Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En écho à l’argumentaire développé par M. le rapporteur général, je considère très clairement qu’on utilise le taux de TVA comme un levier pour faciliter l’accès à certains types de biens comme l’eau ou – si l’on se réfère aux amendements suivants – les produits d’hygiène de première nécessité.
Je sais bien que ce sont là en quelque sorte des amendements d’appel, mais le Gouvernement y sera défavorable puisqu’ils sont contraires à la directive européenne.
Au-delà, le problème est le suivant : une baisse du taux de TVA conduit à une diminution des recettes de l’État sans qu’on soit bien certain qu’elle améliore le pouvoir d’achat des Français. À tout le moins, on pourra démontrer que des baisses ciblées du taux de TVA n’ont pas eu pour effet de l’améliorer. C’est le premier point.
Second point, monsieur le rapporteur général, vous appelez de vos vœux, dans le cadre des réflexions qui peuvent être envisagées au niveau de l’Union européenne dans le cadre du projet de directive, des marges d’adaptation pour les États : c’est une démarche qui peut être accueillie favorablement, mais qui présente aussi un risque en termes de compétitivité, la France n’étant pas connue pour son mieux-disant fiscal – ce n’est pas s’aventurer beaucoup que de le dire…
M. Jérôme Bascher. Certes non !
M. Roger Karoutchi. C’est sûr…
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En d’autres termes, on risque de créer une forme de compétition fiscale susceptible d’être extrêmement douloureuse pour nos entreprises, si, par exemple, certains pays fixent un taux zéro pour de nombreux produits, alors que, j’y insiste, le bénéfice des baisses de taux pour les Français n’est pas complètement acquis.
Voilà pourquoi nous considérons cette directive avec une certaine circonspection, sans nous interdire d’opérer des changements à la marge, car il est important d’adapter la fiscalité aux évolutions de la société et de la consommation dans notre pays.
Sur le présent amendement, je le répète, l’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° I-926 rectifié bis, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mmes Préville et Rossignol, MM. P. Joly et M. Bourquin, Mmes Conway-Mouret et Monier, M. Antiste, Mme Meunier et M. Jomier, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 5° du 2 de l’article 261 du code général des impôts est ainsi rétabli :
« 5° Les produits issus de l’agriculture biologique. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement s’inscrit dans le débat que nous venons d’entamer sur la TVA.
S’agissant des produits de première nécessité, il est vrai qu’on peut souvent s’interroger sur le bénéfice pour le consommateur des baisses ou des exonérations de TVA, qui ne sont pas forcément répercutées sur les prix.
L’exonération visée par cet amendement est différente : il s’agit de corriger le différentiel de prix des produits de l’agriculture biologique, lié à des contraintes fortes pour les producteurs mais bénéfiques pour l’environnement et la santé. En l’espèce, les producteurs ont un intérêt réel à répercuter, pour augmenter leurs parts de marché face à des produits moins respectueux de l’environnement et de la santé.
On m’opposera qu’une telle exonération réduit fortement les recettes de l’État. Certes, mais j’observe que la part des impôts redistributifs baisse dans le total des recettes fiscales, alors que celle de la TVA, une imposition anti-redistributive, est de plus en plus forte. Voilà qui interroge du point de vue de l’amélioration de la justice fiscale…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le raisonnement ici est un peu différent : on ne nous propose rien de moins qu’une exonération totale de TVA, au bénéfice des produits biologiques. L’idée peut être sympathique, mais elle est totalement contraire à la directive TVA.
La réalité juridique, c’est qu’on peut appliquer le taux nul seulement si on l’appliquait historiquement. Ainsi, les Britanniques taxent à taux zéro les produits de puériculture et certains produits alimentaires parce qu’ils le faisaient antérieurement à la directive.
