Mme Françoise Laborde. Bien qu’il ne s’agisse pas du cœur du texte aujourd’hui en discussion, j’aurais souhaité que l’évolution de notre droit en matière d’inceste soit discutée de nouveau aujourd’hui, dans la continuité de mes propositions antérieures sur le sujet, notamment lors de l’examen du précédent projet de loi soutenu par Mme Schiappa.
Les violences sexuelles sont en effet une forme particulière de violence qui sévit parfois malheureusement au sein des familles.
L’ensemble de ces amendements vise notamment à renforcer la qualification pénale des actes incestueux sur mineurs en créant une infraction spécifique pour les viols et agressions sexuelles incestueux sur mineurs.
Il s’agissait de s’assurer que l’existence d’un acte incestueux d’un majeur sur un mineur de la même famille suffit à caractériser à elle seule la violence et la contrainte mentionnée à l’article 222-22 du code pénal, la notion de consentement en matière d’inceste n’ayant absolument aucun sens.
Ces dispositions visent à ce que tous les actes sexuels incestueux, entre un majeur et un mineur, soient considérés comme des viols ou des agressions sexuelles.
Le droit positif en matière d’inceste prend en compte les « ascendants et les personnes ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Ces nouvelles dispositions permettraient de prendre en considération non seulement les ascendants, mais aussi toutes les personnes mentionnées à l’article 222-31-1 du code pénal relatif à la qualification incestueuse des viols et agressions sexuelles.
De plus, il n’y aurait plus besoin de démontrer l’autorité de droit ou de fait, l’inceste sera qualifié et puni de façon automatique, par le constat de la filiation.
Cela étant, ayant compris que ce ne serait pas encore ce soir que nous pourrions discuter calmement et sereinement de ces sujets, et ayant surtout compris que mes amendements ne recueilleraient pas un avis favorable, je les retire tous.
Mme Annick Billon. Dommage !
M. le président. Les amendements nos 106 rectifié, 111 rectifié, 112 rectifié, 108 rectifié, 109 rectifié, 110 rectifié et 107 rectifié sont retirés.
L’amendement n° 115 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 223-6 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende dans l’un des cas suivants :
« a) Lorsque le crime ou le délit contre l’intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur ;
« b) Lorsqu’un mineur assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement étant dans la lignée des amendements précédents relatifs à la préservation des enfants au sein des couples dans lesquels sévit la violence, je ne me fais pas d’illusion sur le sort qui lui sera réservé ; je préfère par conséquent le retirer.
M. le président. L’amendement n° 115 rectifié est retiré.
Chapitre III
De l’accès au logement
Article 7
I A. – A titre expérimental et pour une durée de trois ans, par dérogation à l’article L. 442-8 du code de la construction et de l’habitation, les organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du même code peuvent louer, meublés ou non, des logements à des organismes déclarés ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire aux personnes victimes de violences attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil.
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, est institué, sur l’ensemble du territoire national, un dispositif d’accompagnement adapté afin notamment d’accompagner le dépôt de garantie, les garanties locatives, les premiers mois de loyer et ainsi de faciliter le relogement des victimes de violences attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil.
Cet accompagnement se déclenche à la demande de la victime, et sous conditions de ressources, au moment où elle cesse, y compris de son propre chef, de jouir effectivement du logement conjugal ou commun.
II. – Les I A et I du présent article entrent en vigueur à l’issue d’un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation prévue aux I A et I du présent article, le Gouvernement remet au Parlement un rapport destiné à en évaluer la pertinence.
III bis, IV et V. – (Supprimés)
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 127, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’article L. 442-8-2 du code de la construction et de l’habitation est applicable aux sous-locataires bénéficiant de cette expérimentation.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. C’est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 7 bis
Le second alinéa de l’article L. 441-2-2 du code de la construction et de l’habitation est complété par les mots : « , sauf lorsque le membre du ménage candidat à l’attribution bénéficie ou a bénéficié d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 7 bis
M. le président. Les amendements nos 67 rectifié bis, 66 rectifié, 40 rectifié bis et 44 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Article 7 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mme Giudicelli, MM. Sido, Laménie, Duplomb, Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le quatrième alinéa du III de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements faisant l’objet d’une réservation par le représentant de l’État dans le département, celui-ci peut s’engager à proposer prioritairement et en urgence des logements à des personnes victimes de violences commisses au sein du couple. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Adopté en séance à l’Assemblée nationale contre l’avis de la commission et du Gouvernement, l’article 7 ter prévoyait d’améliorer le dispositif du logement d’urgence en demandant aux préfets d’identifier des logements de droit commun pour attribution en urgence aux femmes victimes de violences.
