M. le président. Madame Ghali, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Samia Ghali. Je le maintiens, monsieur le président, même après avoir entendu tout ce que vient de dire M. le ministre.
Monsieur le rapporteur, je crois que vous n’avez pas bien compris mon amendement. Je veux parler du codage informatique, qui n’a rien à voir avec l’informatique que l’on enseigne à l’école. Il s’agit de deux choses complètement différentes. Or le codage informatique n’est pas du tout enseigné dans nos écoles aujourd’hui. Mes chers collègues, je ne suis pas encore à la retraite, j’ai un enfant de onze ans, qui est en sixième. Certains d’entre vous ont des petits-enfants. Je puis vous dire que cette discipline n’est pas enseignée. Au Canada, aujourd’hui, le langage informatique est enseigné, avec du matériel spécifique. Cela nécessite une formation courte pour les enseignants, qui pourrait être véritablement enrichissante.
Je suis d’accord, monsieur le Premier ministre… (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) Pardon pour le lapsus, monsieur le ministre, même si je vous le souhaite un jour. (Sourires.) C’est important pour lutter contre l’échec scolaire, car, au travers du codage informatique, on apprend les maths, la logique, le français, voire les langues.
Je suis rassurée, d’une certaine façon, parce que vous avez compris ce que je voulais dire, ce qui est déjà bien, et que vous avez compris qu’il y allait de notre avenir. Nous devons être à l’avant-garde, les uns et les autres, car – je ne suis pas d’accord avec vous sur ce point, monsieur le ministre – les autres pays ont pris de l’avance sur nous. Pour conclure, je vous assure que l’on peut ne pas être très bon à l’école et exceller dans le codage informatique, ce qui ouvre des débouchés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’insiste pour que l’on vote l’amendement de notre collègue Samia Ghali. La sensibilisation à l’informatique, la connaissance de l’informatique au sens large, cela n’est pas la même chose que la maîtrise du codage. Vous l’avez très bien dit, monsieur le ministre, la maîtrise du codage a d’autres vertus éducatives que la simple maîtrise d’un outil qui est devenu indispensable. Elle doit être acquise tôt pour contourner un certain nombre de blocages psychologiques, notamment chez les jeunes filles, qui restent éloignées de la science en raison de difficultés culturelles persistantes. Cela me paraît effarant en tant que scientifique, mais c’est ainsi.
Plus vite l’outil est maîtrisé, plus les choix s’ouvrent et la motivation s’accroît. Je soutiens l’idée qu’il faut non pas simplement sensibiliser ou parler d’informatique, mais bien apprendre le codage.
Je comprends bien la difficulté d’avoir des enseignants capables aujourd’hui d’assurer cet enseignement. Mais, c’est un fait, plus les gens comprennent la logique des algorithmes, plus ils sont indépendants en tant que citoyens, en tout cas quand ils veulent l’être.
Cependant, on peut renouer avec une pratique utilisée à certains moments à l’école primaire : comme tous les enseignants n’étaient pas bons en arts plastiques ou en musique, l’appel à des intervenants extérieurs était admis soit en liaison avec les collectivités, soit directement avec l’éducation nationale. Les heures de codage ne sont quand même pas dispensées non-stop toute la journée ! On peut aussi s’inspirer de ce que font les municipalités dans le cadre des ateliers périscolaires.
En tout cas, affirmer dans une loi la volonté politique que la maîtrise du codage doit, dès l’école primaire, être un apprentissage essentiel me paraîtrait pour la France quelque chose de majeur. D’autant que quasiment tous les petits Japonais savent coder !
Mme Samia Ghali. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y aurait un deuxième sujet, mais on ne va pas tous les prendre : toujours au Japon, tous les enfants savent démonter et reconstruire un ordinateur. C’est beaucoup moins compliqué que ce qu’on veut bien croire, sauf si les fournisseurs font exprès de rendre le démontage impossible pour empêcher toute réparation.
