Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Victorin Lurel, Michel Raison.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Robert Laufoaulu ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Brigitte Micouleau ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Brigitte Micouleau.
Mme Anne-Catherine Loisier ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
stratégie nationale de l’autisme
M. Bernard Buis ; Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
collectivités et décentralisation
M. Jean-Yves Roux ; M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
projet de loi pour une école de la confiance
Mme Céline Brulin ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Céline Brulin.
M. Yannick Vaugrenard ; M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
M. Daniel Laurent ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
affectation des fonctionnaires ultramarins
Mme Nassimah Dindar ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Nassimah Dindar.
M. Guillaume Arnell ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Guillaume Arnell.
M. Jean-Luc Fichet ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Jean-Luc Fichet.
Mme Marta de Cidrac ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; Mme Marta de Cidrac.
M. Cédric Perrin ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
3. Modifications de l’ordre du jour
4. Actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
5. Mise au point au sujet d’un vote
6. Actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale (suite) :
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 7 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 8 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 5 de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 9 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 11 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
7. Drapeaux des associations d’anciens combattants. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
8. Collectivité européenne d’Alsace. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 98 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 49 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 33 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 146 rectifié ter de M. Olivier Jacquin. – Retrait.
Amendement n° 93 rectifié bis de Mme Catherine Troendlé. – Retrait.
Amendement n° 109 de M. Arnaud de Belenet. – Adoption.
Amendement n° 50 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 34 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 18 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 51 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 35 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 19 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 153 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 92 rectifié de Mme Catherine Troendlé. – Adoption.
Amendement n° 52 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 36 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 22 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 53 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 37 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 23 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 111 de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Amendement n° 158 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 131 rectifié de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 54 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 38 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 55 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 39 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 138 de M. Jean-Marc Todeschini. – Adoption.
Amendement n° 95 rectifié de Mme Catherine Troendlé. – Devenu sans objet.
Amendement n° 155 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 134 de M. Jean-Marc Todeschini. – Devenu sans objet.
Amendement n° 156 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 27 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 56 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 40 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 28 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 57 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 41 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Victorin Lurel,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun à faire preuve à la fois de courtoisie et de respect, tant des uns et des autres que du temps de parole.
sommet france-océanie
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Robert Laufoaulu. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et porte sur la tenue du cinquième sommet France-Océanie.
Initiés par le Président Chirac en 2003, ces sommets permettent de renforcer le rôle de la France et la place de ses collectivités du Pacifique dans cette région océanienne que le Président Emmanuel Macron englobe désormais dans l’axe indopacifique, comme il l’a évoqué dans ses discours à Sydney et à Nouméa en mai 2018. Cet élargissement stratégique entraînera-t-il un nouveau format du sommet ?
Pour l’heure, nous ne savons presque rien sur le cinquième sommet. Aura-t-il bien lieu cette année ? À quelle date ? Le Président de la République s’y rendra-t-il ? Sa présence est symboliquement indispensable.
Le quatrième sommet a eu lieu à Paris juste avant la COP21 ; le climat en fut le thème principal. Les chefs d’État et de gouvernement présents, conscients que leur région est celle où le plus grand nombre d’États pourraient disparaître à cause du réchauffement, se sont battus pour la limitation à 1,5 degré au lieu de 2 degrés. Le cinquième sommet France-Océanie interviendra à l’approche d’échéances majeures en matière de biodiversité. Ne pourrait-il alors être l’occasion non seulement de faire un bilan des objectifs de la COP21, mais aussi de mobiliser la communauté internationale sur la biodiversité, notamment sur la question des aires marines protégées, qui est au cœur des préoccupations des États du Pacifique ?
Notre pays a un rôle à jouer en Océanie où s’exprime un désir de France certain et où il sera, après le Brexit, le seul pays européen présent. Il y contribuera à la promotion des valeurs démocratiques, au maintien de la paix et à la lutte contre les tentations hégémoniques.
Le cinquième sommet sera-t-il le lieu et le temps d’une explication plus complète de la stratégie de l’axe indopacifique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. La France, nous pouvons le mesurer au travers de l’action et de la représentation des sénateurs des territoires d’outre-mer, est un pays monde.
Voilà pourquoi la stratégie indopacifique est assumée et revendiquée par le Président de la République. Vous le savez, celui-ci a déjà participé en mai dernier à un dialogue de haut niveau avec un certain nombre de chefs d’État et de gouvernement des États insulaires voisins des territoires ultramarins concernés, et il a souhaité pouvoir tenir un cinquième sommet France-Océanie.
Ce sommet aura lieu soit dans les derniers mois de l’année 2019, soit dans les tout premiers mois de l’année 2020. Il s’agit d’un rendez-vous important, car la France compte 1,5 million de compatriotes dans le Pacifique. Par ailleurs, ces territoires constituent une richesse inégalable en termes de biodiversité. Ils font aussi l’objet de partenariats stratégiques, en particulier avec l’Australie. C’est pourquoi le Président de la République, le Premier ministre et de nombreux ministres, dont Frédérique Vidal dernièrement, se sont rendus dans cette zone.
À l’ordre du jour du sommet, il sera opportun d’inscrire, comme vous le proposez, l’économie verte, l’économie bleue, mais aussi les sujets géostratégiques liés à la liberté de circulation et à la liberté de navigation, que vous évoquez en filigrane dans votre question. Il s’agit, en effet, de sujets d’intérêt commun.
Quoi qu’il en soit, monsieur le sénateur, soyez assuré de la détermination du Président de la République et du Gouvernement à porter une politique ambitieuse dans la zone indopacifique à laquelle nous participons pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
situation dans les ehpad
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Brigitte Micouleau. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, lundi matin, la France, la région Occitanie, le département de la Haute-Garonne et particulièrement la ville du Lherm se sont réveillés sous le choc. Je souhaite d’abord apporter tout mon soutien et ma compassion aux familles endeuillées.
Ce que redoutaient toutes les personnes concernées par la dépendance et par l’accueil réservé à nos aînés venait de se produire : une crise sanitaire majeure s’est produite dans un Ehpad. Cette situation dramatique a entraîné le décès dans la nuit de cinq pensionnaires et conduit à l’hospitalisation d’une quinzaine d’autres.
Je ne reviendrai pas, madame la ministre, sur la chaîne de dysfonctionnements qui a conduit à ce désastre humain. Laissons la justice faire son travail.
Vous avez insisté sur votre volonté de comprendre les causes de ce drame et de tirer les enseignements de ces tragiques événements. Mais nous connaissons une partie des causes de cette crise. Le 12 février dernier, je vous avertissais déjà au travers d’une question orale tristement prémonitoire. J’attirais alors votre attention sur le manque cruel d’effectifs, sur l’absence de revalorisation des métiers du grand âge et des rémunérations, et sur l’épuisement du personnel, qui, régulièrement, en se mettant en grève, tente d’alerter sur les rythmes de travail et dénonce les conditions de prise en charge de nos aînés.
L’humain n’est plus au cœur de notre mission d’accompagnement des personnes âgées, alors même que certains Ehpad génèrent des profits substantiels.
Madame la ministre, ma double question est simple. Le rapport Libault sur le grand âge et l’autonomie, qui vient de vous être remis, avance un certain nombre de propositions. Quand seront-elles mises en œuvre ? Quels seront les financements dédiés ? L’urgence est là, nous ne pouvons plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Micouleau, je vous sais gré de me permettre de répondre sur un enjeu majeur de société. Nous sommes tous sensibles au drame survenu dans la nuit de dimanche à lundi dans un Ehpad de votre département. Je m’y suis rendue mardi pour rencontrer les familles des victimes et les personnes qui ont été hospitalisées, ainsi que le personnel, également très choqué. D’après les familles que j’ai pu rencontrer, il s’agit d’un personnel très engagé.
Une instruction est en cours. J’attends de connaître ses résultats pour en tirer toutes les conclusions. Si cela s’avère nécessaire, des mesures supplémentaires seront prises dans les Ehpad afin d’assurer une chaîne alimentaire de très grande qualité. Des recommandations ont déjà été formulées par la Haute Autorité de santé en 2018. Il faudra s’assurer que celles-ci ont bien été suivies.
Au-delà de ce drame, vous abordez une question beaucoup plus générale, qui inquiète tous les Français, à savoir la prise en charge du grand âge et de la perte d’autonomie. Nous sommes tous concernés. Il y a urgence à agir. Nous reculons depuis trop longtemps devant cet obstacle, car il faudrait effectivement pour le franchir une réorganisation complète du secteur ainsi que d’importants financements. Quoi qu’il en soit, il importe d’améliorer la prise en charge de nos aînés, y compris à domicile, d’augmenter le nombre de personnels auprès des personnes âgées et de revaloriser les métiers. Ce sont les pistes tracées par le rapport de Dominique Libault, qui m’a été remis le 28 mars dernier.
Un groupe de travail m’apportera en urgence ses conclusions sur la revalorisation des métiers autour de la personne âgée pour les rendre de nouveau attractifs et veiller à la bientraitance des personnes âgées.
Au-delà, nous présenterons un projet de loi avant la fin de l’année sur la base du rapport qui m’a été remis et des 175 propositions de Dominique Libault. Celles-ci sont en cours d’examen et seront discutées en concertation avec les différentes parties prenantes. Le texte sera prêt avant la fin de l’année, je m’y suis engagée devant les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Nous voilà rassurés !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour la réplique.
Mme Brigitte Micouleau. Madame la ministre, nous serons très attentifs aux résultats de vos travaux. Nos aînés méritent mieux qu’un abandon de la solidarité nationale et nos personnels soignants méritent mieux qu’un désengagement de l’État !
crise sanitaire forestière
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la forêt ! (Sourires.)
Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, les forêts ne sont pas immuables. Elles sont vulnérables et requièrent toute notre attention.
Les forêts dont nous profitons à ce jour sont le fruit des choix et du travail des générations passées. Aujourd’hui, nous exploitons, mais nous ne plantons plus suffisamment : 80 millions d’arbres sont plantés par an en France, contre 300 millions en Allemagne et 1 milliard en Pologne. D’où les crises d’approvisionnement, notamment du chêne, et les importations de résineux.
Face à ces usages multiples de la forêt et du bois, face aux changements climatiques, vous le savez, monsieur le ministre, la forêt a besoin en urgence d’une politique forestière volontaire et d’un fonds stratégique alimenté à la hauteur des besoins. Fragilisées depuis plusieurs mois par des déficits hydriques et des températures particulièrement clémentes, nos forêts sont victimes d’attaques de parasites et subissent des crises sanitaires d’ampleur.
Le sujet pourrait paraître secondaire, sauf qu’il concerne déjà plus de 1 million de mètres cubes d’essences résineuses, soit 30 % de la récolte annuelle dans les seules régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est.
Toute l’Europe du Nord est touchée, ce qui risque d’engorger les marchés, de faire chuter les cours, de mettre en difficulté nos entreprises et de déstabiliser durablement l’approvisionnement de secteurs stratégiques ; je pense à la construction, secteur pour lequel la France importe déjà.
Au-delà des pertes économiques, estimées à 71 millions d’euros en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est, l’impact environnemental lié aux risques d’incendie ou aux coupes rases sur des milliers d’hectares est également majeur.
Monsieur le ministre, pour enrayer ces phénomènes, les professionnels de la filière attendent en urgence de votre part la mise en place d’un plan de transport longue distance permettant d’évacuer rapidement les bois scolytés des régions productives vers les régions demandeuses, et ce avant que le parasite ne se multiplie et ne ruine toutes les parcelles. Ils attendent également un accompagnement pour le reboisement adapté des milliers d’hectares rasés.
Qu’avez-vous donc prévu, monsieur le ministre, pour accompagner la filière forêt-bois face à ces urgences économiques et sanitaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je partage votre analyse sur l’importance de la forêt et de la filière bois. Nous ne la valorisons pas encore assez. Je travaille avec le ministre de l’agriculture pour la mettre davantage en valeur dans tous les secteurs d’utilisation.
Concernant la crise sanitaire que vous évoquez, le risque de dissémination des insectes lors du transport des bois scolytés existe, mais il est heureusement très faible. Lors de l’exploitation des bois, la plupart du temps mécanisée, une bonne partie des insectes sont éliminés.
De façon plus générale, j’ai conscience que cette menace inédite crée une inquiétude dans toute la filière. L’intensité des dommages occasionnés par les scolytes sera largement tributaire des conditions météorologiques de ce printemps. Pour calibrer au mieux la réponse que nous devons apporter à cette crise, il faut d’abord disposer d’un état des lieux précis.
C’est pourquoi le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a organisé et financé, depuis l’automne dernier, un état des lieux complet par télédétection sur les deux régions que vous avez évoquées.
Les premiers résultats de cette enquête ont été portés à la connaissance de l’ensemble des acteurs de la gestion et de l’exploitation forestière des régions concernées. Le but est de leur permettre de mieux cibler leur action et d’accélérer la dynamique de récolte des bois attaqués afin d’enrayer la propagation des scolytes.
Ces premiers résultats permettent de localiser les peuplements qui étaient attaqués à l’automne. Une prochaine mise à jour de cette cartographie permettra d’apprécier les évolutions de l’atteinte des peuplements d’épicéa au début du printemps.
Au-delà de ces mesures d’observation, les services de nos ministères étudient actuellement le cadre dans lequel pourraient être mises en place des mesures complémentaires à celles qui sont déjà engagées par la filière. Soyez assurée, madame la sénatrice, que l’État sera aux côtés des forestiers. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
stratégie nationale de l’autisme
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Bernard Buis. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.
Ce mardi 2 avril était la Journée mondiale de l’autisme. Beaucoup d’internautes ont habillé de bleu leurs posts sur les réseaux sociaux pour manifester leur solidarité avec cette cause. Aujourd’hui, en France, on estime qu’environ 700 000 personnes vivent avec le spectre de l’autisme, dont 100 000 enfants. Il n’y a qu’assez peu de temps que ce trouble est correctement diagnostiqué. Par conséquent, les patients étaient souvent mal accompagnés jusqu’alors.
Nous avons tous dans notre entourage des parents d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes démunis face à la difficulté de vie ou de communication de leur enfant.
J’ai en tête l’exemple d’une jeune femme, Éva, dont le diagnostic Asperger, une des diverses formes de l’autisme, ce syndrome prenant lui-même des formes multiples, a été posé très tardivement. Jusqu’à ce diagnostic, elle qualifiait ses relations sociales d’enfer. Je reprends ses mots : « L’autisme seul a ses bons côtés et ses mauvais, et je ne le vois pas du tout comme un handicap, mais plutôt comme une différence. C’est avec les autres que ça devient un handicap, un enfer. » Pourtant, il a fallu commencer par ce diagnostic et ce constat, et donc par sa prise en charge pour que la vie de cette jeune femme change.
Après un parcours scolaire et professionnel chaotique – vendeuse dans un commerce de bouche avec une relation clientèle difficile –, elle a été reçue fin 2018 à Grenoble École de Management pour suivre la formation Data Asperger. Elle se dit enfin « soulagée et heureuse d’être considérée en tenant compte de ce syndrome ».
Nous serons amenés à discuter prochainement de l’inclusion des enfants en situation de handicap dans le projet de loi pour une école de la confiance. Il sera essentiel de réfléchir à la prise en compte spécifique des élèves autistes.
Il me semble aujourd’hui nécessaire, un an après le lancement de la stratégie nationale pour l’autisme pour les années 2018 à 2022, de nous faire part des avancées de ce plan, évidemment pour les aspects relatifs à la scolarisation de ces enfants, mais aussi pour le diagnostic et l’intervention précoces. De nombreuses personnes sont, hélas ! concernées.
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Buis. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous éclairer sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Buis, un point d’étape est important, car nous avons souscrit le 6 avril de l’année dernière à cinq engagements dans le cadre de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement, pour une enveloppe de 344 millions d’euros nouveaux. Ces engagements sont portés par une conviction, celle de mobiliser la recherche et la science. Notre objectif est de faciliter le parcours de vie des personnes avec autisme et de leur famille. Il s’agit surtout d’un engagement de responsabilité collective du Gouvernement.
Nous nous engageons d’abord sur une action résolue en faveur du repérage et du diagnostic précoce des troubles neuro-développementaux, parmi lesquels l’autisme. Avec Agnès Buzyn, nous investirons massivement 90 millions d’euros d’ici à 2022 pour prévenir, dès les premiers âges, les sur-handicaps avec un reste à charge zéro pour les familles.
J’ai rencontré hier dans un centre d’action médico-sociale précoce, un CAMSP, une maman dont l’enfant a été pris en charge dès l’âge de 2 ans. Sa petite fille, qui était mutique, dans sa bulle, a réussi à faire, au bout d’un an, sa rentrée à l’école maternelle. Il importe de mettre tout le focus sur la scolarisation, qui est très importante. Nous devons donc rattraper notre retard. C’est tout l’enjeu du déploiement du grand service public de l’école inclusive avec Jean-Michel Blanquer.
Ce projet trouve des déclinaisons particulières dans le champ de l’autisme, avec la création de petites classes dédiées – plus de 180 unités supplémentaires en maternelle, 40 unités en élémentaire – pour garantir un parcours de scolarisation plus soutenante, au milieu des autres.
Enfin, nous améliorons la pertinence des accompagnements des personnes adultes en les diagnostiquant, ainsi qu’en prévoyant un parcours inclusif vers le logement et l’emploi. Nous soutenons par ailleurs les familles fatiguées et fragilisées par leur rôle d’aidant au long cours.
Beaucoup reste à faire, c’est indéniable. Néanmoins, les avancées sont tangibles. Comme vous, j’entends les associations qui nous font savoir que le temps des familles n’est pas celui de l’administration, et qu’il nous faut accélérer. L’enjeu est collectif, les responsabilités sont collectives. Nous avons des fondations solides et nous allons pouvoir avancer tous ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller et M. René Danesi applaudissent également.)
collectivités et décentralisation
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le ministre auprès de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
Lors de la première conférence des territoires en juillet 2017 au Sénat, le Président de la République avait indiqué qu’il fallait « renforcer la déconcentration pour adapter les politiques de l’État aux territoires ». Le 21 mars, M. le ministre Darmanin a déclaré, pour sa part, vouloir « mobiliser davantage de fonctionnaires au plus près du terrain ».
Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que cette perspective, en théorie, nous va droit au cœur tant il nous paraît indispensable que les services publics d’État puissent être pleinement déployés et tant il nous paraît indispensable également que ces fonctionnaires puissent être mieux identifiés afin de les mobiliser facilement chaque fois que c’est nécessaire. En effet, la dématérialisation n’est pas la seule réponse possible.
Il est temps aujourd’hui que nos concitoyens comme leurs représentants, les élus, puissent apprécier la réalité de cette déconcentration, pleinement partenaire d’initiatives locales démultipliées.
Or, en tant qu’élus de la République, que constatons-nous ? Nous constatons que des fonds ne sont pas consommés ou sont souvent mobilisés par les mêmes, faute d’une ingénierie suffisante pour décrypter les circulaires. Notre collègue Maryse Carrère avait ainsi pointé du doigt sur nos travées la sous-consommation dramatique de fonds européens et leur possible annulation à hauteur de centaines de millions d’euros.
Nous constatons que des collectivités locales, faute d’interlocuteurs d’État, font appel à des cabinets privés afin d’éviter des contentieux lourds.
Nous notons que les préfectures et les sous-préfectures n’accompagnent plus assez, comme elles le devraient, les maires et communautés de communes tout au long des procédures d’application des normes, et pire encore dans la quête tortueuse des demandes de subventions !
Mes chers collègues, vous ne me démentirez pas, combien d’élus nous disent qu’ils ont besoin d’être accompagnés en amont de manière directe et concrète, réactive et proche des réalités !
Monsieur le ministre, il est temps de redonner du lustre à la présence territoriale de l’État : comment comptez-vous mieux mobiliser le maillage territorial de l’État et redonner ainsi du souffle aux initiatives locales, et ce dans tous les territoires et pour toutes les communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je vous le confirme, il faut plus de déconcentration, mais surtout une déconcentration qui tienne compte des spécificités du territoire, car ces dernières sont essentielles.
Vous avez évoqué plusieurs points.
Premier point, je suis d’accord avec vous : le numérique ne peut pas tout. Contrairement à ce que l’on peut dire, il a aggravé les fractures territoriales. Telle est la réalité ! Il les a aggravées en termes d’abord d’infrastructures et ensuite d’usages. C’est pourquoi le Gouvernement, sous l’égide du Premier ministre, a lancé une politique ambitieuse pour renforcer les infrastructures, mais aussi les usages du numérique.
Le deuxième point que vous soulignez et auquel je suis profondément attaché concerne le volet accompagnement. L’État doit être un acteur qui accompagne les collectivités. C’est fondamentalement le rôle de l’État que d’améliorer cet accompagnement. Cela veut dire moins de normes, conformément aux directives envoyées par le Premier ministre. Cela veut aussi dire des structures de l’État qui intègrent l’idée que leur rôle est d’appuyer les collectivités. C’est tout le sens de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, en cours de finalisation dans le cadre des débats parlementaires. Notre ambition est de mettre sur pied une structure au service des collectivités, pour les accompagner, notamment dans le secteur de l’ingénierie.
Enfin, monsieur le sénateur, vous évoquez une question qui nous concerne tous, celle de la sous-consommation des fonds européens. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et les secrétaires d’État se battent pour renforcer ces fonds, car ils constituent une manne financière importante. Il importe, là aussi, de mieux accompagner les régions dans leurs prérogatives. L’État continuera à distribuer, comme il le fait depuis quelques mois, des guides d’information pour que nous puissions mieux bénéficier collectivement de cette manne financière à laquelle vous êtes très attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Alain Cazabonne et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)
projet de loi pour une école de la confiance
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, à mesure que les Français découvrent votre projet de loi pour l’école, leur colère grandit. Les nombreuses actions organisées aujourd’hui – il y en a en ce moment même – en témoignent.
La création des établissements publics des savoirs fondamentaux cristallise les mécontents. Concevoir un établissement unique école-collège, sous gouvernance de ce dernier, c’est porter une attaque sans précédent à l’école.
M. Martial Bourquin. Très bien !
Mme Céline Brulin. Dans ces établissements, les directeurs d’école disparaîtraient au profit de chefs d’établissement et d’adjoints davantage missionnés pour gérer la pénurie de moyens que pour porter un projet pédagogique et accompagner les élèves. (Protestations sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme Patricia Schillinger. Mais non !
Mme Céline Brulin. Peu de chance qu’ils aient le temps d’échanger avec les parents à la grille de l’école ou d’assumer les tâches multiples qui contribuent à la réussite des enfants dans des établissements XXL ou multi-sites.
Mais surtout, au prétexte d’un vague intérêt pédagogique, on pourrait rationaliser, mutualiser, regrouper les écoles avec des conséquences graves : de gros établissements éloignés des familles portant le coup de grâce aux écoles rurales.
Les fermetures de classes, injustifiées, qui se multiplient dans nos territoires et conduisent à des effectifs surchargés ne suffisent-elles donc plus ? Vous faut-il passer à la vitesse supérieure ? Ce n’est pas ce que veulent nos concitoyens !
Faut-il que vous soyez sourd pour ne pas entendre la demande de proximité qui s’exprime comme jamais dans le pays, grand débat ou pas ?
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : renoncerez-vous à la création de ces établissements publics des savoirs fondamentaux, qui n’ont d’ailleurs fait l’objet d’aucune concertation ni avec la communauté éducative ni avec les associations de maires, pourtant concernées au premier chef ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Céline Brulin, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion d’apporter quelques éléments de clarification et peut-être de vous rassurer.
Mme Laurence Cohen. Ça va être difficile…
M. Martial Bourquin. Ne vous exprimez pas ainsi, monsieur le ministre !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Votre question comporte un certain nombre d’éléments qui ne sont pas exacts. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Tout d’abord, permettez-moi de vous livrer les chiffres, de la mobilisation puisque je viens de les recevoir : elle s’élève à 7,8 % en moyenne dans le premier et le second degrés, et à 14,8 % dans le premier degré, soit dix points de moins que la grève du 25 mars dernier. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Rachid Temal. Et alors ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je prends bien évidemment cette mobilisation au sérieux. Néanmoins, le débat d’idées doit se faire autour de choses réelles !
Je reviendrai sur la création d’établissements publics des savoirs fondamentaux. Il s’agit d’un point parmi d’autres de la loi. Vous ne devez pas ignorer que cette loi a une dimension sociale très accentuée (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), avec des mesures que votre parti politique soutient depuis très longtemps sans jamais avoir pu les mettre en œuvre : je pense à l’instruction obligatoire à trois ans. En faisant même un peu d’archéologie politique, on s’aperçoit qu’après la guerre votre parti était assez favorable à l’idée d’une école permettant de mieux lier le primaire et le collège.
Je l’ai souligné, la mise en place d’un établissement public des savoirs fondamentaux n’a rien d’obligatoire. Il s’agit d’une option. Elle nécessitera l’accord non seulement du conseil des écoles – c’est-à-dire des principaux intéressés – et du collège, mais aussi des élus locaux. J’aurai l’occasion de le redire devant vous en mai prochain, quand la Haute Assemblée examinera ce texte.
Vous me dites que cette disposition n’a fait l’objet d’aucune discussion en amont. Or cela fait des dizaines d’années qu’elle est dans le débat public. Je m’étonne aussi que l’on me reproche de jouer le jeu du débat parlementaire : nous avons pris un amendement de l’Assemblée nationale, nous en prendrons certainement d’autres du Sénat. Nous améliorerons ainsi certainement le texte et j’imagine mal que vous puissiez nous le reprocher.
