compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Daniel Dubois,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage aux militaires morts au Mali
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, se lèvent.), c’est avec une extrême tristesse et une très vive émotion que nous avons appris la disparition de treize militaires français au Mali, la nuit dernière, dans une collision d’hélicoptères survenue dans le cadre d’une action de combat de l’opération Barkhane.
Au nom du Sénat tout entier, je veux saluer le courage et l’abnégation de ces militaires de l’armée de terre – six officiers, six sous-officiers et un caporal-chef –, tombés en opération et morts pour la France dans l’essentiel combat contre le terrorisme djihadiste au Sahel.
En notre nom à tous, je veux assurer leurs familles de notre profonde compassion et leur présenter nos condoléances les plus attristées.
Permettez-moi d’avoir avec vous une pensée toute particulière pour la famille de notre collègue, dont le fils, jeune lieutenant, figure parmi les disparus. Je viens de m’entretenir avec lui.
Cette nouvelle épreuve est l’une des plus dures qu’ait eue à connaître notre armée depuis le terrible attentat du Drakkar au Liban, en octobre 1983, qui avait coûté la vie à 58 parachutistes français.
D’autres noms vont ainsi, hélas, s’ajouter à ceux des 549 militaires morts pour la France inscrits sur le haut lieu de mémoire nationale, inauguré le 11 novembre dernier en l’honneur de ceux qui ont donné leur vie en opérations extérieures. Je suis certain qu’au moment où nous allons partager ce moment de recueillement vous aurez une pensée pour ces militaires, leurs familles, et plus particulièrement pour celle, chère à notre cœur, de notre collègue, que nous croisons au quotidien dans notre assemblée.
Je vous demande d’observer une minute de silence en hommage à ces hommes et à leur courage, voués au service de la France. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics observent une minute de silence.)
(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
3
Loi de finances pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie, des dispositions relatives aux ressources.
Nous sommes parvenus à l’amendement n° I-394 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 25.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Articles additionnels après l’article 25 (suite)
M. le président. L’amendement n° I-394 rectifié, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste, Temal et P. Joly et Mme Ghali, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1 du VIII de l’article 244 quater X du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. Le crédit d’impôt prévu au I du présent article constitue un des modes de financement des logements locatifs sociaux. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Le bénéfice du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater X du code général des impôts (CGI) s’applique à des opérations sur des logements sociaux, qu’il s’agisse de constructions ou de réhabilitations. Ces opérations consistent en des investissements avec une longue déclinaison opérationnelle, atteignant même parfois quarante ans.
Le présent amendement a pour objet de s’assurer de la cohérence du bénéfice du crédit d’impôt avec le modèle de financement du logement social. Afin de permettre une lecture juste des comptes des organismes de logement social (OLS), il est nécessaire que le bénéfice du crédit d’impôt s’étale comptablement sur toute la durée de l’opération, comme c’était auparavant le cas avec les dispositifs de défiscalisation.
Sans l’adoption de cet amendement, un tel bénéfice continuera d’être comptabilisé sur la seule première année, faussant ainsi les comptes des OLS qui affichent un résultat exceptionnel cette année-là, tandis que ce résultat est largement négatif sur toutes les années suivant le déploiement de l’opération. Cette situation conduit à un défaut de validation des comptes des OLS par les commissaires aux comptes, ce qui les empêche, à terme, d’assurer leur activité.
Il s’agit en fait d’un problème d’écritures comptables. L’amortissement se faisant sur une seule année : plus que du suramortissement ou de l’amortissement progressif, c’est un one shot. Il faudrait l’étaler, comme toutes les subventions qui sont récupérées et amorties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Après la fiscalité de l’énergie hier soir, nous en revenons aux amendements concernant les outre-mer. Cet amendement avait déjà été déposé et défendu l’année dernière, et le Sénat l’avait rejeté. Par cohérence avec la position adoptée à l’époque par notre commission, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. En cohérence, le Gouvernement a le même avis que M. le rapporteur général.
M. Lurel me le pardonnera, je saisis cette occasion pour dire que le Gouvernement s’associe bien évidemment à l’hommage rendu par M. le président Larcher aux treize soldats tombés au combat. Le Président de la République et le Premier ministre auront l’occasion de s’exprimer plus longuement sur ce drame dans les jours qui viennent et un hommage national sera rendu. En attendant, le Gouvernement fait sien chacun des mots du président Larcher.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’avoue n’avoir pas très bien compris les explications données par notre rapporteur général et par le secrétaire d’État. S’il s’agit de rester cohérent avec ce qui a été voté l’an dernier, je ne trouve pas l’argument logique.
Je parle de comptabilité. Auparavant, le soutien à ces opérations s’effectuait en défiscalisation, ce qui est plus avantageux. La philosophie a changé, et nous passons progressivement de la défiscalisation, dans laquelle le contribuable concerné apporte des fonds, ce qui exclut tout préfinancement des opérateurs, au crédit d’impôt, lequel est en fait une subvention budgétaire ne faisant pas intervenir de préfinancement. Cela pose des problèmes de trésorerie.
Ensuite, lorsque l’écriture est passée – c’est de la comptabilité simple en partie double –, l’amortissement se fait sur une seule année, alors que la construction n’est pas finie. Pour vous donner un exemple de comparaison, la ligne budgétaire unique (LBU) doit être consommée sur sept années au moins et l’amortissement des bâtiments se fait entre trente ans et quarante ans.
Avec cet amortissement sur un an, contraire à la pratique usuelle, les commissaires aux comptes ne veulent pas certifier les comptes.
S’il y a une cohérence à suivre, c’est de dire que la comptabilité doit être tenue selon les règles de la comptabilité générale. En l’occurrence, ces règles ne sont pas garanties. Si, pour vous, la cohérence consiste à voter comme l’an dernier, j’estime que c’est une erreur, pire, un aveuglement.
Petit à petit, on va supprimer la défiscalisation, ce qui, à mon avis, est une mauvaise chose. Au départ, cela devait être réservé aux opérateurs qui auraient 15 millions à 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, puis on est descendu à 10 millions d’euros, à 5 millions d’euros.
Aujourd’hui, au premier euro, on vous dit « crédit d’impôt », à amortir sur une année, contre trente ans ou quarante ans normalement. Après cette première année, on constate des déficits constants, alors que le bien immobilier n’est pas livré et que personne n’est entré dans les murs. J’aimerais avoir une explication logique.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-346, présenté par Mme Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 undecies C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le IX est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa les mots : « et le 24 septembre 2018, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
2° Après le IX, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Le présent article reste applicable pour les investissements effectués entre la date de promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et le 31 décembre 2025 et réalisés en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte et à La Réunion se rapportant uniquement aux opérations mentionnées au VI relatives à l’acquisition de logements achevés depuis 20 ans faisant l’objet de travaux de réhabilitation. Outre le respect des conditions posées au présent article, l’octroi de la réduction d’impôt est subordonné à la réunion des conditions suivantes :
« 1° Par dérogation au 1° du I du présent article, les logements sont donnés en location uniquement à un organisme mentionné à l’article L. 365-1 du code de la construction et de l’habitation ;
« 2° Par dérogation au deuxième alinéa du IV du présent article, ne sont pas éligibles à la réduction d’impôt les investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés ;
« 3° Le bénéfice de la réduction d’impôt en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte et à La Réunion est conditionné à l’obtention d’un agrément préalable délivré par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement et la direction régionale des finances publiques. Il est tacite à défaut d’une réponse de l’administration dans un délai de deux mois, ce délai n’étant renouvelable qu’une fois. Le délai de dix-huit mois mentionné au dernier alinéa du IV du présent article est prorogé du délai nécessaire à l’obtention de l’agrément ;
« 4° Les entreprises qui peuvent être retenues pour la réalisation des travaux de réhabilitation ainsi que les monteurs en défiscalisation autorisés à mettre en place les programmes doivent être agréés par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement et, à compter du 1er janvier 2020, après avoir obtenu l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale). »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement est proposé par la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom). Il correspond à une demande forte des territoires ultramarins dans le domaine de la réhabilitation de logements.
Son objectif est de rétablir le dispositif d’incitation fiscale à l’investissement à l’article 199 undecies C du code général des impôts pour les outre-mer, en le recentrant uniquement sur les opérations de réhabilitation et de rénovation de logements, et en le réservant aux OLS non bailleurs sociaux.
Nous prévoyons d’encadrer fortement ce dispositif en prévoyant un double agrément préalable DRFiP (direction régionale des finances publiques) et DEAL (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement), afin de s’assurer de sa bonne utilisation, et d’en réserver le bénéfice, à partir de 2020, aux entreprises ayant obtenu l’agrément ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale).
La généralisation opérée en loi de finances pour 2019 de l’utilisation du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater X du CGI n’autorise plus les opérations de financement qui permettaient aux personnes à faibles revenus de réaliser un certain nombre de travaux de rénovation et de réhabilitation de leur logement. Les OLS « associatifs » des DOM ne sont pas structurés de manière à pouvoir mobiliser le crédit d’impôt, qui nécessite un préfinancement.
Par ailleurs, l’absence outre-mer de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ne permet pas aujourd’hui de satisfaire les besoins importants en matière d’opérations « cœur de ville ».
Les propriétaires-occupants qui n’ont pas les moyens de faire les travaux qu’implique l’état d’insalubrité de l’immeuble ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt. Or les besoins sont énormes outre-mer, puisqu’on estime que 13 % des logements y sont insalubres.
Dès lors, le rétablissement partiel du dispositif associé à l’article 199 undecies C est indispensable à ces différents acteurs pour maintenir une source de préfinancement et, au-delà, un niveau indispensable de réhabilitation des logements dans les outre-mer.
Une telle disposition, qui s’inscrit dans le cadre du nouveau plan logement outre-mer, permettra de poursuivre les opérations impliquées par le plan « Action cœur de ville ».
M. le président. L’amendement n° I-378 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Temal et P. Joly, Mmes Ghali et Préville et M. Antiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 undecies C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du IX, les mots : « et le 24 septembre 2018, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion » sont supprimés ;
2° Le second alinéa est supprimé ;
3° Après le IX, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Le présent article reste applicable pour les investissements effectués entre la date de promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et le 31 décembre 2025 et réalisés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion se rapportant uniquement aux opérations mentionnées au VI relatives à l’acquisition de logements achevés depuis 20 ans faisant l’objet de travaux de réhabilitation. Outre le respect des conditions posées au présent article, l’octroi de la réduction d’impôt est subordonné à la réunion des conditions suivantes :
« 1° Par dérogation au 1° du I du présent article, les logements sont donnés en location uniquement à un organisme mentionné à l’article L. 365-1 du code de la construction et de l’habitation ;
« 2° Par dérogation au deuxième alinéa du IV du présent article, ne sont pas éligibles à la réduction d’impôt les investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés ;
« 3° Le bénéfice de la réduction d’impôt en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion est conditionné à l’obtention d’un agrément préalable délivré par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Il est tacite à défaut d’une réponse de l’administration dans un délai de deux mois, ce délai n’étant renouvelable qu’une fois. Le délai de dix-huit mois mentionné au dernier alinéa du IV du présent article est prorogé du délai nécessaire à l’obtention de l’agrément ;
« 4° Les entreprises qui peuvent être retenues pour la réalisation des travaux de réhabilitation ainsi que les monteurs en défiscalisation autorisés à mettre en place les programmes doivent être agréés par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement et, à compter du 1er janvier 2020, avoir obtenu l’agrément “Entreprise solidaire d’utilité sociale”. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-396 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mme Ghali et M. Antiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 undecies C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du IX, les mots : « et le 24 septembre 2018, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion » sont supprimés ;
2° Le second alinéa est supprimé ;
3° Après le IX, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le présent article reste applicable pour les investissements effectués entre la date de promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et le 31 décembre 2025 et réalisés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion se rapportant uniquement aux opérations mentionnées au VI relatives à l’acquisition de logements achevés depuis 20 ans faisant l’objet de travaux de réhabilitation. Outre le respect des conditions posées au présent article, l’octroi de la réduction d’impôt est subordonné à la réunion des conditions suivantes :
« 1° Par dérogation au 1° du I du présent article, les logements sont donnés en location uniquement à un organisme mentionné à l’article L. 365-1 du code de la construction et de l’habitation ;
« 2° Par dérogation au deuxième alinéa du IV du présent article, ne sont pas éligibles à la réduction d’impôt les investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés ;
« 3° Le bénéfice de la réduction d’impôt en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion est conditionné à l’obtention d’un agrément préalable délivré par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Il est tacite à défaut d’une réponse de l’administration dans un délai de deux mois, ce délai n’étant renouvelable qu’une fois. Le délai de dix-huit mois mentionné au dernier alinéa du IV du présent article est prorogé du délai nécessaire à l’obtention de l’agrément ;
« 4° Les entreprises qui peuvent être retenues pour la réalisation des travaux de réhabilitation ainsi que les monteurs en défiscalisation autorisés à mettre en place les programmes doivent être agréés par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter ces deux amendements.
M. Victorin Lurel. M. Antiste a fort bien présenté le problème, mais je le reprends sous un autre angle.
Je le répète, la défiscalisation est en train de disparaître. Or elle était utile, efficace. Elle se passait pratiquement, si j’ose dire, de banques et ne nécessitait pas de financements préalables. Désormais, on la remplace par un crédit d’impôt.
Entre-temps, on a supprimé la possibilité pour une personne privée ou une société, voire pour les OLS, de reconstruire ou rénover des maisons vieilles de plus de vingt ans. Dès lors, puisque l’ANAH est durablement absente de nos régions, nous avons souhaité vous présenter ces amendements, avec des déclinaisons un peu différentes.
L’idée, c’est de dire : si l’on accepte la philosophie nouvelle, à savoir la suppression de la défiscalisation et son remplacement par des crédits budgétaires, encore faut-il inventer un mécanisme pour préfinancer, ce que l’État n’a jamais proposé. Aujourd’hui, ces opérations sont donc réservées aux grandes entreprises, mais aucune n’intervient, pas plus les sociétés d’économie mixte que les OLS. Actuellement, un millier de dossiers sont en déshérence, sans solution, en Martinique et en Guadeloupe, mais c’est aussi vrai à La Réunion et en Guyane.
Je n’aime pas les monopoles, mais je propose de réserver cette possibilité aux OLS, et, dès 2021, de la confier aux sociétés et associations agréées ESUS. Avec l’amendement n° I-396 rectifié, on laisse à tous la liberté d’intervenir dans ce domaine.
Tout est garanti, encadré, grâce au double agrément DRfiP et DEAL. Refuser ces amendements revient à ne pas vouloir voir une réalité dramatique s’agissant de la rénovation de maisons vieilles de vingt ans.
Voilà en quelques mots l’économie de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission partage le constat, comme chacun d’entre nous, qu’il y a un problème d’insalubrité dans les outre-mer et un différentiel énorme avec la métropole. De ce point de vue, l’accord est total.
C’est la raison pour laquelle nous souscrivons à deux dispositions prévues dans le PLF : un crédit d’impôt qui est élargi cette année aux entreprises ; à l’article 72, une aide à l’accession et à la lutte contre l’insalubrité. Ce dispositif nous paraît complet, et en tout cas plus efficace que les réductions d’impôt supprimées, avec notre soutien, par le PLF 2019. Nous ne souhaitons pas revenir sur le débat de l’année dernière.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer M. le rapporteur général.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vais soutenir les amendements présentés par nos collègues.
D’abord, je vous rappelle que le Sénat avait publié un rapport sur les défiscalisations dans les DOM. Nous avions fait des contre-propositions consistant, pour le logement social et la lutte contre l’insalubrité, à mettre en place un prêt à taux zéro de la Caisse des dépôts et consignations, lequel aurait permis de dispenser, pour une série d’opérations, de recourir soit au crédit d’impôt, soit à la défiscalisation.
Les modélisations avaient été faites et nous avions souhaité que des expérimentations soient au moins engagées. Tel ne fut pas le cas, pour de sordides raisons techniques que je ne détaillerai pas. Pour faire court, elles tiennent à la façon dont nous avions défini les services d’intérêt économique général (SIEG) en outre-mer, oubliant de retenir le logement social comme un SIEG dans notre présentation auprès de Bruxelles. Ou plutôt, nous l’avions fait au dernier moment, et plutôt mal.
Par ailleurs, Bercy est toujours très fort pour faire des annonces budgétaires qui ne vont pas être consommées. Des crédits apparaissent bien en loi de finances, mais ils sont en réalité inconsommables, ou consommables à très faible taux, car il faut avancer l’argent avec le crédit d’impôt, contrairement aux mécanismes de défiscalisation. Or nombre d’opérateurs ne peuvent pas le faire. Du coup, les opérations ne sont pas montées et les crédits ne sont pas consommés.
En attendant une stratégie autour du prêt à tout zéro, concomitamment à la réduction de la part de défiscalisation dans le financement du logement social dans les DOM, ces amendements peuvent être des sauvegardes pour éviter la chute de la production et de la réhabilitation.
Pour terminer, je dirai qu’il est aberrant que des défiscalisations et des crédits d’impôt bénéficient à des opérateurs publics ou d’intérêt public, alors qu’il suffirait soit d’augmenter la LBU, soit de disposer d’outils venant de la Caisse des dépôts et consignations. Pendant ce temps-là, les opérations de construction et de réhabilitation sont en train de chuter. Il faut à tout prix éviter cela, car des entreprises sont menacées de disparaître. Or elles ne reviennent pas quand vous relancez les crédits. Le stop and go est mortel dans ces territoires et dans ces îles pour une partie des activités du bâtiment.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je me permets d’insister. Je ne dirai pas, comme d’autres, que la réalité de nos territoires serait méconnue. À tout le moins, il y a quand même une incompréhension. Voilà à peine trois ans, il y avait 263 millions d’euros en LBU. Aujourd’hui, c’est moins de 220 millions d’euros, dont 195 millions d’euros en crédits de paiement.
On ignore trop souvent qu’il faut sept années pour construire. C’est également vrai pour le privé. J’ai entendu l’argument du retour de l’aide à l’accession sociale au titre de l’article 72 du PLF 2020, mais elle existait avant.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien sûr !
M. Victorin Lurel. Avec ces mesures dites de rationalisation budgétaire et d’économies forcenées de Bercy, il nous manque 2 800 logements. Le plan logement outre-mer prévoyait 150 000 logements sur dix ans, donc un objectif de plus de 10 000 logements par an. Nous sommes à peine à 7 000 ; il en manque près de 3 000 logements par an avec votre système.
Le ministère des outre-mer a lui-même fixé le coût à 12 millions d’euros. C’est évidemment insuffisant pour favoriser la construction, sortir les gens de la précarité, de l’habitat indigne. J’avoue mon étonnement. Nous avons décidé, y compris moi, donc je l’assume avec tous, de faire un « cantonnement » outre-mer. Nous nous retrouvons donc à discuter de mesures particulières et nous avons du mal à convaincre de leur utilité et de leur pertinence.
Je maintiens ces amendements, en espérant trouver de la compréhension sur toutes les travées.