Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission suit l’avis du Gouvernement : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lienemann, l’amendement n° II-721 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-721 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 73 à 75, ainsi que l’amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 75, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Cohésion des territoires
Article 73
I. – Par dérogation à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 452-4 du code de la construction et de l’habitation, en 2020, 2021 et 2022, le taux mentionné au 1° du II du même article L. 452-4 est fixé par arrêté des ministres chargés du logement, de l’économie et des finances de manière que la somme totale des majorations prévues dans le cadre de la modulation soit inférieure de 300 millions d’euros à la somme totale des réductions prévues au titre de cette même modulation.
II. – Le II de l’article L. 452-4 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, les mots : « Pour lisser l’impact des réductions de loyers de solidarité prévues à l’article L. 442-2-1, » sont supprimés ;
2° À la seconde phrase du 1°, les mots : « , qui prend en compte l’impact prévisionnel des réductions prévues à l’article L. 442-2-1, » sont supprimés.
III. – Par dérogation au 1° du II de l’article L. 435-1 du code de la construction et de l’habitation, en 2020, 2021 et 2022, la fraction des cotisations mentionnées aux articles L. 452-4 et L. 452-4-1 du même code est fixée à 75 millions d’euros.
IV. – La société mentionnée à l’article L. 313-19 du code de la construction et de l’habitation verse une contribution annuelle de 300 millions d’euros en 2020, 2021 et 2022 au Fonds national des aides à la pierre mentionné à l’article L. 435-1 du même code. Cette contribution est versée au plus tard le 30 juin. Elle est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne vais pas répéter ce que nous avons déjà dit sur le FNAP. Cet article m’offre l’occasion de vous interroger, monsieur le ministre, sur les intentions du Gouvernement concernant Action Logement.
L’exercice qui consiste à ponctionner régulièrement Action Logement quand on a besoin d’argent a des limites : cela revient à prendre d’un côté ce que l’on donne de l’autre. Même si toute une série de contrôles existe, on voit bien que la tentation de Bercy de prélever davantage d’argent sur Action Logement est forte. Bercy peut aussi être tenté de finir par budgétiser ce prélèvement obligatoire, ainsi que de baisser encore cette ressource, alors que le taux est déjà bien inférieur à 1 % et qu’il a encore baissé pour un certain nombre d’entreprises. Or je rappelle que les PME ont d’importants besoins en matière de logement.
Plus l’État met la main sur l’argent d’Action Logement, plus on tue l’état d’esprit paritaire – même si cela n’a jamais été un vrai paritarisme – entre le patronat et les syndicats qui prévalait à la gestion de ce prélèvement pour le logement des salariés.
Mme Valérie Létard. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec la disparition progressive du paritarisme, que l’on constate aussi pour la sécurité sociale comme pour l’Unédic, c’est un projet de société qui finit par être menacé.
Nous voulons tirer la sonnette d’alarme. Le dispositif du 1 % logement doit continuer à être géré de manière paritaire et profiter prioritairement aux salariés, avec une part pour la solidarité nationale, mais on ne saurait accepter des prélèvements récurrents visant à assécher la capacité d’intervention d’Action Logement et, peut-être, à budgétiser le 1 % logement.
Cette tentation est ancienne. Comme Valérie Létard peut sans doute le confirmer, tous les ministres du logement…
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … ont vu Bercy les menacer de fiscaliser le 1 % logement. (Mme Valérie Létard le confirme.)
Je sais que vous résistez. Sachez que notre groupe vous accompagne dans cette résistance. Il vous demande des engagements !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 73.
(L’article 73 est adopté.)
Article 74
Après le deuxième alinéa de l’article L. 300-2 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds perçoit une fraction du produit total des cotisations mentionnées aux articles L. 452-4 et L. 452-4-1. Cette fraction est fixée à 15 millions d’euros. » – (Adopté.)
Article 75
La société mentionnée à l’article L. 313-19 du code de la construction et de l’habitation verse en 2020 une contribution de 500 millions d’euros au fonds national d’aide au logement mentionné à l’article L. 811-1 du même code. Cette contribution est versée au plus tard le 16 mars. Elle est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Cette prise de parole vaudra explication de vote sur l’amendement du rapporteur spécial Philippe Dallier.
