Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement est présenté par des membres de différents groupes politiques appartenant au groupe d’études Économie sociale et solidaire du Sénat.
Il vise à créer une réduction d’impôt sur le revenu pour les versements effectués au titre de souscription en numéraire réalisés au profit d’une société coopérative ouvrière de production (SCOP).
L’atout des SCOP est d’être gérées par leurs salariés, ceux-ci ayant apporté le capital de l’entreprise. En cas de reprise d’entreprise, les salariés doivent acquérir 51 % du capital, ce qui n’est pas si facile pour des personnes qui n’ont pas forcément des ressources considérables.
Nous proposons donc un allégement de l’impôt sur le revenu, équivalent à 33 % des versements en souscription de capital, par exercice budgétaire, sur une période de trois ans.
Par ailleurs, à l’image du dispositif relatif aux dons aux associations, nous proposons que la réduction d’impôt soit plafonnée à hauteur de 20 % du revenu imposable du salarié. C’est une façon de consolider le capital des SCOP, dont je rappelle qu’elles sont souvent des sociétés pérennes, qui gèrent dans la longue durée. Elles connaissent peu d’échecs.
Dans le cadre du plan de soutien aux entreprises et du pacte productif, cet effort, peu important pour la Nation, serait un réel élément de consolidation pour les SCOP.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame Lienemann, en fait, vous proposez une nouvelle niche ouvrant la possibilité d’une réduction d’impôt sur le revenu en faveur de la transformation d’une entreprise en SCOP.
Lors d’un débat que nous venons d’avoir, sur plusieurs travées, des orateurs ont exprimé le souhait, auquel nous souscrivons, de rationaliser les niches fiscales. Je souscris également à ce que disait Vincent Delahaye : pour ce faire, encore faudrait-il disposer d’évaluations plus fiables qu’un chiffre du fascicule « Voies et moyens ».
Si nous émettions un avis favorable sur cet amendement, nous donnerions notre feu vert à de nouvelles dépenses fiscales et à un nouveau mécanisme de déduction. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’argument de la commission. Il s’interroge aussi sur la compatibilité de cet amendement avec les règles européennes en matière d’aides d’État.
En conséquence, son avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai défendu la niche Apparu sur les petits logements. Excusez-moi, mais permettre aux salariés de pouvoir augmenter le capital de leur SCOP ou de reprendre une SCOP me paraît beaucoup plus important. Je n’appellerai d’ailleurs pas ce dispositif une niche fiscale, mais un soutien à l’investissement productif par les salariés eux-mêmes.
Au demeurant, il n’y a pas de problème européen, monsieur le secrétaire d’État. Comme vous le savez, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que les sociétés coopératives pouvaient bénéficier d’avantages fiscaux spécifiques, car elles ne peuvent pas faire appel au marché pour augmenter leur capital. Nous avons souvent eu ce débat à propos des coopératives agricoles, mais le droit européen a tranché et il y a donc une opportunité.
Quand il s’agit de soutenir les confréries, les labels et les AOC, vous n’avez pas d’états d’âme ! En revanche, quand il s’agit de permettre à des salariés de reprendre une entreprise, nous ne sommes pas fichus de trouver des mécanismes réellement opérationnels.
Le dispositif proposé, demandé par la fédération des SCOP, pourrait l’être. C’est non pas une niche, mais un accompagnement à la création d’entreprises et d’emplois.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je ne partage pas tout à fait le sentiment de Mme Lienemann sur les AOC. En revanche, je voterai cet amendement, car les SCOP représentent à mes yeux une solution d’avenir pérenne pour de nombreuses entreprises en France. Nous avons essayé de développer l’intéressement et d’autres mécanismes dans le cadre de la loi Pacte. Ce qui est proposé en l’espèce pour aider à développer le capital des SCOP va dans le même sens. Il n’y a pas assez de sociétés coopératives en France et nous devons faire un effort.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très bien ! Il faut revenir au groupe socialiste ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-726 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une division ainsi rédigée :
« …° Réduction d’impôt accordée au titre de la formation aux premiers secours
« Art. 200 … – Ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu les frais engagés dans le cadre de la participation à la formation aux premiers secours, dans la limite de 200 € par an par foyer fiscal. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultat du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement, dont le premier signataire est Véronique Guillotin, est appuyé par un certain nombre de membres du groupe RDSE.
Dans le pire des cas, monsieur le secrétaire d’État, considérez-le comme un amendement d’appel, même si je crois que son incidence financière pour l’État est relativement contenue.
Cet amendement vise à octroyer une réduction d’impôt sur le revenu aux personnes ayant participé à une formation aux premiers secours.
