compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Gatel,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (projet n° 323, texte de la commission n° 474, rapport n° 473).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 1er bis F.
TITRE Ier (suite)
GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS
Chapitre Ier (suite)
L’engagement de la communauté éducative
Article 1er bis F
La première phrase de l’article L. 311-4 du code de l’éducation est complétée par les mots : « , y compris dans ses territoires d’outre-mer ».
M. le président. L’amendement n° 324 rectifié, présenté par Mmes Lepage, Blondin et Monier, M. Antiste, Mmes S. Robert et Conway-Mouret, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et dans les pays francophones
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de compléter l’article L. 311-4 du code de l’éducation, afin que les programmes scolaires comportent également des enseignements destinés à faire connaître la richesse de la culture et de la littérature francophones. La défense de la francophonie, vous le savez, est une priorité affichée par le Président de la République.
Cette proposition suit les recommandations du rapport d’information que j’ai rédigé avec notre ancien collègue Louis Duvernois, intitulé Francophonie : un projet pour le XXIe siècle, et notamment sa proposition n° 5, par laquelle nous formions le vœu d’intégrer les littératures francophones dans les programmes scolaires français.
Notre pays accuse dans ce domaine un certain retard, contrairement à la Suisse, au Québec et à la Belgique, où la prise en compte de la francophonie dans les programmes scolaires fait l’objet d’une incitation claire. C’est pourquoi le livre blanc de la Fédération internationale des professeurs de français proposait également d’« ouvrir les curricula aux littératures francophones, aux différents patrimoines nationaux, aux variations linguistiques et culturelles, et plus largement à la francophonie ».
Si, en 2015, le concept de « littératures francophones » a été introduit dans les programmes de français, les éditeurs de manuels scolaires n’ont pas encore emboîté le pas, et cette ouverture est restée lettre morte à ce stade.
Or l’appropriation de la francophonie par la population française passera nécessairement par l’éducation et par la place qui est faite à la francophonie dans les programmes scolaires, par exemple au travers de la présentation de la diversité des littératures francophones en cours de français et du monde francophone comme l’un des espaces de solidarité de la France dans le monde en cours d’histoire ou de géographie.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Cet amendement vise à étendre la sensibilisation à la diversité des cultures en France à celles des pays francophones. C’est bien sûr une idée généreuse. Rappelons cependant que l’Organisation internationale de la francophonie compte 88 États ou gouvernements membres, issus de cinq continents. Il y a bien entendu les pays d’Afrique francophone, mais aussi des pays comme le Qatar.
Votre proposition, ma chère collègue, me semble donc peu réaliste en termes de mise en œuvre. Par ailleurs, sur le fond, il me paraît peu souhaitable de mettre sur le même plan l’enseignement des cultures de France et des outre-mer, d’une part, et de l’ensemble des cultures des nombreux pays de l’Organisation internationale de la francophonie, d’autre part. Enfin, le concept même de francophonie est largement au cœur des programmes d’histoire et géographie, aussi bien au collège qu’au lycée.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est évidemment une proposition dont nous pouvons partager l’esprit, puisque nous sommes évidemment tous très favorables à la promotion de la francophonie, comme vient de le dire M. le rapporteur.
Pour ma part, je considère que l’amendement est satisfait, puisqu’il est précisé dans les programmes, tant d’enseignement moral et civique que de français, que l’on doit veiller « à la diversité des œuvres choisies, en puisant dans la littérature française, les littératures francophones et les littératures étrangères et régionales ». Il est également souligné que « les travaux portant […] sur les littératures francophones montrent aux élèves qu’il existe des formules types d’expression française qui enrichissent par la création les pratiques du français. Les élèves se constituent ainsi une culture littéraire et artistique commune ».
Les programmes font donc aujourd’hui très clairement la promotion de la francophonie. D’ailleurs, les manuels en train d’être publiés pour tenir compte des nouveaux programmes du lycée illustrent cette ouverture vers l’ensemble de la francophonie. Votre intention, madame la sénatrice, est donc évidemment tout à fait partagée, comme l’a montré le Président de la République dans son discours à l’Académie française en rappelant ces enjeux.
