M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Je voudrais avant tout, monsieur le sénateur Gold, vous prier d’excuser l’absence de Mme Gourault ; comme vous le savez, elle participe aujourd’hui au congrès de l’association des dirigeants commerciaux de France, à Nice.
Je tiens ensuite à vous remercier, ainsi que l’ensemble des membres de votre groupe. Je me souviens très bien comment, en juillet 2017, alors que Jacques Mézard était ministre de la cohésion des territoires, nous avons défendu dans cet hémicycle le projet de création de l’ANCT, que votre groupe avait porté au Parlement. Un grand débat s’est tenu ici même et à l’Assemblée nationale. J’en veux pour preuve les quelque 200 amendements adoptés sur cette proposition de loi.
Je voudrais être très clair dans ma réponse aux questions que vous me posez : tout l’esprit du texte initial doit être préservé et mis en application.
Très concrètement, cela signifie que, oui, l’ANCT interviendra comme soutien des territoires les plus fragiles, mais aussi en appui pour la mise en œuvre de grands projets de politiques publiques, tels que la revitalisation des centres-villes, les maisons France services, les territoires d’industrie, le plan France mobile, ou encore le plan France THD.
En outre, les communes et, plus généralement, les collectivités pourront saisir l’agence directement, via les interlocuteurs habituels que sont pour elles les préfets, qui seront les représentants de l’ANCT sur tous les territoires.
Cette agence est un outil de l’État au service des collectivités. Nous avions coutume, lors du débat préalable à sa création, d’expliquer que ce serait une agence de projets au service des collectivités. Elle doit le rester, et non former une strate supplémentaire du mille-feuille administratif.
Enfin, l’élaboration des textes réglementaires est bien en cours. Le décret que vous évoquez est examiné en ce moment même par le Conseil d’État. La part des collectivités dans les organes de gouvernance sera totalement assurée. Mme Gourault écrira dans les tout prochains jours aux associations d’élus pour avoir leur retour sur leurs représentants. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
devenir de la ligne perpignan-rungis
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports.
Monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons cessé, des mois durant, d’alerter le Gouvernement sur la situation de la ligne ferroviaire qui assurait, jusqu’à il y a peu, le transport de 400 000 tonnes de fruits et légumes entre Perpignan et le marché d’intérêt national de Rungis. Pourtant, le train a disparu !
Vous nous parlez d’urgence écologique, mais vous remettez sur la route 25 000 camions par an avec cette suppression ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous nous parlez d’amélioration de la sécurité routière et de la santé de la population, mais vous alimentez encore la surcharge des trajets domicile-travail avec ces véhicules additionnels et vous provoquez l’augmentation des nuisances, du stress, des ralentissements, de la pollution et des risques d’accident ! (Mêmes mouvements.)
Grâce aux mobilisations, notamment celle d’élus qui sont présents aujourd’hui dans cet hémicycle et dont je tiens à saluer l’action, un comité de pilotage a été tardivement, mais finalement, mis sur pied, qui regroupe tous les acteurs concernés.
Mes chers collègues, plus de quinze rencontres et visioconférences se sont tenues depuis mars 2019. Des élus, des acteurs économiques, des cheminotes et des cheminots, des citoyennes et des citoyens se sont mobilisés pour conserver ce mode de transport, le plus efficace économiquement et le plus écologique.
Monsieur le secrétaire d’État, vous engagez-vous, oui ou non, à ce que cette ligne soit rouverte dès le mois de novembre 2019 ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur Savoldelli, je voudrais tout d’abord rappeler les deux facteurs qui ont conduit à l’arrêt de la liaison ferroviaire entre Perpignan et Rungis.
En premier lieu, le volume de marchandises ainsi transportées a connu une réduction progressive, due – il faut le dire – à la dégradation de l’offre ferroviaire : je fais référence ici à des délais et à des annulations, mais aussi au fait que des wagons frigorifiques n’étaient plus dans l’état requis pour l’exploitation et laissaient des clients insatisfaits.
En second lieu, la demande même des clients a changé, notamment celle de la grande distribution. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Nous y voilà !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Rappelons que les deux tiers des marchandises qui arrivaient à la gare de Rungis étaient transbordés directement sur camions pour aller alimenter les centrales d’achat de la grande distribution. Celle-ci a elle-même favorisé des solutions de transport alternatives, directes, par camions.