Il y a là vraiment un enjeu technologique d’avenir, de maîtrise des nouvelles technologies, en lien avec le reste de notre culture.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Cet amendement exprime parfaitement le souci de notre collègue, qui vise à faire en sorte de préparer les élèves au monde d’aujourd’hui et de demain, au moment où le numérique bouleverse profondément notre relation au monde. C’est la raison pour laquelle j’avais commis, au nom de notre commission, ce rapport que je vous avais remis, monsieur le ministre, sur la formation à l’heure du numérique.
Encore faudra-t-il commencer par le commencement et s’atteler à former les formateurs. En effet, madame Ghali, sans enseignants formés, comment apprendre le codage aux enfants ?
C’est dans cette perspective que j’ai voulu amender – le rapporteur en a parlé – l’article 12 bis, qui va porter sur la formation dans les futurs Inspé, les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation. En effet, après enquête, je me suis aperçue que la formation était très insuffisante. J’y reviendrai en détail le moment venu, en présentant une proposition assez large : il faut absolument que l’ensemble des compétences numériques, dont le codage, mais pas seulement, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’assurer la compréhension de l’écosystème numérique et des algorithmes, soit parfaitement maîtrisé par les enseignants et, bien entendu, enseigné aux enfants.
Je ne céderai pas non plus à l’hybridité technologique, qui consiste à dire que le seul fait de savoir coder résoudra tout.
Mme Samia Ghali. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Vous en conviendrez, mes chers collègues, c’est un ensemble de compétences qui est en cause. Nous ne devons pas non plus surinvestir dans des solutions qui, somme toute, révéleraient leurs limites.
La nécessaire formation au numérique des jeunes dans tout l’ensemble de leurs compétences est inscrite dans le code de l’éducation depuis 2011, depuis que nous avons transposé le deuxième paquet Télécom. Nous l’avons réaffirmée – je tiens à le dire –, dans la loi de 2013 de refondation de l’école. Et nous allons, au travers de ce projet de loi et son article 12 bis, compléter le dispositif. Je comprends bien la nécessité que les enfants aient une maîtrise technique des choses. Vous avez raison d’alerter sur ce point, ma chère collègue. Cela suppose que leurs enseignants l’aient acquise avant eux pour leur apprendre le discernement et la distance à avoir par rapport à ces outils.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous évoquons depuis hier un certain nombre d’orientations qu’il nous semble important de mettre en œuvre dans notre pays. L’enjeu est de permettre, comme vient de le souligner à l’instant la présidente Catherine Morin-Desailly, l’accès de l’ensemble nos concitoyens, en particulier des jeunes enfants, à tous les domaines de la vie. C’est effectivement important.
Au-delà de la maîtrise de l’outil informatique, il y a, comme elle vient de le dire, tout ce qui concerne l’écosystème numérique. Ce matin, nous évoquions justement en commission des finances, lors d’une table ronde, la nécessaire sensibilisation de nos concitoyens, en particulier des plus jeunes, aux questions de cybersécurité, qui deviennent de plus en plus importantes.
On le voit bien, de nombreux domaines sont à prendre en compte dans les transmissions de savoirs et les apprentissages que nous effectuons en direction de nos plus jeunes concitoyens. Je pense qu’il y a, monsieur le ministre, une réflexion à mener sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Le sujet dont nous discutons est majeur. Nous tous sommes ou avons été des élus locaux. Et nous avons vu comment la dématérialisation est arrivée sur nos communes, rendant la maîtrise de l’outil informatique absolument incontournable.
Pour reprendre ce qui vient d’être dit à propos de la cybersécurité, il faut vraiment y sensibiliser nos jeunes. Monsieur le rapporteur, vous semblez dire que des choses sont d’ores et déjà faites dans l’enseignement actuel. À votre argument selon lequel les enseignants ne seraient peut-être pas formés, je rétorquerai que je les crois capables d’enseigner ce codage ; je pense notamment à ceux qui ont déjà une formation mathématique et dont je suis certaine qu’ils ont vraiment les compétences pour ce faire.
Mme la présidente de la commission a rappelé que le législateur était intervenu en 2011, puis en 2013. Eh bien, en 2019, inscrivons dans la loi quelque chose qui va vraiment avoir un impact important pour faire en sorte de former nos jeunes ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, au risque de détonner avec une forme d’unanimisme que je perçois ici pour faire entrer à l’école tout ce que la société peut avoir dans sa modernité, je crois qu’on devrait, au contraire, se poser deux fois la question de l’opportunité de faire entrer à l’école tout ce qui relève des nouvelles technologies, en l’espèce, le codage informatique.
On aurait fort à gagner en réfléchissant à ce qui se passe en Californie, où même les ingénieurs de Palo Alto et autres inscrivent leurs enfants dans les écoles déconnectées ! C’est un premier point.
Je comprends très bien qu’il soit très difficile de résister à cette injonction moderniste. C’est vrai, nous avons inscrit l’enseignement numérique dans le code de l’éducation en 2011. Ce qui ne suffit d’ailleurs pas pour garantir d’avoir des personnes formées ! Mais la question première, ce n’est pas celle-là. La question première consiste à nous demander si nous voulons vraiment que tous les éléments de la société, dans les diverses dimensions de modernité, entrent à l’école. L’école n’est-elle pas précisément un lieu qui doit rester un peu à l’abri de tout ce mouvement moderne, lequel est, de toute façon, omniprésent ?
À ceux qui veulent « apprendre aux enfants le monde dans lequel ils vivent », je rappelle que le monde dans lequel ils vivent, ils le voient, de toute façon, en dehors de l’école ! Peut-être faudrait-il réfléchir à la notion, réintroduite par un certain nombre de philosophes, soulignant que l’école est un lieu de dépaysement, précisément celui où l’on trouve des choses qu’on ne trouve pas ailleurs et qui sont omniprésentes dans la société.
Nous devrions mieux réfléchir tant sur le plan philosophique que sur les conséquences pratiques d’une inscription du codage informatique dans la loi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et alors ?
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Contrairement à ce que vous venez de dire, cher collègue, être déconnecté et savoir gérer le codage, ce n’est pas du tout la même chose ! On peut tout à fait être déconnecté et apprendre le codage.
Le codage, c’est le langage de demain. Autant nous expliquer qu’on n’a plus besoin d’apprendre à lire et à écrire parce que, de toute façon, demain, on saura tout faire avec des tablettes, qu’il suffira de parler et que les tablettes feront tout ! Eh bien, non, on aura toujours besoin d’apprendre à lire et à écrire et il nous faut aussi apprendre le codage.
J’ai lu l’amendement de notre présidente de commission visant à demander la formation des enseignants. C’est vrai, l’une des raisons pour lesquelles l’enseignement du codage n’est pas pratiqué, c’est parce que beaucoup d’enseignants ne se sentent pas du tout à la hauteur, y compris sur l’usage de l’informatique – je ne parle même pas du codage.
Inscrire une telle disposition dans la loi reviendrait à exprimer une véritable exigence de nous remettre au niveau de pays qui nous concurrencent très clairement sur ces sujets. Nous aurions ainsi plus d’assurance de former des ingénieurs dans un domaine dont nous aurons, de toute façon, besoin. Nous afficherions une volonté qui nous obligerait, du coup, à voter l’amendement de notre présidente dont l’objet est de former les enseignants dans ce sens.
Personnellement, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. D’abord, je voudrais rassurer Mme Ghali sur mes capacités cognitives et sur ma capacité à comprendre ce qu’elle avait dit. (Sourires.) Je l’avais même parfaitement compris !
Mme Samia Ghali. Cela me rassure !
M. Max Brisson, rapporteur. Oui, mais la manière dont vous nous l’avez dit n’était pas particulièrement agréable !
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
Mme Samia Ghali. Je m’en excuse !
M. Max Brisson, rapporteur. Ce que j’ai moi-même dit est tout simple : nous fabriquons la loi ; or le code de l’éducation contient tout ce qu’il faut pour que l’enseignement du numérique soit mis en œuvre. De plus, on trouve dans les programmes, qui n’entrent pas dans le champ de la loi, largement ce qu’il faut pour le mettre en œuvre.