Considérant que votre amendement est satisfait, je vous propose de le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Lepage, l’amendement n° 324 rectifié est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de l’attention que vous portez à ma demande et à la francophonie.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison, s’il y a bien 88 pays dans l’Organisation internationale de la francophonie, tous ne sont pas francophones. Certains ne sont qu’observateurs, et l’exemple du Qatar, que vous avez donné, illustre cette réalité. Néanmoins, vous le savez très bien, lorsque je parlais de littérature et de culture francophones, je ne parlais pas de la littérature ni de la culture du Qatar.
Toutefois, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 324 rectifié est retiré.
L’amendement n° 421 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre et MM. Gold, Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après la première phrase de l’article L. 311-4 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cet enseignement moral et civique fait référence à l’histoire de France. »
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Cet amendement a pour objet de compléter cet article pour faire reposer l’enseignement moral et civique sur l’histoire de notre pays. Cela permettrait une mise en perspective de l’actualité avec notre histoire, ce qui rendrait cette matière plus concrète pour les élèves.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mon cher collègue, je veux vous rassurer, l’enseignement moral et civique fait évidemment déjà largement référence à l’histoire de France, notamment en abordant les symboles de notre pays, ses institutions et ses valeurs. Par ailleurs, cet enseignement étant généralement assuré par des professeurs d’histoire et de géographie, soyez assuré que les références à l’histoire de France y sont constantes.
Votre amendement étant déjà largement satisfait, j’en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, j’irai dans le même sens que le rapporteur. L’histoire de France est en effet déjà prise en compte, notamment parce que ce sont les professeurs d’histoire et de géographie qui ont la charge de cet enseignement.
C’est de surcroît explicite dans les attendus de fin de cycle 3, où il est écrit : « L’enseignement moral et civique articule des valeurs, des savoirs – littéraires, scientifiques, historiques, juridiques – et des pratiques. Il requiert l’acquisition de connaissances et de compétences dans les quatre domaines de la culture civique et donne lieu à des traces écrites et à une évaluation. »
Il y a donc clairement une explicitation de ce lien entre enseignement civique et moral.
J’ajoute, et cela peut valoir pour d’autres amendements, que le contenu des programmes n’est pas du domaine législatif. Il faut donc faire attention à ne pas être inflationniste sur ce sujet.
C’est donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Menonville, l’amendement n° 421 rectifié est-il maintenu ?
M. Franck Menonville. Les réponses me conviennent tout à fait. Je retire donc cet amendement, monsieur le président, ainsi que le suivant, qui est en lien avec celui-ci.
M. le président. L’amendement n° 421 rectifié est retiré.
L’amendement n° 423 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La seconde phrase de l’article L. 311-4 du code de l’éducation est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « civique », est inséré le mot : « obligatoire » ;
2° Après le mot : « élèves », sont insérés les mots : « la connaissance des valeurs et des institutions de la République ainsi que les droits et devoirs liés à la citoyenneté, ».
…. – La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 312-15 du code de l’éducation est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « aux », sont insérés les mots : « institutions et aux » ;
2° Après le mot : « connaissance », sont insérés les mots : « des droits et devoirs liés à la citoyenneté ».
Cet amendement a été retiré.
La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour explication de vote sur l’article 1er bis F.
M. Robert Laufoaulu. Cet article précise que les cultures d’outre-mer doivent être abordées dans le cadre de l’enseignement visant à faire connaître la diversité et la richesse des cultures représentées en France.
C’est une excellente chose de faire connaître nos outre-mer dans le cadre de l’enseignement. Cela contribuera notamment à valoriser l’image de nos collectivités ultramarines, trop souvent mal perçues en métropole.
Il faudra cependant former les enseignants à ces cultures. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire ce qui est prévu à cet égard ? Existera-t-il, par exemple, des opuscules présentant les différentes cultures et traditions ultramarines, extrêmement diverses, comme vous le savez ?
Il serait regrettable, en effet, qu’une mauvaise présentation des cultures d’outre-mer amène à enseigner des choses fausses ou mal expliquées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’enseignement des réalités d’outre-mer dans l’ensemble de la France renvoie à ce que nous disions hier sur la cartographie. J’ai pris des engagements clairs, dans la lignée de l’amendement présenté par M. Karam qui a été voté hier. Dans le même esprit, nous devons assurer une certaine homogénéité de la formation des professeurs, avec un certain nombre d’éléments communs. Il va de soi que la connaissance des outre-mer fait partie de ces éléments. De même, notre formation outre-mer doit, elle-même, tirer parti de cette vision complète de l’enseignement.
C’est ce que je serai amené à rappeler lorsque nous aborderons le nouveau contexte de formation des enseignants. J’aurai une attention particulière pour ce sujet, qui ne relève cependant pas du domaine de la loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis F.
(L’article 1er bis F est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis F
M. le président. L’amendement n° 89 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mmes Jasmin et Conconne, MM. Lurel, Montaugé, Daudigny, Joël Bigot, Temal et Kerrouche, Mmes Lepage et Conway-Mouret et MM. Duran et Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis F
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 311-4 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements régis par l’article 73 de la Constitution, cet enseignement moral et civique fait notamment référence à l’histoire régionale. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. L’article L. 311-4 du code de l’éducation dispose : « Les programmes scolaires comportent, à tous les stades de la scolarité, des enseignements destinés à faire connaître la diversité et la richesse des cultures représentées en France. »
Cependant, l’évocation de la France ultramarine dans les programmes scolaires est encore essentiellement réduite aux seules heures consacrées à l’étude historique des périodes colonialistes, esclavagistes et à l’étude géographique des zones économiques exclusives.
La France ultramarine, dans sa diversité, représente près de 5 % de la population française. Sa richesse culturelle est l’héritage de décennies, de siècles de métissage sur chacun des bassins régionaux où elle est présente. Elle constitue 99 % du territoire maritime et plus de 80 % de la biodiversité de notre pays. Les outre-mer, ce sont des citoyens et des territoires français aux portes de la plupart des continents. Ils ont été, sont et seront plus encore les acteurs français d’enjeux majeurs pour l’avenir tant du monde que de la France. Une majorité des Français ignore cette diversité, cette richesse, dont elle fait pourtant partie.
Cet amendement vise donc à ce que les élèves des DROM connaissent l’histoire de leurs territoires respectifs, qui se sont construits sur une agrégation de diversités culturelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez bien sûr raison, il est nécessaire de faire en sorte que les cours s’inscrivent pleinement dans la réalité des territoires où vivent nos élèves non seulement d’outre-mer, mais aussi d’ailleurs. C’est néanmoins particulièrement vrai pour les outre-mer.
Je vous rappelle que l’arrêté du 9 février 2017 prévoit déjà des adaptations des programmes d’histoire et de géographie dans les départements et régions d’outre-mer, afin de mieux prendre en compte la réalité historique et géographique de ces territoires.
Par ailleurs, on peut penser que les professeurs d’enseignement moral et civique, lorsqu’ils étudient les institutions de la République, prennent en compte localement les particularités des DROM.
Sincèrement, je pense que votre amendement est satisfait. J’en sollicite donc le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, je partage profondément l’esprit de votre proposition. Nous avons évidemment à agir dans ce sens. Comme vient de le dire le rapporteur, cela vaut particulièrement pour les outre-mer, mais aussi pour l’ensemble de la France. Nous devons avoir une vision, que l’on pourrait qualifier d’inductive, de l’approche historique. Nous prendrons des initiatives prochainement pour que cette histoire inductive, autrement dit une bonne connaissance de son environnement historique et patrimonial, soit proposée aux enfants, y compris à l’école primaire, où des projets pédagogiques extrêmement intéressants peuvent être menés en la matière.
S’agissant des outre-mer, un certain nombre de progrès ont déjà été accomplis au cours des dernières années, voire des dernières décennies. Je l’ai d’ailleurs vécu moi-même lorsque, afin de prendre en compte les situations régionales particulières et les patrimoines culturels locaux, une pratique d’adaptation des programmes a été inaugurée dès 1999 dans les départements et régions d’outre-mer. La loi d’orientation n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer a entériné cette pratique d’adaptation, qui se fait par ajout et/ou substitution de thèmes.
Je vois le sénateur Karam hocher la tête en signe d’approbation. Il se trouve que nous avons vécu ensemble ce type d’expérience pour la Guyane, mais cela fut le cas aussi, je le sais, pour d’autres territoires.
