M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 7 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. J’avais essayé de fausser les cartes en parlant de réflexion et non de rapport…
Je l’ai souligné dans le cadre de la discussion générale, on parle souvent de crimes passionnels, ce qui tend à amoindrir l’acte. Le terme « féminicide » me paraissait donc de ce point de vue plus clair. Le débat méritait d’être ouvert ce soir, même si nous sommes assez peu nombreux. Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 77 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 90 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 10 rectifié sexies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité pour le Gouvernement d’autoriser, à titre expérimental, les personnes ayant formulé une demande d’ordonnance de protection à déroger à la condition de ressources prévue par l’article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu, tout comme l’amendement n° 11 rectifié sexies. Je suis impatiente d’entendre l’avis de la commission et du Gouvernement sur ces demandes de rapports, car l’aide juridictionnelle est un sujet important pour les victimes d’agression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 10 rectifié sexies tend à la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’octroi de plein droit de l’aide juridictionnelle aux demandeurs d’une ordonnance de protection. C’est effectivement un sujet très important.
En effet, aujourd’hui le juge aux affaires familiales peut accorder l’admission provisoire de la victime à l’aide juridictionnelle. En pratique la victime n’en bénéficie qu’à compter de la délivrance de l’ordonnance de protection, alors qu’elle en aurait besoin dès le stade de la demande. La saisine par assignation, qui est plus rapide, a un coût. Certaines victimes n’ont pas les moyens de le financer.
Dans ces conditions, l’octroi de plein droit de l’aide juridictionnelle aux demandeurs d’une ordonnance de protection me semble une idée intéressante pour accélérer le délai de délivrance de l’ordonnance de protection.
Mais je ne suis pas favorable – vous vous en doutez – à une énième demande de rapport. Je préférerais que le Gouvernement agisse directement sur le sujet et nous dise ce qu’il compte faire. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ai eu l’occasion de le dire à de très nombreuses reprises, je suis fondamentalement attachée à la question de l’aide juridictionnelle. Il est en effet essentiel que nous puissions aider les femmes victimes de violences conjugales à déposer plainte, à demander l’ordonnance de protection ou à entreprendre toute autre démarche qui pourrait être utile.
Il y a plusieurs manières de les aider financièrement.
Soit nous considérons que toute femme qui dépose une plainte ou va devant une juridiction pour obtenir réparation de son préjudice ou protection bénéficie, de manière automatique, de l’aide juridictionnelle. Mais cela pose un problème de cohérence par rapport à d’autres situations qui encourent le même niveau de peine. Sauf à considérer, bien sûr, que la spécificité du préjudice est telle – c’est par exemple le cas pour les crimes terroristes – qu’elle justifie de manière automatique l’obtention de l’aide juridictionnelle.
Soit il faudrait systématiquement dans les tribunaux des avocats effectuant des permanences, et qui seraient en capacité de répondre immédiatement à ces femmes et de suivre leurs dossiers.
Je suis actuellement en train d’explorer ces pistes avec deux députés – Philippe Gosselin, du groupe Les Républicains, et Naïma Moutchou, du groupe LaREM – qui ont rendu un rapport sur ce sujet. J’ai promis que nous aboutirions à une solution sur cette question de l’aide juridictionnelle dans l’une ou l’autre des formes que je viens d’évoquer avant le 25 novembre. Je suis désolée de vous renvoyer de nouveau à cette échéance, mais j’ai pris cet engagement devant l’Assemblée nationale où nous avons également évoqué ce sujet sous d’autres aspects lors de l’examen du budget de la justice.
M. le président. Madame Billon., l’amendement n° 10 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président, ainsi que d’ores et déjà l’amendement n° 11 rectifié sexies.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié sexies est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 100 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 11 rectifié sexies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon, Moga et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité pour le Gouvernement d’autoriser, à titre expérimental, les victimes ayant déposé plainte pour les infractions d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique et psychique et à la dignité humaine commises au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettant en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, de bénéficier de l’aide juridictionnelle dès le dépôt de plainte, conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Cet amendement a déjà été défendu puis retiré.
Article 10
(Suppression maintenue)
M. le président. L’amendement n° 34 n’est pas soutenu et l’article 10 demeure supprimé.
Article 11
(Suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié n’est pas soutenu.