Ce dispositif, qui relève de la règle de l’unanimité, interdit les exonérations totales de TVA. À son grand regret, la commission est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Dans ma très longue carrière parlementaire – une carrière de deux ans… –, j’ai déposé deux amendements sur la TVA de l’agriculture biologique : le premier visait une réduction à 1,2 %, un taux existant, mais on m’avait dit que c’était impossible. Il semble donc que rien ne soit jamais possible… Pourtant, il faudra peut-être un jour changer de modèle agricole et de consommation !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-926 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° I-1056, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 2 de l’article 261 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Produits alimentaires non emballés vendus en libre-service en grande surface. » ;
2° L’article 278 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Produits non alimentaires non emballés vendus en libre-service en grande surface. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par l’augmentation du taux de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’impatience de notre collègue Sophie Taillé-Polian me plaît bien. En effet, après avoir répondu à Éric Bocquet qu’on n’était pas là pour discuter de la TVA, on vient de nous expliquer que les exonérations ne sont pas possibles – argument qui sera sans doute répété contre le présent amendement.
Il y a juste un petit problème pour nous autres, parlementaires, dans notre diversité : l’organisation de nos travaux fait qu’on ne discutera pas du barème de l’impôt, ni de l’impôt sur le revenu, ni de la domiciliation fiscale des grandes entreprises. Or, moi, avant de faire des suggestions de dépenses, je trouve qu’il n’est pas mal d’aller chercher des recettes… Je déplore cette organisation en vrac.
En vrac : voilà qui me ramène à l’amendement n° I-1056, tendant à créer, au-delà des nombreux amendements déjà adoptés en faveur du vrac, un véritable effet de levier sur la consommation par une baisse des prix.
Aujourd’hui, cette filière, qui répond à une réelle demande des consommatrices et des consommateurs, fait face à des difficultés réglementaires, faute de volonté politique. C’est pourquoi, même si j’anticipe la réponse du rapporteur général, je propose, au nom de mon groupe, d’exonérer de TVA les produits alimentaires vendus en vrac, aujourd’hui taxés à 5,5 %.
Cette mesure concrète serait cohérente avec l’exonération en vigueur – vous pourrez vérifier – pour la vente directe des agriculteurs aux consommateurs et permettrait de conjuguer exigences sociales et écologiques en rendant financièrement accessible ce qui est écologiquement responsable. Donc, sagesse ou avis favorable… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ça ne partait pas mal, puisque notre collègue a commencé par donner la réponse de la commission…
Cette fois encore, indépendamment de l’enjeu de fond, il s’agit de respecter les règles européennes. Vous savez parfaitement que, en matière fiscale, un changement de règle suppose l’unanimité.
Il y a un an, à Bruxelles, nous avons rencontré la direction de la fiscalité de la Commission européenne : une réunion intéressante destinée à examiner les propositions de la Commission en matière de TVA. On nous a bien expliqué que, pour changer la règle de l’unanimité, il fallait l’unanimité…
Par ailleurs, madame Taillé-Polian, il n’y a pas en France de taux de TVA de 1,2 %, mais un taux de 2,1 %.
Mme Sophie Taillé-Polian. C’est de celui-là que je voulais parler.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. S’agissant des taux nuls, en la matière, je répète que la France ne peut pas en instaurer parce qu’elle n’en avait pas historiquement.
C’est sans doute regrettable, même si les produits alimentaires bénéficient déjà d’un taux réduit, à 5,5 %. Peut-on faire mieux ? C’est un autre débat, mais, pour la raison de compatibilité que j’ai indiquée avec les règles européennes, l’avis sur l’amendement est défavorable, au grand regret de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il est également défavorable, pour les raisons de droit exposées par M. le rapporteur général et que j’ai déjà moi-même déjà développées.
À ceux qui appellent à des efforts dans un certain nombre de domaines, je ferai observer que l’outil fiscal n’est pas le seul. En matière d’agriculture biologique, par exemple, le Gouvernement fait des efforts, comme des efforts ont été faits pour les produits d’hygiène. Ces sujets doivent probablement être abordés aussi via d’autres leviers, que vous avez en main, à l’instar du projet de loi anti-gaspillage, notamment pour faciliter la création de filières plus éco-responsables, comme le souhaitent les auteurs de cet amendement et du précédent.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Ces débats sont intéressants, mais je voudrais faire une observation.
