PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Loi de finances pour 2020
Discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous présenter le projet de loi de finances pour 2020, dans un contexte économique marqué par des tensions commerciales persistantes entre les États-Unis et la Chine et un ralentissement prononcé de la croissance mondiale, aussi bien aux États-Unis et en Chine qu’au niveau européen.
J’ai pu m’entretenir avec le secrétaire américain au commerce de l’administration Trump des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. À cette occasion, je lui ai redit à quel point nous étions opposés aux sanctions infligées aux viticulteurs français. Il faut que ces derniers sachent qu’ils peuvent compter sur le soutien du gouvernement français, et sur mon soutien, pour sortir de cette politique de sanction : nous leur apporterons toute l’aide nécessaire, alors que nous vivons un temps important en matière de commercialisation du vin.
Nous sommes également confrontés à un ralentissement de la croissance européenne. De ce point de vue, je rappelle que la France tire son épingle du jeu : elle fait mieux que les autres pays européens, puisqu’elle maintient un niveau de croissance élevé, un niveau d’investissement important et une attractivité qui est désormais la meilleure de tous les pays membres de la zone euro.
Le dernier point général sur lequel je veux insister, après avoir évoqué les tensions commerciales et le ralentissement de la croissance dans la zone euro, est la persistance de taux d’intérêt faibles, voire négatifs, qui ont évidemment un impact sur l’activité. Cette situation doit appeler tous les États qui disposent des marges de manœuvre budgétaires nécessaires à investir et à innover pour compléter une politique monétaire qui est désormais aux limites de son efficacité.
Dans ce contexte général de ralentissement de la croissance mondiale et de taux d’intérêt bas, voire négatifs, quelle est la politique que nous vous proposons à travers le projet de loi de finances pour 2020 ?
C’est une politique d’innovation, une politique pour le travail et une politique de poursuite du rétablissement de nos finances publiques.
Face au ralentissement de la croissance, la seule politique qui nous paraît valable est celle de l’investissement dans l’avenir et de la poursuite d’une politique de l’offre, qui, je le redis, a commencé à donner des résultats, avec la création d’un demi-million d’emplois dans notre pays, la restauration de marges de manœuvre industrielles et le maintien d’une croissance solide.
Nous avons donc maintenu des choix fiscaux en faveur des entreprises. Il y aura 1 milliard d’euros de baisse nette d’impôts sur les entreprises en 2020. L’intégralité des allégements de charges, quel que soit le niveau de salaire, seront maintenus, sachant que ces allégements ont été renforcés au 1er octobre dernier, puisqu’il n’y a plus aucune cotisation patronale au niveau du SMIC. Ces allégements de charges, je le répète, nous souhaitons les maintenir, car nos entreprises ont besoin de visibilité et de stabilité, en matière de coût du travail, pour les années à venir.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et la baisse de l’impôt sur les sociétés ?
M. Bruno Le Maire, ministre. La baisse de l’impôt sur les sociétés, monsieur le rapporteur général, se poursuivra.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Moins que prévu !
M. Bruno Le Maire, ministre. La visibilité sera maintenue, puisque le cap des 25 % de taux d’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises sera atteint en 2022, comme le Président de la République s’y était engagé.
Les entreprises dont les chiffres d’affaires sont les plus modestes verront leur impôt sur les sociétés baisser plus rapidement en 2020 que les autres, mais toutes les entreprises, quel que soit le niveau de leur chiffre d’affaires, bénéficieront bien d’une baisse de l’impôt sur les sociétés dès 2020, selon une trajectoire qui les amènera au taux de 25 % en 2022.
Autre baisse d’impôt pour les entreprises : le prélèvement sur les entreprises affecté au financement des chambres de commerce et d’industrie diminuera. Nous nous y étions engagés, et nous tiendrons cet engagement.
Je veux également profiter de cette intervention pour rassurer les chambres de commerce et d’industrie : elles ont fait un travail très important pour se moderniser et s’engager dans une transformation en profondeur. J’ai toujours indiqué que nous vérifierions que la trajectoire prévue est supportable pour les chambres ; nous organiserons bien un point d’étape en 2020 pour nous assurer que toutes les chambres de commerce et d’industrie arrivent à supporter cette transformation.
Je rappelle enfin que la suppression du prélèvement « France Télécom » permettra de rendre près de 30 millions d’euros aux chambres pour accompagner la transformation de leur modèle.