Régie par le décret n° 77-17 du 4 janvier 1977 relatif à l’enseignement et à la pratique du secourisme, cette formation permet notamment de généraliser l’enseignement des gestes qui sauvent.
Afin d’inciter le plus grand nombre de nos concitoyens à la suivre, il est proposé d’instaurer une incitation fiscale.
Il s’agit de toute évidence, mes chers collègues, d’une mesure d’intérêt général.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’intention de notre collègue est louable. Néanmoins, la création d’une nouvelle niche fiscale relative à la déductibilité des frais de formation aux premiers secours n’est pas forcément une bonne idée.
Le coût d’une formation aux premiers secours est de l’ordre de 50 à 60 euros. Or, mon cher collègue, vous proposez de déduire jusqu’à 200 euros par an. Ce dispositif n’est donc pas nécessairement bien calibré.
De surcroît – nous en avons déjà débattu précédemment –, plus de la moitié des foyers fiscaux étant exonérés d’impôt sur le revenu, ils ne pourraient pas bénéficier de cette aide, puisque vous prévoyez une réduction et non un crédit d’impôt.
Le meilleur moyen d’inciter à la formation aux gestes de premiers secours, c’est d’encourager des associations comme la Croix-Rouge ou la protection civile, qui dispensent ces formations pour un coût modique.
L’effet de la réduction d’impôt que vous prévoyez serait au demeurant relativement faible : celle-ci serait comprise entre 1 et 3 euros selon le taux marginal d’imposition.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement n° I-726 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Je connaissais par avance le sort qui serait réservé à cet amendement, à propos duquel j’avais parlé d’amendement d’appel.
Il nous faut néanmoins trouver ensemble les moyens de généraliser ces formations aux gestes de premiers secours.
Cela étant, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-726 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-1016, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa et au second alinéa du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, le montant : « 10 000 € » est remplacé par le montant : « 8 000 € ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement prévoit simplement de fixer le plafond général à 8 000 euros pour les niches fiscales, tout en maintenant le plafond majoré à 18 000 euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’abaissement du plafond global des niches, que j’évoquais tout à l’heure en réponse à l’amendement de Vincent Delahaye, est peut-être finalement la bonne méthode, car, on le sait, dans chaque niche, il y a un chien !
Monsieur le ministre, vous êtes cité par le parti communiste ! Vous avez en effet déclaré au Parisien-Aujourd’hui en France être favorable à la diminution du plafond global des niches. En toute logique, vous devriez être favorable à cet amendement.
La commission sollicite donc l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Cette question des niches est très intéressante, monsieur le rapporteur général.
J’aime être cité par le parti communiste, même s’il se peut qu’il ne soit pas d’accord avec l’ensemble des propositions faites dans cet article…
Il arrive toutefois que gaullistes et communistes aient certaines affinités…
M. Rachid Temal. On le sait bien ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Plus en tout cas que certains socialistes avec le parti communiste ! (Nouveaux sourires. - Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Pourquoi les niches fiscales existent-elles ?
Tout d’abord, les déductions d’impôt sont une manière d’orienter les comportements. C’est le cas du crédit d’impôt recherche, par exemple. Je note d’ailleurs la dimension a-libérale de celui-ci, la puissance publique conditionnant la réduction d’impôt à l’investissement dans la recherche. Certaines niches fiscales ont donc comme vertu de permettre à la puissance publique d’orienter les flux financiers des ménages ou des entreprises.
Sont-elles efficaces ? Sont-elles bien évaluées ? Ces questions sont très intéressantes, et l’on peut soutenir les niches fiscales pour des raisons libérales comme pour des raisons d’interventionnisme, et s’y opposer pour les mêmes raisons.
Les niches fiscales ont également été créées parce que nos impôts sont très élevés. Nous ne serons sans doute pas d’accord sur ce diagnostic, en tout cas pas sur tous les impôts.
En France, nous pensons que le débat sur la fiscalité est assez idéologique, parce que l’impôt a pour but de faire de la redistribution, de corriger des inégalités de naissance ou de situations, de mener des politiques de péréquation entre les territoires, entre les grands et les petits, entre ceux qui réussissent dans leur mondialisation et ceux qui ne réussissent pas…
Nous avons conçu des impôts très élevés, mais comme ce n’était pas complètement acceptable, nous avons créé des niches pour faire respirer le système et le rendre acceptable.
Comme disait le grand philosophe Coluche, « plus il y a de trous dans le gruyère, moins il y a de gruyère » ! (Sourires.)