Article 12
I. – Les articles 1er, 1er bis, 2 et 2 bis de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à agir contre les violences au sein de la famille, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
III. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à agir contre les violences au sein de la famille, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
M. le président. L’amendement n° 128, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie
par les mots :
et en Polynésie française
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du pays du 20 janvier 2012 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’État en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial, la collectivité de Nouvelle-Calédonie est compétente en matière civile. Il n’est donc pas justifié de prévoir que les articles 1er à 2 bis, relatifs au droit civil, s’appliquent dans cette collectivité.
Le présent amendement vise donc à modifier en conséquence l’article 12.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. L’examen de la proposition de loi d’Aurélien Pradié et de plusieurs de ses collègues de l’Assemblée nationale s’achève dans des conditions quelque peu particulières. Je pense très sincèrement que le Sénat a amélioré le texte : je veux féliciter la commission et notre rapporteur pour leur travail.
Malgré tout, nous aurions peut-être pu aller plus loin. Madame la garde des sceaux, vous aviez fait preuve à l’Assemblée nationale d’un véritable esprit d’ouverture, que j’avais salué lors de la discussion générale. Avouez que le nouvel agenda dont nous avons pris connaissance hier et les propos tenus à l’Assemblée nationale ont tendu nos débats ! Certains en ont profité pour créer un incident de séance, mais comme le sujet ne le méritait pas, ce n’est pas ce que nous retiendrons.
Je voterai bien sûr cette proposition de loi, car elle me semble nécessaire dans le contexte de recrudescence des féminicides que nous avons évoqué à plusieurs reprises au cours de nos débats. Je ne crois pas que ce soit un « petit » texte, car, sur ces sujets, il ne peut pas y en avoir !
Je remercie de nouveau Aurélien Pradié de cette initiative qui était nécessaire. Nous savons que nous aurons d’autres débats sur la question, et certainement d’autres textes. Madame la garde des sceaux, je peux simplement regretter que l’on ne se soit pas engagé sur les pistes ouvertes par certains amendements pourtant tout à fait intéressants, et qu’après un temps d’ouverture, vous ayez manifesté la volonté de reprendre la main avec l’agenda gouvernemental, ce qui vous a amenée à rabattre quelque peu vos positions.
Cela étant dit, je terminerai en vous posant de nouveau la question que j’ai soulevée au début de l’examen de ce texte : quels moyens mettrez-vous en œuvre pour appliquer cette proposition de loi lorsqu’elle arrivera au terme de la discussion parlementaire ? Comme je l’ai déjà dit à la tribune, vous avez annoncé, le 29 octobre dernier, que vous feriez une annonce et que les crédits correspondants seront prévus.
Vous avez manifesté la volonté de soutenir cette proposition de loi. Celle-ci n’aura de sens que si vous inscrivez dans le projet de loi de finances pour 2020 les crédits correspondants, en particulier pour les téléphones grave danger et les bracelets anti-rapprochement. Je vous le disais précédemment, sur de tels sujets il ne peut y avoir ni ambiguïté ni effet d’annonce ; malgré l’heure tardive, je vous le répète avec force. Nous espérons que votre réponse nous permettra d’achever cette séance sur une note plus positive et d’oublier l’incident qui s’est produit.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. La discussion en séance a commencé dans un élan et avec une grande cohésion, puisque, s’agissant de cette proposition de loi, nous étions tous mobilisés autour du même objectif. Je regrette bien entendu l’incident de séance qui s’est produit et qui a perturbé l’examen des amendements et du texte.
Ce qu’il est important de retenir ce soir, c’est la prise de conscience qu’il est urgent d’agir et de qualifier les violences, mais aussi l’intérêt que portent tous les groupes à ce sujet, sur lequel ils avaient une position consensuelle.
Je regrette forcément les conditions dans lesquelles nous avons travaillé en amont, dans la précipitation, et ce soir, puisque cette fin de séance est relativement triste pour un texte qui aurait dû nous mobiliser, nous fédérer quelque peu.
Cette proposition de loi méritait mieux. Nous aurions pu, nous aurions dû, aller plus loin, ce que nous n’avons pas été capables de faire – je le regrette. Nous avons l’obligation d’avancer vite sur ces sujets. Madame la garde des sceaux, la délégation aux droits des femmes a conduit, depuis des années, de nombreux travaux, auxquels ont contribué des experts – ces travaux sont bien entendu à la disposition du Gouvernement.
