Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° I-639.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2020.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la motion.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, si nous avons déposé cette motion tendant à opposer la question préalable, ce n’est pas pour empêcher le débat. (Exclamations amusées sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ça revient à ça !
M. Pascal Savoldelli. C’est parce que le projet de loi qui nous est présenté relève, selon nous, d’une profonde insincérité politique – je pèse mes mots – à l’égard de nos concitoyens et de leurs aspirations. Les choix politiques lourds qu’il opère sont esquivés. Cette question préalable, c’est le peuple qui vous la pose, messieurs les ministres !
Alors que notre pays a connu une année de mouvements sociaux inédits, le Gouvernement n’en tient nullement compte dans son projet de loi de finances. S’il entend les revendications populaires qui s’expriment à travers le pays, ce n’est que pour mieux les dévoyer !
Alors que les associations féministes demandent un budget de 1 milliard d’euros pour lutter contre les violences que les femmes subissent et pour assurer une réelle égalité, la majorité discute autour d’un Grenelle à faible portée tout en réduisant les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » !
M. Patrick Kanner. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. Tandis que les étudiants alertent sur leurs conditions de vie exécrables, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche va baisser pour la première fois depuis 2008,…
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas vrai !
M. Pascal Savoldelli. … alors même que le nombre d’étudiants augmente.
Alors que les « gilets jaunes » ont fait part de leur ras-le-bol à l’égard d’une fiscalité injuste pour des services publics qui s’amoindrissent comme peau de chagrin, le Gouvernement répond par un jeu de dupes, en pensant calmer la colère sociale.
Si le projet de loi de finances prévoit une baisse de l’impôt sur le revenu, payé par seulement 50 % de nos concitoyens, la TVA, qui est l’impôt le plus injuste et représente pourtant 50 % des recettes du budget de l’État, ne bouge pas. Pour qui la fin du mois commence bien trop souvent le 15, ces 20 % de taxes, ce sont autant de repas qui leur sont retirés de la bouche, autant de jours passés dans le froid, faute de pouvoir payer les factures. À cette détresse que le Gouvernement semble ignorer, aucune réponse n’est apportée !
Alors que la diminution de la TVA sur les produits de première nécessité et les biens alimentaires, la baisse des tarifs de l’énergie auraient pu répondre à cette urgence vitale pour nombre de familles, le Gouvernement continue d’appliquer les mêmes recettes injustes et délétères pour les classes populaires.
Alors que le Président de la République s’est pris de bons sentiments pour nos banlieues après avoir vu le film Les Misérables, il divise par deux les crédits du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ! Pourtant, le tissu associatif joue un rôle crucial pour nombre de nos jeunes, en leur offrant soutien scolaire, accès au sport ou à la culture. Il a permis l’émergence de nombreux sportifs et artistes. Si le Président était attentif aux banlieues, au-delà des deux secondes d’émotion suscitées par le visionnage d’un film, il aurait trouvé chez un artiste comme Kerry James une référence utile pour résumer sa politique : « Incapables de voir loin, on veut pas le bien, quitte à détruire l’intérêt commun. »
Et quel manque de vision à long terme ! Les prétendues baisses d’impôts en faveur des plus modestes que le Gouvernement concède seront en réalité financées grâce aux taux d’intérêt négatifs auxquels l’État emprunte, qui lui permettent de récupérer 1,6 milliard d’euros. Ce que le Gouvernement donne aujourd’hui, il le reprendra donc demain pour financer la hausse de la charge de la dette.
Alors qu’ont surgi sur le devant de la scène la pauvreté et les difficultés dans nos campagnes ainsi que dans les zones périurbaines, le Gouvernement n’en tient nullement compte. Les prix de l’énergie continuent d’augmenter et les petites lignes de trains de fermer ; 200 000 personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté… Lorsque la misère n’est pas sublimée par l’art, elle reste invisible aux yeux du Gouvernement.
M. François Bonhomme. Que c’est beau !
M. Pascal Savoldelli. Je n’aborderai même pas la question écologique, tant l’absence d’ambition est criante au vu des enjeux et de l’urgence.
Face à ces politiques de casse des solidarités, d’affranchissement des riches de l’effort commun et de pressurage des classes populaires, nos villes et nos départements sont devenus les derniers remparts contre l’épanouissement d’un libéralisme destructeur.
Au travers de ce projet de loi de finances, avec la suppression de la taxe d’habitation, le Gouvernement avance ses pions en vue de la mise au pas des collectivités locales. Lors de l’ouverture du Congrès des maires de France, Emmanuel Macron a fustigé l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, arguant qu’elle n’existe pas dans les pays voisins. Mais si les collectivités locales françaises devenaient de simples guichets de l’État, qu’en serait-il des centres de santé, des bibliothèques, du logement social, des équipements sportifs et culturels, en bref de tout ce qui fait la vie au quotidien ?