Les impôts, sur le quinquennat, baisseront de 13 milliards d’euros pour les entreprises et de 27 milliards d’euros pour les ménages : 40 milliards d’euros de baisses d’impôt au total. Nous sortons de la période de matraquage fiscal qu’ont connue les entreprises et les ménages, en France, depuis plusieurs années.
Nous maintenons et continuerons de maintenir, par ailleurs, une politique d’innovation offensive, clé de notre souveraineté de demain et clé, aussi, du maintien d’un niveau de croissance important. C’est pour cette raison que nous avons décidé de sanctuariser le crédit d’impôt recherche, auquel nous ne toucherons pas. Nous avons simplement pris en compte les remarques de la Cour des comptes sur le forfait relatif aux dépenses de fonctionnement, en ramenant son taux de 50 % à 43 %. Si nous suivons la recommandation de la Cour des comptes, c’est par souci de responsabilité : cette décision représente une économie de 230 millions d’euros à l’horizon de 2021.
Cette politique d’innovation est aussi ce qui nous a conduits à céder un certain nombre d’actifs que l’État détenait dans des entreprises, en particulier La Française des jeux, dont je viens, ce matin, de lancer la cotation.
La privatisation de La Française des jeux est un immense succès : un succès populaire – plus d’un demi-million de Français y ont participé –, un succès pour La Française des jeux, qui a montré sa solidité, un succès pour la place financière de Paris, qui a montré qu’elle était attractive. C’est bien la preuve qu’il est possible de réconcilier les Français avec l’investissement dans les entreprises, qu’il est possible de permettre à une entreprise de se développer dans de bonnes conditions sur le marché tout en conservant une participation de l’État, qu’il est possible, surtout, de trouver les moyens financiers nécessaires pour financer les innovations de rupture et les nouvelles technologies – je rappelle en effet que l’intégralité du produit de cession ira au fonds pour l’innovation de rupture.
C’est la politique à laquelle nous croyons : laisser les entreprises commerciales se développer, leur donner les moyens d’un tel développement, tout en gardant un droit de contrôle de l’État, et concentrer l’effort de l’État sur ce qui est vital pour les générations à venir, à savoir l’innovation et l’investissement dans l’intelligence artificielle, dans les énergies renouvelables, dans le stockage des données, dans tout ce qui fera, demain, la souveraineté de notre pays.
Notre deuxième grande orientation est celle de la rémunération du travail. Nous engageons, dans ce budget – le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, y reviendra –, une baisse massive de l’impôt sur le revenu. Cette baisse de 5 milliards d’euros va concerner 17 millions de Français dès le 1er janvier 2020.
Nous vous proposons également de voter, dans ce budget, des baisses d’impôt en matière de taxe d’habitation, qui s’ajoutent à notre politique de meilleure rémunération du travail. S’il y a une leçon à retenir de la crise des « gilets jaunes », c’est qu’une immense majorité de Français aspirent à la dignité par le travail, à la juste rémunération de leur activité ; ils veulent pouvoir vivre bien du travail qu’ils font et du salaire qu’ils touchent.
Toutes les mesures que nous avons prises depuis près de trois ans s’inscrivent exactement dans cette orientation : la revalorisation de la prime d’activité, 100 euros de plus par mois au niveau du SMIC pour tous ceux qui travaillent, la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression de toute taxe sur l’intéressement vont permettre à chaque Français qui travaille de vivre mieux et plus dignement de son activité et d’être mieux considéré.
S’agissant de l’intéressement, auquel je crois profondément, nous avons supprimé la taxe de 20 %, simplifié les accords d’intéressement et permis que ces accords soient signés pour une durée non pas de trois ans, mais d’un an, afin que les plus petites entreprises puissent expérimenter l’intéressement.
Je suis prêt à aller encore plus loin dans le sens de la simplification des accords d’intéressement pour les plus petites entreprises, de moins de onze salariés, afin que les salariés signataires d’un accord d’intéressement soient demain, non plus 1,4 million, mais 3 millions, trois fois plus, en sorte que l’intéressement soit généralisé aux salariés français dans les meilleurs délais. C’est une question de justice, de reconnaissance du travail et d’association des salariés aux résultats de l’entreprise.