Certains, ici et à l’Assemblée nationale, étaient si attachés aux niches qu’ils voulaient garder la niche de l’ISF-PME alors que l’ISF lui-même était supprimé… On voit que la discussion sur les niches fiscales est philosophiquement intéressante.
Les niches rapportent-elles beaucoup d’argent ? Certains répondent positivement à cette question. Par exemple, la suppression de la niche fiscale sur les emplois de services à domicile inciterait sans doute un certain nombre de personnes à se tourner vers le travail au noir – tout le monde n’est pas vertueux ou rousseauiste ! –, avec à la clé moins de cotisations, et donc moins de recettes. C’est une question intéressante qui doit être évaluée par le Parlement.
D’aucuns estiment que les niches ne doivent profiter qu’à certains contribuables. J’ai porté ce sujet auprès du Premier ministre, et j’assume d’être minoritaire sur ce point au sein du Gouvernement.
Mais il est vrai que les niches fiscales sont concentrées sur les détenteurs des plus hauts revenus, ceux qui payent le plus d’impôts.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par définition !
M. Gérald Darmanin, ministre. Les lapalissades sont parfois intéressantes à rappeler, monsieur le rapporteur général.
Nos concitoyens les plus fortunés sont aussi les plus éclairés pour utiliser ces niches.
M. Jean Bizet. Ce n’est pas interdit…
M. Gérald Darmanin, ministre. On peut s’étonner que la majeure partie des niches fiscales permette d’alléger l’impôt des plus riches. Pour autant, faut-il diminuer l’impôt de ces derniers, leur accorder des niches pour rendre celui-ci acceptable et orienter leur revenu vers des priorités comme les PME, l’emploi à domicile, ou au contraire considérer que leur impôt ne doit pas être allégé et qu’ils ont les moyens de se payer leur jardinier ? Nos réponses à cette question risquent de diverger, monsieur Bocquet.
J’émettrai toutefois un avis défavorable sur l’amendement n° I-1016. La position du Gouvernement consiste en effet à privilégier la baisse d’impôt en général à la réduction des niches, et je me range évidemment à la discipline gouvernementale.
J’admets aussi que ma proposition présentait certaines insuffisances techniques. En effet, nous n’arrivons pas pour l’instant à identifier précisément les bénéficiaires des niches. Ainsi, parmi les aides pour l’emploi à domicile, je suis incapable aujourd’hui de vous dire la part qui relève du jardinier du millionnaire et celle qui relève de l’aide à domicile de la personne âgée.
La députée Émilie Cariou m’a posé la question et je me suis engagé auprès d’elle à améliorer les outils statistiques pour que le Parlement et le Gouvernement puissent mieux évaluer à qui profitent ces niches. Il s’agit notamment, pour les aides à domicile – jardinage, ménage, cuisine, cours, etc. – de mieux savoir ce qui relève du simple confort et ce qui peut bénéficier de la solidarité nationale.
À titre personnel, je continue de penser qu’il y a trop de niches fiscales en France. Elles sont certes très compliquées à supprimer, pour les raisons que j’ai évoquées, mais il est intéressant d’en débattre, notamment parce qu’elles représentent tout de même 90 milliards d’euros au total.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je partage l’avis de M. le ministre : si l’on adoptait cet amendement, on augmenterait de fait le taux de prélèvements obligatoires.
L’avis de la commission est donc défavorable, même si c’est peut-être la seule méthode pour réduire les niches.
M. Éric Bocquet. Dans ces conditions, je retire mon amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° I-1016 est retiré.
L’amendement n° I-357 rectifié, présenté par Mme Renaud-Garabedian, MM. Le Gleut, Lefèvre, Magras, Cambon et Morisset, Mme Deroche, M. H. Leroy, Mmes Garriaud-Maylam, Noël et Gruny et MM. Reichardt et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article 204 J du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « en cours », sont insérés les mots : « , ainsi que des réductions et crédits d’impôts dont il bénéficie ou bénéficiera au titre des dépenses réalisées au cours de cette même année ou des années précédentes » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , ainsi que de l’ensemble des réductions et crédits d’impôts dont il bénéficie ou bénéficiera au titre des dépenses réalisées au cours de cette même année ou des années précédentes » ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , ainsi que les réductions et crédits d’impôts dont il a bénéficié » ;
3° Au premier alinéa du 3, les mots : « un taux calculé selon les modalités du 1 du I de l’article 204 H, les revenus pris en compte pour le calcul de ce taux étant ceux résultant de la déclaration mentionnée au 2 du présent III et l’impôt sur le revenu y afférent étant celui résultant de l’application à ces revenus des règles prévues aux 1 à 4 du I de l’article 197 ou, le cas échéant, à l’article 197 A en vigueur à la date de la demande » sont remplacés par les mots et trois phrases ainsi rédigées : « un taux calculé selon les modalités du 1 du I de l’article 204 H. Les revenus pris en compte pour le calcul de ce taux sont ceux résultant de la déclaration mentionnée au 2 du présent III. L’impôt sur le revenu y afférent est celui résultant de l’application à ces revenus des règles prévues aux 1 à 4 du I de l’article 197 ou, le cas échéant, à l’article 197 A en vigueur à la date de la demande. Il est tenu compte des réductions et crédits d’impôt résultant de la déclaration mentionnée au 2 du présent III. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Actuellement, le taux de prélèvement à la source est déterminé sans prendre en compte les réductions et crédits d’impôt de tout type, qui peuvent être liés à la situation familiale, à l’habitation principale, à l’emploi à domicile, à l’investissement immobilier locatif, à des dons aux œuvres, etc.