L’article 75, dans la lignée de l’article 73, vient encore puiser 500 millions d’euros dans les réserves du 1 % logement. Ce n’est pas une bagatelle ! Nous sommes très inquiets de ce mouvement de désengagement de l’État, alors que celui-ci a déjà réalisé des économies sur les aides personnalisées au logement de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.
Comme nous l’avons dit lors de l’examen de l’article 73, il est dangereux d’aller piocher, au gré des désengagements, dans les ressources du 1 % logement. C’est trop facile et trop injuste. Nous rappelons d’ailleurs que ce dispositif finance d’ores et déjà le plan d’investissement volontaire pour près de 800 millions d’euros.
Les ressources du 1 % logement ne sont pas extensibles. S’il continue dans cette direction, le Gouvernement sera confronté à un choix : mettre davantage à contribution les aides au logement, donc retirer des moyens au Fonds national des aides à la pierre, ou ralentir le rythme de réalisation des plans de rénovation urbaine de l’ANRU. Monsieur le ministre, c’est une équation impossible que vous nous proposez !
Pour notre part, nous refusons de choisir. Nous considérons que les ressources du Fonds national d’aide au logement doivent évoluer, mais nous pensons à d’autres solutions possibles que d’aller piocher dans le 1 % logement. Nous pensons, bien sûr, à une dotation de l’État renforcée, mais également au retour à une participation des employeurs à partir de onze salariés, et non plus de vingt salariés. Des dépenses fiscales inutiles pourraient également être réorientées. Nous pensons notamment à toutes les niches fiscales destinées à encourager l’investissement, qui ne profitent qu’aux premiers de cordée et favorisent la rente immobilière, alors que tant de nos concitoyens et de nos concitoyennes ont un besoin vital des APL pour se loger.
Depuis son entrée en fonctions, le Gouvernement rabote les APL. Cette obsession a conduit à une baisse cumulée de 7 milliards d’euros pour les moins favorisés. Nous demandons, pour notre part, une revalorisation nette des APL, pour revenir sur toutes ces mesures injustes. Nous demandons parallèlement à l’État de s’engager dans un grand plan de construction afin de faire baisser les prix.
Bref, nous soutiendrons l’amendement de suppression de l’article 75 de notre rapporteur spécial Philippe Dallier, considérant que cet article fragilise le 1 % logement et crée un risque pour l’avenir des aides au logement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-6, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ayant déjà évoqué le sujet à plusieurs reprises, je serai bref.
Monsieur le ministre, la ponction de 500 millions d’euros apparaît vraiment comme une mauvaise manière. Elle est tombée à l’été, alors que le Gouvernement avait eu de nombreuses occasions de discuter avec l’ensemble des acteurs du logement social et qu’un accord avait été trouvé. Rien que pour le principe, le Sénat doit marquer le coup, en supprimant cette ponction. (Mme Annie Guillemot opine.)
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la pérennité de ce prélèvement. Sera-t-il reconduit l’année prochaine, voire les années suivantes ? Si oui, il est absolument certain que les nombreux engagements pris par Action Logement, à hauteur de 9 milliards d’euros, ne seront pas tenus.
Je n’ose même pas imaginer que quelqu’un, à Bercy ou ailleurs, ait pu penser que ce prélèvement de 500 millions pouvait être pérenne. Cependant, si vous pouviez nous le confirmer, nous en serions très heureux.
Quoi qu’il en soit, j’invite le Sénat à adopter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Comme je l’ai dit en réponse à Mme la sénatrice Guillemot, Action Logement est véritablement un partenaire du ministre du logement – Mme Lienemann le sait bien.
Traditionnellement, au début de chaque quinquennat, une convention quinquennale est signée avec Action Logement. En 2017, cette convention prévoyait qu’Action Logement accompagne les politiques publiques à hauteur de 15 milliards d’euros, en sus de ce que le groupe fait au titre du 1 % logement.
Or que s’est-il passé l’année dernière ? Au regard des disponibilités financières d’Action Logement, mais aussi d’une volonté partagée d’Action Logement et de l’État, nous avons décidé de mettre en place un plan d’investissement volontaire, doté de 9 milliards d’euros, en plus du plan quinquennal traditionnel. Cette mesure est tout à fait exceptionnelle : il n’était jamais arrivé que l’on essaie d’aller plus loin que la convention quinquennale.
Madame Lienemann, je le dis très clairement, je crois au paritarisme. Le paritarisme a montré qu’il fonctionnait. Ainsi, les partenaires sociaux et le Gouvernement ont beaucoup dialogué pour aboutir, en avril dernier, au plan d’investissement volontaire. Celui-ci n’est pas né de la volonté subite de quelques-uns : il est le fruit d’un travail conjoint de plusieurs mois des partenaires sociaux et du Gouvernement.
Je crois en un partenariat très fort entre le Gouvernement et Action Logement. Je crois en une gouvernance paritaire d’Action Logement. Je crois dans le 1 % logement !
Aujourd’hui, il nous faut mettre en œuvre 24 milliards d’euros de mesures très concrètes d’accompagnement des ménages en matière de logement ou de construction – 15 milliards d’euros au titre de la convention quinquennale et 9 milliards d’euros au titre du plan d’investissement volontaire. Cet objectif oblige, en premier lieu, Action Logement, mais il oblige aussi le Gouvernement.
Par conséquent, la priorité n’est pas du tout, aujourd’hui, de s’interroger sur le meilleur système. Elle est de mettre en œuvre les 24 milliards d’euros d’investissements prévus par Action Logement dans le cadre des conventions passées avec l’État.
M. le rapporteur spécial a soulevé la question de la ponction. Celle-ci suscite un étonnement généralisé. Pourtant, contrairement au PIV, qui est un dispositif très nouveau, une telle ponction avait déjà été pratiquée.
La ponction marque-t-elle une volonté de notre part d’instaurer une mainmise sur Action Logement ? Non ! D’ailleurs, si nous avions voulu de près ou de loin mettre la main sur Action Logement, nous n’aurions jamais créé un plan d’investissement volontaire doté de 9 milliards d’euros et assorti de nouvelles modalités de financement, y compris la levée de dettes par Action Logement dans les prochains mois.
Action Logement est un partenaire de la politique de logement, à qui nous avons tout simplement demandé d’accompagner l’effort de réduction de la dépense publique, comme nous l’avons demandé à d’autres. Je répète que certains de mes prédécesseurs avaient déjà mis Action Logement à contribution. Je veux le dire très clairement.
Il ne s’agit absolument pas d’instaurer un prélèvement pérenne. D’ailleurs, des ponctions opérées par le passé ne se sont pas transformées en prélèvements pérennes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Évidemment, mon groupe soutiendra l’amendement de M. le rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, nous sommes complètement convaincus que vous souhaitez nouer un véritable partenariat avec Action Logement. Vous avez notamment essayé de le construire dans le cadre du plan d’investissement volontaire.
Cela dit, il nous importe de savoir si la ponction de 500 millions d’euros, qui suscite l’inquiétude de tous, compte tenu, notamment, de son montant très important, n’aura lieu qu’une fois ou si ce prélèvement sera pérenne.
Pour y voir un peu plus clair sur le fonctionnement d’Action Logement, il faudrait que le décret sur le comité des partenaires du logement social soit publié, permettant à celui-ci de participer à la réflexion sur l’avenir d’Action Logement. (Mmes Annie Guillemot et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.) L’habilitation à légiférer par ordonnance vous a été donnée voilà déjà plusieurs années. Le délai de six mois pour la publication des décrets d’application est d’ores et déjà largement dépassé. Leur parution lèverait beaucoup d’incompréhensions entre le Parlement, les élus de terrain et vous-même.
Au reste, Action Logement a besoin qu’un certain nombre de dispositions soient prises rapidement. Il doit pouvoir contracter des emprunts pour renforcer l’effort, notamment dans les outre-mer, qui ont besoin d’investissements. Je pense aussi à Foncière logement, qui travaille en lien avec Action Logement sur les questions en jeu dans l’accident qui s’est produit rue d’Aubagne.
Nous ne doutons pas de votre conviction sur tous ces sujets, mais vos collègues, au Gouvernement, ne semblent pas tous la partager. Il faut lever ces blocages. Il faut surtout que nous échangions davantage !
Dans l’attente de la publication des décrets qui permettront au comité des partenaires de tirer les choses au clair, nous voterons l’amendement de M. Dallier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SOCR et CRCE.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 75 est supprimé.
Article additionnel après l’article 75
Mme la présidente. L’amendement n° II-910, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 75
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1618-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les entités de rattachement des offices publics de l’habitat mentionnées aux articles L. 421-6 et L. 421-6-1 du code de la construction et de l’habitation et les entités actionnaires de référence des sociétés anonymes d’habitation à loyer modéré mentionnées à l’article L. 422-2-1 du même code et des sociétés coopératives HLM mentionnées à l’article L. 422-3 dudit code peuvent souscrire des titres participatifs émis par ces organismes d’habitation à loyer modéré en application de l’article L. 213-32 du code monétaire et financier.
« Les membres des syndicats mixtes mentionnés à l’article L. 421-6 précité peuvent également souscrire aux titres participatifs émis par les offices qui sont rattachés à ces syndicats.
« Par dérogation à l’article L. 228-36 du code de commerce, la rémunération annuelle fixe et variable des titres souscrits par les entités mentionnées aux premier et second alinéas du présent paragraphe ne peut être supérieure au montant nominal de l’émission multiplié par le taux d’intérêt servi au détenteur d’un premier livret d’une caisse d’épargne au 31 décembre de l’année précédente, majoré de 1,5 point. »
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je m’étais engagé à ouvrir aux collectivités locales la possibilité de souscrire des titres participatifs. L’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement, va dans ce sens.
Le Gouvernement reprend, en fait, un amendement qui a été déposé par certains d’entre vous, mais qui a été jugé irrecevable.
Si l’amendement était adopté, les collectivités locales pourraient, demain, souscrire des titres participatifs, à la fois pour les OPH et pour les ESH dont la majorité du capital est détenue par une collectivité locale.
Cette avancée très importante est portée notamment par la Fédération des OPH – j’en profite pour saluer son président, M. Marcel Rogemont, qui a beaucoup bataillé en ce sens –, mais aussi par l’USH, dont je salue aussi le président, M. Jean-Louis Dumont.
Avec cet amendement, je respecte l’engagement que j’avais pris.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission n’a pas émis d’avis sur cet amendement, qui a été déposé après sa réunion. Pour autant, à titre personnel, je suggère à mes collègues de l’adopter.
Monsieur le ministre, nous finissons l’examen de la mission sur une note positive, puisque votre amendement vise à honorer un engagement pris dans la loi ÉLAN.
Certains craignent la financiarisation du secteur du logement social. Cet amendement répond à une autre logique, puisque son dispositif permet d’apporter des ressources supplémentaires.
Autoriser les collectivités territoriales à souscrire des titres participatifs me semble une excellente idée.
Mme Valérie Létard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous sommes favorables à l’esprit de l’amendement, mais celui-ci m’inspire une crainte d’ordre technique.
Monsieur le ministre, le dispositif de votre amendement concerne les offices, les sociétés anonymes d’HLM et les coopératives. Cependant, sa rédaction fait référence aux « entités actionnaires de référence ». Or il n’y a pas d’entité actionnaire dans les coopératives : le droit qui leur est applicable ne le prévoit pas. Je vous suggère donc, si vous en êtes d’accord, que l’on retienne plutôt l’expression « collectivités associées », qui permet de n’écarter ni les associés coopératifs ni les entités actionnaires dans les sociétés anonymes d’HLM.
Je me permets d’insister, car il ne faudrait pas que la rédaction votée in fine exclue les coopératives.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Madame la sénatrice, nous allons mettre à profit la navette parlementaire pour retravailler la rédaction de l’amendement, de manière à inclure les coopératives.