Récompenser le travail, c’est aussi avoir la lucidité de voir à quel point, dans certains services publics – je pense aux hôpitaux –, les économies qui ont été demandées depuis des années ont pu provoquer des difficultés, des blocages, voire des souffrances de certains personnels. Le plan pour l’hôpital public qui a été annoncé par le Premier ministre, d’une ampleur inédite, vise précisément à mieux récompenser le travail de ce personnel hospitalier auquel nous devons tant. Des primes seront donc versées pour soutenir le personnel hospitalier : 100 euros nets par mois dès 2020 pour les aides-soignants exerçant auprès des personnes âgées, 800 euros nets de prime annuelle pour les 40 000 infirmiers et aides-soignants vivant à Paris et dans sa proche banlieue, 300 euros de prime annuelle distribués directement par les hôpitaux.
Nous avons également accepté, avec le ministre des comptes publics, de reprendre une partie de la dette des hôpitaux, ce qui va permettre de dégager des moyens supplémentaires pour que les hôpitaux publics puissent, soit assainir leur situation financière, soit investir dans des travaux du quotidien indispensables à leur fonctionnement.
Pour financer ces baisses d’impôt, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales, et ce après de longues consultations qui ont permis de trouver des points d’équilibre avec les professions concernées.
Je prends l’exemple de l’avantage accordé au gazole non routier : il sera supprimé non plus en un an, mais en trois ans ; la première hausse interviendra non pas au 1er janvier 2020, mais au 1er juillet 2020, de façon à laisser aux professionnels le temps de s’adapter. Ceux-ci auront droit, en outre, à un certain nombre de compensations que nous mettrons en œuvre : clause générale de révision des prix, mécanisme de suramortissement destiné à leur permettre d’acquérir du matériel moins polluant, augmentation de l’avance aux PME, qui sera portée de 5 % à 10 %, et inscription des travaux d’entretien de réseaux des collectivités territoriales dans la liste des dépenses éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.
Toutes ces compensations répondent à des semaines de discussions avec les professionnels concernés par la suppression de cet avantage fiscal.
Deuxième niche que nous réduirons : le mécénat d’entreprise.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Grave erreur !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous voulons l’encadrer. Nous avons donc baissé le taux de défiscalisation de 60 % à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros, ce qui ne concerne, je le rappelle, que 78 grandes entreprises.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Pour combien de bénéficiaires, monsieur le ministre ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Chaque fois que nous proposons une économie de dépense publique, l’opposition nous explique que c’est une erreur… J’aimerais simplement qu’elle nous fasse des propositions aussi volontaristes que les mesures que nous prenons.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Supprimez les agences de l’eau, les agences régionales de santé, ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires, ce bidule !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le troisième dispositif que nous modifions est l’avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique. Cet avantage sera plafonné, ce qui permettra de réaliser une économie de 400 millions d’euros dès 2020. Ce plafonnement est proposé dans le cadre du PLFSS.
Voilà les économies de dépense publique que nous faisons ! Cependant, je constate que, chaque fois que nous mettons en œuvre de telles économies, tous ceux qui les réclament par ailleurs votent contre, ce que je trouve regrettable. Le sens des responsabilités devrait les conduire à voter les réductions de dépense publique qui financent les baisses d’impôt qu’attendent tous les Français !
Le troisième point est logique vu ce que je viens de dire : c’est le rétablissement de nos finances publiques. Nous avons engagé, avec Gérald Darmanin, depuis trois ans, le rétablissement des finances publiques françaises. Nous étions en procédure pour déficit excessif ; nous ne le sommes plus.
M. Jérôme Bascher. Ça va venir !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous étions au-dessus des 3 % de déficit public ; nous sommes au-dessous : 2,2 % en 2020. C’est le déficit public le plus bas depuis vingt ans – les chiffres sont têtus !
M. Jean-François Husson. Il n’y a pas que les chiffres !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ces chiffres montrent que nous rétablissons nos finances publiques : nous stabilisons la dette et nous baissons le déficit public.
Certains diront, à juste titre, que nous le faisons à un rythme qui est plus lent que ce qui était prévu. C’est vrai ! Mais je pense qu’il est raisonnable d’adapter le rythme du rétablissement des finances publiques tant à la conjoncture internationale qu’à la situation sociale du pays.
Nous ne perdons pas le fil de notre politique, qui vise à rétablir les finances publiques françaises. Nous rétablirons les finances publiques françaises ! Mais on ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu une crise sociale majeure dans notre pays. On ne peut pas faire comme si des millions de Français n’avaient pas réclamé une amélioration de leurs conditions de vie. Et on ne peut pas faire comme si n’existait pas la crise internationale qui a mené à un ralentissement profond de la croissance mondiale, aux États-Unis comme dans la zone euro !
Ces objectifs seront donc tenus d’ici à la fin du quinquennat, et nous conjuguerons politique de l’offre pour l’innovation et l’investissement, meilleure rémunération du travail et rétablissement de nos finances publiques. Je crois profondément que c’est l’alliance de ces trois objectifs qui permettra à la France de rester dans la situation où elle est, celle d’une des économies les plus vaillantes de la zone euro. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire tout le plaisir que j’ai à vous retrouver, pour la troisième année consécutive – l’amour dure trois ans, monsieur le rapporteur général (Sourires.) –, pour vous présenter le projet de budget pour 2020 avec M. le ministre de l’économie et des finances.
La politique fiscale et économique conduite sous l’autorité du Président de la République lors de ces deux derniers exercices budgétaires a permis d’obtenir des résultats importants : le chômage a baissé continuellement, la croissance est restée dynamique, bien plus que celle de nos voisins, le pouvoir d’achat des Français a crû de façon inédite et les impôts ont baissé comme jamais au cours d’un mandat d’un Président de la Ve République. Ces résultats, nous les devons en partie à notre politique économique, à notre conviction en matière de maîtrise des dépenses publiques et à la transformation structurelle de nos politiques publiques, qui nous ont permis de réduire à la fois nos impôts et nos déficits.
Les résultats sont là ; ils sont incontestables.
Ainsi, 40 milliards d’euros de dépenses publiques auront été évités entre 2017 et 2020. Je rappelle que, en 2017, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, les dépenses publiques représentaient 55 % du PIB ; nous en sommes désormais à 53,4 % du PIB : 1,6 point de dépenses publiques en moins, donc.
Rien qu’en 2020, les impôts baisseront de plus de 9 milliards d’euros pour les ménages et de 1 milliard d’euros pour les entreprises.
Le déficit public aura baissé de près d’un tiers entre son estimation par la Cour des comptes dans son rapport sur la gestion du gouvernement précédent, au lendemain de notre arrivée – 3,4 % du PIB –, et 2020. Le budget présenté par le Gouvernement prévoit un déficit de 2,2 % du PIB : 1,2 point de déficit en moins, donc.
Pour la première fois depuis dix ans, la dette publique baisse, très légèrement certes – la décrue est de 0,1 point –, après une stagnation, sachant que nous réalisons la sincérisation de la dette de la SNCF, qu’aucun gouvernement n’avait voulu engager.
Après 2018 et 2019, nous sommes déterminés à maintenir le cap sur le front de notre politique économique comme sur nos objectifs de finances publiques. L’ampleur inédite de la réponse que nous avons apportée à l’urgence économique et sociale nous conduit sans doute à faire des modifications, mais sans changer de cap.
Je voudrais d’ailleurs souligner la sincérité avec laquelle nous présentons désormais les comptes de la Nation – cette sincérité est saluée par l’ensemble des observateurs. Nous avons fait, en y étant très attentifs, les économies de gestion qu’il fallait ; je salue, à ce propos, l’accord auquel sont parvenus le Sénat et l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion d’un projet de loi de finances rectificative qui n’était que de fin de gestion, sans aucun article fiscal, donc sans aucune augmentation d’impôt – le Sénat, qui demandait depuis bien longtemps qu’il en soit ainsi, l’a noté.
Alors que le Président de la République a annoncé, au lendemain du grand débat, des dépenses ou des recettes supplémentaires ou en moins, avec d’évidentes conséquences macroéconomiques, nous avons réussi – le PLFR est là pour en témoigner – à faire par ailleurs les économies nécessaires pour tenir le déficit antérieurement prévu. Cela prouve à la fois le dynamisme de notre économie et la sincérité des comptes que présente le Gouvernement à la représentation nationale.
