M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à instaurer une redevance kilométrique dans le sillon rhénan, mais également dans le sillon lorrain. Une telle disposition est tout à fait adaptée pour mieux réguler les flux de poids lourds. Nous craignons en effet que, si l’on ne vise pas le sillon lorrain, il n’y ait un déport de trafic de l’Alsace vers l’autoroute A31, de la même manière que l’on observe actuellement un déport de trafic de l’Allemagne vers l’Alsace.
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. Olivier Jacquin. Nous proposons, afin de cibler les poids lourds qui traversent notre pays sans payer les taxes sur le gazole, par exemple en s’approvisionnant au Luxembourg avant de rejoindre l’Espagne, que les poids lourds français soient exonérés de taxe à l’essieu et puissent bénéficier d’une compensation complémentaire de TICPE sur le gazole non routier à due concurrence de cette taxe. C’est un élément important.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est défavorable.
Nous comprenons cette volonté de mettre en œuvre une écotaxe sur ces portions de territoire du Grand Est, notamment parce que la question de la régulation du trafic est essentielle eu égard au déport de nombreux camions sur cette voirie.
Néanmoins, l’amendement tend à rétablir l’écotaxe applicable aux poids lourds dans une version proche de celle qui a été abrogée en 2016. Cette écotaxe s’appliquerait à tout le territoire français, mais seulement sur la voirie nationale non concédée et sur les voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic du fait de l’instauration d’une écotaxe sur la voirie nationale. Paradoxalement, l’écotaxe proposée ne trouverait donc pas à s’appliquer en Alsace, où l’intégralité de la voirie nationale devrait être transférée au département.
Nous pensons soutenir tout à l’heure un autre amendement à l’objet similaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Le présent projet de loi renvoie à une ordonnance le soin de fixer les modalités de régulation du trafic routier que la Collectivité européenne d’Alsace pourrait utiliser, à son initiative.
En outre, comme l’a dit Mme le rapporteur, l’adoption de cet amendement aurait un effet sur l’ensemble du territoire national, ce qui ne correspond en aucun cas à l’objet du texte dont nous débattons.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Cosignataire de cet amendement, je suis très sensible à ce que mes collègues comprennent à quel point l’abandon par le précédent gouvernement de l’écotaxe poids lourds a été préjudiciable. De ce fait, aujourd’hui, tout le flux du transport routier de marchandises entre le nord et le sud de l’Europe se voit dévié vers le quart nord-est de la France, singulièrement sur le sillon rhénan, à savoir l’autoroute A35, et sur le sillon mosellan, c’est-à-dire l’autoroute A31, qui traverse les départements de la Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges. C’est une situation épouvantable !
Ouvrir la possibilité d’établir une écotaxe uniquement sur le sillon alsacien ne ferait que renforcer considérablement les difficultés rencontrées du côté lorrain. On ne peut pas traiter l’Alsace sans traiter la Lorraine : ce serait agir à la façon du sapeur Camember, qui bouchait un trou en en creusant un autre un peu plus loin !
Je souhaite donc que nous considérions, d’une façon ou d’une autre, le problème dans son ensemble, au minimum à l’échelle du quart nord-est de la France, ce que n’a pas fait le Gouvernement. Le problème peut aussi bien, d’ailleurs, se poser dans d’autres parties du territoire national : nous ne sommes pas la seule région ainsi traversée par le transit international.
Ailleurs en Europe, des solutions ont été apportées, mais pas en France. Cette fois, on ne peut pas dire que c’est l’Europe qui nous empêche de le faire. Il faut que, d’une façon ou d’une autre, nous réglions la question ce soir. Il ne serait pas admissible de ne la régler que pour le territoire alsacien, au détriment des autres territoires ; les Alsaciens partagent d’ailleurs cette analyse.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur Jacquin, je ne pourrai pas voter cet amendement, pour les raisons invoquées par Mme la rapporteur, et non pas pour des raisons de fond : il soulève en effet un vrai problème. J’aurai tout à l’heure l’occasion de défendre un amendement allant dans le même sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’avais déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités ; il m’avait alors été dit que ce n’était pas le bon véhicule législatif et qu’il vaudrait mieux présenter un tel amendement à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances.
