Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant après de nombreux orateurs, je ne vais pas revenir sur l’intérêt et l’importance de cette proposition de loi, sinon pour saluer l’engagement du rapporteur, David Assouline, également auteur de ce texte. Grâce à sa détermination, à celle de notre commission, à celle du Sénat dans son ensemble, et avec votre soutien, monsieur le ministre, la France sera le premier État à transposer dans son droit l’article 15 de la directive sur le droit d’auteur. Notre texte sera ainsi un point de référence et servira donc, je l’espère, de modèle dans toute l’Europe.
Maintenant, il reste, de manière effective et rapide, à transposer l’ensemble de cette directive sur le droit d’auteur qui constitue la première véritable réponse organisée de l’Europe face aux géants du numérique, qui l’ont d’ailleurs combattue jusqu’au bout à Bruxelles, de manière souvent déloyale, et qui – ne nous leurrons pas – céderont le moins de terrain possible malgré la législation.
D’où notre insistance, monsieur le ministre, celle des acteurs culturels, pour que le projet de loi relatif à l’audiovisuel censé transposer la directive sur les services de médias audiovisuels, les SMA, et la directive sur le droit d’auteur ne se trouve pas davantage décalé dans le temps.
Cette directive sur le droit d’auteur constitue en effet une avancée, un espoir de retrouver de l’équité. Elle réaffirme aussi la souveraineté des États dans le monde numérique. Un sujet devenu enfin prégnant ces derniers mois et sur lequel, vous le savez, j’alerte de très longue date ; le Sénat a également ouvert une commission d’enquête à cet égard.
Ce sujet nécessite une vision globale et une approche systémique. Aussi ces droits voisins doivent-ils être complétés par d’autres mesures de régulation devenues indispensables pour l’économie en général, et pour la culture et les médias en particulier. Je pense aux questions fiscales, à la sécurisation des données, aux règles de concurrence, mais surtout au régime juridique applicable aux plateformes. Véritablement prédatrices et toujours menaçantes, celles-ci sont aujourd’hui bénéficiaires de tout et redevables de rien. Elles restent des intermédiateurs monopolistiques, incontournables pour un système de distribution de la presse numérique rendu totalement opaque par le jeu des algorithmes.
Lors de notre dernière discussion ici au Sénat, monsieur le ministre, vous avez souscrit, pour la première fois, à ma proposition de résolution européenne de rouvrir la directive sur le e-commerce, qui permettrait d’établir un statut, une redevabilité, une responsabilité des plateformes. Je m’en réjouis et je vous en remercie.
Aussi, permettez-moi de m’étonner des déclarations récentes de votre collègue secrétaire d’État chargé du numérique. Sans doute serait-il mieux inspiré de consacrer son énergie à cet indispensable combat à mener à l’échelon européen, plutôt que de croire encore aux possibilités d’une autorégulation et d’orienter ses attaques contre les journalistes, injustement accusés de ne pas traiter la question des fausses nouvelles.
Cela n’aura échappé à personne, la suggestion, la semaine dernière, de la création d’un conseil de l’ordre des journalistes – d’une police de l’information, en somme – a été très mal vécue. On le sait, la diffusion des fausses nouvelles et la publication des propos diffamatoires ont toujours existé. Certes, c’est devenu un phénomène complexe, dans lequel, d’ailleurs, les plateformes ont toute leur part de responsabilité, en raison du modèle économique sur lequel elles se sont construites : le clic rémunérateur.
Aujourd’hui, à l’heure du numérique, le combat consiste à assurer la survie, la viabilité économique et le pluralisme de la presse, et à garantir la liberté d’expression et la démocratie. Les dérives de certaines plateformes – le traitement absolument non neutre des contenus et la manipulation sophistiquée et litigieuse des données – ne sont plus à démontrer.
C’est donc lucides, fermes dans nos convictions et unis dans nos positions que nous devons avancer sur ce sujet. Surtout, nous ne devons pas succomber au piège qui consisterait à remettre en cause notre propre législation ; je pense en l’occurrence à la loi de 1881.
Dans l’attente de mesures plus structurelles, il est primordial que le secteur de la presse se saisisse de ces dispositions pour entamer rapidement, en application de la loi, les négociations, certainement longues et difficiles, avec les plateformes.