Je veux le dire, le bracelet anti-rapprochement est une innovation importante, qui sera peut-être largement utilisée dans les années qui viennent. S’il fonctionne correctement, s’il démontre son efficacité, il pourra être élargi à d’autres publics. Marie Mercier était rapporteur de la mission d’information sur la pédocriminalité : imposer le port de ce bracelet aux pédophiles pourrait être une piste de réflexion. La tâche est encore lourde parce que lorsqu’on parle des femmes, on parle aussi des enfants. Nous n’avons pas terminé de travailler sur ces sujets.
Nous voterons donc ce texte. Je remercie la rapporteur de son travail.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour reprendre vos termes, monsieur Brisson, ce n’est pas un « petit texte » que vous venez, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter. Je crois au contraire que les dispositions qui ont été adoptées sont, à la fois, très novatrices – Mme Billon le rappelait – et, pour certaines d’entre elles, très délicates et complexes.
Le texte a fait l’objet d’un très large consensus à l’Assemblée nationale, ce qui n’a pas été tout à fait le cas dans cette enceinte, comme vous l’avez rappelé. On peut le regretter, mais cela témoigne finalement aussi de l’intérêt que vous portez à ces sujets et des différents ajouts que les uns et les autres ont souhaité y faire. De nombreux articles additionnels ont été insérés dans ce texte : une expertise approfondie sera sans doute nécessaire dans le cadre de la navette parlementaire pour affiner certaines propositions qui ont été adoptées.
Monsieur le sénateur, je veux répondre à votre interrogation sur les moyens. Je le dis clairement, nous avons besoin de trois types de moyens.
D’abord, des moyens humains, notamment pour les ordonnances de protection, afin qu’elles soient efficacement utilisées par les juges aux affaires familiales, mais également par les juges pénaux. Je vous rappelle que nous bénéficions chaque année de moyens supplémentaires grâce au vote du Parlement : ainsi, en 2020, nous aurons 100 magistrats, 284 greffiers et d’autres personnels qui accroîtront la capacité d’action des tribunaux.
Ensuite, nous avons besoin de moyens financiers, en particulier pour le bracelet anti-rapprochement. Comme j’ai pu le préciser à l’Assemblée nationale, d’après les évaluations que nous avons faites – la mise en place de ce bracelet suppose évidemment qu’un cahier des charges soit établi, qu’un appel d’offres soit lancé et que des marchés publics soient passés –, le coût pour 1 000 bracelets, pour commencer, est estimé à un peu plus de 5 millions d’euros.
Ce montant sera pris sur des crédits de report sur le programme de l’administration pénitentiaire, puisque c’est elle qui gère la surveillance électronique. Ces crédits seront inscrits en loi de finances rectificative.
Enfin, nous avons besoin de moyens matériels, notamment de téléphones grave danger qui constituent le troisième axe de ce texte. J’ai annoncé une augmentation de leur nombre, pour qu’il y en ait très prochainement 1 100 en circulation sur le territoire et que les juridictions puissent les donner avec plus d’aisance.
Ainsi, nous aurons les moyens de répondre aux exigences de la loi que vous venez d’adopter, ce qui est tout à fait essentiel puisqu’il s’agit effectivement non pas d’un « petit texte », mais d’une loi importante, qui devra l’être encore plus grâce à l’application que nous en ferons.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce débat et contribué à l’élaboration de ce texte. Ces sujets suscitent beaucoup de passion, mais nous constatons une véritable volonté de protéger les victimes, qui est notre but commun à tous.
De futurs débats nous permettront de revenir sur les nombreuses propositions intéressantes qui ont été formulées, notamment en matière d’autorité parentale, d’accueil des victimes et de prévention des violences. Il ne faut pas laisser l’impression que nous ne voulons pas faire bouger les choses pour les femmes. Les efforts doivent évidemment être poursuivis, car les femmes et les enfants le méritent : c’est tout l’enjeu d’une société apaisée qui sait protéger les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 12 novembre 2019 :
À neuf heures trente :
Trente-six questions orales.
À seize heures et le soir :
Projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 novembre 2019, à une heure trente-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication