Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends les quelques remarques qui ont pu être émises. Sans en dire plus et sans porter de jugement sur la situation, le fait est qu’il n’y a plus de département du Rhône. Il y a une métropole dotée d’un statut particulier et autorisée à avoir un fonctionnement particulier.
Même si l’amendement ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité, il va en effet dans le bon sens et il répond à une attente de l’ensemble des élus de la métropole de Lyon. En l’état, nous le voterons.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis est ainsi rédigé et les amendements nos 388 rectifié bis, 389 rectifié et 494 rectifié ter n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 1er bis
Mme la présidente. L’amendement n° 493 rectifié bis, présenté par Mme Vullien, M. Louault, Mmes C. Fournier et Guillemot, MM. Mizzon, Prince, Henno, Capo-Canellas et Bonnecarrère, Mmes Saint-Pé et Sollogoub et MM. Moga et Devinaz, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3633-3 du code général des collectivités territoriales, le mot : « six » est remplacé par le mot : « neuf ».
La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Cet amendement vise à porter à neuf mois, au lieu de six mois, le délai laissé à la conférence métropolitaine de la métropole de Lyon pour adopter le pacte de cohérence métropolitain, pour tenir compte de l’expérience antérieure de 2015 et du délai qui a été nécessaire pour adopter le premier pacte.
Cet allongement permet de s’aligner sur le délai dont disposeront les EPCI, fixé à l’alinéa 5 de l’article 1er du texte adopté par la commission des lois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je parle sous le contrôle de tous les sénateurs, madame Cukierman, en particulier des élus du Rhône. Je crois en effet savoir que cette proposition reprend l’une des nombreuses idées exprimées par tous les maires, toutes sensibilités politiques confondues. Puisque nous défendons ici collectivement les territoires, je vous propose d’être à l’écoute de ce territoire particulier et j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis.
L’amendement n° 717 rectifié bis, présenté par M. Devinaz et Mme Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois derniers alinéas de l’article L. 3631-5 du code général des collectivités territoriales sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 3122-5 à L. 3122-7 sont applicables à la commission permanente de la métropole de Lyon. »
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Cet amendement vise à renforcer la diversité de l’exécutif de la métropole de Lyon. Celui-ci est constitué du président, de vice-présidents, mais également d’une commission permanente, qui dispose de pouvoirs non négligeables.
Jusqu’à maintenant, les conseillers membres de la commission permanente sont élus au scrutin uninominal majoritaire. Ce mode d’élection ne favorise pas la diversité et la représentativité de l’ensemble de l’assemblée. L’opposition y est notamment absente et le fait souvent remarquer.
Ancien conseiller général, j’ai pu apprécier l’importance de l’élargissement à l’opposition de la commission permanente dans les départements. C’est la raison pour laquelle je souhaite aligner les dispositions prévues pour les commissions permanentes des conseils départementaux à la métropole de Lyon. La métropole de Lyon me semble avoir tout à gagner à une gouvernance plus ouverte et plus démocratique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement reprend un propos tenu tout à l’heure par notre collègue Annie Guillemot. À l’évidence, les modalités de désignation que vous évoquez souffrent d’un déficit certain de respect de l’opposition métropolitaine.
La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. On le voit bien, cet amendement pose la question de la proportionnalité et du pluralisme, question qui est évidemment constitutionnelle.
Néanmoins, dans la rédaction de l’amendement, la référence aux groupes politiques ne me paraît pas forcément la plus adéquate en termes d’écriture du droit. Comme vous le savez, dans les conseils départementaux…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement a été rectifié, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Je vous confirme que l’amendement a été rectifié, monsieur le ministre. (Le texte de l’amendement rectifié est transmis à M. le ministre.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais le Sénat n’avait pas communiqué l’amendement rectifié au Gouvernement.
Dois-je demander une suspension de séance pour examiner l’amendement ? (Sourires.)
Après l’avoir lu rapidement, je constate qu’il n’y a en effet plus de référence aux groupes politiques. Je n’ai pas le temps de l’examiner dans le détail. J’émets un avis de sagesse, mais je prendrai soin, si vous en êtes d’accord, de retravailler cette question dans le cadre de la navette. Je tenais à le dire.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui ! Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Je voudrais remercier Mme la rapporteure et M. le ministre.
Pour avoir siégé au conseil de la région Rhône-Alpes et au conseil départemental du Rhône, je veux le dire, les commissions permanentes ont toujours été constituées à la proportionnelle des groupes représentés, ce qui est normal. Cela a dû échapper à la métropole de Lyon, comme la qualité de grand électeur avait échappé à 150 conseillers métropolitains…
La proposition de M. Devinaz est vraiment la plus démocratique possible : elle consiste à refléter, au sein de la commission permanente, le rapport de forces existant au sein du conseil de la métropole. Or la commission permanente examine un tiers des rapports, ceux qui ne demandent pas de débat, les autres étant soumis à l’assemblée plénière.
Pour l’ensemble des conseillers métropolitains, et surtout pour les citoyens de la métropole de Lyon, cela me paraît un gage de démocratie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous allons voter cet amendement. Je crois qu’il faut faire attention à ce qui vient d’être dit et à ce que vous venez de dire, ma chère collègue. En effet, l’objectif n’est pas d’assurer une représentation des groupes en tant que tels. Il faut que chaque élu ou rassemblement d’élus puisse garder la liberté de déposer une liste.
Puisque vous avez cité l’exemple du conseil régional, je vous rappelle la réalité : il arrive parfois que deux groupes déposent une liste pour représenter la majorité dans laquelle ils ont décidé de siéger ensemble.
C’est le cas actuellement. Auparavant, trois groupes se rassemblaient pour constituer cette commission permanente. L’objectif est bien de donner la possibilité de déposer plusieurs listes, chaque élu votant en son nom personnel sans qu’il y ait un vote bloqué par groupe. Ce dispositif assure ainsi de fait la représentation proportionnelle au sein de la commission permanente.
Si la rédaction n’est encore pas totalement finalisée, la navette permettra de l’améliorer. En tout cas, l’idée est là et il serait dommage de s’en passer.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis.
Article 1er ter (nouveau)
Après le quatrième alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les vice-présidents sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée sont élus.
« Toutefois, en cas d’élection d’un seul vice-président, celui-ci est élu selon les règles prévues à l’article L. 2122-7.
« Le cas échéant, les autres membres du bureau sont élus selon les règles prévues au même article L. 2122-7. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 755 rectifié est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Savoldelli, Mme Gréaume, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 834 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 755 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Je vais d’abord vous annoncer que, comme je ne bois pas de café, je ne lis pas dans le marc de café. (Sourires.)
Cependant, en prenant connaissance de la réécriture d’une partie du texte par la commission des lois, je suis interpellée par ce nouvel article. S’il me gêne, c’est non parce qu’il met fin à un folklore qui durait, lors des premières réunions des EPCI, jusqu’à des heures tardives et avancées, mais parce que, comme chacun le rappelle depuis hier, tout défenseur de la liberté des collectivités territoriales et de leurs groupements craint qu’une telle rédaction ne donne inévitablement lieu au dépôt d’une multitude d’amendements, ici au Sénat – peut-être encore plus demain à l’Assemblée nationale –, visant à légiférer – et non pas réglementer – sur ce que devraient être ou ne pas être les listes déposées.
Nous allons donc abandonner la louable volonté d’origine de réduire le temps d’élection des vice-présidents de l’EPCI pour imaginer des contraintes, sur la base de calculs mathématiques, que nous pouvons tous nourrir de quantité d’exemples. Nos débats vont démontrer que, si l’on ne renonce à aucun des deux principes auxquels nous sommes toutes et tous attachés, d’abord – représenter le plus et le mieux possible les communes, y compris les plus petites d’entre elles, et assurer le respect de la parité –, nous allons assister, à un moment donné, à l’inévitable croisement de ces deux volontés, qui vont s’affronter lorsqu’il faudra déterminer les règles relatives à l’élection des vice-présidents.
En l’état actuel des choses et à la lecture des amendements suivants, je n’ai trouvé ni de solution ni de réponse à la volonté d’atteindre ce double objectif. Nous préférons donc demander la suppression de cet article 1er ter et en rester à ce qui existe aujourd’hui, même si, je l’avoue, ce n’est pas satisfaisant. Après tout, cela fait aussi partie du folklore des premières réunions des EPCI !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 834.
M. Sébastien Lecornu, ministre. J’aimerais que l’on s’arrête quelques instants sur cette disposition telle qu’elle a été introduite en commission.
Si je présente cet amendement de suppression, ce n’est pas pour le plaisir de supprimer, mais pour provoquer le débat, à l’instar de ce que vient de faire Mme Cukierman.
Nous allons entrer trente secondes dans le détail. Nous savons tous comment se fait la composition des bureaux communautaires. On commence par élire un candidat à la présidence de l’établissement public. Après quoi, on procède à un scrutin par vice-président : d’abord, le premier vice-président, puis le deuxième vice-président, le troisième, et ainsi de suite, selon « l’ordre du tableau ». L’égalité est respectée : il est donné acte à chaque conseiller communautaire, qu’il soit maire ou non, qu’il a la possibilité de lever la main pour être candidat, parfois contre un autre candidat. D’ailleurs, on ne sait pas forcément, à ce moment-là, quelles seront les attributions que l’on brigue. On est vice-président, c’est ensuite que les choses sont précisées par l’arrêté de délégation de fonctions du président de l’intercommunalité – pardon, vous savez tous cela, mais en repartant de ce constat, vous comprendrez pourquoi je suis opposé à la modification du dispositif actuel. En tout cas, je peux proposer à Mme Cukierman une piste de sortie.
Ainsi, la démocratie fonctionne à plein pot et à plein tube dans l’environnement communautaire où le président de l’intercommunalité ne propose pas de liste bloquée. (M. Jacques Genest proteste.)
Oui, monsieur le sénateur, vous me regardez quand je dis cela, mais on ne peut pas défendre la ruralité tout le temps et ne pas voir que c’est justement ce qui permet aux maires des communes rurales d’assumer leur candidature et de se faire élire vice-présidents. C’est ainsi que cela fonctionne !
La modification du texte part d’un très bon sentiment, car ce mode de désignation peut durer des heures et des heures, surtout quand un vice-président n’est pas élu dès le premier tour.
J’ai cru comprendre que Mme la rapporteure – je ne peux pas parler en son nom – avait souhaité, à juste titre, rationaliser. Jusque-là, je peux être d’accord.
En revanche, constituer une liste bloquée, c’est modifier profondément l’esprit même de la gouvernance intercommunale. Dans le cas où le président de l’intercommunalité est maire de la commune-centre, il peut compter sur les voix du plus grand nombre de délégués communautaires…
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Ce ne sont pas des vice-présidents !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Tous ne le sont pas ! On va entrer dans le détail, comme on l’a fait hier soir. Je veux en effet que chacun assume les dispositions telles qu’elles sortiront de ce texte.
Pour le coup, défendre la ruralité n’est pas qu’un slogan. Il faut aussi faire en sorte de traduire cette volonté en droit. Avec une liste bloquée, le président de l’intercommunalité va proposer une liste comportant toutes sortes d’élus. Pour proposer leur propre mode de gouvernance, les autres communes vont également déposer leur liste. Le déroulement du vote était certes long et très inconfortable, j’en ai quelques souvenirs un peu émus, mais il donnait lieu à un échange de vice-présidence en vice-présidence. On assistait à un véritable mouvement de démocratie dans l’EPCI. Liste bloquée contre liste bloquée, ce n’est pas forcément une mauvaise chose, mais on change le fonctionnement même de l’intercommunalité, notamment dans le rapport entre la commune-centre, en tout cas les principales communes de l’intercommunalité, et les communes rurales.
Je souhaitais porter ces éléments à votre connaissance.
Nous pourrions peut-être améliorer la disposition en donnant la prime, dans le conseil communautaire, au vote à bulletin secret pour une élection nominative. Si personne ne demande un vote à bulletin secret, le vote peut être fait à main levée, sauf exception prévue par la loi. Dans une collectivité territoriale, à la différence des assemblées parlementaires où vos règlements sont régis par d’autres considérations, si un élu le demande, sauf disposition contraire expressément inscrite dans le règlement intérieur, c’est le vote à bulletin secret qui prime.
Ce que je vous propose à la rigueur, c’est de permettre à un président d’EPCI, s’il y a consensus, de proposer une liste « bloquée », sauf si un conseiller communautaire le refuse. Cette proposition pourrait faire l’objet d’un amendement. Mais j’insiste : si nous devions rester sur cette rédaction, je crains fort que ce ne soit un signal très curieux envoyé à toutes les communes rurales de notre pays.
On le dit depuis tout à l’heure, les communautés de communes et d’agglomération ont bien souvent grandi. Par définition, dans la gouvernance, il y a un moment de démocratie. Certes, il prend du temps, mais au moins, les choses se font dans la plus grande clarté.
Nous savons tous que ces élections entre élus sont parfois inconfortables et toujours originales. (M. Antoine Lefèvre approuve.) Elles ne sont jamais gagnées d’avance. Je suis prêt à courir ce risque. Au moins, celui qui a gagné est véritablement légitime – non pas qu’une liste ne serait pas légitime, je ne dis pas cela –, mais une fois de plus, cela modifie la pratique de l’intercommunalité. Si on défend la ruralité, il faut aussi faire attention à la manière dont on écrit ce genre de texte de loi. (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-Pierre Grand. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. M. le ministre nous réserve des surprises ! Il dépose un amendement de suppression et nous dit ensuite, à 23 heures, qu’il pourrait y avoir une idée à creuser.
Monsieur le ministre, je vous le dis très aimablement, vous venez de nous faire remarquer que nous n’avions pas transmis un amendement rectifié. Le moment est venu de vous dire : « À faute, faute et demie ! »
Je m’exprime en toute amabilité, je ne suis pas du tout convaincue par vos arguments et je vais vous exposer pourquoi.
Je n’ai pas encore parlé de ma communauté de communes. Sans m’étendre sur le sujet, je dirai que j’ai moi aussi été maire et présidente d’une intercommunalité. Chacun d’entre nous sait qu’il revient au premier conseil communautaire de composer le bureau. S’il se réunit le mardi à 20 heures, les discussions auront eu lieu bien en amont et ce qui se passe ce soir-là ne ressemble en rien à un tirage du loto, sauf accident de parcours, qui peut arriver.
Des projets d’organisation auront été envisagés et des candidatures pressenties, ce qui me semble bien si l’on considère qu’une intercommunalité est un espace de coopération.
Je ne doute pas que votre proposition permettrait de préserver l’intérêt des maires ruraux, mais expliquez-moi en quoi le scrutin uninominal ne provoque pas le même effet que celui que nous proposons – si tant est que celui que nous proposons ait un effet. Notre proposition vise non pas à raccourcir le temps du vote, mais à s’aligner sur ce qui se passe dans les communes de plus de 3 500 habitants.
Enfin, monsieur le ministre, il peut y avoir deux listes dans une intercommunalité. Si ceux que vous appelez les maires ruraux étaient écartés a priori, comme vous le dites, qu’est-ce qui les empêche de faire une liste ? (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
J’entends votre préoccupation, monsieur le ministre, mais la proposition que vous nous faites ne garantit pas les promesses que vous nous faites. Par conséquent, je vous demande le retrait de l’amendement. Sinon, l’avis serait défavorable. Même punition pour l’amendement identique n° 755 rectifié de Mme Cukierman !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le ministre, je déplore votre argumentation. Il n’y a pas ici un ministre qui défendrait le monde rural et une commission des lois qui porterait atteinte aux intérêts du monde rural. Je vous le dis, la manière dont vous avez posé le problème est assez déplaisante, car, en réalité, votre grille d’analyse ne me paraît pas adaptée.
Quand nous décidons du mode de scrutin pour l’élection du bureau, nous pensons à l’intérêt de l’intercommunalité elle-même pour faire en sorte qu’il y ait une cohésion. Aucun des deux modes de scrutin ne garantit par lui-même la représentation des communes rurales. Si l’on devait choisir, on pourrait penser que, compte tenu de la nature de l’intercommunalité, le fait qu’il y ait une liste et que l’intérêt fondamental de l’exécutif de la communauté de communes soit précisément que les communes rurales y soient bien représentées protège les communes rurales contre des majorités qui se constitueraient grâce à la domination, dans le cas de figure que vous avez évoqué, des communes urbaines, dans l’intercommunalité telle que vous l’avez conçue.
En réalité, nos intercommunalités sont diverses, mais aucune d’entre elles ne peut réellement fonctionner si l’on ne prend pas en compte le mieux possible toutes les communes de l’intercommunalité. En effet, la grande différence entre une intercommunalité et une municipalité – pardon de le dire, parce que c’est une évidence –, c’est que dans une commune de plus de 1 000 habitants, il y a souvent une majorité et une opposition. Parfois, il y a une liste unique, ce qui signifie l’absence d’opposition. Dans une communauté de communes, on ne peut pas fonctionner avec un logiciel de majorité et d’opposition politique, on ne peut fonctionner que si l’on réussit à intégrer toutes les communes dans le fonctionnement de la communauté des communes. C’est une association.
Par conséquent, si le président d’une intercommunalité est assez inconscient de la nature même de cette institution pour refouler de son exécutif et de sa majorité un certain nombre de communes, alors c’est la recette de l’échec qu’il applique.
Pour notre part, nous voulons le succès de l’intercommunalité, ce qui passe par la meilleure représentation possible de toutes les communes au sein de l’exécutif, mais aussi par la cohésion de cet exécutif, qui doit former une équipe capable de piloter l’intercommunalité.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Quand, en commission, nos rapporteurs nous ont conseillé d’adopter un amendement tendant à assurer à la fois la cohésion de l’exécutif et la possibilité de protéger les petites communes, en leur garantissant une présence au sein de l’exécutif au travers de cette liste, je crois, en toute bonne foi, que leur proposition mérite une plus grande considération que celle que vous lui avez accordée, monsieur le ministre, en caricaturant leur dispositif comme mettant en péril la représentation des communes rurales, que nous voulons au contraire défendre, sur toutes nos travées. Je vous fais volontiers crédit, monsieur le ministre, de votre sincère volonté de défense des communes rurales, mais je crois que, en réalité, par notre texte, nous les défendons mieux que vous. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je fais naturellement miens les propos, comme toujours brillants, que vient de tenir M. le président de la commission, et je veux battre en brèche les arguments qu’ont exposés M. le ministre et notre collègue Cécile Cukierman.
Ce débat est très intéressant en ce qu’il illustre parfaitement ce que nous affirmons depuis le début. Soit l’on considère que la construction intercommunale doit être régie et encadrée de façon à trancher systématiquement, et de façon très claire, toutes les oppositions et tous les conflits qui pourraient voir le jour, notamment entre les villes les plus importantes et les communes les plus rurales, soit l’on considère que l’intercommunalité se construit comme une forme d’intelligence territoriale : comme ce n’est pas une collectivité, il faut à un moment donné associer les communes les plus rurales, dans toute leur spécificité, aux communes les plus densément peuplées, qui ont une centralité.
Chacun des 348 membres de notre assemblée pourra donner un exemple qui contredira celui de son voisin !
M. Jacques Bigot. Oui !
M. Jérôme Durain. Vous avez raison !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Partons donc de ce postulat. Les intercommunalités sont diverses : ainsi – je prends cet exemple, car je vois Jacques Genest demander la parole –, la communauté de communes Montagne d’Ardèche n’a rien à voir avec une communauté d’agglomération urbaine qui n’a que des problèmes urbains.
Si l’on veut faire de l’intercommunalité un outil de projet, un outil de mutualisation pour son territoire, je considère pour ma part qu’on peut tout à fait s’entendre. Avant de prendre part à ce débat, encore faut-il regarder la carte actuelle de nos intercommunalités : votre propos peut être entendu, monsieur le ministre, mais vous semblez oublier que beaucoup d’intercommunalités n’ont pas à proprement parler de centralité, et ce dans la Manche comme dans l’Ardèche. Il est donc nécessaire que les élus, avant de penser à former une gouvernance, puissent s’entendre sur leur capacité à créer ensemble un projet et tout ce qui sera nécessaire à la réussite de cette intercommunalité.
Finalement, on en revient à l’essence même de notre débat ; je ne doute d’ailleurs pas que la question se posera, dans les mêmes termes, à chacun des articles de ce texte qui concernent, à tout le moins, le fameux pacte de gouvernance, mais aussi les compétences et la composition, entre autres institutions, des commissions départementales de coopération intercommunale.
Je tiens à répéter que considérer la ruralité comme un ensemble parfaitement défini, qui s’opposerait à un ensemble urbain lui aussi parfaitement défini est une hérésie lorsqu’il est question d’intercommunalité. Il faut à mon sens faire montre de souplesse et admettre que les élus des communes, qui restent la porte d’entrée – je le redis à dessein – de l’intercommunalité, sont en capacité de s’entendre. Ils le peuvent parce qu’ils en ont besoin, ne serait-ce que pour des questions de ressources et de construction d’un projet.
On en revient toujours au même point : je pense qu’il faut faire confiance à ces élus plutôt que de chercher à les opposer ou à encadrer leur réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux que la position du Gouvernement sur cette affaire soit vraiment entendue.
Monsieur le président de la commission des lois, il n’y a pas d’opposition entre le Gouvernement et votre commission ; je crois l’avoir démontré depuis hier, et même bien auparavant, en essayant de coconstruire avec vous ce texte.
Madame le rapporteur, vous ne découvrez pas ce soir que la modification du mode de scrutin pour l’élection des vice-présidents d’intercommunalité a toujours suscité mon opposition ; je ne m’en suis jamais caché.
Je suis d’accord avec M. le rapporteur : dans nos territoires, nous pouvons tous rencontrer des situations différentes ; c’est pourquoi il est toujours très difficile de légiférer de manière à encadrer, réguler, ou corriger ces situations. J’essaie simplement, avec bonne foi et, je l’espère, beaucoup de bon sens, de vous expliquer que, si votre système est adopté, on passera d’une situation où, quand le président demande qui est candidat à une vice-présidence, chaque membre du conseil communautaire peut lever la main, à une situation, que vous semblez assumez, mais dont je ne cacherai pas qu’elle me chagrine, où, pour figurer sur une liste, il faudra être coopté. (M. le rapporteur proteste.)
Je veux bien retirer le mot « coopté » s’il vous choque, monsieur le rapporteur. Disons-le autrement : il faudra bien être sur la liste.