Pour les personnes qui bénéficient tous les ans de réductions d’impôt, cela aboutit à leur prélever un montant d’impôt artificiellement surévalué, avec un remboursement en août de l’année suivante.
Pour tempérer cet effort de trésorerie du contribuable, la loi prévoit que certaines réductions d’impôt donnent lieu au versement d’un acompte en janvier. Mais toutes les réductions ne sont pas concernées, alors même que cela peut représenter des montants importants.
Ainsi, un contribuable qui efface la totalité ou quasi-totalité de son impôt avec une réduction se voit quand même prélever d’un impôt théorique qui n’est pas dû, et il doit attendre plus d’un an avant d’être remboursé.
Les contribuables peuvent moduler à la baisse le montant des prélèvements, mais cela n’est possible qu’en cas de diminution des revenus.
Cet amendement tend à offrir la possibilité aux contribuables de moduler à la baisse leur taux de prélèvement à la source au titre de l’impôt sur le revenu en tenant compte des réductions ou crédits d’impôt auxquels leurs dépenses ouvrent droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, les critiques du Sénat à l’égard du prélèvement à la source. Dans la première version du texte, elles étaient fondées notamment sur cette question des crédits et réductions d’impôt.
Le taux de prélèvement, basé sur le montant brut des revenus, ne tient en effet pas compte des crédits et réductions d’impôt. Concrètement, certains contribuables ont un prélèvement supérieur à celui qu’ils avaient avec l’ancienne version de l’impôt sur le revenu.
Dans le premier projet, leur remboursement n’intervenait qu’après leur déclaration. Ce système était critiquable, et c’est pourquoi le Sénat avait proposé un mécanisme de contemporanéité de l’impôt sur le revenu, calculé par l’administration fiscale. Celle-ci comparait le taux de revenus et les taux de réduction et calculait un solde net, seul moyen d’intégrer en temps réel les crédits et réductions d’impôt.
Une autre solution a finalement été retenue, mais il est vrai que le système a été nettement amélioré à la suite d’un arbitrage du Président de la République, avec désormais un acompte de 60 % des crédits et réductions d’impôt récurrents versé en janvier.
Ce taux de 60 % ne concerne toutefois que les crédits et réductions d’impôt récurrents, c’est-à-dire ceux dont vous bénéficiez chaque année.
Le présent amendement avance une solution pour les crédits et réductions d’impôt non récurrents. L’idée me semble assez séduisante. Il est prévu que le contribuable renseigne directement les crédits dont il bénéficie sur le portail impots.gouv.fr, dont on connaît la performance.
Mais la proposition peut aussi présenter certains inconvénients. Le contribuable est-il capable de calculer l’effet de tous ses crédits et réductions d’impôt ? En cas d’erreurs nombreuses, ne risque-t-on pas d’assister à une vague de régularisations massives ?
Sur le fond, je suis assez favorable à cet amendement. J’aimerais toutefois entendre le Gouvernement : cette mesure relève de la responsabilité des services fiscaux, et le ministre me semble le mieux placé pour nous dire si elle lui semble réaliste.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’administration se pose également la question, mais, pour l’instant, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
C’est d’abord un sujet de trésorerie très important. La contemporanéisation simultanée de tous les crédits d’impôt représenterait une masse financière que l’État n’aurait pas les moyens de réunir. Nous avons donc procédé par étape.