J’entends beaucoup dire que les amendements présentés pourraient appeler un avis favorable, mais que les règles en matière de TVA sont encadrées par l’Union européenne et sa directive : c’est vrai, mais ce n’est pas la seule raison.
Il faut trouver les bons outils au service des bons objectifs. Les impôts qui permettent la redistribution sont ceux qui frappent le revenu : ce sont les bons outils pour assurer la justice sociale. Le bon outil pour influer sur les comportements, ce sont les fiscalités particulières, comme la fiscalité écologique, celle sur le tabac ou celle sur l’alcool : il s’agit, à tort ou à raison, de modifier les comportements. La TVA, quant à elle, sert un objectif de rendement – il faut l’assumer : c’est un impôt de rendement, qui rapporte massivement des recettes à l’État et, de plus en plus, aux collectivités territoriales pour financer les services publics.
D’autres outils existent : la subvention, si l’on veut aider des filières, et la réglementation, si l’on veut interdire certaines pratiques. On ne peut pas tout demander à la TVA !
Au reste, on a bien vu avec la baisse de la TVA dans la restauration, quoi qu’on pense de l’idée de départ, que les créations d’emplois et baisses de prix annoncées n’ont pas eu lieu. La TVA n’est pas faite pour orienter les comportements via de multiples dérogations et exceptions. Par son mode de fonctionnement, elle n’assurera jamais une forme de justice sociale ni d’équité.
Bien sûr, il arrive aux uns et aux autres, notre groupe compris, d’avancer des propositions en matière de TVA – comme on dit souvent, ce n’est pas un jardin à la française… Mais il me paraît utile de garder à l’esprit le cadrage de principe : au-delà des règles européennes, il s’agit de trouver les bons outils fiscaux au service de ses objectifs. (Mme Colette Mélot opine.)
M. Didier Rambaud. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Monsieur Savoldelli, je suis bien d’accord pour favoriser la vente en vrac, compte tenu de la catastrophe environnementale qu’entraîne le suremballage dans notre pays ; en la matière, on a dépassé toutes les limites imaginables…
Néanmoins je ne voterai pas votre amendement, parce que je ne partage pas la confiance, au demeurant émouvante, que vous témoignez aux grandes surfaces, lesquelles ne baisseront jamais leurs marges de 5,5 %, surtout sur des montants faibles. Bien entendu, elles se mettront la différence dans la poche.
M. Jean-Claude Requier. Exactement !
M. Arnaud Bazin. Au bout du compte, le consommateur paiera le même prix, et l’État perdra des recettes. (M. Yvon Collin opine.)
Il faut trouver d’autres moyens de favoriser le vrac, un objectif auquel je souscris très volontiers.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je remercie M. Bargeton pour sa clarté sur la politique du Gouvernement : on choisit de baisser l’impôt le plus redistributif et pas la TVA, dont on observe le dynamisme avec un grand contentement…
M. Julien Bargeton. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Sophie Taillé-Polian. … pour financer les services publics et aussi, tant qu’on y est, la politique sociale et la redistribution. Mon cher collègue, c’est bien le problème du Gouvernement et de votre majorité : le rendement passe avant la justice fiscale !
M. Julien Bargeton. Caricature : nous baissons les impôts des classes moyennes !
M. le président. L’amendement n° I-429 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc et Menonville, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article 278 du code général des impôts, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 22 % ».
II. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
a) Au 1° du I, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 8,7 % » ;
b) Au 2° du II, le taux : « 8,3 % » est remplacé par le taux : « 7,3 % ».
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à instaurer une TVA sociale en augmentant la fiscalité sur la consommation et en diminuant celle sur les revenus. Concrètement, il s’agit à la fois de porter à 22 % le taux normal de la TVA, contre 20 % actuellement, et de baisser de 0,5 point le taux de la CSG activité et de 1 point celui de la CSG remplacement.
