M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° I-642.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° I-642, présenté par MM. Delahaye, Delcros, Cadic, Canevet, Lafon et les membres du groupe Union Centriste, et ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 776 A, à l’article 776 ter, au deuxième alinéa de l’article 784, au premier alinéa du I de l’article 790 G et au troisième alinéa de l’article 793 bis du code général des impôts, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Veuillez poursuivre, cher collègue.

M. Vincent Delahaye. Ces deux amendements visent à abaisser le délai de rappel fiscal des donations entre les mêmes personnes. Ce délai a évolué à la hausse ces dernières années, notamment lors du quinquennat précédent, puisqu’il a été porté à quinze ans.

L’amendement n° I-634 vise donc à abaisser le délai de rappel fiscal à huit ans, et l’amendement de repli n° I-642 vise à l’abaisser à dix ans.

Le capital, qui est souvent dormant, devient beaucoup plus actif, et donc beaucoup plus intéressant pour l’économie en général, notamment pour les jeunes générations, lorsqu’il est donné. Compte tenu du fait que l’on est de plus en plus âgé lorsqu’on hérite, nous estimons qu’il est souhaitable de permettre des donations plus fréquentes.

Si un abaissement du délai de rappel de quinze ans à huit ans était jugé trop fort, nous proposons une solution de repli permettant d’abaisser ce délai à dix ans seulement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces questions ont été examinées récemment lors de la discussion de la proposition de loi que j’évoquais à l’instant. Dans le bref délai qui lui était imparti, la commission des finances avait alors émis des avis défavorables sur ces amendements – je m’en sens un peu comptable.

Le délai de reprise pour les donations avait toutefois été porté à dix ans pour les moins de 40 ans.

On peut partager l’idée qu’il faut accélérer la rotation du capital – M. le secrétaire d’État s’était d’ailleurs exprimé sur cette question : on vit de plus en plus vieux, et les jeunes rencontrent aujourd’hui de plus en plus de difficultés à se loger. De ce point de vue, les donations intergénérationnelles doivent être encouragées, et elles le sont déjà.

Je rappelle que, avec l’abattement, un couple avec deux enfants, par exemple, peut déjà donner 400 000 euros en franchise de droits, à raison de 100 000 euros par parent et par enfant.

Faut-il aller plus loin ? Le chiffrage historique dont nous disposons me fait un peu peur : en 2011, le délai de rappel avait été porté de six à dix ans ; à l’époque, cela avait rapporté 450 millions d’euros à l’État. Si nous allons dans l’autre sens, la perte risque d’être très lourde.

Il ne s’agit pas d’écarter le sujet. La commission a d’ailleurs déposé un amendement repris de la proposition de loi susvisée visant à augmenter l’abattement dont bénéficient les donations entre grands-parents et petits-enfants. Les grands-parents vivent de plus en plus vieux, et les petits enfants rencontrent des difficultés pour démarrer dans la vie, pour se loger. Une telle disposition permettra d’accélérer la rotation intergénérationnelle du capital.

Pour des raisons de coût fiscal, je demande, à regret, le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. De manière synthétique, et pour que personne ne s’en offusque, je rappelle que, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi susvisée, nous avions indiqué notre attachement à la stabilité.

Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur tous les amendements visant à modifier les droits de mutation à titre gratuit dans le cadre des successions et des donations.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Ces amendements reflètent une position de fond de notre part. Nous prenons acte du désaccord.

Je conteste le chiffrage qui a été donné. J’estime en effet que les excellents fonctionnaires de Bercy sont incapables de chiffrer réellement l’impact budgétaire d’une telle mesure, car de l’argent circulant rapporte plus que de l’argent dormant.

Je suis persuadé que cette mesure ne représenterait pas un coût pour l’économie ni pour les caisses de l’État, au contraire.

Je retire l’amendement n° I-632, mais je maintiens l’amendement n° I-642.

M. le président. L’amendement n° I-632 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° I-642.

(L’amendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendements n° I-632 et n° I-642
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Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement  n° I-641

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 nonies.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-540 rectifié bis, présenté par MM. Carcenac, Raynal, Kanner, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Daudigny, Devinaz, Fichet et Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mme Lepage, M. Marie, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Sueur et Temal, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 777 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° La première colonne du tableau constituant le quatrième alinéa est ainsi rédigée :

« 

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE

N’excédant pas 15 000 €

Comprise entre 15 001 € et 30 000 €

Comprise entre 30 001 € et 60 000 €

Comprise entre 60 001 € et 180 000 €

Comprise entre 180 001 € et 460 000 €

Comprise entre 460 001 € et 720 000 €

Au-delà de 720 001 €

 » ;

2° La première colonne du tableau constituant le septième alinéa est ainsi rédigée :

« 

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE

N’excédant pas 15 000 €

Comprise entre 15 001 € et 30 000 €

Comprise entre 30 001 € et 60 000 €

Comprise entre 60 001 € et 180 000 €

Comprise entre 180 001 € et 460 000 €

Comprise entre 460 001 € et 720 000 €

Au-delà de 720 001 €

 » ;

3° Les troisième et quatrième lignes de la première colonne du tableau constituant l’avant-dernier alinéa sont ainsi rédigées :

« 

N’excédant pas 25 000 € 

Supérieure à 25 000 € 

 ».

La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Je ne doute pas un instant du sort qui sera réservé à cet amendement d’appel. En effet, comme M. le rapporteur général l’a indiqué, nous avons déjà discuté de ce sujet lors de l’examen d’une proposition de loi déposée par mon groupe.

Il vise à renforcer la progressivité des tarifs des droits de mutation autour d’un point bascule qui pourrait être fixé à 350 000 euros. À taux constants, les successions situées en dessous de ce seuil seraient moins imposées, et celles qui se situent au-dessus seraient davantage imposées.

M. le président. L’amendement n° I-637, présenté par M. Delahaye et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le tableau constituant l’avant-dernier alinéa de l’article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable (%)

N’excédant pas 8 072 €

5

Comprise entre 8 072 € et 15 932 €

10

Comprise entre 15 932 € et 31 865 €

15

Comprise entre 31 865 € et 552 324 €

20

Comprise 552 324 € et 902 838 €

30

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

40

Au-delà de 1 805 677 €

45

».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Le présent amendement vise à unifier le barème applicable aux successions quel que soit le lien de parenté, et à supprimer ainsi les discriminations de taux fondées sur les liens familiaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Faut-il alourdir ou au contraire simplifier le barème ? Des éléments de réponse sont donnés dans l’excellent rapport de la commission, que nous allons dédicacer au ministre et au secrétaire d’État : page 47, les auteurs s’appuient sur des statistiques de l’OCDE comparant le poids des successions et donations en France et dans les autres pays de l’OCDE, notamment dans ceux qui ont également un impôt sur la fortune immobilière.

Dans les trois pays – l’Espagne, la Norvège et la Suisse – qui, comme la France, ont une forme d’imposition sur la fortune, les droits de succession sont en général très faibles ou inexistants.

Seule la France a le bonheur de cumuler une imposition sur le capital qui représente 0,2 % du PIB et des droits de succession et de donation qui représentent 0,6 % du PIB, alors qu’ils représentent 0,2 % du PIB en Espagne, 0 % en Norvège et 0,2 % en Suisse.

La France est, avec la Belgique, le pays de l’OCDE qui a les droits de mutation les plus élevés. Faut-il les alourdir encore ? Nous ne le pensons pas, et c’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° I-540 rectifié bis, monsieur Carcenac.

L’amendement de M. Delahaye vise à l’inverse à simplifier les droits de mutation, puisqu’il a pour objet de supprimer toute distinction selon le lien de parenté. Avec des taux qui peuvent aller jusqu’à 60 % en lien direct, un tel barème unique représenterait une perte de recettes importante.

Je vous accorde qu’il est toujours délicat d’établir des chiffrages, monsieur Delahaye. Toutefois, ce n’est pas un chiffrage de prospective que je vous ai donné tout à l’heure, mais le montant historique de la hausse de recettes qu’avait provoquée, sous François Hollande, l’allongement du délai de rappel fiscal à dix ans. À l’époque, cela avait rapporté 450 millions d’euros. À l’inverse, si on baisse le barème, cela représentera des masses considérables.

Nous croyons encore un peu en nos engagements européens et, pour nous, la règle des 3 % n’est pas totalement obsolète.

L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° I-637.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-540 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l’amendement n° I-637.

M. Vincent Delahaye. J’entends bien M. le rapporteur général, mais je souhaiterais que le ministre et le secrétaire d’État nous disent combien coûterait l’unification du barème. Est-on capable de la chiffrer ? Je souhaiterais disposer de cette information.

Permettez-moi de rappeler un exemple célèbre. Un exploitant de cycles niçois souhaitant partir en retraite voulait donner son magasin à un chômeur. Quand les deux hommes se sont aperçus qu’il fallait que le chômeur paie 60 % de droits, ce dernier, incapable de verser une telle somme, a renoncé.

Sur le plan philosophique et par rapport au mode de vie actuel de toutes les familles, il serait bon d’unifier ce barème, quitte à le modifier un peu à la marge si cela coûtait très cher. Je souhaite toutefois maintenir cette proposition d’unification qui me paraît dans l’air du temps.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-637.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendements n° I-540 rectifié bis et n° I-637
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Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement n° I-1200 rectifié

M. le président. L’amendement n° I-641, présenté par M. Delahaye et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 777 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les montants mentionnés dans les tableaux I, II et III sont actualisés, le 1er janvier de chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondis à l’euro le plus proche. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise à indexer sur l’inflation les seuils des tranches du barème des droits de mutation à titre gratuit.

Il n’y a pas de raison que ces seuils ne soient jamais modifiés et n’évoluent pas. Nous pensons donc souhaitable, comme cela a été fait tout à l’heure, d’indexer sur l’inflation ces tranches de barèmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ne souhaite pas laisser M. Delahaye sans réponse.

Le problème n’est pas tant le coût du dispositif que vous proposez, bien que ce coût soit indéniable, puisque votre proposition se traduirait par un allégement de la fiscalité. Mais comme je l’ai dit, nous considérons que le régime actuel est équilibré : en particulier, de nombreuses dispositions favorisent les transmissions en ligne, et 82 % des transmissions sont exonérées de droits de succession.

J’ai eu l’occasion, lors de l’examen de la proposition de loi sur les donations et les successions qui avait été déposée par le groupe socialiste, de dire à quel point le Gouvernement était attaché au maintien des équilibres actuels, tant en termes de donation et de succession dans un cadre familial que pour les transmissions d’entreprises – je fais notamment référence au pacte Dutreil.

Nous sommes attachés à cet équilibre global, et, à ce stade, nous ne souhaitons pas le modifier. Pour ces raisons, les avis seront défavorables sur l’ensemble des amendements en discussion commune.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-641.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement  n° I-641
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement n° I-636 rectifié

M. le président. L’amendement n° I-1200 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Nougein et Vaspart, Mmes Berthet et Billon, M. Cadic, Mme Canayer, MM. Canevet et Capus, Mmes Chain-Larché, Deromedi et Gruny, MM. Kennel, D. Laurent et Le Nay, Mme Loisier, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Pierre, Mmes Thomas, Puissat, Chauvin et Bruguière, M. B. Fournier, Mmes Duranton et Deroche, MM. Gremillet et Chatillon, Mmes Sittler et L. Darcos, MM. P. Dominati et Cambon, Mmes Bonfanti-Dossat et Primas, MM. Chaize, Morisset, Savin, Bonne et Reichardt, Mme Dumas, MM. Mandelli, Sol, Brisson et Segouin, Mme de Cidrac, M. Regnard, Mme C. Fournier, M. Lefèvre, Mmes Di Folco et Garriaud-Maylam, MM. del Picchia, de Nicolaÿ, Pointereau, Joyandet, Mayet et Savary et Mme Boulay-Espéronnier, est ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au i de l’article 787 B du code général des impôts, les mots : « le ou les donataires soient le ou les descendants du donateur et que » sont supprimés.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I de suppression du critère de descendance pour la donation est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Dans les dix prochaines années, la moitié des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises, soit 75 000 entreprises, devront se transmettre sous peine de disparaître. Six millions de salariés travaillant dans ces entreprises industrielles seront concernés par ce fait économique majeur.

Malgré l’instauration du pacte Dutreil en 2003, la transmission en France reste plus coûteuse que chez nos principaux partenaires européens – son coût est de 11 % en France, contre moins de 5 % en moyenne en Europe.

Acquitté par l’entreprise au prix d’une déperdition massive et durable de ses capitaux propres, le surcoût de la transmission en France prive les PME et les ETI de ressources pour grandir, investir, innover et recruter.

Pour y remédier, et face à l’urgence économique que constitue la transmission dans les prochaines années, la délégation sénatoriale aux entreprises a sonné l’alarme dans un rapport d’information de février 2017 qui a donné lieu à l’adoption, par le Sénat, le 7 juin 2018, de la proposition de loi visant à moderniser la transmission d’entreprise déposée par MM. Claude Nougein et Michel Vaspart, Mme Élisabeth Lamure, M. Bruno Retailleau et de nombreux collègues.

Un bon nombre des dispositions de cette loi ont été intégrées dans le projet de loi de finances pour 2019 puis définitivement adoptées, contribuant ainsi à la modernisation du dispositif.

Toutefois, l’article 8 prévoyait une extension des conditions de donation, non reprise lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 : l’exonération partielle par suite d’une donation, actuellement réservée au seul cas où les donataires sont des descendants du donateur, aurait été étendue à tous les ayants cause, sous la seule condition que le donataire puisse poursuivre l’engagement individuel. Une telle possibilité est déjà ouverte pendant la phase d’engagement collectif.

Le présent amendement a pour objet de reprendre cette extension, adoptée par le Sénat le 7 juin 2018, car il apparaît essentiel que la transmission d’entreprises puisse également s’opérer en dehors du cadre familial, par exemple via une reprise interne des salariés.

Cette mesure permettra d’ouvrir davantage le dispositif, et donc, d’augmenter les chances de reprise des entreprises dans les années à venir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le dispositif dit Dutreil a été très largement modifié l’année dernière dans un sens visant à le renforcer. Nous considérons que l’équilibre que nous avons trouvé il y a maintenant un peu plus de douze mois doit être préservé.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposons aux amendements visant à le modifier.

Par ailleurs, nous considérons que la disposition défendue à l’instant serait de nature à remettre en cause la stabilité du pacte d’actionnaires qui est au cœur du dispositif Dutreil.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1200 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 nonies.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement n° I-1200 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement n° I-425 rectifié bis

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-636 rectifié, présenté par MM. Delahaye, Cadic, Delcros, Canevet, Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 787 B du code général des impôts est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« …) Sont également exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 100 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de dix ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit en ligne direct, entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

« Lorsque les parts ou actions transmises par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux conclure dans les six mois qui suivent la transmission l’engagement prévu au premier alinéa du présent 1° ;

« 2° L’engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises.

« En cas de non-respect de la durée de détention, les héritiers doivent s’acquitter des droits de mutation à titre gratuit de manière proportionnelle à la durée de détention. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Nous venons d’évoquer assez longuement la question de la transmission d’entreprise. Cet enjeu a été particulièrement bien identifié par la délégation sénatoriale aux entreprises, qui y a beaucoup travaillé.

Quelques ajustements ont déjà été apportés au dispositif en vigueur en loi de finances l’an dernier. Il conviendrait d’aller un peu plus loin pour rendre le dispositif encore plus efficient, sachant que plusieurs propositions ont déjà été faites.

Le groupe Union Centriste, pour sa part, propose une exonération totale des droits de mutation pour les membres de la famille d’un dirigeant d’entreprise, à la condition que ceux-ci s’engagent à conserver leurs parts pendant dix ans et non plus six ans. Cette mesure permettrait d’encourager le développement de l’entrepreneuriat familial dans notre pays.

Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement n° I-636 rectifié
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Article additionnel après l'article 2 nonies (précédemment réservé) - Amendement n° I-1201 rectifié

M. le président. L’amendement n° I-425 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc et Menonville, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 787 B du code général des impôts est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« …) Sont également exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 90 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de quinze ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit en ligne direct, entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

« Lorsque les parts ou actions transmises par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux conclure dans les six mois qui suivent la transmission l’engagement prévu au premier alinéa ;

« 2° L’engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises.

« En cas de non-respect de la durée de détention, les héritiers doivent s’acquitter des droits de mutation à titre gratuit de manière proportionnelle à la durée de détention. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Cet amendement vise à favoriser l’ancrage territorial des entreprises implantées en France et, tout particulièrement, celles dont la croissance s’inscrit dans le long terme.

Nous proposons d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit la transmission d’entreprise dans le cadre familial à la condition que les parts soient conservées par la famille au-delà de quinze ans. Il tend également à compléter le dispositif du pacte Dutreil en cas de conservation plus longue des titres de propriété. En cas de non-respect de cette durée de détention, les droits de mutation seraient acquittés prorata temporis de la durée de conservation.

Notre amendement a donc pour objet d’encourager la transmission d’entreprise, plus particulièrement celle des PME et ETI qui maillent notre territoire. La transmission de ces entreprises est un enjeu essentiel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le dispositif du pacte Dutreil est connu et fait l’objet chaque année d’un débat lors de l’examen de la loi de finances. Il a été particulièrement débattu lorsque nous avons examiné la proposition de loi de notre collègue Claude Nougein visant à moderniser la transmission d’entreprise. D’ailleurs, à l’époque, le Sénat avait adopté une solution intéressante.

L’amendement n° I-636 rectifié tend à porter le taux de l’exonération des droits de mutation du dispositif du pacte Dutreil de 75 % à 100 % en contrepartie de l’engagement que les parts de l’entreprise seront conservées pour une durée majorée à dix ans.

Or le Conseil constitutionnel a très clairement considéré que « la combinaison des avantages ne pouvait réduire à néant les droits finalement acquittés ». Concrètement, il a estimé que ce que proposent les auteurs de l’amendement n° I-636 rectifié, à savoir l’exonération de droits de mutation, était contraire à la Constitution. (Protestations sur les travées du groupe UC.) C’est une réalité, mes chers collègues. Je fais référence à une décision du Conseil constitutionnel qui date de 2003.