Je voudrais enfin insister sur la dimension sociale de ce projet de loi. Cette mesure, dont je suis prêt à discuter, est faite non pas pour abîmer les écoles rurales ni affaiblir les directeurs, mais pour les renforcer et les unes et les autres.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’objectif d’élévation du niveau général et de justice sociale est au cœur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, vous venez de lancer un appel à la mobilisation, je pense qu’il sera entendu ! (Marques d’approbations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain – Protestations sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Martial Bourquin. Elle a raison !
Mme Céline Brulin. Nous avons l’expérience sur le terrain de volontariat qui n’a de volontariat que le nom, puisqu’il n’est pas rare qu’une DETR soit attribuée moyennant une fusion d’écoles ou un regroupement.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Céline Brulin. Nous ne croirons que ce que nous verrons : attendons le travail du Sénat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
morts dans la rue
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mardi dernier, le 2 avril, un hommage était rendu à Paris aux morts de la rue. Chez nous, en France, en 2018, 566 sans-domicile sont morts dans la rue. Ils étaient 511 l’année précédente.
Ils avaient en moyenne 48 ans ; treize d’entre eux étaient mineurs, dont cinq avaient moins de 5 ans, deux entre 5 et 9 ans et six entre 15 et 18 ans.
Ils sont morts, trop souvent dans l’indifférence, sur la voie publique, dans des abris de fortune – parking, cage d’escalier, cabane de chantier… –, parfois dans un lieu de soins ou une structure d’hébergement.
Ils ne font que trop rarement la une de l’actualité, mais c’est la cruelle réalité d’aujourd’hui, dans notre France, pays des droits de l’homme ou, comme Robert Badinter le précisait, « plutôt la France de la Déclaration des droits de l’homme ».
La responsabilité est collective. Elle perdure depuis déjà de trop longues années. Et ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue.
Madame la ministre, un véritable plan d’extrême urgence s’avère indispensable pour ne pas avoir à constater, dans un an, la triste réalité des chiffres de 2018.
Permettez-moi, mes chers collègues, de m’adresser à nous tous également. Notre Haute Assemblée peut aussi avoir la noble ambition d’être le porte-voix de ces sans-voix. C’est une ambition à porter, un défi à relever.
À ce moment de mon propos, je veux remercier le travail remarquable de l’ensemble des associations caritatives et humanitaires pour leur attention scrupuleuse et leur indispensable action. Sans elles, notre pays connaîtrait un véritable raz-de-marée de la misère.
Notre illustre prédécesseur Victor Hugo écrivait : « L’homme est fait non pas pour traîner des chaînes, mais pour ouvrir des ailes. » Brisons, mes chers collègues, les chaînes de l’indifférence et écoutons respectueusement le silence de ces 566 sans-abris qui nous ont quittés l’an passé. (Applaudissements prolongés sur l’ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord saluer vos propos. La rue tue : elle tue l’hiver et elle tue l’été – elle tue peut-être même davantage en été.
Comme vous l’avez souligné, cette situation dure depuis de nombreuses années dans notre pays. Au moment où je vous parle, des milliers de personnes dorment dans la rue. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Rachid Temal. Eh oui…
M. Julien Denormandie, ministre. Nous nous sommes certainement beaucoup trop habitués à voir des femmes et des enfants y dormir.
Que faisons-nous ? Nous agissons avec beaucoup d’humilité et de détermination. Nous avons ouvert, depuis mai 2017, plus de 15 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires.
Aujourd’hui, le dispositif qui se trouve sous ma responsabilité est l’équivalent de la ville du Mans ou de celle de Brest. Et pourtant, des personnes sont encore à la rue. Il faut leur permettre de sortir durablement de la pauvreté.
Tel est le sens de la politique du Logement d’abord que nous avons mise en place. L’année dernière, elle nous a permis, avec l’aide de la Fondation Abbé Pierre, de faire sortir 70 000 personnes de la rue, d’abris de fortune ou de logements qui n’étaient pas dignes – 70 000 !
Il faut continuer avec énormément de détermination. Victor Hugo écrivait aussi, dans une de ses correspondances : « Pour moi, l’idée de nation se dissout dans l’idée d’humanité. » La grandeur d’une nation se mesure à cette humanité, à cette solidarité qu’elle est capable d’octroyer aux plus fragiles.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons d’agir non seulement avec beaucoup de force et d’humilité, mais surtout avec détermination face au sans-abrisme. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
taxe d’habitation
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, d’ici à la fin du quinquennat, plus personne ne paiera la taxe d’habitation, sans augmentation d’impôt, a martelé le Président de la République.
Depuis cette annonce, non concertée, les élus attendent vos propositions, le dégrèvement étant, pour l’heure, financé par du déficit et, donc, par de la dette.
En octobre dernier, on « balançait » son maire avec mépris. Quelques semaines plus tard, les élus de proximité étaient devenus le rempart de notre démocratie, un pilier sur lequel le Gouvernement souhaitait s’appuyer.
Alors que les communes votent aujourd’hui leur budget, et à moins d’un an des municipales, les élus ont besoin de lisibilité, de stabilité et de confiance sur l’évolution de leurs ressources pour programmer leurs projets.
La chose est d’autant moins aisée que les annonces ont précédé la réflexion sur la fiscalité et sur le financement des collectivités et que, en novembre dernier, la fronde de nos concitoyens a conduit le Gouvernement à prendre des mesures d’urgence d’un montant de 10 milliards d’euros – sans compter celles à venir –, obérant quelque peu vos projections financières – nous savons ce qu’il advint de la fiscalité écologique qui devait venir au secours du financement du dégrèvement…
Le ministre de l’action et des comptes publics a indiqué à l’Assemblée nationale que la suppression de la taxe habitation pour tous était confirmée, hors résidences secondaires. Quid des logements vacants et des bases locatives ?
Il a également souligné que la taxe serait compensée à 100 %, mais sans dire comment – dégrèvement, compensation, remplacement… ? Tout cela est bien flou.
Il a enfin déclaré qu’elle le serait « sans doute » dans la loi de finances pour 2020. Encore une fois, c’est flou…
En revanche, ce qui est clair, c’est que le coût pour l’État de l’ensemble des dégrèvements, à compter de 2020, devrait s’élever à plus 20 milliards d’euros par an.
Ma question est simple : comment envisagez-vous de financer votre réforme, dans le respect de la libre administration des collectivités, aucune de vos hypothèses n’ayant jusqu’alors tenu la corde ?
Pour conclure, monsieur le Premier ministre, je ferai miens les propos de notre président, Gérard Larcher : « On ne redressera pas notre pays sans les élus et les territoires. » Ne l’oubliez pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Je vous remercie, monsieur le sénateur Daniel Laurent, d’évoquer le sujet important de la réforme de la taxe d’habitation, annoncée par le Président de la République alors qu’il était encore candidat.
La suppression de cette taxe, qui constitue une ressource substantielle pour les collectivités, permettra de rendre une part tout aussi substantielle de pouvoir d’achat à l’ensemble des contribuables français.
Je vous confirme que, d’ici à 2022, nous souhaitons effectivement supprimer la taxe d’habitation pour l’ensemble des résidences principales, et non pour les résidences secondaires, comme nous l’avons dit depuis le début.
Nous veillerons à ce que l’intégralité des recettes perçues par les collectivités, communes et intercommunalités soit compensée.
Je veux aussi apporter une précision quant au calendrier de mise en œuvre de cette réforme.
M. Rachid Temal. Ah !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’intensité des concertations, voire parfois les divergences d’approche de telle ou telle strate de collectivités territoriales sur le remplacement de la taxe d’habitation, nous amèneront, Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin et moi-même, à rouvrir prochainement une concertation avec les associations d’élus, les représentants et les parlementaires.
Dans l’idéal, nous aurions souhaité discuter de cette réforme dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, à l’été 2019. En réalité, eu égard à l’intensité de ces relations, nous devons nous montrer plus raisonnables. Je pense que nous traiterons de cette question lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020. Ainsi, l’ensemble des candidats et des candidates aux élections municipales sauront dans quel cadre financier inscrire leur action et élaborer leurs programmes.
Il s’agit d’une réforme importante, monsieur le sénateur, dont les enjeux sont majeurs. Nous travaillerons à la compensation des recettes pour les collectivités, sans créer d’impôts nouveaux, en dégageant les économies nécessaires.
En cela, nous sommes fidèles à l’engagement du Président de la République de donner aux communes, aux intercommunalités et, plus largement, à toutes les collectivités territoriales, des ressources justes et pérennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme Nassimah Dindar. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, plus particulièrement chargé de la fonction publique.
En 2018, j’alertais par courrier M le ministre de l’intérieur sur la non-application du critère des centres d’intérêt matériels et moraux, dits CIMM, dans les règles de mutation de la police nationale.
Le 5 février dernier, je recevais une réponse m’indiquant qu’il avait été « demandé au préfet, directeur général de la police nationale, de faire procéder à un examen attentif de ma demande ».
Le Conseil d’État a été, semble-t-il, plus prompt que les services de l’intérieur en apportant une réponse définitive à ma question. Dans un arrêt du 18 mars dernier, il donne raison à un fonctionnaire du corps de la police nationale qui contestait la circulaire du ministre de l’intérieur sur les mouvements de mutation des agents du corps d’encadrement et d’application de la police nationale.
Cet arrêt est sans ambiguïté : dès l’application de la loi, l’administration doit tenir compte des CIMM dans l’examen des demandes de mutation.
Monsieur le secrétaire d’État, cet arrêt du Conseil d’État s’applique à l’ensemble de la fonction publique, dans l’ensemble des territoires ultramarins, où la non-prise en compte des CIMM est quasi généralisée.
Nous, parlementaires, députés et sénateurs, sommes régulièrement sollicités par des fonctionnaires ultramarins considérant que leur demande d’affectation dans leur territoire d’origine a été injustement refusée, qu’il s’agisse de la police nationale, de l’administration pénitentiaire ou de l’éducation nationale.
Aussi, je vous demande si les décisions d’affectation des fonctionnaires ultramarins pour l’année 2019 vont bien être revues par l’ensemble des administrations en prenant en compte l’arrêt du Conseil d’État du 18 mars dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Joël Labbé applaudit également)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, votre question porte sur les centres d’intérêts matériels et moraux et, plus précisément, sur la priorité légale d’affectation dont bénéficient les fonctionnaires d’origine ultramarine dès lors qu’ils peuvent justifier de ce centre d’intérêt matériel et moral en outre-mer.
Il s’agit d’une notion récente : jusqu’en 2017, son application était extrêmement disparate, voire inexistante dans un certain nombre de corps. Depuis la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi ÉROM, cette disposition a une valeur légale et s’applique à tous les fonctionnaires, quel que soit leur corps, quel que soit leur établissement d’origine et quelle que soit leur catégorie hiérarchique. Cette disposition législative a vocation à s’appliquer absolument partout.
Le Premier ministre s’étant engagé, en septembre 2018, à procéder à une évaluation de ce dispositif, nous avons pu vérifier et observer un certain nombre de situations.
À ce stade, 11 % du volume total des demandes de mutation était accompagné de la demande de reconnaissance d’un centre d’intérêt matériel et moral.
En 2018, 25 % des mutations vers les territoires d’outre-mer ont été effectuées en application de cette priorité légale d’affectation, liée à la justification d’un CIMM.
Enfin, 75 % des demandes de mutation vers les outre-mer au titre de cette justification ont été acceptées, à savoir 734 dossiers sur 971.
L’arrêt du Conseil d’État du 18 mars dernier, que vous avez rappelé, a souligné que cette disposition de la loi ÉROM était d’application immédiate et qu’elle concernait l’intégralité des corps.
L’ensemble des ministres et l’ensemble des responsables d’administration veilleront à ce que cette disposition soit parfaitement respectée.
Nous avons à vérifier cette application, mais nous avons aussi à avoir en tête que les critères qui permettent de justifier d’un CIMM sont arrêtés par la jurisprudence. Peut-être devrons-nous y travailler.
Au-delà des mutations qui permettent le retour vers les territoires ultramarins, nous travaillons aussi à la mise en place de concours nationaux à affectation locale, de manière à rendre possible l’adaptation des politiques de recrutement aux besoins des territoires. Prochainement, un décret sera soumis à la concertation, avant de passer en Conseil d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour la réplique.
Mme Nassimah Dindar. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, vous ne m’avez pas donné entière satisfaction.
Comme vous le savez, la loi ÉROM date de 2017. Les fonctionnaires qui ont travaillé un certain nombre d’années sur le territoire hexagonal demandent souvent à se rapprocher d’un membre de leur famille, parfois vieillissant.
Dans d’autres cas, ils sont eux-mêmes en grande difficulté psychologique,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nassimah Dindar. … voire en arrêt maladie.
Je vous demande de veiller à l’application de cette disposition au nom de tous les fonctionnaires ultramarins ayant fait une demande de mutation cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Pascale Gruny et M. Alain Joyandet applaudissent également.)
ehpad
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Guillaume Arnell. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, je regrette d’avoir à vous poser la même question que ma collègue, mais il me semblait important, au travers de ce choix, d’exprimer aussi la solidarité des outre-mer. Vous pourrez ainsi nous apporter des compléments à votre précédente réponse.
Le week-end dernier, non loin de Toulouse, une vingtaine de résidents de l’Ehpad La Chêneraie auraient été victimes d’une grave intoxication alimentaire : 17 d’entre eux ont été hospitalisés, et 5 ont perdu la vie.
Au-delà de la colère légitime des familles et des proches, nous ne pouvons rester insensibles à ce drame, comme s’il s’agissait d’un simple fait divers.
Madame la ministre, vous êtes à la tête d’un grand ministère, avec d’énormes responsabilités, et vous avez notamment la charge de protéger les publics vulnérables.
Nous ne mettons nullement en cause votre implication au quotidien pour remplir au mieux vos missions : vous le faites avec conviction, confiance et rigueur. Mais un tel drame interroge forcément l’opinion publique et les parlementaires, car nous sommes nombreux à compter un ou plusieurs Ehpad dans nos territoires.
Avec toutes les réserves d’usage, une enquête étant en cours, pouvez-vous nous éclairer sur l’état d’avancement des investigations ? D’après les dernières informations parues dans la presse aujourd’hui, les personnes seraient pour la plupart décédées par étouffement consécutif aux vomissements.
Par ailleurs, quelles actions le Gouvernement envisage-t-il pour rassurer les parents et les pensionnaires en Ehpad afin de garantir une meilleure sécurité et une meilleure surveillance de ces résidents ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Guillaume Arnell, vous avez bien évidemment raison : il nous faut faire toute la lumière sur cette affaire pour en tirer les leçons et garantir à nos concitoyens que les personnes âgées, et plus généralement les personnes vulnérables, placées dans le secteur médico-social bénéficient de toutes les garanties nécessaires en matière de chaîne alimentaire.
Je tiens à rappeler l’engagement du Gouvernement sur un grand plan dédié à la prise en charge des personnes âgées et de la dépendance, que nous proposons de traduire par une loi d’ici à la fin de l’année.
En ce qui concerne l’Ehpad La Chêneraie, que j’ai eu l’occasion de visiter mardi, l’enquête nous distille au fur et à mesure un certain nombre d’informations. Tant qu’elle ne sera pas close, je ne pourrai commenter les propos du procureur.
Nous n’avons pas encore la garantie de disposer de la totalité des informations nécessaires pour décider, le cas échéant, d’éventuelles mesures correctives.
Un travail est en cours sur la chaîne alimentaire. La Haute Autorité de santé a déjà publié des recommandations, qui doivent être mises en œuvre dans tous les Ehpad et dans l’ensemble du secteur médico-social.
Ces recommandations, qui sont en train d’être renouvelées, servent normalement au référentiel de visite des établissements, lesquels font tous l’objet de contrôles réguliers par des organismes certifiés.
L’Ehpad La Chêneraie avait ainsi été contrôlé le 19 février dernier, sans qu’aucun dysfonctionnement soit relevé. Toutefois, cela ne signifie pas dire qu’il n’y en ait pas eu le jour du drame.
En ce qui concerne le grand plan de la dépendance, il est évident que nous devons mettre un accent particulier – nous l’avons dit – sur les métiers, sur le nombre d’aidants auprès des personnes âgées, mais également sur les problèmes de bientraitance.
Le rapport de M. Denis Piveteau souligne la nécessité de mieux former les professionnels et de leur donner des outils pour être bien-traitants auprès des plus vulnérables.
Nous sommes totalement engagés pour travailler à une feuille de route qui s’inscrira dans la loi. C’est une nécessité. Nous devons rassurer et les Français et tous les proches des personnes aujourd’hui hébergées dans ces établissements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour la réplique.
M. Guillaume Arnell. Je vous remercie de toutes ces précisions, madame la ministre. S’il est vrai que le risque zéro n’existe pas, nous devons tout faire pour éviter de tels drames et, surtout, tout mettre en œuvre pour que les pensionnaires des Ehpad soient encore mieux accompagnés et encadrés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Françoise Ramond et M. Marc Laménie applaudissent également.)
déserts médicaux
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Luc Fichet. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, la France réalise des efforts importants pour assurer une formation d’excellence à nos futurs médecins et ainsi garantir la qualité des soins dispensés à nos compatriotes.
Ce sont les établissements d’enseignement supérieur publics qui réalisent logiquement cette formation. Elle est donc légitimement gratuite.
Le coût moyen de formation d’un étudiant est estimé à environ 150 000 euros sur toute la durée de son cursus. L’État et les collectivités investissent ensuite massivement pour inciter les médecins à s’installer dans les territoires qui en ont le plus besoin.
L’an passé, je vous avais demandé un état des lieux de l’ensemble de ces dispositions et de leurs coûts pour la puissance publique, sans jamais avoir obtenu de réponse.
Madame la ministre, comment expliquer à nos concitoyens et aux élus locaux que nous n’arrivions pas, avec autant d’investissement, à doter les territoires ruraux, mais aussi périurbains sensibles, de médecins en nombre suffisant ?
À Morlaix, à une heure du CHU de Brest, comment comprendre que le service de cardiologie de l’hôpital public ait fermé ses portes, faute de cardiologue, alors que la clinique privée de la ville a opportunément développé son offre de consultations cardiologiques ?
Comment expliquer qu’on laisse s’installer des médecins dans des zones déjà sur-dotées sans utiliser le levier du déconventionnement ? Comment expliquer que, malgré toutes les mesures incitatives, nous n’arrivions pas à les faire s’installer là où il y a un réel besoin ?
Madame la ministre, ma question est simple : allez-vous rendre public le coût de l’ensemble des dispositifs d’aides à l’installation des médecins ? Allez-vous décider de déconventionner les médecins qui s’installeraient en zones denses et prendre des mesures coercitives à leur encontre pour qu’ils s’installent dans les zones sous-dotées ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, vous posez plusieurs questions en une seule !
Je vais d’abord vous répondre sur les aides et les incitations financières à l’installation : cette politique existe, elle a effectivement été développée lors des quinquennats précédents, mais ce n’est pas la mienne. J’ai d’ailleurs demandé qu’une mission d’évaluation se penche sur ces aides incitatives qui provoquent souvent des effets d’aubaine et qui n’ont jamais réussi à pérenniser des médecins.
Ce n’est pas la politique que je porte dans le cadre du plan Ma santé 2022, qui s’intéresse, au contraire, à l’aspect qualitatif de l’exercice professionnel des médecins qui s’installent. Il s’agit de leur donner envie de s’engager dans les territoires en favorisant l’exercice pluriprofessionnel et les délégations de tâches avec d’autres professionnels de santé – notamment autour des pathologies chroniques –, en leur permettant de récupérer du temps médical grâce à des assistants médicaux.
Il s’agit aussi de favoriser des consultations avancées de spécialistes qui viennent des hôpitaux publics, ou même du secteur libéral, et de développer ces consultations itinérantes sur le territoire.
Nous souhaitons également redonner de la place dans les hôpitaux de proximité aux médecins généralistes qui visent des exercices diversifiés.
C’est une politique incitative, mais pas uniquement financière, loin de là. Nous voulons pérenniser dans les territoires les médecins qui ont envie d’y être et qui prennent du plaisir à soigner les malades. C’est la politique que je mène.
Nous sommes beaucoup interpellés sur la coercition et sur les mesures qui pourraient obliger les médecins à s’installer. Malheureusement, comme vous le savez, nous souffrons d’une démographique médicale catastrophique, qui n’a pas été anticipée. Nous avons quelques années difficiles devant nous. Aujourd’hui, il n’y a plus de zones sur-denses en France. Il n’y a plus de zones d’où l’on pourrait retirer des médecins généralistes pour les installer ailleurs sur le territoire.
Toutes les mesures proposées visant au déconventionnement n’aboutiraient, en réalité, qu’à une médecine à deux vitesses. Je ne crois pas en l’efficacité de ces mesures, qui n’ont fonctionné dans aucun pays.
Favorisons plutôt un exercice pluriprofessionnel de qualité pour les médecins. Ils viendront s’installer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Malheureusement, elle ne me satisfait pas complètement.
Toutes ces mesures existent déjà depuis de nombreuses années. Il n’en reste pas moins que les territoires ruraux et périurbains restent sans médecins, sans offres de santé.
Les médecins formés aujourd’hui s’orientent non pas vers la médecine de ville, mais vers les hôpitaux, là où ils ont été formés. Sans doute faudrait-il prévoir des stages auprès des médecins libéraux dans le cursus universitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jackie Pierre et Michel Raison applaudissent également.)
missions locales
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les missions locales font partie intégrante du service public de l’emploi pour les jeunes de 16 à 25 ans. Elles accueillent chaque année environ 1,3 million de jeunes à l’échelle nationale.
Nous constatons aujourd’hui une multiplicité d’initiatives de toutes parts : logiques de bassin, fusions, baisse des subventions de fonctionnement, financement via des appels à projets, mise en place d’un bonus-malus, et cela sans concertation avec le réseau des missions locales, acteurs indispensables dans les territoires pour l’emploi de nos jeunes.
En dépit de la diversité des personnes accueillies, dont certaines sont déjà exclues de tout autre dispositif ou structure, ce sont plus de 1 million de situations professionnelles qui ont été mobilisées pour les jeunes par les missions locales, dont 544 000 contrats de travail – en hausse de 3 % sur un an –, 40 000 contrats en alternance – en augmentation de 8 % sur un an – et 16 000 retours en formation – en hausse de 7 %.
Les missions locales doivent leur réussite à un accompagnement global et personnalisé du public concerné et à une expertise de leur territoire et de son contexte économique.
Mais n’oublions pas que les missions locales ce sont également des équipes, dont l’inquiétude s’accroît en raison d’une absence de lisibilité de leur devenir.
Monsieur le ministre, ce manque de confiance dans leur avenir crée une tension sociale dans le réseau. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant au devenir des missions locales ? Souhaitez-vous consolider ces structures pour les mettre au cœur de la bataille pour l’emploi des jeunes ? Et si oui, comment ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice, qui me permet de mettre en lumière le travail remarquable des missions locales.
La ministre du travail a eu l’occasion de rappeler, ici, dans cet hémicycle, qu’il n’a jamais été question de fusionner, de force, les missions locales avec les structures de Pôle emploi.
Certains élus, en revanche, nous ont demandé comment mieux travailler ensemble, mieux partager les informations. Ils nous ont même demandé de réfléchir à des structures en commun. Ce sont ces formes de coopération renforcée qu’il est possible d’expérimenter, à partir du terrain, et que nous encourageons.
Par ailleurs, un chantier important porte sur les systèmes d’information. Les missions locales fonctionnent bien, mais elles n’ont pas accès aux offres d’emploi ; de son côté, Pôle emploi n’a pas toujours accès aux données de ces mêmes missions locales. L’intérêt général impose de parvenir à des rapprochements, de travailler plus étroitement, même si, bien évidemment, chacun doit rester dans son rôle.
Le ministère du travail participe au budget des missions locales à hauteur de la moitié, le reste étant financé par les collectivités – agglomérations, communautés de communes, départements ou régions.
Nous souhaitons aller vers une approche de résultat. Aujourd’hui, nous subventionnons le fonctionnement et l’activité liés à la garantie jeunes. Or la notion de résultat n’est pas liée à la dépense de fonctionnement.
Nous voulons donc qu’une partie de la subvention soit liée au résultat. Tout le monde a des objectifs à respecter, en particulier quand il s’agit d’argent public. Nous conservons la même enveloppe, diminuée de 2 %, ce qui est absorbable grâce au numérique.
Les missions locales doivent davantage orienter les jeunes vers l’ensemble des dispositifs. Certaines le font et sont même très innovantes en ce domaine. C’est notamment le cas de celle du Havre. (M. André Gattolin applaudit.) Merci de ces applaudissements ! Je tiens également à saluer le travail de la sénatrice Canayer, qui a présidé cette mission locale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.) Comme quoi nous pouvons parfois partager des choses…
D’autres ont privilégié l’orientation vers la garantie jeunes, financée au travers de ce dispositif.
Nous souhaitons que les missions locales aillent au-devant des jeunes, qu’elles les trouvent dans les villages, dans les zones rurales, au pied des tours et dans les quartiers et qu’elles travaillent davantage avec les autres acteurs de l’insertion.
M. le président. Il faut conclure !
M. Marc Fesneau, ministre. Meilleure synergie, meilleurs échanges d’informations, encouragement au résultat, voilà le sens que nous voulons donner à la politique et le sens et la place que nous voulons donner aux missions locales ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre tentative de réponse. Nous l’entendons, nous la connaissons, elle est tout à fait théorique.
Nous vous invitons à venir voir dans nos territoires la réalité des liens et les succès des missions locales, qui sont de petites structures fragiles. Soutenez-les un peu plus que par de simples mots ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
general electric
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le ministre, depuis 140 ans, Belfort forge une des plus belles aventures industrielles de notre pays : il s’agit notamment des centrales nucléaires et du TGV.