En conclusion, je veux saluer l’excellent travail sur la distribution de la presse. Mon groupe votera bien évidemment pour cette proposition de loi, qui constitue un signal fort en direction des géants de l’internet, mais également, et plus fondamentalement, le versant économique d’un début de responsabilisation des plateformes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Sylvie Robert et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous examinions, en janvier dernier, cette proposition de loi en première lecture, nous savions que ce qui résulterait de nos travaux pourrait servir de base à la transposition de la directive européenne. L’adoption de ce texte était importante, car les règles européennes sur le droit d’auteur ont été pensées avant l’ère du numérique, et elles ne sont plus adaptées.
La situation actuelle est plutôt inquiétante. Aujourd’hui, Google ou Facebook peuvent référencer et diffuser des articles de presse, mais aussi créer des produits, comme Google News, sans rien verser en retour aux éditeurs. Cela pose problème, parce que ces produits sont devenus l’une des principales portes d’accès à l’information ; c’est un peu comme si les radios pouvaient diffuser toute la musique qu’elles souhaitent, et engranger les revenus publicitaires y afférents, sans jamais rémunérer les maisons de disques.
La production des agences de presse – les éléments d’information sous toutes les formes, articles, photographies, vidéographies, sons, infographies – est reprise par les moteurs de recherche et les agrégateurs telle qu’elle est publiée par les éditeurs de presse, clients de ces agences. Or les agences de presse ne concèdent pas à leurs clients le droit d’accepter que ces contenus soient indexés et reproduits par les acteurs du numérique.
Toutefois, d’un point de vue économique, les agences ne peuvent pas se permettre d’interdire aux éditeurs d’être repris sur les moteurs de recherche ou les agrégateurs, car cette présence est pour elles source de profit direct ou indirect ; une interdiction pénaliserait l’audience des éditeurs de presse, donc le chiffre d’affaires des agences, lequel dépend des audiences des éditeurs.
Les agences se trouvent démunies face à la puissance des géants du numérique, et ne parviennent pas à défendre efficacement leurs productions sur le fondement des droits existants de propriété intellectuelle.
D’abord, l’exercice du droit d’auteur implique l’obligation d’apporter la preuve de l’originalité de chacun des contenus indexés et reproduits, ce qui est extrêmement difficile s’agissant de reprises massives de contenus. En ce qui concerne l’exercice du droit de bases de données, il faut que soient identifiées toutes les extractions non autorisées, ce qui aboutit à des procédures extrêmement lourdes. De toute façon, les moteurs de recherche ont la capacité de développer des parades juridiques et de faire durer les débats.
Les jurisprudences européennes qui autorisent les liens hypertextes fragilisent de surcroît ces différents fondements ; l’article 1er bis de la présente proposition de loi, qui les exclut, me paraît donc important.
Ensuite, en admettant qu’une agence de presse ait exercé avec succès son droit d’auteur ou son droit de producteur de bases de données auprès d’un moteur de recherche, elle s’exposerait à un déréférencement des contenus publiés. Ces contenus étant repris par les éditeurs de presse, cela conduirait à priver ces derniers de référencement sur internet ; ce serait un suicide économique.
Enfin, vu la disproportion du rapport de force, une confrontation bilatérale avec les moteurs de recherche ne permettrait pas aux agences de faire valoir individuellement leurs droits. En revanche, un droit voisin visant à établir des accords de licence entre, d’un côté, les grandes plateformes et, de l’autre, les médias, et exercé via des sociétés de gestion collective, sur le modèle de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la Sacem, dans le monde de la musique, remédierait à ce déséquilibre.
Mes chers collègues, peut-on accepter une telle injustice et un tel comportement des Gafam ?
Il y a également un important enjeu démocratique. Rappelons-le, la capitalisation boursière d’Amazon plus celle d’Apple équivalent au PIB de la France. Qu’adviendrait-il, si la presse française était rachetée par ces géants d’internet ? L’information serait dictée par les intérêts des entreprises américaines, et ce sont Google et Facebook qui décideraient de ce qui serait ou non diffusé. Nous ne voulons pas cela.
Sur les smartphones, 92 % de la publicité est captée par Google et Facebook ; rien n’est reversé aux agences et éditeurs de presse. Ainsi, rien qu’avec la publicité, la perte de revenus est considérable.
Si l’on ajoute à cela le fait que le modèle économique des éditeurs de presse est mis en grande difficulté par la dissémination croissante de leurs contenus sur les Gafam, sans contrepartie financière, on peut réellement s’inquiéter, tout simplement, de la mort de la presse donc du contenu. C’est un enjeu démocratique, et c’est un problème de justice sociale.
La France devrait être, mes chers collègues, le premier État européen à transposer les dispositions de la directive relative au droit voisin dans son droit national, et ainsi servir de modèle aux autres pays. Dans un souci d’efficacité, mais aussi de protection des acteurs concernés, au-delà même de nos frontières, il est essentiel de voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, ce 3 juillet, pour examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi déposée par David Assouline visant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.
Ce texte permet de transposer la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique du numérique, adoptée par le Parlement européen le 26 mars dernier et approuvée par le Conseil de l’Union européenne le 15 avril suivant. Il pose un cadre dans un secteur particulièrement sensible, puisque la liberté de la presse garantit la bonne santé d’une démocratie.
Si les informations n’ont jamais été aussi abondantes et dynamiques à travers le monde, jamais non plus le pluralisme et l’indépendance de la presse n’ont été à ce point en danger… Face au flot continu d’informations sur nos ordinateurs, sur nos tablettes, sur nos téléphones, il convenait donc de réagir, car la valeur créée par les journalistes et les éditeurs se trouve aujourd’hui totalement captée par les grands acteurs de l’internet.
Grâce à ce texte, contrairement ce qui se pratique actuellement, les Gafam et les infomédiaires ne pourront plus s’exonérer de toute responsabilité. En effet, ce texte contraint les géants du net au respect de l’État de droit et met fin à une atteinte à la liberté de la presse, puisqu’il permet aux éditeurs et agences de presse de tirer les revenus, notamment numériques, liés à leur travail d’éditorialisation.
Cette proposition de loi comporte aussi un volet économique qu’il convient d’aborder avec pragmatisme et discernement, faute de quoi on risque de voir Google ou Facebook supplanter l’Agence France-Presse…
Dans ce contexte, je me réjouis des travaux tant de l’Assemblée nationale que du Sénat.
Ce texte est cohérent sur le fond.
Sur la forme, la durée des droits patrimoniaux des éditeurs et agences de presse sera de deux ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication d’une publication de presse. Je regrette que la directive ait tranché, en son article 15, la question de la durée des droits dans un sens moins protecteur que celui que le Sénat avait suivi, à savoir une durée de cinq ans.
Je me réjouis en revanche que l’agence de presse soit mieux définie – c’est l’objet de l’article 3 –, tout comme les revenus perçus par une plateforme du web au titre de l’exploitation d’une publication de presse. Ont également été mieux définis les acteurs économiques bénéficiaires du droit voisin, qui correspondent aux éditeurs de presse et aux agences de presse établis sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne.
Le mécanisme qui sera mis en place entre les plateformes et les éditeurs et agences de presse devrait faciliter la juste rémunération des auteurs.
Ces améliorations devraient assurer la survie économique des éditeurs et agences de presse. Je voterai donc, vous l’aurez compris, pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse
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Article 1er bis
(Non modifié)
Après l’article L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 211-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-3-1. – Les bénéficiaires des droits ouverts à l’article L. 218-2 ne peuvent interdire :
« 1° Les actes d’hyperlien ;
« 2° L’utilisation de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse. Cette exception ne peut affecter l’efficacité des droits ouverts au même article L. 218-2. Cette efficacité est notamment affectée lorsque l’utilisation de très courts extraits se substitue à la publication de presse elle-même ou dispense le lecteur de s’y référer. »
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les reproductions et les extractions effectuées par des organismes de recherche et des institutions du patrimoine culturel, en vue de procéder, à des fins de recherche scientifique, à une fouille de textes et de données sur des œuvres ou autres objets protégés auxquels ils ont accès de manière licite. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cette proposition de loi élargit les droits voisins des éditeurs et des agences, en donnant à ceux-ci la possibilité de contrôler la diffusion de leurs publications sous forme numérique.
Selon le principe de la balance des droits d’auteurs, que j’exposais lors de la discussion générale, la directive européenne a consenti une dérogation pour l’usage scientifique des informations de presse.
Le présent texte étant une transposition de ladite directive, il est logique, en droit, de transposer également cette dérogation, afin de ne pas rompre l’équilibre entre les deux valeurs, surtout, j’y insiste, quand cette dérogation n’a pas d’équivalent en droit français.
Tel est l’objet de cet amendement, pour la rédaction duquel j’ai recopié, très scrupuleusement, l’article concerné de la directive européenne, afin de bien montrer mon intention : une transposition exacte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. David Assouline, rapporteur. Cet amendement vise à transposer, dans la proposition de loi, l’article 3 de la directive sur le droit d’auteur, qui prévoit une exception pour les fouilles de textes, dans le cadre de la recherche scientifique.
Cette exception est déjà visée à l’article 38 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Néanmoins, c’est vrai, le décret d’application prévu a reçu un avis négatif du Conseil d’État, lequel a indiqué qu’une exception au droit d’auteur devait être explicitement déterminée par le droit européen, ce qui n’était alors pas le cas, la directive n’étant pas encore adoptée.
Les auteurs de l’amendement souhaitent donc accélérer la transposition de cet article, l’adoption de la directive étant intervenue. Ils expriment, au travers de cet amendement, une préoccupation très légitime de la communauté des chercheurs, même si cette question est, d’un point de vue formel, un peu éloignée de ce texte, convenons-en. Ils remarquent par ailleurs, de manière très juste, que les termes de l’article 3 de la directive sont plus larges que ceux de l’article 38 de la loi précitée, puisqu’ils incluent les institutions du patrimoine culturel.
Le ministre devrait être en mesure d’apporter des précisions sur les conséquences juridiques de l’adoption de la directive et sur son calendrier de transposition. En conséquence, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement, qu’elle suivra, en fonction des explications fournies.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Monsieur Ouzoulias, M. le rapporteur l’a très bien dit, le champ de cette exception est beaucoup plus large que le droit voisin pour les éditeurs et agences de presse visés par cette proposition de loi. Cette exception sera transposée ultérieurement, je l’indiquais dans mon propos liminaire, en même temps que les autres dispositions de la directive, dans le cadre du projet de loi relatif à l’audiovisuel.
À l’heure actuelle, mon ministère organise, avec l’ensemble des parties prenantes, une concertation sur ces dispositions. Je suis d’accord avec vous et avec le rapporteur, cette question est importante, mais le bon moment de la transposition de cette disposition sera l’examen du projet de loi relatif à l’audiovisuel, qui sera présenté en octobre prochain et discuté à l’Assemblée nationale à partir du mois de janvier 2020.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, puisque nous allons travailler sur ce sujet. J’espère, monsieur le sénateur, que vous nous ferez, une fois de plus, confiance. (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Ce serait la première fois ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. David Assouline, rapporteur. La préoccupation que vous exprimez, monsieur Ouzoulias, est légitime, mais on a rarement entendu, dans l’hémicycle, de propos aussi clairs de la part d’un ministre auquel on demande des garanties. Il faut un décret et il faut asseoir celui-ci sur la transposition de la directive. On sait que cette transposition est programmée, l’échéance étant fixée au mois de juin 2021 ; j’espère d’ailleurs qu’elle interviendra plus tôt.
Depuis 2016, vous attendiez que les choses se décantent. Patienter quelques semaines ou quelques mois de plus ne me paraît pas très grave.
Je vous demande donc également de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue.
Mme la présidente. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Merci de vos observations, monsieur le ministre.
Qu’un archéologue défende un amendement sur les fouilles, c’est presque du conflit d’intérêts ; mais il s’agit de fouilles de textes, donc je peux continuer… (Sourires.)
J’ai bien compris votre argumentation. Vous estimez que, en droit, l’amendement est conforme à la directive européenne, que les droits voisins sont étendus et que, légitimement, pour équilibrer ce nouveau droit voisin, il faut prévoir une dérogation.
Cela étant, vous me dites aussi qu’un problème de calendrier se pose et qu’il ne serait pas adapté de transposer cette disposition aujourd’hui, qu’il vaudrait mieux le faire plus tard.
J’entends cet argument chronologique, mais je vous oppose une question de principe. Nous avons réfléchi sur le juste équilibre entre les droits et les dérogations. Il est important, dans un texte comme celui que nous examinons, que, en droit, nous défendions toujours une position d’équilibre entre les droits et les devoirs.
Par conséquent, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
M. David Assouline, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle est complété par des V et VI ainsi rédigés :
« V. – La durée des droits patrimoniaux des éditeurs de presse et des agences de presse est de deux ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication d’une publication de presse.
« VI. – (Supprimé) » – (Adopté.)
Article 3
Le titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Droits des éditeurs de presse et des agences de presse
« Art. L. 218-1. – I. – On entend par publication de presse au sens du présent chapitre une collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique, qui peut également comprendre d’autres œuvres ou objets protégés, notamment des photographies ou des vidéogrammes, et qui constitue une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée portant un titre unique, dans le but de fournir au public des informations sur l’actualité ou d’autres sujets publiées, sur tout support, à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle des éditeurs de presse ou d’une agence de presse.
« Les périodiques qui sont publiés à des fins scientifiques ou universitaires, tels que les revues scientifiques, ne sont pas couverts par la présente définition.
