COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Jacky Deromedi.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je tiens à excuser M. le Premier ministre, qui ne peut être présent et qui m’en a informé.
Mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat, ainsi que sur notre site internet. Chacun respectera son temps et, naturellement, chacun respectera l’autre.
carte judiciaire (i)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ma question s’adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame le garde des sceaux, vous avez déclaré que votre seule boussole était l’intérêt du justiciable et l’intérêt général. Je crains que vous n’ayez égaré la boussole ! (Sourires.) En effet, nous avons appris l’existence d’un document, issu de votre cabinet, qui met scandaleusement en cause la neutralité du service public dont vous avez la charge.
Madame le garde des sceaux, premièrement, étiez-vous au courant de l’existence de ce document ?
Deuxièmement, avez-vous demandé qu’il soit établi ?
Troisièmement, puisqu’il a été communiqué au cabinet du Premier ministre, avez-vous reçu du Premier ministre instruction de le faire établir ?
Quatrièmement, avez-vous diligenté une enquête pour savoir dans quelles conditions et par qui ce document a été établi ?
Cinquièmement, quelles sanctions prévoyez-vous de mettre en œuvre à l’égard de ceux qui sont responsables de cette atteinte intolérable à la neutralité du service public dont vous avez la charge ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, oui, je le dis très clairement et je le revendique, ma boussole, c’est l’intérêt du justiciable et c’est l’intérêt général ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
D’ailleurs, toutes les décisions prises pour faire évoluer les juridictions – je pense à la fusion entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance, qui va donner naissance au tribunal judiciaire le 1er janvier prochain, ou à l’éventuelle répartition des contentieux spécialisés entre les juridictions – reposent sur une procédure qui a été clairement établie dans la loi de réforme de la justice votée par le Parlement et promulguée le 23 mars dernier.
Oui, toute la procédure repose sur des critères objectifs, qui sont très clairs et très transparents.
Elle repose également sur une analyse contextuelle, donc politique, d’une situation, au sens où elle prend en compte, et je le revendique, des critères socio-économiques, démographiques et géographiques. C’est cela qui forme la polis, c’est-à-dire qui fait la vie de la cité. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Et la question ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je le dis en toute clarté devant vous, je réfute totalement l’idée qu’un quelconque élément partisan présiderait à l’élaboration des décisions publiques. C’est ce que je tenais à réaffirmer devant vous ! (M. François Patriat applaudit.)
M. Philippe Dallier. Mais d’où vient la note ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame le garde des sceaux, vous n’avez répondu ni à ma première question, ni à la deuxième, ni à la troisième, ni à la quatrième, ni à la cinquième ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC.)
Vous croyez que c’est habile, alors que cela ne l’est pas du tout ! Au contraire, c’est consternant, parce qu’il reste cette atteinte intolérable à la neutralité du service public de la justice, dont vous avez la charge personnellement, ce qui n’est tout même pas rien dans notre République ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC.)
état du risque terroriste en france
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Dany Wattebled. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un vocabulaire simpliste et le portrait d’un chien, le président Trump a annoncé la mort du calife autoproclamé d’une organisation terroriste.
Le problème, c’est qu’il y a toujours quelqu’un pour devenir calife à la place du calife ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. En effet, cela arrive souvent !
M. Dany Wattebled. Le caractère nébuleux de ces organisations n’est plus à démontrer, et le chemin sera encore long avant que nous ne venions à bout de l’hydre terroriste. Les djihadistes ont certes beaucoup reculé et subi, ces derniers temps, des revers. Le groupe terroriste qui contrôlait la zone entre l’Irak et la Syrie a perdu beaucoup de terrain. Nombre de ses membres sont morts ou emprisonnés.
Beaucoup de djihadistes occidentaux, notamment français, sont détenus dans des zones de troubles. Ne parvenant pas à trouver une solution qui soit satisfaisante, le Gouvernement a fait le choix de les laisser à leurs geôliers étrangers.
M. Roger Karoutchi. Eh bien oui !
M. Dany Wattebled. Beaucoup d’entre eux risquent de parvenir à s’échapper, et ceux qui sont entrés dans la clandestinité pourraient revenir en France dans les mois qui viennent.
À l’heure où l’Afghanistan est susceptible de redevenir une base arrière du djihadisme, à l’heure où le contrôle du Kurdistan syrien et des terroristes qui y sont détenus est fragilisé par une offensive unilatérale de la Turquie, il est à craindre que le risque terroriste n’ait pas pour autant disparu, notamment pour nos concitoyens, dans notre pays.
Nous avons tous besoin de savoir à quelles menaces la France est aujourd’hui exposée du fait de cette situation. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quel est l’état du risque terroriste en France et si de nouvelles mesures sont prévues pour les prévenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Wattebled, nous vivons, chaque jour, à chaque instant, sur le territoire national, avec un risque terroriste élevé. Nous l’avons vu, hélas, ces dernières années, depuis 2015, avec les attentats terroristes, et même depuis 2013, lorsque les premiers ressortissants français se sont rendus sur les théâtres de guerre que vous évoquiez à l’instant, j’y reviendrai.
Nous l’avons vécu récemment à Trèbes, à Strasbourg ou, plus récemment encore, à la préfecture de police de Paris, avec la mort de nombre de nos compatriotes. Oui, l’on voit combien nous devons vivre avec ce risque.
Ce que nous constatons, monsieur le sénateur, est différent de ce qui prévalait en 2015 et dans les années suivantes, car le risque est aujourd’hui essentiellement endogène. Il n’est plus ce risque exogène ou projeté que nous avons connu. Il n’empêche qu’il existe encore.
Vous avez évoqué l’intervention américaine, qui a permis de neutraliser le chef terroriste dont je ne souhaite même pas prononcer le nom. J’ai immédiatement donné des instructions précises à l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure pour prévenir, au cas où, tous les risques de rebond ou de vengeance auxquels nous pourrions être confrontés.
Je vous signale d’ailleurs que Daech n’a toujours pas reconnu, au moment où je vous parle, la neutralisation de celui qui fut son chef. Je n’exclus pas que le risque puisse être lié à ce moment d’expression.
C’est la raison pour laquelle l’ensemble de nos services de sécurité intérieure sont mobilisés en vue de parer les coups qui pourraient venir.
Vous m’interrogez également sur la situation de ces Français actuellement détenus dans différentes prisons localisées en Syrie. Des femmes françaises, pas forcément identifiées comme terroristes ou porteuses d’un risque terroriste du degré le plus élevé, ont été libérées. Nous veillerons à les faire interpeller si elles veulent revenir sur le territoire national.
C’est le cas, monsieur le sénateur, pour la totalité des « retournistes ». À ce jour, près de trois cents « retournistes » sont revenus sur le territoire national, et nous les connaissons. Ils sont systématiquement interpellés, judiciarisés et sanctionnés. C’est ainsi que nous continuerons de procéder pour tous ceux qui pourraient revenir du théâtre de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour la réplique.
M. Dany Wattebled. Je vous remercie de vos explications, monsieur le ministre. Il faudra redoubler de vigilance dans les temps qui viennent.
annulation de colloques dans les universités
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, parce qu’il s’agit ici, d’abord et avant tout, de la cohérence gouvernementale, dont le Premier ministre a normalement la responsabilité.
Mme Sylviane Agacinski a été privée par la présidente de l’université Bordeaux-Montaigne du droit de s’exprimer. Ce sont les faits.
La réaction gouvernementale est surprenante. Mme Marlène Schiappa a sauvé l’honneur du Gouvernement en exprimant publiquement son désaccord. Qu’il en soit donné acte !
Mme le ministre de l’enseignement supérieur, qui est directement concernée, puisqu’il s’agit de l’université, a répondu d’une façon assez ambiguë à notre excellent collègue, Charles de la Verpillière, juriste éminent, qu’un forum serait organisé… Je souhaite pour elle que ce forum soit accepté par les minorités qui avaient précédemment refusé l’intervention de Mme Agacinski !
D’autres ministres auraient pu, eux aussi, s’exprimer. Je m’adresse notamment à M. Castaner, puisque des agents du service public ont été privés d’une formation organisée par l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Destinée à les sensibiliser sur le terrain de la radicalisation, elle devait être dispensée par M. Mohamed Sifaoui, qui est bien connu dans ce domaine.
De même, alors que je crois savoir qu’il y a un ministre de la culture, je ne l’ai pas entendu se désolidariser de ceux qui ont déprogrammé Charb, c’est-à-dire M. Charbonnier. Assassiné avec ses camarades de Charlie Hebdo, celui-ci est privé, à titre posthume, du droit de s’exprimer tant à l’université que dans des théâtres municipaux.
Telle est la situation. Et demain, le ministre de la culture sera saisi du cas de journalistes qui n’auront plus le droit de s’exprimer en direct. C’est déjà le cas d’Éric Zemmour, qui est visé par une pétition de journalistes. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme Esther Benbassa. Vous mélangez tout !
M. Gérard Longuet. Enfin, chers collègues, nous avons en cet instant la certitude que vous ne respectez le droit de parler que si, et seulement si, les minorités turbulentes en donnent l’autorisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. David Assouline. C’est honteux !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président Longuet, le problème que vous soulevez est bien réel.
L’université s’est construite en Europe sur les principes de la liberté de conscience et de la liberté d’expression, qui, d’une certaine façon, portent notre civilisation depuis son origine. Au fondement de l’humanisme qui la caractérise, il y a la liberté d’expression.
Ce qui s’est passé à Bordeaux et à Paris est absolument inacceptable et doit d’autant plus nous alerter que ce mouvement n’est pas spécifiquement français. Nous assistons à l’émergence d’un nouveau maccarthysme, qui entend s’attaquer à la liberté d’expression.
Chacun sait que ce que veut défendre Mme Agacinski ne correspond pas aux positions du Gouvernement. Mais c’est notre honneur, comme l’a fait Marlène Schiappa, que de s’inscrire dans la lignée de Voltaire et de dire que, si nous ne sommes pas d’accord avec Mme Agacinski, nous sommes prêts à nous battre pour qu’elle puisse s’exprimer.
Il est triste que la jeunesse soit parfois enrôlée dans des manifestations d’intolérance visant à empêcher le déroulement d’une intervention de ce genre.
Par ailleurs, les présidents d’universités prennent des décisions en vertu du principe de l’autonomie des universités, qui est gravé dans nos traditions. Il n’appartient pas à la ministre de l’enseignement supérieur – je m’exprime en son nom et vous prie de bien vouloir excuser son absence, puisqu’elle assiste, avec le Président de la République, à un congrès sur l’intelligence artificielle –, de prendre directement ces décisions, qui relèvent des présidents d’universités.
Il n’en demeure pas moins qu’il est en effet de notre rôle – c’est ce que fait l’ensemble du Gouvernement – de condamner ce qui s’est passé dans les deux cas.
S’agissant du report du séminaire prévu à Paris I-Sorbonne, nous déplorons ce qui s’est passé. Il est tout à fait anormal d’intimider M. Mohamed Sifaoui, qui se bat courageusement contre la radicalisation et qui avait monté ce séminaire de concert avec le Conseil français du culte musulman, le CFCM, une organisation qui ne saurait en aucun cas être considérée comme extrémiste.
Bien entendu, nous suivrons cette affaire, parce qu’il n’est pas normal d’en rester là. Il ne peut y avoir de victoire de ceux qui sont les ennemis de la liberté ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
annulations forcées de colloques dans les enceintes universitaires sous la pression de groupes activistes
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Elle prolonge d’une certaine manière celle de Gérard Longuet.
Il y a eu l’annulation par l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, en raison d’un climat de pressions et de menaces, de la formation sur la prévention de la radicalisation, qui devait être dispensée, à la fin novembre, par l’écrivain et journaliste Mohamed Sifaoui.
Notre groupe s’est également inquiété de l’annulation, le 24 octobre dernier, par l’université Bordeaux-Montaigne de la conférence au cours de laquelle la philosophe Sylviane Agacinski devait s’exprimer sur « L’Être humain à l’époque de sa reproductibilité technique », dans le cadre d’un cycle de huit conférences destinées à « promouvoir un usage critique des savoirs qui permette de penser ensemble notre monde et ses enjeux ». Que se passe-t-il donc à l’université ?
Cette dernière manifestation a été annulée en raison, je cite les organisateurs, de « menaces violentes » émanant de « groupes » opposés aux positions de la philosophe sur les sujets actuellement en débat de la PMA et de la GPA, un débat qui viendra bientôt au Sénat et pour lequel, en amont, sont auditionnés tous les points de vue, ce qui reste encore l’une des meilleures façons de se construire un jugement.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Ces faits sont choquants pour nombre de nos concitoyens, car ils s’apparentent à des prises d’otages par des activistes identifiés qui font désormais ainsi régner, ici et là, une forme de terreur intellectuelle.
Monsieur le ministre, mes questions sont assez précises : trouvez-vous normal que les présidents d’université concernés, sans doute eux-mêmes menacés, aient été obligés de céder aux injonctions de ces individus ?
Pourriez-vous aussi nous dire, par conséquent, les mesures très concrètes que vous comptez prendre pour garantir au sein de ces établissements la liberté d’expression et les conditions de débats d’idées sereins ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Morin-Desailly, votre question prolonge en effet celle du président Gérard Longuet. Je me permets donc de prolonger ma réponse.
Tout comme vous, Frédérique Vidal et l’ensemble des membres du Gouvernement manifestent leur désapprobation de ce type d’actions extrémistes, qui vont contre la liberté de conscience et contre la liberté d’expression. C’est tout à fait contraire à toutes les traditions universitaires. Et il n’y a aucun laxisme de la part du Gouvernement vis-à-vis de ce type de manifestations.
Je vais citer un incident du même type survenu voilà quelques semaines : l’interruption de la pièce de théâtre Les Suppliantes d’Eschyle, qui ne correspond pas, à ma connaissance, à quoi que ce soit d’inacceptable.
L’interruption de cette représentation était évidemment tout à fait scandaleuse ! Or, pour bien montrer leur désapprobation, la ministre de l’enseignement supérieur a assisté à la reprise de cette pièce, qui a eu lieu quelque temps plus tard, en compagnie du ministre de la culture, Franck Riester.
La réaction intervient nécessairement avec un temps de retard, parce que les choses se passent rapidement et dans le cadre de l’autonomie des universités. Les deux cas que vous avez cités, ceux de Bordeaux et Paris, sont différents, mais ils sont suivis l’un et l’autre par la ministre de l’enseignement supérieur.
La formation prévue à Paris I aura bel et bien lieu. Il est en effet normal de s’interroger sur une sorte de censure exercée à l’encontre d’une personne qui devait s’exprimer. J’appelle d’ailleurs l’ensemble de la société civile à s’interroger sur ce que l’université doit faire dans ce genre de situation.
Une nouvelle conférence sera organisée à Bordeaux-Montaigne. La ministre y veille elle-même. Il est probable qu’elle s’en assurera personnellement, avec la présidente de l’université, qui a eu comme première préoccupation le maintien de l’ordre public.
Il faut bien comprendre en effet que les présidents d’universités sont confrontés à des gens qui choisissent de menacer de rompre l’ordre public. Cela n’est pas acceptable, et nous ne l’accepterons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Plus le droit de débattre, peut-être bientôt plus le droit de réfléchir ! Mes chers collègues, cette montée de l’intolérance est extrêmement préoccupante surtout si elle doit aller parfois jusqu’aux menaces physiques, voire plus encore.
En tout cas, monsieur le ministre, vous en conviendrez, l’université française doit vraiment rester le lieu de la dialectique et de la controverse, de l’accès au savoir et à la formation. Nous comptons sur vous et sur Mme la ministre Frédérique Vidal pour faire en sorte qu’il en reste ainsi ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
situation à la sncf
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports.
Le 16 octobre dernier, à la suite d’un accident survenu entre un TER et un convoi routier exceptionnel coincé sur un passage à niveau dans les Ardennes, des centaines de conducteurs de train ont fait valoir leur droit de retrait, en solidarité avec le conducteur blessé, qui était seul à bord de son train.
Depuis lundi, deux cents cheminots du technicentre de Châtillon ont également cessé le travail pour protester contre la remise en cause de douze journées de repos compensatoires, projet qui a été retiré depuis lors.
La méthode a été contestée, car ce mouvement social inopiné, qui a commencé en pleine période de vacances scolaires, provoque d’importantes perturbations et la colère de millions d’usagers. En effet, si la grève est un droit que personne ne conteste, celui-ci doit néanmoins s’exercer dans le respect de certaines règles, qui permettent aux cheminots d’exprimer leurs revendications tout en limitant la gêne causée pour les usagers, notamment en prévenant ces derniers.
Par ailleurs, ces grèves interviennent à quelques semaines d’un mouvement de protestation contre la réforme des retraites ; il a, quant à lui, fait l’objet d’un préavis.
Ces actions semblent s’installer dans la durée et traduisent, à n’en point douter, un malaise chez les cheminots, qui est lié à des changements imminents et annoncés de direction et de statut, auxquels s’ajoute la prochaine réforme des retraites.
Comment sont accompagnés ces changements à venir et, en particulier, celui du statut, qui interviendra le 1er janvier 2020 ?
Monsieur le secrétaire d’État, je connais votre engagement en faveur du service public. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures sont prises pour un dialogue social de qualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur Thani Mohamed Soilihi, comme vous l’avez dit, la SNCF connaît des transformations profondes : transformation de l’entreprise elle-même, le 1er janvier prochain, évolution des métiers, ouverture à la concurrence. Ces transformations peuvent être source d’inquiétudes pour les cheminots.
Dès lors, il est essentiel qu’un dialogue social de qualité puisse s’y déployer. Je fais toute confiance à M. Jean-Pierre Farandou, qui prendra après-demain les fonctions de président du directoire de la SNCF, pour impulser une nouvelle dynamique, au plus près des territoires et des préoccupations des cheminots.
La réforme des retraites fait pour sa part l’objet actuellement de discussions avec les syndicats, dont je recevrai les représentants demain, en compagnie de M. Jean-Paul Delevoye, afin d’évoquer ensemble les modalités de transition vers le régime universel.
Pour autant, force est de constater que les mouvements des dernières semaines n’ont respecté ni la lettre ni l’esprit de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Cela s’est fait au détriment de très nombreux voyageurs, usagers et clients de la SNCF. Il revient à celle-ci – le Premier ministre a été clair sur ce point – de prendre les mesures qui s’imposent envers les agents qui n’auraient pas respecté le cadre fixé par la loi.
S’agissant du technicentre de Châtillon, le motif même de la grève est aujourd’hui invalidé, dans la mesure où le projet de réorganisation a été retiré par la directrice régionale.
Dès lors, les demandes de primes n’ont pas de justification, et les jours de grève ne seront pas payés. C’est en tout cas la position réitérée de l’entreprise comme du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
agence nationale de la cohésion des territoires
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question, qui porte sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires, s’adresse à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable interrogera la semaine prochaine le candidat aux fonctions de directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, ou ANCT, M. Yves Le Breton, déjà nommé commissaire général à l’égalité des territoires et chargé, à ce titre, de la préfiguration de cette agence.
Auteurs de la proposition de loi qui a conduit à la création de l’ANCT, les membres de mon groupe s’intéressent bien sûr à son lancement et veilleront à ce que l’esprit initial du texte soit bien préservé. À cet égard, nous tenions à saluer le travail réalisé par le préfet Éric Morvan, qui cède sa place à M. Le Breton.
Selon l’esprit initial du texte, cette agence doit être au service des territoires ; elle doit constituer un guichet unique à la disposition d’élus locaux aujourd’hui déstabilisés par la multiplicité des opérateurs et la complexité des procédures. Il était question non pas d’ajouter une strate supplémentaire au mille-feuille que tous les élus dénoncent, mais de leur simplifier la vie et de favoriser l’émergence de projets, grâce à un soutien accru en matière d’ingénierie, notamment dans les communes les moins dotées en moyens humains et financiers.
Nous avons construit cette proposition de loi pour répondre aux attentes des territoires, qui aspirent à un service public pleinement utile, accessible et efficace.
À ce titre, des questions légitimes demeurent, car les députés ont pour le moins édulcoré le texte. Les élus nous demandent à quoi servira concrètement l’ANCT, et ils veulent savoir si toutes les collectivités pourront solliciter son soutien. Les deux questions sont directement liées, puisque, sans accès direct des élus locaux à l’ANCT, la raison d’être de cette dernière est clairement remise en cause.
Par ailleurs, la publication du décret fixant la composition du conseil d’administration de cette agence devait intervenir avant le Congrès des maires, mais elle semble avoir été reportée.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, a déjà répondu à de nombreuses questions sur ces sujets, mais les incertitudes demeurent ; il est urgent de les lever.
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous précisiez les missions de l’ANCT : est-elle destinée à décliner sur les territoires les programmes gouvernementaux ou, comme nous le souhaitons, à soutenir les projets des communes les plus fragiles ?
Dans quelles conditions les élus locaux pourront-ils solliciter l’aide de l’ANCT ?
Enfin, quelle place leur sera réservée au sein du conseil d’administration ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)