Ayant de la suite dans les idées, nous insistons donc, d’autant que la redevance que nous proposons d’instaurer n’est pas identique à celle qui avait été envisagée : elle est proportionnée à la distance d’utilisation du réseau routier et il est prévu, en contrepartie, une bonification du remboursement des taxes sur les carburants.
Monsieur le ministre, vous nous renvoyez à une ordonnance : nous verrons ce qu’il en est lors de l’examen de l’article 10, mais en tout état de cause il ne nous sera pas possible d’en élargir le champ pour intégrer le sillon lorrain au dispositif. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Pour autant, les propositions d’amendement à venir me semblent intéressantes. Par conséquent, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 146 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller et MM. Kennel, Kern et Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sur les axes situés sur le territoire de la Collectivité européenne d’Alsace, et pour permettre la régulation du trafic routier de marchandises, cette dernière est autorisée à instaurer des contributions spécifiques qui seront supportées par les usagers concernés.
Il en va de même de tous les gestionnaires de voirie concernés.
Les modalités d’application du présent paragraphe sont fixées dans les conditions définies au 1° de l’article 10 de la présente loi.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. L’accord entre le Gouvernement et les trois collectivités, ainsi que le présent projet de loi, transfèrent à la Collectivité européenne d’Alsace le réseau routier national en Alsace, dont des autoroutes non concédées.
À terme, l’eurométropole de Strasbourg pourra également bénéficier, à sa demande, du transfert des portions de voies précitées situées sur son territoire.
Ce transfert doit permettre la mise en place d’une régulation du trafic de transit à l’échelle transfrontalière, aux fins notamment de limiter le report de circulation du trafic routier de marchandises vers le réseau routier alsacien directement lié à l’instauration, en Allemagne, de la LKW-Maut.
Plutôt que de procéder par ordonnance, nous proposons d’inscrire d’ores et déjà le principe d’une régulation dans le projet de loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 107 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, MM. Danesi et Kern, Mmes Billon et Troendlé et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental et pendant une durée maximale de cinq ans, le département d’Alsace a la faculté d’instaurer, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis du code général des impôts, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation, ou des portions de voie de circulation, situées sur son territoire. Cette taxe peut être forfaitaire annuelle ou proportionnelle au kilométrage parcouru par les véhicules sur les voies ou portions de voie concernées. Le département d’Alsace peut choisir la technologie et le prestataire chargé du recouvrement de la taxe.
II. – 1. L’assiette de la taxe due est constituée par la longueur des sections de tarification empruntées par le véhicule, exprimée en kilomètres, après arrondissement à la centaine de mètres la plus proche.
2. Pour chaque section de tarification, le taux kilométrique de la taxe est fonction de la catégorie du véhicule.
Le taux kilométrique est modulé en fonction de la classe d’émission EURO du véhicule, au sens de l’annexe 0 de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, et, le cas échéant, en fonction du niveau de congestion de la section de tarification.
Un décret précise les conditions dans lesquelles le niveau de congestion de la section de tarification est pris en compte.
En cas de défaut de justification par le redevable de la classe d’émission EURO du véhicule, le taux kilométrique est déterminé en retenant la classe à laquelle correspond le taux kilométrique le plus élevé.
3. Le taux de la taxe est compris entre 0,015 € et 0,2 € par kilomètre.
4. Pour chaque section de tarification empruntée, le montant de la taxe est égal au produit de la longueur de la section par le taux kilométrique déterminé conformément aux 2 et 3.