Cette mesure devrait contribuer à l’allégement du déficit public en augmentant les recettes de l’État, un objectif auquel, je crois, bon nombre d’entre nous sur ces travées sont attachés. Voilà une mesure concrète qui matérialisera les bonnes intentions proclamées à juste titre dans les discours.
Au-delà du seul aspect comptable, cette mesure, très largement défendue par les membres de mon groupe, contribuera à modifier la façon dont notre pays impose les facteurs de production. En effet, si la France est championne d’Europe des prélèvements obligatoires, c’est par une fiscalité qui porte surtout sur le travail et le capital, plutôt que sur la consommation.
La mesure que nous vous proposons marquera un premier pas vers un basculement plus large en direction d’un système où le travail et le capital seront mieux rémunérés, et la consommation plus taxée : un choix responsable de développement durable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Requier. Voilà le rapporteur général revenu à son banc…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je reviens au banc des commissions, parce que, sur ce sujet, je n’ai pas besoin de me tourner vers les services. Je connais très bien ces questions de TVA, qui sont assez récurrentes, voyez-vous…
En particulier, ce n’est pas la première fois que nous débattons de la TVA sociale, que d’autres appellent la TVA compétitivité – un débat au demeurant tout à fait légitime. Cette mesure aurait pour avantages de frapper très largement les importations et d’augmenter le rendement de la taxe, ce qui permettrait de baisser d’autres types de fiscalité, notamment sur le travail, pour en diminuer le coût.
La discussion me paraît relever davantage d’un débat pré-présidentiel, d’un débat de mandature, que d’une loi de finances de mi-mandat.
M. Roger Karoutchi. C’est certain.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il reste deux lois de finances avant la fin de ce quinquennat, et je pense que le débat devrait se tenir plutôt à l’occasion des grandes échéances à venir.
Je le pense d’autant plus que, aujourd’hui, l’allergie fiscale des Français se manifeste assez souvent. De fait, nous avons atteint cette année le record absolu du taux de prélèvements obligatoires en Europe, devant le Danemark. Or les Français verraient peut-être l’augmentation du taux d’imposition avant d’en mesurer les effets…
Compte tenu de cette raison de tempo, je sollicite le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Permettez-moi de corriger un point : le taux de prélèvements obligatoires a diminué en pourcentage dans notre pays.
Le débat soulevé est très structurant par rapport à notre schéma fiscal. Le Gouvernement n’a pas fait le choix proposé : il a entendu baisser l’impôt sur le revenu des personnes physiques, rendre de la compétitivité aux entreprises et baisser un certain nombre de cotisations sociales, en relevant la CSG, de façon à privilégier les revenus du travail par rapport, notamment, à ceux du capital.
La mesure proposée ne serait pas cohérente avec notre schéma, même si elle a sa propre logique, d’ailleurs assez profonde. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je comprends bien le rapporteur général : c’est un débat de grande échéance. Seulement, les grandes échéances, il faut les préparer, et de préférence pas, comme souvent, à la dernière minute. Notre assemblée peut très bien faire des propositions destinées à pousser les orientations des futurs candidats.
Non seulement cet amendement me convient, mais j’aurais proposé d’aller plus loin encore, si je n’avais pas pris le parti de ne pas déposer d’amendements en matière de TVA. La mesure proposée serait un pas dans la bonne direction : on redistribuerait immédiatement du pouvoir d’achat, parce que la baisse de la CSG se voit tout de suite sur les feuilles de paie, et l’augmentation de la TVA n’est pas forcément répercutée sur tous les produits. En effet, de même que les baisses de TVA ne sont pas forcément répercutées sur tous les produits, les hausses ne le sont pas forcément non plus, parce que tout le monde ne peut pas le faire. On peut donc avoir avantage aussi en termes de recettes à prendre ce genre de mesures.