Cela fait deux fois, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement ne présente pas de décret d’avance, fait exceptionnel : ce n’était jamais arrivé depuis la promulgation de la LOLF. Le décret d’avance était une mauvaise habitude, relevant soit de l’insincérité budgétaire soit du défaut d’autorisation parlementaire. Vous avez vous-mêmes fait preuve, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de la réunion de la CMP sur le PLFR, de l’indépendance qui sied à la fonction parlementaire, en rouvrant et en fermant des crédits, ce qui montre qu’il nous est possible de travailler ensemble dans un climat de confiance, malgré les différences politiques qui nous séparent.
Au cours du quinquennat, 27 milliards d’euros d’impôts auront été rendus aux ménages, 13 milliards d’euros aux entreprises.
M. le ministre de l’économie l’a évoqué, il y aura une baisse sans précédent de l’impôt sur le revenu, de 5 milliards d’euros, conformément à la promesse du Président de la République.
Sous les vivats, sans doute, de la majorité sénatoriale, grâce au prélèvement à la source, qui fut un succès, et grâce au travail de l’administration fiscale, les Français verront dès le mois de janvier prochain cette baisse d’impôt sur leur feuille de salaire ou leur bulletin de pension. Cette baisse bénéficiera en priorité aux 12 millions de foyers fiscaux imposables dans la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, dont le taux passera de 14 % à 11 %, pour un gain moyen de 350 euros. Mais ses effets iront bien au-delà de ces 12 millions de foyers : près de 17 millions de foyers, soit 95 % de la population imposable, connaîtront une baisse d’impôt sur le revenu dès le mois de janvier.
C’est également l’année prochaine que sera définitivement supprimée la taxe d’habitation sur la résidence principale pour 80 % des Français. Le présent projet de loi de finances prévoit la suppression complète de la taxe d’habitation et sa compensation pérenne et à l’euro près ; le Gouvernement a donc tenu sa parole.
J’ai chargé Olivier Dussopt de défendre les articles en question devant la représentation nationale ; il évoquera avec vous cette transformation très importante de la fiscalité locale. De nombreux amendements ont été déposés par les sénateurs sur cette question ; c’est bien normal venant de la chambre qui représente les collectivités territoriales. Personne, dans la République française, n’avait jamais supprimé un impôt de 22 milliards d’euros ; c’est ce qu’aura fait le Président de la République !
Il s’agit d’une réforme historique, vous le savez, et j’imagine que nous prendrons le temps, au Sénat, comme nous l’avons fait à l’Assemblée nationale, d’en discuter, afin d’acter enfin cette réforme importante et définitive.
Nous baissons les impôts, mais nous ne baissons pas la garde. Le Gouvernement, depuis le début du quinquennat, s’est fixé des priorités, et il s’y tient, en apportant des moyens budgétaires à la hauteur des défis, à commencer par l’accélération de la transition écologique.
Les crédits alloués à la transition écologique et aux transports augmenteront de 3 milliards d’euros sur le quinquennat et de 800 millions d’euros dès 2020, et la trajectoire prévue par la loi d’orientation des mobilités sera respectée. De grands projets seront financés ; j’aurai d’ailleurs le plaisir, demain – je m’excuse par avance de m’absenter ainsi quelques heures du débat budgétaire, mais ce sera le tour du ministre de l’économie et des finances de débattre avec vous –, de signer la convention financière relative à la construction du canal Seine-Nord Europe. Ce chantier compte parmi les engagements financiers pris par ce gouvernement quand d’autres, malgré beaucoup de paroles, n’ont jamais donné le premier coup de pelle dans ce genre de travaux.
Le crédit d’impôt pour la transition énergétique sera recentré et, conformément à l’engagement pris pendant la campagne présidentielle, transformé en prime contemporaine. C’est très important pour le déclenchement des travaux : avec le crédit d’impôt, ceux qui avaient peu de trésorerie devaient attendre que l’argent arrive sur leur compte et, souvent, les travaux n’étaient pas déclenchés. La prime est un dispositif plus juste – nous concentrerons ainsi cette politique publique sur les ménages les plus modestes, les classes populaires et moyennes – et plus efficace : davantage de travaux seront déclenchés, notamment là où ils étaient le plus nécessaire. Plus on est pauvre, en effet, moins on a de revenus, et plus le logement est une passoire énergétique.
La transformation du CITE est très importante, mais c’est une mesure one-off – pardon d’utiliser ce mot anglais déjà employé à propos du CICE. Elle explique une partie du ressaut budgétaire et sera accomplie en deux fois. La prime sera donc plus efficace que ne l’était le crédit, plus généreuse pour les ménages les plus modestes, plus contemporaine ; autrement dit, elle s’inscrit dans le programme présidentiel.
Nous accompagnons par ailleurs le retour à l’emploi et protégeons les plus vulnérables. L’augmentation de la prime d’activité se poursuit : 4 milliards d’euros d’augmentation entre 2018 et 2022. À la fin du quinquennat, la prime d’activité aura presque atteint les 9 milliards d’euros, contre 3,5 milliards d’euros lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités. Cette prestation sociale vise à augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent : 100 euros de pouvoir d’achat supplémentaire au niveau du SMIC, telle était la promesse du Président de la République au lendemain du grand débat ; cette promesse sera tenue.
La prime exceptionnelle annoncée l’année dernière par le Président de la République sera reconduite, assortie d’une promotion des dispositifs d’intéressement qu’a évoqués M. le ministre de l’économie et des finances. Le lien que le ministre a noué, dans le cadre de la loi Pacte, entre le capital et le travail se trouve ainsi renforcé – vieille idée gaulliste positive pour le salariat français.
Pour la clarté des débats, l’ensemble du dispositif figurera, lorsque le Sénat souhaitera l’examiner, dans le PLFSS, mais il comportera bien une exonération fiscale en plus de l’exonération de cotisations sociales.
L’allocation aux adultes handicapés sera revalorisée de 1,3 milliard d’euros sur le quinquennat ; le minimum contributif fera également l’objet d’une revalorisation, et nous poursuivrons la montée en puissance du plan Pauvreté. Nous allons améliorer le recouvrement des pensions alimentaires, comme s’y est engagé le Président de la République, afin d’être au rendez-vous de la solidarité nationale auprès de ces femmes, notamment, dont l’ex-conjoint ne paie pas la pension. Quant aux pensions les plus modestes, elles seront indexées sur l’inflation, jusqu’à 2 000 euros.
Nous poursuivons en outre le réarmement régalien de l’État.
Les crédits de la mission « Défense » augmentent de 1,7 milliard d’euros, conformément à la loi de programmation militaire.
Les crédits du ministère de la justice augmentent également, conformément à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, afin notamment de créer des équivalents temps plein.
Le ministère de l’intérieur aura bénéficié de la création de 10 000 emplois de policiers et de gendarmes sur le quinquennat, l’année 2020 représentant évidemment, en la matière, une césure, conformément à la trajectoire définie dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Les crédits dévolus au ministère de l’intérieur augmentent d’une manière inédite, de plus de 2 milliards d’euros, le nouveau protocole salarial prévoyant enfin la rémunération des heures supplémentaires des policiers.
Nous préparons l’avenir. Les crédits du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse augmentent de 2,6 milliards d’euros, finançant le dédoublement des classes et la limitation à vingt-quatre élèves par classe, qui comptaient parmi les annonces faites à l’issue du grand débat, mais aussi le déploiement du service national universel, la réforme sans précédent du baccalauréat et l’augmentation de 500 millions d’euros des crédits de la recherche. Nous poursuivons la mise en œuvre du programme d’investissements d’avenir en investissant dans les compétences, c’est-à-dire dans les hommes, comme dans les infrastructures. Ce budget est aussi le budget de l’investissement !
Nous poursuivons également nos efforts en matière de justice fiscale. De concert avec le Sénat, qui a beaucoup travaillé sur cette question, nous assumons de mener une action résolue contre la fraude et l’évasion fiscales.
Nous venons, grâce aux nouveaux outils de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, à la création desquels le Sénat a apporté une contribution particulièrement importante, de connaître des succès sans précédent. L’année 2019 sera l’année où la fraude fiscale aura été la plus combattue, avec des gains considérables pour les finances publiques.
J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail effectué par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui a permis d’aboutir, sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, à un texte commun à l’issue d’une CMP conclusive. Je pense en particulier à la fin du verrou de Bercy, dont on voit l’efficacité – 85 % de transmissions supplémentaires au parquet –, ou au plaider-coupable, qui nous a permis de régler des contentieux très importants avec les entreprises qui ne payaient pas le juste impôt dans notre pays.
Il faut désormais aller encore plus loin. À la demande du Premier ministre, j’ai saisi au bond la balle lancée par le Sénat en matière de lutte contre la fraude à la TVA applicable au e-commerce, fraude à la fois massive et méconnue.