5. Le produit de cette taxe est une recette de la section d’investissement du budget du département d’Alsace.
III. – Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis du code général des impôts, exonérer de cotisation foncière les entreprises assujetties à la taxe prévue au I du présent article à hauteur du montant de la taxe versée.
Pour bénéficier de l’exonération, les contribuables doivent en faire la demande dans les délais prévus à l’article 1477 du même code. Cette demande doit être adressée, pour chaque établissement exonéré, au service des impôts dont relève l’établissement. Les contribuables déclarent, chaque année, dans les conditions prévues au même article 1477, les éléments entrant dans le champ d’application de l’exonération.
Lorsqu’un établissement remplit les conditions requises pour bénéficier de l’une des exonérations prévues aux articles 1464 B, 1464 D, 1465, 1465 A, 1465 B, 1466 A, 1466 B et 1466 C dudit code et celles du présent article, le contribuable doit préciser le régime sous lequel il entend se placer. Ce choix, qui est irrévocable, doit être exercé dans le délai prévu pour le dépôt, selon le cas, de la déclaration annuelle ou de la déclaration provisoire de la cotisation foncière des entreprises visées à l’article 1477 du même code.
IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. Ce décret détermine notamment, pour l’application du premier alinéa du 2 du II, les catégories de véhicules en fonction du nombre d’essieux des véhicules.
V. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par un prélèvement sur le produit brut de la taxe.
VI. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par un prélèvement sur le produit brut de la taxe.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Comme on le sait, de l’autre côté du Rhin, l’Allemagne a instauré un système de péage particulièrement performant pour les poids lourds empruntant l’autoroute A5, au point que la quasi-totalité des camions se déportent vers l’Alsace…
Depuis des années, les responsables alsaciens demandent la mise en place d’un système similaire sur leur territoire et les plus anciens d’entre nous se souviennent qu’à l’époque un député avait fait adopter une taxe de ce type, contre l’avis du gouvernement d’alors. Malheureusement, cette taxe n’a jamais vu le jour, pour diverses raisons liées aussi à des considérations d’ordre national, pour ne pas dire jacobin.
Le présent projet de loi prévoit une habilitation législative autorisant le Gouvernement à prendre les mesures utiles afin de maîtriser le trafic routier de marchandises en Alsace. Ainsi que l’a relevé le Conseil d’État dans son avis, cette habilitation est bien trop vague et risque même de ne jamais aboutir. Aussi sommes-nous quelques-uns à avoir pensé que cette question pourrait être réglée directement par le législateur, en inscrivant une disposition ad hoc dans le texte.
Cet amendement vise donc à créer, à titre expérimental – j’insiste sur ce point –, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation ou des portions de voies de circulation situées sur le territoire alsacien. Le montant de cette taxe pourrait être forfaitaire ou proportionnel au kilométrage parcouru par les véhicules.
Nous avons bien sûr entendu les inquiétudes des transporteurs routiers nationaux et, pour ne pas accabler davantage nos entreprises, cet amendement vise également à compenser la création de cette taxe par un dégrèvement sur la cotisation foncière en faveur de ces dernières.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 161, présenté par MM. Todeschini, J. Bigot et Mizzon, est ainsi libellé :
Amendement n° 107
I. – Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
le département d’Alsace a
par les mots :
les départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges ont
II. – Alinéa 3, dernière phrase
Remplacer les mots :
Le département d’Alsace peut
par les mots :
Les départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges peuvent
III. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
du département d’Alsace
par les mots :
des départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. L’amendement de notre collègue Reichardt est bienvenu, car il est le moyen de garantir que ce qui a été promis sera fait. Sinon, l’État aura simplement confié à l’Alsace le soin de s’occuper de 300 kilomètres de routes supplémentaires. En d’autres termes, il se sera défaussé sur elle d’une charge, ce qui n’est jamais pour lui déplaire…
Hier, Mme Gourault affirmait que ce texte était du « cousu main » et que le Gouvernement répondait à la demande. Or la nouvelle collectivité demande à pouvoir instaurer une taxe. L’adoption de l’amendement de M. Reichardt en garantira la possibilité.