J’ajoute que, à 22 %, nous serions au niveau de la moyenne européenne. En matière de fiscalité, nous sommes rarement au-dessous de la moyenne européenne, mais c’est le cas pour la TVA. Il ne me paraîtrait pas aberrant de rejoindre cette moyenne.
Par ailleurs, je suis favorable à des taux zéro, même si je sais que, pour l’instant, la directive européenne ne le permet pas. Si on peut le faire, il faut le faire sur des produits comme l’eau du robinet – je ne parle pas de l’eau des bouteilles en plastique – ou l’électricité, des produits de première nécessité que tout le monde utilise et pour lesquels on peut vérifier la bonne application du taux nul. En ce qui concerne la facturation de l’eau ou de l’électricité, il est très facile de s’assurer que les sociétés répercutent l’exonération de TVA. Il faut le faire aussi plutôt sur des produits qu’on n’importe pas – c’est le cas de l’eau et de l’électricité.
On pourrait ainsi recenser un certain nombre de produits pour lesquels l’application de cette mesure aiderait bien la plupart de nos compatriotes. Pour ma part, en tout cas, je voterai l’amendement, pour soutenir cette mesure d’avenir qui me paraît essentielle pour notre pays.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Une voix pour, une voix contre, si je puis m’exprimer ainsi. Permettez au vieux rocardien que je suis… (Exclamations amusées.)
M. Philippe Dallier. Pléonasme !
M. Jérôme Bascher. Jeune rocardien !
M. Claude Raynal. C’est vieux, mais ça reste ! (Sourires.)
Permettez-lui, donc, parce que l’instauration de la CSG date de cette époque, de rappeler que cet impôt touche tous les revenus. Diminuer un impôt qui touche l’ensemble des revenus et prétendre instaurer une TVA sociale, alors que la TVA est par nature anti-sociale, c’est faire preuve d’un talent extraordinaire dans le maniement des mots. Je sais bien que tout est autorisé aujourd’hui, mais tout de même !
Sans doute est-ce de la part de notre collègue, disons, une petite provocation.
M. Vincent Delahaye. Absolument pas.
M. Claude Raynal. En tout cas, notre groupe votera des deux mains contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Voici le jeune giscardien… (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski. Je ne dois pas être beaucoup plus âgé que notre collègue, mais je ne suis pas rocardien…
Je voudrais poser une question à notre rapporteur général au sujet de cet amendement et des trente-neuf autres qui suivent, tous gagés par une augmentation des droits sur le tabac. Ces amendements sont en général sérieux et soulèvent souvent de vrais problèmes, mais, à l’Assemblée nationale, l’addition a été faite des augmentations prévues par tous les amendements au projet de loi de finances gagés par une augmentation de la fiscalité sur le tabac. Résultat : le paquet de cigarettes passerait de 10 à 57 euros !
J’aimerais bien, monsieur le rapporteur général, que vous vous livriez au même calcul, parce que je ne suis pas sûr que le résultat soit beaucoup plus à notre honneur qu’à celui des députés.
Si nous n’avions pas recours à ce genre de gages, les amendements seraient retoqués ; mais est-ce très sérieux pour l’image du Parlement de prévoir indéfiniment des gages dont nous savons qu’ils ne seront pas appliqués ? Heureusement, du reste, que tous ces amendements sont rejetés, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sans quoi les parlementaires français auraient du souci à se faire pour leur popularité.
Monsieur le rapporteur général, n’avons-nous pas besoin d’un débat plus sérieux sur les gages de nos amendements ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous ne ferons pas le calcul, puisque l’amendement ne sera pas adopté, du moins je l’espère.
Vous savez très bien que l’article 40 de la Constitution comporte un certain nombre de bizarreries et d’hypocrisies. Le président de la commission des finances, moi-même et sans doute nombre d’entre vous avons à dire au sujet de ce dispositif, qui n’est pas forcément très rationnel. Ainsi, il arrive qu’il nous interdise de prendre des mesures qui aboutiraient à des économies réelles, par exemple en matière de finances locales.
Assez restrictif, ce dispositif nous oblige à prévoir des gages qui sont, très largement, des fictions juridiques. Ainsi va le parlementarisme rationalisé : l’article 40 ne contraint pas le Gouvernement, mais s’impose aux parlementaires.
Au demeurant, la réflexion que nous souhaitons mener serait plus large : comme je l’ai annoncé en commission des finances, nous pourrions être amenés à examiner les questions qui se posent autour de la LOLF. Par ailleurs, le président de la commission des finances et moi-même avons formulé des propositions, à la faveur du projet de révision, sur la procédure constitutionnelle relative aux lois de finances, dont l’article 40 est un élément.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Notre collègue Claude Raynal disait : « Une voix pour, une voix contre. » Pour ma part, j’abonderai dans le sens du rapporteur général, et d’ailleurs aussi de Mme la secrétaire d’État.
Ce débat sur la CSG et la TVA a été posé au moment de l’élection présidentielle. Nous proposions une augmentation de la TVA pour pouvoir baisser les charges. Les Français ont fait un autre choix : ils ont élu Emmanuel Macron. On a donc eu la hausse de la CSG.
D’ailleurs, cela a très bien marché : on a vu l’an dernier, avec la crise des « gilets jaunes », ce que les retraités pensaient de cette décision d’augmenter la CSG. Le résultat est extraordinaire…
Alors, effectivement, on pourrait de nouveau poser le débat maintenant et en discuter. Pour ma part, je suis plutôt favorable à une hausse de la TVA. Simplement, je ne peux pas voter cet amendement aujourd’hui.
Je vous suggère de vous rapprocher de nous, madame Mélot : c’est plutôt sur ces travées que l’on plaide pour les solutions que vous préconisez au travers de votre amendement.
Et je ne pense pas que le Président de la République, à l’occasion de la prochaine élection présidentielle, change tout à coup d’avis et nous explique que la hausse de la TVA, en contrepartie d’une baisse des charges, constituerait une meilleure solution. Enfin, on peut toujours espérer puisque, avec le « en même temps », on peut tout dire un jour et son contraire le lendemain !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends bien ce que disent les uns et les autres et je partage pleinement, comme toujours, l’opinion de Philippe Dallier, mais, en réalité, je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’analyse qui est faite.
On se demande si c’est bien le moment de discuter de la TVA sociale et s’il s’agit vraiment du fond du débat. Or je l’ai déjà dit plusieurs fois en commission des finances : le Parlement est né – c’était le Parlement de Paris à l’origine – du vote de l’impôt et, donc, de la fiscalité.
Le Parlement a perdu ce pouvoir, ou plutôt a laissé s’éroder d’année en année sa capacité à créer ou à corriger des mesures fiscales. C’est le Gouvernement qui a désormais la main sur tout.
À mon avis, cette situation est totalement anormale, parce que cela met en cause le fondement même de la représentation nationale. C’est pourquoi j’avais proposé que la commission des finances fasse quasiment des propositions de réforme fiscale. Après tout, cela correspond à notre rôle fondamental.
Chaque fois que l’on examine le budget, on nous dit que ce n’est pas le moment de lancer une grande réforme fiscale, car c’est l’objet de l’élection présidentielle. Sauf que c’est rarement le Parlement qui élabore les programmes des candidats à l’élection présidentielle ! Je ne dis pas que ceux-ci sont mal faits, mais leur contenu n’est pas issu du Parlement.
On assiste à une inversion des valeurs.
Le pouvoir exécutif, c’est une chose ; le fait d’imposer un budget, parce qu’il résulterait du programme du Président de la République, et d’en faire la règle, en est une autre. C’est anormal ! Le pouvoir du Parlement n’a pas à être restreint du fait des engagements du Président de la République, quels qu’ils soient – et ils peuvent être nombreux.
On a un vrai problème là-dessus. Et je pense, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, que la commission pourrait tout à fait formuler des propositions de refonte du régime fiscal, dont les candidats peuvent faire ce qu’ils veulent par la suite.