M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le rapporteur a bien explicité l’objectif d’un recouvrement efficace. C’est cela qui a conduit la demande de réforme. Il ne s’agit pas de réformer pour réformer, mais tout simplement de continuer un travail de simplification et une rationalisation du recouvrement des taxes gérées par la DGDDI. Il importe d’améliorer la lisibilité et la sécurité juridique au bénéfice, je le répète, des redevables et des administrations.
Je précise que l’article qui vous est soumis vise à prévoir l’échelonnement des transferts jusqu’en 2024. Le dispositif ne s’appliquera donc pas du jour au lendemain.
Certains, sur ces travées, ont exprimé le souhait d’accélérer les transformations. Ils souhaitent même fixer des dates pour certaines entreprises, qu’elles peineront à tenir. Il convient d’être cohérent dans l’approche. Le Gouvernement propose une démarche concertée entre deux administrations ayant prouvé leur efficacité : les douanes, d’un côté, la direction générale des finances publiques, de l’autre.
Je suis donc défavorable à ces quatre amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Lorsqu’on se réveille un beau matin et qu’on découvre brutalement l’efficacité d’une procédure, on se demande franchement pourquoi on ne l’a pas mise en œuvre avant !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’était l’ancien monde ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Conconne. Vos prédécesseurs étaient-ils si stupides pour passer à côté d’une solution si évidente ?
M. Julien Bargeton. On ne fait jamais rien alors !
Mme Catherine Conconne. Le diable est dans les détails ! Parfois, quand on a l’impression d’avoir usé et usé d’efficacité, on se dit que peut-être quelque chose gênait la mise en œuvre. Mais si on ne l’a pas fait avant, ce n’était certainement pas par manque d’intelligence. Souvent, il y a des raisons à cela, qu’il convient de méditer.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. J’ai bien entendu M. le rapporteur général et Mme la secrétaire d’État.
Tout le monde veut un recouvrement de plus en plus efficace. Faut-il rappeler que le coût du recouvrement au niveau des douanes est l’un des plus faibles ? Néanmoins, puisque l’échelonnement va jusqu’en 2024 – je partage ce qui a été dit sur l’habilitation par ordonnance – cela pourrait concerner près de 1 000 agents ; j’ai notamment auditionné avec mon collègue corapporteur de la mission, Claude Nougein, Mme la directrice générale des douanes. Ces transferts posent donc un problème en matière d’organisation et de suivi. Ce n’est pas aussi simple que cela.
Certes, M. Gardette a publié un rapport sur la fusion des recouvrements, mais au-delà il convient d’être très vigilant. Pour l’instant, je m’en tiendrai à la proposition de notre groupe. Nous verrons ensuite ce que nous ferons dans le cadre de l’amendement n° II-879 de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, j’entends ce que vous dites, notamment sur le recours aux ordonnances, que personne n’aime ici. Quoi qu’il en soit, une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance. Si les amendements de suppression n’étaient pas votés et que nous adoptions l’amendement n° II-879 de la commission visant à supprimer la procédure par ordonnance, rien n’indiquerait pour autant que l’Assemblée nationale ne rétablira pas ensuite ce dispositif.
Je partage les objectifs d’unification et d’effectivité du recouvrement, mais nous n’avons aucune étude d’impact. On vient de le dire, il existe des problèmes de personnel. Nous enregistrons également des éléments extrêmement disparates dans le transfert de ces missions, qui ne sont absolument pas paramétrées. Le dossier n’est pas prêt en l’état. Il n’est donc absolument pas question de donner un chèque en blanc au Gouvernement sur une mesure aussi importante.
Je maintiens mon amendement de suppression. Il aura le sort qu’il aura, mais nous avons beaucoup travaillé au Sénat sur le renforcement des douanes, outil extrêmement important. Je crois même savoir qu’il y a ici un groupe de parlementaires qui soutiennent les douanes. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur un amendement qui a été rejeté, il y a quelques jours, visant à limiter encore le contrôle de la détaxe et de ce qui se passe dans les aéroports.
Je comprends l’intérêt de la manipulation et de l’opération qui consiste à unifier les recouvrements. Certes, une telle décision est souhaitable, mais en l’état le projet n’est pas mûr. On pourrait attendre un contexte plus favorable et, en tous les cas, mieux borné.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. La position de mon groupe a été parfaitement exprimée par Mme Conconne et M. Carcenac. Il est fort risqué, au vu des milliards d’euros en jeu, de prendre une décision de la sorte, sans étude d’impact, et alors même que la DGFiP s’inscrit dans une dynamique de diminution du nombre de postes.