En revanche, je ne suis pas favorable à votre proposition qui consiste à faire référence aux « collectivités associées ». Précisément parce que je suis opposé à la financiarisation, je ne suis pas favorable à l’ouverture de la souscription à des structures où une collectivité est actionnaire, sans être actionnaire majoritaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, je veux vous remercier très sincèrement de nous permettre de voter aujourd’hui la possibilité pour les collectivités locales de souscrire des titres participatifs.
Cette demande est partie de la loi ÉLAN. En effet, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction du Sénat, qui prévoit l’émission de titres participatifs dans des conditions fixées par le code de commerce, ce qui est inédit.
Cette possibilité répond également à une demande très forte, particulièrement de la Fédération des offices publics de l’habitat. Vous avez salué son président ; j’en suis, moi-même, la secrétaire générale.
À ce titre, j’avais déposé un amendement identique au vôtre – certains de mes collègues avaient fait de même. Ces amendements ont été déclarés irrecevables. Je me réjouis que le Gouvernement les ait repris.
Je rappelle que vous aviez annoncé l’ouverture de la souscription de titres participatifs aux collectivités locales lors du congrès HLM. Je vous remercie d’avoir tenu parole. Ce nouvel outil permettra de développer le logement social dans nos territoires. Il facilitera l’investissement et l’équilibre des opérations, de plus en plus compliqués aujourd’hui du fait de la RLS. Il permettra également de financer ne serait-ce qu’une partie de l’entretien courant du parc et d’aider à la restructuration en cours du secteur HLM.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le ministre, nous allons voter cet amendement, que nous vous remercions d’avoir déposé.
Cela étant, il est problématique que les amendements identiques déposés par les sénateurs aient été déclarés irrecevables.
Avec cet amendement, vous tenez la promesse que vous avez faite lors du congrès HLM.
Mme Annie Guillemot. J’espère que tous mes collègues le voteront.
Pour terminer, je veux revenir sur l’intervention de Valérie Létard concernant Action Logement. Elle vous a posé les mêmes questions que moi, sans susciter la même indignation… J’espère que nous obtiendrons des réponses rapides sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Le groupe Union Centriste est évidemment favorable à cet amendement, qui va dans le bon sens.
Permettre aux collectivités de souscrire des titres participatifs me paraît extrêmement utile, dans un contexte où il faudra de toute façon trouver des solutions pour accompagner, demain, nos politiques du logement et nos bailleurs.
Mettre les collectivités dans la boucle était une nécessité. En tout cas, cela permet de rééquilibrer les choses.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 75.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « on a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. » Cette phrase est de Voltaire, mais elle est toujours tristement d’actualité.
Le nerf de la guerre, on le sait, c’est l’argent. C’est aussi le nerf de la terre ! De ce point de vue, force est de constater que ce budget manque singulièrement de nerf.
Si 2019 nous avait déjà confirmé que ce quinquennat ne serait pas celui d’un nouvel élan de la politique agricole française, 2020 trace le sillon d’une réduction programmée des soutiens dont notre agriculture a terriblement besoin. Jugez-en : par rapport à la loi de programmation pluriannuelle, il manque 58,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et plus de 125 millions d’euros de crédits de paiement. Les crédits consacrés aux aides aux exploitations augmentent de 0,4 % – autrement dit, ils baissent en valeur réelle. Ces évolutions sont en pleine contradiction avec les positions que vous dites défendre dans le cadre de la nouvelle PAC, monsieur le ministre.
Les autorisations d’engagement sont, il est vrai, plus dynamiques. Je devrais m’en réjouir. Il n’en est rien. En effet, j’y vois plutôt l’effet des difficultés chroniques de gestion de nos enveloppes agricoles : certaines lignes sont sous-programmées, d’autres sont surexécutées, le tout sur fond de corrections financières.
Ces dernières années, alors qu’ils étaient frappés de plein fouet par des crises sans précédent, nos agriculteurs ont encore dû faire face aux ruptures de paiement des subventions. Monsieur le ministre, vous nous indiquez que, pour les dernières campagnes agricoles, le calendrier est revenu à la normale. Qu’en est-il des aides relevant des campagnes du début de la programmation ?