Monsieur le rapporteur général, il est faux de dire que le premier texte du Gouvernement n’avait pas prévu les crédits d’impôt. Il envisageait de verser 30 % des crédits d’impôt au mois de janvier.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, dans la première version du PLF, c’était zéro !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le bébé est beau, il a plusieurs pères, ce n’est pas très grave… (Sourires.) À la demande du Président de la République, nous avons porté l’acompte à 60 % des crédits récurrents.
C’est sur cette notion de récurrence que nous pouvons discuter, monsieur le sénateur.
Quand on parle de crédits d’impôt récurrents, il s’agit de ceux qui, statistiquement, ont un taux de récurrence de plus de 60 %. Dans notre pays, les personnes qui donnent régulièrement à des associations comme la SPA, les Restos du cœur, versent toujours à peu près le même montant, même si elles changent les destinataires de leurs dons. Nous avons donc retenu ces dons dans les crédits récurrents, avec toujours la régularisation qui intervient postérieurement à la déclaration, au mois de juillet ou au mois d’août.
En revanche, par définition, les dons pour une campagne électorale ne sont pas récurrents, même si les campagnes électorales sont nombreuses en France !
Les crédits liés à des investissements immobiliers ne le sont pas non plus, généralement, même si rien ne vous interdit d’acheter avec le dispositif Pinel chaque année si vous avez beaucoup d’argent ! Comme l’a très bien expliqué le rapporteur général, de nombreux dispositifs fiscaux autour de l’immobilier s’éteignent avec le temps, ce qui rend la situation complexe sur le long terme.
On ne peut donc pas intégrer tous les crédits d’impôt, comme votre amendement le suggère, monsieur Le Gleut. De plus, lorsque le taux du crédit d’impôt est de 15 %, il me semble que la mesure embêterait plus les gens qu’elle ne leur faciliterait la vie.
Nous sommes toutefois en train de contemporanéiser certains crédits d’impôt intéressant les familles, notamment pour ce qui concerne les gardes d’enfants, les cours à domicile et les aides ménagères. Nous expérimentons actuellement cette contemporanéisation dans le Nord et à Paris pour les personnes âgées. Si le rapport est concluant, nous proposerons au Sénat et à l’Assemblée nationale de généraliser cette mesure, qui concernerait des millions de personnes, avant la fin du quinquennat.
Enfin, le Gouvernement considère que les niches ou les crédits d’impôt ne sont pas toujours positifs. Nous aurons, tout à l’heure, une discussion sur le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), que nous voulons transformer en prime, pour différentes raisons techniques sur lesquelles je ne m’attarde pas. Nous espérons ainsi que nos concitoyens, notamment les catégories populaires, engageront davantage de travaux. Dans le cas d’un crédit d’impôt, il faut attendre un an pour toucher l’argent. Ce n’est pas le cas pour le mécanisme de la prime.
Le Gouvernement ne s’en cache pas, il souhaite transformer beaucoup de niches fiscales ou de crédits d’impôt en primes. Mais cela nécessite parfois jusqu’à deux ans de travail, tant le changement est complexe à mener. Bien évidemment, on ne va pas contemporanéiser des crédits d’impôt que l’on veut supprimer.
L’an prochain, nous ferons un premier bilan du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Je suis prêt à venir devant la commission des finances pour expliquer le système, ses avantages, ses quelques défauts et comment nous pouvons améliorer les choses.
Cet amendement est également assez incompatible avec l’intervention de M. Dallier sur la perspective d’une suppression de la déclaration de revenus. L’an prochain, monsieur Dallier, on ne va pas supprimer la déclaration, mais celle-ci deviendra tacite, ou automatique. Comme précédemment, elle sera préremplie. On vous l’envoie, vous la lisez et, sauf si elle contient une erreur, vous n’aurez plus à la modifier.
L’administration connaît une grande partie des événements de votre vie, mais il se peut que vous ayez divorcé ou acheté un bien et que l’administration fiscale ne le sache pas. Les informations de l’état civil ne sont pas toujours automatiquement transmises à l’administration fiscale, et tant mieux, parce que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Parlement s’y opposeraient sans doute. Nous ne sommes pas encore dans un monde où tout est informatisé et où tous les fichiers sont interconnectés.
Dans tous les pays du monde qui ont mis en place le prélèvement à la source, il y a une déclaration. Faut-il aller vers une société sans déclaration, c’est-à-dire une société où l’administration fiscale connaîtrait toute votre vie ? Il me semble que la société n’y est pas tout à fait prête – je vous renvoie à la question sur les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle –, et ce n’est sans doute pas souhaitable.
Votre idée est bonne, monsieur le sénateur, mais, pour l’heure, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Nous en reparlerons l’année prochaine, en faisant le point sur les contemporanéisations.