Au-delà d’être dépourvu de toute portée normative, cet article semblait être doublement satisfait à la fois par l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation qui dispose déjà que les femmes victimes de violences font partie des publics prioritaires pour l’attribution d’un logement locatif social et par l’expérimentation prévue à l’article 7 de la présente proposition de loi permettant de mettre rapidement des logements à disposition pour les femmes victimes de violences.
La commission des lois a donc procédé à sa suppression.
En effet, la sensibilisation des préfets passe essentiellement par les circulaires comme celle du 8 mars 2017 relative à l’accès au logement des femmes victimes de violences ou en grande difficulté.
Néanmoins, afin de renforcer cette obligation et de maintenir le bon signal souhaité par les députés, il est proposé de rétablir les dispositions de cet article en les inscrivant dans le code de la construction et de l’habitation sur le même modèle que celles qui bénéficient à d’autres publics cibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’article 7 ter, supprimé par la commission, était dépourvu de toute portée normative et déjà satisfait par le droit en vigueur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié est retiré et l’article 7 ter demeure supprimé.
Chapitre IV
Du téléphone grave danger
Article 8
L’article 41-3-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’attribution peut être sollicitée par tout moyen. » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le dispositif de téléprotection ne peut être attribué qu’en l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des violences et :
« 1° Soit lorsque ce dernier a fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté ;
« 2° Soit en cas de danger avéré et imminent, lorsque l’auteur des violences est en fuite ou n’a pas encore pu être interpellé ou lorsque l’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans l’un des cadres prévus au 1° n’a pas encore été prononcée. »
M. le président. Les amendements nos 68 rectifié, 80 rectifié et 88 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
(Suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 9
M. le président. Les amendements nos 72 rectifié, 73 rectifié, 74 rectifié, 93 rectifié, 94 rectifié, 95 rectifié et 96 rectifié ne sont pas soutenus.
Chapitre V
Dispositions diverses
Articles additionnels avant l’article 10 A
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 12 rectifié quinquies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon et Canevet, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« De l’identité d’emprunt
« Art. 706-.… – En cas de risque d’une particulière gravité pour l’intégrité physique de la victime ou d’un ou plusieurs enfants, la victime a le droit d’obtenir une identité d’emprunt. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Aujourd’hui, certaines victimes de violences conjugales sont dans l’incapacité de se soustraire à leur agresseur, et ce alors même qu’il a été condamné, ce dernier continuant de faire peser des menaces sur son conjoint ou ex-conjoint et sur ses enfants. Cet amendement vise donc à assouplir les modalités de changement d’identité, afin de prendre en compte la situation particulièrement éprouvante des victimes de violences conjugales dont le cas ne semble pas entrer dans les critères actuels de changement de nom pour motif légitime.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par Mmes Billon, Puissat, Eustache-Brinio et L. Darcos, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Malet, Vérien et Kauffmann, M. Laménie, Mmes Blondin, A.M. Bertrand, Létard, Rossignol et Meunier et M. Courteau, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur la possibilité, pour les victimes de violences conjugales, de changer de nom à l’état civil, afin de les protéger de l’auteur de violences ayant fait l’objet d’une condamnation, y compris lorsque celui-ci est incarcéré.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu. Il s’agit d’une demande de rapport. J’espère que Mme la rapporteur se montrera bienveillante…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 12 rectifié quinquies vise à ce que la victime qui court des risques d’une particulière gravité pour son intégrité physique puisse bénéficier d’une identité d’emprunt. J’ai tendance à voir dans cet amendement un amendement d’appel dans la mesure où il pose un principe sans préciser quelle serait l’autorité compétente ni la procédure à suivre pour en bénéficier. Je m’interroge également sur le champ visé par cet amendement : si l’objet mentionne les victimes de violences conjugales, le dispositif fait référence aux victimes sans autre précision, ce qui est beaucoup plus large.
Actuellement, l’identité d’emprunt peut bénéficier à des personnes victimes d’un réseau de proxénétisme ou de traite des êtres humains ou à des repentis qui ont empêché la réalisation d’un crime ou d’un délit. Ces personnes peuvent craindre des représailles de la part de criminels agissant en bande organisée.
Il est vrai que certaines victimes de violences conjugales peuvent redouter d’être victimes de représailles de la part de leur conjoint, notamment au moment du dépôt de plainte. Il nous semble cependant que le bracelet anti-rapprochement leur offre une protection plus appropriée que le recours à une identité d’emprunt, qui doit rester exceptionnel, et qui impose à la victime un changement de vie qu’il convient d’éviter.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Billon, les amendements nos 12 rectifié quinquies et 5 rectifié quater sont-ils maintenus ?
Mme Annick Billon. Non, je les retire, monsieur le président. J’imagine, madame la garde des sceaux, que les groupes de travail vous feront des propositions dans ce sens.
M. le président. Les amendements nos 12 rectifié quinquies et 5 rectifié quater sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14 rectifié quinquies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon, Moga et L. Hervé, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-…. – Les personnes victimes de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin qui mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, peuvent, si elles le demandent ou sur proposition de l’établissement de santé, bénéficier de l’anonymat au moment de l’admission.
« Les personnes ayant bénéficié d’un traitement dans les conditions prévues au premier alinéa peuvent demander au médecin qui les a traitées un certificat nominatif mentionnant les dates, la durée et l’objet du traitement. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit de protéger les victimes de violences de la part d’un conjoint ou ex-conjoint en leur permettant de demander l’anonymat lors de leur admission à l’hôpital. La finalité est d’empêcher leur agresseur de les retrouver. Cet amendement est déjà satisfait par la possibilité pour tout patient de demander la non-divulgation de sa présence à l’hôpital. Cette demande peut être faite lors des formalités administratives à l’accueil ou dans le service d’hospitalisation lors de l’admission. L’obligation de discrétion professionnelle qui s’impose aux professionnels de santé doit suffire à protéger la personne qui ne veut pas que sa présence à l’hôpital soit connue. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 14 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Mme la rapporteur parle de discrétion. S’il existe des accouchements sous X, c’est bien que la discrétion ne suffit pas ! Certes, les cas sont différents, mais les femmes victimes de violences sont parfois en danger de mort. L’hospitalisation sous X permettrait de les protéger. Nous devons avoir une réflexion sur ce sujet. Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement d’appel.
M. le président. L’amendement n° 97 rectifié n’est pas soutenu. Par conséquent, le sous-amendement n° 129 n’a plus d’objet et l’article 10 A demeure supprimé.
Article 10 B
(Supprimé)
M. le président. Les amendements nos 38 rectifié et 98 rectifiés ne sont pas soutenus, et l’article 10 B demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 10 B
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mme Giudicelli, MM. Poniatowski, Sido, Laménie, Lefèvre, Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 223-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide de son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas, ou de son ancien conjoint ou concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Dans les restitutions du groupe de travail « violences psychologiques » du Grenelle des violences conjugales, il est proposé de créer une incrimination du suicide forcé comme circonstance aggravante.
Le code pénal prévoit que le fait de provoquer le suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide.
Il est proposé de porter ces peines à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque la provocation a conduit au suicide de son conjoint ou ex-conjoint.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à aligner la peine encourue dans le cas d’une provocation suivie du suicide du conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité sur celle qui est prévue pour le suicide d’un mineur.
Il s’agit de répondre aux cas de suicides forcés. Cependant ce n’est pas nécessairement par la provocation directe au suicide que la victime est poussée à l’acte, mais tout aussi bien par le harcèlement moral. Il n’est donc pas sûr que cet amendement atteigne l’objectif visé. J’en demande par conséquent le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 49 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 99 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Puissat, Eustache-Brinio, L. Darcos, Malet et Vérien, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat et Kauffmann, M. Laménie, Mmes A.M. Bertrand, Létard et Meunier et M. Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur l’opportunité d’introduire le crime de féminicide dans le code pénal, pour réprimer de façon spécifique le meurtre ou l’assassinat du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, y compris en l’absence de cohabitation, indépendamment de l’article 221-4 du code pénal punissant de la réclusion criminelle le meurtre commis sur le conjoint, le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à lancer la réflexion sur l’introduction du crime de féminicide dans le code pénal. Ce terme est entré dans le langage commun, comme le montre le Petit Robert, qui, depuis 2015, le définit comme « le meurtre d’une femme en raison de son sexe ».
Pourquoi susciter une réflexion sur la prise en compte de cette notion dans le code pénal ?
Le meurtre d’une femme par son compagnon est un crime spécifique pour diverses raisons.
Tout d’abord, il relève d’une vision de la femme considérée comme la propriété de son compagnon, qui ne supporte pas qu’elle le quitte, voire l’idée même qu’elle puisse lui échapper.
Ensuite, le meurtre d’un conjoint peut avoir des conséquences terribles sur plusieurs générations.
S’il peut être perpétré par une femme sur un homme, on sait qu’une telle circonstance est extrêmement rare et que les victimes de mort violente au sein des couples sont, dans leur immense majorité, des femmes.
J’ai peu d’espoir quant au sort de cet amendement, mais j’attends l’avis de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’introduction du crime de féminicide dans le code pénal.
Nous sommes traditionnellement réservés face aux demandes de rapports, qui ne sont pas toujours remis ou dont le contenu est décevant. Nous considérons de plus que le Parlement a les moyens de se saisir d’un sujet qu’il souhaite approfondir, en confiant à l’une de ses commissions ou délégations le soin de rédiger un rapport d’information.
En l’espèce, le rapport porterait sur l’introduction dans le code pénal d’un crime de féminicide. Si l’emploi du terme « féminicide » me paraît acceptable dans le cadre d’un discours politique ou militant, je suis très réservée sur l’opportunité d’introduire ce mot dans le code pénal.
Alors que ce dernier est devenu de plus en plus complexe au fil des ans, je ne crois pas qu’il soit opportun de le compliquer encore davantage en introduisant une nouvelle notion, qui reviendrait à opérer une distinction selon que le meurtre du conjoint a été effectué par un homme ou par une femme.
J’observe qu’aucune des personnes que j’ai entendues n’a fait état d’un vide juridique qui empêcherait de sanctionner avec toute la sévérité requise le meurtre ou l’assassinat d’une femme par son conjoint. Je rappelle en outre que le code pénal permet déjà d’individualiser la peine puisqu’il fixe des peines maximales, ce qui permet de tenir compte des circonstances propres à chaque affaire.
Pour désigner le meurtre de l’épouse par son conjoint, le terme « uxoricide » existe déjà, mais il n’est que peu usité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne suis pas non plus favorable par principe à la multiplication des rapports. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
Toutefois, madame la sénatrice, la question de fond que vous posez soulève un débat complexe. J’ai eu l’occasion de dire que j’étais très favorable à l’utilisation du terme « féminicide » dans le langage courant. Faut-il introduire pour autant ce mot dans le code pénal ? Ce sujet mérite réflexion.
On le sait, notre code pénal réprime déjà de façon spécifique et aggravée les meurtres commis à l’encontre de femmes, que l’on pourrait donc sociologiquement qualifier de féminicides. C’est le cas des meurtres qui sont commis en raison du sexe de la victime, commis au sein du couple, commis après un viol, une agression sexuelle ou une mutilation sexuelle, ou commis en raison d’un refus de mariage forcé par la victime.
Dans l’hypothèse d’une aggravation de la répression, faut-il qualifier ces crimes de féminicides ?
Une telle réforme serait évidemment sans portée juridique, dans la mesure où la qualification de féminicide n’emporterait pas une aggravation de la peine encourue puisque le meurtre commis par le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS est déjà puni de la réclusion criminelle à perpétuité. Je rappelle d’ailleurs que la notion de parricide a été supprimée lors de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, et que celle d’infanticide n’a jamais été consacrée par la loi pénale.
Enfin, cela pourrait être perçu comme une discrimination portant atteinte au caractère universaliste de notre droit. Il faudrait par ailleurs être suffisamment précis dans la définition juridique du concept, afin d’éviter des difficultés similaires à celles qui ont présidé à la reconnaissance de l’inceste pour laquelle, vous le savez, le Parlement a dû légiférer à deux reprises, en 2010 puis en 2016, à la suite de l’annulation des dispositions en cause par le Conseil constitutionnel.
Autrement dit, je suis extrêmement favorable, je le répète, à l’utilisation du terme « féminicide » dans le langage courant, mais je pense qu’introduire ce mot dans le code pénal soulèverait des difficultés. Tout cela mériterait évidemment un travail très approfondi pour voir ce que l’introduction d’une telle notion emporterait comme conséquence. En tout état de cause, je vous remercie d’avoir ouvert ce débat.