Après, il y a la volonté politique, que le ministre vient d’exprimer avec force, et je lui en donne acte. J’aimerais qu’on ait en tête cette échelle de valeurs. Je le dis d’autant plus que nous parlons du numérique. Or les professeurs nous écoutent, nous regardent et retwittent. Regardez ce qui est twitté par rapport à nos débats d’hier, parce que, eux, ils connaissent les programmes et le code de l’éducation ! Avant d’évoquer l’éducation et les programmes, je vous appelle, d’abord, à prendre connaissance de ce qui figure déjà dans le code de l’éducation. Ensuite, vous demanderez au ministre si les dispositions contenues suffisent pour mettre en œuvre cette politique. Et cela n’enlève en rien au fond de ce qui a été dit, et que je partage totalement, sur les enjeux comme sur leur mise en œuvre.
On a ce que la loi dit et permet de faire. Il y a le plan d’accompagnement du ministre. Et, après, il y a l’enjeu, essentiel, de la formation. En effet, on pourra surcharger le code, abonder définitivement les programmes, sans les professeurs formés pour les mettre en œuvre, eh bien, on sera uniquement dans des intentions !
Le véritable enjeu est celui de la formation. Je le redis devant le Sénat, le code de l’éducation nous donne, à mon sens, tout à fait les capacités de mener une politique qui réponde à la totalité des demandes formulées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, parce que ce débat est évidemment très pertinent et très important, il est essentiel que nous ayons cet échange.
J’ai deux choses à dire. D’abord, je rejoins ce que vient de dire M. le rapporteur, qui va très au-delà du sujet du numérique. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans les interventions précédentes, c’est un grand classique de la discussion parlementaire sur les sujets d’éducation que d’accumuler des bonnes intentions. Prenons garde, car trop de fées penchées sur un berceau peuvent le faire tomber !
Ensuite, nous devons être très attentifs au fait que le code de l’éducation contient déjà un certain nombre de mentions consacrées au sujet, ce qui est une raison suffisante pour souhaiter le retrait de l’amendement.
Bien entendu, sur le fond, encore une fois, j’exprime mon accord complet avec ce qui a été proposé, à telle enseigne que nous avons déjà anticipé cette question. Cela ne signifie d’ailleurs pas que je sois en désaccord avec vous, monsieur le sénateur Bonhomme. Je pense qu’on peut dire pleinement et l’un et l’autre. En effet, il y a ce que l’on pourrait appeler « la société des écrans », qui envahit nos vies, pas toujours pour le meilleur, et encore plus celle de nos enfants et de nos adolescents. Oui, l’école doit prendre garde à avoir beaucoup de prévention par rapport à ce raz-de-marée qui déferle dans nos vies depuis maintenant quelques années. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons interdit l’utilisation du téléphone portable au collège.
Le sujet des écrans pose une question spécifique, qui n’englobe pas tous les sujets du numérique. Par exemple, la robotique, les enjeux de l’intelligence artificielle, qui sont sous-jacents, sont distincts de la société des écrans et de sa dimension de captation de l’attention qu’elle peut induire à l’égard de nos enfants.
Nous devons être très sensibles à l’objection que vous avez soulevée à juste titre. Pour autant, cela n’invalide pas une démarche volontariste en faveur de l’informatique. Car il nous faut distinguer l’usage superficiel des écrans et un usage approfondi, lequel nécessite une culture informatique de nos élèves pour leur donner une capacité de maîtrise des outils et une aptitude à la distanciation. On peut, par exemple, apprendre le codage informatique sans ordinateur et être dans ce travail logique auquel j’ai fait référence. Il y a donc clairement des distinctions à faire en la matière.
Pour terminer, je voudrais donner de bonnes nouvelles quant à l’enjeu de la formation des professeurs. Au moment où je vous parle, ce sont 2 000 professeurs, au lieu des 1 500 que nous avions programmés, qui sont en train de se former de manière très approfondie. La formation s’effectue grâce à une très forte coopération entre les universités de France, qui ont de grandes excellences en la matière, et nos enseignants du second degré. Tous travaillent de concert pour assurer la préparation de professeurs qui, à la rentrée prochaine, assureront cet enseignement de spécialité informatique et cet enseignement de seconde dont j’ai parlé.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et l’école primaire ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. S’agissant de l’école primaire, en effet, les futurs Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, les Inspé, systématiseront cet enseignement dans la lignée de ce que les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé, ont déjà commencé. Je crois d’ailleurs que tel est l’objet d’un amendement dont nous aurons l’occasion de discuter tout à l’heure. Il est évident que ce que nous venons de dire pour les élèves vaut, a fortiori, pour les professeurs si on veut que tout cela se réalise.
