M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen vise à développer un système efficient de prévention des maladies vectorielles et à lutter contre les espèces végétales et animales nuisibles.
Alors que l’actualité prouve à quel point ce texte d’initiative parlementaire est d’actualité, la Haute Assemblée démontre, une nouvelle fois, son utilité et sa parfaite adéquation avec les problématiques rencontrées dans les territoires, où la nécessité de rationaliser l’intervention des acteurs publics en matière de sécurité sanitaire, d’assurer la pertinence et la proportionnalité des mesures employées et de garantir le respect des droits et libertés fondamentales des personnes infectées n’a jamais été aussi prégnante.
Il faut dire que l’accroissement des mouvements de population et l’intensification des échanges liée à la mondialisation font de la prévention des épidémies et de la lutte contre celles-ci, notamment quand elles sont transmises par des insectes, un enjeu majeur de nos politiques publiques.
Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait travaillé à une bonne articulation entre l’acteur qui fonde sa compétence sur la proximité de son action – le maire – et celui qui la fonde sur la spécialité de sa mission – l’ARS. Si les collectivités territoriales conservent leurs missions d’hygiène et de salubrité, les agences régionales de santé voient leurs missions se renforcer. Ce texte permet donc d’actionner tout un arsenal de mesures, notamment préventives, dont la réactivité et l’adaptabilité sont essentielles pour une lutte efficace contre les maladies à potentiel élevé. En particulier, les agents habilités auront la possibilité de pénétrer dans les propriétés privées pour mettre en place des actions de lutte en cas de manquement des propriétaires.
L’article 4 de la proposition de loi adapte le dispositif de lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine pour qu’il ne soit pas exclusivement prohibitif et répressif. En effet, la prolifération des végétaux et des insectes nuisibles doit être traitée dans sa globalité, dans le cadre d’une stratégie collective s’affranchissant des limites administratives et géographiques.
Je tiens à revenir sur la lutte contre le frelon asiatique. Vespa velutina nigrithorax, apparue accidentellement en Aquitaine en 2004, a colonisé à ce jour 60 à 70 % du territoire national. Actuellement, deux réglementations concourent à la lutte contre cette espèce : la réglementation sur les dangers sanitaires, mise en œuvre par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, et la réglementation sur les espèces exotiques envahissantes, mise en place par le ministère de la transition écologique et solidaire.
Si la possibilité est désormais donnée aux préfets, dans le cadre de cette lutte, d’ordonner la destruction d’espèces exotiques envahissantes sur des propriétés privées, rien n’est prévu en termes de prise en charge financière. Dans ce contexte, le financement des opérations de lutte contre le frelon, qui exigent moyens humains et techniques, s’appuie sur des crédits locaux, ponctuellement complétés par des crédits européens.
Je regrette que les conséquences financières de cette lutte ne soient pas mieux prises en considération, ce qui serait un gage d’efficacité. À ce stade, les coûts supplémentaires ne sont pas pris en compte – de même que l’article 2 du texte initial prévoyait un renforcement de la compétence des collectivités territoriales sans en compenser les conséquences financières, notamment pour les départements.
Alors que certaines espèces exotiques proliférantes ayant une incidence sanitaire au sens large – sur la santé de l’environnement, des cultures et des élevages ou sur la santé humaine – sont susceptibles d’être réglementées par les différents ministères chargés de ces questions, je tiens à vous alerter sur la lenteur avec laquelle cette espèce est traitée. Je suis inquiète de l’absence de réponses à la hauteur des enjeux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de la Provôté applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi procède à plusieurs modifications importantes du code de la santé publique en matière de sécurité sanitaire.
Plus précisément, elle réforme notre politique de lutte antivectorielle, sans doute datée, rend possibles de nouvelles mesures d’isolement de personnes contagieuses dans un contexte d’épidémie ou de pandémie, modifie le cadre de la lutte contre les espèces végétales nuisibles, comme l’ambroisie, et tend à assurer une meilleure protection sanitaire des personnes vivant à proximité d’installations nucléaires.
Ces objectifs sont louables, compte tenu des risques croissants pour la santé des populations que font peser les grands défis de notre siècle. Le réchauffement climatique s’accompagne ainsi d’une présence accrue d’insectes vecteurs de maladies, même si les mêmes sont affectés par les atteintes à l’environnement et l’usage de pesticides. Les espèces nuisibles se diffusent et progressent vers le nord de la France, y compris des végétaux extrêmement allergènes comme l’ambroisie.
En outre, la mondialisation de l’économie et les flux intenses qui la caractérisent rendent de plus en plus complexe la circonscription d’une épidémie, comme la situation actuelle l’illustre.
Le législateur doit impérativement se saisir de ces problématiques, car notre arsenal juridique y est insuffisamment adapté.
La présente proposition de loi répond partiellement à cette nécessité. Reste qu’il est difficile de trouver la cohérence de ses articles, regroupés sous le large thème de la sécurité sanitaire, et, entre les lignes, des réponses concrètes aux enjeux sanitaires déjà bien prégnants sur l’ensemble de notre territoire.
En commission, le rapporteur a apporté à ce texte des clarifications et des précisions indispensables. Je pense, en particulier, au suivi médical adapté dont doivent bénéficier les personnes dites contacts, contraintes de respecter des mesures d’éviction ou de maintien à domicile.
Je ne m’attarderai pas sur les mesures d’isolement de personnes contacts ou infectées prévues aux articles 6 et 7 ; elles font maintenant consensus, dans leur rédaction issue des travaux de la commission.
Je serai bref également sur l’article 8, qui prévoit la livraison à domicile de produits de santé nécessaires pour protéger les populations en cas de risque majeur, notamment de comprimés d’iode en cas d’accident nucléaire. Il m’a semblé nécessaire de préciser que cet envoi postal devait être assumé financièrement par l’exploitant de l’installation ou de l’ouvrage ; au nom de mon groupe, je défendrai un amendement en ce sens.
Concernant la lutte antivectorielle, principalement dirigée contre les moustiques, je regrette qu’une telle réforme se fasse au détour d’une proposition de loi, autrement dit sans étude d’impact et sans le travail d’investigation préalable indispensable. Dans ce domaine complexe de l’action publique, un grand nombre d’acteurs interagissent. Modifier le périmètre de leurs compétences n’est pas anodin. Il ne me semble pas que le législateur soit en mesure de travailler dans de bonnes conditions sans un état des lieux des recherches, notamment entomologiques, médicales et épidémiologiques, sur les dynamiques de propagation des moustiques et des maladies vectorielles associées.
Cela est d’autant plus regrettable que l’Assemblée nationale a adopté, en décembre dernier, une proposition de résolution déposée par la députée de La Réunion Ericka Bareigts, tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles. Cette commission a entamé ses travaux d’investigation en janvier dernier et devrait, dans un délai raisonnable, formuler des recommandations concrètes pour réformer l’intervention publique en la matière. Dans ce contexte, nous craignons que les dispositions prévues aux articles 1er et 2 ne soient prématurées et potentiellement inadaptées.
Est-ce une bonne façon de légiférer que de le faire sans avoir tous les éléments en notre possession ? Cela va-t-il devenir une habitude ?
Enfin, je dirai quelques mots sur la lutte contre l’ambroisie. C’est un sujet majeur dans le sud et l’est de la France, en particulier dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. D’ailleurs, les associations dénoncent un important retard législatif et réglementaire, qui ne permet pas de se doter des moyens de gérer cette espèce nuisible.
M. François Bonhomme. Tout à fait !
M. Bernard Jomier. L’article 4 de la proposition de loi ne laisse pas transparaître une grande volonté en la matière. Alors que les associations demandent une territorialisation de la lutte contre l’ambroisie, en associant directement les maires, la logique retenue, qui consiste à calquer le régime juridique applicable à la lutte antivectorielle, me paraît en partie inadaptée et sans doute un peu trop bureaucratique. Au nom de mon groupe, je présenterai des amendements visant à améliorer la chaîne d’intervention des acteurs et, ainsi, l’efficacité concrète de la lutte contre l’ambroisie.
Pour conclure, j’estime que cette proposition de loi est l’illustration d’un mal français en termes de sécurité sanitaire. En effet, nous sommes toujours trop faibles en matière de prévention. Nos services administratifs et nos ingénieurs ont une grande pratique de la gestion de crise et de l’élaboration de plans techniques, mais trop peu est fait pour que l’échelon local, les acteurs publics comme les populations s’en emparent et se l’approprient. Or, face à un enjeu aussi complexe que la lutte antivectorielle – les gîtes larvaires peuvent se trouver dans n’importe quel recoin urbain où peut stagner de l’eau –, nous ne parviendrons pas à contrôler la situation si nous ne faisons pas confiance à l’échelon local et si nous ne misons pas sur l’implication et la formation des populations.