Le progrès social et humain, ce n’est pas le projet de ce gouvernement. Son projet, c’est la transformation libérale de l’État à tous les échelons, y compris locaux, et notamment municipal.
Après la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) attribuée aux communes, passée de 41 milliards d’euros en 2013 à 26 milliards aujourd’hui, après la loi NOTRe en 2016,…
M. Philippe Dallier. Merci Hollande !
M. Pascal Savoldelli. … après la mise en place du contrat de Cahors, qui place sous tutelle les communes les plus importantes en contraignant leur budget de fonctionnement, la suppression de la taxe d’habitation opère une nouvelle mise au pas des collectivités.
Cette taxe permettait pourtant de développer des politiques de solidarité. Elle offrait aux municipalités la possibilité de mettre en place des politiques redistributives grâce à un impôt progressif et de développer les services municipaux. Mais, en plus d’entraver les communes par une chaîne supplémentaire, le Gouvernement les arnaque. Le mécanisme de compensation, fondé sur les recettes de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), est quasiment illisible. La compensation sera en outre calculée par référence aux taux de 2017, alors qu’ils ont augmenté depuis.
Sur ce sujet encore, outre cette arnaque, le Gouvernement fait preuve d’une profonde malhonnêteté politique à l’égard de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Faire croire que l’on peut leur accorder un cadeau fiscal de cette ampleur sans que cela emporte de conséquences, c’est déjà fort ; faire croire que c’est une mesure de justice sociale, ça l’est encore plus !
Discrètement mais sûrement, l’exonération de la taxe d’habitation a été étendue aux 20 % des ménages les plus riches. Ainsi, 45 % du coût total de la suppression de la taxe d’habitation profitera à ces 6,3 millions de foyers qui n’en ont pas besoin, tandis que les 16 % de foyers les plus modestes, qui ne payent déjà pas la taxe d’habitation, risquent d’être les plus touchés par la casse des services publics consécutive à cette réforme. En effet, l’État devra trouver des budgets à amputer pour compenser sa participation à la réforme de la fiscalité locale.
Si le Gouvernement, au fil des lois qu’il présente, avance masqué, c’est pour mieux cacher ses véritables ambitions quant au devenir des collectivités locales. En les mettant sous tutelle, son objectif est en réalité d’infliger aux collectivités la même transformation qu’il est en train d’appliquer à l’État central : une destruction de l’État social au profit d’un État réduit à un simple lieu d’administration des affaires du CAC 40, le tout piloté par des hauts fonctionnaires passant du privé au public, et vice versa.
Le dernier acte de ce jeu de dupes interviendra – comme par hasard ! – après les élections municipales, lorsque la ministre Jacqueline Gourault viendra proposer son projet de métropolisation, visant à fondre les collectivités dans des machines bureaucratiques à la démocratie réduite, qui pourront se « différencier » – c’est le troisième « D » de la loi « 3D » – pour mieux se concurrencer.
Ce choix de société est lourd de sens. C’est le choix d’une société dans laquelle la concurrence de chacun avec tous cimente les rapports humains et le darwinisme social détermine le devenir des individus, au détriment d’une société où la solidarité est le socle de ces mêmes rapports.
Par de basses tactiques politiciennes, le Gouvernement esquive le débat et tente d’imposer ses choix. Notre démocratie mérite mieux que cela. Nous ne pouvons pas discuter d’un projet de loi qui opère des choix de société aussi lourds sans jamais réellement les aborder.
Les miettes lâchées tantôt aux étudiantes et aux étudiants, tantôt aux personnels hospitaliers, tout en tentant de les diviser, confirment l’extrême fragilité d’un gouvernement qui demeure minoritaire, acculé par la contestation sociale, et qui tente d’imposer ses choix à l’ensemble de la société.
Nous en sommes convaincus, nous sommes en présence d’un régime en bout de course qui nous conduit au désastre. Pour offrir à notre société une issue positive, nous espérons que vous voterez cette motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2020, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole contre la motion ?…
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue a dit que cette motion n’est pas destinée à nous priver de débat. Pourtant, ce serait la conséquence directe de son adoption, par simple application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat : il n’y aurait alors pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2020.
M. Jean Bizet. C’est automatique !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce serait tout à fait dommage, car nous serions privés de débattre des plus de 1 200 amendements, dont un certain nombre émanant du groupe CRCE, qui ont été déposés.