« II. – On entend par agence de presse au sens du présent chapitre toute entreprise mentionnée à l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation des agences de presse ayant pour activité principale la collecte, le traitement et la mise en forme, sous sa propre responsabilité, de contenus journalistiques.
« III. – On entend par éditeur de presse au sens du présent chapitre la personne physique ou morale qui édite une publication de presse ou un service de presse en ligne au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.
« IV. – Le présent chapitre s’applique aux éditeurs de presse et agences de presse établis sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne.
« Art. L. 218-2. – L’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne.
« Art. L. 218-3. – Les droits des éditeurs de presse et des agences de presse résultant de l’article L. 218-2 peuvent être cédés ou faire l’objet d’une licence.
« Ces titulaires de droits peuvent confier la gestion de leurs droits à un ou plusieurs organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III de la présente partie.
« Art. L. 218-4. – La rémunération due au titre des droits voisins pour la reproduction et la communication au public des publications de presse sous une forme numérique est assise sur les recettes de l’exploitation de toute nature, directes ou indirectes, ou, à défaut, évaluée forfaitairement, notamment dans les cas prévus à l’article L. 131-4.
La fixation du montant de cette rémunération prend notamment en compte les investissements humains, matériels et financiers réalisés par les éditeurs et les agences de presse, la contribution des publications de presse à l’information politique et générale et l’importance de l’utilisation des publications de presse par les services de communication au public en ligne.
« Les services de communication au public en ligne sont tenus de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse tous les éléments d’information relatifs aux utilisations des publications de presse par leurs usagers ainsi que tous les autres éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent article et de sa répartition.
« Art. L. 218-5. – I. – Les journalistes professionnels ou assimilés, au sens des articles L. 7111-3 à L. 7111-5 du code du travail, et les autres auteurs des œuvres présentes dans les publications de presse mentionnées à l’article L. 218-1 du présent code ont droit à une part appropriée et équitable de la rémunération mentionnée à l’article L. 218-4. Cette part ainsi que les modalités de sa répartition entre les auteurs concernés sont fixées dans des conditions déterminées par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif au sens de l’article L. 2222-1 du code du travail. S’agissant des autres auteurs, cette part est déterminée par un accord spécifique négocié entre, d’une part, les organisations professionnelles d’entreprises de presse et d’agences de presse représentatives et, d’autre part, les organisations professionnelles d’auteurs ou les organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III de la présente partie. Dans tous les cas, cette rémunération complémentaire n’a pas le caractère de salaire.
« I bis. – À défaut d’accord dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi n° … du … tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse et en l’absence de tout autre accord applicable, l’une des parties à la négociation de l’accord d’entreprise ou de l’accord spécifique mentionnés au I peut saisir la commission prévue au I ter. La commission recherche avec les parties une solution de compromis afin de parvenir à un accord. En cas de désaccord persistant, elle fixe la part appropriée prévue au I ainsi que les modalités de sa répartition entre les auteurs concernés.
« I ter. – Pour la mise en œuvre du I bis, il est créé une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en outre, pour moitié de représentants des organisations professionnelles d’entreprises de presse et d’agences de presse représentatives et pour moitié de représentants des organisations représentatives des journalistes et autres auteurs mentionnées au I. Le représentant de l’État est nommé parmi les membres de la Cour de cassation, du Conseil d’État ou de la Cour des comptes, par arrêté du ministre chargé de la communication.
« À défaut de solution de compromis trouvée entre les parties, la commission rend sa décision dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine.
« L’intervention de la décision de la commission ne fait pas obstacle à ce que s’engage dans les entreprises concernées une nouvelle négociation collective. L’accord collectif issu de cette négociation se substitue à la décision de la commission, après son dépôt par la partie la plus diligente auprès de l’autorité administrative, conformément à l’article L. 2231-6 du code du travail.
« II. – (Supprimé)
« III. – Les journalistes professionnels ou assimilés et les autres auteurs mentionnés au I du présent article reçoivent au moins une fois par an, le cas échéant par un procédé de communication électronique, des informations actualisées, pertinentes et complètes sur les modalités de calcul de la part appropriée et équitable de rémunération qui leur est due en application du même I.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment la composition et les modalités de saisine et de fonctionnement de la commission, les voies de recours juridictionnel contre ses décisions et leurs modalités de publicité.
« Chapitre IX
(Division et intitulé supprimés)
« Art. L. 219-1 à L. 219-5. – (Supprimés)