12 du projet de loi vise à tirer les conséquences des difficultés de mise en œuvre du fonds interprofessionnel d’accès au droit et à la justice (FIADJ) institué par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui est un texte touffu.

Le Parquet européen sera la première instance européenne indépendante disposant de compétences judiciaires propres. Il s’agit là d’une première étape dans la création d’un ordre public européen, nécessaire à notre unité.

Le groupe Union Centriste votera ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur l’article 8 de ce projet de loi, qui prévoit la création d’un nouvel outil pour lutter contre la délinquance environnementale – la convention judiciaire d’intérêt public – et celle de pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement.

Je regrette, madame la ministre, que cette réforme de la justice environnementale ait surgi presque inopinément, au détour d’un projet de loi technique relatif au Parquet européen, sans que les commissions parlementaires compétentes n’en aient été ne fût-ce qu’informées avant la présentation du texte en conseil des ministres, voilà moins d’un mois.

On peut d’autant plus déplorer ce procédé que le Sénat a toujours été en pointe sur les questions de justice environnementale. J’évoquerai à titre d’exemple l’institution d’un régime de responsabilité du fait des atteintes à l’environnement dans le code civil, introduit au Sénat lors de l’examen par sa commission du développement durable du projet de loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui reprenait une proposition de loi de Bruno Retailleau sur le préjudice écologique.

Sur le fond de l’article 8, l’idée de créer des juridictions spécialisées en matière d’environnement est ancienne et promue par de nombreux acteurs. Cela va dans le bon sens et permettra notamment d’avoir des magistrats « spécialisés » sur ces sujets complexes, de développer une « culture » propre à ce contentieux très spécifique et aussi de réduire les délais de jugement.

Quels seront cependant les effets réels de ce dispositif ? On peut se le demander, puisque la question des moyens reste entière et que le projet de loi n’apporte pas de solution à cet égard. Comment espérer des résultats satisfaisants, notamment une réduction des délais, sans moyens supplémentaires ?

En outre, l’essentiel du contentieux, qui touche aux sujets du « quotidien » – les décharges sauvages ou les permis de construire illégaux, par exemple –, continuera à être traité par les tribunaux judiciaires départementaux. Quant aux accidents industriels majeurs, tel celui de Lubrizol, à Rouen, ils resteront du ressort des pôles interrégionaux de Paris et de Marseille. On le voit, le champ d’intervention des nouvelles juridictions sera assez limité. On peut donc s’interroger sur la portée réelle de cette création.

Enfin, madame la ministre, quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux autres préconisations du rapport intitulé « Une justice pour l’environnement » du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’inspection générale de la justice, dont le projet de loi ne reprend que deux des vingt et une recommandations ? D’autres propositions, comme celles de créer des comités opérationnels départementaux de défense écologique ou un référé judiciaire spécial en matière d’environnement, méritaient a minima d’être examinées. Sont-elles à l’étude ?

M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en adaptant notre ordre juridique national pour y intégrer les principes, les missions et les structures du Parquet européen, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui marque l’aboutissement d’une évolution, que l’on peut assurément considérer comme majeure, de la coopération judiciaire européenne. En effet, celle-ci va désormais sortir du champ exclusivement intergouvernemental qui était le sien jusqu’à maintenant. Pour la première fois, une instance européenne disposera de compétences judiciaires propres en matière pénale.

Le Parquet européen pourra ainsi poursuivre directement les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, tels qu’ils ont été définis dans la directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union, dite « directive PIF », dont le projet de loi vient par ailleurs parachever le processus de transposition.

Fraudes massives à la TVA, corruption, détournement de fonds publics, abus de confiance, blanchiment d’argent ou encore délits douaniers pourront dès lors entrer dans le champ de compétence du Parquet européen, si toutefois ils affectent les recettes de l’Union européenne ou ses programmes de dépenses, tels que les fonds structurels ou les subventions agricoles.

Il est vrai que, dans ces domaines, les performances des différents pays européens en matière d’enquêtes et de poursuites restent à ce jour pour le moins contrastées. Mais surtout, les outils déployés jusqu’à présent pour améliorer la coopération entre États membres n’ont pas, malgré leurs réels mérites, permis d’endiguer de manière satisfaisante le développement de certaines fraudes, et tout particulièrement celles faisant appel à des montages transfrontaliers complexes.

Le cas de la fraude à la TVA intracommunautaire est sans aucun doute le plus parlant et le plus préoccupant. Le manque à gagner pour les finances de l’Union européenne, et à plus forte raison pour celles des États, est énorme. Ce sont ainsi de 40 milliards à 60 milliards d’euros qui se volatiliseraient chaque année en Europe, principalement du fait de groupes criminels organisés, dont certains entretiennent par ailleurs des liens avec le terrorisme et contribuent à son financement.

D’une manière générale, de 35 % à 45 % à peine des recommandations de poursuites faites aux États membres par l’OLAF se traduisent par des mises en examen effectives. Il était donc devenu nécessaire de mettre en œuvre un cadre européen plus efficace pour renforcer, mais aussi homogénéiser, la réponse pénale apportée aux délits financiers affectant les intérêts de l’Union européenne.

La création d’un Parquet européen répond clairement à cet objectif, notamment dans sa dimension transfrontalière. À cet égard, sa capacité à mener des enquêtes dans plusieurs États membres simultanément et le fait que les éléments de preuves qu’il y recueillera pourront être admis par toutes les juridictions nationales me paraissent représenter des avancées absolument essentielles.

L’innovation que constitue le Parquet européen n’est pourtant pas allée sans susciter de longs et vifs débats, car, pour reprendre les termes de l’avis du Conseil d’État, si elle n’est pas contraire aux exigences de notre Constitution, son instauration touche aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Les atteintes à ce principe, qui constitue le socle fondamental de l’application du droit pénal, me semblent cependant avoir été correctement circonscrites, notamment grâce à l’action du Sénat, qui a pleinement joué son rôle de gardien du principe de subsidiarité.

Cela a été dit, le Sénat a été à l’origine, avec treize autres assemblées parlementaires européennes, du déclenchement d’une procédure de « carton jaune » à l’encontre de la proposition initiale de la Commission européenne. Celle-ci développait une vision excessivement centralisée du Parquet européen, incarnée par la figure d’un procureur unique disposant d’une compétence exclusive pour diligenter des enquêtes dans toute l’Union européenne. Le compromis finalement trouvé, qui assure notamment sa structure collégiale et, au travers des procureurs européens délégués, son ancrage dans les structures et l’ordre juridiques des États membres, apparaît à la fois équilibré et réaliste.

Ainsi, si la définition de la politique pénale et la supervision des affaires s’effectueront au niveau européen, les enquêtes seront conduites dans les États membres par des magistrats nationaux, les jugements seront prononcés par les juridictions nationales selon le droit national en vigueur et les éventuels conflits de compétence seront réglés par les autorités nationales.

Cette intégration du Parquet européen dans la réalité juridique de chaque État membre était non seulement indispensable au regard du principe de subsidiarité, mais aussi impérative pour permettre au projet d’aller jusqu’à son terme. Elle n’en rendra pas moins nécessaire de rester vigilants quant à la bonne articulation opérationnelle du Parquet européen avec les juridictions françaises. L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi indique qu’une centaine de dossiers tout au plus seraient susceptibles de relever chaque année de sa compétence.

Si ce nombre relativement faible ne devrait pas entraîner de bouleversement fondamental dans l’organisation de la justice, le dispositif mis en place, notamment autour des prérogatives du procureur européen délégué, vient en revanche bousculer quelque peu l’ordonnancement traditionnel de notre cadre procédural. Il conviendra donc, dans les années à venir, d’observer attentivement la manière dont le Parquet européen exercera concrètement ses missions.

C’est également la raison pour laquelle il me semble particulièrement prématuré d’appeler d’ores et déjà à l’extension de ses compétences, notamment à la lutte contre le terrorisme, matière éminemment sensible et délicate. Nous n’y sommes pas favorables, bien que la Commission européenne et le Président de la République la souhaitent.

J’observe d’ailleurs que, ces dernières années, l’Union européenne a d’ores et déjà considérablement renforcé son action dans ce domaine, au travers tant d’Europol et d’Eurojust que de l’échange des données et de l’interopérabilité des systèmes d’information.

Alors que le Parquet européen n’entamera ses travaux qu’à la fin de cette année, je crois qu’il nous faut rester prudents sur les missions supplémentaires qui pourraient éventuellement lui être confiées à l’avenir. Pour l’heure, il doit surtout faire la preuve de son efficacité et de sa plus-value dans la lutte contre la délinquance financière, mais aussi parvenir à s’insérer harmonieusement dans le cadre de la justice nationale, ce qui est un véritable défi.

Ce n’est qu’à l’aune de ces éléments qu’il sera possible d’évaluer, à terme, la pertinence d’une éventuelle extension de ses attributions. Dans l’immédiat, concentrons-nous avant tout sur la réussite de cette initiative majeure pour le développement d’une Europe capable de mieux protéger ses intérêts et de lutter plus efficacement contre la criminalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos observations. Sans revenir sur celles qui traduisent le soutien ou l’adhésion de leurs auteurs au projet de loi, je concentrerai mon propos sur quelques remarques critiques qui ont été formulées.

Sauf erreur de ma part, madame la présidente Assassi, ce texte ne comporte guère de demandes d’autorisation à légiférer par ordonnance. Il y en a en fait une seule, mais la commission a déposé un amendement, auquel j’apporterai mon soutien, visant à revenir à un texte « en dur ». Je sais que, dans cette maison, on n’aime guère les ordonnances ; j’ai donc été vigilante sur ce point…

Vous avez également évoqué, madame Assassi, les conditions d’indépendance des procureurs européens délégués en France. Je rappelle qu’ils seront détachés auprès du Parquet européen et payés par lui. Ils bénéficieront de garanties statutaires précises, puisque le Parquet européen pourra récuser les nominations proposées par les États membres. La cheffe du Parquet européen pourra révoquer les PED pour des raisons disciplinaires. Enfin, les États membres ne pourront, à leur niveau, lancer de poursuites disciplinaires qu’avec l’accord de la cheffe du Parquet européen.

Comme je l’ai indiqué dans mon propos introductif, je ne pourrai pas adresser aux PED d’instructions générales ni, cela va de soi, particulières – je n’adresse pas non plus, bien entendu, d’instructions particulières aux procureurs de la République français.

Monsieur le sénateur Jacques Bigot, vous avez développé une vision critique de la convention judiciaire écologique.

Je crois que cet outil permettra d’apporter une réponse efficace et très rapide, sous le contrôle du juge. C’est cela qui est important. Je reviendrai dans le cours du débat sur les mesures de réparation et de compensation qui pourront résulter des conventions judiciaires écologiques.

Les moyens dédiés à cette justice environnementale s’inscrivent dans le cadre de l’augmentation des moyens mis à disposition de la justice. Je rappelle que la loi de finances de 2020 prévoit la création de cent magistrats supplémentaires et que le taux de vacance des magistrats s’établit aujourd’hui à 0,8 % ; il s’agit donc d’une vacance frictionnelle.

M. Jacques Bigot. Et la vacance administrative ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. MM. Labbé et Maurey ont évoqué les dispositions pénales de fond.

Ce qui nous a incités à proposer, dans un délai certes un peu court, la création de la justice environnementale, c’est le rapport de l’inspection générale de la justice et du CGEDD, qui comportait également des amendements de fond. Nous étions assez disposés à accepter les propositions relatives à la création et à l’organisation de cette justice et à la mise en œuvre de la convention judiciaire écologique, ainsi qu’aux travaux d’intérêt général « verts ». Plus complexe est l’articulation de l’aggravation des sanctions de fond. Je sais qu’il y a des amendements d’appel portant sur ce point, mais nous devons y réfléchir de manière plus approfondie. La navette parlementaire nous en donnera sans doute l’occasion. J’observe d’ailleurs que ces sujets ont été abordés lors d’un très intéressant colloque organisé à l’Assemblée nationale à la fin du mois dernier, qui a également stimulé notre réflexion. Je serai très attentive aux amendements que vous présenterez.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU PARQUET EUROPÉEN

Chapitre Ier

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 29

Article 1er

Après le titre X du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre X bis ainsi rédigé :

« TITRE X bis

« DU PARQUET EUROPÉEN

« CHAPITRE IER

« Compétence et attributions des procureurs européens délégués

« Art. 696-108. – Les procureurs européens délégués sont compétents sur l’ensemble du territoire national, pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne mentionnées aux articles 4, 22, 23 et 25 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, qui sont commises après le 20 novembre 2017.

« Art. 696-109. – Pour les infractions relevant de leur compétence, les procureurs européens délégués exercent, en application des articles 4 et 13 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité, les attributions du procureur de la République et du procureur général près la cour d’appel, y compris pour l’application des articles 12, 12-1, 225 et 229-1 du présent code et pour l’exercice des voies de recours.

« Les dispositions de l’article 30, la première phrase de l’article 33, les quatre premiers alinéas de l’article 35, les articles 36, 37, 39-1, 39-2, 40-3, le troisième alinéa de l’article 41, et l’article 44 ne sont pas applicables.

« Art. 696-110. – Les procédures dont sont saisis les procureurs européens délégués relèvent de la compétence des juridictions de jugement de Paris, tant en première instance qu’en appel.

« Par dérogation aux articles 206, 207, 207-1, 221-1 à 221-3, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris ne peut pas évoquer ces procédures.

« CHAPITRE II

« Procédure

« Section 1

« Saisine du Parquet européen

« Art. 696-111. – Les signalements prévus aux 1 à 3 et au 5 de l’article 24 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen sont adressés au Parquet européen par l’intermédiaire du procureur de la République compétent, lui-même informé sur le fondement de l’article 19, du deuxième alinéa de l’article 40, ou de l’article 80 du présent code.

« Art. 696-112. – Lorsque le Parquet européen décide d’exercer sa compétence, le procureur de la République ou le juge d’instruction saisi d’une enquête ou d’une information portant sur des faits relevant de l’article 696-108 est tenu de se dessaisir de la procédure au profit du Parquet européen en application du 1 de l’article 25 et du 5 de l’article 27 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité.

« Le procureur de la République requiert le juge d’instruction initialement saisi de se dessaisir au profit du Parquet européen. Le juge d’instruction notifie son ordonnance de dessaisissement aux parties.

« Section 2

« Cadres procéduraux

« Art. 696-113. – Dans les procédures relevant de sa compétence, le procureur européen délégué conduit les investigations conformément aux dispositions applicables à l’enquête de flagrance ou à l’enquête préliminaire et à celles du code des douanes.

« Art. 696-114. – Toutefois, lorsqu’il est nécessaire soit de mettre en examen une personne ou de la placer sous le statut de témoin assisté, soit de recourir à des actes d’investigation qui ne peuvent être ordonnés qu’au cours d’une instruction, en raison de leur durée ou de leur nature, le procureur européen délégué conduit les investigations conformément aux dispositions applicables à l’instruction, sous réserve des dispositions de la section 3 du présent chapitre.

« Art. 696-115. – Lorsque le procureur de la République se dessaisit au profit du Parquet européen, les investigations se poursuivent dans le cadre de l’article 696-113 ou, s’il y a lieu, de l’article 696-114.

« Lorsque le juge d’instruction rend une ordonnance de dessaisissement au profit du Parquet européen, les investigations se poursuivent dans le cadre du même article 696-114.

« Section 3

« Dispositions spécifiques à la procédure prévue à larticle 696-114

« Art. 696-116. – La présente section précise les dispositions spécifiques à la procédure prévue à l’article 696-114, qui s’applique dès lors que le procureur européen délégué conduit les investigations conformément à cet article.

« Dans le cadre de cette procédure, ne sont pas applicables l’article 80 relatif au réquisitoire introductif et aux réquisitoires supplétifs et les autres dispositions du présent code prévoyant que le ministère public adresse des réquisitions ou des avis au juge d’instruction.

« Art. 696-117. – Dans le cadre de cette procédure, les actes et décisions mentionnés à la présente section sont pris, selon les distinctions prévues aux sous-sections 1 à 3 :

« – soit par le procureur européen délégué ;

« – soit par le juge des libertés et de la détention saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué.

« Sous-section 1

« Actes et décisions relevant de la procédure prévue à larticle 696-114

« Art. 696-118. – Au cours de la procédure prévue à l’article 696-114, le procureur européen délégué accomplit les actes et prend les décisions en matière :

« 1° De mise en examen ;

« 2° D’interrogatoire et de confrontation ;

« 3° D’audition de témoins, y compris du témoin assisté ;

« 4° De recevabilité de la constitution de partie civile et d’audition de la partie civile ;

« 5° De transport ;

« 6° De commission rogatoire ;

« 7° D’expertise ;

« 8° De mandat de recherche, de comparution ou d’amener.

« Art. 696-119. – Les décisions en matière de placement, de maintien et de modification du contrôle judiciaire sont prises par le procureur européen délégué. Ces décisions peuvent être prises tant dans le cadre de la procédure prévue à l’article 696-114 que dans le cadre des procédures de convocation par procès-verbal ou de comparution à délai différé prévues aux articles 394 et 397-1-1.

« La personne placée sous contrôle judiciaire par le procureur européen délégué peut immédiatement contester cette décision devant le juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai maximum de soixante-douze heures sur cette contestation lors d’un débat contradictoire. Si le juge confirme le placement sous contrôle judiciaire, la personne peut faire appel de cette décision devant la chambre de l’instruction.

« Art. 696-120. – Les décisions en matière de placement, de prolongation et de modification de l’assignation à résidence avec surveillance électronique sont prises par le juge des libertés et de la détention, saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué et après, le cas échéant, un débat contradictoire organisé conformément aux articles 142-6 et 142-7.

« Art. 696-121. – Les décisions en matière de placement et de prolongation de la détention provisoire sont prises par le juge des libertés et de la détention qui, après avoir été saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué, statue à l’issue d’un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions de l’article 145.

« Art. 696-122. – Toutefois, le procureur européen délégué est compétent pour ordonner les mesures suivantes, d’office ou à la demande de la personne mise en examen :

« 1° Supprimer tout ou partie des obligations comprises dans l’assignation à résidence avec surveillance électronique, ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire de les observer ;

« 2° Ordonner la main levée de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ;

« 3° Modifier, ou autoriser, en application de l’article 142-9, le chef d’établissement pénitentiaire ou le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, à modifier les horaires de présence de la personne mise en examen au domicile ou dans les lieux d’assignation lorsqu’il s’agit de modifications favorables à cette dernière ne touchant pas à l’équilibre de la mesure de contrôle ;

« 4° Ordonner la mise en liberté, le cas échéant assortie d’un contrôle judiciaire, d’une personne placée en détention provisoire.

« Si le procureur européen délégué ne fait pas droit à la demande de la personne dans les cinq jours de celle-ci, il transmet le dossier, assorti de son avis motivé, au juge des libertés et de la détention qui statue dans les trois jours ouvrables à compter de cette transmission, selon les modalités prévues par les articles 140, 147 et 148.

« Art. 696-123. – Le procureur européen délégué est également compétent pour prendre les décisions relatives aux modalités d’exécution d’une détention provisoire ou à l’exercice de ses droits par une personne placée en détention provisoire en application des articles 145-4 à 145-4-2 et 148-5 et aux articles 35, 36, 39 et 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

« Art. 696-124. – La décision de décerner un mandat d’arrêt est prise par le juge des libertés et de la détention, saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué.

« Art. 696-125. – Le procureur européen délégué met le mandat d’arrêt à exécution sous la forme d’un mandat d’arrêt européen conformément à l’article 695-16.

« Art. 696-126. – Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies doivent, en l’absence de flagrance ou d’assentiment exprès de la personne chez laquelle elles ont lieu, être effectuées avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué dans les conditions prévues à l’article 76.

« Art. 696-127. – Les décisions ordonnant une interception de correspondance émise par la voie des télécommunications, une géolocalisation, une enquête sous pseudonyme ou une technique spéciale d’enquête prévue à la section 6 du chapitre II du titre XXV du présent livre sont prises par le juge des libertés et de la détention, saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué, sauf si ces mesures sont ordonnées dans des conditions d’utilisation et de durée permettant au procureur de la République d’y recourir dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire.

« Art. 696-128. – Les décisions ordonnant les saisies spéciales prévues au titre XXIX du présent livre et les mesures conservatoires prévues à l’article 706-166 sont prises par le juge des libertés et de la détention, saisi par réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué, sous réserve des pouvoirs propres du procureur prévus au premier alinéa de l’article 706-154.

« Sous-section 2

« Des droits des parties

« Art. 696-129. – Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 696-114, les personnes mises en examen, témoins assistés ou parties civiles exercent l’intégralité des droits qui leur sont reconnus par le présent code au cours de l’instruction, en particulier le droit d’être assisté par un avocat et d’avoir accès au contenu de la procédure, de formuler une demande d’acte auprès du procureur européen délégué, de présenter une requête en annulation ou de former un recours devant la chambre de l’instruction.

« Art. 696-130. – Dès lors que le procureur européen délégué a procédé à la mise en examen d’une personne ou l’a placée sous le statut de témoin assisté, ou dès lors que le juge des libertés et de la détention a autorisé l’un des actes prévus aux articles 696-124 ou 696-127 dans des conditions ne permettant pas d’y recourir dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire, le procureur européen délégué :

« 1° Applique les dispositions de l’article 105 à l’ensemble des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d’avoir participé aux faits ;

« 2° Avise la victime de l’infraction de son droit de se constituer partie civile dans les conditions prévues à l’article 80-3.

« Art. 696-131. – La victime ne peut se constituer partie civile conformément aux articles 87 et 89 que lorsqu’il a été procédé à un des actes mentionnés au premier alinéa de l’article 696-130.

« La partie civile dispose des droits prévus à l’article 89-1.

« Sous-section 3

« De la clôture de la procédure

« Art. 696-132. – Aussitôt que la procédure prévue à l’article 696-114 lui paraît terminée, le procureur européen délégué en avise les parties et leurs avocats conformément au I de l’article 175.

« Si les parties en ont fait la demande conformément au III de l’article 175, elles disposent d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour lui adresser des observations selon les modalités prévues par l’avant-dernier alinéa de l’article 81, ou pour formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement du neuvième alinéa de l’article 81, des articles 82-1 et 82-3, du premier alinéa de l’article 156 et du troisième alinéa de l’article 173, sous réserve qu’elles ne soient pas irrecevables en application des articles 82-3 et 173-1. À l’expiration de ce délai, elles ne sont plus recevables à adresser de telles observations ou à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.

« À l’issue du délai, le procureur européen délégué procède alors au règlement du dossier au vu des observations éventuelles des parties. Il rend son ordonnance conformément aux articles 176 à 184, sous réserve de la compétence du juge des libertés et de la détention pour, sur réquisitions écrites et motivées du procureur européen délégué, ordonner le maintien de la personne sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire.

« En matière correctionnelle, s’il ne renvoie pas la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel et si les conditions prévues à l’article 180-1 sont réunies, le procureur européen délégué peut lui proposer de faire application de la procédure de comparution volontaire sur reconnaissance de culpabilité, dont il prononce la mise en œuvre par ordonnance.

« Si les conditions prévues à l’article 180-2 sont réunies, le procureur européen délégué peut prononcer, par ordonnance, la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 41-1-2. Dans les cas mentionnés au dernier alinéa de l’article 180-2, la procédure prévue à l’article 696-114 est reprise à l’égard de la personne morale.

« Les dispositions des deux premiers alinéas du présent article sont également applicables au témoin assisté.

« CHAPITRE III

« De larticulation des compétences entre le procureur européen, les procureurs européens délégués et lautorité judiciaire française

« Art. 696-133. – Lorsque le procureur européen conduit personnellement l’enquête en application du 4 de l’article 28 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, il exerce les attributions du procureur européen délégué.

« Art. 696-134. – Lorsque le Parquet européen décide de ne pas exercer sa compétence, le procureur de la République saisi de l’enquête ou le juge d’instruction saisi de l’information demeurent compétents, y compris dans les cas mentionnés au 6 de l’article 25 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité.

« Tant que le Parquet européen n’a pas statué sur l’exercice de sa compétence, il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité d’une plainte avec constitution de partie civile déposée devant le juge d’instruction pour des faits susceptibles de relever de l’article 696-108 du présent code. La prescription de l’action publique est suspendue jusqu’à la réponse du Parquet européen.

« Art. 696-135. – Lorsque, dans les cas mentionnés au 6 de l’article 25 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité, le procureur de la République saisi de l’enquête refuse de se dessaisir au profit du Parquet européen, le procureur général compétent désigne le magistrat compétent pour poursuivre les investigations.

« Art. 696-136. – Lorsque, dans les cas mentionnés au 6 de l’article 25 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité, le juge d’instruction saisi de l’information refuse de se dessaisir au profit du Parquet européen, il invite les parties à faire connaître leurs observations dans un délai de cinq jours.

« À l’issue de ce délai, le juge d’instruction rend une ordonnance de refus de dessaisissement qui est notifiée au procureur de la République et aux parties.

« Dans les cinq jours de sa notification, cette ordonnance peut être déférée, à la requête du Parquet européen, du procureur de la République ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation.

« La chambre criminelle de la Cour de cassation désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le magistrat compétent pour poursuivre les investigations. L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du Parquet européen, du juge d’instruction et du ministère public et notifié aux parties. Le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que cet arrêt soit porté à sa connaissance.

« Art. 696-137. – Lorsque le Parquet européen décide de renvoyer l’affaire aux autorités nationales en application de l’article 34 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité, le procureur européen délégué en informe :

« 1° Le procureur de la République compétent dans les cas mentionnés aux 1 à 3 du même article 34 ;

« 2° Le procureur général compétent dans le cas mentionné au 6 dudit article 34.

« Le procureur de la République doit alors indiquer, dans les cas mentionnés aux 2 et 3 du même article 34, s’il accepte ou non de se charger de l’affaire dans un délai maximum de trente jours à compter de la réception de l’information.

« Lorsque le Parquet européen se dessaisit dans le cadre de la procédure prévue à l’article 696-113 du présent code, les investigations se poursuivent dans le cadre de l’enquête de flagrance ou de l’enquête préliminaire.

« Lorsque le Parquet européen se dessaisit dans le cadre de la procédure prévue par l’article 696-114, les investigations se poursuivent dans le cadre d’une information judiciaire. »

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Remplacer le mot :

Paris

par le mot :

Grenoble

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement tend à établir le procureur européen délégué à Grenoble plutôt qu’à Paris.

Il s’agit d’ouvrir ainsi un débat sur la concentration à Paris des instances à compétence nationale et des juridictions spécialisées. Cette concentration a en effet des conséquences négatives, suscitant notamment, chez les citoyens qui habitent hors de la région parisienne, un sentiment de distance par rapport à la justice.

À l’heure où s’exprime, de plus en plus fortement, le sentiment d’abandon de certains territoires, où l’on s’inquiète de la désertification de certaines zones rurales, où certains citoyens ont l’impression d’une bulle parisienne déconnectée des réalités du pays, installer le procureur européen délégué en région enverrait un signal important.

Plus globalement, c’est l’aménagement du territoire français qui est en jeu. Poursuivre le mouvement de concentration en région parisienne nous semble aller à contre-courant d’un développement équilibré des territoires, ainsi que de l’accessibilité et de la proximité des services publics.

En outre, cette concentration à Paris est aussi au détriment de la qualité de vie des acteurs de la justice.

M. François Bonhomme. C’était donc ça !

M. Joël Labbé. Dans cette logique, cet amendement vise à proposer la ville de Grenoble comme siège du procureur européen délégué.

M. Michel Savin. Et Vierzon ?

M. Joël Labbé. Ce n’est pas du chauvinisme : j’aurais pu proposer la Bretagne !

Il semble en effet pertinent, la vocation du Parquet européen étant de renforcer la lutte contre la fraude aux ressources de l’Union européenne, de localiser cette institution dans une région frontalière, comme la région grenobloise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. À la fin de son intervention dans la discussion générale, M. Labbé nous a démontré qu’il se passionnait pour la philosophie. J’invoquerai pour ma part la poésie, et plus précisément ce vers, que chacun a gardé en mémoire depuis son enfance, tiré de la Ballade des femmes de Paris, de François Villon : « Il n’est bon bec que de Paris. »

C’est bien cela, en réalité, que vous dénoncez, monsieur Labbé, au travers de votre proposition. En tant que représentants des territoires, nous pouvons parfaitement le comprendre, mais il faut aussi avoir le souci de l’efficacité. Or, l’étude d’impact du projet de loi le souligne, les deux procureurs européens délégués ont leur place à côté du parquet national financier (PNF), dont le champ des incriminations n’est pas très éloigné.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je dirai, avec moins de poésie, que les infrastructures et le parquet national financier, avec lequel des compétences pourront être mutualisées, sont localisés à Paris. Je souhaite donc que le procureur européen délégué soit sis à Paris.

Par ailleurs, je le rappelle, la justice est sans doute le service public le plus décentralisé, le plus proche des territoires. Le renforcement des compétences des tribunaux de proximité que j’ai souhaité témoigne de l’importance de la vie judiciaire dans les territoires.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Il était important de dire ces choses, car l’aménagement du territoire doit être une préoccupation constante. Cela dit, je suis sensible à ces arguments ; je retire donc mon amendement, monsieur le président. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. La parole est libérée !

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.

L’amendement n° 26, présenté par MM. Mohamed Soilihi, de Belenet, Richard, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Après les mots :

dispositions applicables à l’instruction

insérer les mots :

et au respect du principe du contradictoire

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement du groupe La République En Marche tend à rappeler que nous sommes collectivement garants du respect du droit, pour tout justiciable, au procès équitable.

Nous le savons, au cœur de la notion de procès équitable figure le respect du principe du contradictoire, corollaire indissociable des droits de la défense. Ce principe vise à assurer l’information des parties sur les éléments de fait et de droit de l’affaire. Sont concernés ici l’assistance d’un avocat, la communication du dossier ou encore le mode de preuve utilisé.

La chambre criminelle de la Cour de la cassation a par ailleurs affirmé le caractère absolu du respect du principe du contradictoire ; beaucoup de jugements ou d’arrêts sont cassés en raison de la méconnaissance de ce principe, sous la double invocation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 427, alinéa 2, du code de procédure pénale.

Dans cet esprit, notre commission des lois a précisé les droits des personnes mises en examen, placées sous le statut de témoin assisté ou s’étant constituées parties civiles dans le cadre d’une instruction conduite par le procureur européen délégué.

Il s’agit, au travers de cet amendement, de prolonger le travail accompli en commission et de réaffirmer la place du principe du contradictoire dans la conduite des investigations du procureur européen délégué.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’amendement est bien sûr de qualité ; toutefois, il me semble déjà satisfait.

L’esprit du texte qui vous a été présenté, dans le cadre de ce que j’ai appelé une transposition « simple et pragmatique » dans notre système judiciaire, consiste à ne pas créer un droit de procédure pénale spécifique pour le Parquet européen.

L’idée est donc que les deux procureurs européens délégués appliquent l’ensemble de nos dispositions de procédure pénale, qui apportent toutes les garanties, notamment celle du respect du principe du contradictoire.

Le principe même de la réforme proposée va dans le sens que vous souhaitez, mon cher collègue. Ainsi, aux termes de l’article 696-113 du code de procédure pénale tel qu’institué par l’article 1er du présent projet de loi, le procureur européen délégué conduira les investigations conformément « aux dispositions applicables à l’enquête de flagrance ou à l’enquête préliminaire et à celles du code des douanes ». Quand il interviendra en tant que magistrat instructeur, il sera soumis à l’article 696-129 nouveau du même code, qui dispose que « les personnes mises en examen, témoins assistés ou parties civiles exercent l’intégralité des droits qui leur sont reconnus par le présent code au cours de l’instruction, en particulier le droit d’être assisté par un avocat et d’avoir accès au contenu de la procédure, de formuler une demande d’acte auprès du procureur européen délégué, de présenter une requête en annulation ou de former un recours devant la chambre de l’instruction ».

Ainsi, l’intégralité des droits ouverts par notre code de procédure pénale profitera aux personnes faisant l’objet de ces enquêtes. L’amendement me semble donc satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je formulerai le même avis.

Je comprends absolument les motivations qui ont inspiré cet amendement, mais il me semble, au regard tant des éléments que vient de citer M. le rapporteur que d’autres éléments rédactionnels, que les garanties que vous souhaitez voir réaffirmer sont déjà apportées.

Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l’amendement n° 26 est-il maintenu ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Je me devais de demander cette précision dans la mesure où plusieurs pays sont concernés, qui n’appliquent pas forcément tous les mêmes principes. Eu égard aux précisions apportées tant par M. le rapporteur que par Mme la garde des sceaux, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 26 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 2

Article additionnel après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales est abrogé.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Selon l’article 6 du règlement du Conseil du 12 octobre 2017, « le Parquet européen est indépendant ». L’ensemble de ses membres, parmi lesquels les procureurs européens délégués, « ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune personne extérieure au Parquet européen, d’aucun État membre de l’Union européenne, ou d’aucune institution, d’aucun organe ou organisme de l’Union. Les États membres de l’Union européenne […] respectent l’indépendance du Parquet européen et ne cherchent pas à l’influencer dans l’exercice de ses missions. »

Or l’article L. 228 du livre des procédures fiscales limite le pouvoir du procureur européen délégué, puisqu’il rend irrecevables « les plaintes portant sur des faits autres que ceux mentionnés aux [cinq premiers] alinéas du I […] déposées par l’administration à son initiative, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ».

Si l’article en question a été modifié par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, en vertu de laquelle, dans certaines hypothèses, l’administration est contrainte de signaler les faits litigieux, le principe du verrou de Bercy demeure, au moins en partie.

Nous demandons donc au travers de cet amendement, comme nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises dans le passé, la suppression du monopole de l’administration fiscale pour le déclenchement de la procédure, ce monopole ne paraissant de surcroît pas conforme au règlement européen instituant le Parquet européen.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. En ce qui concerne l’indépendance des magistrats européens délégués, il n’y a aucune difficulté ; les juridictions européennes ont une culture très forte de l’indépendance des magistrats, peut-être même supérieure à la nôtre.

Par ailleurs, le verrou de Bercy n’est pas en cause ici ; ce sujet a déjà été largement traité, mais je profite de cette occasion pour vous donner, monsieur Bocquet, des précisions, vous sachant très attentif à la question. La réforme récente a déjà eu une incidence – j’ai même été étonné des chiffres : en 2019, Bercy a transmis 1 678 dossiers à la justice, contre 823 en 2018. Ce doublement du nombre de dossiers transmis à nos parquets montre que les modifications intervenues en ce domaine sont substantielles.

Enfin, concernant le fonctionnement du Parquet européen, si demain vous ou moi sommes informés d’un fait de fraude fiscale, nous pourrons, comme tout citoyen, déposer plainte auprès du procureur de la République française, lequel aura l’obligation de transmettre cette plainte au Parquet européen, qui décidera ou non de poursuivre.

En d’autres termes, il n’y aura plus de filtre national. Tel était l’objectif de la Commission européenne et des États membres : rendre possibles cette coordination et l’autonomie de décision européenne. Ainsi, vous avez satisfaction plus profondément que vous ne le pensez.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ajouterai un autre argument à ceux du rapporteur.

Votre amendement me semble sans lien avec l’objet du texte, monsieur le sénateur, dès lors que les délits de fraude fiscale n’entrent pas dans le champ de compétence du Parquet européen. Je le rappelle, les fraudes à la TVA, notamment de type « carrousel » – les plus fréquentes –, sont appréhendées par nos juridictions sous la qualification d’escroquerie. Il y a donc une distinction entre ces deux éléments. C’est pourquoi le dispositif de votre amendement ne s’applique pas parfaitement, selon moi, à la situation dont nous parlons.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je prends acte des propos de notre rapporteur. J’avais bien noté la légère augmentation du nombre de dossiers transmis par Bercy à la justice, mais je veux rappeler les éléments du débat que nous avons eu en 2018 : 50 000 dossiers de contrôle fiscal sont constitués chaque année ; entre 12 000 et 15 000 portent sur des fraudes caractérisées ; pour 4 000 dossiers, le montant de la fraude est supérieur à 100 000 euros ; entre 900 et 1 000 dossiers sont transmis à la commission des infractions fiscales. Ce dernier chiffre a augmenté, dont acte.

Néanmoins, je citerai les propos de Mme Éliane Houlette, qui était procureur du parquet national financier au moment de ce débat : « Le verrou de Bercy bloque toute la chaîne pénale. Il empêche la variété des poursuites et constitue un obstacle théorique, juridique, constitutionnel et républicain, en plus d’être un handicap sur le plan pratique. »

Le débat n’est donc pas définitivement clos, car le verrou de Bercy a été modifié, un peu desserré, certes, mais il n’a en aucun cas été supprimé.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre II

Dispositions modifiant le code de l’organisation judiciaire

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 29
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 3

Article 2

Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 211-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-19. – Le tribunal judiciaire de Paris connaît des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et relevant de la compétence du procureur européen conformément au règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, dans les cas et conditions prévus par le code de procédure pénale. » ;

2° Après l’article L. 212-6, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-6-1. – Nonobstant les articles L. 122-2 et L. 212-6, le ministère public près le tribunal judiciaire de Paris est exercé par le procureur européen ou ses délégués pour les affaires relevant de ses attributions. » ;

3° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 213-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 213-13. – Le code de procédure pénale fixe les règles relatives à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement du tribunal judiciaire de Paris pour la poursuite des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union conformément au règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité. » ;

4° La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III est complétée par un article L. 312-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-8. – Nonobstant les articles L. 122-3 et L. 312-7, le ministère public près la cour d’appel de Paris est exercé par le procureur européen ou ses délégués pour les affaires relevant de ses attributions. »

M. le président. L’amendement n° 55, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer la référence :

sous-section 1

par la référence :

sous-section 2

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je vous propose, mes chers collègues, de remplacer la référence à la sous-section 1 par la référence à la sous-section 2. On a les triomphes que l’on peut… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Après avoir beaucoup hésité, j’émets un avis favorable sur cet amendement. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence du retrait de l’amendement n° 30 rectifié, l’amendement de coordination n° 31 rectifié n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Chapitre III

Dispositions modifiant le code des douanes

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 4

Article 3

Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Après la section 1 du chapitre II du titre XII, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Du Parquet européen

« Art. 344-1. – Conformément aux dispositions de l’article 696-111 du code de procédure pénale, lorsqu’ils portent sur des infractions prévues par le présent code, les signalements prévus à l’article 24 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen sont adressés au Parquet européen par l’intermédiaire du procureur de la République compétent, lui-même informé par les agents des douanes sur le fondement du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.

« Art. 344-2. – En application de l’article 696-113 du code de procédure pénale, lorsque le Parquet européen décide d’exercer sa compétence sur des infractions prévues par le présent code, le procureur européen délégué peut conduire les investigations conformément aux dispositions du code des douanes.

« Art. 344-3. – Dès lors que le Parquet européen exerce sa compétence, ou pendant les délais prévus au 1 de l’article 27 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 précité :

« 1° Par dérogation au 2 de l’article 343 du présent code, l’action pour l’application des sanctions fiscales n’est pas exercée par l’administration des douanes, mais par le procureur européen délégué ;

« 2° L’administration des douanes ne peut transiger, en application de l’article 350, que si le Parquet européen admet le principe d’une transaction.

« Art. 344-4. – Lorsque le Parquet européen a exercé sa compétence, le procureur européen délégué compétent communique, dès que possible, à l’administration des douanes l’ensemble des informations permettant la notification de la dette douanière, en application des articles 102 et 103 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union. » ;

2° Après le mot : « tribunal », la fin du 1 de l’article 358 est ainsi rédigée : « compétent en application des dispositions du code de procédure pénale. » – (Adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE PÉNALE SPÉCIALISÉE

Chapitre Ier

Dispositions communes

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 32 rectifié

Article 4

Après l’article 43 du code de procédure pénale, il est inséré un article 43-1 ainsi rédigé :

« Art. 43-1. – Lorsque le ministère public près le tribunal judiciaire dispose, en application du présent code, d’une compétence spécialisée et concurrente qui s’étend aux ressorts d’autres tribunaux judiciaires, spécialisés ou non, cette compétence s’exerce de façon prioritaire sur celle des parquets près ces tribunaux tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement. Lorsqu’il décide d’exercer sa compétence, le ou les parquets près ces tribunaux se dessaisissent sans délai à son profit. » – (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives au procureur de la République antiterroriste

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 5

Article additionnel avant l’article 5

M. le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec et Gold et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Avant l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux premier, deuxième, troisième et dernier alinéas de l’article 706-17, au premier alinéa, cinq fois, de l’article 706-17-2, à la première phrase du premier alinéa, deux fois, et au troisième alinéa de l’article 706-18, aux premier, deuxième et dernier alinéas de l’article 706-19, à l’article 706-20, aux premier et deuxième alinéas de l’article 706-22, au premier, quatre fois, deuxième, trois fois, et dernier alinéas de l’article 706-22-1 du code pénal, le mot : « Paris » est remplacé par le mot : « Rennes ».

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement procède du même esprit que l’amendement n° 30 rectifié, mais il vise une institution déjà en place, le parquet national antiterroriste, que nous proposons de relocaliser à Rennes. (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Comme par hasard !

M. André Reichardt. Pourquoi pas à Strasbourg ?

M. Joël Labbé. « Le grand débat national a mis en lumière les attentes majeures des Français en matière de transformation de l’action publique, de simplification de leur relation avec l’administration et d’accompagnement de leurs projets.

« Les Français ont à cette occasion exprimé une forte demande de services publics plus proches, plus lisibles, adaptés aux usagers, et accessibles dans tous les territoires. Ils ont insisté sur un besoin de proximité ainsi que sur une exigence de simplification des procédures administratives. »

La constitution de juridictions spécialisées semble aller à l’encontre de cet extrait de l’exposé des motifs du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, destiné à renforcer la proximité entre les administrations et les administrés.

La concentration à Paris des instances judiciaires spécialisées, qu’elles soient à venir ou déjà en place, comme le parquet national antiterroriste, entraîne une distanciation géographique entre les justiciables et le juge. Elle conduit en outre à la concentration du personnel administratif et judiciaire dans la région où l’immobilier est le plus cher, privant d’autres territoires de la République d’un levier important de développement.

On aurait pu également proposer d’installer le parquet national financier à Toulouse ou à Strasbourg, par exemple…

M. André Reichardt. Ah, vous apprenez vite !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je veux d’abord rassurer les grands électeurs du Morbihan : M. Labbé ne considère pas que le plus grand danger à venir, en matière de terrorisme, réside dans l’indépendantisme breton… (Sourires.)

Je vous ferai la même réponse que précédemment, mon cher collègue : il faut parfois penser à l’efficacité. Le parquet national antiterroriste (PNAT) travaille avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui est localisée à Paris. Il y a donc une certaine logique à l’implanter dans la même ville, même si nous comprenons bien votre souci d’aménagement du territoire.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

Outre son instance parisienne, qui mutualise ses compétences avec la force de frappe du tribunal judiciaire de Paris, le PNAT compte également, depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, treize procureurs délégués répartis dans toute la France et assurant un maillage de l’ensemble du territoire national. Enfin, il y a des magistrats antiterroristes référents dans chaque tribunal.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les grands électeurs. Je précise que, n’étant pas renouvelable cette année, je n’ai aucun intérêt direct à l’adoption de cette disposition… En outre, je tiens à dire qu’il n’est pas dans mes habitudes de procéder ainsi !

Mon message sur l’aménagement du territoire ayant été entendu, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 32 rectifié est retiré.

Article additionnel avant l'article 5 - Amendement n° 32 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 47

Article 5

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article 627-1 et à la fin du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article 627-3, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;

2° Au premier alinéa de l’article 627-2, après le mot : « République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;

3° Après le troisième alinéa de l’article 628-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’article 34, le ministère public près la cour d’assises statuant en première instance est représenté, lorsqu’il exerce sa compétence pour la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application du même article 628, par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. En appel, le procureur général peut se faire représenter par le procureur de la République antiterroriste ou l’un de ses substituts. » ;

4° La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 702 est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité ». – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 15 rectifié bis

Article additionnel après l’article 5

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 47, présenté par MM. Sueur, Jacques Bigot, Durain et Kanner, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689-11. - En dehors des cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV du présent code pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée de l’une des infractions suivantes :

« 1° Les crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;

« 2° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.

« La poursuite ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit, par cet amendement, de reprendre des dispositions qui ont déjà été adoptées à quatre reprises par le Sénat, de manière unanime, mais qui n’ont jamais été débattues à l’Assemblée nationale.

Il s’agit d’appliquer le statut de Rome, qui donne aux magistrats français le pouvoir d’intervenir en matière de crimes contre l’humanité, de crimes de génocide et de crimes de guerre poursuivis par la Cour pénale internationale (CPI).

Vous le savez, madame la ministre, il existait quatre verrous. Nous avons renoncé à supprimer l’un d’entre eux, à savoir le monopole du parquet. Un obstacle purement formel de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale a été levé. Je vous en donne acte.

Restent deux problèmes.

Le premier est la condition de résidence habituelle sur le territoire français des auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Comme M. Badinter ou Mme Delmas-Marty l’ont souvent déclaré, les auteurs de ces crimes ont rarement l’imprudence de résider habituellement dans notre pays. La question est de savoir si on peut les interpeller lorsqu’ils se trouvent en France. Ce serait la moindre des choses que d’en décider ainsi et de l’inscrire dans la loi, car ces criminels sont les pires qui soient.

La seconde difficulté tient à la double incrimination, qui suppose que notre législation soit identique à celle d’autres pays qui ne partagent pas du tout notre conception du droit et des droits de l’homme. Vous avez bien voulu accepter que cette condition soit levée pour les auteurs de crimes de génocide, mais je ne vois pas pourquoi il faudrait la maintenir pour les auteurs de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre. C’est incompréhensible !

Le dispositif de cet amendement, qui témoigne d’une certaine ténacité, est strictement conforme à celui que le Sénat a voté antérieurement. J’espère que la position du Gouvernement aura, quant à elle, évolué sur ces graves questions.

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 47
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 6

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 3° de l’article 689-11 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les infractions prévues par le code de l’environnement. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Nous partageons la ténacité de M. Sueur !

En matière d’atteintes à l’environnement, il faut bien distinguer, comme le fait le rapport intitulé « Une justice pour l’environnement », les conflits environnementaux du quotidien des affaires à haute intensité, caractérisées par l’ampleur du dommage ou la dimension spectaculaire de l’événement. Il est nécessaire d’adapter les outils de lutte contre les atteintes à l’environnement à la nature de celles-ci, en fonction de leur gravité.

L’histoire mondiale nous a malheureusement enseigné que des atteintes irréversibles à des écosystèmes ont eu des conséquences massives et très graves sur des populations entières, au point de mettre en question leur avenir sur leur territoire – je pense, par exemple, à l’emploi de l’agent orange au Vietnam.

De telles atteintes peuvent affecter indirectement la santé de citoyens français, par migration de substances dangereuses par exemple. Il ne me semble dès lors pas disproportionné de réfléchir aux moyens de rendre nos juges compétents pour connaître de ces atteintes lorsque celles-ci mettent en cause des personnes physiques ou morales françaises.

Tel est l’objet de cet amendement, que nous avions déjà déposé lors de l’examen de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide.

Il s’agit toujours de permettre que les juridictions françaises soient compétentes pour juger les personnes résidant habituellement sur le territoire de la République qui auraient commis, à l’étranger, un crime ou un délit en bande organisée accompagné d’une atteinte à l’environnement.

Le droit en vigueur prévoit que des poursuites sont possibles pour des faits commis à l’étranger, en cas de crime contre l’humanité ou de crimes de guerre, à condition qu’aucune juridiction nationale ou internationale ne demande l’extradition de la personne suspectée.

Nous avons conscience que, en l’état, cet amendement est imparfait, mais nous nous heurtons à deux obstacles.

Tout d’abord, l’éparpillement des dispositions concernant les atteintes à l’environnement entre quinze codes différents rend difficiles la caractérisation et la hiérarchisation des atteintes à haute intensité. C’est pourquoi nous proposerons également, après l’article 8, une ébauche de regroupement de quelques infractions au sein du code pénal.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Joël Labbé. La mise en œuvre de cette disposition pourrait nécessiter des démarches diplomatiques conduites conjointement par le ministère de la justice et celui des affaires étrangères. Ce n’est donc que le début d’une réflexion à mener collectivement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Jusqu’où doit-on aller en matière d’extraterritorialité de nos dispositions ? Ces deux amendements partent du même principe. En revanche, les questions soulevées sont différentes.

Le premier amendement, relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, a déjà été examiné à plusieurs reprises par le Sénat. Il est exact, monsieur Sueur, que notre assemblée a déjà voté une telle extension.