Comme je le disais en préambule, ces enjeux sont non pas les enjeux de demain, mais bien ceux d’aujourd’hui. À cet égard, nous accusons un important retard. Je souhaite que la discussion que nous aurons ce jour permette d’approfondir les différents points cités et que nos amendements puissent contribuer à améliorer encore ce texte, qui est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je veux saluer, au nom du groupe RDSE, le travail de Michel Amiel, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci vient compléter la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé, que nous avons adoptée l’année dernière.
Le texte met l’accent sur les carences dans la gestion de certaines pathologies par les pouvoirs publics et vise à les combler. Il s’agit, d’une part, des maladies vectorielles transmises par les moustiques porteurs d’agents pathogènes, comme la dengue ou la maladie à virus Zika, bien connus de nos territoires, et, d’autre part, des allergies entraînées par la prolifération de certaines espèces végétales nuisibles à la santé de l’homme, telles l’ambroisie.
Je vais aborder les principales dispositions du texte.
L’article 1er réaffirme la répartition des compétences au sein des pouvoirs publics.
Tout d’abord, le maire est défini comme étant le meilleur acteur pour repérer ou évaluer le danger d’un événement sanitaire et reste compétent en matière d’hygiène et de salubrité publique.
La commission a décidé que son rôle devait être avant tout de signaler, car toutes les communes ne disposent pas de moyens pour lutter efficacement contre un événement sanitaire. En cohérence, l’article 3, qui prévoyait l’obligation pour le maire de faire réaliser un état des lieux en cas de risque, a été supprimé.
L’État resterait donc compétent en matière de prévention et de lutte contre les maladies vectorielles, via les ARS, qui définissent les mesures de prévention nécessaires, pour le compte du préfet.
L’article 4 modifie le régime juridique de la police des espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, afin d’y intégrer un volet préventif. Ainsi, il renforce les possibilités de constater la présence de l’ambroisie sur un terrain privé, pour que le préfet à qui l’information aura été transmise puisse établir une mise en demeure et décider éventuellement de travaux d’office.
L’article 5 assouplit le régime de la déclaration obligatoire et supprime la condition de préservation de l’anonymat des données de santé. Il prévoit que les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés puissent signaler à l’ARS les cas de maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale.
L’article 6 aborde la question des personnes contacts, qui présentent un risque élevé de développer une maladie par contact ou exposition, dans des conditions de nature à transmettre cette pathologie et qui doivent limiter leur présence dans les lieux regroupant de nombreuses personnes – par exemple, des établissements scolaires, des lieux dédiés à l’accueil d’enfants, des lieux de travail ou des lieux de rassemblement. Cette mesure ne pourra excéder un délai de sept jours, renouvelable une fois.
Je souscris aux interrogations de M. le rapporteur en ce qui concerne l’indemnisation d’une personne contact évincée. Actuellement, pour pouvoir être indemnisé au titre d’un arrêt de travail, l’employé faisant l’objet d’une mesure d’éviction doit être effectivement atteint de la pathologie justifiant la mesure. Si une personne contact n’est pas contaminée, elle se trouverait, de fait, exclue du champ de l’indemnisation. Or une personne empêchée de se rendre sur son lieu de travail doit pouvoir être indemnisée !
L’article 7 instaure un dispositif spécifique d’isolement contraint pour le cas des personnes atteintes de maladies transmissibles hautement contagieuses qui refuseraient les prescriptions d’isolement, créant ainsi un risque grave pour la santé de la population. Cette mesure d’isolement contraint serait prise par arrêté préfectoral, sur proposition du directeur général de l’ARS, au vu d’un certificat médical circonstancié établi après que la personne aura été mise en mesure de faire valoir ses observations, bien entendu par tout moyen.
La commission, soucieuse de garantir l’équilibre entre le maintien de l’ordre public sanitaire et les libertés fondamentales, a notamment décidé de limiter la période d’isolement contraint dans le temps à un mois renouvelable.
Enfin, l’article 8 prévoit que, par dérogation au monopole détenu par les pharmaciens en matière de dispensation des médicaments au public, la distribution de certains d’entre eux, notamment des comprimés d’iode, pourrait être directement effectuée par livraison à domicile, sous supervision d’un pharmacien.
Cette possibilité me semble indispensable, notamment en cas d’accident nucléaire. D’ailleurs, le groupe RDSE présentera, à l’article 8, un amendement visant à étendre le périmètre du plan particulier d’intervention (PPI) à toutes les communes d’une intercommunalité, dès lors que l’une d’elles entre dans le périmètre du PPI.
L’actualité, avec l’épidémie de coronavirus, fait évidemment écho à cette proposition de loi, qui comporte des dispositions qui nous paraissent plus que nécessaires. Aussi, la très grande majorité du groupe RDSE est favorable à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais tâcher de ne pas répéter ce que je vous ai déjà dit.
Vous ayant présenté voilà quelques instants l’architecture et l’équilibre général du texte, à la suite de M. le rapporteur, je souhaite désormais m’arrêter sur les outils qu’il crée, au chapitre II, afin d’apporter de nouvelles réponses, plus adaptées, en matière de signalement et de prise en charge des personnes contacts ou infectées.
Pour ce faire, ce texte tend déjà à simplifier et à introduire une plus grande fluidité dans les mécanismes de transmission d’informations de santé aux autorités compétentes, avec notamment l’avènement prochain du déploiement intégral du portail signalement-sante.gouv.fr. Ce maillon du signalement de l’information est essentiel pour mettre en place des mesures de prévention de contamination au sein de la population et pour le suivi des personnes contacts ou infectées.
L’article 5 vise à faire face aux problèmes posés non par les maladies vectorielles – celles-ci font l’objet des premiers articles de la proposition de loi –, mais par les maladies à transmission interhumaine, comme celle qui défraie l’actualité.
Ainsi que la commission l’a rappelé, l’objectif n’est pas de remédier à un système lacunaire. Il s’agit plutôt de chercher à rendre plus opérationnelle l’action de l’État, alors que les dispositions existantes – je pense en particulier, madame la secrétaire d’État, à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, que vous avez évoqué – semblent présenter l’inconvénient d’avoir défini des habilitations trop larges, donc peu mobilisables.
C’est dans le même sens que l’article 6 instaure un réel cadre de prise en charge des personnes contacts.
Dans un rapport d’avril 2019, le Haut Conseil de la santé publique rappelle que la personne contact est une personne « ne manifestant pas de signes ou de symptômes de la maladie mais qui a été en contact physique avec un cas (vivant ou mort) ou les liquides biologiques d’un cas pendant la période d’incubation connue de la maladie concernée. » Il rappelle également que, dans le cadre des transmissions interhumaines établies, « les nouveaux cas ont une plus grande probabilité d’apparaître parmi les contacts », d’où l’intérêt de l’article 6.
Les discussions en commission ont conduit à réécrire cet article – sans que soit perdue l’idée initiale – pour préciser la définition et les droits de la personne contact, avant d’envisager plus spécifiquement l’application d’une mesure d’éviction.
Actuellement, notre droit ne repose que sur la lutte contre la propagation internationale des maladies. Il convient de prendre en compte les cas autochtones, afin d’étendre le pouvoir de l’ARS agissant pour le compte du préfet.
Reste la question de la prise en charge de l’indemnisation des personnes concernées. Je ne doute pas que nous en discuterons dans quelques instants.
Enfin, je m’attarderai sur l’article 7, qui prévoit des mesures exceptionnelles pour les cas rares et extrêmes où les patients seraient réfractaires à l’isolement. Comme je le disais précédemment, le dispositif est presque calqué sur l’hospitalisation d’office.
L’amendement que j’ai défendu en commission et qui a été adopté est inspiré des diverses auditions menées par le rapporteur. Il a permis – là encore, sans s’écarter de l’idée originelle – de préciser plusieurs points : la définition de la maladie pouvant mettre en jeu l’isolement contraint, le rappel que cette mesure doit être motivée et limitée dans son contenu, etc.
Cette mesure peut inquiéter par son caractère liberticide, mais elle est équilibrée et permet une plus grande réactivité et une initiative au plus près du terrain pour faire face aux risques liés aux maladies transmissibles hautement contagieuses.
Mes chers collègues, l’ensemble de cette proposition de loi doit simplement être envisagé comme une pierre à l’édifice de notre système de santé, dans ses versants de prévention, de lutte antivectorielle et de lutte contre les épidémies. Sa discussion intervient dans le contexte que nous connaissons tous. J’espère que la commission ainsi que mon groupe pourront vous convaincre de son utilité et de sa justesse. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à la sécurité sanitaire intervient alors que le nouveau coronavirus constitue une menace d’épidémie mondiale. Cette crise nous rappelle à quel point la prévention et la protection de la population face aux épidémies sont un enjeu de taille pour notre pays.
Dans l’exposé des motifs, l’auteur du texte fait le constat de l’insuffisance des moyens d’action nécessaires dont l’État dispose lorsqu’il s’agit de faire face à des maladies infectieuses émergentes de type Ebola sur notre territoire.
Dans un premier temps – dans le chapitre Ier de la proposition de loi –, la responsabilité de l’État pour élaborer et mettre en place une politique de prévention et de lutte contre les maladies vectorielles et contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine est réaffirmée.
Ce rappel est essentiel. Nous y souscrivons, raison pour laquelle nous estimons qu’il n’est pas possible de débattre aujourd’hui de ce sujet hors contexte, c’est-à-dire en faisant abstraction des dernières lois relatives à la santé, qui ont réduit de façon drastique les moyens humains et financiers des hôpitaux, des services d’urgence et de santé en général.
Ainsi, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de 2019 poursuit la politique d’austérité budgétaire et la fermeture des établissements de santé. Pourtant, l’hôpital est un service public de premier plan en matière de santé publique. Si le coronavirus atteignait le stade épidémique en France, comment gérerait-on une crise de cette ampleur, alors que les services d’urgence sont à bout de souffle et que les lits sont déjà en nombre très insuffisant ?
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 s’inscrit dans le même schéma : elle est loin d’être à la hauteur des besoins financiers et humains du monde de la santé.
De même, la loi de finances pour 2020 marque la diminution des crédits alloués à la mission « Santé », sans compter le transfert du financement des opérateurs de santé publique vers l’assurance maladie. La réalité est que l’État se désengage du pilotage financier en matière de prévention et de protection de la santé de la population.
Comment analyser autrement le refus opposé par le Gouvernement et sa majorité parlementaire, à l’Assemblée nationale, à un amendement au PLF pour 2020 qui visait à accorder des crédits supplémentaires pour la recherche sur la maladie de Lyme ? Soit dit en passant, le même gouvernement et la même majorité accordent allègrement des milliards d’euros en crédit d’impôt recherche aux industries pharmaceutiques – Sanofi a touché plus de 1 milliard d’euros en dix ans…
Ces rappels ne sont ni inutiles ni hors sujet. Ils pointent du doigt l’une des interrogations principales soulevées par ce texte : l’insuffisance des moyens humains et financiers mis en œuvre par l’État pour assurer la prévention, la protection et la prise en charge de la population face à une crise sanitaire. Nous savons tous, d’expérience, que, dans ces conditions, la tentation est grande de se défausser de ses responsabilités pour les faire assumer par d’autres : les collectivités territoriales.
La proposition de loi, dans sa version première, n’échappait pas à ce travers. Elle porte comme ambition de rationaliser, pour en améliorer l’efficacité, l’intervention des différents acteurs publics. Nous approuvons l’objectif, mais rationaliser ne veut pas dire transférer.
Certaines modifications apportées par la commission sont, par conséquent, bienvenues.
Ainsi en est-il de la suppression de l’article 3, qui transférait une partie des compétences des ARS vers les communes et les maires en matière d’intervention sur les lieux de présence potentielle d’espèces végétales ou animales nuisibles à la santé humaine, sans transfert de crédits ni de moyens correspondants.
Nous approuvons également la modification apportée à l’article 2, qui faisait de la lutte contre les moustiques, en tant que nuisance, une nouvelle compétence obligatoire des départements – là encore, sans moyens correspondants.
C’est dans le même état d’esprit que nous nous opposons à ce que le coût des interventions des agents sanitaires pour éradiquer des espèces végétales ou animales nuisibles à la santé humaine soit à la charge des occupants des lieux quand leur responsabilité n’est pas en cause. Il s’agit d’une question essentielle et évidente de santé publique.
En conclusion, vous comprendrez, mes chers collègues, que, bien que préoccupés par la nécessité d’une meilleure prévention et d’une plus grande protection de la santé de la population, nous ne pouvons que nous interroger sur l’effectivité d’une proposition de loi ne répondant pas à la question cruciale du financement de cette mission par l’État, d’autant qu’une proposition de résolution créant une commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles a été déposée le 25 septembre et adoptée le 12 décembre 2019 à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a pour objet de renforcer les capacités de lutte des autorités publiques contre la propagation des espèces nuisibles.
Le texte tend à améliorer la résolution de deux problèmes spécifiques de sécurité sanitaire : la propagation des maladies vectorielles, telles que la dengue et le chikungunya, d’une part, et la prolifération d’espèces végétales nocives pour la santé humaine, telles que les ambroisies, d’autre part.
L’épidémie de coronavirus qui sévit actuellement met en lumière l’importance des enjeux en cause dans le cadre de cette proposition de loi.
Bien d’autres maladies sont directement concernées par la lutte contre les espèces vectorielles. S’il s’agit d’un problème d’actualité, c’est surtout un enjeu majeur de santé publique.
En modifiant les aires de répartition des espèces, le dérèglement climatique nous pousse à nous adapter aux nouvelles menaces. Des espèces exotiques migrent ou sont introduites dans des milieux naturels qui n’y sont pas préparés. En parallèle, l’intensification des échanges intercontinentaux accroît la diffusion des maladies.
Aussi nous faut-il trouver des réponses opérationnelles aux risques épidémiques et à la prolifération d’espèces exotiques envahissantes. En effet, certaines variétés extérieures déséquilibrent nos écosystèmes au détriment de la biodiversité indigène et nuisent à la santé des populations.
Je souhaite saluer l’initiative de Michel Amiel, auteur du texte. Je tiens également à féliciter M. le rapporteur, Martin Lévrier, pour la qualité du travail qu’il a réalisé.
La compétence santé se trouve bien souvent répartie entre plusieurs acteurs. Cette division en fonction des domaines d’expertise de chacun a du sens, mais elle constitue parfois un frein qui ralentit l’action des pouvoirs publics.
Nous savons que la salubrité publique relève de la compétence du maire, en concertation avec l’agence régionale de santé. La commission des affaires sociales a souhaité clarifier les champs d’action de ces deux acteurs. Elle a ainsi limité les obligations du maire à un devoir de signalement, et laissé le soin à l’acteur spécialisé qu’est l’agence régionale de santé d’agir à la fois pour prévenir les épidémies et contrôler la bonne exécution des obligations des particuliers.
Ces dispositions étaient nécessaires. Elles permettent de délimiter avec précision les domaines de compétence de ces acteurs, dont les interventions gagneront en célérité et en efficacité.
La proposition de loi rénove en profondeur l’organisation de la lutte contre les moustiques pour faire face à la recrudescence des cas d’arbovirose propagée par les moustiques et les tiques. Elle clarifie et explicite la compétence du préfet en matière de lutte antivectorielle et consacre l’objectif de lutte contre les moustiques comme compétence obligatoire des conseils départementaux.
La commission a souhaité préserver la liberté de décision de ces derniers, en s’opposant au caractère obligatoire de la démoustication initialement prévu par le texte. Dans un contexte budgétaire contraint, nous devons veiller à éviter toute extension de compétence à la charge des collectivités locales qui ne s’accompagnerait pas de compensations financières.
Le texte propose également trois nouveaux leviers d’action pour limiter la propagation des maladies vectorielles.
Tout d’abord, les procédures de déclaration obligatoire de certaines maladies seront simplifiées, ce qui permettra une meilleure utilisation de ces dispositifs et en renforcera l’efficacité. Les travaux de la commission ont permis de déterminer que le droit actuel comporte de nombreuses dispositions efficaces dans la lutte contre la propagation de ces maladies. Malheureusement, ces dispositions ne sont actuellement ni assez connues ni utilisées par les professionnels concernés.
Ensuite, de nouveaux moyens d’identification des personnes contacts et de prévention de la propagation des maladies seront déployés. Ils sont très utiles pour le suivi des épidémies et nous permettront sans nul doute de renforcer l’efficacité des mesures de prophylaxie.
Enfin, en cas d’absence de coopération des personnes contagieuses, une mesure d’isolement thérapeutique contraint sera proposée par l’autorité sanitaire. Cette disposition a fait l’objet d’un intense travail en commission et son encadrement semble aller vers davantage de respect des droits de chacun, sans toutefois mettre en péril la santé publique.
Nous devons rester vigilants quant à la proportionnalité de ces mesures. La liberté d’aller et venir est, en effet, l’une de nos libertés fondamentales les plus précieuses. Sa restriction ne doit intervenir que lorsqu’elle est spécifiquement nécessaire. Nous faisons pleinement confiance au juge judiciaire pour contrôler la légalité d’une telle limitation de la liberté individuelle.
Il était important de rendre le droit actuel plus applicable. Ces nouvelles dispositions présentent l’avantage d’être plus opérationnelles et sans doute plus faciles à mobiliser.
Les travaux de la commission ont permis de répondre à un certain nombre de difficultés. Le groupe Les Indépendants soutient la finalité recherchée par les auteurs de cette proposition de loi. (M. le rapporteur applaudit.)