Il y a là, pour notre pays, un enjeu très important qui mérite le temps que nous venons de lui consacrer. Je voudrais non seulement vous rassurer, mais aussi vous dire que nous pouvons être vraiment à l’avant-garde sur ces questions.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Je ne vais pas en rajouter, mais le débat est important. Une première question de méthode me vient en vous entendant : il nous arrive parfois, ce fut notamment le cas hier, d’examiner un certain nombre de dispositions relevant du domaine réglementaire. Et quand cela les arrange, certains collègues nous disent que, parce que certaines autres dispositions relèvent du domaine réglementaire, nous n’avons pas à les faire figurer dans la loi.
Pour ma part, je pense qu’il nous faut être cohérents. Nous l’avons tous dit, la loi ne doit pas être bavarde. À un moment donné, nous nous devons d’être dans l’exigence et la rigueur pour pouvoir bien maîtriser ces différentes dispositions.
Je considère que l’école est aussi là pour donner les outils afin de maîtriser son environnement. Comme Mme Vérien, j’estime qu’il nous faut anticiper ces évolutions.
Cette précision sur le codage repose sur deux enjeux. La présidente Morin-Desailly et le ministre viennent de le dire, la question de la formation des enseignants est absolument indispensable. Mais, au-delà, il me paraît vraiment important de préciser la nécessité de l’enseignement du codage, outil essentiel pour, je le redis, anticiper ces évolutions, pour que, demain, les enfants puissent maîtriser leur environnement. Cela me semble aussi indispensable que de se dire que le langage informatique suffit.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’ai demandé la parole après avoir entendu l’intervention de notre collègue M. Bonhomme. Bien entendu, des choses sensées ont été dites après, mais je crois tout de même que le rôle de l’école consiste d’abord à apprendre l’émancipation. Cela signifie que l’école doit apprendre à nos enfants à ne pas être esclaves de nos écrans. Elle doit leur apprendre à ne pas être esclaves de leurs données personnelles, mais aussi à comprendre le monde dans lequel on vit, à pouvoir maîtriser les choses qui ne sauraient venir du nord de la Californie sans qu’on les comprenne !
Je nous sens tomber dans une forme de désespérance quand j’entends dire que la France ne dispose pas des personnels formés pour cet objectif. Je me souviens de ce que j’ai appris dans les années 1980, de la part d’enseignants qui n’avaient certainement pas appris le codage. Eh bien, ils me l’ont appris ! Quarante ans après, quels progrès a-t-on fait ? J’ai l’impression qu’on a régressé par rapport à ce que des enseignants de mathématiques étaient capables de faire à l’époque.
Ne serait-il pas temps d’afficher cette ambition comme volonté politique ? On peut s’interroger sur le point de savoir si cette disposition relève ou non du domaine réglementaire. Tel est probablement le cas, mais nous en avons tellement fait qui relève du domaine réglementaire depuis hier… Sur ce sujet, posez-vous la question : depuis quarante ans, a-t-on progressé par rapport à ce que faisaient les enseignants de mathématiques d’alors ? Je n’en suis pas certain. Peut-être pouvons-nous marteler cette volonté en adoptant cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je serais plutôt de l’avis de mon collègue François Bonhomme : ne faisons pas du codage le Graal de ce que l’on doit apprendre en matière d’informatique ! S’agissant du numérique, prenons un peu de recul et de distance, comme l’a dit M. le ministre.
J’ai l’impression que le débat autour de cet amendement fait naître une certaine confusion : l’outil numérique est un moyen, et non pas une finalité. De plus en plus souvent, quand il est question du numérique à l’école, on a tendance à en faire une finalité et non pas un moyen… (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) Posons-nous la question : il ne suffit pas d’avoir un tableau numérique pour mieux enseigner ! Je crois qu’il y a des choses qu’il faut savoir et qui sont basiques. Si nous voulons former des citoyens qui ont l’esprit critique, ce n’est pas par le simple apprentissage du codage que nous y arriverons !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement ne vise pas à modifier le texte en profondeur. Je vous donne lecture de l’article L. 312-9 du code de l’éducation : « Tous les élèves sont initiés à la technologie et à l’usage de l’informatique. » La proposition est très simple. Il s’agit uniquement d’ajouter les mots : « et au codage. »
M. le président. L’amendement n° 417 rectifié bis, présenté par Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Laugier, Mme de la Provôté, MM. Détraigne et Kern, Mme Vérien, M. D. Dubois, Mme Saint-Pé, MM. L. Hervé, Moga et Henno et Mmes Goy-Chavent, Billon et Perrot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis F
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La sensibilisation à l’usage d’internet et des réseaux sociaux est organisée pour les enfants dès l’âge de neuf ans. »
La parole est à Mme Sonia de la Provôté.
Mme Sonia de la Provôté. Cet amendement va rappeler la discussion précédente. Cela a le mérite d’examiner la question des outils numériques dans leur ensemble.
La formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques est désormais devenue primordiale dans nos sociétés ultraconnectées – on le sait, c’est presque un truisme.
L’usage des réseaux sociaux et d’internet est en augmentation. Il envahit nos vies, celle de nos enfants, tout comme celle des adolescents, impliqués en permanence dans ce type d’activité.
Il convient donc de permettre aux élèves, dès l’âge de 9 ans, de disposer des informations nécessaires pour maîtriser au mieux l’usage et les risques potentiels des réseaux sociaux.
De nombreuses études préconisent d’ailleurs l’accès à internet sous contrôle parental à partir de l’âge de 9 ans. Il serait intelligent que l’école accompagne les parents et l’enfant au travers de cette démarche vers l’accès à ce nouvel outil dans ce monde immense et peu protégé qu’est internet.
L’école doit donc participer à former des citoyens numériques avisés et responsables. Elle doit sensibiliser, au-delà de la manipulation, au discernement sur les réseaux sociaux afin de développer un regard critique.
Cette information, cette acculturation, doit être graduelle. Commencer dès 9 ans, c’est permettre à l’enfant, tout au long des étapes qu’il va franchir dans la manipulation de cet outil et dans ce qui lui arrivera de la part de cet outil, d’être le mieux armé possible pour être en mesure d’y résister et de savoir l’utiliser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je ne sais pas si, en brandissant le code de l’éducation, je vais mieux me faire comprendre que tout à l’heure… (Sourires. – M. le rapporteur joint le geste à la parole.) L’article L. 312-9 prévoit qu’une formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques est dispensée dès l’école élémentaire et qu’elle comporte une éducation aux droits et aux devoirs liés à l’usage de l’internet et des réseaux sociaux.
Dès lors, ajouter « dès 9 ans » limiterait le périmètre du code. En effet, l’école élémentaire commence avant 9 ans. En inscrivant « dès 9 ans », vous limitez finalement l’enjeu du code de l’éducation.
Selon moi, l’amendement que vous proposez est satisfait par le droit en vigueur. Je vous demande de le retirer. Sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame la sénatrice, je m’inscris dans la lignée de M. le rapporteur. Ce sujet est évidemment très important. Oui, il est déjà prévu par le code de l’éducation. Oui, nous sommes pleinement mobilisés sur ce sujet.
Pour moi, l’amendement est satisfait par le droit en vigueur. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. le président. Madame de la Provôté, l’amendement n° 417 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sonia de la Provôté. Je vais le retirer, monsieur le président, car il est satisfait. Je voulais préciser que l’âge de 9 ans n’est pas tombé par hasard : si nous l’avons mentionné, c’est parce que de nombreuses études préconisent de permettre l’accès sous contrôle parental à partir de 9 ans, au motif qu’il ne serait peut-être pas opportun de pouvoir y accéder dès le cours préparatoire.