Notre commission des lois connaît les réserves de l’exécutif sur ce point et ces différents votes n’ont pas permis de convaincre l’Assemblée nationale. Cependant, eu égard à la continuité de la position du Sénat et considérant qu’il convient que la Chancellerie puisse vous répondre, elle s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

En revanche, sur la seconde question, relative à ce que l’on appelle l’« écocide », le Sénat a déjà pris position négativement, à l’instar de l’Assemblée nationale. En réalité, M. Labbé appelle à une forme de gouvernance mondiale en matière d’environnement. (M. Joël Labbé acquiesce.) Nous comprenons très bien ses motivations, mais il serait quelque peu difficile, pour les juridictions françaises, de se saisir d’une rupture de barrage en Chine ou d’une infraction en matière de biodiversité commise en Russie, ou encore de vouloir attraire tel ou tel ressortissant des États-Unis au sujet du passage d’un pipeline dans l’Alaska… Nous nous heurtons ici à la limite du possible, raison pour laquelle nous avions précédemment répondu défavorablement à cette proposition, tout en comprenant que l’on puisse appeler à une forme de gouvernance mondiale.

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 15 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux dire très clairement à M. Sueur que le Gouvernement n’entend pas revenir sur les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ni sur les discussions qui ont eu lieu au moment de son élaboration. Nous avions alors déjà longuement abordé ce sujet.

Je rappelle que cette loi a modifié la compétence quasiment universelle de la France pour juger des génocides, crimes contre l’humanité et crimes et délits de guerre commis à l’étranger. Comme le Sénat l’avait proposé, elle a introduit la référence expresse aux génocides, crimes contre l’humanité et crimes et délits de guerre, en lieu et place d’un simple renvoi à la compétence de la CPI. Elle a également mis fin à la condition de double incrimination pour les crimes de génocide. Elle a aussi introduit la possibilité, en cas de classement sans suite, de former un recours devant le procureur général, lequel devra statuer après avoir entendu le requérant.

Ainsi que je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement considère que cette réforme a permis d’atteindre un équilibre satisfaisant. Il me semble que ce dernier serait remis en cause par l’adoption de l’amendement n° 47, qui, du reste, constitue un cavalier législatif, compte tenu du champ du texte que nous examinons aujourd’hui.

Cet amendement soulève des difficultés importantes, raison pour laquelle la proposition de loi adoptée en 2013 n’a jamais été examinée par l’Assemblée nationale, y compris sous le précédent quinquennat.

Il me paraît important de redire quelles sont ces difficultés.

Tout d’abord, cette réforme aboutirait à une extension de compétences trop large, pouvant conduire à une instrumentalisation politique des juridictions françaises. À titre liminaire, il faut observer que, avec son adoption, la France, pour la première fois, créerait une clause de compétence universelle sans y être obligée ni même autorisée par une convention internationale.

Ensuite, les dispositions actuelles, qui exigent la résidence habituelle de la personne concernée sur le territoire français, me paraissent justifiées, car elles permettent de poursuivre une personne ayant commis des crimes contre l’humanité qui voudrait trouver refuge en France. Si cette condition était supprimée, toute personne de passage en France pourrait faire l’objet de poursuites. Dès lors, même si le dispositif de l’amendement tend à maintenir le monopole des poursuites du parquet, il est à craindre que des associations n’adressent à ce magistrat des demandes médiatisées de poursuites en cas de visite en France de représentants d’États étrangers qu’elles accuseraient d’avoir commis tel ou tel crime contre l’humanité. Même si le procureur devait rejeter ces demandes, de telles pratiques pourraient être source de polémiques ou d’attentes difficiles à satisfaire et seraient susceptibles d’affecter l’action diplomatique de la France.

Par ailleurs, l’exigence de double incrimination est un principe fondamental du droit international. Dès lors, il ne me paraît possible d’y déroger que de façon tout à fait exceptionnelle. En ce qui concerne le crime de génocide, l’exception est justifiée par la spécificité absolue de ce crime, sans précédent au plan historique, qui a fait l’objet de la convention de l’ONU du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée à l’unanimité. La jurisprudence de la Cour internationale de justice a établi que l’interdiction du génocide constituait une norme impérative du droit international.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, monsieur Sueur. J’estime que nous avons déjà considérablement progressé dans le sens souhaité par le Sénat lors du vote de la loi de réforme pour la justice.

S’agissant de l’amendement n° 15 rectifié bis, octroyer à la France une compétence quasiment universelle pour l’ensemble des infractions au code de l’environnement ne me paraît pas envisageable, pour plusieurs motifs.

D’abord, décider de cette compétence quasiment universelle de manière unilatérale serait contraire au principe de la souveraineté des États. Il convient de rappeler qu’une telle compétence ne peut résulter que de conventions internationales et qu’elle est, à ce jour, limitée aux crimes d’une extrême gravité, susceptibles d’être réprimés indépendamment des considérations de frontières ou de nationalité, parce qu’ils heurtent l’humanité dans son entier – je pense ici, évidemment, aux crimes de génocide, aux crimes de guerre, de tortures, etc. Les infractions au code de l’environnement, qui vise principalement à assurer le respect de règles administratives, ne me semblent pas relever de cette définition.

De manière générale, je ne crois pas que la France doive s’ériger en gendarme du monde en matière d’environnement et que nos juridictions nationales soient forcément les mieux placées pour juger d’atteintes à l’environnement commises dans des États étrangers.

Au-delà de la question de la légitimité de la France à engager des procédures dépourvues de lien nécessaire avec notre pays, l’effectivité de celles-ci n’apparaît aucunement garantie dès lors que l’établissement de la preuve d’atteintes à l’environnement requiert notamment de procéder à des enquêtes sur les lieux où les faits ont été commis.

En revanche, la lutte contre les atteintes à l’environnement à l’échelle mondiale nécessite de multiplier les initiatives internationales en la matière, afin que nous puissions y apporter une réponse globale et cohérente, à laquelle la France doit être partie prenante.

Enfin, je veux rappeler que les atteintes à l’environnement commises par les réseaux de délinquance et de criminalité organisée peuvent déjà faire l’objet d’une répression par les juridictions françaises, dès lors que l’un des faits constitutifs des infractions a eu lieu sur le territoire français.

Pour ces raisons, monsieur Labbé, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je vous remercie de vos explications, qui reprennent celles qui nous avaient été fournies antérieurement.

La position du Sénat, déjà exprimée à quatre reprises par un vote unanime, est équilibrée. En effet, nous avons renoncé à remettre en cause le monopole du parquet. Vous évoquez le risque que des associations s’expriment ; les associations ont le droit de s’exprimer, mais la décision de poursuivre ne peut être prise que par le parquet.

Par ailleurs, la condition de résidence habituelle constitue toujours une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux. Je connais la position du Quai d’Orsay que vous relayez, selon laquelle ouvrir la possibilité d’interpeller des criminels de guerre, des auteurs de génocide ou de crimes contre l’humanité de passage dans notre pays porterait atteinte à notre diplomatie. Il faut que ces personnes résident des années durant en France pour que l’on puisse les juger. (Mme la garde des sceaux proteste.) Notre position est différente.

Enfin, pour ce qui concerne la double incrimination, je ne comprends pas pourquoi vous avez levé cette restriction pour les crimes de génocide, ce qui est très bien, mais pas pour les crimes contre l’humanité ni pour les crimes de guerre, qui sont eux aussi très graves. Quelle est la logique ? Je rappelle que la condition de double incrimination n’est jamais invoquée dans le cadre du mandat d’arrêt européen pour les infractions les plus graves, telles que le terrorisme, le trafic d’armes et la traite des êtres humains.

Par conséquent, notre position me paraît fondée. J’espère que nous obtiendrons un jour satisfaction.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

Mme Éliane Assassi. Vous n’êtes pas cohérents !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre III

Dispositions relatives à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 15 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 7

Article 6

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après la référence : « 522 », la fin de la seconde phrase du second alinéa de l’article 706-76 est supprimée ;

2° L’article 706-95-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, l’autorisation du juge d’instruction mentionnée au 2° de l’article 706-95-12 peut être délivrée sans avis préalable du procureur de la République. Elle comporte alors l’énoncé des circonstances de fait établissant l’existence du risque imminent. » ;

3° L’article 706-95-15 est abrogé.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

aux personnes ou aux biens

par les mots :

aux personnes, aux biens et à l’environnement

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à étendre aux atteintes à l’environnement l’autorisation de recourir aux techniques spéciales d’enquête aujourd’hui prévues en matière de lutte contre la délinquance organisée.

Le rapport « Une justice pour l’environnement » fait en effet état du manque de moyens d’enquête pour lutter contre les atteintes à l’environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Proposer de recourir à des techniques spéciales d’investigation comme l’interception des correspondances ou la géolocalisation des véhicules pour lutter contre les atteintes à l’environnement, c’est aller un peu trop loin.

Il s’agit de mesures très attentatoires aux libertés, que l’on utilise uniquement en matière de lutte contre les bandes organisées et dont il n’est pas évident qu’elles puissent présenter un intérêt particulier en matière d’atteintes à l’environnement. Il nous semble plus approprié de recourir à des expertises qu’à ces techniques spéciales. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.

Dans sa décision du 21 mars 2019 relative à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Conseil constitutionnel a jugé que l’emploi de ces techniques, particulièrement intrusives, devait être réservé à des infractions d’une particulière gravité et complexité.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. J’entends les arguments de la commission et du Gouvernement sur le respect des libertés, mais nous devons nous donner les moyens de lutter contre les attentes à l’environnement. Cela étant, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 est adopté.)

Chapitre IV

Dispositions relatives à la lutte contre la délinquance économique et financière

Article 6
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel avant l'article 8 - Amendement n° 18 rectifié bis

Article 7

Après le 8° de l’article 705 du code de procédure pénale, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Délits prévus à l’article L. 420-6 du code de commerce. » – (Adopté.)

Chapitre V

Dispositions relatives à la lutte contre les atteintes à l’environnement

Article 7
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 8

Article additionnel avant l’article 8

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Préville et Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :

Avant l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 173-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

2° L’article L. 216-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les personnes morales, le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

3° L’article L. 218-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

4° L’article L. 218-34 est ainsi modifié :

a) Au I, le nombre : « 18 000 » est remplacé par le nombre « 75 000 » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour les personnes morales, le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

5° Après le I de l’article L. 218-70, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

6° À l’article L. 218-73, les mots : « d’une amende de 22 500 euros » sont remplacés par les mots : « de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende » ;

7° Au premier alinéa de l’article L. 218-76, le montant : « 300 euros » est remplacé par le montant : « 1 500 euros » ;

8° Après le I de l’article L. 218-80, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

9° L’article L. 226-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

10° L’article L. 331-26 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour une personne morale, le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

11° L’article L. 341-19 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour une personne morale, le montant de l’amende prévue au II et au III du présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

12° La section 2 du chapitre V du titre 1er du livre IV est complétée par un article L. 415-… ainsi rédigé :

« Art. L. 415-… – Lorsque les infractions prévues par la présente section ont été commises par des personnes morales, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

13° Le II de l’article L. 514-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

14° L’article L. 521-21 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

15° L’article L. 522-16 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

16° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre V est complétée par un article L. 536-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 536-5-…. – Lorsque les infractions prévues par la présente section ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

17° L’article L. 541-46 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

18° L’article L. 557-60 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

19° Le 3° de l’article L. 596-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

20° L’article L. 597-20 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;

21° L’article L. 713-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. La responsabilité pénale des personnes morales en matière environnementale doit évoluer afin que l’on puisse sanctionner les grandes entreprises qui tirent profit des infractions qu’elles commettent. Il faut tenir compte de ce caractère lucratif.

Si les sanctions prévues par le code de l’environnement peuvent être multipliées par cinq en vertu de l’article 131-38 du code pénal, elles ne sauraient être suffisamment dissuasives pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est très élevé.

Cet amendement vise donc à proportionner le montant de l’amende, calculé sur le chiffre d’affaires de la personne morale, aux avantages tirés de l’ensemble des infractions prévues par le code de l’environnement.

Il s’agit d’une mesure d’équité. Je pense notamment aux très grandes entreprises qui peuvent se permettre d’être accompagnées juridiquement et qui pourront, grâce à la nouvelle convention judiciaire d’intérêt public, négocier leur peine. Cette situation est inéquitable au regard des petites entreprises qui s’efforcent de respecter la loi et ne tirent pas profit de leurs infractions, souvent non intentionnelles.

En outre, cet amendement vise à mettre fin à la quasi-impunité de ces grosses entreprises, les peines prononcées aujourd’hui étant indolores et incitant à la constitution de provisions en amont. L’adoption de cet amendement permettrait aux juges de prononcer une peine plus dissuasive lorsqu’ils constatent que l’atteinte à l’environnement permet d’espérer un gain supérieur au maximum de l’amende encourue, comme le recommande le rapport remis par le CGEDD et l’inspection générale de la justice en octobre dernier.

Un tel dispositif s’inspire des sanctions prévues en matière de pratiques commerciales trompeuses. Le lien entre l’infraction et le chiffre d’affaires garantit la constitutionnalité de la mesure.

Enfin, cet amendement tend à mieux tenir compte, dans le droit pénal, de la directive du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement, qui dispose que les États membres doivent prévoir des peines effectives, proportionnées et dissuasives.

Mes chers collègues, si la réparation des dommages causés à l’environnement est importante, la prévention l’est tout autant !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. M. Labbé souhaite modifier l’échelle des peines en matière de droit de l’environnement. Or traiter de l’échelle des peines est un exercice extrêmement complexe : il faut tenir compte de nombreuses dispositions administratives, de modalités d’amende, d’interdictions d’exploitation ou de gestion… Ce que l’on appelle la « pénologie » est devenu une véritable science, et je ne me permettrais pas de m’engager dans une refonte du droit de la peine au détour d’un texte que nous avons dû examiner dans un délai relativement restreint.

Par ailleurs, sur un plan plus politique, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, la véritable avancée de ce texte, en matière d’environnement, ne réside pas tant dans la création de juridictions spécialisées, qui ne traiteront que la partie médiane du spectre des infractions – j’y vois au moins une vertu pédagogique –, que dans celle de la convention judiciaire d’intérêt public.

Monsieur Labbé, vous proposez que le montant de l’amende puisse aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, quand la convention judiciaire d’intérêt public fixe le plafond à 30 % de celui-ci. Il s’agit donc d’un outil ultra-puissant, dont la mise en œuvre sera rapide et loin d’être indolore, une publication étant en outre prévue.

Enfin, la CJIP permettra, contrairement au droit pénal classique ou au droit administratif, un monitoring dans le cadre des plans de mise en conformité. Le parquet pourra ainsi exercer un contrôle au sein même de l’entreprise. Je vous renvoie aux débats sur les affrètements maritimes que nous avons eus dans le passé.

Il s’agit d’un outil plus puissant que ce que vous proposez, mon cher collègue, qui modifiera probablement en profondeur la manière dont les parquets appréhendent la répression des infractions en matière de droit de l’environnement.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Je partage l’argumentation de M. le rapporteur. J’ajouterai que la proposition de porter le montant de l’amende encourue pour l’ensemble des délits prévus dans le code de l’environnement à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise me semble contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Dans une décision de 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale, ce dernier a en effet précisé qu’il était nécessaire d’établir un lien entre le critère de fixation du montant de la peine encourue et le comportement incriminé. En l’absence de lien entre l’infraction et le chiffre d’affaires, le Conseil constitutionnel juge que la peine est susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec l’infraction constatée, et donc de méconnaître la Constitution. Si l’on voulait se conformer à l’exigence constitutionnelle, il conviendrait d’examiner précisément chaque délit pour constater, ou non, l’existence d’un tel lien.

Sur un plan plus politique, comme je l’ai déjà souligné, le rapport que la CGEDD et l’IGJ nous ont remis le 6 novembre comporte des éléments qui touchent au fond du droit pénal. La révision de l’échelle des peines prévues par le code de l’environnement mérite d’être envisagée de façon plus globale pour être cohérente. En ce sens, je partage votre intuition, monsieur Labbé. Je vous suggère de travailler ensemble sur cette révision, pour arriver à une écriture plus cohérente et plus globale. Peut-être pourrons-nous le faire au cours de la navette parlementaire.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 18 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Je suis très embêté de devoir retirer mes amendements les uns après les autres… (Sourires.) Il est important que le débat ait lieu. Madame la ministre, votre réponse est constructive ; monsieur le rapporteur, la vôtre est objective. Je vais, cette fois encore, retirer mon amendement, mais il n’en ira pas toujours de même par la suite !

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis est retiré.

Demande de renvoi à la commission de l’article 8

M. le président. Je suis saisi, par MM. Durain, Jacques Bigot, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, d’une motion n° 39.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission l’article 8 du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (n° 336, 2019-2020).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour deux minutes et demie, un orateur d’opinion contraire, pour deux minutes et demie également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour la motion. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, nous avons mené une longue réflexion, au sein du groupe socialiste et républicain, avant de déposer cette motion de renvoi à la commission visant en priorité l’article 8 de ce projet de loi ambitieux, mais décevant.

L’« ambition déceptive » : n’est-ce pas là la plus belle formule qui résume la politique environnementale conduite depuis le début de ce quinquennat ?

Rappelez-vous, chers collègues : en juin 2017, le nouveau locataire de l’Élysée veut incarner l’avant-garde environnementale : make our planet great again ! Quelques chercheurs ont entendu l’appel du président Macron, mais Nicolas Hulot décide de quitter le navire, en raison d’un écart trop grand entre les discours et les actes. De la grande histoire à la petite, tout illustre le décalage entre les objectifs affichés et les petits pas accomplis grâce à la politique environnementale du Gouvernement.

Les attentes sont pourtant fortes. Une partie de la jeunesse se mobilise et se radicalise, dans le courant, notamment, du mouvement Extinction Rebellion. Voilà quelques jours, plus de 1 000 scientifiques ont signé un appel à la mobilisation, en incluant la désobéissance civile.

D’autres mouvements moins radicaux, mais tout aussi profonds, impriment encore l’opinion. Je pense ici à la plus belle réussite de l’exécutif en matière environnementale, à savoir la création de la Convention citoyenne pour le climat. Audacieuse sur la forme et dans ses objectifs, cette innovation institutionnelle soulève beaucoup d’espoirs.

Madame la ministre, avez-vous pris en considération dans vos travaux, ces derniers mois, cette convention citoyenne qui travaille sur des sujets de justice climatique. Des députés sont allés parler d’écocide avec ces citoyens. Je ne sais pas si la convention se montrera plus ouverte à cette innovation juridique que la majorité sénatoriale ne l’a été ; j’espère que oui.

On peut imaginer aussi que ces citoyens feront des propositions en termes de hiérarchie des peines en matière de délinquance et de criminalité environnementales, de moyens à la disposition de la justice. Quelle est votre opinion, madame la ministre, sur ces sujets ? Avez-vous volontairement arbitré certaines mesures de ce projet de loi à la baisse pour laisser des marges de manœuvre à la Convention citoyenne pour le climat ? Ces interrogations sont sincères, car nous ne comprenons pas quelle logique vous anime. Faute de réponse satisfaisante, nous jugeons préférable de renvoyer à plus tard nos débats sur ces sujets, pour ne pas court-circuiter les travaux de cette utile Convention citoyenne pour le climat. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission propose au Sénat de rejeter cette demande de renvoi à la commission de l’article 8.

Comme je l’ai déjà souligné, la création de juridictions spécialisées en matière d’environnement va plutôt dans le bon sens, même s’il ne faut pas en exagérer l’importance. Surtout, la convention judiciaire d’intérêt public constituera un outil très puissant pour réprimer, à l’avenir, les infractions au code de l’environnement et aussi assurer une forme de prévention.

Chers collègues du groupe socialiste et républicain, il serait d’autant plus dommage de renvoyer l’article 8 à la commission que la CJIP est un peu votre enfant. En effet, ce dispositif est apparu dans notre droit, en matière fiscale et en matière de corruption, avec la loi Sapin II. Peut-être auriez-vous pu faire une lecture différente de cet article, au-delà du caractère politique de cette demande de renvoi à la commission, en vous appropriant l’élargissement du champ d’intervention de cet outil ?

Lors de la discussion générale, Mme Assassi nous a fait part de son sentiment de voir notre législation glisser vers un droit anglo-saxon. S’il est vrai que ces conventions sont issues de pratiques rendues célèbres par le droit anglo-saxon, elles sont cependant un moyen d’affirmer la souveraineté de notre système judiciaire. En matière de corruption et de sanctions économiques, le drame des affaires BNP et Société Générale tient au fait que notre pays et l’Union européenne n’avaient pas de capacité de réponse : échec du règlement de blocage et de l’application de la loi de 1968… La seule solution viable, c’est d’établir une forme d’égalité des armes. Or le fait d’intégrer de telles dispositions dans notre droit nous permettra, demain, de nous retourner contre une société internationale responsable d’un acte de pollution maritime ou d’une infraction grave en matière d’environnement en employant les mêmes moyens. Il s’agit donc à mes yeux d’un élément de notre souveraineté juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Durain, vous évoquez plusieurs sujets au travers de cette motion de renvoi à la commission, sur laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

La CJIP environnementale comporte des dispositions à la fois très précises et très efficaces pour lutter contre les crimes et délits environnementaux et surtout pour prévenir la réitération de faits similaires : amende pouvant aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, possibilité de régulariser, sous le contrôle des services du ministère de l’environnement, la conformité de l’entreprise au regard des réglementations en matière de police environnementale et réparation du dommage causé, par compensation ou en nature. Cette réparation peut consister, monsieur Jacques Bigot, en la dépollution d’un site industriel, le nettoyage d’eaux polluées aux hydrocarbures, un reboisement, etc.

La CJIP sera donc à la fois extrêmement utile pour le présent, car porteuse de sanctions efficaces, et particulièrement précieuse pour l’avenir, avec la mise en conformité. J’ajoute que la CJIP pourra être publiée : ce sera un facteur d’exemplarité et de dissuasion très fort, comme en témoignent des affaires récentes…

En ce qui concerne la Convention citoyenne pour le climat, monsieur le sénateur, il s’agit également d’une démarche extrêmement utile et précieuse. Nous ne connaissons pas encore pleinement les résultats de ses travaux, mais ils pourraient être intégrés à ce texte, à l’occasion de la navette, s’ils sont publiés à temps.

Nous sommes en train de travailler sur l’échelle et la hiérarchie des peines. Vos amendements contribuent à la réflexion, tout comme les observations des inspections générales, mais ce sont des éléments qu’il faut manier avec précaution. Il s’agit pour moi non pas de botter en touche, mais de profiter du délai offert par la navette parlementaire pour améliorer les dispositions. Nous pourrons ainsi aboutir à un outil cohérent et laisser de la place aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat si elles nous parviennent à temps et méritent d’être introduites dans ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Cette demande de renvoi à la commission vise à nous permettre de travailler avec le Gouvernement à l’élaboration d’une stratégie globale.

Vous avez affirmé, madame la ministre, que l’article 8 a pour objet de manifester une ambition politique de lutter contre les infractions au droit de l’environnement, mais on ne trouve quasiment rien, dans l’étude d’impact, en termes de poursuites et de sanctions. Si vous voulez effectivement lutter contre un certain nombre d’atteintes à l’environnement, il faudra, à un moment donné, développer une véritable stratégie en matière de protection de la biodiversité ou de lutte contre la pollution des sols, par exemple. On pourra alors mobiliser l’administration pour constater les infractions et créer des procureurs spécialisés. Mais à quoi bon créer des procureurs spécialisés par ressort de cour d’appel s’il n’y a pas de saisines, de rapports et de dossiers suffisamment solides et argumentés ?

Nous considérons que, en l’état, cet article 8, c’est du vent ! Voilà la réalité ! On pourra envisager de mettre en place la convention judiciaire d’intérêt public, mais elle doit s’inscrire dans une stratégie globale. Quelle est votre ambition politique, madame la ministre ? Pour l’heure, nous ne le savons pas.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 39, tendant au renvoi à la commission de l’article 8.

(La motion nest pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion de l’article 8.

Article additionnel avant l'article 8 - Amendement n° 18 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 8 rectifié

Article 8

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 41-1-2, il est inséré un article 41-1-3 ainsi rédigé :

« Art. 41-1-3. – Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus au code de l’environnement ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion des crimes et délits contre les personnes prévus au livre II du code pénal, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public imposant une ou plusieurs des obligations suivantes :

« 1° Verser une amende d’intérêt public au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé de manière proportionnée, le cas échéant au regard des avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, sur une période qui ne peut être supérieure à un an et qui est précisée par la convention ;

« 2° Régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements dans le cadre d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans, sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement ;

« 3° Assurer, dans un délai maximal de trois ans et sous le contrôle des mêmes services, la réparation du préjudice écologique résultant des infractions commises.

« Les frais occasionnés par le recours, par les services compétents du ministère chargé de l’environnement, à des experts ou à des personnes ou autorités qualifiées pour les assister dans la réalisation d’expertises techniques nécessaires à leur mission de contrôle sont supportés par la personne morale mise en cause, dans la limite d’un plafond fixé par la convention. Ces frais ne peuvent être restitués en cas d’interruption de l’exécution de la convention.

« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si la personne morale mise en cause justifie de la réparation de son préjudice, la convention prévoit également le montant et les modalités de la réparation des dommages causés par l’infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à un an.

« La procédure applicable est celle prévue à l’article 41-1-2 du présent code et aux textes pris pour son application. L’ordonnance de validation, le montant de l’amende d’intérêt public et la convention sont publiés sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l’environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise, ou à défaut, de l’établissement public de coopération intercommunal auquel la commune appartient. » ;

2° Après l’article 180-2, il est inséré un article 180-3 ainsi rédigé :

« Art. 180-3. – Les dispositions de l’article 180-2 sont applicables aux délits mentionnés à l’article 41-1-3 aux fins de mise en œuvre de la procédure prévue au même article 41-1-3. » ;

3° Le titre XIII bis du livre IV est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un chapitre Ier intitulé : « Des pôles interrégionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement et à la santé publique » comprenant les articles 706-2 à 706-2-2 ;

b) Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Des pôles régionaux spécialisés en matière datteintes à lenvironnement

« Art. 706-2-3. – Dans le ressort de chaque cour d’appel, la compétence territoriale d’un tribunal judiciaire est étendue au ressort de la cour d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par le code de l’environnement, à l’exclusion de ceux mentionnés aux articles 706-75 et 706-107, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient complexes, en raison notamment de leur technicité, de l’importance du préjudice ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent.

« Cette compétence s’étend aux infractions connexes.

« Un décret fixe la liste de ces juridictions qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.

« Le procureur de la République, le juge d’instruction et la formation correctionnelle de ces tribunaux exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382, 706-2 et 706-42.

« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République et le juge d’instruction exercent leurs attributions sur toute l’étendue du ressort de la cour d’appel.

« La juridiction saisie reste compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire sous réserve de l’application des dispositions des articles 181 et 469. Si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.

« Le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que ceux mentionnés au présent article peut, pour les infractions entrant dans le champ du présent article, requérir le juge d’instruction, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 704-2 et 704-3, de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction du tribunal judiciaire à compétence territoriale étendue par application du présent article. »

La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Selon le Gouvernement et le rapporteur, l’article 8 est l’un des points forts du projet de loi.

En effet, le dispositif de cet article, qui s’appuie sur le rapport relatif à la justice environnementale remis le 30 janvier dernier, se veut particulièrement innovant en matière de traitement de contentieux souvent complexes, multiformes et trop peu sanctionnés.

La biodiversité et le vivant n’ont jamais été autant menacés. L’arsenal législatif, pénal et répressif doit donc être porté à la hauteur des défis écologiques, pour la survie même de notre humanité. Nous partageons l’intention de renforcer la justice environnementale et ses moyens. Pour autant, les mesures de ce texte sont largement décevantes.

Ainsi, l’article 8 prévoit la création d’une sorte de transaction pénale dans le domaine environnemental via la création de conventions judiciaires d’intérêt public. À l’image de ce qui existe en matière d’évasion fiscale, il s’agit d’ouvrir au ministère public la possibilité de traiter directement avec les délinquants environnementaux.

D’une part, un tel dispositif existe déjà et il n’y a donc pas de nouveauté, notamment pour les délits les moins graves. D’autre part, nous jugeons ce mécanisme contre-performant en termes de symbole.

Nous entendons les arguments du Gouvernement quant à la rapidité d’une telle procédure et à la possibilité de mesures de réparation ou de compensation environnementale. Pour autant, nous restons dubitatifs, craignant que cette transaction n’ouvre la voie à une justice d’exception, sans procès ni droits de la défense ; une justice externalisée, idéale pour ne pas trop abîmer l’image des entreprises.

Certes, il faut désengorger les tribunaux, mais est-ce vraiment la bonne solution ? Mes chers collègues, je crois que nous prenons la problématique à l’envers. Constater la difficulté qu’il y a à rendre la justice devrait nous orienter non vers la voie de la justice conventionnelle, mais vers celle d’une refonte des délits, des peines et des sanctions.

Ainsi, nous aurions souhaité l’insertion dans le code pénal des infractions constituant des atteintes à l’environnement. Nous aurions également souhaité, comme le préconisait le rapport que j’ai évoqué, la création d’un délit de mise en danger de l’environnement, afin de ne plus devoir attendre l’accident pour agir.

Madame la ministre, vous avez évoqué une refonte de l’échelle des peines, en mentionnant l’exemple de la peine applicable en cas d’exploitation sans autorisation, qui nous renvoie à l’actualité.

Toutes ces pistes sont ignorées par ce projet de loi ; nous le regrettons.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. Mon collègue Guillaume Gontard a plus précisément évoqué les dangers de la convention judiciaire d’intérêt public. Nous nous étions déjà opposés aux transactions pénales en matière d’évasion fiscale. Nous n’avons aucune raison de changer d’avis aujourd’hui, quand bien même l’objet de ces transactions, dont le principal intérêt est de remplir les caisses de l’État, a changé. Je n’y reviendrai donc pas.

La question de fond que mon collègue a posée est de savoir de quel arsenal législatif et répressif nous avons besoin pour protéger l’environnement. La marche est relativement haute et le projet de loi est, de ce point de vue, trop peu ambitieux. Pour autant, de quels moyens avons-nous besoin pour instaurer une justice environnementale performante, et donc réellement dissuasive ?

La création de pôles régionaux spécialisés, présentée comme une grande avancée, se résume en réalité pour l’essentiel à une opération de communication.

Certes, comme le souligne François Molins, les délais de traitement du contentieux environnemental sont deux fois plus longs, mais, encore une fois, la bonne réponse consiste-t-elle à créer des structures spécialisées pour répondre à un problème organique ? Nous ne le pensons pas, surtout si ce doit être à moyens constants, comme le rappelle l’étude d’impact.

Il n’est pas question de doter ces structures de moyens spécifiques ; l’idée est simplement de nommer des référents pour les contentieux environnementaux au sein des juridictions existantes. Les juges ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : ils demandent en priorité une formation au traitement de ce contentieux relativement complexe.

Moyens constants, voire en recul s’agissant des moyens humains du ministère de l’écologie, en particulier ceux de la police environnementale chargée de relever les infractions : quelle ironie !

C’est bien une politique du « en même temps » que l’on déploie, en faisant illusion avec des mesurettes tout en limitant les moyens accordés à l’administration et à la justice pour faire leur travail. Je vous le dis comme je le pense, madame la ministre : sans remise en question des politiques d’austérité, les pollueurs ont encore de beaux jours devant eux !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.

M. Jean-François Husson. L’article dont nous débattons prévoit la création d’un nouveau mécanisme transactionnel pour régler les contentieux environnementaux les plus graves et la mise en place de juridictions spécialisées au sein des cours d’appel pour traiter de ces mêmes contentieux.

Madame la ministre, vous avez fait de l’article 8 une opération de communication, pour nous vendre une justice « verdie » ou encore une « nouvelle justice pour l’environnement ». Je crois qu’il s’agit plus simplement d’une opération de greenwashing et que le chemin est encore long pour atteindre un objectif que je partage par ailleurs.

Accroître la célérité de la justice dans ce domaine est nécessaire. Je ne peux cependant qu’émettre un certain nombre de doutes et d’interrogations quant à la voie que vous avez décidé d’emprunter.

Deux mécanismes transactionnels permettent aujourd’hui de traiter les contentieux relevant du code de l’environnement. Grâce à la transaction et la composition pénales, près de 80 % des cas sont réglés en évitant la lourdeur d’un procès. Or transiger n’est aujourd’hui possible que pour les affaires les moins graves. Est-on sûr, dans ces conditions, que la nouvelle convention judiciaire créée à l’article 8 permettra de régler beaucoup de nouveaux cas ? Avons-nous une estimation du nombre d’affaires qui pourraient être réglées par le biais de la CJIP environnementale ?

Par ailleurs, certains de mes collègues l’ont rappelé, comment peut-on être certain que la CJIP environnementale ne deviendra pas un moyen, pour certaines entreprises, d’éviter un procès et une condamnation publics qui, dans les dossiers les plus graves – je pense par exemple à celle de l’Erika –, sont absolument nécessaires ? Je ne suis pas sûr que les mesures de publicité prévues à l’article 8 suffisent.

Enfin, selon l’exposé des motifs du projet de loi, la CJIP est instaurée pour remédier à la lenteur des procès liés au contentieux environnemental. Bien sûr, transiger permettra d’aller plus vite et de réduire des délais de jugement qui peuvent parfois atteindre près de trois ans aujourd’hui. Mais le vrai remède n’est pas de multiplier les mécanismes alternatifs ; il est d’augmenter les moyens de la justice, de mettre fin aux économies de bouts de chandelles et de sanctuariser la reddition publique des comptes, ce que, hélas, la CJIP environnementale ne permettra plus demain. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Je remercie notre collègue Jean-François Husson des propos qu’il vient de tenir ; je partage pleinement son analyse.

Je comprends maintenant la position de la majorité de la commission, qui soutient l’article 8. Le rapporteur l’a dit, il ne partage pas l’opinion de Mme la ministre : il ne considère pas que les mesures prévues produiront des résultats extraordinaires ; il estime qu’il y aura peu de cas et que les moyens alloués seront faibles. Cela est de nature à rassurer certains, qui ne souhaitent pas que des entreprises soient poursuivies pour avoir enfreint les règles environnementales.

Madame la ministre, le Gouvernement a-t-il véritablement la volonté d’appeler les chefs d’entreprise à respecter notre environnement ? Je ne pense pas, d’ailleurs, que les infractions commises soient toujours aussi intentionnelles qu’on l’imagine ; elles tiennent souvent à un mépris à l’égard des règles administratives. Il conviendrait de mettre en œuvre une stratégie de sensibilisation à ces dernières. Cela viendra peut-être, mais, en attendant, il faut prévoir des stratégies fermes en matière de poursuites. Les conventions transactionnelles peuvent être une solution, mais il faut de l’exemplarité. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il est même possible que certains, s’imaginant mieux défendre les entreprises que d’autres, se satisfont de cet article d’affichage, qui ne changera rien au fond…

C’est précisément parce que nous voulons que les choses changent que nous demandons la suppression de l’article 8, après avoir demandé son renvoi à la commission. Ensuite, nous poursuivrons le débat. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Doit-on considérer que l’article 8 n’apporte rien ? Je ne le pense pas.

S’il convient d’être prudents quant à l’apport des juridictions spécialisées en matière d’environnement qui seront créées au sein de chaque cour d’appel, je ne partage pas l’opinion de notre collègue en ce qui concerne les conventions judiciaires d’intérêt public, dont j’ai à plusieurs reprises souligné l’intérêt tout particulier. Un dispositif de cette nature peut représenter une véritable rupture dans le traitement des atteintes à l’environnement.

Sans revenir sur les arguments que j’ai déjà exposés, je rappellerai à nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, que le dispositif de l’article 8 a été soumis au Conseil d’État, qui n’a pas exprimé la moindre réserve.

En outre, j’ai auditionné, au nom de la commission, l’ensemble des syndicats de magistrats et des avocats. Les syndicats de magistrats, quelle que soit leur tendance, n’ont formulé aucune réserve à propos des conventions judiciaires d’intérêt public, non plus que les avocats, eu égard aux garanties que présente le dispositif, qui n’est pas exclusif de toute publicité ou de tout procès, puisqu’un jugement d’homologation et la publication de ce jugement, selon différentes modalités, sont prévus. De plus, les victimes sont entendues dans le cadre de cette procédure et les modalités de pénalité définies prennent en compte le préjudice que celles-ci ont subi.

Enfin, je ne peux que vous inviter à regarder ce qui se passe dans la vraie vie : en l’absence de ces conventions, pensez-vous que le PNF aurait obtenu les dommages et intérêts considérables que Google ou HSBC, par exemple, ont été condamnés à verser ? (M. Éric Bocquet manifeste son scepticisme.) Souvenez-vous aussi de l’inquiétude que suscitait dans notre pays le dossier Airbus jusqu’à ce que la décision du PNF permette de clore l’ensemble des procédures devant les juridictions françaises, anglaises et, surtout, américaines. La preuve de l’efficacité de ces conventions est bien faite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Au-delà de la CJIP, la justice environnementale s’inscrit dans une stratégie globale, qui est d’abord celle du ministère de la transition écologique et solidaire. Ainsi, la loi portant création de l’Office français de la biodiversité a renforcé les pouvoirs et les prérogatives des inspecteurs de l’environnement. Il n’y a donc pas que la justice qui évolue.

Le ministère de la justice intervient, quant à lui, au travers des mesures que je propose au travers du présent texte, telles qu’une spécialisation d’un certain nombre de juridictions. Il ne s’agit pas pour moi de mener une opération de communication, comme ont pu le dire Mme Assassi ou M. Husson ; tel n’est pas du tout le sujet.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non, pas du tout, monsieur le sénateur, je puis vous l’assurer ! Ma préoccupation est d’avoir des magistrats bien formés et habitués à traiter ces contentieux extrêmement complexes. C’est cela qui importe, et c’est pour cette raison que nous spécialisons un certain nombre de juridictions.

Enfin, monsieur Husson, vous avez parlé, me semble-t-il, d’économies de bouts de chandelles : franchement, nous ne nous inscrivons pas dans cette perspective ! Le budget de la justice, je suis désolée de devoir le rappeler, augmente de 25 % en cinq ans. Vous avez tout à fait le droit de penser que ce n’est pas suffisant, mais ne parlez pas d’économies de bouts de chandelles alors que, cette année, nous disposerons de davantage de magistrats et de greffiers. Ce ne sera toujours pas assez, notamment en ce qui concerne les greffiers, mais les moyens s’accroissent, c’est un fait.

Je n’ai jamais parlé d’une révolution ni même d’une grande avancée. Nous essayons simplement de mettre en place une organisation adaptée au traitement des délits ou des crimes environnementaux.

Le ministère de l’intérieur est un autre acteur qu’il ne faut pas négliger. Il augmente le nombre d’enquêteurs au sein de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp). Il contribue, lui aussi, à la stratégie globale que je viens de décrire.

Je ne développerai pas mon propos sur la CJIP, M. le rapporteur s’étant exprimé de façon tout à fait remarquable. Il s’agit d’un outil supplémentaire dans la palette des réponses pénales. Nous savons si bien son efficacité qu’il serait dommage de s’en priver à ce stade. Cet outil permettra évidemment de régler un nombre plus important de cas, sachant que les sanctions seront plus élevées et que les procureurs pourront y recourir plus facilement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. La CJIP n’est pas plébiscitée par tout le monde. Notre rapporteur, qui est assez dithyrambique à propos de cet outil qu’il juge « ultra-puissant », n’est pas suivi par le Syndicat de la magistrature, par exemple, qui considère que l’utilisation de la transaction résulte d’une conception économique de la justice, particulièrement étrangère à notre culture juridique, et que le coût financier de la commission d’une infraction pourrait être intégré par les sociétés comme n’importe quel coût, sans effet dissuasif.

De plus, selon ce même syndicat, la CJIP ouvre la possibilité d’une négociation entre le procureur et l’entreprise poursuivie dans un contexte où le rapport de force risque d’être fortement déséquilibré au profit des entreprises, bien conseillées, et au détriment de l’autorité judiciaire, aux moyens plus limités. Le Syndicat de la magistrature évoque aussi une justice à deux vitesses et constate que cet outil pourrait ne pas être assez dissuasif.

Par ailleurs, l’analogie avec la matière fiscale ne me semble pas valide ; je rejoins sur ce point les propos tenus par notre collègue Husson. En matière fiscale, on a perdu un peu d’argent, on en récupère… Ce n’est pas très grave : « Plaie d’argent n’est pas mortelle. »

Madame la ministre, vous avez parlé vous-même tout à l’heure de hisser notre organisation judiciaire à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Or ces attentes, en matière environnementale, sont énormes ! Vous avez vous-même évoqué des atteintes irréversibles : comment peut-on réparer ou compenser une atteinte irréversible ? C’est impossible !

Cette dimension transactionnelle s’apparente à une forme de plaider-coupable, mais n’est-ce pas plutôt, au bout du compte, une forme de permis de polluer s’inscrivant dans un rapport économique défavorable à la justice ?

Enfin, tous les chiffres en notre possession démentent que les moyens d’enquête et de constatation sur le terrain des services de l’État, de l’Office français de la biodiversité, de l’Ineris ou de l’Oclaesp soient à la hauteur des besoins. Les enquêtes et les constatations seront insuffisantes, mais on engagera une négociation ! Dans ces conditions, ceux qui ont tendance à porter atteinte à l’environnement continueront à le faire. La CJIP n’est pas une bonne idée.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Madame la ministre, vous avez parlé de délits et de crimes ; or on ne saurait négocier quand il s’agit de crimes. Peut-être le problème est-il précisément que les crimes envers l’environnement ne sont pas traités comme des crimes.

À mon sens, rien ne remplace un procès, notamment quand il y a des victimes. La médiatisation est nécessaire, tout comme l’appropriation par la population de ces sujets, qui doivent être débattus. En effet, comme mon collègue Jérôme Durain l’a signalé, nous ne sommes pas là face à des enjeux classiques. Le dispositif proposé ne répond ni à l’urgence ni aux attentes de la population. Nos concitoyens ne comprendraient pas que l’on traite ces problèmes de cette façon. Ce n’est pas possible ! La prise de conscience sur ces sujets et leur appropriation par nos concitoyens sont tellement fortes que l’on ne peut pas se contenter d’un tel mode de règlement de ces affaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Cette affaire est singulière. Il existe une définition des crimes et des délits, qui a un caractère général. On ne saurait comprendre qu’il existe deux types de procédures selon la matière. Pourquoi y aurait-il des matières où le délit supposé donnerait lieu à un procès, et d’autres où l’on considérerait a priori qu’un procès serait superflu et qu’il suffit de signer une convention, c’est-à-dire de « s’arranger » ?

C’est une sorte de plaider-coupable. Certes, on a fait quelque chose qui n’est pas très bien : on a pollué une rivière. Mais enfin, on ne l’a pas fait exprès, et puis la pollution ne touche qu’une unique rivière ! Alors on va se mettre d’accord, apporter une petite contribution financière, et tout ira bien ! Je trouve choquant que, pour certains délits, on considère d’emblée que l’on peut trouver un arrangement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. J’expose mon point de vue, madame la ministre. Peut-être ai-je tort ; vous m’expliquerez en quoi. Pour ma part, c’est ainsi que je comprends ce qui nous est proposé, après avoir beaucoup écouté mes collègues. J’ai aussi lu le texte de cet article : « à l’exclusion des crimes et des délits contre les personnes », il est possible de conclure une convention d’intérêt public impliquant quelques obligations. N’est-ce pas ce qui nous est soumis ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. « Il est possible », précisément !

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit donc d’une sorte d’arrangement entre personnes. Cela signifie que, a priori, ce qui relève de l’environnement est plus bénin que ce qui relève d’autres matières. Or il y a des faits bénins dans toutes les sphères de l’activité humaine.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a là une sorte de justice à deux vitesses que je trouve choquante.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Ce débat fort intéressant revient régulièrement. Cette justice négociée est tout à fait incompréhensible pour nos concitoyens. La justice, c’est la justice : il n’y en a pas deux, mais une seule, qui s’applique à chacun, quels que soient son rang, son statut et son poids financier.

On nous explique que ce dispositif permet de récupérer de l’argent. HSBC a versé 300 millions d’euros. Mais combien cette banque aurait-elle dû verser si elle avait respecté les règles ? Évidemment, ces groupes extrêmement puissants paient des armées d’avocats. Ils savent si bien négocier que, même en amont du processus législatif devant mener à la création de la taxe sur les GAFA, ces groupes ont fait comprendre qu’ils disposaient de moyens de rétorsion et qu’il valait mieux calmer le jeu… La République se couche ! Cela pose un vrai problème de démocratie.

Google a payé 17 millions d’euros d’impôts en France en 2018, alors que, selon certaines études, il aurait normalement dû acquitter 7 milliards d’euros. On se réjouit que Google accepte de faire un chèque de 1 milliard d’euros, mais on perd 6 milliards d’euros !

Cette justice à deux vitesses est incompréhensible dans le climat du moment, alors que beaucoup de nos concitoyens désespèrent de la politique au sens large et des élus. Ce genre d’événements ne fait qu’aggraver cette perte de confiance fondamentale. Il nous faut être vigilants !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Pour ma part, je suis favorable au maintien de l’article 8. Que l’on ne nous dise pas qu’il n’existe pas, dans le fonctionnement de la justice, de précédents de transactions. Cela fonctionne : je pense au plaider-coupable, mais aussi aux conventions judiciaires d’intérêt public créées par la loi Sapin II.

Cette approche produit des résultats et ne constitue en rien, pour la justice, une manière de renoncer à sa mission. Au contraire, c’est un moyen de lui donner des leviers d’action extrêmement puissants, non seulement pour punir, puisqu’une amende est prévue, même si son montant est négocié, mais aussi pour infléchir profondément les comportements de la personne morale qui s’est mise en faute.

Naturellement, s’il y a une victime, s’il s’agit d’un crime, ou d’un délit qui affecte une personne physique, il n’est pas possible de transiger. On ne peut alors utiliser ce dispositif ; je tiens à souligner qu’y recourir n’est jamais qu’une possibilité, et non une obligation.

La justice tord le bras de la personne morale, par exemple de l’entreprise qui commet des dégradations de l’environnement. Celle-ci se soumet à la procédure, fait preuve de bonne volonté ; on la surveille pendant un certain nombre d’années, en lui accordant un délai pour se mettre en situation de respecter l’environnement.

Par ailleurs, il y a une ordonnance de validation publique, le montant de l’amende est public, la convention elle-même est publique ! J’estime pour ma part que beaucoup de garanties sont apportées. Au fond, il faut que le Sénat ait le courage d’assumer et d’adopter une telle disposition positive.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mon expression ayant pu tout à l’heure laisser planer un doute, je tiens à préciser que, bien entendu, la convention judiciaire d’intérêt public ne peut s’appliquer qu’aux délits, et absolument pas aux crimes.

Je rappelle par ailleurs à M. Sueur que le procureur a l’opportunité des poursuites.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il peut donc, quelle que soit la situation, proposer une convention ou opter pour un procès.

La CJIP, telle qu’elle a été créée dans la loi Sapin II, permet d’obtenir une sanction beaucoup plus rapidement qu’une procédure classique. Elle garantit la remise en état ; si celle-ci est impossible, la compensation peut s’effectuer autrement : c’est tout de même un point important. (M. Jérôme Durain proteste.) Qu’il y ait procès ou pas, monsieur le sénateur, si la remise en état est impossible, elle est impossible ! Cela n’a rien à voir !

M. Jérôme Durain. Un procès est plus dissuasif !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non ! Croyez-vous, monsieur le sénateur, que les sanctions dont vous connaissez le montant n’ont pas eu un effet dissuasif sur Google, HSBC ou d’autres entreprises ? L’efficacité de la CJIP tient également au fait que les sanctions sont beaucoup plus élevées que celles auxquelles aboutit la procédure contentieuse normale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 48 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 à 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Guillaume Gontard. L’article 8 instaure un dispositif de transaction pénale environnementale et permet d’y avoir recours pour des délits plus importants que ceux pour lesquels une telle procédure est d’ores et déjà prévue par le code de l’environnement. Nous demandons, par le biais de cet amendement, la suppression pure et simple de ce dispositif.

L’exposé des motifs du projet de loi est assez clair : sont particulièrement visées les affaires qui représentent un enjeu financier important. Il s’agit donc, avant toute autre chose, de ramener de l’argent dans les caisses de l’État !

Nous contestons le principe même de ces conventions, qui créent une rupture d’égalité entre les justiciables. Les mêmes délits ne donneront pas lieu aux mêmes procédures judiciaires. Or les procédures ordinaires sont garantes non seulement des droits de la défense, mais également de l’ensemble des règles afférentes aux procès.

L’expérience en matière fiscale devrait nous servir de leçon. En effet, c’est bien une convention judiciaire d’intérêt public qui a permis à la banque HSBC, mise en cause dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale, de s’en sortir avec une simple amende de 300 millions d’euros. Non seulement cette transaction n’impliquait pas de reconnaissance explicite de culpabilité, mais surtout le montant de l’amende ne représentait que 20 % des avoirs des clients de la banque qui se sont soustraits à l’impôt. Et vous voulez étendre ce dispositif aux délits environnementaux !

Nous n’y sommes bien sûr pas favorables. Nous demandons donc la suppression de cette mesure qui, sous couvert de rendre la justice avec célérité, remet en cause tous les principes d’une procédure équitable.

Les puissants ont toujours droit à des dispositifs particuliers leur offrant discrétion et arrangements. Nous souhaitons, bien au contraire, que le rôle des parties civiles soit renforcé, notamment celui des associations environnementales, et que l’arsenal répressif soit complété. Nous souhaitons enfin que les moyens humains de la police de l’environnement et de la justice soient renforcés. Sinon, aucune avancée en matière de justice environnementale ne pourra réellement être réalisée.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 48.

M. Jérôme Durain. Lors d’un colloque à l’Assemblée nationale, le 30 janvier dernier, Mme Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, a déclaré que « les sanctions actuelles ne sont pas à la hauteur de l’urgence écologique ».

J’ai tout de même du mal à accepter l’analogie que l’on établit entre les atteintes à l’environnement et de « simples » questions financières. Ces questions, au contraire, sont lourdes : notre collègue Éric Bocquet a rappelé ce que ces transactions nous font perdre.

En matière d’atteintes à l’environnement, on ne peut remédier aux dégradations irréversibles. On nous affirme qu’il y aura réparation, compensation : je n’y crois pas. Quels moyens seront mobilisés, en amont, pour contrôler, vérifier, expertiser, enquêter ? Ces moyens sont déjà faibles, et ils diminuent !

Au-delà, on sait bien ce qui se passera pendant la phase de négociation avec l’entreprise mise en cause. On évoquera l’effet d’une sanction trop lourde sur l’emploi, et il est clair que cette sanction n’atteindra jamais 30 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

La création de la CJIP, conjuguée au manque de moyens de la justice environnementale, aboutit à la création d’une justice à deux vitesses : certains pourront négocier quand d’autres n’échapperont pas au procès.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de ces alinéas.

M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Les conventions judiciaires d’intérêt public sont proposées aux fins d’accélérer les sanctions. Cet outil judiciaire est certes efficace, mais son emploi est critiqué en matière financière, certains dénonçant un moyen d’acheter son innocence financière.

De façon générale, ces conventions s’inspirent du système judiciaire américain et affaiblissent la place de l’autorité judiciaire dans le système pénal. Un tel dispositif n’est pas satisfaisant en matière environnementale, parce qu’un préjudice environnemental est plus difficile à évaluer qu’un préjudice financier. De même, la réparation du préjudice environnemental est parfois impossible, alors qu’elle est toujours possible en matière financière. Le parallèle établi ne nous semble donc pas totalement pertinent.

En outre, ce dispositif pourrait fragiliser les PME au regard des grands groupes, dès lors que, faute de conseil juridique équivalent, elles se montreraient plus vertueuses que ces derniers, incités quant à eux à acheter un droit à polluer. Il faudra de toute façon procéder à une fine évaluation de ce dispositif s’il doit être mis en œuvre.

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par MM. Durain, Jacques Bigot, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Ne pas répondre aux appels d’offres des marchés publics pendant trois ans.

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. L’absence de reconnaissance de culpabilité permise par les conventions judiciaires d’intérêt public constitue un véritable problème. La conclusion d’une telle convention permet à l’entreprise responsable d’atteintes à l’environnement de conserver un casier judiciaire vierge. Cela signifie notamment que cette entreprise pourra continuer à répondre aux appels d’offres des marchés publics.

Cela nous paraît totalement anormal. C’est pourquoi nous souhaitons d’interdire aux entreprises ayant commis de tels délits de répondre à ces appels d’offres pendant une durée de trois ans, afin d’accroître le caractère dissuasif du dispositif.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 9, seconde phrase

Après les mots :

sont publiés

insérer les mots :

au Journal officiel et

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Notre groupe est, depuis l’origine, plus que réservé à l’égard du dispositif des conventions judiciaires d’intérêt public. Il va sans dire que ce type de conventions offre à l’entreprise mise en cause des moyens de mieux maîtriser les conséquences négatives de ses actes pour son image.

C’est pourquoi nous considérons que, si le texte devait être maintenu en l’état, il conviendrait que ces conventions soient largement rendues publiques. Comme l’exigeait le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, le dispositif proposé prévoit déjà que l’ordonnance de validation, le montant de l’amende d’intérêt public et la convention elle-même soient publiés sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l’environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise ou, à défaut, sur celui de l’établissement public de coopération intercommunale auquel ladite commune appartient. Tout cela va dans le bon sens, mais ne nous semble pas suffisant.

Aussi proposons-nous tout simplement, au travers de cet amendement, que la publicité de ces nouvelles transactions environnementales soit renforcée par la publication au Journal officiel de tous les éléments que j’ai cités. Une telle publication nous paraît plus informative pour nos concitoyens et plus dissuasive pour la personne morale mise en cause, qui pourrait être tentée de récidiver.

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Préville et Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :

Alinéa 9, seconde phrase

Remplacer les mots :

et de la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise, ou à défaut, de l’établissement public de coopération intercommunal auquel la commune appartient

par les mots :

et de la personne morale en cause pour une durée d’un an

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement de repli vise à renforcer les obligations découlant de la convention judiciaire d’intérêt public, à défaut de la suppression pure et simple de ce dispositif.

Son objet est de prévoir la publication de la convention et des documents s’y rapportant sur le site internet de l’entreprise concernée, pour une durée minimale d’un an, dans une logique de name and shame.

M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ils sont publiés par tous moyens utiles dans la commune sur le territoire de laquelle l’infraction a été commise.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à ouvrir aux communes concernées par la pollution induite par une personne morale la possibilité de publier la CJIP par tous moyens utiles. Il convient en effet de simplifier la mise en œuvre de l’obligation d’information pour les maires et de la faire porter principalement sur l’auteur des atteintes à l’environnement.

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Durain, Jacques Bigot, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La personne morale mise en cause mentionne la convention et son contenu dans son rapport annuel.

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Il convient d’éviter que la CJIP aboutisse seulement un « bon deal », sans rien derrière. La publicité de cette convention est un sujet crucial. Il nous semble que la personne morale mise en cause devrait mentionner la convention et son contenu dans son rapport annuel. Cela permettrait d’aller au bout de la logique voulant que cette convention constitue, d’une certaine manière, un préjudice pour la réputation de cette entreprise. En tout cas, elle vient attester des actes délictueux que celle-ci a pu commettre ou occasionner. Cette publication dans le rapport annuel s’inscrirait dans un dispositif global de sanctions contraignantes affectant l’image de l’entreprise.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La même personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus au code de l’environnement ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion des crimes et délits contre les personnes prévus au livre II du code pénal, ayant déjà conclu deux conventions judiciaires d’intérêt public ne peut plus y avoir recours. En cas de nouvelle infraction, un passage en audience a lieu dans le cadre de poursuites pénales classiques. » ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Il s’agit de limiter à deux le nombre de recours possibles aux CJIP en matière environnementale. Au-delà, des poursuites classiques seraient engagées. La tentation pourrait en effet être grande, notamment pour des personnes morales aux capacités financières importantes, d’abuser de ces transactions en se payant un « droit à polluer » à moindres frais.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Philippe Bas et moi-même sommes arrivés au bout de notre argumentation sur les CJIP ; nous avons exposé tous les éléments d’analyse qui font que nous sommes favorables à ce dispositif. La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune.

Je rappelle qu’une publication de la convention sur le site internet de la commune concernée ou, à défaut, sur celui de l’EPCI, ainsi que sur le site du ministère chargé de l’environnement, est déjà prévue. Je ne suis pas sûr que la publication au Journal officiel permette d’améliorer l’information de nos concitoyens.

L’exclusion des marchés publics est une disposition qui figure dans la panoplie à la disposition de nos tribunaux, qu’il y ait convention judiciaire d’intérêt public ou pas. Si un procureur de la République estime, avec la liberté qui est la sienne, que c’est la bonne mesure à soumettre à une juridiction, il pourra le faire. Il ne s’agit en aucun cas de retirer aux tribunaux la possibilité de prononcer une telle condamnation.

J’appelle toutefois votre attention, mes chers collègues, sur le fait que cette condamnation peut poser problème. Si un grand groupe de travaux publics ou du bâtiment se trouve exclu des marchés publics, c’est une sanction importante pour lui et ses actionnaires, certes, mais aussi pour ses salariés. Il est plus fin de passer par le monitoring, qui permet d’imposer à l’entreprise, de l’intérieur, d’adopter une politique de formation, de sous-traitance, etc., adéquate.

Concernant la limitation à deux du nombre de recours possibles à la CJIP, monsieur Gontard, j’observe que l’homologation des CJIP sera soumise à la juridiction. Faisons confiance à nos tribunaux : s’ils estiment qu’il y a un recours excessif à ce dispositif pour une entreprise, ils refuseront l’homologation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Certains estiment qu’il s’agit de simples sanctions financières et que cela revient à acheter un « droit à polluer ». Mesdames, messieurs les sénateurs, j’appelle votre attention sur le fait qu’une personne morale ne va pas en prison : en toute hypothèse, la seule sanction qu’elle peut se voir infliger est financière, que cela découle d’une convention ou d’un jugement. Comme disait le doyen Maurice Hauriou, « je n’ai jamais déjeuné avec une personne morale ».

Monsieur Labbé, je ne crois pas que l’on puisse prétendre qu’il s’agit d’acheter un « droit à polluer ». En revanche, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faudra procéder à une fine évaluation de l’utilisation du dispositif. C’est un point important.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, cet outil n’entraîne pas un affaiblissement de l’autorité judiciaire, dans la mesure où toutes les conventions doivent être validées par un juge en audience publique.

Enfin, la convention judiciaire d’intérêt public est dissuasive à un double titre : d’une part, par son caractère d’exemplarité – le mécanisme transactionnel impose nécessairement une reconnaissance des faits, à défaut d’une reconnaissance de culpabilité –, et, d’autre part, par la publication systématique de la CJIP sur les sites internet de mon ministère, de la commune et du ministère chargé de l’environnement. C’est un dispositif très efficace ! Aucune décision judiciaire n’est publiée au Journal officiel.

M. Gérard Longuet. Absolument !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par ailleurs, qui lit le Journal officiel, à part vous et moi ? (Sourires.)

En conclusion, ce système me semble extrêmement pertinent. Il permet l’exemplarité et la dissuasion ; c’est ce que nous recherchons. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 48.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 43, présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 17

1° Après le mot :

jugement

insérer les mots :

des crimes et

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une cour d’assises désignée spécialement à cet effet juge des crimes commis à l’environnement.

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Avec cet amendement, nous souhaitons aller au bout de la logique proposée.

Trop longtemps, nous nous sommes reposés sur l’idée selon laquelle les êtres humains étaient assez intelligents et raisonnables pour maîtriser eux-mêmes leurs dérives et préserver la planète. Une telle logique témoigne d’un orgueil démesuré ; elle nous a condamnés trop longtemps à l’inaction en matière environnementale.

Le groupe socialiste et républicain entend rompre ce cercle vicieux. L’objectif est de poursuivre et de punir les délits, mais aussi les crimes les plus graves qui portent atteinte de manière irréversible à la « sécurité de la planète », pour reprendre les mots de Mireille Delmas-Marty. Il s’agit de poser les bases d’un droit pénal de l’environnement, permettant de lutter rigoureusement contre la criminalité environnementale et de punir sévèrement les auteurs de ces actes.

Le Sénat a su, par le passé, être précurseur sur les questions environnementales, notamment en faisant adopter la notion de préjudice écologique, grâce à une proposition de loi déposée par Bruno Retailleau. Il s’agit maintenant d’aller plus loin dans le combat pour la préservation de la planète. C’est pourquoi notre groupe souhaite étendre le dispositif de l’article 8 aux crimes environnementaux. Il formulera d’autres propositions en la matière, au travers notamment de l’amendement n° 44, portant sur l’écocide, et de l’amendement n° 45, relatif au Mont-Blanc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement me paraît assez paradoxal. Alors que vous avez demandé l’abrogation de l’article 8 avec beaucoup d’énergie et de ténacité, monsieur Durain, en particulier la suppression des juridictions spécialisées en matière d’environnement, vous proposez maintenant la création d’une cour d’assises spécialisée en droit de l’environnement. Voilà qui me semble contradictoire !

Par ailleurs, je ne sais pas très bien ce que recouvre la notion de cour d’assises spécialisée. En quoi serait-elle spécialisée ? Si je ne vois pas de difficulté particulière pour une juridiction de première instance, que deviendraient les jurys populaires dans une cour d’assises spécialisée en droit de l’environnement ? Faudrait-il des magistrats spécialisés ? Dans notre société, la cour d’assises est l’émanation de la population générale : c’est loin d’être neutre. Imaginer une composition particulière de cour d’assises en matière de droit de l’environnement me paraît intellectuellement un peu curieux. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. Il n’y a pas de crimes en droit de l’environnement, donc pas de cour d’assises.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde, M. Requier, Mmes Préville et Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Après le mot

prévus

insérer les mots :

aux chapitres III à VI du code rural et de la pêche maritime et

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Comme l’indique le rapport « Une Justice pour l’environnement », il existe déjà, au sein des juridictions, des référents pour le contentieux de l’environnement, créés par la circulaire du 23 mai 2005. Cependant, comme le souligne ce même rapport, les recommandations de cette circulaire n’ont pas été suivies, faute de moyens : il n’existe pas de certitude quant à la désignation de magistrats référents dans chaque parquet.

Après dépouillement des réponses des cours d’appel au questionnaire qui leur a été adressé, la mission d’évaluation des relations entre la justice et l’environnement faisait état de 0,02 à 0,1 équivalent temps plein travaillé par parquet… Les pôles régionaux qu’il est proposé d’instaurer ont donc vocation à remplacer ces magistrats référents, mais nous craignons que, faute de moyens spécialement dédiés, ils ne subissent le même sort.

C’est pourquoi nous proposons d’étendre la compétence de ces pôles aux atteintes à l’environnement prévues aux chapitres III à VI du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, c’est-à-dire aux infractions liées à l’utilisation de produits phytosanitaires et de matières fertilisantes. Nous espérons que cela impliquera de doter ces pôles de moyens substantiels. Bien qu’elles ne soient pas rattachées au code de l’environnement, ces infractions constituent une part importante des atteintes à l’environnement et emportent des conséquences potentiellement importantes sur les milieux naturels. Il semble donc cohérent que ces affaires relèvent de la nouvelle juridiction spécialisée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Après avoir demandé la suppression de la juridiction spécialisée en matière d’environnement, on nous propose maintenant de lui confier davantage de contentieux. Au-delà du manque de cohérence intellectuelle que révèle une telle proposition, ce serait contre-productif au regard de l’exigence de proximité. Aujourd’hui, une infraction en matière de chasse est traitée par la juridiction départementale ; si, demain, il fallait la renvoyer à la juridiction spécialisée, des problèmes de compréhension se poseraient, alors même que cette matière n’exige aucune technicité particulière. Le même raisonnement vaudra concernant l’amendement n° 11 rectifié bis, qui porte sur le code forestier. Ne surchargeons pas les juridictions spécialisées…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde, M. Requier, Mmes Préville et Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Après le mot :

prévus

insérer les mots :

par le code forestier ainsi qu’aux 1° et 2° du I de l’article L. 512-1 et de l’article L. 512-2 du code minier et

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 38

Articles additionnels après l’article 8

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 29 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 29. – I. – Les gardes particuliers assermentés sont investis de prérogatives de puissance publique dans l’exercice de leur mission particulière de surveillance des propriétés pour lesquelles ils sont commissionnés par un ou plusieurs commettants et sont dépositaires de l’autorité publique dans cet exercice.

« 1° Ils sont habilités à exercer les pouvoirs de police judiciaire qui leur sont conférés par le présent code et dans les conditions et limites qui en découlent.

« 2° Les gardes particuliers auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire en des domaines spécifiques exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par ces lois.

« II.- Les gardes particuliers assermentés recherchent et constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde. Ils remettent ou adressent leurs procès-verbaux par tout moyen à date certaine directement au procureur de la République, à peine de nullité dans les cinq jours suivant leur clôture.

« III.- Les gardes particuliers sont habilités à verbaliser par la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 les contraventions des quatre premières classes qui peuvent donner lieu à cette procédure et qu’ils constatent dans les domaines de polices pour lesquels ils sont commissionnés et assermentés.

« IV.- Les gardes particuliers sont habilités à relever l’identité des personnes à l’encontre desquelles ils entendent dresser procès-verbal. Si la personne refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, le garde en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire territorialement compétent qui peut lui ordonner de la retenir sur place ou de la conduire dans un local de police aux fins de vérification de son identité, conformément aux dispositions de l’article 78-3. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à rendre d’emblée lisible l’organisation des ressources affectées à la police judiciaire de l’environnement, et, partant, l’existence des autres agents et gardes que les inspecteurs de l’environnement ou les forces de police générale. Les gardes particuliers assermentés, notamment, sont des acteurs de proximité incontournables pour la dissuasion et sont habilités à la police des déchets.

Les inspecteurs de l’environnement et certains autres fonctionnaires assermentés et les officiers de police judiciaire (OPJ), agents de police judiciaire (APJ) et agents de police judiciaire adjoints (APJA) sont mentionnés, respectivement, au premier et au deuxième alinéas de l’article L. 172-4 du code de l’environnement. La création d’un nouvel article L. 172-4-1 vise à ce qu’ils soient tous mentionnés. Il s’agit de clarifier la compétence en matière de police judiciaire au sein du code de l’environnement.

La disposition permettra de réparer l’oubli de 2012, afin que les gardes particuliers apparaissent d’emblée comme des acteurs de la police de l’environnement, notamment en matière de chasse et de pêche.

Cet article « chapeau » permettra également à l’Office français de la biodiversité de mettre en place des partenariats avec les gardes particuliers assermentés structurés en association.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Mon cher collègue, je rends les armes : sur ce sujet, je me heurte au principe de Peter. (Sourires.) En vingt-quatre heures, malgré l’aide de nos collaborateurs, nous n’avons pas été en mesure d’expertiser cette disposition subtile relative aux gardes-pêche et aux gardes-chasse assermentés. Je sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement, en priant le Sénat de bien vouloir excuser mon manque de compétence…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le projet de loi ne comporte aucune disposition relative aux prérogatives des gardes particuliers. Il me semblerait difficile d’en ajouter une.

Plus fondamentalement, les modifications proposées ne me paraissent pas opportunes, en particulier celles qui sont relatives à la possibilité, pour les gardes particuliers, d’adresser des amendes forfaitaires. Il convient de rappeler que les gardes particuliers sont des agents privés, et non des agents publics. Leurs pouvoirs ne peuvent être identiques à ceux de ces derniers. Ils se limitent à un pouvoir de constatation des infractions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde. La loi ne leur accorde pas de pouvoirs d’enquête. Il me semble difficile d’aller au-delà.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 8 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 14 rectifié

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 705-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République financier dispose d’un droit d’évocation des affaires en matière de fraude fiscale. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. L’examen de ce texte me donne une occasion, que je n’espérais pas, de présenter un amendement qui vise à introduire un droit d’évocation des affaires au bénéfice du parquet national financier, en matière de traitement des dossiers de fraude fiscale, sans remettre bien sûr en cause le principe de la compétence concurrente.

Ce droit d’évocation, qui serait exercé en cas d’échec de la procédure de concertation avec les parquets territorialement compétents, permettrait au PNF de mieux définir sa compétence, sur la base d’un principe de subsidiarité reposant sur des critères objectifs du fait de la technicité et de la complexité des investigations et des règles juridiques applicables. Il permettrait également de favoriser un traitement harmonisé des affaires similaires.

Dans sa communication au Premier ministre relative à la fraude aux prélèvements obligatoires et remise au mois de novembre 2019, la Cour des comptes recommandait l’attribution au PNF d’un tel droit d’évocation en matière de fraude fiscale.

Faisant partie du groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales de la commission des finances, je ne pouvais manquer l’occasion de déposer cet amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vous avez eu raison de saisir cette occasion, ma chère collègue. Le texte fait droit à votre position ; votre amendement est donc satisfait.

Les dispositions d’arbitrage entre juridictions qui ont été inscrites par la Chancellerie dans le projet de loi et qui font suite aux travaux du procureur général François Molins sont d’une merveilleuse subtilité. Depuis longtemps se pose la question d’accorder un droit d’évocation du PNF. Jusqu’à présent, la réponse était négative, mais le présent texte crée un droit d’évocation sans le dire, en prévoyant que la compétence de la juridiction spécialisée l’emporte sur celle de la juridiction de droit commun et que la compétence de la juridiction territorialement la plus étendue l’emporte sur celle de la juridiction dont le ressort territorial est plus limité. Or le PNF est une juridiction spécialisée à ressort territorial national.

C’est ainsi, ma chère collègue, que le texte vous donne satisfaction en créant, sans le dire, un droit d’évocation pour le PNF ! Cette question suscitait des désaccords, mais, dès lors les mots n’apparaissent pas, tout le monde est content…

La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur, pour cette belle démonstration.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Voter une mesure utile sans le dire, c’est magnifique !

Ce qui importe, c’est que nos débats fassent apparaître clairement l’intention du législateur et du ministre. Cela aidera non seulement le parquet national financier, mais aussi les services de Tracfin, qui, je ne le cache pas, sont eux aussi extrêmement intéressés par cette disposition.

Au bénéfice de ces explications lumineuses, je retire l’amendement. Je vais pouvoir maintenant rejoindre le groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales de la commission des finances en étant totalement satisfaite !

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 38
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 46

M. le président. L’amendement n° 38 est retiré.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 20° de l’article 706-73 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :

« 20° Délit prévu par le code de l’environnement, lorsqu’il est connexe avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 19° du présent article. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement, déjà présenté lors de l’examen de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, vise à permettre l’utilisation de moyens actuellement dévolus à la lutte contre la criminalité organisée en matière d’atteintes à l’environnement.

Lors de nos précédentes discussions, il a été dit que l’opportunité du dispositif de cet amendement n’était pas évidente. Certes, son périmètre pourrait être restreint aux atteintes les plus graves, mais cela nécessiterait un important travail d’inventaire de long terme. De nombreuses observations nous ont poussés à le redéposer. Il s’agit pour nous d’accélérer la prise de conscience sur la nécessité de renforcer les moyens d’enquête dévolus à la poursuite des infractions environnementales.

Le rapport « Une justice pour l’environnement » met en exergue l’inadaptation des moyens techniques des juridictions françaises pour faire face à la multiplication des contentieux environnementaux à attendre, compte tenu de la sensibilité accrue de nos concitoyens à ces questions.

Comme il est souligné dans ce même rapport, « il n’y a pas de police efficace sans renseignement. Ce constat est particulièrement vrai pour rechercher et analyser les signaux faibles des atteintes à l’environnement. » Les moyens prévus à l’article 706-73 du code de procédure pénale pourraient permettre de repérer ces signaux faibles.

Le rapport reconnaît par ailleurs l’existence de liens entre criminalité organisée et atteintes à l’environnement et évoque même une réforme de l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure. Il préconise en outre de réfléchir au remplacement de l’Oclaesp par un service national d’enquêtes judiciaires écologiques.

Nous espérons que cet amendement permettra d’engager une réflexion sur un renforcement des moyens d’enquête, qui s’imposera un jour ou l’autre du fait de la multiplication des recours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je comprends que vous souhaitiez un renforcement des moyens d’enquête en matière d’atteintes à l’environnement, monsieur Labbé, mais recourir aux techniques spéciales d’enquête utilisées pour lutter contre la criminalité en bande organisée serait par trop attentatoire aux libertés publiques. Nous en avons déjà parlé tout à l’heure.

L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 14 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 16 rectifié

M. le président. L’amendement n° 46, présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 222-22-2 est ainsi rédigé :

« Art. 222-22-2. – Tout acte de pénétration sexuelle par une personne majeure sur ou avec un mineur de quinze ans constitue le crime de violence sexuelle sur enfant. Il est puni de vingt ans de réclusion criminelle. La tentative est punie des mêmes peines. » ;

2° À l’article 227-25, après la première occurrence du mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « et l’infraction prévue à l’article 222-22-2 ».

II. – Au deuxième alinéa de l’article 7 du code de procédure pénale, la référence : « et 221-12 » est remplacée par les références : « , 221-12 et 222-22-2 ».

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Cet amendement a pour objet d’améliorer la protection des mineurs victimes de viols et d’agressions sexuelles. Il tend à créer une nouvelle incrimination pénale, le crime de violence sexuelle sur enfant, en prévoyant que tout acte de pénétration sexuelle par une personne majeure commis sur une personne mineure de 15 ans est un crime de violence sexuelle sur enfant, puni d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle, la tentative étant punie de la même peine.

Cet amendement tend à compléter la présomption de contrainte induite par l’écart d’âge prévue à l’article 222-22-1 du code pénal. Les travaux menés par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et plus particulièrement son avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles, ont montré la nécessité de fixer un seuil d’âge en deçà duquel le non-consentement de la victime mineure est présumé.

Dans sa note de positionnement du 16 avril 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a souhaité que soit posé un interdit clair, à destination des adultes, de ne pas pénétrer sexuellement les enfants.

Considérant l’élément intentionnel de l’infraction exigé par le Conseil constitutionnel, notons que nulle pénétration sexuelle ne saurait être involontaire. Le Conseil national de la protection de l’enfance recommande d’instaurer une infraction criminelle spécifique posant l’interdiction absolue, pour tout majeur, de commettre un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans.

À l’heure où, malheureusement, les révélations d’affaires de viols se multiplient dans les médias et où l’ampleur de ces drames apparaît au grand jour, nous nous devons de regarder en face cette lèpre de notre société. Ces questions sont si importantes qu’elles doivent être traitées de façon urgente. On ne peut sans cesse renvoyer leur examen à un meilleur véhicule législatif. Le présent projet de loi traite de la justice pénale spécialisée : les crimes sexuels sur mineurs relèvent de ce champ.

L’adoption de cet amendement permettrait que l’on n’ait plus à parler de consentement dans des affaires comme celles qui, comme je l’ai dit, font malheureusement l’actualité. Avoir des relations sexuelles avec un mineur de 15 ans est un crime : cela doit figurer dans la loi, afin de protéger le public vulnérable des mineurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas la première fois que nous abordons ce sujet. Nous avons notamment eu un très long débat, très argumenté, lors de l’examen du projet de loi présenté par Mme Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Mme la garde des sceaux avait d’ailleurs très activement contribué à définir la position du Gouvernement sur ce texte.

Certaines idées ayant l’apparence du bon sens se retournent en fait parfois contre les personnes qu’elles visent à protéger, en l’occurrence les enfants. Nous avions dit, à l’époque, que fixer un seuil d’âge en deçà duquel toute relation sexuelle avec un mineur serait un crime était absolument contraire au rythme de développement de la maturité sexuelle des adolescents. Ce qui compte, c’est non pas l’âge, mais la capacité à mesurer ce que l’on fait.

Prenez le cas d’une jeune fille de 14 ans et demi, amoureuse d’un garçon de 17 ans et demi. Imaginez que les parents de la jeune fille soient hostiles à cette relation et qu’ils décident d’intenter un procès au jeune homme fois une fois qu’il aura atteint l’âge de 18 ans. Ce dernier serait alors considéré comme un criminel parce qu’il aurait des relations sexuelles avec une enfant de moins de 15 ans et serait passible de la cour d’assises ? Cela relève-t-il du bon sens ?

Un tel système, par son automaticité, aurait des conséquences extrêmement graves et ne serait pas favorable à la protection des enfants.

Je vous invite donc à la prudence, mes chers collègues. En tous les cas, si vous voulez rouvrir un débat qui a déjà eu lieu voilà dix-huit mois, et ce de manière très approfondie, alors faites-le non pas au détour d’un texte sur le Parquet européen, mais à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi ou d’un projet de loi spécifique.

Les bons sentiments ne suffisent pas à faire de bonnes lois !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Au terme de très longs débats, nous sommes parvenus à un équilibre dans la loi d’août 2018. Cet équilibre a conduit à des dispositions interprétatives sur la notion de consentement, sur la différence d’âge dont pourrait découler un élément de contrainte, qui font que la question de la prescription peut aujourd’hui se poser dans un certain nombre d’affaires mettant en cause des adultes ayant commis des viols ou des agressions sexuelles sur des mineurs.

J’ajoute qu’une évaluation de la loi est en cours à l’Assemblée nationale, sous la conduite de Mme Alexandra Louis. Il me semble qu’il serait sage d’attendre d’en connaître les résultats avant d’envisager une éventuelle modification.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je partage l’avis du président Bas : ce sujet ne doit pas être abordé à l’occasion de l’examen du présent texte.

La mission commune d’information traitant des violences sexuelles sur mineurs en institution avait un peu laissé de côté le volet pénal, car il avait été examiné quelques mois auparavant.

Néanmoins, une véritable évaluation de la loi Schiappa est indispensable, madame la garde des sceaux, car certaines interprétations et certains jugements rendus perturbent beaucoup les associations de victimes. Nous avions souhaité que cette évaluation soit effectuée par des députés et des sénateurs, et non par la seule rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, mais le Gouvernement a fait un choix différent.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Le président Bas a parfaitement raison : nous avons déjà eu ce débat. Pour reprendre son exemple, je me souviens d’ailleurs que lui-même souhaitait alors protéger le jeune majeur ayant une relation avec une jeune fille de moins de 15 ans plutôt que cette dernière.

Il est indispensable d’inscrire dans la loi qu’un acte de pénétration sexuelle commis sur un mineur de 13 ans ou de 15 ans – on peut avoir un débat sur le seuil d’âge – est tout simplement interdit. On voit bien, au regard notamment de l’actualité dans le domaine du sport, qu’il faut clairement poser l’interdiction, pour un adulte, qui est rarement âgé de 18 ans, d’avoir des relations sexuelles avec un mineur de 15 ans, parce que c’est un crime. Nous sommes convaincus que c’est la seule solution. Cela a d’ailleurs été dit par beaucoup, notamment par le Conseil national de la protection de l’enfance, qui a proposé l’inscription de cette interdiction dans la loi dès 2016.

Compte tenu de l’urgence, il nous a paru logique de redéposer cet amendement visant à instaurer le crime de violence sexuelle sur enfant.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je ne peux pas laisser dire que je m’intéresse davantage au jeune majeur qu’à la mineure.

Si vous fixez le seuil d’âge à 13 ans, la jeune fille est protégée jusqu’à ses 12 ans et 364 jours – commettre sur elle un acte de pénétration est alors un crime –, mais à compter de ses 13 ans et un jour, elle ne l’est plus, et vous vous en accommodez ! En réalité, c’est vous qui vous intéressez assez peu à la protection des enfants ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Bigot proteste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 46
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 17 rectifié

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 223-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Après le mot : « immédiat », sont insérés les mots : « ou futur » ;

2° Après le mot : « mutilation », sont insérés les mots : « , une maladie ».

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement, également présenté lors de l’examen de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, vise à ouvrir une autre piste d’adaptation de notre droit pénal aux enjeux environnementaux, après l’augmentation du quantum des peines, le rapatriement des infractions environnementales éparpillées dans divers codes au sein du code pénal et la création de nouvelles infractions, en adaptant certaines infractions de notre droit à la nouvelle donne environnementale.

Il s’agit en particulier d’adapter la notion de mise en danger de la vie d’autrui, en prenant en compte une dimension future, et d’étendre cette incrimination aux cas de maladies. Une telle extension est plus critiquée, mais elle nous paraît tout à fait nécessaire.

Lors de l’examen de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, le rapporteur avait affirmé qu’une réflexion sur ce point était nécessaire. Plusieurs mois se sont écoulés. Cette réflexion et la décision du tribunal administratif de Lyon que j’ai évoquée lors de la discussion générale auront peut-être permis de faire évoluer les termes du débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je ne sais où en est la réflexion de la Chancellerie, mais définir une infraction en fonction de l’hypothèse qu’un manquement délibéré à une obligation de sécurité pourrait potentiellement avoir des conséquences sur l’état de santé ou provoquer une maladie dans le futur nous ferait naviguer sur la mer des incertitudes… Le droit pénal doit reposer sur une définition précise des infractions.

Je comprends le raisonnement qui sous-tend ce que je suis tenté d’analyser comme un amendement d’appel, mais je vois mal comment on pourrait inscrire une telle disposition dans le droit pénal, compte tenu du principe de légalité des délits et des peines. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

La notion de risque futur que vous évoquez, monsieur le sénateur, me semble assez imprécise. La retenir pourrait conduire à une répression très large. Elle risquerait en outre d’être censurée par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, sur le fond, comme je l’ai indiqué, nous sommes en train de travailler sur le problème que vous soulevez. J’espère être en mesure de vous faire une proposition dans le cadre de la navette.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 16 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 2

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 223-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsqu’elle résulte d’un manquement à une obligation prévue par le code de l’environnement. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à adapter notre droit pénal aux enjeux environnementaux en prévoyant que les atteintes à l’environnement constituent des circonstances aggravantes en cas de mise en danger de la vie d’autrui.

Nous n’avons cessé de le répéter : l’urgence écologique doit nous amener à repenser totalement notre approche pénale des atteintes à l’environnement et à changer de paradigme.

Cet amendement tend donc à explorer une nouvelle piste d’adaptation de notre droit pénal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission est plutôt défavorable à cet amendement, dans la mesure où il tend, en introduisant des circonstances aggravantes, à modifier la hiérarchie des peines. Comme l’a indiqué Mme la garde des sceaux, si l’on ajoute des circonstances aggravantes supplémentaires à des dispositions juridiquement assez solides, le risque est d’aboutir à « criminaliser » les conséquences d’une atteinte à l’environnement. C’est un saut que le législateur ne s’est pas permis de faire à ce jour.

La commission des lois ne mesurant pas les conséquences de l’adoption de cet amendement, il lui est difficile d’y être favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis défavorable. Je pense qu’il faut creuser la question.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 17 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 44

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 223-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-… ainsi rédigé :

« Art. 223-1-…. – Le fait d’exposer directement ou indirectement autrui par un acte de délinquance écologique à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation, une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi, le règlement, ou un acte administratif non réglementaire, ou par la commission d’une faute caractérisée et qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité qu’on ne peut ignorer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 2
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 19 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 44, présenté par MM. Durain, Jacques Bigot, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le livre II, il est inséré un livre II bis ainsi rédigé :

« Livre II bis

« Des crimes contre l’environnement

« Titre Ier

« De l’écocide

« Art. 230-1.  Constitue un écocide le fait, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population. « L’écocide est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende.

« Art. 230-2. – La provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un écocide est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende si cette provocation a été suivie d’effet. « Si la provocation n’a pas été suivie d’effet, les faits sont punis de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.

« Art. 230-3. – La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l’un des crimes définis aux articles 230-1 et 230-2 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende.

« Titre II

« Dispositions communes

« Art. 240-1. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent également les peines suivantes :

« 1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues à l’article 131-26. Toutefois, le maximum de l’interdiction est porté à quinze ans ;

« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Toutefois, le maximum de l’interdiction temporaire est porté à dix ans ;

« 3° L’interdiction de séjour, selon les modalités prévues à l’article 131-31. Toutefois, le maximum de l’interdiction est porté à quinze ans ;

« 4° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition ;

« 5° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement.

« Art. 240-2. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 :

« 1° Les peines mentionnées à l’article 131-39 ;

« 2° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition. » ;

2° Au dernier alinéa de l’article 133-2, après la référence : « 212-3 », sont insérées les références : « et 230-1 à 230-3 ».

II. – Au dernier alinéa de l’article 7 du code de procédure pénale, après la référence : « 212-3 », sont insérées les références : « et 230-1 à 230-3 ».

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Dans ce projet de loi, des solutions pour lutter contre les atteintes à l’environnement sont présentées, mais elles nous semblent – ce n’est pas une critique – bien insuffisantes et incomplètes. C’est pourquoi le groupe socialiste, à défaut d’avoir pu échanger davantage sur l’article 8 et de le rendre plus opérant, propose un dispositif global : organisation judiciaire, délits et infractions, peines.

Mes chers collègues, nous vous proposons de mener de nouveau le débat sur la reconnaissance du crime d’écocide. Il s’agit de poser les jalons d’un droit pénal de l’environnement permettant de lutter frontalement contre les crimes qui menacent la planète, en introduisant, dans notre arsenal juridique, l’incrimination d’écocide.

Cette nouvelle incrimination s’inscrirait dans le prolongement direct de la Charte de l’environnement, qui programme, dans son préambule, que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ».

La Cour pénale internationale place les atteintes graves à l’environnement à la même hauteur que le terrorisme ou la traite des êtres humains et invite le législateur national à légiférer.

Trop souvent, on nous rétorque : « Pas ici, pas maintenant », mais le contexte actuel de prise de conscience collective face aux atteintes à l’environnement nous oblige à développer notre arsenal législatif, pour créer un véritable droit pénal environnemental.

Le Gouvernement a d’ailleurs admis à plusieurs reprises que, pour l’heure, il n’existait pas de dispositif permettant de sanctionner à leur juste mesure les atteintes les plus graves à l’environnement.

Ce projet de loi est donc le bon véhicule législatif pour le faire. En matière de protection de l’environnement et du climat, il faut que nous soyons courageux, comme la France a pu l’être en d’autres périodes en matière de consécration des droits de l’homme.

Nous avons la possibilité de devenir des pionniers de cette lutte contre la criminalité environnementale. Ouvrons la voie à des changements à l’échelon européen et international !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avec l’amendement précédent, nous ne savions pas très bien si nous étions dans le champ délictuel ou criminel. Avec cet amendement, nous passons complètement dans le champ criminel.

Mes chers collègues, ce sujet vous a déjà été soumis, puisqu’il s’agit du fameux crime d’écocide, que vous avez écarté l’année dernière, de même, à ma connaissance, que l’Assemblée nationale. Je vous suggère d’en rester à votre vote de 2019.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Durain, je comprends très bien vos préoccupations quant à la nécessité de réguler plus efficacement les comportements portant atteinte à l’environnement, mais la nouvelle infraction d’écocide que vous proposez pose des difficultés de nature constitutionnelle ; j’avais d’ailleurs eu l’occasion de les soulever lors des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale, après s’être déroulés ici en présence de ma collègue Brune Poirson.

En premier lieu, l’élément matériel du crime d’écocide ne paraît pas satisfaire à l’exigence constitutionnelle de clarté et de précision de la loi pénale,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est sûr !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … d’autant qu’il s’agirait ici, M. le rapporteur vient de le rappeler, d’une qualification criminelle.

La définition du crime d’écocide est construite sur le modèle du crime de génocide, puisqu’elle fait référence à l’exécution d’une action concertée tendue vers un but déterminé. Néanmoins, le crime d’écocide ne se définit que par les conséquences qu’il entraîne sur l’environnement ; il ne fait aucune référence au comportement de la personne incriminée, comportement de nature à porter atteinte à l’environnement ou à la santé des personnes.

En second lieu, s’il s’agit de réprimer au niveau international les atteintes graves à l’environnement, comme vous l’évoquez dans l’objet de votre amendement, l’adoption d’un corpus juridique de niveau international me semble être un préalable indispensable à la création d’incriminations nationales.

Ce sont les deux arguments que j’avais développés à l’Assemblée nationale et que je reprends devant vous pour émettre, en cet instant, un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 44
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 20 rectifié

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Préville et Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre …

« Des atteintes aux équilibres écologiques et à lenvironnement

« Section …

« Des atteintes volontaires à lenvironnement

« Art. 415-1. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende le fait de provoquer une dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l’air, du sol, du sous-sol ou de l’eau, ou de l’équilibre des écosystèmes.

« Art. 415-2. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions délictuelles prévues à l’article L. 415-2 encourent, outre l’amende dans les conditions fixées à l’article 131-38 ou une amende, les peines prévues aux 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l’article 131-39 ainsi que celle prévue au 2° de ce même article, qui, si elle est prononcée, s’applique à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

« Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. L’éparpillement des infractions au sein de nombreux codes et la définition des infractions en fonction du non-respect d’une décision administrative entravent l’efficacité de la réponse pénale en matière environnementale.

Le rapport de la mission conjointe du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’inspection générale de la justice (IGJ), Une Justice pour lenvironnement, remis en octobre 2019, constate que « cette situation contribue à brouiller la fonction sociale du droit pénal de l’environnement, qui apparaît inféodé à la police administrative ».

Il souligne par ailleurs la grande technicité de ce droit exigeant la démonstration d’un résultat dommageable souvent difficile à établir et propose la création d’une infraction générique d’atteinte volontaire à l’environnement, objet du présent amendement.

La Conférence nationale des procureurs de la République se serait également prononcée en ce sens.

La définition de l’infraction retenue dans l’amendement que nous proposons s’inspire en partie de l’article 326 du code pénal espagnol et de l’article L. 173-3 du code pénal français, qui sanctionne le non-respect d’une mise en demeure de l’administration ayant provoqué une dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.

L’article 410-1 du code pénal reconnaît l’équilibre du milieu naturel et de l’environnement de la France au titre des intérêts fondamentaux de la Nation.

Par une décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a jugé que « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle » et que sa préservation devait être recherchée « au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ».

Ces considérations justifient de placer, comme l’évoque le rapport précité, ce nouveau chapitre au sein du titre Ier du livre IV du code pénal relatif aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. J’avais indiqué que nous espérions arriver au moment où la commission des lois donnerait des avis favorables aux amendements proposés par M. Labbé… Mais je suis obligé de reconnaître que ce n’est pas encore le cas. (Sourires.)

Cher collègue, vos propositions sont issues des travaux de la mission conjointe du CGEDD et de l’inspection générale de la justice. Néanmoins, elles sont vraiment complexes.

Vous demandez à transcrire dans notre droit pénal des notions dont on mesure mal la nature. Par exemple, vous dites que la dégradation substantielle de la qualité de l’air figure déjà à l’article L. 173-3 du code pénal. Or celui-ci sanctionne pénalement le non-respect d’une mise en demeure de l’administration au motif d’une dégradation substantielle de la qualité de l’air.

Mon analyse peut vous sembler quelque peu complexe, mais cela signifie que, dans le cas auquel vous faites référence, la définition de la dégradation substantielle de la qualité de l’air est une définition administrative.

Or l’amendement que vous proposez vise à créer un délit reposant sur cette dégradation substantielle de l’air. Cela suppose que le juge pénal, qui doit disposer d’une infraction très précisément définie, suivant le principe de légalité des peines, se trouve dans la situation de devoir définir ce qu’est une dégradation substantielle de la qualité de l’air.

Je ne vous cache pas que l’exercice n’est pas simple, de la même manière qu’il n’est pas évident de définir ce qui porte atteinte à l’équilibre des écosystèmes. C’est en effet extrêmement large. Si je le comprends dans l’action administrative, dans le droit pénal, avec cette définition très précise d’une infraction, nous repartons à l’aventure.

Si nous comprenons, je le répète, votre logique et celle du rapport de la mission conjointe, le sujet requiert à l’évidence un travail beaucoup plus complet que celui auquel nous pouvions procéder dans le bref délai qui nous était imparti. N’y voyez pas de discourtoisie, de réticence ou de blocage, mais nous n’arrivons plus à suivre l’exigence de précision en droit pénal.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 19 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 7 rectifié

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre…

« Des atteintes aux équilibres écologiques et à lenvironnement

« Section…

« De la mise en danger de lenvironnement

« Art. 415-3 – Le fait d’exposer directement ou indirectement la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol, du sous-sol ou de l’eau, ou l’équilibre des écosystèmes à une dégradation substantielle par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, le règlement ou un acte administratif individuel est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Art. 415-4 – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions délictuelles prévues à l’article L. 415-3 encourent, outre l’amende dans les conditions fixées à l’article 131-38 ou une amende, les peines prévues aux 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l’article 131-39 ainsi que celle prévue au 2° de ce même article, qui, si elle est prononcée, s’applique à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

« Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Le caractère non intentionnel de nombreuses infractions environnementales et la difficulté de démontrer les atteintes à l’environnement expliquent en partie l’insuffisance de la réponse pénale, alors que les conséquences peuvent être graves pour l’environnement et la santé.

Cet amendement vise à inciter les entreprises à la prévention des conduites à risque, grâce à la création d’un délit spécifique de mise en danger de l’environnement, attendu par les associations environnementales et préconisé par le rapport du CGEDD et de l’IGJ, sans pour autant avoir fait l’objet de propositions de rédaction.

Ce délit sanctionnerait de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende « le fait d’exposer directement ou indirectement la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol, du sous-sol ou de l’eau, ou l’équilibre des écosystèmes à une dégradation substantielle par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, le règlement ou un acte administratif individuel ».

L’ajout des actes administratifs individuels permettant de caractériser l’infraction est essentiel, puisque le droit pénal de l’environnement repose en partie sur le non-respect de décisions administratives. Il vise donc à sanctionner des comportements délibérés faisant peser un risque à l’environnement.

Vous disiez que vous n’arriviez plus à suivre en droit pénal, monsieur le rapporteur, mais la question de fond, c’est que nous avons du mal à suivre les méfaits sur l’environnement qui sont constatés quotidiennement. Et nous tentons là de trouver des réponses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Même avis défavorable que pour l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Labbé, je comprends absolument l’objectif qui est le vôtre.

La création du délit de mise en danger de l’environnement mérite, je crois, une véritable réflexion. Toutefois, la rédaction de votre amendement ne convient pas parfaitement. De mon point de vue, l’élément matériel ne paraît pas correspondre à l’exigence constitutionnelle de précision de la loi pénale ; on en revient toujours à ce point.

Le délit que vous proposez réprime le fait d’exposer l’équilibre des écosystèmes à une dégradation substantielle. Les expressions « équilibre des écosystèmes », d’une part, et « dégradation substantielle », d’autre part, me semblent quelque peu imprécises par rapport au principe de légalité criminelle.

Ainsi, un écosystème ne se caractérise pas par son étendue, puisqu’il peut s’agir d’une mare à canards ou de quelque chose de beaucoup plus vaste. Il doit se caractériser par ses caractéristiques intrinsèques et s’applique donc à des échelles complètement différentes. Il me semble qu’il faudrait trouver sur ce point une écriture plus précise. Je partage votre objectif, mais souhaite que nous y travaillions de nouveau.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux. Je prends bonne note du fait que nous allons travailler sur ce sujet, pour avancer et tenter d’aboutir. Je comprends en effet que l’aspect quelque peu flou de cette proposition soit délicat en matière pénale, mais il nous faut avancer.

Puisque Mme la garde des sceaux nous propose de continuer à travailler, je retire cet amendement, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 20 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 23 rectifié et n° 53

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Costes, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 172-4 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 172-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 172-4-… – Sont habilités à rechercher et à constater les infractions au présent code, les agents et gardes auxquels le présent code attribue certains pouvoirs de police judiciaire en matière environnementale et à exercer ces missions dans les limites et selon les modalités définies par les autres livres du présent code, à défaut fixées par le code de procédure pénale, dont la liste suit :

« 1° Les agents des services de l’État chargés des forêts, les agents en service à l’Office national des forêts ainsi que ceux de l’établissement public du domaine national de Chambord et les gardes champêtres mentionnés à l’article 22 du code de procédure pénale ;

« 2° Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics chargés de certains pouvoirs de police judiciaire mentionnés à l’article 28 du même code ;

« 3° Les gardes particuliers assermentés mentionnés à l’article 29 dudit code. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Il s’agit d’un amendement proposé par ma collègue Nathalie Delattre, que j’ai cosigné.

Nous proposons ici une rédaction juridique beaucoup plus lisible et qui permettra d’éviter des erreurs d’interprétation ou de terrain.

Actuellement, un garde qui est à la fois habilité aux titres de garde des fonds et des bois pour un même propriétaire, s’il verbalise dans le bois, peut relever l’identité du contrevenant, mais s’il s’agit de la même infraction de dépôts sauvages dans un milieu naturel non boisé, ne peut pas le faire. Ce frein ne fait que compliquer les actions de police menées par les gardes particuliers et les décourage de continuer à verbaliser.

Cet amendement vise à harmoniser et à simplifier les actions de police judiciaire des gardes particuliers assermentés, la modification de l’article 29 du code de procédure pénale habilitant l’ensemble des gardes particuliers à cet effet. Jusqu’à présent, seuls les gardes particuliers des bois et forêts mentionnés à l’article L. 161-6 sont habilités à relever l’identité des personnes à l’encontre desquelles ils entendent dresser le procès-verbal.

Si la personne refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, l’agent ou le garde en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire territorialement compétent, qui peut lui ordonner de la retenir sur place ou de la conduire dans un local de police aux fins de vérification de son identité, conformément aux dispositions de l’article 78-3 du code de procédure pénale.

