Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Kerrouche, en adoptant l’amendement n° 490 rectifié, l’air de rien, on modifierait la nature même de la gouvernance de la commune. Aujourd’hui, on élit d’abord le maire ; ensuite, le maire présente sa liste d’adjoints. C’est une façon de mettre en scène le fait que les adjoints au maire sont les adjoints du maire, qui reçoivent ensuite une délégation par voie d’arrêté. Faire élire le maire et les adjoints en même temps changerait structurellement la régulation politique du conseil municipal, en quelque sorte. Je vous ai déjà expliqué ce que je pensais du scrutin de liste pour la désignation des vice-présidents dans les intercommunalités, et je ne recommencerai pas. Je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Même avis défavorable que la commission sur les amendements nos 221 rectifié et 402 rectifié.
L’adoption de l’amendement n° 528 rectifié aurait un effet d’ordre protocolaire. C’est la liste dite « chabadabada », avec alternance de chaque sexe. Pour le coup, il n’y aurait aucune incidence sur les délégations, puisque le maire affecterait toujours par arrêté les délégations de son choix à chaque adjoint. Cette mesure est plus un remède au manque de courtoisie, qui consisterait à mettre, par exemple, tous les hommes en haut du tableau et toutes les femmes dans le bas. Entre nous, dans les faits, cela n’arrive pratiquement jamais. En tout cas, je n’ai pas d’exemple d’une telle marque d’inélégance. Néanmoins, la loi empêchera définitivement qu’une telle chose se produise si l’amendement est adopté. Avis favorable.
L’amendement n° 875 rectifié bis est intéressant. Malheureusement, sa rédaction pose un problème juridique. Aujourd’hui, après la démission d’une adjointe, la réélection, telle qu’elle est prévue par le code général des collectivités territoriales, peut se faire en contournant la loi sur la parité. En effet, cette adjointe démissionnaire peut être remplacée par un adjoint. Cette zone d’ombre du code précité est donc susceptible de remettre en cause la parité dans le collège des adjoints. Tel que votre amendement est rédigé, c’est-à-dire en renvoyant à l’alinéa premier de l’article L. 2122-7-2 du même code, il implique que, pour remplacer un adjoint, il faille redéposer une liste. Je vous demande de le retirer, et je m’engage, de mon côté, à ce que votre proposition, qui vise à empêcher le contournement de parité, soit retravaillée dans le cadre de la navette pour arriver au même résultat, c’est-à-dire qu’un adjoint démissionnaire ne puisse être remplacé que par un candidat du même sexe. Cela reviendrait à ce que vous voulez faire, mais avec une précision juridique plus grande.
Monsieur Masson, comme vous n’étiez pas là la semaine dernière, nous n’avons pas eu le plaisir de vous entendre présenter vos amendements… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Heureux de vous retrouver ! Je suis défavorable à l’amendement n° 173 rectifié, pour les mêmes raisons que celles qu’a évoquées Mme la rapporteure.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je salue la constance du ministre, qui nous avait exposé son point de vue sur le scrutin de liste dans le cadre de l’intercommunalité la semaine dernière.
Madame la rapporteure, vous opposez la parité à la tradition politique et symbolique, donc aux usages, d’une certaine manière. Je ne vois pas quelles conséquences juridiques emporte le changement de type de scrutin. En quoi cela minore-t-il le poids politique du maire ? Est-ce que cette mesure priverait le maire de l’autorité dont il dispose, de sa capacité à déléguer par la suite par arrêté ? Pas du tout, à mon sens.
C’est, pour nous, le seul moyen d’arriver à une parité complète, avec une stricte alternance homme-femme par liste. Ce point est central, et nous vous encourageons, mes chers collègues, à adopter cet amendement, que nous maintenons évidemment. La tradition doit s’effacer là où la parité doit commencer.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Pour une fois que le nouveau monde souhaite respecter la tradition… Mais il ne s’agit pas de tradition ; c’est une logique de gouvernance. Il est absolument nécessaire que le maire soit élu d’abord, puis que l’on passe à l’élection des adjoints. Point de tradition en l’espèce.
Je reviens plus largement à cette volonté de parité – Dieu sait si nous sommes tous pour la parité, même si tel n’a pas toujours été le cas –, sur laquelle il y a encore des progrès à faire.
La fonction de premier adjoint est très particulière et importante. Il est amené à remplacer le maire quand il est absent, et pas nécessairement en cas de décès. Il doit donc y avoir une connexion particulière entre ces deux personnes. Si une femme est élue maire et qu’elle s’entend avec une femme, il ne semble pas opportun de l’obliger à choisir un homme comme premier adjoint. Je suis défavorable à ce type de proposition, mais, comme Mme la rapporteure et M. le ministre, je suis favorable à l’amendement n° 528 rectifié, c’est-à-dire à une liste composée alternativement d’un homme et d’une femme pour ce qui est des adjoints – c’est d’ailleurs déjà la pratique dans beaucoup de communes aujourd’hui –, ce qui paraît un bon moyen de progresser en matière de parité.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. J’ai été assez étonné que l’amendement n° 875 rectifié bis soit en discussion commune avec les autres, car il concerne la vacance d’un poste, et non pas le mode d’élection.
Cela étant, si je ne m’abuse, on prévoit la possibilité d’un scrutin de liste. C’est la même chose que pour la commission permanente dans un conseil départemental. Je ne vois pas la difficulté d’imposer un scrutin de liste en cas de vacance. Nous maintenons cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 490 rectifié. Madame la rapporteure, j’ai compris que vous pratiquiez le comique de répétition par rapport à une déclaration qui a été faite en 2016 …
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est de la pédagogie !
M. Éric Kerrouche. C’est donc de la pédagogie de répétition !
Il n’en demeure pas moins que vous confondez le moyen et la finalité. En l’espèce, qu’est-ce que le fait qu’il y ait une élection de liste et que le maire soit le premier va changer ? On sait que le premier ou la première aura toute la latitude et les prérogatives du maire. C’est clairement identifié, et cela ne pose aucune difficulté, mais il est toujours facile d’invoquer la tradition quand on ne veut pas avancer.
Par ailleurs, je vous rappelle qu’en France le maire est déjà quasiment élu directement au suffrage universel. Avec la tête de liste, on sait déjà qui va être maire… (Mouvements dubitatifs sur les travées du groupe Les Républicains.) à part dans les communes de moins de 500 habitants.
Au-delà de ce constat, la procédure prévue ne pose aucune difficulté. C’est juste votre volonté personnelle de ne pas avancer sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Vous avez raison, il ne serait pas raisonnable d’imposer l’élection du maire en même temps que celle des adjoints. En effet, le maire a des fonctions tout à fait différentes de celles des adjoints, et il est fondamental qu’il y ait un scrutin uninominal pour son élection.
En revanche, je regrette que l’on puisse penser qu’il peut être difficile, voire insurmontable, de trouver des candidats de sexe différent de celui du maire pour assumer les fonctions de premier adjoint. J’ai une certaine ancienneté dans la vie parlementaire et je suis bien placé pour dire que c’est le type d’argument que l’on a opposé à chaque tentative de faire progresser la parité. Lors des débats sur la parité parmi les adjoints dans les conseils municipaux, beaucoup ont dit qu’il était impossible de trouver les personnes idoines et de remettre en cause les équipes en place, car cela bouleverserait des rapports de confiance. Finalement, on a réussi.
J’en suis persuadé, si l’on prévoit que le premier adjoint doit être de sexe différent du maire, il n’y aura pas plus de difficultés. Ce sont de faux prétextes pour retarder une évolution. À mon sens, il y a un énorme retard en matière de parité dans les exécutifs des collectivités territoriales. Les chiffres sont effroyables, alors que l’on a progressé partout : au Sénat, à l’Assemblée nationale, dans les assemblées des conseils régionaux, des conseils départementaux. En revanche, dès que l’on touche aux exécutifs, les retards sont considérables.
Vouloir différer les quelques mesures qui nous sont proposées par le biais de ces amendements n’est pas raisonnable. Notamment, la seconde partie de mon amendement vise une situation complètement aberrante : pour remplacer quatre femmes adjointes démissionnaires, on est obligé d’élire deux hommes et deux femmes. Ma proposition viendrait combler un vide juridique qui n’avait pas été vu lors du vote de la loi à l’origine. La jurisprudence a, par la suite, estimé que la parité ne valait pas globalement pour l’ensemble des adjoints, …
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. … mais qu’elle devait s’appliquer lors de chaque élection. Je le répète, c’est regrettable de repousser de tels amendements, car cela montre que nous ne sommes pas dans une logique de parité.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je veux juste intervenir sur la proposition d’une élection concomitante du maire et des adjoints. Pour moi, l’élection du maire est particulière, et le scrutin doit vraiment porter sur le candidat. Derrière, c’est bien le maire qui porte la responsabilité, lourde, de sa commune pendant la durée du mandat. Après son élection, il présente l’exécutif avec lequel il souhaite travailler. De mon point de vue, nous ferions une erreur si nous adoptions l’amendement n° 490 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends, je comprends, je partage, ai-je envie de dire, la philosophie d’un certain nombre de ces amendements visant à rendre effective cette nécessité démocratique que représente la parité, et que tout le monde, du moins dans les discours, appelle de ses vœux.
Cependant, il y a plusieurs écueils à éviter.
D’abord, est-ce que nous rendons service au maire, que ce soit un homme ou une femme, en organisant de façon concomitante l’élection du maire et de ses adjoints, à l’heure où nous nous entendons tous pour dire que nous avons besoin de « resacraliser » la fonction de maire, si vous me permettez cette expression qui n’est pas des plus laïques ? (Sourires.) Il s’agit non pas de renforcer des pouvoirs existants, mais de redonner le sentiment à la population qu’étant élu par toutes et tous le maire a une responsabilité, mais aussi un pouvoir, et qu’il est doit être respecté. C’est fondamental. D’ailleurs, je pense que la question de la place et du nombre de femmes ou d’hommes adjointes ou adjoints n’a pas grand-chose à voir avec ce problème.
Ensuite, pourquoi pas la « liste chabada » pour les adjoints ? Cependant, soyons clairs entre nous : une fois que nous aurons adopté cette disposition, nous n’aurons pas réglé un problème, qui est réel, de notre point de vue. Chacun jugera à son aune si c’est bien problématique, mais il faut savoir qu’aujourd’hui, majoritairement, les hommes ont la délégation aux finances, quand les femmes ont majoritairement la délégation aux affaires sociales, à l’enfance, etc. Or c’est lié non pas au fait d’être premier, deuxième, troisième ou quatrième adjoint, mais à une répartition assez sexuée des compétences et des attentes des uns et des autres dans une vision genrée des responsabilités électives, même si, Annie Guillemot l’a rappelé la semaine dernière, ce constat peut être contredit.
Enfin, monsieur Masson, sachez que je ne voterai pas votre amendement. On ne peut pas tenir un double discours. L’hypocrisie en politique, ça suffit ! Vous avez trouvé un bout de gras qui vous permet de vous ériger en grand défenseur de la parité, mais, pour avoir entendu au quotidien, depuis maintenant plus de huit ans, vos interventions, je doute de votre sincérité à défendre réellement la place des femmes dans notre pays, y compris en politique. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vous remercie toutes et tous de cet échange.
Je veux d’abord rappeler que les avis que j’émets en tant que rapporteur ne sont pas des avis personnels : il s’agit de ceux de la commission des lois.
Monsieur Durain, la tradition n’est pas le sujet. Quand on dit que le maire est élu traditionnellement, cela ne veut pas dire que l’on est traditionaliste. Cela signifie que le maire, par ce qu’il incarne, parce qu’il est aussi le représentant de l’État – à cet égard, je suis très sensible aux arguments de Mme Cukierman –, doit représenter vraiment la République territoriale. Il s’agit d’une personne que nos concitoyens distinguent bien des autres. C’est important à mes yeux.
J’ai bien expliqué que, juridiquement, on ne peut pas lier deux élections.
Pour terminer, je ne voudrais pas laisser croire que la commission des lois serait d’un conservatisme absolument insupportable. Je rappelle en effet deux de nos propositions, qui constituent des avancées. D’abord, celle de la semaine dernière, visant à organiser un scrutin groupé au niveau des EPCI pour introduire la parité, ce qui n’a pas été sans poser de questions dans cette enceinte. Ensuite, celle dont l’objet est de prévoir pour l’élection des adjoints un scrutin groupé, avec des listes alternées.
Ce sont bel et bien deux avancées. Comme l’a dit notre collègue Raison, il faut aussi laisser aux territoires la capacité d’exprimer leur choix de gouvernance. Et je ne pense pas que les élus locaux soient plus conservateurs que nous ne le sommes dans cet hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur Kerrouche, le parallèle avec les conseils départementaux et les conseils régionaux ne peut pas être fait puisque vous avez un droit et une pratique dans les collectivités départementales et régionales. En droit, chaque groupe peut déposer une liste à la proportionnelle pour la commission permanente. En pratique, c’est en général le nouveau président du conseil départemental ou du conseil régional qui prend la tête de la liste.
La répartition se fait à la proportionnelle des rapports de forces dans l’hémicycle départemental ou régional. En cas de démission ou d’événement plus malheureux, le suivant de la liste monte à la commission permanente. En fait, les choses se font naturellement.
L’exception, c’est lorsqu’il y a eu un accord local entre les groupes sur la composition de la commission permanente. Le président a déposé une liste, qui est une liste de consensus, dans laquelle on a préempté la proportionnelle et on s’est réparti les postes en amont. Là, vous avez raison, monsieur le sénateur, il peut y avoir une difficulté, et elle impose de repasser par une liste. Après vérification, en droit, figure bien l’expression « alternance de chaque sexe », ce qui garantit la parité dans les commissions permanentes des assemblées départementales et régionales. Dans les bureaux d’adjoints, en revanche, il n’existe pas de suivant de liste en tant que tel, ce qui explique cette différence.
Je suis d’accord avec vous, mais se pose un problème d’écriture. Vous pouvez maintenir votre amendement, mais nous le corrigerons pour éviter des effets néfastes. Il s’agit de ne pas contourner l’obligation de parité en cas de démission.
Je ne reviens pas sur la concomitance de l’élection. Pour moi, l’élection du maire n’est pas qu’une coutume ; elle traduit un véritable mode de gouvernance. La place du maire doit être maintenue. Cela pose d’ailleurs des questions liées aux délégations accordées aux adjoints ultérieurement par le biais d’arrêtés. Cela dit, je souhaite que soient séparées les deux élections : d’abord, celle du maire, ensuite, celle des adjoints. Après quoi ont lieu les différentes délibérations au cours desquelles sont données les délégations du conseil municipal aux maires adjoints et au maire. Tout cela ne fonctionne pas si mal et je ne suis pas certain que les demandes soient nombreuses sur le terrain pour changer ce système. Je vous suggère donc de ne pas y toucher.
Je le dis une fois de plus, madame la rapporteure, je ne trouve pas que la modification du mode de scrutin pour les vice-présidents d’intercommunalité soit forcément ce que nous avons fait de mieux la semaine dernière. Vous connaissez mes opinions sur le sujet. Je vous propose de ne pas modifier désormais l’ambiance et la gouvernance au sein des communes.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11, et l’amendement n° 173 rectifié n’a plus d’objet
Je mets aux voix l’amendement n° 875 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 683 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, MM. Prince et Delahaye, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ, Canevet et P. Martin, Mmes de la Provôté et Létard, M. Lefèvre, Mmes Ramond, C. Fournier et Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler, MM. Chasseing, Poniatowski, Gremillet, H. Leroy et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, les mots : « , en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation, » sont supprimés.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Comme vous le savez, le code général des collectivités territoriales permet à un maire d’accorder des délégations à des conseillers municipaux sous réserve que tous les adjoints bénéficient d’une délégation. Cela peut poser problème, notamment lorsqu’un adjoint se voit retirer ses délégations tout en étant maintenu en fonctions par le conseil municipal. Dans ce cas-là, le maire est obligé de lui redonner une délégation, même minime. Sinon, il ne peut pas accorder de délégation à des conseillers ; il doit même retirer les délégations qu’il a pu confier préalablement à des conseillers municipaux.
Mon amendement vise à supprimer cette restriction pour faire en sorte que le maire puisse librement accorder des délégations aux conseillers municipaux, sans qu’il y ait d’incidence sur l’enveloppe des indemnités, quelle que soit la situation des adjoints, qu’ils aient ou non tous une délégation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le président Maurey est un fin connaisseur des subtilités, et parfois des difficultés de gouvernance territoriale.
Je rappelle la règle de départ qui est, en soi, extrêmement saine : un maire ne peut déléguer une partie des attributions à de simples conseillers municipaux que si tous les adjoints sont pourvus de délégation. On peut comprendre l’intérêt originel de la règle, car il serait un peu curieux que des adjoints n’aient pas de délégation, tandis que des conseillers municipaux en auraient. Cela marche en théorie. Sauf que, comme vous l’avez dit, mon cher collègue, le maire peut rencontrer en cours de mandat des difficultés avec des adjoints auxquels il est amené à retirer des délégations, sans toutefois, pour des questions d’équilibre et de bonne gouvernance, leur enlever le titre d’adjoint.
La pratique me semble un peu étrange par rapport à la définition d’origine de la loi. Toutefois, je conviens qu’on est parfois confronté à de telles situations, ce qui mérite sans doute réflexion, dans un souci de continuité de l’efficience de l’action publique. Cette chambre étant sage par définition, j’émets un avis de sagesse. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un bon amendement dans la mesure où il s’inspire de situations vécues, peut-être dans l’Eure, monsieur le président Maurey. (Sourires.)
Dans un bureau d’adjoints au complet, il peut arriver, à un moment donné, qu’un adjoint au maire n’ait plus de délégation de fonctions en raison de problèmes particuliers. À l’instant même où le maire lui retire sa délégation, tous les conseillers municipaux qui avaient reçu une délégation se retrouvent dans une situation où leur délégation est illégale, ce qui est un peu injuste pour eux. Il arrive même parfois que, d’un commun accord, un adjoint au maire n’ait pas de délégation de fonctions. Je rappelle que c’est non l’élection en tant que maire adjoint, mais l’arrêté de délégation, après validation par le contrôle de légalité, qui déclenche l’indemnité d’adjoint au maire. Dans le cas de figure où un accord local permet à telle personnalité importante de la commune d’être adjoint au maire pour satisfaire son désir de célébrer des mariages et de participer à la vie de la commune, le maire ne peut pas donner à tel ou tel conseiller municipal des délégations génératrices d’indemnités quelquefois beaucoup plus faibles que celles qui sont associées à la fonction de l’adjoint au maire en question qui, lui, ne perçoit pas celles-ci.
Le présent amendement va clairement dans le sens de la liberté d’organisation des fonctions et des indemnités au sein du conseil municipal. Tout est public, rien n’est fait en catimini puisqu’il faut un arrêté pour confier une délégation à un conseiller municipal. À mon avis, la proposition relève de la bonne intelligence locale et va dans le bon sens.
Pour ces raisons, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le mot : « prononcer », sont insérés les mots : « , au scrutin secret, » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Au cours du mandat, si le conseil municipal est amené à se prononcer sur le maintien dans leur fonction d’un nombre d’adjoints supérieur ou égal au tiers de leur effectif total, il doit alors se prononcer, au scrutin secret, sur le maintien du maire dans ses fonctions. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Avec votre permission, madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos 38 et 39, de façon à gagner du temps.
Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Grand. Le code général des collectivités territoriales précise la règle générale selon laquelle le maire et les adjoints sont élus pour la même durée que le conseil municipal, soit six ans.
Or il est de moins en moins exceptionnel qu’un maire modifie son exécutif en cours de mandat en retirant des délégations à un ou plusieurs adjoints, appelant ainsi le conseil municipal à se prononcer sur leur maintien ou non.
Si cette faculté a été mise en place pour éviter des blocages, certains maires ou présidents d’intercommunalité peuvent s’en servir afin de mettre la pression sur certains adjoints ou vice-présidents et ainsi modifier leur exécutif au gré des humeurs.
Dès ses premiers arrêts en la matière, le Conseil d’État exigeait que le motif du retrait des délégations de l’adjoint ne soit pas étranger à la bonne marche de l’administration municipale, concept très large, puisque toute tension au sein de l’équipe communale peut entrer dans ce cadre.
L’amendement n° 38 vise donc à mieux encadrer ces retraits par la mise en place d’un scrutin secret – après tout, c’est le parallélisme des formes – pour la décision de maintien ou non d’un adjoint et par une limitation des possibilités de retrait au risque d’appeler le conseil municipal à se prononcer sur le maintien ou non du maire dans ses fonctions.
Mon amendement n° 39, de repli, prévoit uniquement l’obligation du scrutin secret pour les votes sur le maintien ou non de l’adjoint. Je vous donnerai des explications complémentaires lors des explications de vote : vous comprendrez que j’ai de bonnes raisons de présenter cet amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « prononcer », sont insérés les mots : « , au scrutin secret, ».
Cet amendement vient d’être défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Grand, vous faites le lien entre le retrait d’une délégation à un adjoint et la remise en cause du mandat du maire.
Le Conseil d’État l’a rappelé à plusieurs reprises, le maire est le seul chef de l’administration communale. Le droit en vigueur me semble suffisamment équilibré pour perdurer en l’état.
Vous proposez une élection à bulletin secret quand le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien en fonctions d’un adjoint.
Il existe déjà, selon moi, une bonne définition des possibilités de vote à bulletin secret, de nature à permettre de gérer toutes les situations.
Pour ces deux amendements, j’émets une demande de retrait. Sinon, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela sent le vécu, monsieur le sénateur !
Nous le savons tous, après retrait de délégation à un adjoint, celui-ci ne perçoit plus d’indemnités à partir du moment où le maire a signé l’arrêté. Pour autant, c’est le conseil municipal qui l’a élu adjoint au maire ; il peut donc seul lui retirer cette qualité. Il reste d’ailleurs, je le dis au passage, officier d’état civil, puisque cette qualité lui est reconnue non par délégation, mais de facto, au moment où il est élu.
Et nous le savons aussi, dans la vraie vie, voter à main levée ou à bulletin secret pour retirer la fonction à un adjoint ou élire quelqu’un d’autre à la place, ce n’est pas tout à fait pareil.