Cependant, il n’y a pas de raison de ne pas répondre également à l’attente des départements lorrains de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges, qui sont eux aussi traversés par une autoroute et subissent un trafic routier extrêmement important. Aujourd’hui, des poids lourds viennent spécialement au Luxembourg pour y faire le plein, parce que le gazole y est moins cher, avant d’emprunter les axes routiers lorrains. Si l’on instaure la taxe en Alsace uniquement, ce phénomène ira s’amplifiant, c’est pourquoi nous avons déposé ce sous-amendement visant à permettre à nos amis lorrains de bénéficier de la même possibilité. On aurait pu envisager de l’étendre à l’ensemble de la région Grand Est, mais celle-ci n’en a pas fait la demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n° 93 rectifié bis, qui vise à inscrire dans la loi le principe d’une écotaxe instituée par la Collectivité européenne d’Alsace, tout en renvoyant à l’ordonnance la définition des modalités d’application. Nous considérons en effet que les choses ne sont pas suffisamment définies, notamment en ce qui concerne la compétence, le taux, l’assiette de cette écotaxe.
La commission préfère l’amendement n° 107 rectifié ter, dont la rédaction n’est cependant pas tout à fait aboutie. En effet, certaines dispositions pourraient être contraires à la future directive Eurovignette, en cours de négociation. La commission a néanmoins considéré que l’habilitation demandée par le Gouvernement à l’article 10 était très floue et qu’il valait mieux inscrire d’ores et déjà le principe de l’écotaxe dans le projet de loi, eu égard à l’attente du territoire alsacien sur ce sujet et à la nécessité de juguler le déport du trafic transfrontalier depuis l’Allemagne.
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 107 rectifié ter, ainsi que sur le sous-amendement n° 161 : on comprend bien les enjeux pour les axes parallèles au sillon rhénan, notamment l’A31 en Moselle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 93 rectifié bis et 107 rectifié ter, ainsi que sur le sous-amendement n° 161.
M. Jacques Bigot. Bercy beaucoup ! (Sourires.)
M. Julien Denormandie, ministre. En premier lieu, le Gouvernement considère que, avant de déterminer les modalités selon lesquelles la Collectivité européenne d’Alsace pourrait juguler le trafic routier, il importe de pouvoir terminer les travaux et d’analyser l’ensemble des options aujourd’hui sur la table. Le Gouvernement souhaite déterminer ces modalités dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 10 du projet de loi.
En second lieu, le périmètre géographique du projet de loi correspond au périmètre géographique de la déclaration commune signée le 29 octobre dernier entre les présidents des départements alsaciens, le président de la région et le Premier ministre.
Mme la présidente. Monsieur Kern, l’amendement n° 93 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications, mais je préfère la sécurité aux promesses. Or l’adoption de l’amendement de M. Reichardt, dont je suis également cosignataire, nous sécurisera quant à la mise en place d’une écotaxe. Madame la présidente, je retire l’amendement n° 93 rectifié bis au profit de l’amendement n° 107 rectifié ter.
Mme la présidente. L’amendement n° 93 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 161.
M. Jean-Marie Bockel. Je partage l’analyse de Claude Kern.
Je soutiens le sous-amendement de Jacques Bigot, dont le dispositif présente notamment l’intérêt, pour les départements limitrophes de l’Alsace, de prévenir le report du trafic vers la Lorraine. Il est vrai que le risque existe. Je pense d’ailleurs, comme M. Bigot, que le champ de ce dispositif aurait pu être étendu à l’ensemble de la région Grand Est. Mais prenons déjà ce qui est proposé : si le dispositif fonctionne bien, les choses pourront évoluer.
Cette réponse à une crainte souvent exprimée en Lorraine sera bien reçue. L’adoption du sous-amendement sera aussi une façon de signifier qu’il n’y a pas d’antagonismes au sein de la région Grand Est, et que nous recherchons au contraire une complémentarité gagnant-gagnant.
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Je voudrais rappeler à Jacques Bigot que Philippe Richert, président de la région Grand Est et de l’Association des régions de France, avait demandé, pour l’ensemble des régions, la régionalisation de l’écotaxe poids lourds. Si le Gouvernement l’avait entendu, le problème serait aujourd’hui réglé et nous n’en parlerions pas ce soir.
Par ailleurs, je le répète, on ne peut pas traiter l’Alsace sans traiter la Lorraine ! Monsieur le ministre, lors du débat sur le projet de loi d’orientation des mobilités, votre collègue Mme Borne nous a indiqué qu’elle renvoyait au présent texte le traitement de la question de l’écotaxe poids lourds.
On ne peut pas déporter tout le trafic de l’A35 sur l’A31, or c’est ce qui va se produire ! De plus, l’A31 supportera dans les années à venir une augmentation exponentielle du trafic de poids lourds en raison des investissements massifs qui se font à Bettembourg sur des plateformes multimodales : la route de la soie arrive à Rotterdam, descend par le fer à Bettembourg et se poursuit par la route via l’A31. Le problème est devant nous, les services de l’État le savent, mais on fait comme si de rien n’était ! Aujourd’hui, l’A31 et l’A35 sont complètement engorgées. Elles sont devenues des boulevards urbains traversant les métropoles et elles devront accueillir demain une croissance exponentielle du transit international.
Il n’est pas possible, ce soir, de traiter un problème et pas l’autre, d’autant que le Gouvernement vient d’annoncer qu’il renonçait – c’est une première depuis des décennies – à défendre à l’échelon européen le projet de liaison fluviale Moselle-Saône à grand gabarit destiné à relier la mer du Nord et la Méditerranée. On ne peut pas prétendre engager la Nation et l’Europe dans la transition énergétique en matière de transports tout en abandonnant un tel projet !
Tout le trafic se retrouve sur nos autoroutes : le ferroviaire est engorgé à Lyon, l’autoroute Bettembourg-Perpignan ne fonctionne pas, précisément parce que le problème qui nous occupe n’a pu être réglé, faute des recettes que devait procurer l’écotaxe poids lourds.
Il faut en sortir ! Vous ne pouvez pas traiter le problème sur un segment du territoire en ignorant les autres !
M. Claude Kern. Nous sommes d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’ai retiré l’amendement n° 146 rectifié ter sans hésitation, car celui de M. André Reichardt me semble intéressant, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 161, qui vise à étendre le dispositif à la Lorraine. J’apprécie la solidarité entre l’Alsace et la Lorraine sur cette question : c’est un beau moment !
Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas répondu : avez-vous l’intention de prévoir dans l’ordonnance un dispositif symétrique pour le sillon lorrain et l’A31 ? Nous vous faisons confiance, vous êtes persuasif, mais la voie de la raison est peut-être de voter l’amendement n° 107 rectifié ter et le sous-amendement afin d’inscrire le principe de cette écotaxe dans le texte, plutôt que de s’en remettre à une ordonnance. La navette permettra ensuite d’affiner le dispositif. J’aurais préféré que ce sujet, compliqué du point de vue du ministère des finances, puisse être traité à l’échelon des régions, mais ce n’est pas le cas. Laissons donc sa chance au débat parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous voterons cet amendement et ce sous-amendement.
La problématique du développement exponentiel du trafic de poids lourds concerne toutes les régions. Je suis du Val-de-Marne, où se trouve le marché de Rungis : croyez-vous que nous n’y sommes pas exposés ? Sans rouvrir le débat, je rappellerai que l’idée d’instaurer une écotaxe a été lancée par Nicolas Sarkozy et que sa mise en œuvre a été tentée par François Hollande, pour déboucher sur le fiasco que l’on sait. Aujourd’hui, on reparle de taxer la circulation des poids lourds. Va-t-on traiter la question région par région ? Va-t-on continuer à laisser délibérément le fret ferroviaire dépérir ? Ce n’est pas une solution politique envisageable, et ce n’est pas non plus acceptable pour la santé publique.
Mais chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait qu’il faut appréhender ce problème beaucoup plus globalement. Votons ce soir cet amendement et ce sous-amendement, mais il faudra ensuite remettre l’ouvrage sur le métier.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je remercie très chaleureusement Mme la rapporteur de son avis favorable sur notre amendement et la commission des lois de son écoute attentive. Il va de soi que ce sous-amendement est bienvenu ; j’entends les observations de nos amis lorrains.
Monsieur le ministre, chat échaudé craint l’eau froide ! Tout à l’heure, j’ai rappelé qu’un député, voilà déjà près de deux décennies, avait été à l’origine du vote de la création d’une taxe sur les poids lourds en Alsace, contre l’avis du gouvernement d’alors. Depuis, aucun des gouvernements qui se sont succédé n’a jugé utile de donner une concrétisation à ce vote : quels motifs, techniques, juridiques ou autres, ne nous a-t-on pas opposés !
Aujourd’hui, on nous promet une ordonnance, mais le Conseil d’État lui-même juge l’habilitation très vague et se demande si le Gouvernement agira. Je partage cette interrogation. Quant à la directive Eurovignette en préparation, quelle est l’échéance ?
Pour ma part, je considère que l’adoption de cet amendement permettra d’inscrire dans le « dur » de la loi ce que le Gouvernement devrait normalement inscrire dans l’ordonnance. L’Assemblée nationale ne reprendra peut-être pas complètement notre dispositif, mais nous souhaitons vraiment que ce problème soit très rapidement traité de manière concrète. C’est ce qu’attendent les départements concernés, et pas seulement l’Alsace.
Bien sûr, madame Cohen, le même problème se pose partout, mais il faut savoir que dix kilomètres au plus séparent l’autoroute allemande A5 de l’autoroute alsacienne. Les poids lourds qui ne veulent pas acquitter la LKW-Maut en Allemagne n’ont qu’à faire un crochet : des milliers de camions se déportent ainsi chaque jour vers notre région. Dans le sillon rhénan, c’est une catastrophe écologique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Les Alsaciens, qui nous regardent, sont inquiets, et leur attente est forte.
Nous voterons nous aussi cet amendement d’appel, mais que se passera-t-il à l’Assemblée nationale, où les débats seront peut-être plus virulents ? On ne sait rien de la taxe qui est censée être instaurée dans les mois à venir.
Monsieur le ministre, pourriez-vous au moins nous garantir que sera mise en place pour six mois une mission ministérielle chargée de mener une étude en vue d’évaluer les besoins de la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace et d’envisager des solutions concrètes ? Sinon, dans deux, quatre ou six ans, nous en serons toujours au même point.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je suis surpris par l’amateurisme du Gouvernement, qui a cru pouvoir régler à l’échelon d’un département toute la problématique liée au trafic nord-sud. L’Alsace n’est pas au milieu de nulle part, elle a des voisins : sur la rive droite du Rhin, il y a une taxe ; sur la rive gauche, il n’y en a pas. Dès lors, il n’était pas difficile d’imaginer que, dans ces conditions, le trafic se déporterait et que les Lorrains, solidairement avec les Alsaciens, devraient pouvoir se protéger !
Je ne comprends pas que l’on ait pu appréhender cette problématique au travers du transfert de la gestion des routes et autoroutes. C’est plus compliqué que cela ! Mais maintenant que vous vous êtes engagés dans cette voie, allez donc au bout de votre logique.
Je voterai cet amendement et ce sous-amendement.