Ainsi, les programmes de l’école et du collège entrés en vigueur à la rentrée 2016 ont fait l’objet d’une démarche d’adaptation pour les départements et régions d’outre-mer. Ont été concernés les programmes d’histoire et de géographie des cycles 3 et 4 – du CM1 jusqu’à la troisième –, mais aussi, et pour la première fois, les programmes de sciences de la vie et de la Terre du cycle 4.
Enfin, l’article L. 311-4 du code de l’éducation prévoit que les programmes scolaires comportent des enseignements permettant d’accéder à la connaissance des différentes cultures présentes sur le territoire français.
Il y a, à mon sens, deux dimensions dans votre questionnement. Tout d’abord, il y a cette dimension d’histoire inductive, à laquelle je viens de répondre. J’y suis très favorable dans nos pratiques, et nous allons le faire toujours davantage. Ensuite, il y a, ce que nous avions déjà dans l’amendement précédent, le souhait d’une meilleure connaissance des outre-mer par l’ensemble de nos élèves, ce à quoi je veillerai, bien entendu.
Considérant que votre amendement est satisfait, j’en demande le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Antiste, maintenez-vous votre amendement ?
M. Maurice Antiste. Je me permets malgré tout d’insister, monsieur le ministre. Il serait tout à notre honneur de repréciser dans la loi ce que vous venez de dire, conformément à ma proposition. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Pour ma part, je trouve cet amendement extrêmement pertinent. Je me suis tu hier soir, mais j’ai beaucoup écouté le débat, très riche, concernant la prise en considération de nos territoires ultramarins. J’estime que nous sommes en train d’avancer par rapport à tout un pan de notre histoire, quand la France n’était vue quasiment qu’à travers son prisme hexagonal. C’est important de le dire et de faire référence à l’histoire précoloniale de ces territoires, qui a son importance.
En cette période où les enjeux planétaires sont de plus en plus d’actualité, je soutiendrai M. Antiste en votant en faveur de son amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis F.
L’amendement n° 331 rectifié, présenté par Mmes Ghali, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, MM. Assouline, Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis F
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 312-9 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle permet d’acquérir la maîtrise de l’outil informatique et du codage informatique. »
La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Aujourd’hui, le codage informatique est partout autour de nous. L’importance de certaines entreprises du domaine des nouvelles technologies montre à quel point le numérique est un secteur stratégique.
L’apprentissage du codage informatique représente donc un enjeu majeur pour les jeunes arrivant sur le marché de l’emploi. Pour notre pays, il s’agit d’un sujet crucial. En effet, la formation dès le plus jeune âge au langage informatique permettrait à la France de compter à l’avenir sur des ingénieurs suffisamment qualifiés pour s’assurer une indépendance numérique.
Certains pays, vous le savez, intègrent depuis maintenant près de dix ans l’enseignement du langage informatique dès l’école primaire. La France est en retard dans ce domaine. Demain, nos élèves seront en concurrence avec ceux de pays qui ont aujourd’hui une longueur d’avance sur nous. Devrons-nous nous résigner à nous dire dans quelques années : « ah, si nous avions su ! » ?
À mon sens, le langage informatique doit être placé au même niveau que l’anglais dans les écoles. Si nous souhaitons que nos enfants soient demain performants, non seulement en France, mais aussi au niveau mondial, cette question me paraît essentielle.
C’est pourquoi j’ai souhaité dans un premier temps que soit prévu l’enseignement du langage informatique à l’école, à l’instar de ce que vous avez fait, monsieur le ministre, et très bien, s’agissant du dédoublement des classes de CP et de CE1. Si nous procédons ainsi, nous mettrons fin aux contournements de la carte scolaire, certains parents considérant qu’ils apportent un plus à leurs enfants en les laissant dans l’école de leur quartier. Nous éviterons ainsi la ghettoïsation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je suis bien entendu en plein accord avec vous, madame Ghali. Néanmoins, je me dois de rappeler que les programmes de 2015, entrés en vigueur en 2016, prévoient, dès l’école primaire, une sensibilisation au codage informatique. Par ailleurs, il existe au collège un enseignement de l’informatique, qui comprend également le code, l’algorithmique et l’utilisation d’un traitement de texte.
Mme Samia Ghali. Ce n’est pas la même chose !
M. Max Brisson, rapporteur. Se pose en outre la question des professeurs que nous aurons à mettre en face des élèves pour que ces éléments, qui sont déjà dans les programmes, soient vraiment enseignés. C’est tout l’enjeu de la formation des enseignants, au sujet de laquelle nous débattrons tout à l’heure d’un amendement déposé par Mme Morin-Desailly à l’article 12 bis.
Je crois en tout cas que votre amendement est largement satisfait, même si la mise en œuvre de cette partie des programmes de 2015, entrés en vigueur en 2016, n’est pas toujours à la hauteur.
Je sollicite donc le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame la sénatrice, la question que vous soulevez est évidemment fondamentale. Comme M. le rapporteur, je ne peux qu’être d’accord avec le contenu de votre intervention. Il est évident que tous les enfants de France doivent apprendre la programmation.
Le rapporteur l’a rappelé, c’est en fait inscrit dans les programmes. (Mme Samia Ghali s’exclame.) Je profite de votre amendement pour annoncer une série de très bonnes nouvelles. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Tout d’abord, comme vous l’appelez de vos vœux, nous allons systématiser l’enseignement de la programmation, en conformité avec les programmes. Cela correspond à un besoin, sur lequel je veux m’arrêter un instant, dans le prolongement de ce que vous avez dit très justement. Il ne s’agit pas seulement de donner une compétence nouvelle, dans un domaine très important en notre siècle, même si c’est déjà une raison suffisante.
En effet, la programmation apporte en plus un élément cognitif essentiel aux élèves : la logique, un mot clé que nous devrions prononcer plus souvent et dont nous avons plus que jamais besoin. C’est évidemment rattachable aux autres savoirs fondamentaux que nous voulons pour les élèves, à savoir les mathématiques, évidemment, mais aussi la grammaire. Rien ne ressemble plus à la logique de grammaire de phrase que la logique de programmation, notamment dans les logiciels conçus pour les enfants. L’initiation à la programmation est donc doublement positive.
C’est un engagement clair que je prends devant vous, un engagement qui ne nécessite pas de mesure législative supplémentaire et qui sera mis en œuvre dès les prochaines années. Il s’agira d’une systématisation, selon une progression que vient d’expliciter M. le rapporteur, aux différents cycles de l’évolution de l’élève.
Madame la sénatrice, j’ajouterai un point de nature à vous rendre plus optimiste. Dans votre propos, vous vous êtes inquiétée du retard pris par la France. Au contraire, je puis vous assurer que nous sommes en train de prendre une très grande avance, non seulement grâce à la mesure que je viens d’évoquer, laquelle avait été amorcée sous le quinquennat précédent, mais aussi parce que la réforme du lycée est en train de mettre en place deux choses uniques au monde pour des jeunes de cet âge : l’apprentissage d’une informatique élaborée systématiquement pour tous les élèves de seconde ; le développement d’un enseignement de spécialité – 4 heures en première et 6 heures en terminale –, intitulé « Numérique et sciences informatiques ». À ce jour, et cela fait partie des informations que je voulais vous donner, nous savons que 14 % des élèves actuellement en seconde ont déjà exprimé le souhait de suivre cette spécialité l’an prochain.
Nous l’avons implantée dans plus de la moitié des lycées. C’est une discipline totalement nouvelle, pour laquelle nous avons créé, comme je l’ai annoncé voilà quelques semaines, le Capes d’informatique, ce qui est une forme de consécration. Elle sera suivie, dans quelques années, par la création d’une agrégation d’informatique.
Il s’agit d’un changement de paradigme au sein du système scolaire français, dont on ne doit pas sous-estimer l’importance. À partir de la rentrée prochaine, nous entrons dans une véritable inclusion de l’informatique au cœur même de notre système éducatif, non seulement avec la systématisation de l’enseignement de la programmation à l’école primaire, mais aussi par la présence, au cœur du lycée, de cet enseignement numérique, qui aura plusieurs vertus. Nous allons notamment pouvoir inciter plus de jeunes filles, et vous devez y être sensible, madame la sénatrice, à suivre cet enseignement de spécialité en fin de seconde. Nous aurons ainsi une plus grande proportion de jeunes femmes dans les carrières numériques du futur.
Pour ces raisons, je sollicite le retrait de cet amendement.