En matière de lutte contre les atteintes à la biodiversité et de verbalisation des dépôts sauvages de déchets en milieu naturel, ce pouvoir de police permettrait aux gardes particuliers assermentés de toutes spécificités d’user, en lien avec l’officier de police judiciaire, à bon escient et objectivement, de ce droit de vérification d’identité des contrevenants ou délinquants.

En l’absence d’harmonisation de cette prérogative, nombre de gardes particuliers dénoncent les infractions de dépôts sauvages de déchets par compte rendu adressé aux parquets. Ces derniers ne poursuivent que très peu les fautifs, sous prétexte qu’un compte rendu n’a pas de valeur probante, contrairement au procès-verbal de constatation d’infraction, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire.

M. le président. Mes chers collègues, je dois suspendre la séance à dix-neuf heures trente, et il reste dix-huit amendements à examiner. J’invite en conséquence à la concision dans la présentation des amendements.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. En droite ligne avec les gardes de pêche et les gardes de chasse assermentés, et ne connaissant pas la subtilité de la situation des agents du domaine public de Chambord, je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme je le disais précédemment, ces gardes n’ont pas de pouvoir général d’investigation, mais seulement un pouvoir de constatation des infractions. Il me semble qu’aller au-delà ne serait ni normal, ni logique, ni juridiquement correct.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 7 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 22 rectifié et n° 52

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 23 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.

L’amendement n° 53 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 172-5 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 sont qualifiés pour participer aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies des pièces à conviction, sous la direction d’un officier de police judiciaire, sans être inscrits sur l’une des listes des experts judiciaires prévues par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires et sans avoir à prêter, par écrit, serment d’apporter son concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. »

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à faciliter les perquisitions, en permettant aux techniciens de l’environnement de participer aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction, sous la direction d’un officier de police judiciaire, sans avoir à prêter serment par écrit et à être inscrits sur l’une des listes des experts judiciaires.

En effet, aujourd’hui, ces deux conditions sont requises et compliquent les enquêtes, alors que ces fonctionnaires et agents sont déjà commissionnés et assermentés à leur entrée en service.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 53.

Mme Angèle Préville. Dans le même cadre, le groupe socialiste propose d’alléger les procédures, afin de simplifier les recherches et d’améliorer encore une fois les différents dispositifs, pour lutter contre les atteintes à l’environnement et répondre à une réelle stratégie ambitieuse de protection de l’environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous avons le sentiment que ces dispositions sont d’ores et déjà applicables, mais nous nous en remettons à l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Plutôt que de modifier l’article L. 172-5 du code de l’environnement, il me semblerait préférable de clarifier la possibilité pour les inspecteurs de l’environnement, dans le cadre d’une cosaisine, de participer aux perquisitions et aux saisies réalisées par les OPJ.

Si je partage l’objectif de simplification évoqué au travers de ces deux amendements identiques, je suis favorable à ce qu’une autre solution rédactionnelle puisse être trouvée. Là encore, je pense qu’un tel travail pourra être réalisé au cours de la navette parlementaire.

Je propose donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, mon avis serait défavorable.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.

Monsieur Bigot, l’amendement n° 53 est-il maintenu ?

M. Jacques Bigot. Pour que le débat continue, je propose, mes chers collègues, de voter cet amendement en l’état. Nous pourrons travailler sa rédaction ensuite.

Comme nous l’avons dit au sujet de l’article 8, il faut donner aux fonctionnaires les moyens de constater les infractions. Or on trouve à chaque fois des arguments pour les écarter. Nous savons bien que des avocats invoqueront tous les moyens pour assurer la défense. Il faut donc garantir ce point.

Vous pensiez, madame la garde des sceaux, à une autre solution. Trouvons-la au cours de la navette, puisque le texte reviendra à l’Assemblée nationale, et adoptons-la. Je préfère cela à retirer immédiatement l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 23 rectifié et n° 53
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 24 rectifié et n° 54

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde et M. Requier.

L’amendement n° 52 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 172-9 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans que puissent faire obstacle les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale et celles relatives au secret auquel ils sont, le cas échéant, tenus, les inspecteurs de l’environnement peuvent communiquer aux autorités compétentes des États membres de l’Union européenne les informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs fonctions de police judiciaire concernant les infractions aux dispositions entrant le champ d’application du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce et du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant le transfert des déchets. Ils peuvent coopérer, dans l’exercice de leurs missions, avec les autorités compétentes des États membres de l’Union européenne. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 253-14 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions du second alinéa de l’article L. 172-9 du code de l’environnement sont applicables aux produits phytopharmaceutiques. »

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

M. Joël Labbé. Cet amendement vise à permettre, pour lutter contre le trafic international d’espèces sauvages et de déchets, l’échange d’informations et de documents et la coopération des inspecteurs de l’environnement avec les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne.

En effet, ce n’est pas prévu par le droit actuel, alors que cette coopération permettrait une meilleure efficacité dans la lutte contre les infractions visées. De telles dispositions sont déjà possibles dans d’autres domaines. C’est notamment le cas pour la protection du consommateur, avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Nous proposons également d’étendre ces prérogatives aux produits phytopharmaceutiques, afin de renforcer la lutte contre le trafic de produits illégaux.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 52.

M. Jérôme Durain. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La coopération judiciaire doit relever des procureurs généraux ou de la Chancellerie. Comment admettre qu’un inspecteur de l’environnement communique directement des documents à un État étranger ?

Je suis évidemment favorable au principe de la coopération judiciaire, mais celle-ci doit, me semble-t-il, passer par notre administration centrale, comme en matière de droit de la consommation.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis : je crois que nous devons respecter les canaux traditionnels de l’entraide et de la coopération judiciaires.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié et 52.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 22 rectifié et n° 52
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 21 rectifié et n° 51

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et M. Requier.

L’amendement n° 54 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 173-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Au 3° du II, les mots : « ou de remise des lieux en état » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Est puni de la peine mentionnée au II du présent article le fait, après la cessation d’activités d’une opération, d’une installation ou d’un ouvrage, de ne pas se conformer aux obligations de remise en état ou d’une surveillance prescrites par l’autorité administrative en application des articles L. 171-7 et L. 171-8. »

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.

M. Joël Labbé. Nous proposons de reprendre le texte adopté par le Sénat en 2019 lors de l’examen du projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité. Il s’était alors agi de modifier l’article L. 173-1 du code de l’environnement, relatif au délit d’exploiter une installation ou un ouvrage dont l’exploitation où les travaux ont cessé, en violation d’une mise en demeure de remise en état.

Cette rédaction était juridiquement plus pertinente que celle qui a été retenue par la commission mixte paritaire dans le texte final. Nous proposons donc de la rétablir.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 54.

M. Jérôme Durain. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Plus l’on examine la rédaction qui est proposée dans ces amendements, plus l’on s’aperçoit qu’elle est meilleure que celle qui avait été retenue par la commission mixte paritaire !

J’ai donc le plaisir de confirmer à nos collègues l’avis favorable de la commission des lois sur ces deux amendements identiques. (Exclamations amusées.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis. (Marques de satisfaction.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié et 54.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 24 rectifié et n° 54
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 45

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et M. Requier.

L’amendement n° 51 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 218-84 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’article L. 218-30 sont applicables au navire qui a servi à commettre l’infraction définie au premier alinéa. »

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié

M. Joël Labbé. En nous inspirant des mesures relatives aux rejets volontaires d’hydrocarbures en mer par les navires, nous proposons de permettre l’immobilisation d’un navire ayant jeté ses eaux de ballast chargées d’organismes nuisibles et pathogènes dans les eaux françaises, dans l’attente du paiement d’un cautionnement.

Avec un tel système, les responsables de l’infraction ne récupèrent leur caution qu’une fois déduits l’amende, les dommages, les intérêts et les frais de justice, ce qui garantit le paiement des amendes et la réparation des dommages. Ce dispositif permet une meilleure efficacité dans le recouvrement des amendes, comme cela se vérifie en pratique dans le cas des rejets volontaires d’hydrocarbures.

En l’absence de cautionnement, les condamnations prononcées contre des capitaines et des armateurs de tels navires étrangers restent inexécutées. De récentes poursuites datant du mois de janvier 2020 devant le tribunal correctionnel de Rouen contre des capitaines et armateurs étrangers de différentes nationalités pour ces chefs d’accusation ont révélé cette lacune du droit. Notre amendement vise donc à y remédier.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 51.

M. Jérôme Durain. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Les rejets d’eaux de ballast peuvent effectivement comporter des éléments contaminés. Il est donc normal de mener un contrôle ferme en la matière. La proposition de nos collègues paraît pertinente du point de vue de la protection de l’environnement.

La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié et 51.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 8 - Amendements n° 21 rectifié et n° 51
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 9

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.

L’amendement n° 45, présenté par MM. Durain, Jacques Bigot, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre VI du livre III du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Accès par aéronefs

« Section I

« Interdiction des atterrissages à des fins de loisirs

« Art. L. 363-1. – Dans les zones de montagne, l’atterrissage d’aéronefs motorisés à des fins de loisirs, à l’exception des aéronefs sans personne à bord, et la dépose de passagers par aéronefs motorisés à des fins de loisirs, sont interdits, sauf sur un aérodrome au sens de l’article L. 6300-1 du code des transports, ainsi que sur les emplacements autorisés par l’autorité administrative.

« Art. L. 363-2. – La publicité, directe ou indirecte, de services faisant usage des pratiques mentionnées à l’article L. 363-1 est interdite.

« Art. L. 363-3. - Dans les zones de montagne, les déposes de passagers à des fins de loisirs par aéronefs non motorisés sont interdites, sauf sur les aérodromes au sens de l’article L. 6300-1 du code des transports, ainsi que sur les emplacements autorisés par l’autorité administrative.

« Section 2

« Dispositions pénales

« Art. L. 363-4. – Est puni d’un an d’emprisonnement et 150 000 € d’amende le fait de ne pas respecter l’interdiction mentionnée à l’article L. 363-1.

« Art. L. 363-5. – Est puni de six mois d’emprisonnement et 75 000 € d’amende le fait de ne pas respecter l’interdiction mentionnée à l’article L. 363-2. »

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. J’espère bénéficier de cet élan d’avis favorables. (Sourires.)

Comme chacun le sait, le Mont-Blanc fait l’objet de la surveillance et de la bienveillance des plus hautes autorités de l’État… Or notre amendement vise à rendre impossibles des événements comme le triste épisode que nous avons vécu le 18 juin 2009, lorsqu’un avion de tourisme s’était posé à quelques encablures du sommet du Mont-Blanc.

Certes, l’article L. 363-1 du code de l’environnement dispose : « Dans les zones de montagne, les déposes de passagers à des fins de loisirs par aéronefs sont interdites, sauf sur les aérodromes dont la liste est fixée par l’autorité administrative. » Mais il n’existe aucune sanction, ce qui ôte évidemment tout caractère dissuasif à une telle disposition.

Nous avions déposé le même amendement lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Jérôme Bignon portant diverses mesures tendant à réguler l’hyper-fréquentation dans les sites naturels et culturels patrimoniaux. L’amendement avait été adopté, d’ailleurs avec un avis favorable de Mme Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.

En attendant la poursuite du parcours législatif du texte proposé par notre collègue, il nous semble pertinent d’introduire une telle disposition dans le présent projet de loi, afin que cessent les atterrissages d’aéronefs sur le Mont-Blanc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’atterrissage d’un avion de tourisme sur le Mont-Blanc paraît totalement ubuesque, mais cette situation s’est produite.

Faut-il pour autant créer un nouveau délit en matière de droit de l’environnement ? La commission des lois a plutôt le sentiment que certaines dispositions du code de l’aviation civile permettent déjà de sanctionner de tels comportements. En l’occurrence – est-il besoin de le préciser ? –, il n’y avait pas de plan de vol autorisé.

Cela étant, la commission des lois, qui a aussi ses limites, n’est pas certaine d’être la spécialiste absolue des règles de l’aviation civile. Nous serons donc attentifs à la position du Gouvernement à cet égard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les épisodes comme celui que M. Durain vient d’évoquer sont évidemment inacceptables. Simplement, en la matière, la peine complémentaire de confiscation de la chose ayant servi ou été destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit me semble la piste la plus prometteuse.

Le Gouvernement s’engage donc à examiner attentivement les situations dans lesquelles cette peine complémentaire de confiscation pourrait être plus facilement mobilisée pour dissuader les atteintes à l’environnement. La voie réglementaire peut également être explorée.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Madame la garde des sceaux, je suis très surpris. Voilà quelques semaines, votre collègue Emmanuelle Wargon était favorable à un amendement similaire. Selon elle, ce que nous défendions était d’intérêt général : d’ailleurs, tout le Sénat avait soutenu cet amendement.

Vous défendez la position inverse aujourd’hui. J’espère que ce n’est pas le récent déplacement du Président de la République sur le Mont-Blanc qui a incité l’exécutif à changer d’avis !

Je trouve cette position regrettable. Nous avions constaté à l’époque que l’amende de 38 euros n’était pas dissuasive. La solution que vous suggérez ne paraît pas totalement aboutie. Or nous pensions avoir stabilité les choses avec notre proposition.

Je suis donc à la fois surpris, dépité et déterminé à maintenir cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article additionnel après l'article 8 - Amendement n° 45
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 9 - Amendement n° 4

Article 9

I. – Le troisième alinéa de l’article 18 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’information des magistrats mentionnés au présent alinéa n’est cependant pas nécessaire lorsque le transport s’effectue dans un ressort limitrophe à celui dans lequel l’officier exerce ses fonctions, Paris et les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne étant à cette fin considérés comme un seul département. »

II. – L’article 77-1 du code de procédure pénale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur de la République peut, par la voie d’instructions générales prises en application de l’article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire à requérir toutes personnes qualifiées afin de procéder à des examens médicaux ou psychologiques de la victime ou de procéder à des examens médicaux de la personne suspectée d’avoir commis une des infractions visées à l’article 706-47 ou exigés en application de l’article 706-115. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées.

« Aucune autorisation n’est nécessaire lorsque l’officier de police judiciaire a recours à une personne qualifiée aux fins :

« 1° De procéder à la comparaison entre une empreinte génétique issue de traces biologiques et l’empreinte génétique d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55, ou à la comparaison entre plusieurs traces biologiques ;

« 2° De procéder à la comparaison entre une trace digitale ou palmaire et l’empreinte digitale ou palmaire d’une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, ou à la comparaison entre plusieurs traces digitales ou palmaires. »

II bis (nouveau). – L’article 77-1-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République peut, par la voie d’instructions générales prises en application de l’article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d’infractions qu’il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l’enquête qui sont issues d’un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées. »

III. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 393 du code de procédure pénale, la référence : « 396 » est remplacée par la référence : « 397-1-1 ».

IV. – Le vingt-quatrième alinéa du 1° de l’article 398-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« – les délits de prise du nom d’un tiers ou de fausse déclaration relative à l’état civil d’une personne prévus à l’article 434-23 ; ».

V. – La première phrase du second alinéa de l’article 510 du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° La seconde occurrence des mots : « au troisième » est remplacée par les mots : « à l’avant-dernier » ;

2° Sont ajoutés les mots : « ; cette demande peut être formée pendant un délai d’un mois à compter de la déclaration d’appel ».

VI. – À l’article 512 du code de procédure pénale, les mots : « du troisième » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier ».

VII. – L’article 706-25-12 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée » sont remplacés par les mots : « exercer un recours » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « , le juge des libertés et de la détention » sont supprimés.

VIII. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa et au dernier alinéa de l’article 706-53-10 du code de procédure pénale, les mots : « , le juge des libertés et de la détention » sont supprimés.

IX. – Au dernier alinéa de l’article 706-112-1 du code de procédure pénale, après les mots : « le procureur de la République », sont insérés les mots : « ou le juge d’instruction ».

X. – Au dernier alinéa de l’article 711 du code de procédure pénale, le mot : « rectificative » est supprimé.

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 et 8

1° Première phrase

Supprimer les mots :

, par la voie d’instructions générales prises en application de l’article 39-3,

2° Avant-dernière et dernière phrases

Supprimer ces phrases.

II. – Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cette proposition découle d’une préoccupation des avocats pénalistes.

L’article 9 vise à déterminer les conditions dans lesquelles les officiers et agents de police judiciaire peuvent, en vertu d’une autorisation générale du parquet, faire procéder à des examens médicaux et psychologiques, avoir accès aux différents systèmes de vidéoprotection dans le cadre d’une enquête préliminaire. Il permet également aux officiers de police judiciaire, les OPJ, de faire procéder, toujours sans autorisation du parquet, à des comparaisons d’empreintes ou de traces génétiques ou digitales.

Il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas d’autorisation générale et systématique du parquet. Chaque procédure devrait continuer de faire l’objet d’une autorisation spécifique du procureur.

Autoriser les OPJ à collecter et traiter des empreintes et traces génétiques ou digitales et à avoir accès aux différents systèmes de vidéoprotection sans autorisation préalable du procureur de la République porte une atteinte disproportionnée à l’intégrité et aux droits fondamentaux de la personne physique mise en cause.

L’obligation pour l’OPJ de se référer au procureur de la République est une garantie qu’il convient de maintenir dans le droit national. Jusqu’où irons-nous pour décharger les parquets afin de gagner du temps, faute d’un renforcement substantiel des moyens humains de nos juridictions ?

Décharger le procureur de certaines tâches et missions ne doit pas conduire à la dégradation de la protection des droits fondamentaux, ces mêmes droits fondamentaux et constitutionnels que l’on invoque pour ne pas renforcer les moyens d’enquête en matière environnementale !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Une décision de 2019 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a adopté une position très stricte de réquisition individuelle, a causé quelques surprises. Elle a mis fin à un système qui existait depuis des décennies : pour toutes les affaires courantes, les parquets adressaient des réquisitions. Les OPJ avaient une conduite à tenir.

Concrètement, en cas d’infraction, de violences faites à une femme, des violences conjugales, il s’agit de pouvoir recourir à une expertise médicale ou une analyse psychologique. En cas de viol, il s’agit de pouvoir demander immédiatement à faire des prélèvements afin de disposer d’empreintes génétiques. En cas d’agression au couteau sur la place centrale de la commune, il est de bon sens que les OPJ puissent demander à consulter les bandes de vidéosurveillance.

Il est donc proposé de réadmettre des réquisitions générales dans ces domaines, qui sont bien délimités. Il y a toutefois une réserve, qui montre que le Sénat reste fidèle à sa tradition de défenseur des libertés publiques et que nous ne perdons pas de vue que les services de police ne sont pas en autonomie – dans notre pays, ce sont bien les parquets qui pilotent les enquêtes.

En résumé, oui à la réquisition générale, mais sous une réserve : lorsqu’un médecin est réquisitionné pour expertiser une femme qui vient d’être victime de violences, le parquet concerné doit immédiatement en être informé. Cela permet aux parquets de connaître en toute situation la totalité des éléments affectant les dossiers dont ils ont la gestion. Il s’agit de conserver le pilotage de l’enquête par les parquets.

Néanmoins, il n’y a pas de raison de submerger inutilement les parquets, qui doivent tout de même se concentrer sur les tâches productives pour la société.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement sera également défavorable, pour quatre raisons.

Tout d’abord, les dispositions du texte initial permettent d’unifier des pratiques sur l’ensemble du territoire. Ensuite, elles sont très restreintes dans leur champ d’application. En outre, elles ne concernent que certains actes extrêmement fréquents dans les enquêtes ; M. le rapporteur les a évoquées. Enfin, les autorisations ne sont accordées que pour une durée de six mois.

Il me semble que le texte initial présente un juste équilibre entre des considérations pratiques et la nécessaire surveillance par le parquet des actes accomplis par la police judiciaire.

Mon avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par MM. Mohamed Soilihi, de Belenet, Richard, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au premier alinéa du I de l’article L. 211-9-3 du code de l’organisation judiciaire, les mots : « de ce département » sont remplacés par les mots : « des ressorts de ces juridictions ».

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 95 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu, outre une importante réforme de l’organisation judiciaire, la spécialisation de tribunaux désignés par décret pour juger dans l’ensemble du département de certaines matières civiles et de certains délits ou contraventions dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État.

Pour la mise en œuvre de la spécialisation, le premier président de la cour d’appel et le procureur général près cette cour peuvent proposer la désignation de tribunaux de leur ressort, après avis des chefs des juridictions concernées. Cette évolution intéressante a été insérée dans un nouvel article L. 211-9-3 du code de l’organisation judiciaire.

Néanmoins, la spécialisation départementale ne couvre pas l’intégralité des problèmes qui se posent, notamment le cas de tribunaux dont les ressorts ne couvrent pas l’ensemble du département.

Ce problème se pose particulièrement en Alsace, où les ressorts des tribunaux judiciaires de Saverne et de Strasbourg, d’une part, ne couvrent pas entièrement le département du Bas-Rhin, et, d’autre part, s’étendent également sur une partie du Haut-Rhin, le tribunal de proximité de Sélestat étant rattaché au tribunal judiciaire de Colmar.

Notre amendement vise à corriger la rédaction de l’article L. 211-9-3 du code de l’organisation judiciaire, pour que la spécialisation couvre l’ensemble des ressorts de ces juridictions, et non plus l’ensemble du département.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. On retrouve partout les besoins de l’Alsace, et nous avons appris à cette occasion que deux tribunaux judiciaires alsaciens avaient une compétence s’étendant au-delà des départements ! (Sourires.)

La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je remercie la Haute Assemblée d’entendre les besoins particuliers de l’Alsace. (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas la première fois !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 10

Article additionnel après l’article 9

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’utilisation de la procédure de convention judiciaire d’intérêt public notamment concernant le nombre de recours et sur les montants mobilisés.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Au travers de cet amendement de repli, nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur l’utilisation réelle de la procédure de convention judiciaire d’intérêt public dans le domaine de l’environnement.

Par pragmatisme, nous souhaitons que les élus de la République disposent de données précises et fiables sur le nombre de conventions conclues chaque année, mais également sur le niveau des amendes et des réparations imposées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. En vertu de la jurisprudence d’hostilité constante de la commission des lois aux demandes de rapport, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 9 - Amendement n° 4
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 11

Article 10

I. – La première phrase du premier alinéa de l’article 362 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal ; si les dispositions des deux premiers alinéas de l’article 132-23 du même code sont applicables, le président les informe également des conséquences de la peine prononcée sur la période de sûreté et de la possibilité de la moduler. »

II. – La dernière phrase du quatrième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale est complétée par les mots : « ; il en est de même lorsqu’il doit être statué sur l’appel portant sur une décision de refus de mise en liberté, ou sur la saisine directe de la chambre de l’instruction en application du dernier alinéa de l’article 148 ou de l’article 148-4, par une personne détenue en matière criminelle depuis plus de six mois, dont la détention n’a pas déjà fait l’objet d’une décision de prolongation et n’ayant pas personnellement comparu, sans recourir à un moyen de communication audiovisuelle, devant la chambre de l’instruction depuis au moins six mois ». – (Adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 12

Article 11

I. – Le titre III du livre VI de la première partie du code des transports est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Peine complémentaire dinterdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public

« Art. L. 1633-1. – Lorsque les faits ont été commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits prévus aux articles 222-11 à 222-13, 222-22 à 222-22-2, 222-32, 222-33, 311-1 à 311-6, 312-1 et 312-2 du code pénal commis en état de récidive légale, encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans tout ou partie d’un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l’accès à ces réseaux.

« La peine est prononcée en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée. Elle peut être suspendue ou fractionnée en application du troisième alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale.

« Lorsque l’interdiction de paraître accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

« La violation de cette interdiction est punie des peines prévues à l’article 434-41 du code pénal.

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique aux personnes morales en charge d’une mission de transport collectif de voyageurs l’identité des personnes faisant l’objet de cette interdiction, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »

II (nouveau). – Le 13° de l’article 230-19 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« 13° L’interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public prononcée en application de l’article L. 1633-1 du code des transports ; ».

III (nouveau). – L’article 20-4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La peine prévue à l’article L. 1633-1 du code des transports est applicable aux mineurs de plus de seize ans. Sa durée ne peut excéder un an. »

IV (nouveau). – Après l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un article L. 121-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-8. – La peine prévue à l’article L. 1633-1 du code des transports est applicable aux mineurs de plus de seize ans. Sa durée ne peut excéder un an. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 27 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 34 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin.

L’amendement n° 49 est présenté par MM. Jacques Bigot, Durain, Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Éliane Assassi. L’article 11, dont nous demandons la suppression, prévoit la création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports lorsque les faits sont commis en état de récidive de certains délits ; j’y ai fait référence lors de la discussion générale.