Des retards sur les grandes priorités de la transition agroécologique semblent demeurer. Les aides correspondantes nous vaudront-elles de nouveau des centaines de millions d’euros de corrections financières ?
Le Gouvernement se vante de nous présenter des budgets plus sincères, ce qui est bien le moins que l’on puisse demander. Mais, à la lecture de ce budget, je me demande si le mot « sincérité » est bien celui qui convient. En effet, que propose ce budget ?
Il propose de laisser enfler la dette de l’État envers la mutualité sociale agricole.
Il propose de compter sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture pour financer des indemnisations réglées avec retard – voire rejetées, dans 20 % des cas.
Il propose de ponctionner la dotation pour dépenses imprévues, afin de financer des dépenses parfaitement prévisibles.
Il propose de retarder la compensation pour les exploitants exclus du nouveau zonage de l’ICHN.
Il oublie de provisionner les effets du Brexit pour nos pêcheurs.
Enfin, il ne prévoit qu’une partie des compensations du dispositif TO-DE (travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi).
Et je n’oublie pas, monsieur le ministre, le risque de voir ce budget encore toisé pour récupérer les 45 millions d’euros dont vous vouliez amputer les moyens d’action des chambres d’agriculture.
Nous avons compris que vous subissiez le pilotage de Bercy. En tant que sénateur de la Côte-d’Or et des grands crus de Bourgogne, je ne peux manquer de rappeler que le quartier de Bercy était autrefois celui des marchands de vins. Voir le vin se changer en fonctionnaires chargés des finances n’annonçait rien de bon pour notre agriculture… Le passé récent est venu confirmer cette crainte.
Toutes les initiatives du Sénat pour aider nos agriculteurs à relever les défis permanents auxquels ils se trouvent confrontés ont été systématiquement censurées par des avis défavorables prononcés en première partie de ce projet de loi de finances par les gens de Bercy. Cela traduit une insouciance coupable et, j’ose le dire, le mépris dans lequel est tenue une activité économique, sociétale, environnementale de première importance pour notre pays, pour ses territoires, pour notre prospérité et pour la capacité de la France à diffuser les fruits de son excellence agricole au service de ceux qui ont faim dans le monde.
Les orientations données à la politique commerciale extérieure traduisent le même mépris : CETA et, demain, Mercosur ! Combien seront les éleveurs sacrifiés sur l’autel d’intérêts plus puissants ? Nous perdons de la production agricole, notre balance commerciale agroalimentaire se détériore avec une rapidité et une ampleur alarmantes, et nous regardons ailleurs.
Le budget alloué à notre agriculture est non seulement un mépris du présent, mais aussi une insulte à l’avenir. Il ne permettra pas aux agriculteurs de muscler les infrastructures nécessaires à l’adaptation aux changements climatiques.
Nos campagnes se vident de leurs agriculteurs, on déplore un taux de suicide alarmant dans cette profession. L’emploi agricole baisse, les exploitations disparaissent, le pouvoir d’achat de ceux qui se tuent littéralement au travail est critique. Or rien de significatif n’est fait pour soutenir l’installation. Les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs augmentent, mais moins que ne recule le soutien fiscal.
La presse s’est largement fait l’écho de l’émotion ressentie par notre Président de la République devant le film Les Misérables, qui évoque les quartiers difficiles. J’aurais aimé savoir ce qu’il a pensé du film Au nom de la terre, qui retrace l’histoire tragique d’un agriculteur. Je crains que ce budget ne permette d’en avoir déjà une vision assez claire…
J’en finirai avec quelques mots sur le Casdar, pour vous rappeler ce que nous vous avons déjà indiqué.
Nous souhaitons ici que la recherche soit pleinement intégrée à notre politique agricole. Nous sommes inquiets de voir le compte d’affectation spéciale accumuler des moyens qu’il n’est pas en mesure de dépenser selon les critères admis d’évaluation scientifique. Nous pressentons que, bientôt, le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations, qui doit alimenter l’innovation agricole, sera détourné de son objet pour des usages sans aucun lien avec l’agriculture.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de ne pas adopter les crédits de la mission, mais elle donne, malgré ses inquiétudes, un avis favorable à l’adoption des crédits du Casdar. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)