Vous venez, mon cher collègue, de faire état d’un certain nombre de prises de position et de propositions, que nous partagerons peut-être concernant par exemple la taxe d’habitation. Il serait tout à fait regrettable d’être privés de l’exposé des excellentes propositions du groupe CRCE et des autres groupes du Sénat !
Pour cette raison, la commission des finances est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous souhaitons nous aussi pouvoir débattre du projet de loi de finances.
Monsieur le sénateur, je voudrais corriger quelques contrevérités flagrantes que vous avez exprimées. Vous ne manquez ni de talent ni de conviction ; il n’était pas utile de recourir à des affirmations totalement inexactes !
Vous avez dit à la tribune du Sénat que, pour la première fois depuis 2008, les crédits consacrés à la recherche, à l’université et à la vie étudiante étaient en baisse. C’est totalement faux, puisque 500 millions d’euros de plus y sont consacrés ! (M. Stéphane Piednoir approuve.)
Mme Éliane Assassi. Pas pour les étudiants !
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, les crédits consacrés à la vie étudiante augmentent également. Ce n’est pas compliqué : tous les postes budgétaires relevant du ministère de Mme Vidal sont en augmentation ! On peut critiquer l’action du Gouvernement sans recourir à des contrevérités, que démentent tous les documents budgétaires à votre disposition.
Vous avez dit que le budget dont dispose Mme Schiappa était en baisse. C’est faux ! Ces crédits sont absolument au même niveau que l’année dernière.
Mme Éliane Assassi. Ils sont en baisse !
M. Gérald Darmanin, ministre. Non : je vous renvoie aux documents budgétaires issus de l’Assemblée nationale !
Vous avez ajouté, monsieur le sénateur, à la suite d’ailleurs de M. le président de la commission des finances, que les 20 % les plus aisés de nos concitoyens n’avaient pas besoin de la suppression de la taxe d’habitation. Je comprends donc que, selon vous, un célibataire dont les revenus s’élèvent 2 500 euros par mois est un contribuable très aisé…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sous Hollande, oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, un tel contribuable fait partie des 20 % ! On peut discuter de l’opportunité de supprimer la taxe d’habitation pour les 1 % ou 2 % de ménages les plus aisés. M. le rapporteur général a eu l’honnêteté intellectuelle de préciser que ce n’était pas, initialement, le projet du Gouvernement : c’est le Conseil constitutionnel, saisi de cette question notamment par le Sénat, qui s’est prononcé en faveur de la suppression intégrale de la taxe d’habitation.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Nous avions seulement évoqué le seuil de 2 500 euros !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour ma part, je ne considère pas que l’on est riche dès lors que l’on gagne plus de 2 500 euros par mois.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Moi non plus, mais au-dessous la suppression de la taxe d’habitation n’apporte pas de gain ! Sur ce point, vous ne répondez pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas honteux, monsieur le président de la commission, mais vous défendez sur ce point la même position que M. Savoldelli ! Je le répète, je ne considère pas, quant à moi, que l’on est riche dès lors que l’on perçoit plus de 2 500 euros de revenus par mois. Je trouve légitime de supprimer la taxe d’habitation aussi pour les personnes qui bénéficient de tels revenus.
Pour ce qui concerne les collectivités locales, le contrat de Cahors a ses défauts et ses qualités, mais en tout cas jamais elles n’avaient investi autant qu’aujourd’hui. Il suffit, pour s’en convaincre, d’en discuter dans les territoires. C’est singulièrement vrai pour votre département, monsieur le sénateur. Les dépenses de fonctionnement doivent bien sûr être maîtrisées, mais l’investissement, public comme privé, est au rendez-vous comme jamais auparavant.
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas vrai, monsieur le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Un certain nombre de contrevérités de fond ont été émises et des défauts d’opportunité ont été évoqués. C’est la politique, mais je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à étudier au fond ce projet de loi de finances.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque groupe n’a droit qu’à une prise de parole pour explication de vote.
La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. Nous comprenons la position de nos collègues du groupe CRCE et partageons leur point de vue sur le manque d’ambition de la politique gouvernementale. Nous souhaitons cependant pouvoir débattre du projet de loi de finances, afin que chacun d’entre nous puisse s’exprimer.
Dans le passé, des motions tendant à opposer la question préalable ont été présentées,…
Mme Éliane Assassi. On en use sur toutes les travées !
M. Philippe Dallier. Pas au début de la première lecture, il ne faut pas exagérer !
M. Thierry Carcenac. … et leur adoption nous a fait regretter de ne pouvoir débattre des textes sur lesquels elles portaient.