Malgré la réécriture de l’article par le rapporteur en commission, prenant notamment en compte l’atteinte à la vie privée des individus, les conséquences d’une telle mesure continuent d’être disproportionnées à nos yeux. Dans bien des cas, le respect de l’interdiction ne pourra pas être vérifié, et celle-ci n’aura aucun effet réel, comme le souligne d’ailleurs l’avis du Conseil d’État.

En outre, des mesures de ce genre s’inscrivent dans une vision de la société que, vous l’aurez compris, nous ne cautionnons pas.

Tel est le sens de notre demande de suppression de l’article 11.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.

M. Joël Labbé. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 49.

M. Jacques Bigot. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La peine complémentaire pose-t-elle un problème d’effectivité ? Et est-elle attentatoire à nos libertés ?

Tout d’abord, s’agissant de l’effectivité, l’objectif des autorités de transports et de la Chancellerie est d’inscrire les multirécidivistes du vol à la tire ou des infractions sexuelles dans les transports, par exemple les frotteurs, sur le fichier des personnes recherchées.

Il s’agit de permettre aux services de police qui repéreraient un tel individu, par exemple sur le quai du métro, de ne pas être obligés de le suivre toute la journée et d’attendre un passage à l’acte pour intervenir. La rédaction retenue nous semble donc garantir l’effectivité.

Ensuite, la peine complémentaire est-elle attentatoire aux libertés publiques ? Le texte initial nous avait laissés très sceptiques. C’est la raison pour laquelle nous l’avons modifié en commission. Il est désormais précisé dans l’article que la peine est prononcée « en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée ».

Il nous paraissait tout de même quelque peu compliqué d’interdire totalement à quelqu’un d’accéder aux transports collectifs. Nos magistrats disposeront donc d’une modulation complète en la matière.

Par conséquent, nous vous recommandons d’en rester au texte que nous avons proposé : la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ai bien conscience qu’il faut être extrêmement vigilant quant à l’exercice des libertés publiques.

Toutefois, la peine complémentaire qui est proposée existe déjà dans notre droit. Nous connaissons en effet les interdictions de paraître, qu’il s’agit ici d’étendre aux transports en commun, ce qui est un peu différent, je le conçois aisément.

M. le rapporteur l’a dit, il s’agit d’auteurs d’infractions graves. Le texte a été amélioré par la commission. De ce fait, il n’apparaît ni disproportionné ni inefficace. En effet, la peine est mesurée dans son quantum et ne s’adresse qu’à un certain nombre de personnes. Par exemple, elle ne sera pas applicable aux mineurs de moins de 16 ans.

Par ailleurs, la juridiction devra délimiter précisément les portions de réseaux de transport, en tenant compte, comme l’a dit M. le rapporteur, des contraintes de la vie familiale et professionnelle, ainsi que des autres contraintes du condamné.

En outre, cette peine ne sera pas inefficace, dans la mesure où, comme l’a prévu la commission, l’inscription au fichier des personnes recherchées et le partage d’informations entre les autorités judiciaires et les entreprises exploitant les réseaux de transport répondent à un certain nombre d’interrogations, formulées notamment par le Conseil d’État.

Par conséquent, cette peine est, selon moi, utile. Et elle n’est pas disproportionnée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27, 34 rectifié et 49.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 50

Article 12

I. – Après l’article 17 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, il est inséré un article 17-1 ainsi rédigé :

« Art. 17-1. – La chambre nationale des commissaires de justice veille à l’accès aux prestations délivrées par la profession sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les zones géographiques où la rentabilité des offices ne serait pas suffisante. À ce titre, elle est habilitée à percevoir auprès des commissaires de justice une contribution pour le financement d’aides à l’installation ou au maintien de professionnels, dont l’assiette et le taux sont fixés, sur sa proposition et après avis de l’Autorité de la concurrence, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Cette contribution, nonobstant son caractère obligatoire, a la nature d’une créance de droit privé.

« La chambre nationale des commissaires de justice rend compte chaque année au Gouvernement et au Parlement de l’usage fait du produit de ladite contribution. »

II. – Après l’article 6-2 de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, il est inséré un article 6-3 ainsi rédigé :

« Art. 6-3. – Le conseil supérieur du notariat veille à l’accès aux prestations notariales sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les zones géographiques où la rentabilité des offices ne serait pas suffisante. À ce titre, il est habilité à percevoir auprès des notaires une contribution pour le financement d’aides à l’installation ou au maintien de professionnels, dont l’assiette et le taux sont fixés, sur sa proposition et après avis de l’Autorité de la concurrence, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Cette contribution, nonobstant son caractère obligatoire, a la nature d’une créance de droit privé.

« Le conseil supérieur du notariat rend compte chaque année au Gouvernement et au Parlement de l’usage fait du produit de ladite contribution. »

III (nouveau). – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Les quatrième et avant-dernier alinéas de l’article L. 444-2 sont supprimés ;

2° Le 3° de l’article L. 444-7 est abrogé.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Lefèvre, Bizet, D. Laurent et Kern, Mmes N. Goulet, M. Mercier, Lamure, Vullien et de Cidrac et MM. Pierre et Bonhomme, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le III de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est ainsi rédigé :

« III. – Dans les zones autres que celles mentionnées au I, il ne peut être créé de nouveaux offices qu’à la condition de ne pas porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à la qualité du service rendu. L’arrêté portant création d’un ou plusieurs nouveaux offices est pris après avis de l’Autorité de la concurrence. »

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Par cet amendement, il s’agit d’inverser la logique de la procédure de création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire dans les zones dites « d’installation contrôlée ».

Ces zones sont celles où les ministres de la justice et de l’économie estiment, après avis de l’Autorité de la concurrence, que la création de nouveaux offices n’est pas utile. La procédure d’installation de nouveaux professionnels libéraux après appel à manifestation d’intérêt ne s’y applique donc pas. Au contraire, dans les zones d’installation contrôlée, le ministre de la justice peut rejeter une demande de création d’un nouvel office, après avis de l’Autorité de la concurrence.

Il serait donc plus simple que, dans les zones où aucun besoin n’a été identifié au moment de l’élaboration bisannuelle de la carte des zones d’installation, la création d’offices soit désormais prohibée en principe, sauf décision contraire du garde des sceaux, prise après avis de l’Autorité, et à condition de ne pas porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à la qualité du service rendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Sans porter atteinte à la majesté de la loi du 6 août 2015, dont le nom est désormais particulièrement célèbre, il nous semble que la rédaction proposée par M. André Reichardt est plus cohérente avec l’objectif à atteindre. Elle est techniquement exacte et permet une simplification de la procédure.

La commission est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement, qui est de bon sens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 13

Article additionnel après l’article 12

M. le président. L’amendement n° 50, présenté par MM. Kanner, Durain, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le régime autonome de retraites des avocats est conservé tant que la profession assure des missions d’assistance des justiciables en commission d’office ou en aide juridictionnelle qui ne sont pas rémunérées à leur juste valeur par l’État.

La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Voilà à peu près un mois, M. Jacques Bigot vous interrogeait, madame la garde des sceaux, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, sur l’avenir de la profession d’avocat et, surtout, du régime de retraite des avocats. Vous vous étiez montrée rassurante. Aujourd’hui, je suis obligé de vous dire que nous ne sommes guère rassurés !

L’article 12 du présent projet de loi, que ce soit dans la version initiale du Gouvernement ou dans le texte issu des travaux de la commission, vise à garantir l’accès au droit et à la justice, en assurant une couverture du territoire par les notaires et les commissaires de justice.

Aujourd’hui, l’accès au droit pour tous les justiciables dépend également du bon vouloir des avocats, vous le savez bien. Les auxiliaires de justice continuent d’exercer leurs missions d’assistance dans le cadre de la commission d’office et de l’aide juridictionnelle, alors que ces activités ne sont pas rémunérées convenablement par l’État.

Depuis plusieurs semaines, les avocats de France sont mobilisés dans une grève sans précédent contre le projet de réforme des retraites. L’une de leurs revendications porte sur leur refus de se voir imposer un doublement de leur taux de cotisation, qui est actuellement de 14 % et qui devrait être porté, en 2029, à 28 %. Ils expliquent que de nombreux petits cabinets disparaîtront, asphyxiés par cette hausse des cotisations retraite.

« Afin d’éviter les hausses de cotisation pour les avocats les plus vulnérables » et « de préserver l’équilibre économique des cabinets d’avocats », le Gouvernement, sous votre plume, madame la garde des sceaux, explique avoir déposé un amendement visant à instaurer « un dispositif de solidarité géré par la Caisse nationale des barreaux français, le CNBF ».

Selon le Gouvernement, la hausse de cotisation serait prise en charge « pour les avocats dont le revenu serait inférieur à 80 000 euros ». Il faut se reporter au texte de l’amendement présenté par le Gouvernement pour comprendre que cette prise en charge serait faite par la CNBF elle-même ! Selon les termes des avocats, vous procédez ainsi à une « nationalisation de [leurs] réserves ».

« L’institution judiciaire est une vraie clocharde », dénonçait lundi 24 février sur Franceinfo l’avocate Caroline Mecary, membre du Syndicat des avocats de France (SAF). Cette réforme serait, selon elle, « parfaitement injuste ». Le 3 février dernier, vous le savez, après une première mobilisation qui avait comptabilisé 20 000 robes noires, ce sont 15 000 avocats qui foulaient le pavé parisien.

Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré devant le Sénat, le 17 octobre 2018, dans le cadre du débat sur la loi de réforme pour la justice, être consciente de l’enjeu et vouloir y travailler avec la profession. Depuis lors, je me permets de vous le dire, rien n’a été fait. Le Gouvernement accepte ainsi que cette mission indispensable au bon fonctionnement de la justice soit tributaire du professionnalisme et de l’engagement des avocats envers les justiciables. Cela n’est pas possible !

Aussi, madame la garde des sceaux, il paraît imbécile – permettez-moi d’employer ce terme un peu vulgaire, je le reconnais – de vouloir s’attaquer à leur régime actuel de retraite, qui est autonome, équilibré, pérenne, solidaire et prévoyant.

Le présent amendement vise donc à reconnaître cette profession, y compris dans ses droits en matière de retraite. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avec cet amendement, que je qualifierai d’appel, le Sénat a un avant-goût des débats qui l’attendent. Sans doute cette proposition exprime-t-elle un petit sentiment de jalousie par rapport à nos collègues de l’Assemblée nationale… Mais nous partagerons demain les bonheurs actuels des députés, lorsque nous serons saisis du débat sur les retraites ! (Sourires.)

Pour des raisons techniques, la commission des lois est défavorable à cet amendement. Bien entendu, je salue l’habileté, pour ne pas dire l’inventivité, du groupe socialiste, qui a introduit ce débat dans le cadre de l’examen du texte relatif au Parquet européen. Il aura sa place lorsque nous examinerons le projet de loi sur les retraites.

Toutefois, que chacun conserve la liberté qu’il n’a bien sûr jamais perdue : lorsque la commission des lois émet un avis défavorable pour une raison technique, cela ne préjuge pas de la position qui sera prise par les uns et les autres, en particulier par M. le président de la commission des lois, lorsque le sujet sera abordé.

Je n’écarte pas la possibilité que la profession d’avocat trouve sur nos travées, le moment venu, quelques défenseurs.

Mme Nathalie Goulet. De brillants défenseurs !

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Néanmoins, il semblerait que le moment ne soit pas venu en cette fin d’après-midi.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je serai sans doute la première des défenseurs des avocats, à vos côtés, mesdames, messieurs les sénateurs, tant je considère que cette profession, je le dis ici, est indispensable, au quotidien, à notre État de droit, au droit au procès équitable et aux droits de la défense.

Monsieur Kanner, vous avez évoqué une rédaction, un propos ou une politique – je ne sais plus exactement – qui serait « imbécile ». Pour ma part, je ne me permettrai jamais d’utiliser, que ce soit en pensée ou dans mes propos, ce terme à l’égard de vous-même, du groupe que vous présidez ou de l’institution à laquelle vous appartenez.

Puisque vous m’interrogez sur les avocats, un sujet qui n’a évidemment absolument rien à voir avec le dossier dont nous parlons aujourd’hui, je voudrais simplement dire trois choses.

Tout d’abord, le dialogue avec les représentants de la profession n’a jamais été rompu. Je les vois et leur parle au téléphone fréquemment. Je les rencontrerai encore après-demain, pour évoquer un certain nombre de sujets. Il s’agit donc de rendez-vous réguliers.

Ensuite, sur la question des retraites, nous avions dès le départ des postulats qui étaient opposés. Nous souhaitions, car il ne peut pas en être autrement, que les avocats entrent dans le système universel des retraites. Ils ne le souhaitaient pas, pour des raisons que je puis entendre, mais qui ne sont pas compatibles avec le projet ambitieux que nous portons. Il n’est pas possible qu’il y ait un système universel de retraite pour 66 millions de Français et un autre pour 70 000 avocats.

Dans le cadre de ce système universel de retraite, nous avons dit sans cesse que nous étions prêts à prendre en considération les spécificités historiques et actuelles de leur régime. C’est ce que nous avons fait, au travers des très nombreuses propositions que nous avons présentées. Mais, pour dialoguer, il faut être deux ! Et il était très difficile de le faire lorsque l’on me répondait systématiquement par un refus d’entrer dans le système universel.

Nous avons donc formulé une série de propositions, qui se traduisent par des amendements qui seront débattus, du moins je l’espère, cette après-midi ou ce soir à l’Assemblée nationale. En effet, au moment même où nous parlons, ce sujet est évoqué par les députés.

Ces amendements se caractérisent par trois éléments : premièrement, la Caisse nationale des barreaux demeurera l’interlocuteur unique des avocats ; deuxièmement, les pensions de retraite seront en forte hausse, de plus de 11 %, les chiffres étant bien évidemment différents selon les cas de figure ; troisièmement, la hausse des cotisations sera compensée, d’une part, jusqu’en 2029, par un abattement de 30 % pérenne et constitutionnel sur les cotisations retraites, et, d’autre part, après 2029, par l’injection, dans le régime de retraite des avocats, des droits de plaidoirie, qui sont payés par les justiciables, et des contributions équivalentes, qui sont payées par les cabinets d’avocats. Si la CNB le souhaite – elle en décidera –, elle pourra ajouter les réserves.

Autrement dit, nous proposons un principe de solidarité, qui permettra, j’en suis sûre, aux cabinets dont les équilibres économiques sont les plus fragiles – ceux qui perçoivent jusqu’à 80 000 euros de revenus par an – de ne pas être affectés par la hausse des cotisations, qui pour eux sera intégralement compensée ; vous le savez, le revenu moyen des avocats est inférieur à 40 000 euros par an.

Permettez-moi d’ajouter une autre précision. J’ai souhaité rencontrer de nouveau les représentants de la profession d’avocat – la présidente du Conseil national des barreaux, le bâtonnier de Paris et la présidente de la conférence des barreaux de province –, pour évoquer des sujets hors retraite.

Je m’étais en effet engagée à travailler sur l’aide juridictionnelle. Je l’ai fait en introduisant, dans les projets de loi qui vous ont été présentés, des éléments sur l’informatisation de l’aide juridictionnelle et ses prises en compte spécifiques, notamment pour les femmes victimes de violences. Je m’engage ici clairement à rebâtir un système d’aide juridictionnelle qui puisse répondre aux attentes qu’ils portent. Et d’autres sujets feront l’objet de la concertation à venir, je pense notamment à la formation.

Dans l’œuvre de justice, les magistrats et les personnels de justice sont essentiels. Nous ne pouvons pas vivre sans les avocats.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je veux remercier mon collègue Patrick Kanner d’avoir soulevé le problème des avocats, qui illustre les difficultés d’un système universel de retraite, compte tenu des spécificités d’un certain nombre de professions. À cet égard, les avocats sont un bon exemple.

Madame la garde des sceaux, si vous aimez les avocats, pourquoi les faire attendre tellement pour leur garantir le maintien de leur caisse ? Historiquement, ils sont déjà très solidaires entre eux.

Vous avez omis de le dire, avec le minimum contributif à 1 000 euros, les avocats seront perdants. En effet, leur retraite minimale actuelle est supérieure à cette somme ! Ainsi, malgré la modification de l’assiette de la CSG, il n’y aura pas de compensation. Leurs cotisations passeront de 14 % à 28 % !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non ! Je ne peux pas laisser dire cela !

M. René-Paul Savary. Par ailleurs, les simulations intègrent un certain nombre de critères qui ne permettent pas d’assurer aujourd’hui la garantie du niveau de pension. Au cours de la discussion, nous verrons que tel est également le cas pour d’autres professions.

Quant aux droits de plaidoirie, ils apparaissaient jusqu’à présent dans les recettes du système de retraite des avocats. Si vous les utilisez pour autre chose, vous déséquilibrez leur régime.

On peut comprendre que les avocats souhaitent le maintien de leur régime, dans la mesure où leur caisse possède deux milliards d’euros de fonds de réserve. En période de transition, cela peut s’avérer intéressant ! En effet, vous serez obligée de les utiliser pour parvenir à l’équilibre de leur système de retraite, même s’ils entrent dans le système universel.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. René-Paul Savary. Une telle situation se retrouvera dans de nombreux autres cas. J’ai commencé les auditions dans le cadre de l’examen de la loi sur les retraites. Nous avons interrogé les danseurs de l’Opéra de Paris et les acteurs de la Comédie française. Vous rompez l’équilibre de ces grandes maisons historiques !

M. le président. Nous aurons l’occasion de débattre largement de ce sujet au sein de notre assemblée, mes chers collègues.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Madame la garde des sceaux, puisque vous avez décidé d’engager des négociations avec les avocats, je n’évoquerai pas le sujet des retraites.

Je souhaite simplement vous rappeler la nécessité d’inclure dans les dispositions que vous envisagez de discuter avec eux le respect du secret professionnel. En effet, nous sortons d’une audition de la commission des finances et du groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, et la transposition de la directive européenne, qui doit entrer en application le 1er juillet prochain, pose des problèmes absolument terrifiants de respect du secret professionnel.

En réalité, on va faire de l’avocat non seulement le complice, mais aussi le premier informateur des services fiscaux, au détriment de son client, quand bien même il ne serait pas au fait de la totalité de la situation fiscale de ce dernier.

La directive n’étant pas encore transposée, elle relève pour le moment du domaine réglementaire. Si jamais le texte qui vient d’être déposé à l’Assemblée nationale n’était pas ratifié, ces dispositions resteraient dans ce domaine, à l’article 1649 AE du code général des impôts, ce qui posera un certain nombre de difficultés.

Puisque vous avez dressé une liste des sujets à évoquer, je crois que le respect du secret professionnel, qui est une garantie du justiciable, devrait y figurer, madame la garde des sceaux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 12 - Amendement n° 50
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 14

Article 13

L’ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne au moyen du droit pénal est ratifiée. – (Adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE EN VIGUEUR ET À L’APPLICATION OUTRE-MER

Article 13
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 15 (début)

Article 14

I. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

II. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° À l’article L. 531-1, après la référence : « livre Ier », la fin est ainsi rédigée : « , les articles L. 211-17, L. 211-18, L. 211-19, L. 212-5-1, L. 212-5-2, L. 212-6-1 et L. 213-13 ainsi que l’article L. 312-8 du présent code, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. » ;

2° À l’article L. 551-1, après la référence : « L. 211-17 », la fin est ainsi rédigée : « , L. 211-18, L. 211-19, L. 212-6-1, L. 213-13 et le 3° de l’article L. 261-1 ainsi que l’article L. 312-8 du présent code dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. » ;

3° À l’article L. 561-1, après la référence : « L. 211-18 », la fin est ainsi rédigée : «, L. 211-19, L. 212-6-1, L. 213-13, le 3° de l’article L. 261-1 et l’article L. 312-8 ainsi que l’article L. 532-17 du présent code dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. »

III (nouveau). – Le tableau constituant le second alinéa du 4° du I de l’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi rédigé :

 

«

DISPOSITIONS APPLICABLES

DANS LEUR RÉDACTION RÉSULTANT DE

TITRE Ier

Article L. 410-1

l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000

Article L. 410-2

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Articles L. 410-3 et L. 410-4

la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012

Article L. 410-5

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

TITRE II

Article L. 420-1

la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001

Article L. 420-2

l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019

Article L. 420-2-1

la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012

Articles L. 420-3 et L. 420-4

la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016

Article L. 420-5

la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018

Article L. 420-6

la loi n 2016-1920 du 29 décembre 2016

Article L. 420-7

l’ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011

TITRE III

Article L. 430-1

la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001

Articles L. 430-2 à L. 430-5

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 430-6

la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

Articles L. 430-7 à L. 430-8

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Articles L. 430-9 et L. 430-10

la loi n° 2008-776 du 4 août 2008

TITRE IV

Article L. 440-1

la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018

Articles L. 441-1 à L. 441-6

l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Articles L. 441-8 à L. 441-14

l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Article L. 441-16

l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Articles L. 442-1 à L. 442-6

l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Articles L. 442-8 à L. 442-11

l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Articles L. 443-1 à L. 443-3

l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

TITRE IV bis

Article L. 444-1

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 444-2

la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019

Articles L. 444-3

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 444-4

l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016

Article L. 444-5

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 444-6

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Article L. 444-7

la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019

TITRE V

Articles L. 450-1 et L. 450-2

la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014

Article L. 450-3

l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019

Article L. 450-3-1

la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014

Article L. 450-3-2

la loi n° 2017-256 du 28 février 2017

Article L. 450-3-3

la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019

Article L. 450-4

l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019

Article L. 450-5

la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016

Articles L. 450-6 et L. 450-7

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 450-8

la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014

TITRE VI

Articles L. 461-1 et L. 461-2

la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017

Article L. 461-3

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Articles L. 461-4 et L. 461-5

la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017

Article L. 462-1

la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015

Article L. 462-2

l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000

Article L. 462-2-1

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 462-3

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Article L. 462-4

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 462-4-1

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Articles L. 462-5 et L. 462-6

la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016

Article L. 462-7

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Article L. 462-8

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 463-1

la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011

Articles L. 463-2 à L. 463-5

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 463-6

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Article L. 463-7

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 463-8

la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001

Article L. 464-1

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 464-2

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Article L. 464-3

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 464-4

l’ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004

Article L. 464-5

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Articles L. 464-6 et L. 464-6-1

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 464-6-2

l’ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004

Article L. 464-7

l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008

Article L. 464-8

la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012

Article L. 464-8-1

la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016

Article L. 464-9

la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016

TITRE VII

Article L. 470-1

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Article L. 470-2

l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019

TITRE VIII

Articles L. 481-1 à L. 483-1

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 483-4 à L. 483-11

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

TITRE IX

Articles L. 490-1 et L. 490-2

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 490-3 et L. 490-4

l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019

Articles L. 490-5 à L. 490-8

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 490-10 à L. 490-12

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

».

IV (nouveau). – L’article 6 de l’ordonnance n° 2014-471 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l’État en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République financier, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 du code de procédure pénale pour la poursuite, l’instruction et le jugement du délit prévu au deuxième alinéa du présent article. »

(nouveau). – Après l’article 1er de l’ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence, il est inséré un article 1er bis ainsi rédigé :

« Art. 1er bis. – Le procureur de la République financier, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 du code de procédure pénale pour la poursuite, l’instruction et le jugement du délit prévu à l’article L.P. 200-6 du code de la concurrence applicable en Polynésie française. »

VI (nouveau). – Le livre VIII de la première partie du code des transports est ainsi modifié :

1° L’intitulé du chapitre III du titre VI est complété par les mots : « et sécurisation des réseaux de transport public » ;

2° Le chapitre III du titre VI est complété par un article L. 1863-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1863-2. – L’article L. 1633-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie. » ;

3° L’intitulé du chapitre II du titre VII est complété par les mots : « et sécurisation des réseaux de transport public » ;

4° Le chapitre II du titre VII est complété par un article L. 1872-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1872-2. – L’article L. 1633-1 est applicable en Polynésie française. » ;

5° L’intitulé du chapitre III du titre VIII est complété par les mots : « et sécurisation des réseaux de transport public » ;

6° Le chapitre III du titre VIII est complété par un article L. 1883-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1883-3. – L’article L. 1633-1 est applicable à Wallis-et-Futuna. » – (Adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Article 15 (interruption de la discussion)

Article 15

Le titre Ier de la présente loi entre en vigueur à la date fixée par la Commission européenne en application de l’article 120 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen. – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi, dans le texte de la commission.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 3 mars prochain, à quatorze heures trente.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Article 15 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Discussion générale

4

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 26 février 2020 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap (texte de la commission n° 326, 2019-2020) ;

Nouvelle lecture de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (texte de la commission n° 300, 2019-2020) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (texte n° 296, 2019-2020) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (n° 295, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication