M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet finalement à la sagesse du Sénat sur les trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Décidément, ce gouvernement n’est pas l’ami des départements ! (M. Philippe Dallier rit.) Il leur a ôté toute autonomie financière en supprimant la taxe foncière, qui était, tout de même, l’outil auquel on touchait en dernier recours, pour assurer le nécessaire équilibre budgétaire, menacé par l’explosion des dépenses sociales dans de nombreux départements.
Ici, le Gouvernement refuse de donner aux départements un tout petit peu de liberté en leur permettant de porter de 4,5 % à 4,7 % le taux des DMTO, alors qu’ils n’activent le levier fiscal qu’avec grande prudence, en cas de véritable nécessité. Franchement ! Les départements assument 2 milliards d’euros de dépenses pour la prise en charge des mineurs non accompagnés, qui relève d’une politique régalienne de l’État, mais celui-ci ne leur accorde à ce titre que 162 millions d’euros d’aide dans le projet de budget pour 2020. Nous pourrions également parler du reste à charge au titre du RSA, des demandes constantes en matière d’allocation personnalisée d’autonomie, de la prestation de compensation du handicap, dépense qui continue à augmenter sans défaillir.
Le marché immobilier est actuellement dynamique, c’est vrai. Il n’est donc pas nécessaire, aujourd’hui, pour nombre de départements, de relever le taux des DMTO. Mais personne ne sait ce qu’il se passera dans six mois ! Nous pouvons avoir quelques inquiétudes pour notre situation économique eu égard aux troubles que connaît le pays actuellement. Peuvent également se produire des retournements de la conjoncture internationale. Dans ce cas, que ferez-vous pour les départements ? Ils devront aller mendier auprès d’un petit fonds de solidarité, comme nous en avons déjà connu quelques-uns, fonctionnant selon des paramètres que l’on peine à appréhender…
J’espère que nos collègues nous suivront, car nous ne demandons que le minimum minimorum de liberté pour les départements !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je peux comprendre l’inquiétude des présidents de département. Auparavant, la taxe sur le foncier bâti leur assurait une ressource relativement stable. À l’avenir, ils bénéficieront des DMTO et d’une fraction de TVA, deux recettes soumises aux aléas de la conjoncture. Lors de la crise de 2008-2009, j’ai vu, dans ma commune, les DMTO chuter de 30 % en moins de deux ans. S’agissant de la TVA, il existe un mécanisme de cliquet ; nous verrons comment il est mis en œuvre.
Si je peux comprendre l’inquiétude des présidents de département, je ne suis absolument pas persuadé qu’ils n’augmenteraient le taux des DMTO qu’en cas de nécessité. Dans les départements les plus en difficulté, tels que le mien, on saisira aussitôt l’occasion de s’assurer une recette supplémentaire. J’en prends le pari ! Nous ferons les comptes l’année prochaine, si la mesure est adoptée, mais j’imagine que nombre de départements augmenteront le taux des DMTO. Cela étant dit, je m’abstiendrai par solidarité avec mes collègues.
Quand on promet de ne pas augmenter les impôts, on s’empresse souvent de relever toutes les taxes qui peuvent exister par ailleurs, car cela représente bien plus d’argent tout en étant moins visible ! La Ville de Paris a tout de même eu le courage de dire qu’elle allait augmenter les droits de voirie, les DMTO, etc. Paris ayant la chance de bénéficier de montants de DMTO énormes, je comprends que M. Féraud propose de porter le taux plafond à 5,1 %… Cela doit représenter des centaines de millions d’euros supplémentaires pour la Ville de Paris !
Disant cela, je ne mésestime pas les efforts consentis par la Ville de Paris en matière de péréquation, mais il faut un minimum d’honnêteté intellectuelle !
M. Jérôme Bascher. C’est assez vrai !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Cher Philippe Dallier, de toute façon, votre département n’aura pas le choix !
M. Philippe Dallier. C’est bien le problème…
Mme Laure Darcos. Ce débat peut paraître très francilien, mais je pense qu’il concerne d’autres métropoles. L’État va prendre dans les poches des départements franciliens, via les DMTO, pour combler le déficit de la Société du Grand Paris ou financer sa part du contrat de plan État-région à venir. De toute façon, nous n’aurons pas le choix. C’est cela qui est terrible ! En fait, l’État fait porter aux collectivités locales la responsabilité d’augmentations d’impôts ou de taux, rendues nécessaires parce qu’il n’est pas capable de respecter la parole donnée.