Je veux bien qu’il soit question d’efficacité, de toujours faire plus et mieux avec moins de moyens, mais je ne pense pas que les personnels de la douane et de la DGFiP soient actuellement d’accord avec cette réforme. Ils ne peuvent d’ailleurs pas nous garantir qu’une telle réforme est possible, d’autant que d’autres réformes en cours sont déjà fortement remises en cause. L’efficacité d’un dispositif est également liée à la manière dont on le déploie, en coordination avec les agents publics, car ce sont eux en réalité qui sont chargés de mettre en œuvre la réforme.
Il est inutile d’aller trop rapidement. Les enjeux sont considérables. N’appliquons pas cette mesure en l’état. En ce qui concerne l’amendement de M. de Montgolfier, s’il devait être discuté, nous n’approuvons pas plus que la commission le recours aux ordonnances. Cela nous semble présenter un danger en termes de constitutionnalité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien écouté Nathalie Goulet. Les missions des douanes sont malheureusement plus que jamais au cœur de l’actualité. Je pense au terrorisme, qui n’était pas une mission aussi importante il y a quelques années. Je pense aussi à la lutte contre les trafics, qu’il s’agisse des trafics humains, des trafics d’animaux, d’œuvres d’art, de stupéfiants, etc. La douane bénéficie, comme je l’ai rappelé, d’une formation particulière. Elle a également des pouvoirs de police, au sens large, exorbitants du droit commun.
En termes d’efficacité, je préfère que les douanes se concentrent sur leurs missions principales, régaliennes, liées à la protection des intérêts de la France et à la protection des Français, y compris en matière de santé publique. Il est préférable qu’elles soient chargées de contrôler tout ce qui entre dans notre pays, à plus forte raison avec le Brexit, plutôt que de devoir s’occuper du recouvrement pur et simple de taxes.
Le recouvrement de la taxe sur le cinéma au profit du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, sera-t-il mieux mis en œuvre par l’administration des douanes que par la DGFiP ? Pour moi, il n’y a pas de différence, d’autant qu’il s’agit aujourd’hui très largement de recouvrements informatisés, du moins je l’espère. Bref, nous pouvons avoir des gains de productivité.
Autant je souscris au principe d’une unification du recouvrement, autant je souhaite que les missions des douanes et les missions de protection des Français soient renforcées, recentrées sur le cœur de métier.
Cela étant, je ne désire pas donner un blanc-seing au Gouvernement. Voilà pourquoi je m’oppose aux ordonnances. Le sujet, j’en suis conscient et je suis d’accord avec tous les collègues qui se sont exprimés, est suffisamment important pour que le Parlement ne s’en dessaisisse pas. Je vous invite à vous rallier à l’amendement n° II-879 de la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-421 rectifié nonies, II-486 rectifié bis, II-527 rectifié et II-1112.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1134 rectifié est présenté par M. Duplomb, Mme Férat, MM. Bascher, Cuypers et J.M. Boyer, Mmes Chauvin, A.M. Bertrand, Gruny et Deroche, M. Pierre, Mme L. Darcos, MM. Charon, Grand, Détraigne et Mizzon, Mme Perrot, MM. P. Martin, Louault, Kennel, Gremillet et Bazin, Mme Deromedi, M. Milon, Mmes Morhet-Richaud et Micouleau et MM. Houpert, Bonhomme, D. Laurent, Calvet, Cardoux, Danesi, Piednoir, Mouiller, Morisset et Savary.
L’amendement n° II-1137 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Botrel, M. Bourquin et Carcenac, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. Raynal et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) La taxe mentionnée à l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime ;
La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° II-1134 rectifié.
Mme Laure Darcos. Il s’agit d’un amendement de mon collègue Duplomb. La taxe sur le chiffre d’affaires des produits phytopharmaceutiques a été instituée pour financer les activités de phytopharmacovigilance, cette mission étant dévolue à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). La taxe est recouvrée par l’agent comptable de l’Anses selon les mêmes modalités que les taxes sur le chiffre d’affaires.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques, abondé par le relèvement de cette taxe. Le taux maximum de cette taxe passera ainsi de 0,3 % – 0,2 % pour un produit de biocontrôle – à 3,5 %.
Il n’apparaît pas pertinent de conserver la compétence de recouvrement de cette taxe à l’Anses. En effet, il n’est pas opportun que cette agence, chargée d’évaluer et d’autoriser les produits phytopharmaceutiques, soit, dans le même temps, chargée de recouvrer une recette pour le fonds d’indemnisation nouvellement créé. En outre, l’agent comptable de l’Anses ne dispose pas de leviers de contrôle suffisant.
C’est pourquoi il est proposé de confier le recouvrement de cette taxe à la DGFiP, qui assure déjà le recouvrement des taxes sur le chiffre d’affaires. Une telle évolution serait parfaitement cohérente avec l’unification des modalités de recouvrement prévue par l’article 61 du projet de loi de finances. L’affectation de la taxe resterait naturellement inchangée.
Afin de permettre la mise en œuvre de ce transfert dans les meilleures conditions, il est proposé une entrée en vigueur au 1er janvier 2021.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° II-1137.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je signale que ces amendements identiques sont proposés par MM. Tissot et Duplomb, tous deux rapporteurs du budget de l’agriculture. Il est assez rare que ces deux visions de l’agriculture, qui s’opposent souvent, produisent une proposition conjointe !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je n’ai pas d’opposition de principe à ce transfert, mais je souhaite, techniquement, interroger le Gouvernement sur la possibilité d’un transfert qui interviendrait au 1er janvier 2021.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit l’augmentation du taux de la taxe phytopharmacovigilance et l’affectation de la recette ainsi créée à un fonds d’indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques.
Ce dispositif plaide, a priori, pour un transfert, à terme, du recouvrement de la taxe à la DGFiP, en lien notamment avec le projet déjà évoqué du Gouvernement d’unifier les réseaux de recouvrement.
La mission interministérielle France Recouvrement s’est rapprochée de l’Anses pour étudier les modalités de ce transfert, tout en intégrant dans un calendrier une réflexion globale sur les transferts à la DGFiP, voire intégralement à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), du recouvrement des prélèvements obligatoires, droits et autres redevances aujourd’hui perçus par les opérateurs.
Pour tenir compte des travaux d’ores et déjà engagés et sécuriser le transfert du recouvrement de cette taxe à la DGFiP, il est proposé de n’envisager formellement un tel transfert qu’une fois les analyses complémentaires conduites avec l’Anses, en lien avec la DGFiP.
Nous activons le dispositif de transfert. Comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur général, il est essentiel que les douanes puissent se concentrer sur des missions de douanes et la DGFiP sur des missions de recouvrement, dans lesquelles elle a une certaine antériorité. Il ne s’agit donc pas d’un transfert à une administration qui n’aurait aucune expérience du recouvrement. Par ailleurs, les douanes ont une faible expérience en matière de recouvrement. Tout cela fait sens.
Nous vous proposons de travailler sur le sujet de façon à ne pas brûler les étapes. Nous ne validerons le transfert qu’une fois que les analyses complémentaires seront conduites avec l’Anses et la DGFiP. À ce stade, nous n’avons pas de date prévue. En revanche, nous souhaitons avancer dans cette démarche d’unification du recouvrement afin de parvenir à une plus grande efficacité de notre administration. C’est, je le crois, ce que vous appelez tous de vos vœux.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Même avis !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1134 rectifié et II-1137.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-495 rectifié, présenté par MM. Panunzi, Bonne, Mandelli et Grosperrin, Mme Deromedi, M. Longuet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Castelli et Bascher, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
à l’exception de la Corse
II. – Alinéa 16
Après la référence :
I
insérer les mots :
à l’exception du droit de francisation et de navigation en Corse
La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° II-879, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II-495 rectifié.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour ce qui concerne l’amendement n° II-879, tout d’abord, j’ai dit précédemment qu’il ne pouvait pas y avoir sur un sujet aussi important d’habilitation par ordonnance. Il appartient au Parlement de se prononcer. Dès lors que les amendements de suppression n’ont pas été adoptés, je vous invite très largement à souscrire au présent amendement. Le Parlement doit jouer son rôle !
Sur l’amendement n° II-495 rectifié, je tiens à rassurer M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. M. Panunzi plutôt ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est une mauvaise lecture des conséquences de l’unification du droit de recouvrement. Concrètement, il n’y aura pas de perte de recettes ni de droit de francisation pour la Corse. L’unification du recouvrement et le transfert à la DGFiP ne changera rien aux recettes et à la répartition de celles-ci. Le Gouvernement nous confirmera peut-être cette analyse.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Effectivement, l’amendement n° II-495 rectifié est d’ores et déjà satisfait puisque le transfert du recouvrement n’affecte en rien les recettes.
M. Jérôme Bascher. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° II-495 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, madame la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Pour ce qui est de l’amendement n° II-879, je précise que l’habilitation au Gouvernement dans un délai de dix-huit mois concerne la réécriture des mesures nécessaires à la refonte des impositions concernées. C’est, selon moi, le procédé le plus adapté, car il s’agit de prévoir les modalités de recouvrement, voire les opérations d’assiettes et de contrôle.
Une habilitation ne permet ni de modifier les caractéristiques – champ, taux, assiette – de chaque impôt ni, a fortiori, le montant d’impôt payé par chaque redevable. Nous allons entrer dans un niveau de légistique assez précis, impôt pour impôt, pour définir ces modalités de recouvrement, ainsi que les opérations d’assiette et de contrôle… Je ne suis pas certaine que tout cela soit du niveau du Sénat et de l’Assemblée nationale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes « tous niveaux » ! (Sourires.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne crois pas non plus que le fait de passer par un autre truchement que l’ordonnance soit la meilleure manière de procéder.
L’ordonnance sert à traiter des textes de logistique lourds, techniques et qui reprennent des éléments que vous connaissez déjà. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les amendements de suppression n’ayant pas été votés, je soutiendrai énergiquement l’amendement du rapporteur général.
Madame la secrétaire d’État, nous discutons du projet de loi de finances et, bien sûr, c’est le moment d’évoquer ce genre d’article ! De plus, dans la mesure où le rapport de la Cour des comptes a mis l’accent sur les difficultés liées à la fraude fiscale, nous aurions tous intérêt à avoir un débat clair sur un texte sans équivoque ! Il nous serait en effet utile d’avoir une vision d’ensemble de la politique que souhaite mener le Gouvernement pour le recouvrement et la lutte contre la fraude dans les prochains mois.
On l’a vu tout à l’heure avec le débat sur la collecte des données sur les réseaux sociaux, ce ne sont pas des sujets anodins qu’on peut régler complètement dans le cadre d’un projet de loi de finances. Je souhaite donc vivement que le Gouvernement organise un débat sur cette question. Le Parlement y a toute sa place. Je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas associés aux mesures que vous avez l’intention de prendre. Ces mesures auront des impacts sur le personnel, sur les financements et sur la répartition géographique des agents.
C’est le rôle du Parlement, madame, que de vous demander ces explications !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je souscris aux précautions qui ont été émises par M. de Montgolfier et par Mme Goulet. Nous allons vers un bouleversement important. Ce gouvernement nous annonce qu’une des administrations qui subira le plus de baisses d’effectifs sera la DGFiP.
Personnellement, j’ai une précaution particulière pour les collectivités qui relèvent de l’article 73 de la Constitution. Nous avons une fiscalité spéciale, avec un taux de TVA inférieur de 10 points à celui de la France, mais compensé par une fiscalité locale, l’octroi de mer, qui frappe les importations, sauf exonérations décidées par la collectivité pour des raisons historiquement importantes. Or c’est la douane qui s’occupe de la « forêt » de procédures à laquelle nous sommes confrontés lorsque nous importons et que nous exportons. En Martinique ou en Guadeloupe, par exemple, que vont devenir ces agents et ces services qui se sont au fil du temps spécialisés dans la collecte et la gestion de cette taxe particulière qu’est l’octroi de mer ?
Par ailleurs, nous vivons au milieu de l’océan, et la zone économique exclusive (ZEE) a ses limites !
Les douanes doivent également accomplir un travail important sur les embarcations servant au transport maritime. Qu’il s’agisse des loisirs ou du transport de marchandises ou de personnes, la douane est omniprésente et réalise un travail considérable pour le contrôle de ces embarcations et de leur immatriculation. Elle étudie aussi la meilleure taxation en fonction des activités de chaque embarcation. La DGFiP peut-elle aujourd’hui prendre le relai, sans étude d’impact, sans rien du tout ? Le Gouvernement souhaite procéder par habilitation, mais je demande des garanties, madame la secrétaire d’État !
Si le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance, malgré un vote du Sénat que je pressens négatif, il nous faut des précautions, car il existe des cas particuliers au sein de la République. Il importe donc de tenir compte de tous ces cas de figure afin d’éviter une déstabilisation du système !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je tiens à apporter une précision : l’octroi de mer n’est pas transféré à la DGFiP, relisez l’article !
Mme Catherine Conconne. Avec les ordonnances, qui sait ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Non, c’est la loi, c’est ce qui figure dans le texte ! Nous travaillons avec rigueur : l’octroi de mer restera bien dans le giron de la DGDDI. C’est ce que prévoit cet article.
De même, l’habilitation portera sur la description des modalités de recouvrement et non sur autre chose. Le débat que nous avons sur ces travées porte sur le transfert d’un certain nombre de prélèvements vers une autre administration. Des deux administrations dont nous parlons, l’une, la DGFiP, a pour cœur de métier le recouvrement. Vous disposez même de la trajectoire d’emploi.
Il me paraît difficile d’avoir un débat plus transparent sur ces grands sujets stratégiques. Certes, nous pouvons toujours entrer dans le détail du recouvrement, mais est-ce bien utile ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 61, modifié.
(L’article 61 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 61
M. le président. L’amendement n° II-1050, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Amiel et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patriat, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III de l’article 302 D bis est abrogé ;
2° Au 5° du I de l’article 1798 bis, les mots : « au III de l’article 302 D bis, » sont supprimés.
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021.
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Il s’agit d’un amendement de simplification à destination des petits artisans, boucheries, boulangeries, parfumeurs. Actuellement, pour être exonérés de droits d’accises sur l’alcool, ces professionnels doivent faire une demande auprès de la douane et déposer une déclaration préalable de profession.
Nous proposons de supprimer cette déclaration d’utilisateur pour les professionnels souhaitant bénéficier d’une exonération d’accises sur les alcools dits « dénaturés ». Cela permettrait à des petits artisans qui utilisent des quantités modiques d’alcool pour leurs préparations culinaires d’alléger leurs démarches.
Je crois que nous partageons tous ici la volonté d’avoir moins de formalités administratives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur ce sujet très technique des droits concernant l’alcool et les produits alcooliques tels que le vinaigre ou certains médicaments, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il s’agit effectivement d’un dispositif de simplification. Cet amendement vise à régler un problème de surtransposition du droit français et va dans le sens souhaité par le Sénat.
La suppression de cette déclaration est attendue, car il s’agit d’une simplification administrative bienvenue pour les opérateurs. La mesure implique une refonte du dispositif d’exonération qui nécessite une réflexion d’ensemble des modalités de gestion et de contrôle.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Même avis !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 61.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1141 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, M. Delahaye et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article 302 K, les mots : « des articles 302 U bis et 302 V bis » sont remplacés par les mots : « de l’article 302 U bis » ;
2° Le début du premier alinéa de l’article 302 M ter est ainsi rédigé : « Sans préjudice des dispositions prévues à l’article 302 M quater, les produits soumis à accise… (le reste sans changement) » ;
3° Après l’article 302 M ter, il est inséré un article 302 M quater ainsi rédigé :
« Art. 302 M quater. – Les produits soumis à accise déjà mis à la consommation, en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne, achetés par une personne qui n’a pas la qualité d’entrepositaire agréé ou de destinataire enregistré établi en France métropolitaine et qui n’exerce pas d’activité économique indépendante, lorsqu’ils sont expédiés par le vendeur, ou pour le compte de celui-ci, circulent en France métropolitaine sous couvert d’un document établi par l’expéditeur comportant les informations définies par décret.
« Cette obligation s’applique également en cas de retour des produits à l’expéditeur. » ;
4° Le 1° du I de l’article 302 Q est abrogé ;
5° Le II de l’article 302 U bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’impôt est déclaré au plus tard le dixième jour du mois suivant l’exigibilité auprès du bureau de douane de domiciliation du représentant fiscal. Il est acquitté au même moment. » ;
6° L’article 302 V bis est ainsi rédigé :
« Art. 302 V bis. – Dans les cas prévus au II de l’article 302 U bis, l’expéditeur désigne un représentant fiscal établi en France métropolitaine autre que le vendeur.
« Le représentant fiscal est préalablement agréé par l’administration des douanes et droits indirects. Son activité est domiciliée auprès du bureau des douanes du ressort de son siège social en France. Il dépose, conformément aux dispositions du même l’article 302 U bis, une déclaration mensuelle globalisant l’intégralité des opérations de réception et de mise en consommation en France pour le compte des destinataires visés au premier alinéa de l’article 302 M quater.
« L’agrément est accordé à la personne qui fournit une caution solidaire garantissant le paiement des droits. Il peut être retiré en cas de défaillance de la caution, de dénonciation par cette caution de son engagement ou de non-respect des obligations prévues par le présent chapitre.
« Le représentant fiscal tient une comptabilité des livraisons de produits et la présente à toute réquisition des services de contrôle. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.