Vous avez vous-même rappelé que, depuis le printemps dernier, le Gouvernement et la région Occitanie sont mobilisés pour trouver une solution pérenne. Cela exige d’abord de reconstruire l’offre ferroviaire. Mme Borne, lorsqu’elle était ministre chargée des transports, et moi-même avons demandé deux choses à la SNCF : améliorer les horaires et régénérer les wagons. Aujourd’hui, la moitié d’entre eux sont déjà réparés.
Vous avez eu raison d’évoquer la très grande mobilisation, notamment des acteurs syndicaux, en faveur de cette liaison.
Reste la question la plus sensible : comment remettre des marchandises dans les deux sens – j’insiste sur ce dernier point. Nous travaillons depuis plusieurs semaines avec les chargeurs et les affréteurs, avec la SNCF et, tout particulièrement, SNCF Réseau, avec le marché d’intérêt national de Rungis et le marché de gros de Perpignan, et, enfin, avec la région Occitanie, afin de rendre viable le modèle économique de ce train.
Quant au calendrier, objet de votre question, l’objectif est bien évidemment de faire rouler un train le plus tôt possible, mais vous n’êtes pas sans savoir que les intempéries des 22 et 23 octobre derniers ont endommagé de façon assez importante le réseau ferroviaire en Occitanie ; elles ont notamment conduit à l’arrêt des circulations entre Béziers et Sète. (Marques d’ironie sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle malchance !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Oui, c’est une réalité : vous conviendrez que les faits sont têtus !
En tout cas, soyez assuré que l’État est pleinement mobilisé aux côtés des acteurs que j’ai cités. Une réunion doit encore se tenir cette après-midi ; une autre demain. Je devrais être en mesure de vous annoncer très rapidement des mesures concrètes pour le retour à l’exploitation de ce train. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, répondez à mes collègues des Pyrénées-Orientales qui vous écrivent au sujet du sinistre qui affecte les réseaux de ce département.
Ensuite, un petit problème se pose : vous nous répétez sans cesse qu’il va y avoir une réponse, mais l’État a tout de même la responsabilité ! C’est vous qui décidez des infrastructures ! On est dans une situation de non-assistance écologique. Il est clair que le fret ferroviaire émet neuf fois moins de CO2 et consomme six fois moins d’énergie que le transport routier.
Depuis le mois de mars dernier, vous pourrissez la situation ! Vous avez été député, monsieur le secrétaire d’État, et vous nous avez vendu à ce titre la concurrence dans le transport ferroviaire. Ce dossier est enlisé depuis le mois de mars, et la concurrence n’apporte aucune réponse ! Elle n’est pas au rendez-vous écologique, elle n’est pas au rendez-vous social et elle n’est pas au rendez-vous économique !
M. le président. Il faut conclure !
M. Pascal Savoldelli. Nous vous sommons vraiment, maintenant, de répondre au sujet de la réouverture de cette ligne, seule ligne de fret ferroviaire en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
carte judiciaire (ii)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. À la suite de M. Jean-Pierre Sueur, je veux, madame la garde des sceaux, vous parler de votre boussole…
Voilà une semaine que des révélations concernant un e-mail adressé par votre ministère au cabinet du Premier ministre plongent le monde judiciaire et les élus dans le désarroi et la consternation. Ce document, destiné à élaborer une stratégie à adopter pour la suppression de certains cabinets d’instruction, tend à fixer des cibles et à opérer un tri en fonction des scores obtenus par le parti présidentiel et de la couleur politique des élus des municipalités concernées.
Les villes potentiellement visées par ladite réforme se transforment en effet en véritables cibles électorales. Ce procédé est profondément choquant. Comment voulez-vous justifier, dans l’organisation territoriale de notre justice, une sanction envers les territoires qui ne voteraient pas comme il faut ?
L’intrusion de considérations politiciennes dans l’ordre judiciaire est un manquement grave à la stricte séparation des pouvoirs et aux fondements de la démocratie. Tous les services de l’État doivent naturellement agir dans l’impartialité, mais, s’il y en a bien un qui doit être le plus irréprochable de tous, c’est évidemment la justice.
Aussi, madame la garde des sceaux, je n’ai qu’une question à vous poser, et non pas cinq, et elle est simple ; j’espère donc obtenir de vous une réponse. Pouvez-vous nous assurer de la mise en place d’une procédure parfaitement transparente, avec des critères réellement objectifs, pour le regroupement territorial des pôles de l’instruction ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Lefèvre, la réponse est très claire : c’est oui ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
Oui, je puis vous assurer qu’il s’agit d’une procédure parfaitement rigoureuse, reposant sur des critères clairs, objectifs et partagés.
Cette procédure est construite sur le fondement de la loi adoptée par le Parlement. Les critères sont simples. Pour les juges d’instruction, il s’agit du nombre de dossiers traités sur cinq ans, ce qui nous donne une moyenne. Ces critères clairs et objectifs sont pondérés par la prise en compte d’une réalité géographique – les distances entre territoires –, d’une réalité socio-économique et d’une réalité territoriale. (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
M. Roland Courteau. Ce n’est pas la question !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cela aussi est écrit dans la loi : je vous rappelle qu’il y est expressément prévu que les conseils de juridiction, composés de magistrats, d’avocats et d’élus, seront systématiquement consultés. C’est écrit dans le texte de la loi !
Aujourd’hui, nous en sommes à des études préliminaires. Il est évident que ce processus est en cours.
Quant au document auquel vous faites allusion, j’ai déjà eu l’occasion de dire que l’écriture de cet e-mail de cabinet à cabinet était maladroite et inadaptée. (Rires ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.) En effet, elle ne correspond en aucune manière aux principes éthiques qui doivent guider l’élaboration de la décision publique.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En matière d’organisation des juridictions, il va de soi que seuls comptent l’intérêt général et la réalité des territoires.
M. Michel Savin. Ah, l’intérêt général !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Des principes et une procédure claire : voilà ce qui écrit dans la loi ; voilà ce que nous faisons. Et nous serons comptables devant vous des résultats qui seront obtenus. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Madame la garde des sceaux, même si vous tentez de minimiser la portée réelle de cette affaire, vos éléments de réponse n’apaisent en rien le profond malaise qui secoue la magistrature et les territoires.
En effet, vos critères, madame la garde des sceaux, sont bien des critères politiciens, notamment quand cette note évoque la couleur politique des élus.
M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !
M. Antoine Lefèvre. Il y a un an, sur ma proposition en tant que rapporteur spécial pour la mission « Justice » de la loi de finances, le Sénat avait décidé de valider les crédits de votre ministère.
Vous avez témoigné ce midi, au cours de votre audition par notre commission des lois, de votre reconnaissance envers le Sénat pour l’augmentation de ces crédits. Conscient de l’impératif de modernisation de votre ministère, le Sénat vous a soutenu, car nous vous faisions confiance pour agir dans l’intérêt du justiciable. En agissant de façon partisane, vous avez trahi cette confiance.
M. Simon Sutour. Démission !
M. Antoine Lefèvre. C’est aussi pour cette raison que notre commission des finances, lors de sa réunion d’hier, a décidé de ne pas approuver ces crédits pour 2020.
M. le président. Il faut conclure !
M. Antoine Lefèvre. Aujourd’hui, c’est avec une certaine amertume que nous constatons que ce lien de confiance est rompu par une politisation déplacée et indigne de la justice du XXIe siècle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
situation du monde agricole
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Gisèle Jourda. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture, qui est absent de notre hémicycle aujourd’hui.
La semaine dernière, il revenait sur des dispositions budgétaires iniques relatives aux chambres d’agriculture. C’était une victoire pour nous tous, car nous nous étions tous fortement mobilisés contre cette coupe budgétaire inopérante et incohérente, qui portait gravement atteinte au monde agricole, mais aussi forestier.
Nous avons été entendus : c’est bien, mais c’est insuffisant. Les inquiétudes demeurent ancrées : nous craignons de voir réapparaître un tel dispositif lors de la conclusion des contrats d’objectifs.
Les chambres d’agriculture travaillent à l’accompagnement des professionnels confrontés à des défis sans précédent. Force est de constater que la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, dite « loi Égalim », n’a pas eu les effets escomptés pour y répondre.
Non seulement le ruissellement annoncé n’a pas permis de revaloriser le revenu des agriculteurs, mais il a même pénalisé des PME alimentaires. La situation a empiré dans l’hyper-ruralité, notamment dans les zones défavorisées simples, où la réforme de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, ou ICHN, pilier de la politique agricole commune, a laissé sur le carreau de nombreux territoires, comme la Piège, dans l’Aude, ou encore le Gers. Et que dire des inquiétudes grandissantes sur l’avenir de notre PAC ?
Chiffre effarant, un tiers des agriculteurs gagne moins de 350 euros par mois ! Comment peut-on, au XXIe siècle, assurer le renouvellement des générations dans l’agriculture quand la promesse de revenus à venir est insuffisante ? C’est un défi immense pour la France, qui va voir un tiers de ses exploitants partir à la retraite avant 2030 – et quelle retraite !
Aussi, ma question est la suivante : que dites-vous aux paysans qui ont tant espéré du ruissellement promis par la loi Égalim et pour qui le compte n’y est pas ? Concrètement, comment allez-vous contraindre la grande distribution à mieux répartir la valeur ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Jourda, je sais que ce sujet vous tient particulièrement à cœur.
Nous avons souhaité encourager, au travers de la mesure que vous avez évoquée, la modernisation du réseau des chambres d’agriculture, ce que ces dernières reconnaissent volontiers.
C’est dans ce contexte que nous avons proposé de diminuer de 45 millions d’euros le produit de la taxe affectée. Après un dialogue approfondi avec l’ensemble des parlementaires, y compris les sénateurs, le Gouvernement a décidé de retirer cette mesure du projet de loi de finances, afin d’engager une plus large concertation, qui prenne notamment en compte les questions de péréquation entre chambres d’agriculture et la question de la filière bois.
Par ailleurs, vous l’avez rappelé, l’objectif de la loi Égalim était de mieux répartir la valeur ajoutée. Les agriculteurs souhaitent obtenir une revalorisation de leurs revenus. Pour la première fois, au travers d’une loi, nous avons affirmé que la construction des prix devait se faire sur la base du coût de production.
Un an après le vote de la loi Égalim, il appartient aujourd’hui non seulement au Gouvernement, mais aussi à l’ensemble des acteurs du monde de l’agriculture, de peser pour observer la construction des prix et vérifier que les termes de la loi sont bien respectés.
Un an après, on constate des avancées dans un certain nombre de secteurs ; je pense à la filière lait ou à la filière porc. Reconnaissons cependant – le ministre de l’agriculture l’a dit lui-même – que le compte n’y est pas pour un certain nombre de filières, notamment la filière viande bovine.
Nous sommes dans la deuxième année d’entrée en vigueur de la loi Égalim, c’est-à-dire la première année de plein exercice. Nous verrons donc, au travers des contrôles et de la pression à exercer sur les uns et les autres, si les résultats sont au rendez-vous.
J’en profite pour évoquer la question des accords commerciaux, qui est importante pour les agriculteurs et qui les préoccupe, en particulier ceux de la filière viande bovine. Nous avons décidé de procéder à la ratification de l’accord économique et commercial global, ou CETA, et de soumettre celle-ci aux deux assemblées, et d’abord à l’Assemblée nationale. La vocation exportatrice de la France est importante, et il est vrai que, dans certains secteurs, cela pose des difficultés.
Je rappelle que, en ce qui concerne le CETA, la négociation a été lancée par le président Sarkozy, le terme de la négociation a été acté par le président François Hollande : nous sommes simplement dans la phase de ratification. Il y a donc une forme de continuité que chacun doit assumer. (Protestations sur les travées du groupe SOCR.)
M. Rachid Temal. Ce n’est jamais de votre faute !
M. Marc Fesneau, ministre. Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter sur un certain nombre de sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Ma question s’adresse à M. le haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le haut-commissaire, vous travaillez depuis deux ans à une réforme des retraites et, la semaine dernière encore, vous avez été désavoué par le Président de la République quant au modèle que vous proposiez.
Vous aviez annoncé un aboutissement de la réforme avant les municipales, puis après les municipales – ce qui est plus sage ! Cela semble maintenant repoussé aux calendes grecques.
Vous nous avez proposé de passer d’un système par répartition à un système par points. Vous avez annoncé la fin des régimes spéciaux, mais on apprend par la presse que cela tangue au sein du Gouvernement. Vous avez vous-même affirmé que l’option d’une réforme des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants n’était pas votre tasse de thé ; elle est celle du Président de la République.
En vérité, une seule chose semble sûre : vous avez fait le choix de la baisse du pouvoir d’achat des retraités, puisque les pensions ne seront pas revalorisées en 2020.
Monsieur le haut-commissaire, le temps est venu de tomber les masques, de regarder les Français dans les yeux et de leur dire la vérité, sans « en même temps » permanent, sans en même temps et en permanence ménager la chèvre et le chou. Peut-être craignez-vous de revivre les grèves de 1995…
Je vous poserai deux questions.
Premièrement, êtes-vous prêt à proposer la suppression immédiate des régimes spéciaux et l’alignement des régimes du public sur ceux du privé sans décaler la réforme, quitte à introduire un peu de progressivité ?
Deuxièmement, êtes-vous prêt à reconnaître que notre système par répartition ne peut être maintenu que s’il y a un allongement de la durée de cotisation, du fait de l’espérance de vie qui s’allonge et du ratio entre bénéficiaires et cotisants, qui s’aggrave en permanence ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me demander de préciser.
Il ne vous a pas échappé que, depuis deux ans – le temps de l’élaboration du rapport –, le cap est resté strictement identique, à savoir mettre en place un système universel des retraites, avec des principes extrêmement clairs : mêmes règles pour tous ; à carrières identiques, cotisations identiques et retraites identiques ; mise en place d’un régime universel, dont le but est de supprimer la totalité des régimes spéciaux – c’est écrit –, en acceptant quelques dérogations et spécificités… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
M. Rachid Temal. Universel, dites-vous ?…
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Attendez, n’allez pas si vite ! Certaines demandes de spécificités sont celles que vous soutenez. Je pense notamment aux militaires, aux fonctions régaliennes, mais aussi aux indépendants et aux commerçants, pour qui l’application stricte de ces règles créerait un déséquilibre économique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Les choses sont donc extrêmement claires. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, le calendrier a été très clairement fixé par le Premier ministre devant le Conseil économique, social et environnemental.
M. François Bonhomme. Ce calendrier, il est mouvant !
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Aujourd’hui, dans le cadre des 350 réunions organisées avec l’ensemble des ministres concernés, nous sommes en train d’examiner très concrètement comment garantir ce principe universel que notre société soutient.
En effet, nos concitoyens veulent les mêmes règles pour tous ; ils veulent des règles d’équité ; ils veulent que leur retraite soit calculée comme celle de leurs voisins ; et en même temps ils veulent que l’on examine très concrètement les conséquences, catégorie professionnelle par catégorie professionnelle.
Je le répète, 350 réunions sont programmées. En même temps (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), nous ouvrons un certain nombre de débats.
Permettez-moi de vous corriger, monsieur le sénateur : nous ne supprimons pas la répartition au profit du point, puisque l’élévation à trois plafonds représente le niveau de répartition le plus élevé des pays développés. C’est là le cœur de la solidarité intergénérationnelle à laquelle, je le sais, vous êtes profondément attaché. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour la réplique.
M. Philippe Pemezec. Tout cela reste tout de même extrêmement flou… C’est un peu l’impression que nous laisse ce nouveau monde : un va-et-vient permanent et anxiogène, monsieur le haut-commissaire. La seule chose qui apparaisse évidente, c’est que les pensions vont baisser en 2020, puisque c’est inscrit dans le projet de loi de finances.
Le véritable courage aurait sans doute été d’admettre que, pour maintenir le niveau des pensions, il faut augmenter le temps de cotisation, comme l’ont fait d’ailleurs tous les pays voisins.
Le Président de la République affirme qu’il veut aller jusqu’au bout de cette réforme… Mais de quelle réforme s’agit-il ?
formation des infirmières de bloc opératoire diplômées d’état
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sonia de la Provôté. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Je souhaite alerter sur la situation des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État, les Ibode. Depuis 2015, un décret a habilité ces professionnels pour un certain nombre d’actes en chirurgie. Ainsi, en peropératoire, l’aide à l’exposition, l’hémostase et l’aspiration sont devenues une exclusivité des Ibode. Cela s’applique dès le 1er janvier 2020, à la suite d’un décret du mois de juillet dernier. Dans la vraie vie des blocs, à deux mois de l’échéance, où en est-on ?
Actuellement, ce sont des infirmiers diplômés d’État qui font fonction d’Ibode, et l’on estime qu’ils sont majoritaires dans un grand nombre de blocs. Sans eux, pas de chirurgie.
Depuis 2015, les objectifs de formation sont très loin des besoins, malgré une augmentation légère des inscriptions : de 390 en 2016, celles-ci sont passées à seulement 627 en 2018. La marche reste haute.
Enfin, la validation des acquis de l’expérience, qui est bien sûr la voie à privilégier et sur laquelle la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, fonde beaucoup d’espoir, est pour le moment un échec. La démarche est lourde, chère, chronophage. Très peu d’infirmiers ont choisi cette voie, alors qu’ils sont pourtant nombreux à en avoir largement les compétences.
Sur ces sujets se greffent les questions de statut et de valorisation salariale peu attractives et non encore réglées.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, il y a urgence. Si les conditions d’accès au diplôme qualifiant, le calendrier et la faible reconnaissance statutaire sont maintenus en l’état, c’est la paralysie de l’activité chirurgicale qui s’annonce durablement. C’est bien sûr inenvisageable : ni les patients, ni l’hôpital, ni les praticiens ne doivent subir les effets de ce nœud administratif anxiogène.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous demande quelle solution vous comptez apporter pour pallier en urgence cette situation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)