Je soutiens à 100 % cet amendement de mon collègue Bazin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la secrétaire d’État, je ne doute pas de votre sincérité et de votre rigueur de raisonnement, mais, dans une telle affaire, le Gouvernement aurait peut-être intérêt à donner un signal positif aux départements, d’autant que cela ne coûterait pas un seul centime au budget de l’État.
Sur le fond, Philippe Dallier a raison. Cela étant, il faut ramener les choses à leurs justes proportions : une augmentation de 0,2 point des DMTO, cela représente 600 euros pour une transaction à 400 000 euros. On peut penser que ce n’est pas insurmontable, le citoyen ordinaire ne faisant pas de telles transactions toutes les semaines. Par conséquent, que l’on ouvre aux départements la faculté de porter le taux des DMTO à 4,7 % ne me gêne pas. Cela étant, ce ne sont pas seulement les départements qui en ont vraiment besoin qui le feront. Sur ce point, je suis d’accord avec Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Tout le monde va le faire. J’en prends le pari !
M. Jean-Marc Gabouty. Il faut être lucide à cet égard, mais un surcoût de 600 euros pour une transaction à 400 000 euros, ce n’est pas la mer à boire !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je crois que nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il importe de baisser la pression fiscale sur les Français. Des messages très clairs nous ont été adressés sur ce point pendant la crise. En 2015, lorsqu’a été ouverte la possibilité de porter de 3,8 % jusqu’à 4,5 % le taux des DMTO, seuls deux départements ne l’ont pas saisie…
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Bien sûr ! Ils étaient obligés !
M. Arnaud Bazin. Il y a eu une baisse de 40 % de la DGF en même temps !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On était pénalisé si on ne le faisait pas !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Regardez les comptes des départements, et vous verrez !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le taux des DMTO est passé de 3,8 % en 2015 à 4,5 % aujourd’hui. La hausse des recettes ne tient pas seulement au dynamisme du marché immobilier ; elle est aussi due à l’évolution du taux !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Ce n’est pas possible d’entendre ça !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Madame la secrétaire d’État, pas à nous, pas ici ! Comme dirait le président Marseille, ce n’est pas entre romanichels qu’on se raconte la bonne aventure… (Sourires.)
Les DMTO, ce n’est pas ce qui préoccupe les « gilets jaunes ». Quand la baisse de la DGF a touché de plein fouet les départements, tandis que leurs dépenses pour la prise en charge des mineurs isolés et le RSA n’étaient pas compensées, ils ont été obligés d’augmenter les DMTO. Ayant voté contre à l’époque, je le dis d’autant plus librement ! Madame la secrétaire d’État, vous ne racontez pas toute l’histoire !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Franchement, madame la secrétaire d’État, ne venez pas dire à ceux à qui vous faites les poches comment ils doivent rétablir leurs finances !
À quoi bon envisager d’augmenter les DMTO si l’État vient ensuite en prendre une partie aux départements d’Île-de-France, par exemple, pas tellement d’ailleurs pour combler le déficit de la Société du Grand Paris, mais surtout pour payer sa part du financement du contrat de plan État-région, s’agissant notamment des RER. L’État est tellement désargenté !
Finalement, je ne sais même pas pourquoi nous discutons. Donnez donc le moins possible aux collectivités locales, puis reprenez-le par la loi ! Quand plus personne n’aura rien, il n’y aura plus de discussions de boutiquiers ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La dernière fois qu’un gouvernement a accordé aux départements la possibilité de relever les DMTO, c’était pour compenser l’augmentation du RSA. Le mécanisme était ainsi conçu qu’il rendait obligatoire le relèvement du taux, sauf à subir une pénalité.
Je confirme l’avis de sagesse de la commission !
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Pressentant que le Sénat va adopter les trois amendements identiques, je vais retirer l’amendement n° II-946 rectifié.
Monsieur Dallier, le but n’est pas de porter immédiatement le taux à 5,1 % à Paris.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas pour aujourd’hui, mais pour demain ! (Sourires.)
M. François Bonhomme. Après les fêtes !
M. Jérôme Bascher. Ou plutôt en avril !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Après les élections !
M. Rémi Féraud. Il s’agit de mettre en exergue le caractère tout à fait raisonnable du taux de 4,7 %.
M. le président. L’amendement n° II-946 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-43 rectifié bis, II-538 rectifié et II-731 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 48.
Je mets aux voix l’amendement n° II-996 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-392 rectifié bis, présenté par M. Chaize, Mme Lavarde, MM. D. Laurent et Poniatowski, Mmes Chauvin et Estrosi Sassone, M. Sido, Mme Puissat, M. Daubresse, Mmes Dumas et Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier et Bazin, Mme L. Darcos, MM. Gremillet, Brisson et Kennel, Mme Lassarade, M. Bonhomme, Mme Noël et MM. Laménie et Savary, est ainsi libellé :
Après l’article 48
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du III bis de l’article 1599 quater B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« III bis. – 1. Une ligne de réseau de communications électroniques en fibre optique jusqu’à l’utilisateur final est prise en compte dans le calcul du montant de l’imposition de l’équipement à partir de la cinquième année suivant la déclaration du point de mutualisation à laquelle elle est rattachée. Cette durée peut être prolongée jusqu’à huit ans sous réserve d’appartenir à une zone fibrée au sens de l’article L. 33-11 du code des postes et des communications électroniques. »
II. – La perte de recettes résultant pour les régions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée au II de l’article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Le présent article a pour objet d’exonérer les réseaux FTTH de l’IFER pendant une période de cinq à huit ans, afin de ne pas entraver l’accélération du déploiement de ces réseaux et de préserver une bonne commercialisation, y compris en zones d’initiative publique, où le niveau de mutualisation connaît un décalage d’au moins sept ans par rapport aux zones d’investissement privé.
Par ailleurs, afin de substituer progressivement la taxation des réseaux cuivre à celle des réseaux FTTH, il est prévu de maintenir trois années de plus cette exonération pour les réseaux FTTH labellisés « zones fibrées » au sens de l’article L. 33-11 du code des postes et des communications électroniques.
Avec un tel système, l’accélération du déploiement de la fibre optique et la bonne exécution du plan Très haut débit ne seront pas pénalisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette exonération induirait une perte de recettes pour les collectivités territoriales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il est également défavorable.
La loi prévoit déjà une exonération de cinq ans pour toutes les nouvelles lignes construites, cuivre, fibre ou câble. Il serait inéquitable d’étendre l’exonération à huit ans pour les seules lignes fibre construites dans les zones déjà fibrées, car cela conduirait à favoriser des territoires bénéficiant déjà d’une très bonne couverture.
M. François Bonhomme. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-392 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-94 rectifié ter, présenté par MM. Danesi, Bonhomme, Brisson, Bizet, Charon et Cuypers, Mmes Deroche, Deromedi et Gruny, MM. Houpert, Kennel, Daniel Laurent, Laménie, Longuet, Henri Leroy, Morisset et Mouiller et Mme Troendlé et Laure Darcos, est ainsi libellé :
Après l’article 48
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant du versement est réduit proportionnellement au taux de temps de travail global effectué à distance par les salariés de l’entreprise en application d’un accord collectif relatif au télétravail conclu sur le fondement de l’article L. 1222-9 du code du travail. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Les formes d’organisation du travail évoluent très rapidement : dans le secteur privé, 29 % des salariés ont pratiqué le télétravail de façon occasionnelle ou régulière en 2018, contre 25 % l’année précédente, selon une enquête de l’IFOP.
La France est en retard, car, dans certains pays d’Europe, cette proportion est de 30 % à 35 %. De manière contractuelle, c’est-à-dire là où un accord d’entreprise a été conclu, le télétravail représente 6 % des salariés, taux qui est encore assez faible. Selon une étude récente de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en 2017, seulement 3 % des salariés ont télétravaillé au moins un jour par semaine, dont 11 % de cadres. Par ailleurs, dans le secteur privé, 15,5 % des établissements de plus de dix salariés ont mis en place le télétravail.
Pour lutter contre la pollution liée aux allers-retours, mais aussi pour pallier les effets des grèves que nous subissons depuis quelques jours, les pouvoirs publics encouragent les entreprises à avoir recours au télétravail. Le Gouvernement a ainsi assoupli la réglementation encadrant la pratique à l’automne 2017. Une étude récente de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux a montré que le télétravail, en économisant des déplacements, a permis une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 3 % à 5 %.
Cette proposition vise donc à répondre à ces enjeux et à simplifier et à sécuriser le calcul des effectifs concernés par l’exonération du versement mobilité.
En effet, ce dispositif est conforme à la règle fixée par l’article R. 130-1 du code de la sécurité sociale. Les salariés à temps partiel sont pris en compte au prorata, en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. Cette proposition vise à appliquer cette proratisation aux salariés en télétravail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout le monde souhaite favoriser le télétravail, surtout des jours comme aujourd’hui… Cette mesure encouragerait sans doute les entreprises à y recourir davantage, mais son adoption aurait une incidence directe sur les ressources des collectivités territoriales.
Or, même si le télétravail se développe, les besoins en termes de transport resteront aussi importants. Le télétravail, ce n’est pas tous les jours ! Des investissements lourds resteront donc nécessaires pour créer et maintenir à niveau des lignes de métro, du bus et de tramway. L’amendement suivant vise d’ailleurs à augmenter le versement transport. Malheureusement, les ressources ne sont pas à la hauteur des besoins de financement pour les transports de demain.
Cet amendement est très sympathique, mais nous demandons son retrait, compte tenu de son incidence sur les recettes des collectivités.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-94 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-912 rectifié ter est présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon et Lefèvre, Mme Bruguière et MM. Cambon, Charon, Karoutchi, Laménie, Longeot et Moga.
L’amendement n° II-967 est présenté par MM. Raynal, Marie, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Artigalas, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Devinaz, Durain, Duran, Fichet et Gillé, Mme Grelet-Certenais, M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Jomier, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mmes Lubin et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, MM. Sueur, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 48
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le treizième alinéa du I de l’article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les territoires comprenant une ou plusieurs communes engagées dans un projet de réalisation d’infrastructures de transport collectif en mode guidé ayant obtenu une déclaration d’utilité publique, ce taux peut être majoré jusqu’à 0,2 %. »
La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° II-912 rectifié ter.
M. Antoine Lefèvre. Le présent amendement prévoit la possibilité d’augmenter le versement transport (VT) à destination des autorités organisatrices de la mobilité jusqu’à 0,2 % dans le cas où, sur le territoire concerné, un projet d’infrastructures de transport collectif en mode guidé a obtenu une déclaration d’utilité publique.
Cet amendement a pour objet de favoriser le développement de l’offre de transports collectifs dans les territoires. Il est aujourd’hui indispensable de développer les transports en commun dans les zones urbaines, au-delà de la seule Île-de-France, afin de répondre aux enjeux environnementaux et de mobilité des populations.
En effet, le taux du VT a augmenté ces dernières années en Île-de-France, notamment du fait de la loi de finances pour 2018. Cependant, il n’y a pas eu de revalorisation du taux du VT en province. Cet amendement tend donc à corriger cette disparité et à donner davantage de flexibilité aux autorités organisatrices de la mobilité, afin d’encourager le développement de l’offre de transports collectifs structurants en province.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° II-967.
M. Claude Raynal. Comme l’a souligné notre excellent collègue, il est nécessaire d’investir dans les mobilités du quotidien. Comment mieux le faire qu’en travaillant sur les transports publics urbains ?
Cela étant dit, le problème du financement se pose, évidemment. Celui-ci repose sur la billetterie, l’apport des collectivités territoriales et le versement transport.
La billetterie doit rester attractive, ce qui constitue une limite. Elle couvre aujourd’hui entre 15 % et 20 %, tout au plus, du coût réel du transport.
S’agissant de la participation des collectivités aux autorités organisatrices de la mobilité, il devient impossible de l’augmenter, celle-ci étant plafonnée par les « contrats de Cahors ». Quant à la fiscalité, il ne leur reste plus que la taxe sur le foncier bâti. Après la substitution d’une fraction de TVA à la taxe d’habitation, elles n’auront plus de pouvoir de fixation de taux. Cela vaut également pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Il nous faut donc retrouver des marges de manœuvre. Paris, pour financer son réseau de transports collectifs, peut fixer le taux du versement transport à 2,8 %. En province, le grand maximum est de 2 %.
Le versement transport, nous le savons, a été dynamique ces dernières années. Cela permet d’organiser et d’améliorer un réseau de bus, mais pas de financer des réseaux de transport guidé, tramway ou métro par exemple.
Nous proposons d’ouvrir la possibilité d’augmenter le taux du versement transport de façon extrêmement mesurée, jusqu’à 0,2 % au maximum, pour laisser de la souplesse. Les entreprises ne sont pas seules concernées : elles payent 65 % environ du versement transport, les 35 % restants reposant sur les établissements publics.
Adopter cet amendement permettrait de sécuriser des projets acceptés par l’État au travers d’une déclaration d’utilité publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On peut avoir deux lectures de ces amendements.
La première, c’est que leur adoption entraînerait une augmentation de la fiscalité. Le Gouvernement a lancé un débat sur les impôts de production. Nous aurions préféré qu’il passe aux actes en les réduisant au travers du projet de loi de finances, mais il a choisi au contraire de créer ou d’augmenter certains impôts de production – je pense aux taxes aériennes ou aux deux centimes d’augmentation de la taxe sur le gazole non routier. Il faudrait mettre en cohérence les discours et les actes !
En particulier, le Gouvernement et sa majorité ont proposé des hausses, auxquelles nous n’avons pas toujours souscrit, visant à permettre de financer la Société du Grand Paris et la création de lignes nouvelles. Or le taux du versement transport en Île-de-France est déjà plus élevé qu’en province. En l’occurrence, il est proposé de permettre une hausse du versement transport jusqu’à 0,2 % au maximum, exclusivement pour financer des lignes nouvelles. La hausse vaudrait-elle le temps de financer la ligne ? Il faudrait sans doute mieux encadrer les conditions d’une telle augmentation au cours de la navette.
Nous sommes réservés, pour ne pas dire plus, à l’égard de toutes ces hausses de fiscalité, mais la question du financement des infrastructures doit être posée. Il y a une grande différence entre l’Île-de-France, pour laquelle le Gouvernement imagine toutes sortes de taxes sur les bureaux, les parkings, les séjours touristiques, etc., et la province. J’émets un avis de sagesse sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ne mettons pas tout dans le même panier. Concernant la taxe sur le GNR, il s’agit justement de mettre les actes en cohérence avec le discours sur la trajectoire de transition écologique. De surcroît, il s’agit d’une niche fiscale. Le GNR, même s’il est d’une autre couleur, pollue tout autant que le gazole. Il n’est donc pas illégitime de vouloir accompagner la réduction du recours à ce carburant, via des mesures d’aide à la conversion.
Nous avons assez largement démontré que les impôts de production pesaient sur la compétitivité de nos entreprises. Le versement transport, on le sait, est directement payé par les entreprises, avant même qu’elles ne commencent à gagner de l’argent. Vous attendiez une baisse des impôts de production, mesdames, messieurs les sénateurs : soyez donc cohérents ! L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. La proposition ne me semble pas adaptée à la situation.
Les entreprises payent deux fois le versement transport, d’abord sur la masse salariale, ensuite à travers des mesures individuelles qu’elles sont obligées de mettre en place pour des salariés qui, par exemple, veulent venir travailler à vélo.
Vouloir augmenter le VT pour financer un projet d’infrastructure de transport collectif en mode guidé n’est pas une mauvaise idée a priori. Toutefois, si l’on veut prolonger une ligne de métro à Toulouse ou construire une nouvelle ligne de tram dans l’agglomération bordelaise, les entreprises qui seront desservies par ces nouvelles infrastructures bénéficieront d’un avantage commercial ou, a minima, d’une revalorisation de leurs biens immobiliers, mais toutes les entreprises supporteront l’augmentation du versement transport, y compris celles qui ne tireront aucun avantage de la nouvelle situation, voire se trouveront désavantagées. C’est, à mon avis, inéquitable.
L’idée n’est pas forcément à rejeter d’emblée, mais il faudrait que le dispositif ne s’applique qu’à ceux qui en sont effectivement bénéficiaires. Cela nécessiterait un découpage quasiment impossible à opérer.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Madame la secrétaire d’État, je regrette évidemment votre réponse. Surtout, je la trouve fausse. Vous m’avez habitué à des réponses plus équilibrées et plus solides.
En ce qui concerne l’argument de la perte de compétitivité des entreprises, si je vous suis, avec un taux du versement transport de 2,8 %, les entreprises franciliennes ne sont plus compétitives depuis un moment !