Les amendements que nous proposerons permettront de vérifier qui veut davantage de justice fiscale et sociale, qui veut lutter contre l’accroissement de la richesse des plus aisés pour assurer une meilleure cohésion sociale. Le groupe socialiste et républicain ne suivra pas le groupe CRCE.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je voudrais faire appel à la mémoire et à l’esprit de responsabilité de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs.
Nous avons des divergences d’analyse et d’appréciation, mais nous avons des valeurs communes : le respect et l’écoute. Mes chers collègues, les propos que j’ai tenus sur la suppression de la taxe d’habitation ou de la TFPB ne reflètent pas la seule position du groupe communiste républicain citoyen et écologiste : nous avons scellé unanimement, dans cette enceinte, un principe extrêmement important pour l’État républicain mais aussi pour la démocratie communale, celui de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Nous avons adopté tous ensemble, dans notre diversité, ce principe avec beaucoup de sincérité.
Mes chers collègues, que restera-t-il de l’autonomie fiscale des départements après qu’on leur aura retiré la taxe foncière sur les propriétés bâties ? Il s’agit d’une recentralisation ! En privant les communes du produit de la taxe d’habitation, on leur enlève leur autonomie fiscale et leur liberté d’administration ! Nous pouvons certes avoir un affrontement gauche-droite, mais il faut tout de même respecter la Constitution !
M. Laurent Duplomb. Il a raison !
M. Pascal Savoldelli. Les principes de la République unie et indivisible s’appliquent en haut comme en bas, à l’échelle de chaque commune, quelle que soit l’étiquette politique du maire !
Encore une fois, mes chers collègues, ce point de vue n’est pas seulement celui de mon groupe. Cette motion tendant à opposer la question préalable vient en fait du peuple : les électeurs, dans leur diversité, sont très attachés à ces principes, parce qu’il y a un lien intime entre démocratie et impôt.
Je trouve que le travail a été bâclé. Il n’est pas incorrect de parler d’insincérité politique, comme je l’ai fait. Ce gouvernement s’est livré à un tour de passe-passe.
Mme la présidente. Votre temps de parole est largement dépassé, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. On passe le CICE à la trappe, on remplace l’ISF par l’IFI et on augmente les exonérations sociales… (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Bien évidemment, les sénateurs du groupe Les Républicains ne voteront pas cette motion. Je suis d’ailleurs certain que nos collègues communistes n’ont pas envie non plus qu’elle soit adoptée ! Ils souhaitaient simplement disposer de dix minutes de temps de parole supplémentaires, ce que l’on peut comprendre. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous devons discuter de ce projet de ce budget, car ce qui m’a frappé en écoutant les ministres puis le rapporteur général, c’est que l’écart n’a peut-être jamais été aussi grand entre l’autosatisfaction du Gouvernement et la situation décrite par Albéric de Montgolfier.
M. Laurent Duplomb. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. C’est tout de même étonnant ! La situation est-elle vraiment si bonne que cela, messieurs les ministres ? À vous écouter, on a l’impression que ce projet de budget pour 2020 est magnifique, merveilleux… Franchement, quelqu’un ici pense-t-il sérieusement que tout va bien, eu égard à la crise sociale que connaît le pays et à la grève prévue le 5 décembre ?
On peut sans doute estimer que cela va un peu mieux que sous le quinquennat de François Hollande (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur des travées du groupe SOCR.),…
M. Julien Bargeton. Ça, c’est sûr !
M. François Bonhomme. Ce n’est pas difficile !
M. Philippe Dallier. … mais sommes-nous pour autant sur la bonne trajectoire pour redresser les finances publiques ? Vous voyez que je peux faire preuve d’honnêteté intellectuelle, monsieur le ministre !
L’écart est grand par rapport à ce qu’il faudrait faire pour redresser les finances publiques de ce pays. Il y a urgence ! Allez-vous assez vite et assez loin ? Selon nous, la réponse est non ! Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut débattre de ce projet de budget.
Mes chers collègues communistes, nous serons très heureux de débattre avec vous, car oui, il y a matière à débat entre nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° I-639, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 16 |
Contre | 324 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Organisation des travaux
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous entamerons demain, à quatorze heures trente, l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances. Afin que vous puissiez vous organiser, je vous informe que, à la suite des souhaits exprimés par le Gouvernement et la commission des finances, celle-ci demandera demain, à l’ouverture de la séance, que ces articles soient examinés selon les modalités suivantes.
À l’ouverture de la séance de demain, vendredi 22 novembre après-midi, l’article 1er puis les articles 9 à 15, hormis l’article 13 bis – il s’agit donc des articles 9, 10, 11, 11 bis, 12, 13, 13 ter, 13 quater, 13 quinquies, 13 sexies, 13 septies, 13 octies, 13 nonies, 13 decies, 14 et 15 –, seraient examinés par priorité.
Samedi 23 novembre au matin seraient examinés les articles 2 à 5, hormis l’article 4. Il s’agit donc des articles 2, 2 bis, 2 ter, 2 quater, 2 quinquies, 2 sexies, 2 septies, 2 octies, 2 nonies, 3 et 5.
Le lundi 25 novembre après-midi seraient examinés les articles 4, 13 bis, 16, 16 ter, 17, 18, 19, 20, 28, 28 bis, 32 et 33.
Les autres articles seraient examinés dans l’ordre normal du dérouleur.
Ces demandes de priorité et de réserve seront formulées demain après-midi à l’ouverture de la séance. Elles concerneront également les amendements portant articles additionnels liés aux articles visés.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Julien Bargeton. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, voilà un projet de budget qui prévoit de baisser les impôts, de réduire le déficit, de stabiliser la dette (M. Bruno Sido rit.) et de maîtriser la dépense, tout en respectant la demande de services publics de nos compatriotes. Je crois qu’il ne mérite pas d’être caricaturé comme il l’a été. Il me semble que la véhémence du ton employé est inversement proportionnelle à la portée des critiques.
Ce projet de budget pour 2020 prolonge et amplifie des réformes qui ont été lancées, à commencer par celle de la taxe d’habitation, qui était un engagement fort du Président de la République…
M. Philippe Dallier. Et hasardeux !
M. Julien Bargeton. … et représentera, je n’en doute pas, un « gros morceau » de nos débats. J’observe qu’elle est décriée et contestée avec virulence, mais pas au point de justifier le dépôt d’un amendement de suppression…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il y a 1 200 amendements !
M. Julien Bargeton. Je n’en ai vu aucun tendant à rétablir la taxe d’habitation !
Nous aurons ce débat de façon approfondie, mais ce que voulaient les maires, c’était…
M. Stéphane Piednoir. L’autonomie !
M. Julien Bargeton. … un impôt local, aux bases dynamiques, la liberté de fixer les taux, la compensation à l’euro près. Or tout cela figure dans le texte !
Le groupe La République en Marche se réjouit du pouvoir d’achat supplémentaire que confère la suppression de la taxe d’habitation, notamment en Vendée, monsieur le président Retailleau, votre département étant en effet, d’après les études récentes, celui qui bénéficie le plus, proportionnellement, de l’augmentation du pouvoir d’achat par ménage liée à cette suppression.
M. Bruno Retailleau. Merci d’avoir pensé à la Vendée ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Délicate attention !
M. Julien Bargeton. Autre réforme poursuivie, la baisse des impôts : l’impôt sur le revenu diminuera de 5 milliards d’euros, le taux de l’impôt sur les sociétés passera à 25 % d’ici à 2022, les heures supplémentaires seront défiscalisées. Cela représente un point de PIB en moins depuis deux ans, soit davantage que ce qui était prévu dans la loi de programmation des finances publiques : nous sommes loin du contre-choc fiscal de la période 2011-2014, durant laquelle les prélèvements avaient augmenté de près de 65 milliards d’euros.
La baisse des impôts a contribué à la diminution du chômage et à la création de 540 000 emplois. Je considère que cette trajectoire est la bonne.
Cette réduction des impôts est en outre indispensable pour affermir le consentement à l’impôt, qui a connu une crise avec le mouvement des « gilets jaunes ». Nous ne sommes d’ailleurs pas le seul pays à connaître une telle crise, qui se manifeste actuellement du Liban au Chili. Le message est le suivant : les classes moyennes ont le sentiment – c’est d’ailleurs une réalité – qu’ils paient beaucoup, que le travail n’est pas assez rémunéré et que certains échappent à l’impôt.
Pour que l’impôt soit mieux accepté, il doit être réduit et contrôlé. C’est pourquoi la baisse de l’impôt et la lutte déterminée contre la fraude fiscale vont de pair. Le consentement à l’impôt est l’un des piliers de la République. Or ce pilier est fragilisé, il est en train de vaciller. Il faut donc le consolider. Le prélèvement à la source y contribue. Si j’étais excessivement taquin, je rappellerais le mal qui a été dit de cette réforme l’an dernier. D’aucuns disent que l’on n’écoute pas suffisamment le Sénat ; heureusement qu’on ne l’a pas suivi sur ce point, car le prélèvement à la source est un outil qui permet d’améliorer la rentrée des recettes.