M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d’un enlèvement parental
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la Convention sur les relations consulaires, conclue à Vienne le 24 avril 1963,
Vu la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980,
Vu la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989,
Vu la résolution du Sénat n° 52 (2010-2011) du 25 janvier 2011 tendant à permettre au parent français d’enfants franco-japonais de maintenir le lien familial en cas de séparation ou de divorce,
Considérant que la présente proposition n’a nullement pour objet de remettre en cause la souveraineté du Japon ;
Réaffirmant son profond respect des différences culturelles entre le Japon et la France, ainsi que son attachement aux liens d’amitié qui unissent nos deux pays ;
Rappelant que le Japon et la France ont célébré, en 2018, le cent soixantième anniversaire de leurs relations diplomatiques ;
Rappelant que le Japon et la France sont liés par un « partenariat d’exception », qui est fondé sur un attachement aux valeurs de liberté, de démocratie, de droits de l’homme et de respect de l’État de droit ;
Rappelant que le Japon est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, dont l’article 3, alinéa 1, stipule que dans « toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », et dont l’article 9, alinéa 3, stipule que les « États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » ;
Rappelant que depuis le 24 janvier 2014, le Japon est partie à la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (dite « Convention de La Haye »), qui vise, d’une part, à « assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant » et, d’autre part, à « faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un État contractant » ;
Constatant avec inquiétude que des enfants franco-japonais sont actuellement privés de tout lien avec leur parent français suite au divorce ou à la séparation de leurs parents ;
Rappelant que ces enfants ont fait l’objet soit d’un enlèvement international commis par leur parent japonais, soit d’un enlèvement parental à l’intérieur du Japon et que, dans les deux cas, ils ont subi un véritable traumatisme et se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité ;
Notant avec préoccupation que les parents français de ces enfants sont dans un désarroi absolu, que nombre d’entre eux n’ont pas vu leur(s) enfant(s) depuis plusieurs années, que certains d’entre eux se voient refuser la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour par les autorités japonaises, et que tous courent le risque d’être placés en garde à vue par la police japonaise à chaque fois qu’ils tentent d’entrer en contact avec leur(s) enfant(s) ;
Observant que de nombreux parents japonais rencontrent également des difficultés pour exercer au Japon leurs droits parentaux après un divorce ou une séparation ;
Rappelant que ces situations, qualifiées d’« inacceptables » par le Président de la République, découlent principalement de l’application de la législation japonaise en matière de droit de la famille, qui ne reconnaît ni le partage de l’autorité parentale ni la garde alternée et laisse le droit de visite au bon vouloir du parent avec lequel vit l’enfant ;
Constatant avec étonnement que les juges japonais appliquent le principe non écrit de « continuité », qui les conduit à attribuer systématiquement l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur ;
Rappelant qu’il a été démontré que les enfants privés de tout contact avec l’un de leurs parents souffrent d’un déficit affectif susceptible de nuire à leur développement personnel ;
Rappelant que les autorités centrales chargées de satisfaire aux obligations imposées par la Convention de La Haye sont le ministère des affaires étrangères japonais et le ministère de la justice français ;
Rappelant que la protection consulaire s’applique dans le cas des enfants dont la situation ne relève pas de la Convention de La Haye ;
Regrettant que le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental ait cessé ses travaux en décembre 2014 ;
Constatant avec satisfaction que le 6 mars 2018, les ambassadeurs des États membres de l’Union européenne représentés au Japon ont adressé une lettre au ministre de la justice japonais, avec lequel ils se sont également entretenus le 27 avril 2018, en vue de « signaler l’importance de l’exécution des décisions des tribunaux japonais » ;
Se réjouissant que le Président de la République, lors de sa visite officielle au Japon, en juin 2019, se soit entretenu avec quatre pères français et ait déclaré devant la communauté française de Tokyo que les actions menées par la France visent à faire en sorte qu’« au-delà des pratiques, des habitudes qui sont parfois installées dans les mœurs, […] les droits de chacun puissent être défendus » ;
Réitère sa volonté de voir émerger rapidement une solution acceptable pour tous et respectueuse de l’intérêt supérieur des enfants issus de couples franco-japonais ;
Insiste sur l’impérieuse nécessité de garantir le maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents ;
Souhaite qu’il soit procédé à un recensement le plus exhaustif possible des cas d’enfants binationaux au centre d’un conflit parental ;
Exprime sa vive préoccupation quant au défaut d’exécution d’ordonnances de retour et de décisions relatives au droit de visite prises en application de la Convention de La Haye ;
Observe que cette inquiétude est partagée par le département d’État des États-Unis qui, dans son rapport 2019 sur les enlèvements internationaux d’enfants, se dit « extrêmement préoccupé à la fois par l’absence de mécanismes efficaces d’application des ordonnances prises en vertu de la convention, et par le nombre considérable de cas relatifs à des enlèvements survenus avant l’entrée en vigueur de la convention. » ;
Salue les initiatives prises par les autorités japonaises pour inciter d’autres États à adhérer à la Convention de La Haye et raccourcir les délais dans lesquels les tribunaux statuent sur les demandes de retour ;
Encourage les autorités centrales chargées de l’application de la Convention de La Haye à approfondir le dialogue engagé en 2014 ;
Note avec intérêt que le parlement japonais a adopté, le 10 mai 2019, une loi modifiant la loi relative à l’exécution des décisions en matière civile, qui prévoit, d’une part, que l’enfant pourra être confié au parent détenteur de l’autorité parentale en l’absence de l’autre parent et, d’autre part, que les juridictions et les agents de la force publique devront veiller à ce que la remise de l’enfant ne nuise pas à son bien-être mental ou physique ;
Relève avec déception que cette loi n’entrera pas en vigueur avant le 1er avril 2020 ;
Se demande si cette loi permettra de garantir la remise de l’enfant au parent détenteur de l’autorité parentale dans l’hypothèse où l’autre parent s’opposerait à l’exécution forcée d’une décision du juge civil prévoyant le transfert de la garde de l’enfant ;
Constate avec regret que cette loi ne prévoit ni la suppression du principe de « continuité » ni l’instauration du partage de l’autorité parentale et de la garde alternée ;
Se félicite que les autorités japonaises souhaitent échanger des bonnes pratiques et des connaissances avec les États membres de l’Union européenne ;
Souhaite que cet échange puisse rapidement se concrétiser entre le Japon et la France ;
Se réjouit de la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade du Japon en France, dont il faut espérer qu’elle permettra d’améliorer le traitement des dossiers d’enlèvements d’enfants et de faciliter l’échange d’informations ;
Appelle de ses vœux la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon ;
Souhaite, à l’instar du Gouvernement, le rétablissement du comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental, en vue de faciliter le traitement des cas n’entrant pas dans le champ d’application de la Convention de La Haye ;
Émet le vœu que soit organisée une nouvelle rencontre entre les ambassadeurs des États membres de l’Union européenne représentés au Japon et le ministre de la justice japonais ;
Souligne la nécessité d’améliorer l’accès des ressortissants français et japonais à une information claire, transparente et objective en matière de droit de la famille ;
Se réjouit que l’organisme local d’entraide et de solidarité du Japon ait obtenu, dans le cadre du dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, une subvention en vue de publier un guide pratique juridique et socio-culturel du mariage franco-japonais ;
Recommande d’améliorer la sensibilisation des magistrats français aux problématiques liées à l’enlèvement international d’enfants ;
Juge indispensable de veiller à ce que les jugements de divorce rendus en France ne soient pas, dans certains cas, privés d’effet au Japon en application de la loi japonaise modifiant la loi relative aux litiges liés au statut personnel, entrée en vigueur le 1er avril 2019 ;
Encourage le Gouvernement à renforcer les mesures visant à prévenir l’enlèvement des enfants binationaux résidant sur le territoire français ;
Suggère que soit établie une liste nationale ou européenne des pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention de La Haye ;
Invite le Gouvernement à porter la question des enlèvements internationaux d’enfants au sein des organisations internationales dont la France est membre.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 90 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 340 |
Le Sénat a adopté la proposition de résolution. (Applaudissements.)
7
Sécurité sanitaire
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe La République En Marche, de la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, présentée par M. Michel Amiel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 180, texte de la commission n° 279, rapport n° 280).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Amiel, auteur de la proposition de loi.
M. Michel Amiel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en commençant à travailler sur ce texte, il y a quelques mois, je ne pensais pas qu’il serait sous le feu de l’actualité lors de son passage en séance. Pourtant, après le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, l’épidémie du coronavirus qui se profile nous rappelle que les épidémies de maladies infectieuses sont toujours d’actualité ; elles réveillent de vieux fantasmes et conduisent parfois à des réactions totalement irrationnelles.
M. Julien Bargeton. Oui !
M. Michel Amiel. Sans minimiser l’épidémie en cours, je veux simplement rappeler que celle de grippe saisonnière a fait 7 000 morts en France pour l’année 2009, alors qu’on peut se prémunir facilement contre cette maladie trop banalisée.
Le changement climatique, en rendant autochtone à la France métropolitaine certaines pathologies jusque-là tropicales, et les grands mouvements de population ne font qu’accroître ces risques, et la seule chose que nous pouvons contrôler est notre capacité de réponse.
Encore ne parlerai-je pas des scénarios catastrophes selon lesquels la fonte du permafrost libérerait des virus jusqu’alors congelés, tels que l’anthrax !
Si, aujourd’hui, une réponse à l’échelon national peut nous permettre, comme nous le voyons, de faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, il m’est apparu pertinent de préciser les dispositions existant en ce sens et de doter notre arsenal d’un niveau complémentaire local.
C’est pourquoi j’ai déposé la présente proposition de loi, destinée à encadrer juridiquement de nouvelles méthodes et à équiper au mieux notre pays contre les différentes menaces sanitaires. Dans cette perspective, le texte aborde la lutte contre les maladies vectorielles, la gestion des personnes dites contacts et les modalités de mise à l’isolement contraint – une mesure exceptionnelle.
Les trois premiers articles répartissent au mieux les responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales pour la prévention des maladies transmises par un vecteur – par exemple, les moustiques, dont la multiplication de certaines espèces en France métropolitaine est favorisée par le changement climatique.
L’article 4 favorise la lutte contre l’ambroisie, une plante à l’origine d’allergies sévères, en articulant au mieux les différentes responsabilités – je pense en particulier à la faculté de pénétrer sur les propriétés privées.
L’article 5 rend plus efficace le système des maladies à déclaration obligatoire, tout en garantissant l’indispensable confidentialité.
L’article 6 présente une actualité particulière, puisqu’il prescrit des mesures d’éviction et de maintien à domicile pour les personnes asymptomatiques, mais ayant été en contact avec au moins un patient atteint d’une maladie contagieuse.
Enfin, l’article 7 prévoit l’isolement contraint des patients souffrant d’une maladie contagieuse et faisant courir un risque grave pour la santé de la population – le pendant, en quelque sorte, de l’hospitalisation d’office en psychiatrie.
Je ne serai pas plus long, car j’ai à cœur que l’examen et le vote de ce texte puissent être menés à bien dans le temps limité qu’il nous reste. Toutefois, je ne veux pas conclure sans saluer le travail de la commission ni sans remercier chaleureusement le rapporteur, qui a apporté à la réflexion plus de clarté et de précision. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Martin Lévrier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en complément de l’intervention de Michel Amiel, je soulignerai, d’abord, que la commission des affaires sociales s’est montrée soucieuse que les nouvelles mesures de sûreté sanitaire, dont certaines emportent des restrictions de la liberté d’aller et venir pour des motifs d’ordre public, soient assorties de toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de nos concitoyens. Elle y a été particulièrement attentive en ce qui concerne la mesure d’isolement contraint, qui, sans terme explicite, présentait un risque élevé d’inconstitutionnalité.
Ensuite, je m’attarderai sur les apports de la commission aux articles 1er à 4, qui renforcent l’efficacité et la pertinence de l’intervention des acteurs publics face aux risques sanitaires émergents que sont les maladies vectorielles, c’est-à-dire transmises par la piqûre d’un moustique porteur d’un agent pathogène.
À notre sens, le maire, échelon local de proximité, doit conserver le premier rôle. C’est à lui que doivent incomber la surveillance des zones de sa commune où les gîtes larvaires sont susceptibles de se développer, mais aussi le signalement de ceux-ci. Si nous nous sommes montrés favorables à l’attribution à l’agence régionale de santé (ARS) de la compétence et de la responsabilité en matière de police des maladies vectorielles, le rôle de signalement reconnu au maire traduit notre souci d’intégrer pleinement celui-ci à la mission de police nouvellement créée, mais à la mesure de ses moyens, c’est-à-dire sans l’investir d’une charge que les réalités du terrain le rendent souvent incapable d’assumer.
En conséquence, la commission a supprimé l’article 3, qui présentait un risque de transfert implicite au maire de la compétence préventive de l’ARS. En effet, nous sommes attachés à ce que l’intervention du maire se limite à une obligation de moyens, que constitue le pouvoir de surveillance et de signalement, sans s’étendre à une obligation de résultat, qu’impliquait la fourniture d’états des lieux.
Par ailleurs, l’article 2 a fait débat en commission, dans la mesure où il menaçait l’équilibre atteint par la loi de 1964 relative à la lutte contre les moustiques, qui distingue nettement la compétence des conseils départementaux selon que la lutte contre le moustique vise la santé publique ou le confort. La démoustication de certaines zones, historiquement laissée à la discrétion des départements soucieux de développer leur potentiel économique ou touristique, a permis l’émergence d’acteurs spécialisés, d’ailleurs peu connus, dont la compétence doit être préservée. En érigeant la lutte de confort contre les moustiques en compétence obligatoire, l’article 2 entraînait une extension manifeste de compétence à la charge des conseils départementaux et menaçait la pérennité financière de leurs opérateurs. C’est pourquoi la commission a préféré en rester à l’état actuel du droit.
S’agissant, enfin, de la protection des droits des personnes contacts évincées, j’ai prévenu en commission que je maintiendrais ma vigilance sur cet enjeu important. Bien que très confiant dans le pragmatisme des professionnels de santé en la matière, je ne suis pas parfaitement convaincu que les dispositions en vigueur assurent une protection satisfaisante de la personne évincée en termes d’indemnisation des jours pendant lesquels elle est contrainte de ne pas travailler.
Vendredi dernier, madame la secrétaire d’État, quelque 200 Français revenus de Chine, dont la plupart ne sont a priori pas infectés par le coronavirus, ont signé un engagement à respecter une quarantaine de quatorze jours, dans un lieu où leur prise en charge administrative et juridique pourrait susciter des inquiétudes. Comment concevoir que cette éviction, à laquelle ces personnes se prêtent pour l’heure sans y être contraintes, ne soit pas assortie de garanties juridiques et financières spécifiques ? La commission présentera un amendement tendant à sécuriser explicitement les risques auxquels les personnes contacts s’exposent, ce qui me paraît le premier devoir d’un législateur averti. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si la sécurité sanitaire est une notion récente, qui n’existait pas au début des années 1990, elle est aujourd’hui devenue l’un des aspects cardinaux de notre système de santé.
Tout a commencé par le drame du sang contaminé, à la suite duquel plusieurs lois ont concouru à construire un édifice robuste offrant un très haut niveau de protection à nos concitoyens. Au reste, votre assemblée a joué dans cette construction un rôle de tout premier plan : c’est au Sénat qu’ont été proposés, en 1990, l’élargissement de la sécurité sanitaire au-delà de la transfusion sanguine, puis, en 2007, la création de l’Agence du médicament, pour ne citer que ces exemples.
Aujourd’hui comme hier, nos objectifs doivent être à la hauteur des risques.
Notre premier objectif est de protéger les populations en nous inscrivant dans une démarche d’amélioration continue du système de santé. Soyons lucides : la sécurité sanitaire doit répondre à de nouveaux risques, qui se présentent comme autant de défis à relever. Je pense en particulier aux risques infectieux à transmission interhumaine, d’origine alimentaire ou environnementale, mais aussi aux crises d’origine sanitaire, comme les épidémies, ou à impacts sanitaires, comme les catastrophes naturelles, sans oublier les risques liés au terrorisme.
Pour atteindre ces objectifs, de nouveaux instruments sont nécessaires permettant davantage de prévention, de surveillance, de détection, d’évaluation, d’alerte et d’intervention, souvent en urgence. Tel est l’objet de la proposition de loi examinée cet après-midi. Si le Gouvernement a décidé de la soutenir, c’est qu’elle répond au besoin de renforcer le dispositif de sécurité sanitaire. Les événements que nous connaissons actuellement et ceux que nous avons rencontrés ces derniers mois en confirment toute la pertinence.
Oui, si notre édifice est solide, le renforcer toujours davantage permet d’anticiper et de nous préparer à faire face aux nouvelles menaces, à commencer par les virus Zika, de la dengue et du chikungunya, qui ont le moustique pour vecteur d’infection. Les territoires ultramarins sont régulièrement confrontés à de telles épidémies, mais des foyers ont également été identifiés en métropole ces dernières années.
La prévention des maladies transmises par les moustiques, indispensable, nous impose de détruire les gîtes larvaires, notamment en limitant les eaux stagnantes, mais aussi d’intervenir en urgence pour démoustiquer l’environnement d’une personne malade et, ainsi, limiter la propagation du virus. Cette prévention des maladies transmises par les insectes vecteurs à un coût important pour la sécurité sociale, puisqu’elle s’accompagne nécessairement d’arrêts de travail pris en charge par la solidarité nationale.
Rendre la sécurité sanitaire plus efficace, c’est aussi reconnaître qu’elle doit être le fruit d’une action concertée de l’État et des collectivités territoriales. Je pense en particulier au rôle des maires, qui, dans ce domaine comme dans bien d’autres, sont en première ligne face aux angoisses de nos concitoyens.
J’en viens aux menaces constituées par des événements naturels ou industriels, menaces nouvelles dont certaines prennent des proportions très importantes. Ainsi, l’ambroisie, une plante invasive originaire d’Amérique du Nord, s’est développée ces dernières années dans de nombreux milieux, au détriment de la santé de nos concitoyens. En Auvergne-Rhône-Alpes, l’observatoire régional de santé estimait en 2017 que quelque 650 000 personnes, soit environ 10 % de la population régionale, avaient consommé des soins remboursés en lien avec l’allergie à l’ambroisie, pour un coût global de 40 millions d’euros.
D’autres menaces sont connues, mais elles demandent de redoubler d’efforts pour protéger au mieux nos concitoyens. Songeons aux risques industriels et à la nécessité de compléter les dispositions protégeant les personnes vivant à proximité des centrales nucléaires. À cet égard, si la distribution de comprimés d’iode est réalisée grâce à une mobilisation très active des officines de pharmacie, malheureusement, seuls 51 % des habitants concernés vont chercher leurs comprimés. Ce dispositif doit être conservé en première intention, mais complété par une distribution par voie postale.
Je terminerai par les menaces liées aux infections contagieuses et graves. L’actualité nous rappelle, s’il en était besoin, la nécessité de nous doter de dispositifs adaptés pour éviter la propagation des infections transmissibles. À cet égard, la proposition de loi encadre deux dispositifs préventifs particulièrement nécessaires.
Il est question non pas simplement de répartition des compétences, de moyens d’action, mais aussi de libertés publiques. En la matière, des mesures ont déjà été prises dans la loi de 2004, à l’origine des dispositions figurant aujourd’hui à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, mais il convient d’aller plus loin. Ainsi, les articles 6 et 7 de la proposition de loi prévoient que les personnes dites contacts, a priori non malades, mais présentant un risque de développer une maladie, limitent leurs contacts avec les personnes saines.
La commission a souhaité s’en tenir aux mesures d’éviction et écarté la possibilité de décréter le maintien à domicile de ces personnes. D’autres pays le font, et nous devons approfondir la réflexion sur le sujet, même si d’évidentes questions se posent en termes de périmètre et de garantie des libertés individuelles.
En ce qui concerne l’indemnisation des personnes touchées par ces dispositions, nous comprenons l’intention du rapporteur, qui permet de mettre en lumière ces cas particuliers, mais le Gouvernement ne pourra pas être favorable à sa position. Nous en discuterons – c’est tout l’intérêt du débat parlementaire.
Des mesures de cette proposition de loi sont attendues par les professionnels de santé, parfois confrontés à des malades qui, ne respectant pas les règles, favorisent la transmission des maladies. Dès lors que les autorités sanitaires et préfectorales sont informées de tels comportements, il convient de leur donner les moyens d’agir dans un cadre précis. À cet égard, le Gouvernement a déposé un petit nombre d’amendements tendant à poursuivre la réflexion entamée par la commission. Je ne doute pas que, sur un sujet aussi sensible, nous saurons avancer ensemble dans un esprit à la fois responsable et constructif. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nombreux sont les exemples, récents ou plus anciens, illustrant l’importance de l’enjeu soulevé par la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire.
Ainsi avons-nous appris en début de semaine qu’une infection par pneumocoque touchait des salariés d’un chantier naval de Marseille, entraînant la mise en place de mesures sanitaires, notamment vaccinales.
Citons aussi l’épidémie liée au coronavirus 2019-nCov, identifié en janvier dernier en Chine et, depuis, arrivé en France. Une question demeure : si une réelle épidémie se développait dans notre pays, serions-nous en mesure d’y faire face, et comment ?
D’autre part, lors de l’épisode épidémique de bronchiolite hivernale, plusieurs enfants ont dû être transférés à des centaines de kilomètres de leur lieu d’habitation, faute de lits – reflet du manque de moyens hospitaliers.
Je veux évoquer également l’épidémie de rougeole qui sévit dans notre pays depuis la fin de 2017, soulignant l’insuffisance de la disponibilité et de la couverture vaccinales. Il est nécessaire de suivre de près la disponibilité des stocks de vaccins, de détecter les éventuelles pénuries et de les signaler rapidement.
À l’évidence, la nette amélioration de la surveillance, de la prévention et de la vaccination a permis de diminuer les risques, voire d’éradiquer certaines maladies infectieuses. Reste que les défis sont multiples pour faire face aux nombreux dangers qui persistent et aux nouveaux qui se profilent. D’autant que la mondialisation des échanges, le changement climatique et l’urbanisation favorisent l’émergence et la propagation rapides de nouveaux risques pour les populations.
Parmi ceux-ci, citons les maladies infectieuses vectorielles comme la dengue, le chikungunya et le virus Zika, toutes pathologies que les territoires d’outre-mer ne connaissent malheureusement que trop bien et dont le moustique tigre est le principal vecteur. En raison du réchauffement climatique, l’aire de propagation de ce moustique s’étend d’année en année, au point qu’une grande partie de la France métropolitaine est désormais touchée : en 2004, le moustique tigre était présent dans un seul département métropolitain ; en 2018, on comptait cinquante et un départements concernés… Cette évolution est d’autant plus inquiétante que, d’après l’Organisation mondiale de la santé, la dengue pourrait devenir d’ici à 2050 le plus grand fléau de l’humanité. C’est dire si la veille et l’alerte sont essentielles.
Que dire des pathologies potentielles liées aux expositions sanitaires environnementales de notre monde moderne ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) nous alerte toutes les semaines sur de nouveaux risques pour notre santé : les conséquences des fréquences d’ondes électromagnétiques de la 5G, des nitrates dans la charcuterie, des produits chimiques contenus, par exemple, dans les protections féminines, entre autres exemples. Là aussi, la veille sanitaire est prioritaire, de même que le suivi de cohorte et l’évaluation des expositions.
Souvenons-nous de l’amiante et du temps si long écoulé entre les fortes suspicions épidémiologiques et la décision d’éviction de ce cancérogène puissant. Ce cas d’école doit nous rappeler à quel point temps sanitaire et temps des décisions, y compris administratives, doivent mieux converger.
Même si nous avons progressé, nous sommes encore loin du compte pour une veille sanitaire efficace débusquant les nouveaux risques. On voit bien que la communauté internationale prend la mesure de l’ampleur de l’alerte sanitaire vis-à-vis des populations.
En France, ces sujets nous invitent à revisiter notre organisation, de l’échelle nationale aux échelles régionale, départementale et locale. Cette organisation doit couvrir tous les champs, du signalement à l’alerte, de la prévention à la mise en œuvre de plans actifs ad hoc.
Tous les éléments de la chaîne de décision méritent d’être évalués, certains d’être améliorés, d’autres repensés, qu’il s’agisse de risques classiques, nouveaux ou émergents : plans blancs et rouges, processus de mobilisation de la chaîne administrative et sanitaire, campagnes de vaccination, traitements préventifs, prise en charge médicale, mesures d’isolement et d’éviction, identification et protection contre des facteurs de risques, vectoriels ou non, diffusion de conduites à tenir simples et compréhensibles pour les citoyens, signalement des cas, recensement dans des registres, réseaux de veille, entre autres. Tous ces sujets sont liés et doivent être traités ensemble, car ils concourent au même objectif.
La présente proposition de loi, si elle n’aborde pas tous les sujets qui mériteraient de l’être dans un texte législatif idoine, traite de plusieurs questions d’une manière qui contribuera à améliorer notre arsenal en matière de sécurité sanitaire et, partant, la protection des populations.
Elle favorise la prévention des maladies vectorielles par les moustiques et la lutte contre l’ambroisie, clarifie les compétences des acteurs, de l’État aux collectivités territoriales, de Santé publique France aux ARS, précise les modalités de distribution des comprimés d’iode et instaure pour l’éviction des personnes un cadre qui protège notamment les données personnelles recueillies lors des enquêtes contacts.
Le texte étoffe l’arsenal des mesures mobilisables en cas de risque ou de crise sanitaire. En particulier, il institue des zones de lutte contre les moustiques en vue d’une éradication, sur des propriétés publiques comme privées. Il renforce le rôle primordial du maire en matière de prévention et pour limiter le risque de propagation. En l’espèce, je considère que les conseils départementaux, à l’instar des anciennes directions départementales des affaires sanitaires et sociales, ont un rôle majeur de coordinateurs et facilitateurs, qu’il convient de conforter.
En outre, la proposition de loi favorise la transmission des informations en faisant remonter à l’agence régionale de santé et à Santé publique France les cas de maladies nécessitant une intervention urgente ou une surveillance particulière pour la santé de la population.
J’y insiste encore : la veille sanitaire est une des clés d’une bonne prévention !
En ce qui concerne la prise en charge des personnes contacts ou infectées, le texte établit un cadre qui méritait d’être clarifié. Le principe posé est le prononcé de mesures d’éviction : les personnes contacts devront limiter leur présence dans les lieux regroupant du public et relèveront d’un maintien à domicile. L’exception prévue vise à pallier le refus d’une personne contact de se conformer à la mesure d’éviction alors qu’elle présenterait un risque grave pour la santé de la population. Dans ce cas, l’isolement contraint pourra être prononcé par le préfet, pour une durée que la commission a précisée et limitée, ce dont je me félicite.
Enfin, la proposition de loi facilite la distribution de pastilles d’iode. De fait, une récente étude a souligné qu’une moitié seulement des personnes vivant autour d’une centrale nucléaire s’était rendue dans une pharmacie pour se procurer de telles pastilles. Le dispositif mis en place tend à en faciliter la distribution en permettant la livraison à domicile.
Par les compétences qu’elle donne et clarifie, par les mesures prophylactiques et réactives qu’elle prévoit, cette proposition de loi paraît bienvenue eu égard aux risques grandissants auxquels fait face notre population. Bien sûr, elle traite une partie seulement du vaste sujet de la sécurité sanitaire ; mais elle instaure des outils plus clairs et juridiquement mieux encadrés. Reste qu’elle ne nous exonère pas d’une relecture complète de notre système face à l’accélération des événements d’alerte et à l’accroissement de risques nouveaux, différents et aux contours souvent difficiles à définir.
Malgré ces remarques, et pour les raisons que j’ai exposées, le groupe Union Centriste votera la proposition de loi dans le texte adopté par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM. – M. le rapporteur applaudit également.)