Ce savoir-faire est aujourd’hui gravement menacé par la situation du site de General Electric à Belfort. Lors du rachat de la branche énergie d’Alstom, le projet de GE, soutenu par le Gouvernement, prévoyait la création de 1 000 emplois nets en France.
Le ministre de l’économie et des finances de l’époque, l’actuel Président de la République, était d’ailleurs venu à Belfort. Permettez-moi de vous rappeler ses propos : « Belfort a un avenir industriel. Cet avenir industriel fait partie d’abord des engagements pris de part et d’autre, et ces engagements sont suivis par le Gouvernement. »
Depuis, nous avons assisté à la suppression de 264 postes et à la non-création des 1 000 emplois promis. Concernant l’activité gaz, près de 1 000 postes seraient aujourd’hui menacés.
L’annonce de ce plan social aurait été opportunément repoussée pour ne pas intervenir avant les élections européennes.
Si tel est le cas, l’économie du Territoire de Belfort et les salariés de GE méritent mieux que des arrangements politiques. Seul le Gouvernement dispose des clés pour amorcer le redressement de l’industrie belfortaine.
Monsieur le ministre, des possibilités de diversification existent, un certain nombre d’élus du Territoire de Belfort vous les ont soumises. Il s’agit notamment du programme d’EDF pour augmenter la durée de vie du parc nucléaire, dont les turbines vapeur sont fabriquées à Belfort. C’est aussi le marché très porteur des moteurs d’avions porté par Safran et General Electric Aviation.
C’est encore l’implantation de l’Institut national de stockage d’hydrogène ou l’appel à projets « Territoires d’innovation ».
Dès lors, monsieur le ministre, quelles orientations le Gouvernement retient-il pour amorcer un redressement urgent pour le Territoire de Belfort ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Bockel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Perrin, comme vous le savez, GE-Alstom a toute l’attention du gouvernement, et ce depuis de nombreuses années. Le 7 février dernier, Bruno Le Maire et moi-même réunissions le comité de suivi des engagements pris par GE lors de l’acquisition de la branche énergie d’Alstom. Nous avions alors pu constater les engagements et les actions pris par GE-Alstom.
Entre 2015 et 2018, l’investissement s’est élevé à près d’un milliard d’euros en France et l’entreprise a recruté 3 000 personnes. Ainsi, au 31 décembre 2018, GE comptait seulement 25 emplois de plus par rapport au moment de l’acquisition, après avoir atteint un point haut de 425 emplois en 2017. L’entreprise n’a pas réussi à créer 1 000 emplois, comme elle entendait le faire. L’explication en est simple : la transition énergétique a un impact majeur, puisque GE dépend à 50 % des énergies fossiles. Elle est actuellement en train de revoir son modèle économique dans le monde entier.
Dans ces conditions, nous ne restons pas les bras ballants. Nous avons mis en place un fonds de réindustrialisation, abondé par GE à hauteur de 50 millions d’euros, qui sera présidé par un expert industriel, associera les élus et examinera les projets industriels que vous avez mentionnés. En effet, il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées, encore faut-il les mettre en œuvre de manière professionnelle.
Par ailleurs, nous sommes attentifs à la réorganisation de GE, et nous saluons positivement le renforcement de GE Renouvelable, qui représente 40 000 employés dans le monde et un chiffre d’affaires de 16 milliards de dollars, avec cinq divisions, dont quatre ont leur siège en France.
Enfin, nous avons un lien constant avec les dirigeants de GE. Nous sommes prêts à accompagner le développement des activités nouvelles, à savoir l’aéronautique, mais aussi les jumeaux numériques pour les centrales à gaz. Nous accompagnerons donc GE, mais dans un avenir qui ne sera pas fondé sur les énergies fossiles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 11 avril, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour du mardi 9 avril de l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires et de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Il a également demandé le retrait de l’ordre du jour du mercredi 10 avril de la suite de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
Acte est donné de ces demandes.
4
Actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi tendant à sécuriser l’actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (proposition n° 303, texte de la commission n° 409, rapport n° 408).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Marseille, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les établissements publics locaux jouent un rôle particulièrement actif dans l’économie locale. Actuellement, on en dénombre environ 1 300, employant au total 70 000 salariés. Ils génèrent un chiffre d’affaires de près de 14 milliards d’euros.
Grâce à l’évolution législative, les collectivités locales ont pu s’adapter aux exigences liées aux enjeux en matière d’aménagement, d’équipements et de logements. Il existe ainsi une ingénierie publique qui offre aux élus locaux une palette de dispositifs conjuguant la nécessité du cadre administratif et la performance économique.
Grâce à l’expérience de nos parcours d’élus locaux, nous savons tous combien les sociétés d’économie mixte, les SEM, les SEM à opération unique, les SEMOP, ou encore les sociétés publiques locales, les SPL, sont particulièrement utiles pour mener à bien des opérations qu’une seule collectivité ne serait pas en mesure de mener. Cette souplesse juridique a en outre le mérite d’accélérer la prise de décision.
Mutualisation, coopération, innovation et maîtrise des budgets font partie intégrante du « logiciel » des élus locaux, qui ont trouvé de nouvelles formes de coopération et de gouvernance grâce aux dispositifs de l’économie mixte. Car, ce qui nous anime, c’est bien la mise en œuvre de projets pour les territoires et pour leurs habitants ! Plus généralement, les EPL, les entreprises publiques locales, peuvent être considérées comme une « boîte à outils » facilitant la mise en œuvre des politiques publiques locales, notamment en matière d’urbanisme.
La société publique locale issue de la loi Raoul du 28 mai 2010 est venue compléter cette palette. La SPL s’impose dès lors comme un outil de coproduction entre plusieurs niveaux – communal et intercommunal – et organise la maîtrise d’ouvrage publique. Cette loi a permis de renforcer la capacité d’action des collectivités. Je rappelle que, à cette époque, la France était encore le seul pays de l’Union européenne où il n’était pas encore possible pour les élus locaux de créer de telles entreprises.
Le code général des collectivités territoriales s’est donc enrichi voilà environ neuf ans de l’article L. 1531-1, qui dispose que les communautés et leurs communes peuvent constituer une SPL uniquement « dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi ».
Ainsi une collectivité territoriale ne pourra-t-elle pas faire faire par une SPL ce qu’elle ne pourrait pas faire elle-même.
Pour autant, un arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2018 a suscité des inquiétudes légitimes dans le secteur de l’économie locale et des collectivités. En effet, le Conseil d’État a eu une interprétation particulièrement restrictive du lien de compatibilité entre, d’une part, les compétences des collectivités ou de leurs groupements actionnaires d’une SPL et, d’autre part, l’objet social de cette SPL. En résumé, cet arrêt remet en cause la possibilité pour des collectivités de niveaux différents d’être actionnaires de la même SPL. Pourtant, c’est bien cette dimension qui fait toute la pertinence d’une société publique locale !
J’ai donc pris l’initiative de déposer une proposition de loi, afin de sécuriser davantage le dispositif de la SPL. À cet égard, je remercie mes collègues Antoine Lefèvre, Sylvie Robert et Julien Bargeton d’avoir accepté de s’y associer. Il est uniquement question dans ce texte de lever une incertitude juridique et de sécuriser la possibilité, pour des collectivités locales de strates différentes, d’être actionnaires de la même EPL. Ni plus ni moins ! En effet, le texte de la loi étant insuffisamment précis et certains arrêts rendus contradictoires, il convenait de clarifier l’intention du législateur.
Il était urgent de réagir, car bon nombre de maires et dirigeants d’EPL ont déjà reçu des préfectures une circulaire les incitant à mettre en conformité leur actionnariat dans les meilleurs délais, soit avant le 8 décembre 2019. Ainsi 200 à 300 structures seraient-elles dans le viseur.
Il serait désagréable que la ville de Vernon (Sourires.), le département de l’Eure et Seine Normandie Agglomération ne puissent plus être actionnaires ensemble de la SPL Campus de l’Espace. Je ne voudrais pas que la ville du Havre…
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Ce serait plus embêtant ! (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Marseille. … et la communauté d’agglomération havraise ne puissent plus être actionnaires ensemble de la SPL Havre Tourisme. Je ne voudrais pas non plus que la ville de Pau et la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées ne puissent plus être actionnaires ensemble des SPL Palais Beaumont ou Halles et République. Je ne voudrais pas, enfin, que la ville de Tourcoing…
M. Antoine Lefèvre. Oh ! Oh !
M. Vincent Capo-Canellas. Au hasard ! (Mêmes mouvements.)
M. Hervé Marseille. … et la métropole européenne de Lille ne puissent plus être actionnaires ensemble de la SEM Ville Renouvelée. Tout cela serait désagréable à certains de vos collègues, monsieur le secrétaire d’État. (Mêmes mouvements.)
Certains projets d’aménagement sont donc susceptibles d’être « gelés ». Ce n’est pas une vue de l’esprit : c’est un vrai risque, avec des conséquences dommageables pour notre économie. Ainsi, permettez-moi de citer un autre exemple très concret : la Seine-Saint-Denis va accueillir les jeux Olympiques en 2024. Quid de la gestion de nombreux parkings ? Des équipements à venir ? Des services tels que la gestion de l’eau ou des déchets ?
Les associations d’élus locaux ont fait valoir également leurs préoccupations et se sont fait le relais auprès des ministres concernés, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu. Je sais pouvoir compter sur l’écoute de ces derniers, car c’est bien le cœur même de l’action publique locale qui est concerné.
N’oublions pas que les EPL constituent un prolongement de l’action des collectivités, et cette mobilisation traduit aussi l’attachement des élus à leur liberté d’action à un moment où la notion même de décentralisation est quelque peu malmenée.
Jusqu’à présent, nous avons des outils qui fonctionnent, permettant la coopération entre strates locales, surtout dans un contexte où les EPL seront de plus en plus sollicitées avec la mise en œuvre de la loi Élan.
Je tiens à remercier l’ensemble des groupes parlementaires de cette assemblée qui ont bien voulu s’associer à ma démarche et la soutenir. Mes remerciements vont notamment, je le répète, à mes collègues Antoine Lefèvre, Julien Bargeton, Sylvie Robert, Alain Fouché et bien d’autres, qui ont cosigné cette proposition de loi.
M. Antoine Lefèvre. Soyez-en remercié !
M. Hervé Marseille. Le travail accompli en commission des lois a permis de préciser quelques points, et je remercie mon collègue Loïc Hervé, rapporteur de cette proposition de loi, pour le travail qu’il a mené sous l’autorité de Philippe Bas, président de la commission.
Avec son aide, j’ai voulu un texte court. Je sais que les services de l’État, qui ne sont jamais à court d’amendements, avaient quelques idées sur le sujet… Nous les retrouverons, j’en suis sûr, à un moment ou un autre, comme si le soupçon devait en permanence peser sur les EPL et les élus. C’est d’autant plus cocasse que le Président de la République s’évertue depuis plusieurs semaines, à force de réunions-marathons, à renouer le fil du dialogue avec les élus locaux, en leur promettant de faciliter leurs actions.
J’espère que cette proposition de loi, passé le cap sénatorial, saura trouver un écho favorable à l’Assemblée nationale. L’avenir nous le dira très rapidement. Je le répète, il était surtout urgent d’agir. Le législateur est dans son rôle pour préciser les conditions de fonctionnement des SPL et, par conséquent, pour rétablir une certaine forme de sérénité chez les acteurs locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Antoine Lefèvre et Mme Sylvie Robert applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au Sénat, nous connaissons tous parfaitement la place prépondérante des entreprises publiques locales et de l’économie mixte à l’échelle de nos territoires. Ces sociétés de droit privé, dont le capital est totalement ou partiellement public, permettent de faire converger les moyens et les énergies pour conduire nombre de projets, qui concernent aussi bien l’aménagement, l’immobilier ou les services publics locaux.
La Caisse des dépôts et consignations nous l’a confirmé : les sociétés publiques locales, les sociétés publiques locales d’aménagement – SPLA – et les sociétés d’économie mixte – SEM – locales sont des éléments clés du dynamisme de nos territoires. Leur succès rend aujourd’hui les EPL incontournables. Il en existe 1 300 en activité, dont plus de 900 SEM locales et plus de 350 sociétés publiques locales et sociétés publiques locales d’aménagement. Ensemble, elles représentent plus de 65 000 emplois, ont généré un chiffre d’affaires de près de 14 milliards d’euros en 2017 et fournissent un logement à 1,4 million de nos concitoyens.
Mais ces sociétés courent aujourd’hui un danger grave. Par une décision du 14 novembre 2018, le Conseil d’État a imposé, de manière prétorienne, que chaque collectivité actionnaire détienne désormais l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société.
D’un trait de plume, le juge administratif a plongé dans l’incertitude la très grande majorité des EPL existantes et bloqué la plupart des projets de création. Cette jurisprudence ne s’appliquait qu’aux seules SPL, mais les SPL d’aménagement et les SEM locales devraient également être concernées, puisqu’elles sont soumises à des dispositions similaires. Or la majorité de ces sociétés sont capitalisées par des collectivités ou des groupements de collectivités qui ne détiennent pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet même de ces sociétés.
En l’état, cette jurisprudence sonne donc le glas des EPL « multicouches » et de la coopération entre collectivités.
Plus grave, une SPL ne peut exercer son activité que pour le compte des collectivités ou des groupements qui en sont actionnaires. Diminuer le nombre de collectivités pouvant participer au capital limite donc le nombre de « clients » de la SPL et porte une atteinte parfois insurmontable à sa viabilité économique.
Les territoires attendent une réponse rapide et efficace du législateur pour contrer cette jurisprudence et apporter un remède à la situation actuelle. Je suis sûr, mes chers collègues, que vous avez tous reçu des demandes en ce sens. Les auditions que nous avons conduites avec l’auteur de la proposition de loi, M. Hervé Marseille, ont témoigné, s’il le fallait, de l’acuité des attentes en la matière.
Tel est donc l’objet de la proposition de loi déposée par notre collègue, dont la commission des lois partage entièrement l’objet. Les seuls amendements qu’elle a adoptés visent, d’une part, à clarifier la rédaction du texte et, d’autre part, à en étendre le champ.
Afin de rendre la proposition plus claire, la commission des lois a souhaité qu’elle n’introduise que des dispositions strictement nécessaires à la mise en échec de la jurisprudence du Conseil d’État, pour ne pas bouleverser inutilement le droit applicable. Nous avons également souhaité que la formulation retenue lève toute ambiguïté sur le rôle des entreprises publiques locales, qui sont des prestataires et non pas des EPCI. Sociétés commerciales strictement tenues par leur objet social, les entreprises publiques locales n’exercent aucune compétence en lieu et place des collectivités actionnaires. Elles fournissent des prestations, pour leur compte et sous leur contrôle, afin que celles-ci exercent leurs compétences.
En ce qui concerne l’extension du champ de la proposition de loi, nous avons souhaité que celle-ci s’applique aussi aux SPL d’aménagement et aux SPL d’aménagement d’intérêt national. Cette extension est justifiée par la volonté de protéger les SPL d’aménagement contre les effets de la jurisprudence en cause, mais aussi de garder l’homogénéité du droit applicable aux différentes entreprises publiques locales.
Enfin, l’article 4 de la proposition de loi a été introduit afin de valider l’actionnariat des entreprises publiques locales existantes qui ne respectent pas le nouveau critère fixé par le Conseil d’État. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen des amendements.
En outre, la commission a déposé un amendement de séance tendant à fixer les modalités d’application outre-mer de cette proposition de loi. Pour faire obstacle à toute irrecevabilité financière, je dois vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir donner votre accord à cette application ultramarine. Il s’agit d’un accord sur le principe, car les amendements déposés par le Gouvernement montrent que nous devons encore nous accorder sur un certain nombre de points.
Comme je l’ai dit, nos territoires attendent une réponse rapide de notre part. Je pense, en revanche, que cette réponse ne doit pas être formulée au détriment de la clarté et de la prévisibilité du droit applicable aux entreprises publiques locales. Au cours de l’examen des amendements, je n’aurai de cesse de le rappeler.
Nous ne devons pas laisser à la jurisprudence le soin de définir un certain nombre de points, pour éviter de nous retrouver dans la situation dans laquelle nous sommes. Cette proposition de loi a donc pour objet de répondre à un problème précis. Elle ne doit pas, pour ce faire, en créer de nouveaux pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le président Marseille, auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord excuser l’absence de Jacqueline Gourault, qui est aujourd’hui aux côtés du Président de la République en Corse, dans le cadre de la réunion qu’il organise avec les maires de l’île. Elle m’a demandé de la représenter, ce que j’ai accepté avec grand plaisir, pour l’examen de ce texte important pour les entreprises publiques locales et les collectivités territoriales.
Le Gouvernement considère que l’initiative législative que vous avez prise, monsieur le président Marseille, est bienvenue dans le contexte de fortes contraintes juridiques, pour ne pas dire excessives, résultant de la récente décision du Conseil d’État, qui a été mentionnée à plusieurs reprises. Il est en effet urgent d’améliorer le droit applicable à l’actionnariat des entreprises publiques locales, afin de ne pas prendre le risque de déstabiliser un secteur économique essentiel à la vie de nos territoires.
Ce n’est pas à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’apprendrai à quel point ces entreprises jouent un rôle majeur dans la vie économique locale. Si l’on se réfère aux statistiques fournies par la Fédération des entreprises publiques locales, les collectivités ont créé près de 1 300 entreprises publiques locales, dont 925 sociétés d’économie mixte locales, 359 sociétés publiques locales et 16 sociétés d’économie mixte à opération unique. Ces entreprises emploient près de 70 000 salariés et représentent environ 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Au-delà de ce rappel purement statistique, il faut noter que le champ d’action des EPL s’est enrichi et a évolué avec la pratique. Ces entreprises constituent l’un des nombreux outils dont disposent les collectivités territoriales pour mener à bien leurs missions parmi une palette de possibilités. L’économie mixte contribue ainsi au dynamisme du développement territorial et au soutien de l’investissement local. C’est un mode d’action permettant de faire émerger des politiques innovantes, telle la transition énergétique.
Ces sociétés conduisent ainsi des actions et des projets dans des domaines diversifiés comme, pour 23 %, le tourisme, la culture et les loisirs, et, pour 25 %, l’aménagement, deux secteurs prédominants au sein du paysage des entreprises publiques locales. En outre, des secteurs comme l’habitat et l’immobilier ou la mobilité confirment leur importance, tandis qu’émergent de nouveaux champs d’action comme l’environnement, les réseaux, le développement économique et les services à la personne.
À cet égard, il est intéressant de noter que certains domaines comme le tourisme, la culture, le sport et l’énergie renouvelable relèvent de compétences partagées entre différents niveaux de collectivités territoriales, ce qui nous amène directement au sujet dont nous débattons aujourd’hui. En effet, autrefois exceptionnelle, la pluriactivité des entreprises publiques locales est désormais majoritaire, ce qui rend d’autant plus nécessaires les adaptations juridiques auxquelles nous invite la décision du Conseil d’État du 14 novembre 2018.
Le droit est constant sur ce point : une collectivité n’a pas le droit de faire, par l’intermédiaire d’une société d’économie mixte locale ou d’une société publique locale, ce qu’elle n’a pas le droit de faire par elle-même. Cette règle, qui n’est d’ailleurs pas remise en cause par la proposition de loi, est du reste antérieure à la loi NOTRe, car elle date des premiers textes ayant instauré la possibilité de créer des entreprises publiques locales. Toutefois, la jurisprudence administrative hésitait jusqu’à présent entre deux interprétations pour ce qui concerne la situation des sociétés exerçant dans plusieurs champs d’activité.
Selon l’interprétation la plus souple, une collectivité ne pouvait participer que si la part prépondérante des missions de la société n’outrepassait pas son domaine de compétence. Selon l’interprétation la plus stricte, une collectivité ne pouvait participer au capital d’une entreprise publique locale que si elle détenait la totalité des compétences correspondant aux missions de l’entreprise.
C’est une lecture stricte de la loi que le Conseil d’État a retenue au mois de novembre dernier. On estime ainsi qu’un grand nombre d’entreprises locales, près de 40 % d’entre elles, ne rempliraient plus les conditions posées par la jurisprudence. Il était donc urgent de revenir sur cette jurisprudence, ce que prévoit opportunément cette proposition de loi.
Le Gouvernement partage l’objectif poursuivi par les auteurs de ce texte, dont l’économie générale n’a pas été modifiée par la commission des lois, puisque le rapporteur, dont je salue le travail, a apporté des compléments utiles, en particulier en étendant expressément les dispositions du texte aux sociétés publiques locales d’aménagement. Toutefois, je souhaite dire dès ce stade de notre discussion que le Gouvernement craint que la rédaction retenue par la commission des lois ne constitue un assouplissement excessif de la législation en vigueur. Il s’agit non pas de soupçons, monsieur le président Marseille, mais plutôt de précautions.
Ainsi, le texte résultant des travaux de la commission des lois n’interdirait pas à une collectivité de prendre une participation élevée dans le capital d’une entreprise publique locale, quand bien même les activités de cette dernière ne correspondraient que pour une part très marginale à des compétences exercées par cette même collectivité. Au surplus, il nous semble que cette même rédaction ne fait pas clairement obstacle à ce qu’une partie de l’activité de l’EPL ne relève d’aucune compétence des collectivités actionnaires.
Nous craignons qu’un tel choix ne permette, d’une part, de régulariser des SPL et sociétés d’économie mixte locales qui étaient déjà non conformes avec le droit antérieur à la décision du Conseil d’État et, d’autre part, d’encourager le recours à des entreprises publiques locales à objets sociaux multiples, alors même que la compétence de la collectivité ne correspondrait qu’à une part négligeable des activités de la société. Le risque de contournement est donc, selon notre analyse, réel.
Le Gouvernement souhaite par conséquent que le droit permette de limiter le risque de voir des collectivités investir des missions ne relevant pas de leur champ de compétence. Ce raisonnement nous a conduits à déposer des amendements aux articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi visant à encadrer la possibilité, pour les collectivités et leurs groupements, de prise de participation au capital d’une EPL dans des conditions plus resserrées, en prévoyant qu’une telle participation ne soit possible que si la collectivité ou le groupement ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité.
Ces amendements ne sont pas inconnus des membres de la commission des lois, puisque le Gouvernement les avait déjà déposés la semaine dernière, sans succès, lors de l’examen du texte en commission. Je sais que la commission a considéré, en particulier, que la notion de « part significative » n’était pas suffisamment claire et qu’elle exposerait les EPL à un risque juridique. J’aurai l’occasion, je l’espère, notamment en présentant l’amendement n° 7, de répondre à cette crainte et de vous convaincre qu’une telle précision est indispensable. Je ne m’attarderai pas sur ce point à ce stade du débat, puisque nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de l’examen des amendements.
Je voudrais, pour conclure, dire que le débat d’aujourd’hui doit également nous conduire, selon l’analyse qu’en fait le Gouvernement, à nous pencher sur la régulation du secteur des entreprises publiques locales.
En 2017, deux études ont porté sur les entreprises publiques locales : un référé de la Cour des comptes sur le cadre juridique et comptable applicable, ainsi qu’une revue de dépenses des inspections générales sur la maîtrise des risques par les EPL. Ces deux rapports, rendus publics, se sont avérés très critiques, leurs auteurs plaidant en faveur d’un renforcement du contrôle des EPL et de leurs filiales. Dans son référé du 15 juin 2017, la Cour des comptes a notamment fait valoir que les EPL, instruments essentiels pour les collectivités, ne sont pas « suffisamment maîtrisés » et que « les mécanismes de leur contrôle, de leur transparence et d’évaluation de leur contribution à l’action publique territoriale devraient être repensés ».
Les conclusions d’une nouvelle étude de la Cour des comptes sur le même sujet, conduite à la demande du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, sont d’ailleurs attendues dans les prochaines semaines. À ma connaissance, ce rapport devrait aussi être rendu public.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que le législateur pourrait se saisir de ce débat pour apporter une réponse, en concertation avec les représentants des collectivités territoriales et des entreprises publiques locales, à ces remarques émises par la Cour des comptes. Une telle réponse constituerait à l’évidence un facteur d’équilibre et de sécurisation de l’activité des entreprises publiques locales, en complément des assouplissements proposés par le texte dont nous débattons aujourd’hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite pour finir remercier de nouveau les auteurs de ce texte pour leur initiative et vous assurer de l’ouverture d’esprit du Gouvernement. La discussion d’aujourd’hui doit nous permettre de parvenir à une solution équilibrée, dans le respect des différentes contraintes juridiques que je viens de rappeler. Je ne doute pas que la poursuite de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, puis dans le cadre de la navette parlementaire, nous permettra d’atteindre un point d’équilibre satisfaisant pour chacune des parties.
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Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, je n’ai pas pu prendre part au scrutin public solennel n° 73 sur l’ensemble du projet de loi d’orientation des mobilités ; j’aurais souhaité voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
6
Actionnariat des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, peut-être faut-il situer l’examen de ce texte indispensable dans un contexte un peu plus politique. Ce contexte correspond d’ailleurs à l’ambiance qui est celle du grand débat.
On sent bien que l’administration centrale est toujours extrêmement méfiante à l’égard des collectivités locales et n’a pas compris, depuis 1983, l’intérêt des sociétés d’économie mixte ni, depuis 2010, celui des sociétés publiques locales. Ces dernières sont déjà au nombre de 359 ; c’est dire combien elles correspondent à un besoin.
Ne racontons pas d’histoires : si le Conseil d’État s’est positionné sur cette question, c’est parce qu’un recours a été déposé par un représentant de l’État, c’est-à-dire par un préfet – or les préfets sont aux ordres –, devant un tribunal administratif. Le jugement a ensuite été renvoyé devant la cour d’appel de Lyon, puis le Conseil d’État a finalement annulé la décision. Ses attendus inquiètent les sociétés publiques locales et les SEM, tout comme l’attitude des préfets.
Il faut laisser intacte cette liberté. En tant que gestionnaires des services publics locaux – vous le savez, parce que vous êtes un élu local, monsieur le secrétaire d’État –,…
M. Jacques Bigot. … nous devons rendre de plus en plus de services à nos concitoyens. Ces services sont rendus soit par des sociétés entièrement privées, en vertu d’une délégation de service public, soit par le biais de sociétés d’économie mixte, dans lesquelles le privé peut participer, soit par des sociétés dépendant entièrement de la collectivité, comme cela se passe dans d’autres pays européens. J’ose espérer que ce n’est pas la propension de certains, dans l’administration centrale, à pantoufler dans les grandes entreprises prestataires de services publics qui les conduit à souhaiter que les délégations de services publics ne puissent plus être attribuées à des sociétés gérées par les collectivités locales
Il y a sans doute des choses à améliorer ; mais, croyez-moi, les élus – j’en suis – sont très attentifs au respect des textes et à la bonne gestion des sociétés.
Je suis désolé que vous, qui êtes un élu local, veniez aujourd’hui nous présenter des amendements dont l’adoption concourrait à bloquer, une fois de plus, le fonctionnement de ces sociétés – nous y reviendrons.
Au moment où le Président de la République, que vous avez rejoint avec enthousiasme, me semble-t-il, finit par reconnaître que les élus locaux ont un intérêt, il faudrait peut-être que vous puissiez dire à votre administration votre refus de soutenir les amendements qu’elle propose, qui représentent une défiance de plus à l’égard des élus locaux – encore une fois, nous en parlerons tout à l’heure.
Sachez vous défaire de l’administration ; sachez ne pas oublier d’où vous venez et sachez défendre les élus locaux, qui, comme j’en ai fait l’expérience dans ma commune, ont besoin de ces sociétés pour pouvoir prester des services, et pour pouvoir le faire selon une gestion libre, lorsqu’il s’agit par exemple de faire fonctionner un établissement culturel.
Ces sociétés, tout en étant de droit privé, sont détenues et gérées par des élus locaux, qui assurent ce suivi en bonne intelligence et dans l’intérêt de nos concitoyens. C’est cela que nous défendons aujourd’hui ; je remercie donc ceux qui ont pris l’initiative de cette proposition de loi.
Mes chers collègues, évitons de voter les amendements que j’ai évoqués, dont l’adoption permettra au préfet, sur instruction de l’administration centrale, de continuer à déposer des recours pour essayer de vérifier si oui ou non les compétences dont dispose telle ou telle collectivité correspondent à une « part significative » de l’activité de la société concernée – à moins que l’intention soit de donner davantage d’activité à nos tribunaux administratifs, qui, paraît-il, sont déjà engorgés.
Monsieur le secrétaire d’État, pensez à l’économie locale, pensez à nos concitoyens, pensez à vos origines, et, tout à l’heure, ne soutenez pas ces amendements ! (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où l’on demande à nos collectivités de faire toujours plus d’économies, d’être toujours plus innovantes, les entreprises publiques locales sont bien souvent un outil de développement et de mutualisation incontournable.
Je ne rappellerai pas ici l’historique de la création des différents types d’entreprises locales ; je me contenterai de saluer le bon sens du législateur, et notamment du Sénat, qui a su, lorsque le cadre des SEM était devenu trop étroit, l’adapter en créant, en 2010, les sociétés publiques locales. Les membres du RDSE, par les voix d’Anne-Marie Escoffier et de Jacques Mézard, avaient alors pris leur part dans la proposition de loi qui avait été à l’époque adoptée à l’unanimité des deux chambres.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, par la souplesse qu’elle permet de redonner à notre économie locale, repose sur un large consensus. Je tiens d’ailleurs à remercier notre collègue Loïc Hervé pour le travail mené en commission, qui nous a permis d’éclairer le texte sans aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire, afin que les dispositions de cette proposition de loi soient rapidement adoptées et applicables sur nos territoires.
L’objectif est clair : il s’agit de contourner l’arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2018 Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles. Celui-ci, parce qu’il impose aux collectivités actionnaires des SPL d’exercer l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de ladite société, assimile les EPL aux EPCI, créant ainsi une grande insécurité pour les 1 300 entreprises publiques locales dont, en France, nous disposons et gelant les projets en cours de création : insécurité juridique concernant la légalité des actes des SPL existantes qui ne répondraient pas au nouveau critère défini par le Conseil d’État ; risque d’émiettement et de dilution de l’action publique locale pour les SPL en cours de création, qui verraient leurs projets mis à l’arrêt.
Au-delà de ces considérations juridiques, l’entérinement de cette décision viendrait plonger les EPL et nos collectivités dans une insécurité économique. On mettrait fin aux efforts de mutualisation et aux économies de gestion qu’a permis la création de nombreuses SPL. On réduirait le nombre de collectivités autorisées à participer au capital et, de facto, le nombre de clients et le chiffre d’affaires des SPL.
Cette jurisprudence a par ailleurs un coût politique non négligeable, en ce qu’elle porte atteinte aux projets locaux et à l’apport des entreprises publiques locales au dynamisme de nos territoires.
Nous le voyons tous : à l’échelle locale, nos EPL rendent possible le lancement de projets à long terme, dans des domaines comme le tourisme, la culture ou l’aménagement. Elles sont le fer de lance de l’investissement et de l’innovation sur nos territoires et participent également à leur revitalisation. Dans les territoires touristiques, elles permettent une souplesse commerciale plus importante qu’en régie, régime dans lequel les élus se retrouvent confrontés à une lourdeur administrative qui les oblige parfois à délibérer sur le moindre petit acte commercial. Les SEM ou les SPL donnent une souplesse d’action et de réaction tout en préservant la maîtrise de la collectivité et la transparence de ses comptes, n’en déplaise à l’administration.
Les conseils départementaux, ayant perdu la clause générale de compétence avec la loi NOTRe, se verraient aujourd’hui privés également d’un grand nombre d’outils locaux indispensables à l’avenir de leurs territoires. Dans un département comme les Hautes-Pyrénées, où les collectivités sont obligées de pallier une initiative privée frileuse ou manquante dans des domaines essentiels à la vie économique de notre territoire, comme le thermalisme ou les sports d’hiver, ces organisations sont aujourd’hui nombreuses et confrontées au redécoupage territorial des communautés de communes et aux redéfinitions de compétences correspondantes.
Ces outils nouveaux ont démontré qu’ils pouvaient être de vraies réussites, en témoigne l’exemple de la SEM N’Py, pour « Nouvelles Pyrénées », qui, regroupant les huit principales stations de ski pyrénéennes, permet de mener une stratégie commerciale offensive et de mutualiser certains outils, donc de rationaliser les coûts de fonctionnement.
Pour en revenir au texte qui nous est présenté, la décision du 14 novembre est un non-sens unique en Europe. On considère les SPL comme des EPCI, alors que leur succès repose sur cette différentiation ! L’article 1er du texte de la commission, qui précise que la réalisation de l’objet de la société concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires, permet de rétablir la souplesse voulue en 2010 s’agissant de l’actionnariat des SPL.
Enfin, puisque gouverner c’est prévoir, je me réjouis que l’objet de ce texte n’ait pas été limité aux seules SPL, mais ait été étendu à l’ensemble des entreprises publiques locales, SEM ou SPLA comprises. En effet, si la décision du 14 novembre se concentre sur les sociétés publiques locales, il y a fort à parier que, sans le travail que nous sommes en train d’effectuer, cette jurisprudence eût été élargie à l’ensemble des EPL, avec les conséquences juridiques, politiques et financières que l’on connaît localement.
Dans l’esprit qui le caractérise, le groupe du RDSE votera à l’unanimité pour ce texte d’une importance capitale pour le dynamisme de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai été sensibilisé à ce dossier il y a un certain temps ; j’y ai travaillé et ai cosigné avec beaucoup de conviction cette excellente proposition de loi d’Hervé Marseille. Elle remédie à une jurisprudence du Conseil d’État qui conçoit de façon restrictive le lien de compatibilité entre les compétences des actionnaires et l’objet d’une société publique locale.
Le 14 novembre dernier, le Conseil d’État a opté pour une lecture rigoriste de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales. Aux termes de cet article, les collectivités et leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi.
Le Conseil d’État a jugé que la participation d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités à une société publique locale est exclue lorsque cette collectivité ou ce groupement n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société.
La participation au capital d’une telle société confère la qualité d’actionnaire et ouvre donc le droit de participer au vote des décisions prises par la société.
Adopter une lecture moins rigoriste du texte permettrait à une collectivité de voter sur des sujets échappant à sa compétence, et donc d’exercer une compétence qu’elle n’a pas.
Le Conseil d’État a estimé qu’il ne disposait d’aucune base légale pour autoriser une telle lecture.
Cette jurisprudence limite dangereusement la liberté d’action des collectivités et de leurs groupements. Elle impose l’intervention du législateur. Son application remet en cause la légalité des actes des sociétés publiques locales irrégulièrement composées.
En 2017, il existait 318 sociétés publiques locales ; 47 % d’entre elles, mais aussi 36 % des sociétés d’économie mixte locales, auraient un objet social excédant le champ des compétences partagées par leurs actionnaires.
Cette jurisprudence présente également un risque économique, puisque les sociétés publiques locales ne peuvent exercer leur activité qu’au profit des collectivités ou groupements qui en sont actionnaires.
Restreindre le nombre de collectivités ou de groupements pouvant être actionnaires revient à restreindre les « clients » potentiels de ces sociétés, ce qui aura un effet négatif sur leur chiffre d’affaires.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est évident !
M. Alain Fouché. Les entreprises publiques locales sont des éléments clés du dynamisme de nos territoires. Elles représentent 65 000 emplois, 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires et fournissent un logement à 1,4 million de personnes en France. Elles contribuent à la cohésion et au développement des territoires en matière d’innovation économique, de logement social, d’énergies renouvelables, de mobilité, d’attractivité touristique ou de revitalisation des cœurs de ville.
Notre collègue Hervé Marseille a cité les villes du nord ; je pourrais citer quant à moi de nombreux départements, mais je ne citerai que celui que j’ai eu l’honneur de présider, celui de la Vienne, le département de MM. Monory et Raffarin.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut donner au Conseil d’État la base légale lui permettant de revenir sur sa jurisprudence du 14 novembre 2018. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants votera à l’unanimité cet excellent texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord saluer la convergence de vues qui se manifeste sur les différentes travées de cet hémicycle, puisque la présente proposition de loi a été cosignée par des membres de six des sept groupes que compte notre assemblée, dont votre serviteur. Ce fait est suffisamment original pour être souligné, et je veux parier que nos collègues du groupe CRCE nous rejoindront pour un vote positif.
Ce qui explique notamment ce consensus, c’est l’expérience des parlementaires qui, jadis, ont souvent été maires ou présidents de collectivité, n’en déplaise à certains, et qui, dans le cadre de la gestion quotidienne de leur collectivité, ont pu mesurer combien il était nécessaire de moderniser régulièrement le statut des SEM.
Nous remercions notre rapporteur pour les précisions apportées lors de l’examen du texte en commission des lois, qui ont permis de sécuriser encore davantage cet acteur incontournable en matière d’action publique locale.
Pour ce qui est des amendements proposés soit par nos collègues, soit par le Gouvernement, j’invite à une grande prudence, car il ne faudrait pas rendre instable cette proposition de loi en élargissant trop son périmètre ou par l’ajout de définitions juridiques peu claires.
Je souhaite par ailleurs rappeler le principe majeur qui est au fondement de la décentralisation, principe que le Conseil constitutionnel s’efforce, vaille que vaille, texte après texte, de faire respecter : celui de la liberté laissée à toute collectivité territoriale, petite ou grande, commune, département, région ou nouvelle communauté, pour réaliser ses interventions.
Les chamboulements des dernières années en matière de regroupements ont durablement transformé le paysage de la France.
Les 1 300 sociétés d’économie mixte sont, dans notre paysage institutionnel et dans la pratique de la gestion des collectivités locales, une réalité qui a pris beaucoup d’importance, même si, leur origine étant lointaine – les décrets-lois Poincaré datent de 1926 –, la progression en a été étalée dans le temps.
L’histoire des entreprises publiques locales s’est toujours faite par les élus, et le Parlement s’est régulièrement saisi de textes les instaurant, les remaniant, les aménageant, les actualisant, du fait des nouvelles responsabilités que les collectivités locales doivent, et devront, assumer.
Les EPL sont des outils créés par les élus pour leur territoire, et dont ils ont la maîtrise politique et financière. Le montant de leur capitalisation s’élève à 4,3 milliards d’euros, détenus à 65 % par les collectivités locales ; autrement dit, elles représentent une opportunité de développement inouïe.
Le rôle des parlementaires est donc important dans leur histoire récente, et nous sommes très sensibles à la question de leur sécurité juridique. Chaque texte de loi relatif aux entreprises publiques locales, ou presque, a été voté à l’unanimité – cela a été rappelé.
L’arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2018 Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles interdit qu’une collectivité n’exerçant pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet de la SPL en soit actionnaire. Jusqu’alors, plusieurs décisions divergentes avaient retenu l’attention sur ce lien entre compétences et missions. La position du Conseil d’État était donc attendue. Et c’est peu de dire qu’il nous fait, en optant pour la position la plus stricte, un mauvais coup.
La portée de cet arrêt met en péril la quasi-totalité des SPL existantes ou en cours de création. À nouveau, donc, il nous faut nous pencher sur leur berceau et apporter, par cette proposition de loi, la clarification législative qui s’impose.
Le présent texte précise ainsi l’intention qui avait été celle du législateur lors de l’élaboration de la loi de 2010 pour le développement des SPL, que j’avais, à l’époque, cosignée.
Il convient de combler le vide juridique et de préserver cet outil.
Cette proposition de loi, dont le contenu a été largement évoqué par notre collègue Hervé Marseille, que je remercie de nouveau, et par notre rapporteur, vise donc à sécuriser les SEM et les SPL, si indispensables à nos territoires, en permettant aux collectivités locales de différents niveaux d’en être actionnaires. En deux mots, chacun a bien compris qu’il s’agissait à la fois de liberté et de responsabilité, de mutualisation, d’économies de gestion – il s’agit, par là même, de faire bénéficier les collectivités et leurs habitants de marges de manœuvre financières supplémentaires.
Je note que le quatrième des cinq objectifs figurant dans la contribution de Territoires unis, qui regroupe les trois associations nationales d’élus, l’AMF, l’ADF et Régions de France, au grand débat national consiste « à renforcer le rôle des collectivités dans les politiques publiques assurant la cohésion sociale et territoriale de la Nation ». Il est à cette occasion fait expressément référence aux réseaux d’offres des opérateurs locaux, à savoir les SEM, les EPL, etc.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Antoine Lefèvre. Enfin, je rappelle que, s’agissant du dossier prioritaire « Action cœur de ville », les EPL ont l’expertise et le savoir-faire nécessaires pour conduire la redynamisation des centres-villes et des centres-bourgs.
Plus largement, les EPL interviennent dans une quarantaine de domaines. Il convient donc de sécuriser le fonctionnement des 1 284 EPL en activité et des 116 qui sont en cours de création. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il arrive que le Conseil d’État prenne une décision incitative.
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est rare, mais ça arrive !
M. Pierre-Yves Collombat. Notre collègue est un grand comique !
M. Arnaud de Belenet. Nul doute que l’arrêt du 14 novembre 2018 a été d’une redoutable efficacité en matière d’incitation – les précédents orateurs ont dit combien l’émotion et l’inquiétude étaient fortes dans leur territoire.
J’ai été très heureux, après avoir été sollicité notamment par le président de la communauté d’agglomération de Marne et Gondoire, au moment où je commençais à travailler sur le sujet, de constater qu’Hervé Marseille avait fait preuve d’une diligence tout à fait inouïe, diligence…
M. Loïc Hervé, rapporteur. … qu’on lui connaît !
M. Arnaud de Belenet. … qui le caractérise, en prenant l’initiative de cette proposition de loi.
J’évoquerai deux points.
Premier point : la décision du Conseil d’État met bel et bien un terme à une divergence d’appréciation sur l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales. Il fallait donc, urgemment, une réponse, sous forme de clarification.
Un certain nombre de tribunaux privilégiaient une interprétation fonctionnelle du rôle des SPL, qui étaient alors considérées comme de « simples outils d’intervention économique mis à la disposition des collectivités publiques » – c’est le cas notamment du tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans sa décision de 2014.
L’analyse retenue par le Conseil d’État n’aborde plus les SPL comme un outil au service des actionnaires, mais comme leur prolongement organique. Dès lors, par son considérant de principe, le juge de cassation estime que « la participation d’une collectivité est exclue lorsque cette collectivité n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société ». Il faut donc l’arbitrage du législateur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Oui !
M. Arnaud de Belenet. Ce n’est pas une question de « défiance », pour reprendre le mot de Jacques Bigot : il appartient bien au législateur d’intervenir. J’ai d’ailleurs constaté, dans les précédentes interventions, un accord de principe sur la pertinence et les objectifs de cette proposition de loi.
La commission des lois – c’est mon second point – a souhaité apporter quelques éléments de clarification rédactionnelle et étendre le champ d’application du texte aux SPLA, ce qui est certainement très bien.
Le seul désaccord, marginal, entre nous, porte donc en définitive sur le niveau de précision de ce lien entre compétence de la collectivité et objet social de la SPL. Sous cette question de précision de la formulation est posée celle de la place laissée au juge. M. le rapporteur le disait précédemment, plus nous sommes imprécis, plus la marge de manœuvre du juge est grande et plus on suscite d’inquiétudes.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Certes, soyons précis !
M. Arnaud de Belenet. Il convient donc d’être le plus précis possible.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce serait bien, en effet !
M. Arnaud de Belenet. Or le Gouvernement estime que la formulation employée dans le texte issu des travaux de la commission est insuffisamment précise et ne permettrait pas de faire obstacle à ce qu’une partie de l’activité de la SPL ne relève d’aucune des compétences des collectivités ou des groupements actionnaires. Il propose donc une nouvelle rédaction des articles 1er et 2 de la présente proposition de loi.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il ne fait pas mieux que nous !
M. Arnaud de Belenet. Ces amendements méritent d’être défendus par M. le secrétaire d’État, afin de préciser la proposition de loi.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ils le seront !
M. Arnaud de Belenet. Sans revenir sur la rédaction de la commission des lois, j’avais proposé, a minima, cher rapporteur, que soit ajoutée la mention d’un « lien direct » entre l’objet de la SPL et l’une des compétences de la collectivité. Je n’ai pas la prétention de penser que cet amendement puisse servir de compromis utile pour répondre aux observations du Gouvernement sans détricoter le travail consensuel de la commission des lois, mais nous avons vraiment, me semble-t-il, une marge de progression.
Je ne doute pas que la sagesse et la culture du Sénat permettront de traiter cette question avec toute la précision que méritent nos collectivités. Elles doivent pouvoir prendre leurs décisions sur le fondement juridique d’un texte suffisamment précis. En outre, elles méritent que nous soyons attentifs à la vertu prophylactique de ce que nous écrivons dans la loi – nous devons inciter les collectivités à ne pas prendre de risques.
C’est cette clarté et cette précision qui assureront cette prophylaxie et permettront la sécurité des décisions de nos collègues élus locaux, qui ont tant besoin, comme cela a été rappelé, de ces outils en très fort développement que sont les SPL. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des lois et M. Alain Fouché applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne rappellerai pas l’importance prise par les SPL dans la vie de nos collectivités – cela a été fait, et bien fait.
Pour moi, les choses sont très claires : on ne peut que soutenir le texte de notre commission, un texte qui rétablit la portée de la loi initiale sur les SPL, soigneusement obscurcie et limitée par la jurisprudence administrative. Je n’en suis d’ailleurs pas surpris ; à ceux qui le seraient, je conseille la lecture du rapport du Conseil d’État de 2002 sur les collectivités publiques et la concurrence. Je cite : « La promotion du service public commence dans une pleine reconnaissance du cadre d’ensemble de libre concurrence dans lequel il est appelé à intervenir. »
Tout est dit, car, clairement, la formule de la SPL est une entorse aux lois de la concurrence, les sociétaires de ces structures n’étant pas assujettis à ces lois. Il convient donc de limiter la portée de cette aberration. C’est ce que fait la jurisprudence administrative, qui, bien sûr, ne fait pas de politique… Elle ne fait pas de politique, mais elle a bien, malgré tout, une politique !
Je dirai, pour conclure, que, si j’avais encore quelques doutes sur l’intérêt du texte présenté par la commission, les amendements clairement restrictifs, eux aussi, du Gouvernement, les lèveraient. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
M. Antoine Lefèvre. Rendez-vous est pris ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapporteur et le président Marseille ayant déjà très bien exposé les questions juridiques, je me bornerai à formuler quelques observations.
À mon sens, ce texte est sous-tendu par une véritable ambition. Si certaines propositions de loi sont des textes d’affichage politique ou d’appel, dont chacun devine d’emblée quel sera le sort, la proposition de loi que le groupe Union Centriste nous présente aujourd’hui sur l’initiative de son président, M. Hervé Marseille, n’est pas de celles-là. Elle porte sur un problème juridique précis et n’a aucune visée d’affichage, bien au contraire !
Elle a vocation à redonner la parole au législateur dans un domaine, celui des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à l’actionnariat dans les SPL et les SEM, où différentes décisions des juridictions administratives sont venues semer le trouble dans nos territoires.
L’objet de la présente proposition de loi me paraît s’inscrire dans la problématique actuelle. Nous cherchons à préserver l’ingénierie et la capacité d’action des communes et des collectivités territoriales ; cela a été illustré par différents exemples.
En ces temps de grand débat et de recherche de proximité, où nous essayons de redonner des moyens aux communes, il me semble essentiel que celles-ci puissent continuer à disposer d’outils partagés, notamment en matière d’ingénierie, et les contrôler en étant présentes au capital.
Dans son rapport, notre collègue Loïc Hervé a souligné que la position du Conseil d’État pouvait avoir des « effets dévastateurs pour l’action des entreprises publiques locales » et porter « une atteinte immédiate à la viabilité économique d’un grand nombre de SPL ». L’effet serait tout aussi dévastateur pour les collectivités territoriales, notamment les communes.
On évoque souvent la perte de substance ressentie, et d’ailleurs réelle, par nos collègues élus municipaux : il s’agit ici de leur laisser des moyens d’agir. Notre collègue Hervé Marseille évoquait la tenue des jeux Olympiques en Île-de-France. Les collectivités territoriales sont confrontées à de grandes structures, comme la Société de livraison des ouvrages olympiques, la Solideo, ou le Comité d’organisation des jeux Olympiques. Il me paraît particulièrement utile qu’elles puissent se regrouper, par exemple au sein de SPL, pour être en mesure de faire entendre ensemble et de disposer d’éléments d’analyse ou d’outils d’ingénierie.
C’est donc de manière parfaitement assumée que l’article 1er de la proposition de loi remet expressément en cause la jurisprudence du Conseil d’État, qui impose que toutes les compétences soient détenues par les actionnaires.
Le Gouvernement, qui semblait a priori favorable à l’esprit de la présente proposition de loi, a proposé un certain nombre d’amendements en commission. M. le secrétaire d’État a invoqué un esprit d’ouverture ; on ne peut que s’en féliciter, mais la conclusion de son propos m’a semblé marquer une certaine fermeture et la recherche, peut-être motivée par des considérations juridiques, de solutions qui n’en seraient pas.
Je veux donc réaffirmer ici la volonté qui est la nôtre de permettre aux collectivités territoriales de régler effectivement un problème auxquelles elles sont confrontées. Les ajouts dont le Gouvernement souhaitait l’adoption en commission allaient, me semble-t-il, bien au-delà d’une simple précision : il s’agissait de réintroduire une disposition qui, de notre point de vue, rouvrirait à coup sûr une succession d’interprétations jurisprudentielles contradictoires. Je me réjouis donc que la commission des lois ait choisi de ne pas donner une suite favorable à cette proposition. La formulation proposée aujourd’hui par le Gouvernement, avec la référence à une « part significative et régulière », nous paraît encourir les mêmes critiques.
La proposition de loi a un objet simple et précis : elle vise à sécuriser définitivement le régime juridique des entreprises publiques locales, et non à introduire des dispositions qui pourraient nourrir une jurisprudence abondante. Notre rapporteur a parfaitement compris cet objectif. Au nom de mon groupe, je le remercie de la qualité de son travail. Les modifications apportées par la commission vont dans le sens souhaité par les auteurs de la proposition de loi.
Le texte présenté aujourd’hui me semble simple et non équivoque ; il faut lui garder cette pureté. Il est attendu par les élus locaux. J’invite donc le Gouvernement et chacun d’entre vous, mes chers collègues, à soutenir activement cette proposition de loi. Le groupe Union Centriste salue l’excellente initiative de son président et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, de prime abord un peu technique, mais en réalité très politique, est essentielle pour l’aménagement, le développement et l’attractivité de nos territoires. En effet, elle ne vise rien de moins que la sauvegarde et la pérennisation des EPL.
Je ne reviendrai pas sur l’analyse de l’arrêt du Conseil d’État. La proposition de loi vient vraiment clarifier et sécuriser juridiquement le paysage des EPL, en restant fidèle à la lettre de la loi de 2010 et en prenant en considération les évolutions observées en France, mais aussi en Europe, concernant ces outils au service de la décentralisation. Plus précisément, elle fixe le principe suivant : la réalisation de l’objet de l’EPL doit « concourir à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires ». En somme, il s’agit de faire preuve de souplesse, de cohérence, mais aussi d’efficacité.
Affaiblir et limiter le recours aux EPL va à l’encontre du contexte actuel, qui favorise au contraire l’appel à ces structures par les collectivités. Trois facteurs en particulier vont dans ce sens.
Premièrement, le tarissement des dotations de l’État aux collectivités territoriales, combiné à l’application de la « règle d’or » pour leurs dépenses de fonctionnement et à l’assèchement de leurs ressources budgétaires, impose souvent aux collectivités d’innover, de trouver de nouvelles modalités d’exercice de leurs compétences ou, tout du moins, de recourir davantage à celles qui semblent le mieux adaptées à cet environnement en pleine mutation. Les EPL représentent justement une de ces modalités.
Deuxièmement, les EPL s’inscrivent dans une conception moderne de l’action publique, fondée sur une logique partenariale et de projet territorial. Il s’agit bien de créer, à l’échelle d’un territoire, les synergies nécessaires entre acteurs publics ou entre acteurs publics et privés en vue de l’accomplissement d’une mission d’intérêt général. Dans ce cadre, des mutualisations peuvent être opérées, les savoir-faire peuvent être partagés et, d’une manière générale, la gestion est efficiente.
Troisièmement, les EPL peuvent vraiment, à mon sens, accompagner ce nouveau mouvement de décentralisation que beaucoup appellent de leurs vœux. La tendance à vouloir renforcer l’action publique de proximité et à ancrer territorialement les politiques publiques stimule l’essor des EPL. En 2018, leur nombre s’est accru de 4 %, et leurs activités se sont diversifiées ; je pense notamment aux domaines de la culture et du tourisme.
Enfin, il me semble que les EPL peuvent participer du développement équilibré de nos territoires, car l’un de leurs atouts est leur présence sur tous les territoires, y compris ultramarins. Autrement dit, loin d’accroître les fractures territoriales, les EPL peuvent être utiles au rééquilibrage économique, social et culturel entre les territoires. Dans le contexte actuel, ce n’est pas anodin.
Au vu de tous ces arguments, c’est sans hésitation qu’un certain nombre de mes collègues et moi-même avons choisi de cosigner la proposition de loi de M. Marseille. Ce texte est, de mon point de vue, très important, à plus forte raison au regard des enjeux actuels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. « Le Conseil d’État a encore frappé avec un manque total de nuances. » C’est en ces termes qu’Éric Landot, avocat à la Cour, a commenté le fameux arrêt rendu par le Conseil d’État le 14 novembre dernier.
Les SPL ont été créées en 2010 pour donner aux collectivités territoriales la souplesse des entreprises privées tout en garantissant un contrôle complet par les actionnaires publics. En effet, à la différence des SEM, elles ne comptent pas d’actionnaires privés à leur capital.
Cette souplesse, si rare en matière de commande publique, a été très appréciée des collectivités territoriales. De nombreuses SPL ont vu le jour depuis 2010 dans des domaines divers : aménagement de centre-ville, assainissement, déploiement du numérique…
Quinze jours après la publication de l’arrêt du Conseil d’État, d’application immédiate, le préfet des Hauts-de-Seine adressait à l’ensemble des collectivités du département le courrier suivant :
« […] S’il était établi qu’une collectivité ne pouvait être actionnaire d’une SEML ou d’une SPL dès lors qu’aucune de ses compétences ne figurait dans les statuts de la société, restait à trancher le cas des sociétés à “objet mixte”, dont les missions ne relèvent qu’en partie de la compétence de la collectivité. […]. Dans un arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d’État retient la lecture selon laquelle toutes les missions de la société doivent relever de la compétence de la collectivité. Aussi, je vous invite, lorsque votre collectivité ou votre établissement se trouve dans ce cas de figure, à engager, dans les meilleurs délais, les cessions d’actions qui s’imposent au sein des SEM et des SPL dont les missions ne correspondent pas intégralement à ses compétences […]. »
Faire évoluer l’actionnariat des SPL est plus complexe que ne le laisse apparaître ce courrier. Les SPL ne peuvent compter ni sur l’actionnariat public national ni sur l’actionnariat privé pour remplacer les actionnaires ne disposant pas d’une identité de compétence. Or une SPL ne peut exister en l’absence de deux actionnaires publics locaux. Par ailleurs, les compétences des collectivités ont été spécialisées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République. L’application de l’arrêt du Conseil d’État vient mettre fin à la coopération verticale, par exemple entre une commune et un département, sur un même territoire.
Au-delà de la potentielle difficulté à trouver un nouvel actionnaire prêt à acquérir les parts cédées, qui pourrait imaginer qu’une commune du périmètre de la métropole du Grand Paris ayant acquis sur ses fonds propres un terrain en friche devienne un actionnaire très minoritaire de la SPL qui l’aménage ? C’est l’ex-administratrice de la SPL Val de Seine Aménagement, qui porte le projet emblématique de l’île Seguin, qui vous parle !
Par conséquent, pour sécuriser l’ensemble des opérations et des contrats en cours gérés par les 169 SPL et les 333 SEM, recensées par la rapporteure publique du Conseil d’État, dont l’objet social excède le champ des compétences partagées par leurs actionnaires, il y a urgence à venir préciser l’esprit de la loi et la volonté du législateur.
Au-delà de ce texte, qui vient régler une difficulté précise – je profite de l’occasion pour remercier mon voisin, le président Hervé Marseille, de son initiative –, je ne peux qu’inviter le Gouvernement, qui s’est montré si frileux jusqu’ici, notamment lors du congrès des EPL à Rennes au mois de décembre dernier, à ouvrir un débat juridique sur la réglementation des sociétés publiques locales, outil indispensable à l’aménagement de nos territoires. La décision du Conseil d’État risque fort de faire jurisprudence pour les SPLA. Il conviendrait donc de modifier également les dispositions de l’article L. 327-2 du code de l’urbanisme dans un futur proche. La réflexion pourrait également s’engager sur la manière dont la France pourrait appliquer les règles plus souples de l’Union européenne en matière de in house, sans systématiquement sur-transposer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales
Article 1er
Le deuxième alinéa de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires. »
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d’une société publique locale s’il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l’objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d’au moins une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales actionnaire. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, aux yeux du Gouvernement, la rédaction retenue par la commission des lois du Sénat ouvre trop largement la faculté, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, de prendre des parts au capital d’entreprises locales ou d’en créer y compris en l’absence de correspondance entre les compétences desdits collectivités ou groupements et les activités de ces sociétés.
Encore une fois, le Gouvernement craint qu’une telle rédaction comporte un risque de contournement de la réglementation, en encourageant le recours à des entreprises publiques locales à objets sociaux multiples, alors même que la compétence de la collectivité ne correspondrait qu’à une part négligeable des activités de la société.
Par ailleurs, selon nous, la rédaction proposée ne fait pas clairement obstacle à ce qu’une partie de l’activité de la SPL ne relève d’aucune des compétences des collectivités territoriales ou des groupements actionnaires. En effet, la formulation du texte, précisant que la réalisation de l’objet social « concourt à l’exercice d’au moins une compétence » des collectivités et groupements actionnaires, est à nos yeux trop indirecte.
Si la compétence des collectivités territoriales ne se confond pas avec l’objet social de la société, celui-ci doit être défini de manière précise, afin que le lien avec les compétences des collectivités ou groupements actionnaires puisse être clairement établi, comme le rappelle la circulaire du 29 avril 2011 relative au régime juridique des sociétés publiques locales.
Par conséquent, cet amendement a pour objet de préciser que les collectivités et leurs groupements ne peuvent être actionnaires d’une société publique locale s’ils ne détiennent pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de cette dernière. Cette compétence doit en outre correspondre à une « part significative et régulière » de l’activité de la société.
Certes, ainsi que je l’ai souligné voilà quelques instants, la notion de « part significative », dont votre commission a déjà été saisie la semaine dernière, a fait l’objet d’un débat. Pour nous, c’est la solution la plus satisfaisante au plan juridique. Les acteurs de l’économie mixte locale et les collectivités territoriales sauront, je n’en doute pas, en faire une interprétation intelligente, en particulier dans le cadre d’un dialogue avec les représentants de l’État dans le département. D’ailleurs, ces derniers sont tenus de veiller à la bonne application de ces règles au titre du contrôle de légalité.
De plus, la formule proposée nous paraît plus souple que la fixation dans la loi d’un seuil chiffré, dont l’application ne manquerait pas de créer de nombreuses difficultés.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement. Certes, j’ai bien entendu les propos des orateurs qui se sont exprimés et je connais le résultat du vote intervenu en commission voilà quelques jours. Mmes Robert et Lavarde ont sollicité l’ouverture d’un débat juridique sur la régulation du secteur des sociétés publiques locales et des établissements publics locaux, quelle que soit la nature de leur activité. Je forme le vœu que la navette parlementaire nous permette d’aboutir à une régulation parfaitement claire. Cela évitera d’éventuels soupçons ou accusations de frilosité ; pour notre part, il s’agit plutôt de précaution. J’ai la conviction que nos échanges au cours de la navette nous permettront d’avancer et de trouver une position de compromis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. L’article 1er a été récrit par la commission des lois, afin d’établir un principe clair et de lever toute confusion entre objet des SPL et compétences des collectivités qui en sont actionnaires. La rédaction proposée par le Gouvernement soulève des problèmes allant bien au-delà de la seule sémantique ou de la légistique.
Le plus grave de ces problèmes tient au critère de « part significative et régulière » de l’activité. Qu’est-ce qu’une « part » d’activité ? À partir de quand est-elle « significative » ? Comment mesurer si elle est « régulière » ? Je ne le sais pas, et c’est probablement au juge qu’il appartiendra de le déterminer, au bout de quelques années de jurisprudence. Cela risque de poser des problèmes proches de ceux que nous tentons précisément de résoudre aujourd’hui…
Derrière l’utilisation de ces critères flous se cacherait en réalité le recours au bon vouloir des préfets. Ils disposeraient d’un droit de vie ou de mort sur les projets d’EPL, pouvant brandir la menace d’un contentieux tout à fait aléatoire. L’utilisation du critère de la régularité leur permettrait même de remettre en cause l’existence d’EPL déjà constituées. C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement dans un certain nombre de départements : des entreprises publiques locales reçoivent des courriers des préfets.
L’insécurité juridique manifeste qui découlerait d’une telle rédaction porterait préjudice aux entreprises publiques locales, aux collectivités qui en sont actionnaires et, in fine, aux projets et à la population des territoires concernés.
Mes chers collègues, mettez-vous donc à la place des collectivités : comment investir plusieurs millions d’euros dans un projet lorsque de tels aléas existent ? Vous l’aurez donc compris, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai le sentiment qu’il faudrait mieux expliquer la réalité des choses à votre administration centrale.
J’ai créé une société publique locale à vocation culturelle, chargée d’organiser et de programmer des spectacles, de louer des salles, etc. Puis, je lui ai confié la gestion de notre école de musique et de danse. Des communes voisines, moins importantes que la mienne, ont aussi des écoles de musique. Confrontées aux difficultés liées aux statuts des personnels, à la complexité du recours à des vacataires du secteur public et aux risques de la gestion de fait, elles souhaiteraient éventuellement pouvoir donner une délégation de service public à notre structure, dont elles constatent qu’elle fonctionne bien. Or, avec votre texte, nous serons dans l’incertitude ! La notion de « part significative et régulière » de l’activité, trop floue, sera source de contentieux, comme l’a dit M. le rapporteur.
Si ce que vous souhaitez, c’est que les préfets se mettent en ordre de bataille contre les élus locaux, dites-le ! Le Président de la République dit avoir besoin des maires : ils seront de moins en moins disponibles, car ils seront bientôt dans la rue, même s’ils ne porteront peut-être pas de gilets jaunes…
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt ! Si vous ne voulez pas des SPL, c’est parce que c’est une entorse aux lois de la concurrence. Votre position est logique : vous êtes libéral ! Pour vous, c’est le marché qui doit tout régler. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) C’est la vérité !
Vous avez recours à des arguties juridiques parce que vous ne pouvez pas le dire aussi crument, mais moi, je le peux. Vous allez sans doute dire que nous ne comprenons rien… Or nous comprenons très bien où se situent les enjeux ! Il suffit de voir l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’État sur la définition de l’intérêt général ou le service public depuis une dizaine ou une quinzaine d’années.
Vous êtes dans votre rôle en défendant votre politique, mais ne vous cachez pas derrière votre petit doigt !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Ne faisons pas de la politique là où il n’y en a pas.
M. Pierre-Yves Collombat. Ah bon ? (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Arnaud de Belenet. La formule légistique trouvée par notre rapporteur est plutôt astucieuse, mais, en l’état, le texte de la commission ne fait pas explicitement obstacle à ce qu’une partie de l’activité de la SPL ne relève d’aucune des compétences des collectivités ou des groupements actionnaires. C’est ce point technique qu’il s’agit de traiter en l’occurrence. Ne faisons donc pas de politique là où il n’y en a pas !
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Si j’ai souhaité présenter un texte court, c’est parce qu’il fallait traiter d’urgence un problème de fonctionnement des EPL, quel que soit leur champ d’activité. Multiplier les articles ou les amendements, c’était prendre le risque d’ouvrir une discussion sans être sûr de parvenir à un accord. Or il fallait apporter une réponse rapide à une situation donnée.
Si le Gouvernement a des intentions, qu’il entame une concertation avec les associations d’élus et la fédération des EPL ! Les EPL ne viennent pas de nulle part, ce ne sont pas des structures hors sol : elles sont le prolongement de l’action des collectivités territoriales et permettent à des élus d’engager ensemble une démarche en vue de gérer l’eau, les déchets, des parkings, de construire, d’aménager…
Par conséquent, la moindre des choses, en particulier dans le contexte actuel, est bien d’entamer une discussion avec l’ensemble des associations d’élus et des acteurs de la vie des EPL avant, le cas échéant, de décider certaines évolutions. Dans cette perspective, je trouve ces amendements inopportuns. Je comprends que l’on veuille engager un débat ; encore faut-il qu’il puisse être mené avec l’ensemble des acteurs concernés.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je souscris aux propos de M. Marseille. Aujourd’hui, il y a urgence à légiférer, comme en témoigne la lettre du préfet des Hauts-de-Seine que j’ai citée.
Il y a un vide juridique. Nous pouvons engager une réflexion pour l’après, mais, dans l’immédiat, nous sommes confrontés à un problème à traiter d’urgence. Les amendements dont nous sommes saisis portent sur des points à examiner dans le cadre d’une concertation nécessairement plus large, une fois que la présente proposition de loi aura été adoptée.
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que la navette parlementaire ne sera pas trop longue, car les responsables d’un grand nombre d’opérations ont une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je souhaite rassurer ceux de nos collègues qui verraient une quelconque ambiguïté dans la rédaction de la commission des lois.
La rédaction retenue par la commission laisse subsister dans le code général des collectivités territoriales le fait que les entreprises publiques locales sont créées dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi. Cette mention fait donc obstacle à ce que des collectivités ou groupements créent des entreprises publiques locales dont la réalisation de l’objet concourrait à l’exercice de compétences qu’ils n’ont pas.
Le problème ne semble pas exister à l’heure actuelle. Il ne pourrait résulter de la mise en œuvre de la rédaction que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les trois éléments de réponse que je souhaite apporter vaudront aussi pour la défense des amendements nos 8 et 9, qui tendent à décliner le dispositif proposé pour les autres types d’établissements visés par la proposition de loi.
Premièrement, monsieur Bigot, la culture étant définie par la loi comme une compétence partagée, vos craintes ne sont pas fondées. Toutes les collectivités territoriales peuvent démontrer l’exercice d’une compétence directe en la matière.
M. Jacques Bigot. Et les établissements publics de coopération intercommunale ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les EPCI le peuvent aussi, puisque c’est une compétence partagée de leurs communes membres.
Deuxièmement, la concertation que M. Marseille et Mme Lavarde appellent de leurs vœux sera évidemment ouverte. Vous connaissez les intentions du Gouvernement via les amendements que nous avions déposés en commission et ceux que je défends aujourd’hui, sans me faire trop d’illusions sur leur sort… Nous ferons évidemment en sorte que la navette soit la plus courte possible, afin de pouvoir répondre à l’urgence que vous avez soulignée.
Troisièmement, monsieur le rapporteur, ce que vous dites est juste s’agissant de la constitution de la SPL, mais nos craintes concernent plutôt l’hypothèse d’une diversification ultérieure de son activité.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Après le mot :
concourt
insérer le mot :
directement
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Il s’agit presque d’un amendement de repli par rapport au précédent. À défaut d’accord entre le Gouvernement et la commission sur une rédaction, l’ajout de l’adverbe « directement » pourrait, me semble-t-il, satisfaire partiellement le premier sans dénaturer la formulation retenue par la seconde. Il s’agit de poser explicitement l’exigence d’un lien direct entre l’une des compétences de la collectivité et l’objet de la société. Cela nous paraît de bon sens. Mes autres amendements ont le même objet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que la réalisation de l’objet social de la SPL doit concourir « directement » à l’exercice d’au moins une compétence des collectivités actionnaires. Je salue les efforts de notre collègue pour essayer de trouver une rédaction de nature à mettre d’accord la commission des lois et le Gouvernement.
Cela étant, j’ai indiqué en commission des lois que j’avais une allergie aux adverbes et que le diable pouvait s’y cacher. Même avec un tel adverbe, le juge administratif pourrait trouver matière à interprétation fragilisant le dispositif. Mieux vaut garder une rédaction limpide, celle que la commission propose !
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement aurait préféré l’adoption de son propre amendement, mais la précision apportée me semble utile. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Après le 2° de l’article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° La réalisation de l’objet de ces sociétés concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires. »
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « ; lorsque l’objet de sociétés d’économie mixte locales inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires » sont supprimés ;
2° Après cette même première phrase, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d’une société d’économie mixte locale s’il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l’objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d’au moins une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales actionnaire. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement relève de la même logique que le précédent, mais il concerne les sociétés d’économie mixte locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
concourt
insérer le mot :
directement
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3 (nouveau)
Le troisième alinéa de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme est complété par une phrase rédigée : « La réalisation de l’objet de ces sociétés concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires. »
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le troisième alinéa de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Aucune collectivité territoriale ou aucun groupement de collectivités territoriales ne peut participer au capital d’une société publique locale d’aménagement ou d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national s’il ne détient pas au moins une compétence sur laquelle porte l’objet social de la société et à laquelle celle-ci consacre une part significative et régulière de son activité. Lorsque l’objet de la société inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. Chaque activité doit relever de la compétence d’au moins un actionnaire. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il s’agit toujours de la même logique, mais appliquée aux SPLA et aux SPLA d’intérêt national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après le mot :
concourt
insérer le mot :
directement
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. L’amendement a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4 (nouveau)
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les dispositions de la présente loi s’appliquent aux sociétés mentionnées aux articles L. 1521-1 et L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales et à l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme constituées antérieurement à sa date de publication.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’article 4 de la proposition de loi, par la commission, précise que les dispositions du texte s’appliquent aux sociétés constituées antérieurement à sa publication. Nous estimons que l’utilité de cette mesure n’est pas démontrée, dès lors que les dispositions de la loi ont vocation à s’appliquer à toutes les sociétés à compter de sa publication.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel contrôle de manière stricte les validations législatives, sur le fondement du respect des cinq conditions suivantes : la validation doit être justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ; elle doit respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée : elle doit respecter le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; la portée de la validation doit être strictement définie.
En l’espèce, il n’est pas démontré, selon nous, que ces cinq conditions sont réunies, ce qui pourrait s’avérer source d’insécurité juridique. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les sociétés sont des entités juridiques, mais elles sont avant tout des contrats. À l’exception des dispositions d’ordre public, le droit qui leur est applicable est donc celui qui était en vigueur au moment de leur conclusion.
En conséquence, si nous voulons que les dispositions que nous examinons s’appliquent aux EPL existantes, il faut explicitement le prévoir en les validant. C’est précisément la raison d’être de l’article 4, qui est donc parfaitement nécessaire.
Les entreprises publiques locales existantes représentent près de 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, emploient 65 000 personnes et fournissent un logement à 1,4 million de nos compatriotes. Garantir la viabilité de ces entreprises constitue donc pour nous un impérieux motif d’intérêt général, pour reprendre les critères du Conseil constitutionnel. Par conséquent, les griefs d’inconstitutionnalités avancés au travers de l’objet de l’amendement ne nous semblent pas fondés. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le seul fait de proposer la suppression de cet article prouve que vous et votre administration, monsieur le secrétaire d’État, n’avez pas la volonté de défendre les EPL et les SEM en difficulté.
Il s’agit clairement ici d’un problème d’interprétation d’un texte. Le Conseil d’État a laissé subsister, au travers de l’un de ses considérants, un doute, qui peut être levé par la loi. Cette proposition de loi peut, après tout, être un texte interprétatif de la volonté du législateur lorsqu’il a créé les SEM et les EPL.
Le seul mérite de votre amendement est de mettre en évidence la position de votre administration.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au titre VI du livre VIII de la première partie de la partie législative du code général des collectivités territoriales, les mentions à l’article L. 1522-1 du même code font référence à cet article dans sa rédaction issue de la présente loi.
II. – À l’article 8-1 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la mention à l’article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales fait référence à cet article dans sa rédaction issue de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement a pour objet de faire bénéficier les entreprises publiques locales d’outre-mer des clarifications opérées par la présente proposition de loi. Seules la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie semblent nécessiter des dispositions spécifiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne gardant aucune rancune à l’égard du rapporteur pour les avis défavorables qu’il a émis sur ses amendements, il donne un avis favorable ! En effet, nous souhaitons que l’application de ces dispositions soit élargie aux territoires ultramarins. La rédaction de l’amendement mérite peut-être quelques modifications, mais la navette permettra d’y procéder.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Au terme de ce débat, je voudrais vous adresser une mise en garde, monsieur le secrétaire d’État.
Vous avez expliqué que l’on vote d’abord et que l’on discute ensuite… La concertation, à vous entendre, c’est pour plus tard. Je ne préjuge pas de ce qu’il se passera à l’Assemblée nationale, mais de nombreux fronts sont déjà ouverts avec les élus locaux. Grâce à l’implication dont le Président de la République a fait preuve pour essayer de convaincre et de faire partager ses préoccupations, les choses prennent une autre allure, les plaies cicatrisent peut-être un peu, mais, si l’on continue ainsi, je peux vous affirmer que les choses ne se passeront pas bien ! Certains amendements, que vous n’avez pas présentés et qui n’ont donc pas été examinés, semblaient même carrément mettre en doute la probité des élus…
M. Jacques Bigot et Mme Agnès Canayer. Tout à fait !
M. Hervé Marseille. Cela ne va pas dans le bon sens.
Au Sénat, assemblée qui rassemble nombre d’élus locaux, d’acteurs de la vie locale et de praticiens des EPL, nous sommes conscients de l’intérêt de ces structures. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que nous pourrons poursuivre le dialogue, car rien n’est parfait et il faudra sans doute revenir sur un certain nombre des dispositions adoptées, mais je mets en garde le Gouvernement contre la tentation de vouloir passer en force. Pour les raisons que MM. Jacques Bigot et Pierre-Yves Collombat ont exposées, cela porterait un mauvais coup à la confiance que les élus peuvent avoir envers le Gouvernement s’agissant du fonctionnement des territoires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je remercie de nouveau de leur initiative M. Marseille et les cosignataires de cette proposition de loi.
Le Gouvernement considère qu’il s’agit d’un texte utile, même s’il souhaiterait apporter quelques modifications à sa rédaction ; cela fera l’objet de discussions.
Je m’engage, au nom de Jacqueline Gourault, à ce que les acteurs du monde des SPL et des EPL soient reçus avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Nous aurions aimé que cela se fasse plus tôt, mais les contraintes de calendrier des uns et des autres ne l’ont pas permis.
Par ailleurs, jamais vous ne verrez Mme Gourault ou quelque autre membre du Gouvernement défendre des amendements ou des positions mettant en cause de manière démagogique la probité des élus ! Nous sommes nous-mêmes des élus et, surtout, nous faisons confiance aux élus locaux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Drapeaux des associations d’anciens combattants
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi relative à l’interdiction de la vente des drapeaux des associations d’anciens combattants et à leur protection, présentée par Mme Françoise Férat et plusieurs de ses collègues (proposition n° 331, texte de la commission n° 389, rapport n° 388).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
Mme Françoise Férat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous avons terminé l’année 2018 par des célébrations en l’honneur des soldats tombés pour la France et des millions de morts causés par la Première Guerre mondiale.
Le Président de la République a effectué une itinérance mémorielle dans les départements de l’Est et du Nord, qui ont payé un lourd tribut au cours de la Grande Guerre. Des honneurs ont été rendus aux combattants, tant aux quatre coins de notre pays que chez nos amis étrangers ; de nombreux pays avaient envoyé leurs enfants combattre aux côtés des Français lors de la guerre de 14-18.
Mon département, la Marne, situé au centre des conflits armés des deux guerres mondiales, était, bien entendu, au cœur des commémorations depuis quatre ans déjà. Les pouvoirs publics, les établissements scolaires, les collectivités locales, les associations culturelles ou celles des anciens combattants se sont mobilisés pour le centenaire de la fin de la Grande Guerre, au travers de cérémonies commémoratives, de spectacles, de lectures, de débats ou de chorales.
Les médias français se sont mobilisés pour rendre compte de l’indispensable travail mémoriel. Ceux du monde entier se sont massivement déplacés pour assister aux vibrantes cérémonies du 11 novembre 2018.
Hymnes nationaux scandés par les enfants, reconstitutions historiques en tenues militaires des différents pays, défilés patriotiques guidés par la fanfare… et les porte-drapeaux ! Une cérémonie commémorative n’aurait pas la même portée symbolique sans les trois couleurs hissées aux bras des anciens combattants et des bénévoles animés par le devoir de mémoire.
Chacun d’entre nous salue ces hommes, ces femmes qui arpentent les rues de nos villages et de nos villes, souvent plusieurs fois dans la journée, sous la pluie, le vent, la neige ou la canicule pour un périple historique, solennel, en hommage aux morts pour la France.
Chaque drapeau tricolore siglé de l’acronyme d’une association reflète une part de l’histoire de France. Chaque pavillon bleu-blanc-rouge évoque fièrement les épreuves dures et intenses traversées par notre pays : 14-18, 39-45, Algérie, Indochine, Afghanistan, Mali… Je ne pourrai malheureusement toutes les citer, cette liste n’ayant, hélas, pas de fin. Ces drapeaux colorent nos défilés et font la fierté des enfants qui assistent aux cérémonies. Les porte-drapeaux et leurs étendards manifestent fièrement l’hommage rendu par la Nation aux femmes et aux hommes tombés au combat.
La proposition de loi que je vous soumets évoque aussi la fierté, celle de faire partie de la même patrie, de se souvenir de ces valeureux jeunes enrôlés dans la défense de la liberté de leur pays et des valeurs auxquelles ils croyaient. « Le monde combattant a des droits sur nous », déclarait Georges Clemenceau, président du Conseil, le 20 novembre 1917 devant la Chambre des députés ; ce texte a vocation à réaffirmer ces droits et à poursuivre le devoir de mémoire.
En effet, les porte-drapeaux et les responsables des associations vieillissant, les sections locales disparaissent progressivement. La plupart des drapeaux trouvent refuge dans une autre association, entre les mains d’un autre bénévole perpétuant la mémoire au pied du monument aux morts et des stèles commémoratives, mais certains d’entre eux se retrouvent malheureusement dans des brocantes ou en vente sur des sites en ligne.
L’alerte m’a été donnée par des anciens combattants, lors d’assemblées générales de sections locales ; certains d’entre vous ont fait le même constat dans leur département, et me l’ont rapporté. Les organismes représentatifs des anciens combattants et du souvenir m’ont relaté des faits similaires dans toute la France ; ils se trouvent démunis face à ces situations.
Un drapeau tricolore est un objet commun que l’on peut acheter très simplement dans des magasins spécialisés ou sur internet ; tant mieux pour le patriotisme ! En revanche, un drapeau d’une association d’anciens combattants n’est pas un bien quelconque ; il est porteur de symboles, de valeurs, de respect pour nos aînés et l’histoire de France, ainsi que d’une forte empreinte historique et, bien souvent, sentimentale.
Je remercie les plus de cinquante cosignataires du texte, siégeant dans différents groupes politiques, d’avoir contribué à l’émergence de cette discussion aujourd’hui. Leur large soutien va, sans conteste, droit au cœur des bénévoles et des porte-drapeaux. Des courriers de remerciement m’ont ainsi été adressés dès l’enregistrement de la proposition de loi à la présidence, en février 2018. Cela montre aux soldats et aux victimes que nous ne les oublions pas.
J’ai voulu simplement retranscrire, au travers de ce texte, notre volonté de protéger les drapeaux des associations d’anciens combattants, qui sont une part de notre patrimoine commun.
La commission des affaires sociales, dont je salue le travail, notamment celui de la rapporteure, Élisabeth Doineau, a pris mes intentions en compte et consulté largement, au travers de ses auditions, les acteurs de la mémoire et du souvenir.
Nous avons reformulé une partie du texte pour lever les doutes juridiques et garantir dans le temps la force de cette protection. Les membres de la commission présidée par Alain Milon ont entendu les arguments de la rapporteure et ont adopté, à l’unanimité, les modifications que nous nous étions attelées à parfaire conjointement, dans l’intérêt de la sauvegarde des emblèmes mémoriels.
Chers collègues, il vous est proposé de considérer que le drapeau est un bien collectif, qui doit demeurer visible du grand public. Il ne doit pas être oublié dans un grenier ; il ne doit pas être mis aux enchères sur les sites de vente en ligne ; il ne doit pas être un vulgaire souvenir. Il est dans la mémoire collective ; il est notre patrimoine national !
Ainsi, il est proposé d’inscrire dans le droit qu’un drapeau portant les signes distinctifs d’une association d’anciens combattants est présumé, sauf preuve du contraire, appartenir à cette association. La prescription acquisitive ne pourrait ainsi plus être évoquée par la personne qui, ayant acquis d’une manière ou d’une autre un drapeau identifié comme appartenant à une association d’anciens combattants, revendiquerait en être le propriétaire légitime.
Les associations pourraient par ailleurs obtenir gratuitement la restitution d’un drapeau leur appartenant qui aurait été vendu à l’occasion d’une brocante ou sur internet.
La solution proposée préserve par ailleurs la capacité qu’ont les associations d’anciens combattants de disposer librement de leurs biens.
Enfin, en cas de dissolution d’une association d’anciens combattants, à moins que ses statuts ou son assemblée générale ne prévoient autre chose, il semble pertinent que ses biens – non seulement ses drapeaux, mais aussi, par exemple, ses archives – soient transférés à la commune de domiciliation. Celle-ci pourra les confier à des établissements scolaires, mais également à des musées ou à des fondations dont l’objet est la transmission de la mémoire, ou à toute autre structure qu’elle jugerait apte à perpétuer le travail mémoriel.
Pour information, sachez que, lors de l’année scolaire 2017-2018, plus de 300 projets, portés par autant d’établissements scolaires, ont reçu le label « Centenaire » de la part de la mission du Centenaire ; cela témoigne de l’implication des jeunes et de leurs enseignants pour faire vivre le souvenir de la Grande Guerre. Le devoir de mémoire doit notamment passer par les jeunes générations. Il faut que ces drapeaux soient des outils pédagogiques pour l’apprentissage de la citoyenneté.
Comme cela a déjà pu être expérimenté dans des lycées ou des écoles, un accord pourra être signé avec la mairie. Ainsi, le drapeau « reprendra vie » et pourra être porté par une classe, par exemple lors des cérémonies du 11 novembre ou du 8 mai.
Le Sénat, représentant des collectivités locales, fait évidemment confiance aux communes pour organiser la transmission du souvenir au travers des drapeaux. La rédaction que je vous propose accorde une pleine latitude d’action aux élus.
Madame la secrétaire d’État, la proposition de loi que je présente aujourd’hui repose sur des faits constatés par des anciens combattants, dont certains m’ont demandé comment agir, comment lutter contre cette dilapidation patrimoniale. Les organismes représentatifs que j’ai sollicités se trouvaient également démunis face à ce vide juridique.
Il est heureux qu’un groupe de travail soit réuni par le ministère pour traiter des questions relatives aux objets militaires et de guerre dans leur ensemble. Des constats de revente ou de tentative de revente de plaques funéraires de combattants se sont fait jour au cours des dernières semaines. Je suis ravie que ma proposition de loi, en gestation depuis 2017, inspire au-delà des travées du Sénat…
Il reste à faire, madame la secrétaire d’État ; commençons par la protection des drapeaux. Comment pourrions-nous évoquer la mémoire de nos grands-pères, tout en sachant que le drapeau qu’ils ont si fièrement porté se retrouve en vente sur internet ? Ces drapeaux sont les témoins du passé ; ils nous permettent de mesurer le prix de la liberté. Des hommes ont été tués, mutilés, blessés, choqués à vie en défendant notre liberté ou celle d’autres peuples. Mes chers collègues, rendons hommage à nos anciens ! Défendons leurs drapeaux ! Adoptons ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi déposée par notre collègue Françoise Férat et visant à protéger les drapeaux des associations d’anciens combattants. Elle a été cosignée par un grand nombre de collègues de différents groupes, signe du consensus qui règne au Sénat sur la question de la mémoire, s’agissant en particulier de la mémoire combattante.
Alors que la première génération du feu, celle de la Première Guerre mondiale, a disparu, et que s’éteignent progressivement les anciens combattants de la deuxième génération, et même ceux de la troisième, qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale, en Indochine ou en Afrique du Nord, la question de la transmission de la mémoire aux jeunes générations apparaît plus que jamais d’actualité.
Chacun ici le sait pour le vivre sur son territoire : les associations d’anciens combattants jouent un rôle essentiel dans la politique mémorielle en assurant régulièrement les commémorations patriotiques qui rythment la vie de nos communes.
Compte tenu de l’âge de leurs membres, ces associations ont malheureusement tendance à disparaître. Il arrive donc que leurs drapeaux soient oubliés, délaissés dans une cave ou un grenier. Il arrive également qu’ils soient mis en vente, par exemple par les héritiers d’un ancien combattant, d’un porte-drapeau, que ce soit sur internet ou lors de vide-greniers ou de brocantes, ce qui peut évidemment choquer.
Le drapeau tricolore, que l’article 2 de la Constitution érige en emblème national, fait, depuis une date relativement récente, l’objet d’une protection juridique. L’outrage au drapeau constitue ainsi, selon les circonstances dans lesquelles il est commis, une contravention ou un délit, dont la punition peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Toutefois, cette protection concerne le symbole que le drapeau représente et non l’objet lui-même, qui est, du point de vue du droit, un bien matériel privé.
Malgré leur dimension patriotique et symbolique, les drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d’anciens combattants ne font pas exception. Au demeurant, ils sont librement acquis dans le commerce par ces associations.
Par ailleurs, les acheteurs de ces drapeaux ne sont pas nécessairement mal intentionnés. Il s’agit souvent de collectionneurs passionnés d’histoire qui entendent traiter ces objets avec respect.
Pour autant, aux yeux de certains de nos compatriotes, assimiler les drapeaux d’associations d’anciens combattants à des antiquités ordinaires conduit à nier leur dimension symbolique. Alors que le souvenir des grands conflits du passé tend à s’estomper, le commerce de ces drapeaux est légitimement mal vécu par les anciens combattants, qui y voient un manque de considération de la société pour les services qu’ils ont rendus à la Nation et qui craignent que le souvenir qu’ils entretiennent au moyen de ces drapeaux ne s’efface.
Devant ce constat, l’auteur de la proposition de loi a souhaité garantir une protection des drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d’anciens combattants. Cet objectif est partagé par la commission des affaires sociales, qui a toutefois, sur ma proposition, amendé le texte initial afin de lever des difficultés juridiques qu’il posait, notamment pour écarter tout risque d’atteinte au droit constitutionnel de la propriété privée.
Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, la proposition de loi aménage le régime juridique de la prescription acquisitive, qui permet à un particulier de devenir légalement propriétaire d’un bien se trouvant en sa possession depuis un certain temps. Cette prescription ne serait ainsi plus applicable aux drapeaux appartenant à des associations d’anciens combattants, qui seraient présumés être la propriété de l’association dont ils portent les insignes, quand bien même ils auraient passé plusieurs années dans un grenier.
En outre, une association pourrait obtenir gratuitement la restitution d’un drapeau lui appartenant qui aurait été indûment vendu sur un marché, sans avoir à rembourser l’acquéreur.
Ces exceptions au droit commun sont apparues justifiées à la commission des affaires sociales, eu égard au caractère symbolique et patriotique des drapeaux en question et à la nécessité d’éviter que la disparition de nombreuses associations n’entraîne leur dispersion.
Cette mesure devra s’accompagner d’une réflexion approfondie sur la perpétuation de la mémoire combattante, et je sais, madame la secrétaire d’État, que vous avez pris l’initiative de former un groupe de travail sur cette thématique.
Voilà un peu moins d’un an, le Sénat examinait une proposition de loi relative à l’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964. Cette proposition de loi a été, pour le Gouvernement, l’occasion d’annoncer sur ce point précis une avancée depuis longtemps attendue par le monde combattant. Je forme donc le vœu qu’une fois encore l’initiative du Sénat joue un rôle d’aiguillon pour l’action gouvernementale.
La commission des affaires sociales ayant adopté cette proposition de loi à l’unanimité, j’ose espérer qu’un même consensus émergera dans l’hémicycle cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, bleu, blanc, rouge : ces trois couleurs nous parlent de notre histoire ; elles nous disent une part de notre héritage.
Ces trois couleurs, nous y sommes tous, j’en suis persuadée, profondément attachés. Au fronton de nos mairies, de nos bâtiments officiels, au balcon de certains particuliers, dans la liesse populaire comme dans les heures de drame, ce drapeau est notre symbole de ralliement.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, « le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie » : c’est ce que disait en 1848 Alphonse de Lamartine, le grand poète national et républicain. Cela est toujours valable aujourd’hui.
Sous ce drapeau, des femmes et des hommes ont porté l’uniforme, ont affronté le feu et sont morts pour la France. Ils l’ont fait en 1914, en 1940, en Indochine, en Algérie, dans nos opérations extérieures. Nos soldats le font encore avec dévouement et courage au Levant, au Sahel et dans d’autres endroits du monde.
En cette occasion, je veux saluer la mémoire du médecin-capitaine Marc Laycuras, mort pour la France ce mardi au cours de l’opération Barkhane.
Les drapeaux d’associations combattantes et patriotiques sont des symboles importants. Nous y sommes tous attachés ; nous sommes tous des défenseurs actifs de la mémoire de toutes les générations du feu.
C’est cet attachement qui nous réunit aujourd’hui. C’est l’estime et l’admiration que nous portons au monde combattant, aux femmes et aux hommes qui ont servi et qui servent notre pays, qui nous rassemblent.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie du fond du cœur de votre intérêt pour les questions liées au monde combattant et à ses associations. Je loue votre souci de préservation de la mémoire et de mise en valeur des drapeaux associatifs.
Ces femmes et ces hommes, nous les rencontrons dans nos territoires, nous participons à leurs réunions, nous partageons avec eux des moments d’unité lors des commémorations et des journées nationales. Les porte-drapeaux y occupent une place singulière. Au sens propre, ils portent la Nation. Je les en remercie chaque fois que je les rencontre.
Ils sont de toutes les générations. En novembre dernier, dans les Ardennes, lors des commémorations du centenaire de l’armistice de 1918, j’ai rencontré un jeune écolier qui tenait son rang parmi les porte-drapeaux. J’ai eu le plaisir de lui remettre symboliquement, au nom du ministère des armées, son drapeau tricolore et, tout simplement, de le remercier. C’est un exemple que je voulais mettre en valeur, car je crois qu’il faut être optimiste et convaincu que la transmission et la perpétuation de la mémoire combattante sont déjà sur de bons rails.
Oui, le monde combattant évolue et se transforme. Oui, le nombre de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG, diminue. Cette baisse démographique est naturelle. Ainsi, la disparition des deuxième et troisième générations du feu d’ici à quelques années aura pour conséquence la disparition d’associations d’anciens combattants. Nous nous y préparons.
Cette proposition de loi pose de bonnes questions, et c’est pour cette raison que j’ai étudié attentivement son dispositif avec mes services.
Pour autant, disons-le de façon simple et franche, certaines réponses proposées me paraissent superfétatoires, de nombreuses problématiques abordées étant d’ores et déjà traitées par des textes et des règlements en vigueur. Souvent, le droit comme la pratique actuelle permettent de répondre à ces situations.
À titre d’exemple, le cas envisagé au premier alinéa de la rédaction proposée pour l’article L. 351-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, qui vise les biens des associations, et pas seulement leurs drapeaux, ne devrait pas se produire. En effet, en l’absence de précision sur la dévolution des biens dans les statuts de l’association, l’assemblée générale décidant la dissolution doit statuer sur ce point. Si tel n’est pas le cas, le décret du 16 août 1901 pris pour l’exécution de la loi du 1er juillet 1901 prévoit la nomination d’un curateur chargé de convoquer ladite assemblée générale. Si cela s’avère impossible, parce que l’association ne compte plus aucun membre, la loi dispose que les biens sont remis à la commune de résidence de l’association.
Aujourd’hui, si un drapeau, propriété d’une association, est trouvé entre les mains d’une autre personne, la loi dispose que l’association peut légitimement revendiquer le drapeau dans un délai de trois ans. Je note que le paragraphe III de la rédaction proposée pour l’article L. 351-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre prévoit plusieurs dérogations inédites au code civil. En outre, certaines dispositions entraîneraient, pour les possesseurs d’un tel drapeau l’ayant acquis légalement et de bonne foi, un préjudice qui ne semble justifié par aucun motif d’intérêt général. La frontière est mince avec la privation pure et simple du droit de propriété sans indemnité, contraire à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ainsi, ce paragraphe III apparaît, dans son ensemble, contraire à la Constitution.
Les associations que j’ai réunies au sein d’un groupe de travail se penchent actuellement sur la question du patrimoine des associations. Nous les avons consultées cet après-midi encore ; peut-être ne rencontrons-nous pas les mêmes personnes que vous, mais les représentants nationaux des grandes associations patriotiques nous ont confirmé qu’ils ne souhaitaient pas ce dispositif, le jugeant inutile et contraignant.
En effet, certaines associations ont déjà mis en place des dispositifs internes, qu’elles estiment efficaces et suffisants. Ainsi, le retour des drapeaux des sections à l’association nationale est une pratique courante. Par ailleurs, je remarque que nombre de communes et d’associations confient déjà des drapeaux associatifs à des établissements scolaires. Je citerai tout particulièrement, à cet égard, le Souvenir français, qui fait un travail formidable auprès des écoles.
Enfin, je signale que ces drapeaux associatifs ne sont pas des biens publics, contrairement aux drapeaux des unités combattantes. Il s’agit seulement de biens associatifs, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu’ils n’ont pas de valeur, mais il n’est pas du rôle de l’ONAC-VG d’en tenir un inventaire.
Je le répète, de nombreuses communes conservent déjà ces drapeaux. Elles le font volontairement, avec engagement et patriotisme. Je crois que nous pouvons ici les saluer. Toutefois, nous le savons, de petites communes n’auront parfois ni la capacité ni la volonté d’entretenir les drapeaux qui pourraient leur être confiés. Nous devons y être attentifs, afin de pouvoir mener des actions préventives auprès des associations pour qu’elles remettent leurs drapeaux soit à des fédérations nationales, soit à d’autres associations bien vivantes, comme le Souvenir français.
Parce que la question de l’avenir et de la pérennité du monde combattant est majeure, le groupe de travail que j’évoquais à l’instant est complètement mobilisé sur cette question. Nous y travaillons en parfaite concertation avec les associations, à leur demande d’ailleurs, car elles sont bien conscientes que leur avenir pourrait être difficile. Le champ du questionnement excède largement le seul problème du drapeau : il inclut aussi les archives, les biens immobiliers, les participations financières. Les conclusions du groupe de travail me seront rendues avant l’été. Je les partagerai bien sûr avec vous, souhaitant travailler en collaboration avec les assemblées, qui manifestent toujours un grand intérêt pour le monde combattant.
En conclusion, l’intention des auteurs de cette proposition de loi est tout à fait louable. Je la comprends parfaitement. Madame Férat, je vous remercie d’avoir élaboré ce texte, après avoir été alertée par certaines personnalités du monde combattant, mais, je le répète, il est déjà satisfait par le droit en vigueur.
Pour cette raison, je ne puis donner un avis favorable à cette proposition de loi au nom du Gouvernement, mais je m’en remets à la sagesse du Sénat. Je vous remercie très sincèrement, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, de votre attachement au monde combattant et à la préservation active de la mémoire de notre pays. Cette mémoire doit rester bien vivante, et je sais votre souci de sa transmission aux jeunes générations. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, faut-il rappeler ici, au Sénat, combien les associations d’anciens combattants sont un vecteur essentiel de la transmission de la mémoire collective ? Nous sommes nombreux à les côtoyer régulièrement sur le terrain, en tant qu’élus locaux. Nous connaissons la qualité et la vitalité de leur engagement pour relayer cette mémoire combattante qui nous est si chère.
Que ce soit lors des commémorations qui jalonnent le calendrier national ou lors de leurs assemblées générales, les associations d’anciens combattants honorent toujours, par leur présence encore active, nombre de villages et de villes de France.
Le jour viendra où le dernier combattant de la Seconde Guerre mondiale, puis celui de la troisième génération du feu, s’éteindront. Le dernier Poilu nous a quittés en 2008. Selon la dernière prospective sur l’évolution du nombre de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, les anciens combattants auront perdu plus du tiers de leur effectif entre 2013 et 2023. Dans ces conditions, on le sait, nous assistons à l’extinction progressive de la majorité des associations d’anciens combattants qui s’étaient constituées au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui, au travers de cette proposition de loi, il est avant tout question de la seule protection des drapeaux, la dissolution ou la fusion d’une association affectant parfois le sort des étendards jusqu’alors arborés fièrement par les porte-drapeaux qui avaient le privilège d’exercer cette fonction honorifique.
La dimension symbolique des drapeaux d’associations d’anciens combattants, que chacun d’entre nous mesure bien, mérite une attention toute particulière. À cet égard, je salue l’initiative de notre collègue Françoise Férat, qui s’est faite, si j’ose dire, la porte-voix de cette cause qui fait consensus.
En effet, il est choquant de retrouver les drapeaux d’associations d’anciens combattants sur les étals des brocantes et des vide-greniers ou sur les sites de vente en ligne.
Si l’on peut comprendre l’intérêt d’un public passionné pour ces drapeaux distingués, leur fin mercantile est mal vécue au regard des sacrifices que reflète symboliquement notre emblème national. La charge historique et émotionnelle que véhiculent ces drapeaux impose d’assurer une protection que le droit actuel ne permet pas suffisamment. L’auteur de la proposition de loi l’a très justement rappelé.
Le texte initial prévoyait un dispositif unique pour, d’une part, organiser la restitution des drapeaux d’associations d’anciens combattants, et, d’autre part, en interdire la vente. La commission, sous l’impulsion pertinente de Mme la rapporteure, l’a récrit afin de contourner les difficultés liées au droit de propriété garanti par la Constitution, en proposant notamment une exception à la prescription acquisitive pour les drapeaux portant les signes distinctifs d’une association.
Madame la rapporteure, le RDSE approuve, bien entendu, le texte issu des travaux de la commission, qui respecte l’intention initiale des auteurs de la proposition de loi, à savoir la protection des drapeaux, ainsi que leur restitution aux associations, aux communes ou aux écoles.
Pour ma part, je proposerai un amendement, soutenu par mon groupe, visant à mentionner clairement les musées comme des destinataires éventuels de ces drapeaux. Ils sauront eux aussi les valoriser au profit de la mémoire nationale.
« Les souvenirs sont nos forces. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume des flambeaux », écrivait Victor Hugo en 1948. Avec modestie et toutes proportions gardées, j’ajouterai qu’il faut continuer de sortir les drapeaux, car ils ne sont pas seulement le témoignage d’un passé révolu ; ils sont aussi le rappel des valeurs de fraternité et de solidarité dont nos sociétés ont toujours grandement besoin.
Dans un contexte où le service militaire n’existe plus, où le rapport au temps a changé pour plus d’immédiateté, où d’autres mémoires, tout aussi légitimes, émergent, il n’est pas facile de perpétuer la mémoire combattante auprès des jeunes. Si elle est éternellement gravée dans le marbre des monuments aux morts ou des mémoriaux, il faut aussi s’employer à la rendre vivante, pour que les anciens combattants ne soient pas uniquement un souvenir d’hier, mais aussi le symbole de notre liberté d’aujourd’hui.
Il est par conséquent important de soutenir toutes les démarches qui apportent une pierre supplémentaire à la politique de mémoire que mènent au quotidien l’État, les collectivités locales et leurs élus, ainsi que les associations.
J’ai, à cet instant, une pensée affectueuse pour Gianni, porte-drapeau de 7 ans, à qui j’ai offert dernièrement un drapeau. Le RDSE votera avec force et conviction cette proposition de loi qui contribue à l’entretien de la mémoire combattante et qui instaure le respect de tous les drapeaux qui la représentent. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. « Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
« Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
« Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
« Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
« Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant. »
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, ces vers de Louis Aragon célèbrent la mémoire des résistants du groupe Manouchian, principale force d’opposition directe aux Allemands en région parisienne, des partisans dotés d’un courage sans faille, qui furent fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Alors que le dernier de ses membres s’est éteint en 2018, le devoir de mémoire, les 35 000 monuments aux morts et ces quelques vers restent les derniers remparts contre l’oubli des « grands anciens », ces morts pour la patrie qui ont sacrifié leur vie pour rendre la nôtre possible.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à protéger les drapeaux des associations d’anciens combattants en créant une présomption de propriété au profit de ces associations. Elle prévoit également le transfert des drapeaux, en cas de dissolution de l’association ou sur décision de son assemblée générale, à la commune compétente, chargée de relayer, auprès d’associations actives ou d’établissements scolaires, le devoir de mémoire des anciens combattants. Enfin, une association d’anciens combattants, une fédération ou la commune pourra obtenir gratuitement la restitution d’un drapeau détenu par un particulier. Nous soutenons pleinement cette initiative et saluons le travail de la sénatrice Françoise Férat.
Le réseau d’associations dont il est question s’est structuré dès l’année 1915 pour faire reconnaître les droits matériels et moraux des anciens combattants, des mutilés, des « gueules cassées », des démobilisés de la Grande Guerre.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plus de 10 000 associations d’anciens combattants étaient actives sur le sol national. Chacune d’entre elles possède ses propres symboles, son drapeau tricolore chargé d’histoire et brodé de lettres d’or. Elles regroupent les anciens combattants des deux guerres mondiales, des guerres du Golfe, d’Algérie, de Yougoslavie, d’Afghanistan, et contribuent au devoir de mémoire reliant passé et présent.
Permettre à des générations de Français de mieux comprendre l’histoire de la France, d’en mesurer les sacrifices, de s’imprégner des valeurs républicaines pour éclairer leur avenir, leurs choix, leurs engagements : tels sont les enjeux du devoir de mémoire, que Simone Veil proposait de remplacer par un devoir d’histoire, articulant souvenir et transmission.
« La patrie ne s’apprend pas par cœur, elle s’apprend par le cœur », disait Lavisse. Elle s’apprend par la résonance à travers les siècles de ces noms d’hommes et de femmes qui se sont engagés pour défendre la vie, la liberté, l’avenir de la France. Ces noms, trop souvent, tombent dans l’oubli. Qui se souvient de Jeannette Guyot ? À 20 ans, elle traversait les bois et les champs dans la nuit silencieuse, suivie d’enfants, d’hommes et de femmes, les emmenant loin de la terreur. Jeannette Guyot, parachutée en bord de Loire pour repérer les zones de largage en vue du débarquement. Jeannette Guyot, ouvrant une antenne de radio clandestine à Paris, dans un tabac, à deux pas d’un bureau de la Gestapo… Seul un article d’un journal britannique annonça sa mort, le 10 avril 2016 ! En France, il n’y eut pas un mot dans la presse, à la radio, sur les réseaux pour lui rendre hommage.
Comprendre le passé, le regarder avec lucidité pour en saluer les grandes heures, sans renier les heures sombres, ce sont les conditions indispensables pour bâtir sur l’exemple. En honorant la mémoire des héros de la Nation, la commémoration anime un lien qui libère, érige un signe de concorde entre les générations Il est bien sûr du devoir de l’État, de la puissance publique en général, de maintenir cette mémoire vive, à l’image de la flamme du souvenir toujours entretenu, veillant nuit et jour la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe.
À l’heure où les symboles de la mère patrie sont tagués, dévastés, pris d’assaut par des casseurs bêlants, où le poison rampant de l’extrémisme se répand à travers une Europe fragilisée, où le communautarisme divise la France en son cœur, il nous faut veiller à maintenir vivants les souvenirs de notre histoire commune, à replacer les symboles de la République au centre de nos villes, de nos villages, dans nos écoles et nos mairies.
Chers collègues, les drapeaux des associations d’anciens combattants sont de ces symboles que nous avons la responsabilité de protéger. Il y va à la fois de notre héritage et de notre liberté de destin, tant il est vrai, comme l’affirme René Char dans Les Feuillets d’Hypnos, que « notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord prendre un instant pour adresser, au nom de mon groupe, une pensée attristée à la famille de Marc Laycuras, médecin militaire, qui vient de perdre la vie au Mali. Nos condoléances vont également à ses frères d’armes qui poursuivent un difficile combat contre le terrorisme islamiste dans la bande sahélo-saharienne.
De même, je tiens à rendre hommage aux associations d’anciens combattants, tant pour leur travail patient auprès de ceux qui ont payé un lourd tribut à la Nation que pour leur contribution au devoir d’histoire et de mémoire.
C’est une évidence, ces associations participent à la transmission de la mémoire et des valeurs de notre pays. À l’échelle de nos territoires, elles œuvrent en faveur d’un maillage de la perpétuation du souvenir.
Je veux remercier à mon tour François Férat et Élisabeth Doineau pour leurs travaux et leur capacité d’écoute. Beaucoup d’entre nous ont été sollicités à propos des difficultés relatives à la protection des drapeaux d’associations d’anciens combattants. Rappelons que ce sont des objets mémoriels uniques. En tant que représentants des territoires, nous ne pouvons qu’y être très attachés, car ils sont porteurs d’une valeur symbolique très forte. Emblèmes de la Nation française, ils témoignent de l’engagement patriotique des territoires composant la France qui ont participé aux épreuves de la guerre et à la défense de notre pays.
Cependant, beaucoup d’associations d’anciens combattants sont dissoutes du fait de la disparition de leurs membres, qui, ne l’oublions pas, étaient autant de délégués précieux et directs de cette mémoire dont la transmission doit être assurée.
Rien ni personne n’échappant aux outrages du temps qui emporte tout, y compris ce que les hommes peuvent avoir de plus précieux, il n’est pas surprenant que des drapeaux puissent être proposés à la vente. Cela peut apparaître comme une double offense : offense à la mémoire de ceux qui les ont portés, offense à la mémoire des anciens combattants qu’ils représentent.
Pour autant, leur vente n’est nullement illégale. Plus largement, il nous faut répondre à la question du devenir des objets mémoriels et de leur marchandisation éventuelle, qui peut parfois poser d’importants problèmes éthiques.
Pour le cas particulier des drapeaux d’associations d’anciens combattants, il revient au législateur d’organiser leur conservation dans une logique de préservation et de transmission de la mémoire, sans pour autant entraver le droit de propriété et possession, ainsi que la prescription acquisitive.
Je salue donc l’initiative de notre collègue Françoise Férat, qui nous a permis d’aborder cette question. Toutefois, interdire à son propriétaire légitime de vendre un drapeau ayant appartenu à une association d’anciens combattants serait de nature à mettre en cause le droit de propriété, droit fondamental inscrit dans notre Constitution.
De fait, nous sommes satisfaits de la solution juridique proposée par notre rapporteure. La création d’une exception au principe de la prescription acquisitive pour les associations leur permettra, d’une part, de conserver la propriété des drapeaux grâce à la présomption de propriété, et, d’autre part, de se les faire restituer gratuitement, ce qui est important, car leurs moyens sont limités.
Enfin, je salue l’alinéa relatif à la « conservation » des drapeaux en cas de dissolution des associations. Leur transmission à la commune de domiciliation permettra au territoire de conserver ce qui n’est autre qu’un témoignage de sa propre histoire. Quant à la possibilité de les confier à un établissement scolaire ou à une association, c’est également une très bonne chose, un moyen de donner une deuxième vie à ces drapeaux et, ainsi, de prolonger l’œuvre de mémoire auprès des générations suivantes.
Tout le monde souscrit, me semble-t-il, au discours prononcé par Ernest Renan à la Sorbonne en 1882, dans le contexte de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace-Lorraine. On en retient généralement que « la Nation est une âme, un principe spirituel » et qu’elle se perpétue par « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, le plébiscite de tous les jours », mais on oublie trop souvent que Renan ajoutait que si cette âme, ce principe spirituel trouve sa force et sa légitimité dans le présent, il le trouve aussi dans le passé, ce passé qu’il qualifiait de « possession en commun d’un riche legs de souvenirs » alimenté par « la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis […] lui-même constitué par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »
De ce point de vue, cette proposition de loi n’est pas que technique. Elle s’inscrit, d’une certaine façon, pleinement dans cet esprit cher à Ernest Renan, qui fait l’une des singularités de notre pays. C’est une raison supplémentaire pour que nous apportions tout notre soutien à ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Françoise Férat vise à protéger le devenir des drapeaux des associations d’anciens combattants en interdisant leur vente.
Dans cette perspective, le texte adopté par la commission prévoit le transfert à la commune des drapeaux appartenant à une association d’anciens combattants en cas de dissolution de celle-ci et à défaut de dispositions statutaires ou de décision de l’assemblée générale fixant la destination de ces drapeaux. Par la suite, ces mêmes drapeaux pourront être confiés par la commune à des établissements scolaires ou à d’autres associations d’anciens combattants.
Dans le cas où un porte-drapeau décède, les drapeaux qu’il conservait devront être restitués aux associations d’anciens combattants, à leurs « ayants droit » ou à toute personne attachée au devoir de mémoire et au souvenir.
L’alinéa 5 de l’article unique crée judicieusement, me semble-t-il, une présomption de propriété pour les drapeaux portant les signes distinctifs d’une association d’anciens combattants. L’alinéa suivant permet à une association d’anciens combattants ou, à défaut, à une fédération ou à la commune dans laquelle l’association était domiciliée d’obtenir gratuitement qu’un drapeau se trouvant entre les mains d’un particulier lui soit restitué.
Il s’agit à la fois de prévoir les règles applicables en cas de disparition de la personne ou de l’association conservant des drapeaux et de prévoir des sanctions pour garantir leur application. Ce texte couvre l’ensemble des hypothèses possibles afin de protéger cette part incontournable de notre patrimoine mémoriel.
Sur le plan des sanctions, le texte initial comprenait une disposition déjà inscrite dans le droit civil actuel, qui dispose en effet que, le porte-drapeau pouvant être considéré comme dépositaire d’un bien qui n’est pas le sien, il est tenu de le restituer au propriétaire, aux termes de l’article 1915 du code civil. En cas de décès, cette obligation se reporte sur ses héritiers. Le dépositaire doit ainsi restituer le bien et, s’il ne le fait pas, il peut être poursuivi pour abus de confiance, infraction punie de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Autrement dit, le droit existant comporte déjà une mesure coercitive garantissant au mieux l’application des dispositions de ce texte.
De plus, nous sommes toutes et tous ici d’accord pour reconnaître que ces drapeaux constituent un symbole fort de l’histoire de notre pays. Aussi cette partie de notre héritage est-elle à préserver et à transmettre. C’est pourquoi je tiens à insister sur le bon sens dont témoigne cette proposition de loi qui « laisse ouverte » la possibilité de léguer ces drapeaux à d’autres associations d’anciens combattants ou à des établissements scolaires et qui encourage les communes à le faire.
Au-delà de la question du devenir des drapeaux, cette proposition de loi prend en compte la problématique de la protection de notre histoire et vise à adapter notre politique mémorielle, qui s’appuie largement sur les associations d’anciens combattants, de moins de moins nombreuses.
Les sénateurs du groupe La République En Marche voteront en faveur de l’adoption de ce texte de bon sens, qui vient soutenir l’action des communes et des associations qui œuvrent à la sauvegarde et à la transmission de notre mémoire historique. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre rapporteure, Élisabeth Doineau, qui a fourni un travail important sur ce texte avec la commission des affaires sociales, ainsi que notre collègue Françoise Férat, à l’origine de cette proposition de loi.
J’ai été moi-même interpellée à plusieurs reprises par les associations d’anciens combattants exprimant leurs inquiétudes devant la dispersion de leurs drapeaux. Après ceux de la Grande Guerre, les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, d’Afrique du Nord et d’Indochine disparaissent à leur tour. Avec eux, c’est évidemment la mémoire des terribles conflits du XXe siècle qui disparaît, ainsi que les symboles de ces guerres.
À ce titre, les ventes de drapeaux d’associations d’anciens combattants dans les brocantes ou sur internet mettent en péril notre patrimoine mémoriel. Il est donc indispensable d’en finir avec cette marchandisation et cette liquidation des emblèmes des conflits passés.
Même si nous comprenons que l’interdiction de la vente de drapeaux par leurs propriétaires pourrait induire un risque d’atteinte au droit constitutionnel de propriété, nous regrettons que cette interdiction n’ait pas été maintenue, au nom du principe de l’exception culturelle. En effet, le patrimoine mémoriel peut être considéré comme faisant partie du patrimoine culturel.
Les modifications du texte proposées par la commission permettront de limiter, malgré tout, les ventes de drapeaux d’associations d’anciens combattants, en prévoyant au bénéfice de celles-ci une exception au principe de prescription acquisitive. Ainsi, si un particulier possède un drapeau d’une association d’anciens combattants, il pourra lui être demandé à tout moment de le remettre à cette association. Désormais, dès lors qu’un drapeau portera les signes distinctifs d’une association d’anciens combattants, il sera présumé appartenir à cette association, sauf preuve du contraire. Les associations pourront récupérer gratuitement leurs drapeaux qui viendraient à être vendus indûment. C’est une mesure de sécurité indispensable dès lors que la vente des drapeaux demeure autorisée.
Afin de garantir la préservation de notre patrimoine, les drapeaux d’associations dissoutes pourront être transférés à la commune de domiciliation.
La proposition de loi relative à la protection des drapeaux des associations d’anciens combattants va donc renforcer la sauvegarde de notre mémoire. Je profite de l’examen de ce texte pour rappeler au Gouvernement, qui a diminué les crédits alloués à la politique de mémoire de 2,79 millions d’euros en 2019, soit de plus de 20 % par rapport à 2018, que la protection de notre mémoire passe également par l’arrêt des réductions de budgets. Si l’on souhaite prévenir la marchandisation des drapeaux sur les marchés, il faut aussi maintenir les subventions aux associations d’anciens combattants ! Je pense, en particulier, à l’Association républicaine des anciens combattants, l’ARAC, dont l’État a supprimé la subvention d’action sociale de 70 000 euros.
Le libéralisme économique promu par le Président de la République et le Premier ministre est contraire au respect et à la préservation du patrimoine mémoriel. Celui-ci joue pourtant un rôle essentiel pour convaincre les jeunes générations de la nécessité de l’engagement contre la guerre, pour la paix, pour l’amitié et la solidarité entre tous les peuples, seule voie pour construire l’avenir auquel aspirent toutes les femmes et tous les hommes conscients de leur fraternité. Par les temps qui courent, il n’est pas inutile de le rappeler ici…
En conclusion, pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je suis née dans un territoire, le Calvados, riche d’histoire, de moments glorieux et d’autres plus douloureux. Dans mon département, que je représente ici, le rôle des associations d’anciens combattants n’est plus à démontrer, tant il est essentiel. Elles assurent régulièrement les commémorations patriotiques qui rythment la vie de nos communes, de nos villages, et font un travail remarquable auprès des plus jeunes générations, rappelant sans cesse que la liberté dont elles jouissent aujourd’hui est due au sacrifice de beaucoup de leurs aînés.
Tout doit être entrepris pour faire vivre la mémoire combattante. Malheureusement, nos anciens combattants des deuxième et troisième générations du feu s’éteignent progressivement. De fait, les associations représentatives du monde combattant ont tendance à disparaître et, avec elles, leurs drapeaux. Oubliés au fond d’un grenier, parfois vendus par les familles d’anciens combattants, ces drapeaux doivent être mieux protégés, afin que le souvenir qu’ils entretiennent ne s’efface jamais. Rappelons d’ailleurs qu’un porte-drapeau n’est pas le propriétaire du drapeau et qu’il n’a donc pas à décider de l’avenir de cet emblème, et ses proches encore moins.
La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise est le fruit du large consensus dont le Sénat sait faire preuve sur la question de la mémoire combattante. Elle vise à garantir une protection aux drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d’anciens combattants.
Il nous faut en effet protéger ces drapeaux, à la dimension patriotique et symbolique forte ! Je me rappelle très bien, par exemple, l’émotion qui a été la mienne, en juillet 2015, lorsque le drapeau hissé à la libération de Caen, en 1944, s’est mis à flotter de nouveau au vent lors de la cérémonie commémorative. Il avait disparu depuis soixante et onze ans…
La version initiale de la proposition de loi de Mme la sénatrice Françoise Férat posait un certain nombre de difficultés juridiques, notamment parce qu’elle portait atteinte aux droits attachés à la propriété. Il convenait d’y remédier. Dans sa version issue des travaux de la commission des affaires sociales, le texte prévoit désormais le transfert à la commune des drapeaux appartenant à une association d’anciens combattants, en cas de dissolution de celle-ci et à défaut de dispositions statutaires ou de décision de l’assemblée générale organisant leur devenir. Il crée par ailleurs une présomption de propriété lorsqu’un drapeau porte les signes distinctifs d’une association d’anciens combattants. Il permet également à cette dernière, ou sinon à une fédération ou à la commune dans laquelle l’association était domiciliée, d’obtenir qu’un drapeau se trouvant entre les mains d’un particulier lui soit restitué gratuitement.
Enfin, le quatrième alinéa de l’article unique de la proposition de loi rappelle la possibilité, pour une commune qui serait devenue propriétaire d’un drapeau d’association d’anciens combattants, de le confier, par exemple, à un établissement scolaire ou à une autre association représentative du monde combattant, afin d’en assurer la conservation.
Tout cela va dans le bon sens pour la politique mémorielle de la France, sans contrevenir au principe d’indépendance du monde associatif.
Je ne peux terminer mon intervention sans remercier les représentants calvadosiens de l’Union nationale des combattants et de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie, ainsi que le directeur de l’ONAC-VG, que j’ai eu le plaisir d’auditionner dans le cadre des travaux en commission sur cette proposition de loi.
Je tiens également à évoquer, avant de conclure, les commémorations qui se tiendront en juin prochain dans le Calvados. Deux mois, presque jour pour jour, nous séparent aujourd’hui du 6 juin 2019 et de la célébration du souvenir des 150 000 soldats qui ont débarqué en Normandie il y a soixante-quinze ans. Il s’agira sans doute du dernier anniversaire célébré avec cette ampleur en présence de vétérans. Si l’organisation d’une cérémonie internationale en présence notamment de chefs d’État semblait une évidence, c’est plutôt l’incertitude et l’incompréhension qui dominent aujourd’hui localement, le lieu de cette cérémonie n’étant toujours pas connu !
Cette situation est mal vécue par les associations représentatives du monde combattant, par les élus et, plus largement, par la population calvadosienne dans son ensemble, très attachée à ces cérémonies. Il devient urgent qu’une décision soit prise, afin que les différentes parties prenantes puissent s’organiser, et ainsi rendre compte de l’importance de ce qui s’est passé, sur nos plages, pour libérer l’Europe occupée, le 6 juin 1944, et rendre hommage à ceux qui ont combattu et, pour beaucoup, sacrifié leur vie.
Le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je veux saluer l’initiative de Françoise Férat, auteur de cette proposition de loi relative à la protection des drapeaux des associations d’anciens combattants.
Madame la secrétaire d’État, vous avez souligné que des dispositions législatives existent déjà, mais nous voulons surtout mettre en exergue, au travers de ce texte, la vente de ces drapeaux sur internet, et inviter la représentation nationale et, au-delà, la société, à s’interroger sur leur signification et leur portée symbolique.
Nous formons une nation qui a gagné sa liberté au prix du sang versé. Cela explique l’émotion qui ressort lors de chaque rencontre organisée par des associations du monde combattant. En tant que membre de l’Union nationale des combattants et du Comité du souvenir du général de Gaulle, je participe régulièrement à leurs réunions, et je puis témoigner qu’aucune ne se déroule hors la présence du drapeau tricolore. Le respect envers ceux qui se sont battus pour ce dernier rend ces moments solennels.
C’est donc bien un symbole qui est en jeu, pour notre pays mais également pour nos communes. Ne l’oublions pas, les drapeaux des associations du monde combattant constituent un héritage. Il convient de les préserver.
La discussion de ce texte intervient d’ailleurs à un moment qui est loin d’être anodin, mes chers collègues. Voilà plusieurs mois, nous commémorions le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Chacun de nous, dans son territoire, a pu voir des citoyens, jeunes et moins jeunes, rassemblés en masse pour rendre hommage à nos héros engagés sur le front pour repousser l’ennemi et pour que la bannière de notre pays continue de flotter. Beaucoup ont même donné leur vie pour la liberté, pour la fraternité de notre peuple. À travers ces cérémonies, locales et nationales, nous mettons en avant leur engagement, mais aussi celui de ces femmes faisant vivre leur famille et jouant un rôle indispensable dans les campagnes, les hôpitaux, sans oublier l’économie du pays.
C’est bien leur courage qui rayonne à travers ces drapeaux ! Mais, permettez-moi de le souligner, en cette période de conflits et de tensions, le texte soumis à nos débats revêt une tout autre dimension. Certains, il faut le dire, s’en prennent sans vergogne aux symboles de la République, à nos forces de l’ordre, d’autres brûlent des véhicules de la force Sentinelle ou dégradent des lieux historiques. Je pense notamment à l’Arc de Triomphe, qui, érigé au lendemain de la bataille d’Austerlitz, manifeste aux peuples du monde entier les victoires de l’armée française. Pourtant, quelle fierté de voir là aussi ce grand drapeau voler avec liberté lors des cérémonies officielles !
En ces temps troublés, il est urgent de revenir aux fondamentaux et de rappeler l’importance de ce travail de mémoire pour nos combattants d’hier et d’aujourd’hui. Oui, c’est bien l’esprit du souvenir qui doit ranimer notre société, ce même esprit qui a fait naître ces associations que nous défendons par le biais de ce texte. Leur vocation était de passer le témoin aux générations suivantes et de rappeler que la liberté se gagne au prix le plus fort.
Ce travail de mémoire doit être préservé, dans ses actions mais aussi dans ses symboles. Tel est bien l’objet de cette proposition de loi.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le monde combattant comptait près de 10 000 associations. Elles sont intimement liées à l’histoire de leur commune. Encore aujourd’hui, des porte-drapeaux se mobilisent pour perpétuer avec fierté ce message de l’histoire. Sentinelles de la mémoire, ils incarnent un idéal. Leur mission n’est pas n’importe laquelle : elle est de rendre hommage, au nom de la Nation française, aux combattants et aux disparus. Ils font un travail remarquable ; je veux les en remercier.
Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre dire, ils ne sont pas nécessairement âgés. Je pourrais vous citer des exemples de jeunes fiers de reprendre le flambeau. Je le disais à l’instant, c’est une émotion, mais aussi une fierté.
Ce drapeau a perduré malgré les épreuves et il continuera à flotter en dépit des vents et des tempêtes de l’histoire. Cependant, il est regrettable de devoir constater la disparition d’objets liés à ces associations, comme le rappelait notre collègue rapporteure Élisabeth Doineau. Moralement, cela suscite une inquiétude. Mes chers collègues, il nous faut être attentifs à cette situation : un drapeau, ce n’est pas n’importe quel symbole, ce n’est pas n’importe quel bien ; c’est l’âme d’une nation, ce sont les couleurs d’un peuple, c’est le témoin de notre histoire commune. En se battant pour la patrie, des hommes l’ont brandi avec fierté.
Par conséquent, nous devions nous pencher sur les cas de revente de drapeaux d’associations d’anciens combattants. L’histoire ne se monnaie pas. Il nous appartient, en tant que législateur, d’y veiller. Tel est l’objectif atteint au travers de cette proposition de loi. Ainsi, grâce à l’adoption de ce texte, le drapeau qui portera les signes distinctifs d’une association d’anciens combattants sera présumé lui appartenir.
Par ailleurs, l’association originellement propriétaire d’un drapeau vendu dans une foire, sur un marché ou à l’occasion d’une vente publique, voire sur internet, la fédération d’associations à laquelle elle appartenait ou, à défaut, la commune dans laquelle elle était domiciliée, pourra se le faire rendre à titre gratuit.
Ce sont des dispositions importantes, qui visent à protéger les associations et à les valoriser dans leur action.
En outre, ce texte n’oublie pas les communes. Ainsi, en cas de dissolution d’une telle association, à défaut de dispositions statutaires ou de décision de l’assemblée générale ad hoc, ses biens seront transférés gratuitement à la commune de domiciliation. Celle-ci pourra d’ailleurs confier les drapeaux à un établissement scolaire ou à une autre association d’anciens combattants, le but étant à la fois d’assurer leur conservation et de perpétuer la transmission de la mémoire.
Le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe La République En Marche. – Mme Corinne Féret applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Je veux d’abord remercier l’ensemble des intervenants pour la qualité de ce débat et leur implication auprès des associations du monde combattant. Je laisse la Haute Assemblée décider, dans sa sagesse, du sort de cette proposition de loi.
Madame Cohen, je n’ai pas connaissance d’une demande de subvention formulée par l’ARAC auprès de la direction de la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, et encore moins d’une demande de subvention d’action sociale. Néanmoins, je ferai procéder à des vérifications, madame la sénatrice. Nous versons les subventions d’action sociale directement à l’ONAC-VG, qui utilise ces fonds sur l’ensemble du territoire français. Les crédits accordés à l’ONAC-VG à ce titre n’ont pas diminué ; leur niveau est inchangé depuis deux ans.
Il est exact que le budget consacré à la mémoire a diminué. La raison en est simple : 2018 a été une année mémorielle très importante, puisque l’on célébrait le centenaire de la fin de la Grande Guerre, et l’organisation des très nombreuses manifestations a exigé des budgets importants. La situation est maintenant différente.
Madame Féret, les célébrations du soixante-quinzième anniversaire de la libération du territoire ont commencé. J’y ai participé dès octobre dernier en Corse, premier territoire libéré. Le 21 février, j’ai présidé une cérémonie au Mont-Valérien, pour honorer la mémoire des membres du groupe Manouchian et de tous les résistants qui ont été fusillés en ce lieu. Dimanche dernier, j’étais avec le Président de la République sur le plateau des Glières pour rendre hommage la Résistance. Le 6 juin prochain, nous commémorerons le débarquement en Normandie. Le programme de ces événements, qui est maintenant complètement défini, vous sera communiqué dans très peu de temps, madame la sénatrice.
D’autres temps forts suivront, avec la commémoration du débarquement de Provence, le 15 août, de la libération de Paris, puis de celle de l’Alsace et de Strasbourg, afin de retracer les deux voies de reconquête de la France, par l’ouest et par le sud.
Cette année 2019 sera donc vraiment consacrée à la célébration du soixante-quinzième anniversaire de la libération du territoire, avec des temps forts en Normandie. N’ayez pas de crainte à ce sujet, madame Féret !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Je voudrais d’abord saluer l’investissement de Mme la ministre sur le terrain. Elle a été très présente l’année dernière et elle continue à l’être, dans un esprit d’unité derrière nos drapeaux, pour la perpétuation du souvenir de ceux qui ont tout donné, et pour qui nous ne donnerons jamais assez, les uns et les autres !
La commission des affaires sociales du Sénat a introduit une exception en matière notamment d’atteinte au droit de propriété, au nom du devoir de mémoire. Elle a jugé que, pour le cas très précis des drapeaux d’associations d’anciens combattants, une telle exception se justifiait.
Nous avons également voulu créer une exception en ce qui concerne le principe de prescription acquisitive, afin d’ouvrir aux associations la possibilité de récupérer leurs drapeaux après plus de trois années.
La dimension symbolique du drapeau transcende à nos yeux toute objection à ces exceptions, madame la secrétaire d’État. Nous avons essayé de faire de cette proposition de loi un texte qui soit acceptable et qui, en tout cas, montre notre forte adhésion à notre drapeau national et notre opposition résolue à la vente en ligne ou dans des brocantes d’emblèmes ayant appartenu à des associations du monde combattant.
C’est dans cet esprit que la commission des affaires sociales a nuancé le texte de notre collègue Françoise Férat, qui a été légitimement interpellée par cette pratique inacceptable.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la protection des drapeaux des associations d’anciens combattants
Article unique
Le titre V du livre III du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et drapeaux » ;
2° Il est ajouté un article L. 351-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-1. – I. – En cas de dissolution d’une association d’anciens combattants, à défaut de dispositions statutaires ou de décision de l’assemblée générale, ses biens sont transférés gratuitement à la commune de domiciliation.
« II. – Par dérogation à l’article 2276 du code civil, le drapeau portant les signes distinctifs d’une association d’anciens combattants est présumé appartenir à cette association.
« III. – Par dérogation à l’article 2277 du code civil, l’association d’anciens combattants originairement propriétaire d’un drapeau acheté dans une foire, dans un marché ou dans une vente publique ou, le cas échéant, la fédération d’associations à laquelle elle appartenait ou, à défaut, la commune dans laquelle elle était domiciliée peut se le faire rendre à titre gratuit.
« IV. – Lorsqu’un drapeau est transféré à une commune en application du I du présent article ou rendu à une commune en application du III, celle-ci peut le confier notamment à un établissement scolaire ou à une association d’anciens combattants afin d’en assurer la conservation et d’entretenir le devoir de mémoire. Elle en avise le service départemental ou territorial de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« … – Nonobstant toute disposition contraire, prise par la commune, et dans l’hypothèse où un établissement muséal se trouve à recueillir des objets pouvant être exposés dans le respect et en convention avec la collectivité territoriale éventuellement responsable de la tutelle de sa gestion, les drapeaux d’associations dissoutes peuvent être conservés par l’établissement muséal en question, pour servir le devoir de mémoire qui leur est imparti. Dans cette éventualité, il appartient à la structure en possession des drapeaux de les conserver selon la réglementation concernant la conservation des emblèmes. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. J’ai déjà largement défendu cet amendement lors de mon intervention dans la discussion générale. Son objet est de permettre, sauf dispositions contraires de la mairie ou de l’association d’anciens combattants, qu’un tel drapeau puisse être déposé dans un musée. Les musées peuvent en effet eux aussi souhaiter contribuer au devoir de mémoire et ils ont les moyens de conserver et d’exposer ces étendards.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Si le texte de la commission permet à la commune de remettre le drapeau d’une association d’anciens combattants à une école, il ne fait pas obstacle à sa remise à un musée. Quand il existe dans la commune un lieu mémoriel identifié, on peut très bien envisager une telle possibilité.
Par ailleurs, la rédaction de cet amendement n’apporte pas, à mes yeux, de clarification, au contraire. Elle ne vise en effet pas uniquement les drapeaux, mais tous les objets pouvant être exposés. Or la proposition de loi a pour objet la protection des seuls drapeaux.
En outre, il est fait référence à une réglementation portant sur la conservation des emblèmes, alors même que les drapeaux ayant appartenu à des associations d’anciens combattants ne sont régis par aucune réglementation.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Il nous paraissait important d’inscrire noir sur blanc la possibilité de confier ces drapeaux à un musée, mais peut-être la rédaction que nous proposons n’aurait-elle pas la portée que nous souhaitons. Par conséquent, je retire l’amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Je voudrais remercier chaleureusement tous nos collègues qui ont apporté leur soutien à cette proposition de loi, ainsi que Mme la rapporteure, dont je ne me lasserai pas de souligner la qualité du travail.
Madame la secrétaire d’État, je ne doute pas que toutes les précautions nécessaires à la sauvegarde des drapeaux et de tous les objets de mémoire sont prises. Cela étant, je n’ai pas décidé toute seule, un beau matin, de déposer une telle proposition de loi : je l’ai fait pour répondre à la demande de deux présidents de sections locales d’associations d’anciens combattants qui avaient découvert, l’un dans une brocante, l’autre sur internet, que l’on revendait des drapeaux d’associations. C’est tout de même là un phénomène nouveau, qui vous touche au cœur ! L’émergence de cette pratique totalement insupportable, à laquelle nous n’avions jusqu’alors pas été confrontés, m’a amenée à bâtir cette proposition de loi. Je ne vous cache pas que, avant de m’engager dans cette affaire, je me suis bien sûr renseignée auprès de l’administration et des associations d’anciens combattants, au plus haut niveau. J’ai le sentiment que j’aurais eu du mal à trouver des interlocuteurs plus qualifiés ! Mais sans doute, madame la secrétaire d’État, n’avons-nous pas rencontré les mêmes personnes…
Je me félicite de la mise en place d’un groupe de travail. Je ne doute pas que le sujet de la revente en ligne soit déjà inclus dans le champ de sa réflexion.
L’adoption de ce texte permettra de franchir une étape et d’envoyer un signal fort à tous nos anciens combattants. Je vous en remercie toutes et tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Le sujet est sensible, qui touche au respect, à la mémoire, à la reconnaissance. En ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation », je me réjouis de l’examen de cette proposition de loi. Je remercie sincèrement Françoise Férat et Élisabeth Doineau, ainsi que tous les collègues qui se sont exprimés.
Il me semble très important de créer les conditions légales d’un véritable respect des drapeaux de nos associations d’anciens combattants. Il s’agit associations patriotiques et de mémoire exclusivement composées de bénévoles, qui rencontrent malheureusement souvent de grandes difficultés pour recruter et élargir la participation à leurs activités. Nous avons pu le constater dans le cadre de la mission du Centenaire, qui vous a amenée, madame la secrétaire d’État, dans le département des Ardennes.
Ceux de nos collègues qui se sont exprimés ont rappelé l’importance, pour le devoir de mémoire, de l’engagement de toutes les générations, notamment des jeunes, encadrés par leurs enseignants.
Mon collègue François Bonhomme l’a très bien dit, les drapeaux de ces associations sont des témoignages matériels des plus précieux, à forte valeur symbolique. On sait l’œuvre qu’accomplissent les associations d’anciens combattants pour le devoir de mémoire et la transmission de celle-ci à nos concitoyens n’ayant pas vécu la guerre. Je tiens à les saluer. Leurs drapeaux doivent être protégés, car ils rappellent le sacrifice de nos compatriotes dans nos territoires.
Je voterai cette proposition de loi, en espérant qu’elle sera adoptée en l’état par nos collègues députés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi relative à la protection des drapeaux des associations d’anciens combattants.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des deux propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe Union Centriste.
Organisation des travaux
M. le président. En accord avec le Gouvernement et la commission des lois, nous pourrions reprendre nos travaux à vingt et une heures trente, au lieu de vingt et une heures quarante-cinq, afin d’achever l’examen du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Collectivité européenne d’Alsace
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (projet n° 358, texte de la commission n° 413, rapport n° 412).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 3.
Article 3 (suite)
I. – Les routes et autoroutes non concédées, classées dans le domaine public routier national et situées dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à la date de publication de la présente loi, sont transférées avec leurs dépendances et accessoires dans le domaine public routier du département d’Alsace.
Le domaine privé de l’État affecté à l’entretien, à l’exploitation et à la gestion du domaine public routier national est transféré au département d’Alsace.
Ces transferts sont constatés par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au plus tard le 1er janvier 2020. Cette décision emporte transfert, au 1er janvier 2021, au département d’Alsace, des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. Ces routes transférées sont maintenues au sein du réseau transeuropéen de transport. Leur transfert s’effectue, le cas échéant, sans préjudice de leur caractère de route express ou de route à grande circulation.
Les terrains acquis par l’État en vue de l’aménagement des routes transférées sont cédés au département d’Alsace.
Par dérogation aux articles L. 121-1 et L. 131-1 du code de la voirie routière, les autoroutes non concédées dénommées A4, A35, A351, A352 et A36 situées sur le territoire du département d’Alsace ou, le cas échéant, les portions des mêmes autoroutes qui y sont situées conservent leur appellation et demeurent régies par les articles L. 122-1 à L. 122-3 du même code. Le président du conseil départemental exerce sur lesdites autoroutes ou portions d’autoroutes le pouvoir de police de la circulation, après avis du préfet coordonnateur des itinéraires routiers. Sous réserve du présent alinéa, sont applicables auxdites autoroutes ou portions d’autoroutes les dispositions légales applicables aux routes départementales.
Lorsque le maintien de leur statut autoroutier ne se justifie plus, les autoroutes ou portions d’autoroutes mentionnées à l’avant-dernier alinéa du présent I peuvent être déclassées par le conseil départemental, après avis du préfet coordonnateur des itinéraires routiers. Leur déclassement vaut reclassement dans la catégorie des routes départementales.
II. – Le département d’Alsace peut transférer à l’eurométropole de Strasbourg, à sa demande, des portions de voies mentionnées au I du présent article qui sont situées sur son territoire. Les portions d’autoroutes doivent avoir été préalablement déclassées dans les conditions prévues au dernier alinéa du même I.
Ce transfert est constaté par un procès-verbal établi contradictoirement entre les représentants des collectivités.
III. – Les transferts prévus aux I et II sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucun droit, ni d’aucune indemnité ou taxe, ni de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 66 rectifié et 117 sont identiques.
L’amendement n° 66 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 117 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 1 et 5, première phrase
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. – Alinéas 2, 3, deuxième phrase, et 4
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
III. – Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
Le département
par les mots :
La Collectivité européenne
La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié.
M. René Danesi. Il s’agit d’un amendement de conséquence de l’adoption, à l’article 1er, de l’amendement n° 62 rectifié. À chaque article, nous présenterons un amendement similaire, relatif à la dénomination de la nouvelle collectivité. Hier, le président de séance nous a informés que nous pourrions nous dispenser de la présentation de chacun d’entre eux et qu’ils seraient considérés comme adoptés, par cohérence.
Mme la présidente. Vous avez tout à fait raison, monsieur Danesi ; il en va de même pour l’amendement n° 117. Néanmoins, il nous faut, en l’occurrence, examiner un sous-amendement n° 151 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Amendement n° 66 rectifié
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
Alinéas 1 et 5, première phrase
par les mots :
Alinéa 1
II. – Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Alinéas 5 et 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
Par dérogation aux articles L. 121-1 et L. 131-1 du code de la voirie routière, les autoroutes non concédées dénommées A4, A35, A351, A352 et A36 conservent leur appellation et leur statut autoroutier tel que défini par les dispositions générales prévues pour les autoroutes, aux articles L. 122-1, L. 122-2 et L. 122-3 du même code, à l’exclusion de toutes les autres dispositions de ce même code relatives aux autoroutes, notamment les articles L. 122-4, L. 122-4-1 et L. 122-4-2.
Lorsque le maintien de leur statut autoroutier ne se justifie plus, le déclassement de ces voies par la Collectivité européenne d’Alsace s’opère dans les conditions prévues à l’article L. 131-4 du code de la voirie routière.
III. – Compléter cet alinéa par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Alinéa 7, seconde phrase
1° Remplacer les mots :
doivent avoir été
par le mot :
sont
2° Après le mot :
déclassées
insérer les mots :
par la Collectivité européenne d’Alsace,
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie avant tout de bien vouloir excuser Mme Jacqueline Gourault, qui se trouve en ce moment même en Corse, où elle accompagne le Président de la République. Vous n’ignorez pas le profond amour que Mme Gourault porte à l’Alsace, mais aussi à la Corse…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Et au Sénat ! (Sourires.)
M. Julien Denormandie, ministre. Bien entendu, monsieur le président de la commission !
Ce sous-amendement vise à rétablir le texte initial quant au pouvoir de police de la circulation. Le Gouvernement ne souhaite pas que, sur les autoroutes non concédées qui sont transférées à la Collectivité européenne d’Alsace, le pouvoir de police soit exercé par le président de cette collectivité. Au contraire, nous souhaitons maintenir le pouvoir de police de la circulation du préfet de département sur ces axes, compte tenu de leurs caractéristiques techniques, de leur vocation structurante et des enjeux de sécurité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous remercions le Gouvernement de reconnaître un certain nombre d’apports de la commission. Je pense notamment à la procédure de déclassement des autoroutes transférées à la Collectivité européenne d’Alsace, un des points forts de ce texte étant le transfert des routes nationales et des autoroutes non concédées.
En revanche, la commission ne peut pas accepter la suppression de l’attribution du pouvoir de police au président du conseil départemental. Nous considérons en effet que, si l’on transfère à la collectivité la compétence relative à ces routes et autoroutes, il convient de lui transférer également, dans un souci de lisibilité, le pouvoir de police pour la gestion de leur trafic.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 151 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les amendements identiques nos 66 rectifié et 117, relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi, sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
Si vous en êtes d’accord, je vous propose de considérer que ces amendements sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet et Sido, Mmes Joissains, Morhet-Richaud, Lassarade et Deromedi, M. Paccaud, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Laménie et Pierre, Mmes Lanfranchi Dorgal et Guillotin, M. Charon, Mmes Noël et Férat et MM. Menonville et Longuet, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de l’achèvement par l’État des travaux engagés sur les portions de route inachevées
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Gagnons un peu de temps : l’amendement est défendu ! (Sourires et applaudissements.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, qui tend à prévoir que le transfert des routes nationales à la Collectivité européenne d’Alsace soit subordonné à l’achèvement préalable des travaux engagés sur les portions de route inachevées. Cela semble plein de bon sens, mais je veux rassurer notre collègue : les dépenses engagées par l’État seront payées, comme c’est la règle.
Par ailleurs, l’article 6 prévoit expressément l’achèvement de toute opération inscrite au contrat de plan État-région, même après transfert de la propriété de ces voies. Les conditions de financement définies initialement sont maintenues.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Même avis, pour les raisons que Mme la rapporteur vient d’exposer brillamment.
Mme la présidente. Monsieur Laménie, l’amendement n° 98 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 98 rectifié bis est retiré.
Les amendements nos 49 et 33 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 146 rectifié ter, présenté par MM. Jacquin, Todeschini et Grosdidier, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre II du code de la voirie routière est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Redevance kilométrique poids lourds
« Art. L. 124-1. – Les véhicules qui empruntent le réseau routier national non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic, et dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes, sont soumis, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, à une redevance pour service rendu, appelée redevance kilométrique poids lourds. Le montant de la taxe est progressif en fonction du nombre total de kilomètres parcourus entre le point de départ et le remisage du véhicule.
« Art. L. 124-2. – La redevance mentionnée à l’article L. 124-1 est due par le propriétaire du véhicule. Toutefois, lorsque le véhicule fait l’objet d’un contrat de crédit-bail, d’un contrat de location ou de tout autre type de contrat de mise à disposition de l’usage de véhicule, la redevance due par l’utilisateur désigné dans ce contrat. Le bailleur demeure solidairement responsable du paiement de la redevance ainsi que, le cas échéant, de la majoration de retard applicable.
« Art. L. 124-3. – Le réseau soumis à la redevance prévue à l’article L. 124-1 est constitué d’axes du réseau routier national défini à l’article L. 121-1, dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État. Cette liste ne comprend pas les sections d’autoroutes et routes du réseau routier national soumises à péages.
« Art. L. 124-4. – Le montant de la redevance est proportionné à la distance d’utilisation du réseau routier défini à l’article L. 124-3. Son montant est modulé en fonction des caractéristiques des véhicules, en particulier des dommages causés aux infrastructures. »
II. – Le paiement de la redevance mentionnée à l’article L. 124-1 du code de la voirie routière ouvre droit à une bonification du remboursement des taxes sur les carburants prévue par l’article 265 septies du code des douanes selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
III. – Les articles 284 à 284 sexies bis du code des douanes sont abrogés.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue par l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à instaurer une redevance kilométrique dans le sillon rhénan, mais également dans le sillon lorrain. Une telle disposition est tout à fait adaptée pour mieux réguler les flux de poids lourds. Nous craignons en effet que, si l’on ne vise pas le sillon lorrain, il n’y ait un déport de trafic de l’Alsace vers l’autoroute A31, de la même manière que l’on observe actuellement un déport de trafic de l’Allemagne vers l’Alsace.
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. Olivier Jacquin. Nous proposons, afin de cibler les poids lourds qui traversent notre pays sans payer les taxes sur le gazole, par exemple en s’approvisionnant au Luxembourg avant de rejoindre l’Espagne, que les poids lourds français soient exonérés de taxe à l’essieu et puissent bénéficier d’une compensation complémentaire de TICPE sur le gazole non routier à due concurrence de cette taxe. C’est un élément important.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est défavorable.
Nous comprenons cette volonté de mettre en œuvre une écotaxe sur ces portions de territoire du Grand Est, notamment parce que la question de la régulation du trafic est essentielle eu égard au déport de nombreux camions sur cette voirie.
Néanmoins, l’amendement tend à rétablir l’écotaxe applicable aux poids lourds dans une version proche de celle qui a été abrogée en 2016. Cette écotaxe s’appliquerait à tout le territoire français, mais seulement sur la voirie nationale non concédée et sur les voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic du fait de l’instauration d’une écotaxe sur la voirie nationale. Paradoxalement, l’écotaxe proposée ne trouverait donc pas à s’appliquer en Alsace, où l’intégralité de la voirie nationale devrait être transférée au département.
Nous pensons soutenir tout à l’heure un autre amendement à l’objet similaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Le présent projet de loi renvoie à une ordonnance le soin de fixer les modalités de régulation du trafic routier que la Collectivité européenne d’Alsace pourrait utiliser, à son initiative.
En outre, comme l’a dit Mme le rapporteur, l’adoption de cet amendement aurait un effet sur l’ensemble du territoire national, ce qui ne correspond en aucun cas à l’objet du texte dont nous débattons.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Cosignataire de cet amendement, je suis très sensible à ce que mes collègues comprennent à quel point l’abandon par le précédent gouvernement de l’écotaxe poids lourds a été préjudiciable. De ce fait, aujourd’hui, tout le flux du transport routier de marchandises entre le nord et le sud de l’Europe se voit dévié vers le quart nord-est de la France, singulièrement sur le sillon rhénan, à savoir l’autoroute A35, et sur le sillon mosellan, c’est-à-dire l’autoroute A31, qui traverse les départements de la Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges. C’est une situation épouvantable !
Ouvrir la possibilité d’établir une écotaxe uniquement sur le sillon alsacien ne ferait que renforcer considérablement les difficultés rencontrées du côté lorrain. On ne peut pas traiter l’Alsace sans traiter la Lorraine : ce serait agir à la façon du sapeur Camember, qui bouchait un trou en en creusant un autre un peu plus loin !
Je souhaite donc que nous considérions, d’une façon ou d’une autre, le problème dans son ensemble, au minimum à l’échelle du quart nord-est de la France, ce que n’a pas fait le Gouvernement. Le problème peut aussi bien, d’ailleurs, se poser dans d’autres parties du territoire national : nous ne sommes pas la seule région ainsi traversée par le transit international.
Ailleurs en Europe, des solutions ont été apportées, mais pas en France. Cette fois, on ne peut pas dire que c’est l’Europe qui nous empêche de le faire. Il faut que, d’une façon ou d’une autre, nous réglions la question ce soir. Il ne serait pas admissible de ne la régler que pour le territoire alsacien, au détriment des autres territoires ; les Alsaciens partagent d’ailleurs cette analyse.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur Jacquin, je ne pourrai pas voter cet amendement, pour les raisons invoquées par Mme la rapporteur, et non pas pour des raisons de fond : il soulève en effet un vrai problème. J’aurai tout à l’heure l’occasion de défendre un amendement allant dans le même sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’avais déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités ; il m’avait alors été dit que ce n’était pas le bon véhicule législatif et qu’il vaudrait mieux présenter un tel amendement à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances.
Ayant de la suite dans les idées, nous insistons donc, d’autant que la redevance que nous proposons d’instaurer n’est pas identique à celle qui avait été envisagée : elle est proportionnée à la distance d’utilisation du réseau routier et il est prévu, en contrepartie, une bonification du remboursement des taxes sur les carburants.
Monsieur le ministre, vous nous renvoyez à une ordonnance : nous verrons ce qu’il en est lors de l’examen de l’article 10, mais en tout état de cause il ne nous sera pas possible d’en élargir le champ pour intégrer le sillon lorrain au dispositif. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.
Pour autant, les propositions d’amendement à venir me semblent intéressantes. Par conséquent, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 146 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller et MM. Kennel, Kern et Reichardt, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sur les axes situés sur le territoire de la Collectivité européenne d’Alsace, et pour permettre la régulation du trafic routier de marchandises, cette dernière est autorisée à instaurer des contributions spécifiques qui seront supportées par les usagers concernés.
Il en va de même de tous les gestionnaires de voirie concernés.
Les modalités d’application du présent paragraphe sont fixées dans les conditions définies au 1° de l’article 10 de la présente loi.
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. L’accord entre le Gouvernement et les trois collectivités, ainsi que le présent projet de loi, transfèrent à la Collectivité européenne d’Alsace le réseau routier national en Alsace, dont des autoroutes non concédées.
À terme, l’eurométropole de Strasbourg pourra également bénéficier, à sa demande, du transfert des portions de voies précitées situées sur son territoire.
Ce transfert doit permettre la mise en place d’une régulation du trafic de transit à l’échelle transfrontalière, aux fins notamment de limiter le report de circulation du trafic routier de marchandises vers le réseau routier alsacien directement lié à l’instauration, en Allemagne, de la LKW-Maut.
Plutôt que de procéder par ordonnance, nous proposons d’inscrire d’ores et déjà le principe d’une régulation dans le projet de loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 107 rectifié ter, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, MM. Danesi et Kern, Mmes Billon et Troendlé et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental et pendant une durée maximale de cinq ans, le département d’Alsace a la faculté d’instaurer, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis du code général des impôts, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation, ou des portions de voie de circulation, situées sur son territoire. Cette taxe peut être forfaitaire annuelle ou proportionnelle au kilométrage parcouru par les véhicules sur les voies ou portions de voie concernées. Le département d’Alsace peut choisir la technologie et le prestataire chargé du recouvrement de la taxe.
II. – 1. L’assiette de la taxe due est constituée par la longueur des sections de tarification empruntées par le véhicule, exprimée en kilomètres, après arrondissement à la centaine de mètres la plus proche.
2. Pour chaque section de tarification, le taux kilométrique de la taxe est fonction de la catégorie du véhicule.
Le taux kilométrique est modulé en fonction de la classe d’émission EURO du véhicule, au sens de l’annexe 0 de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, et, le cas échéant, en fonction du niveau de congestion de la section de tarification.
Un décret précise les conditions dans lesquelles le niveau de congestion de la section de tarification est pris en compte.
En cas de défaut de justification par le redevable de la classe d’émission EURO du véhicule, le taux kilométrique est déterminé en retenant la classe à laquelle correspond le taux kilométrique le plus élevé.
3. Le taux de la taxe est compris entre 0,015 € et 0,2 € par kilomètre.
4. Pour chaque section de tarification empruntée, le montant de la taxe est égal au produit de la longueur de la section par le taux kilométrique déterminé conformément aux 2 et 3.
5. Le produit de cette taxe est une recette de la section d’investissement du budget du département d’Alsace.
III. – Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis du code général des impôts, exonérer de cotisation foncière les entreprises assujetties à la taxe prévue au I du présent article à hauteur du montant de la taxe versée.
Pour bénéficier de l’exonération, les contribuables doivent en faire la demande dans les délais prévus à l’article 1477 du même code. Cette demande doit être adressée, pour chaque établissement exonéré, au service des impôts dont relève l’établissement. Les contribuables déclarent, chaque année, dans les conditions prévues au même article 1477, les éléments entrant dans le champ d’application de l’exonération.
Lorsqu’un établissement remplit les conditions requises pour bénéficier de l’une des exonérations prévues aux articles 1464 B, 1464 D, 1465, 1465 A, 1465 B, 1466 A, 1466 B et 1466 C dudit code et celles du présent article, le contribuable doit préciser le régime sous lequel il entend se placer. Ce choix, qui est irrévocable, doit être exercé dans le délai prévu pour le dépôt, selon le cas, de la déclaration annuelle ou de la déclaration provisoire de la cotisation foncière des entreprises visées à l’article 1477 du même code.
IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. Ce décret détermine notamment, pour l’application du premier alinéa du 2 du II, les catégories de véhicules en fonction du nombre d’essieux des véhicules.
V. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par un prélèvement sur le produit brut de la taxe.
VI. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par un prélèvement sur le produit brut de la taxe.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Comme on le sait, de l’autre côté du Rhin, l’Allemagne a instauré un système de péage particulièrement performant pour les poids lourds empruntant l’autoroute A5, au point que la quasi-totalité des camions se déportent vers l’Alsace…
Depuis des années, les responsables alsaciens demandent la mise en place d’un système similaire sur leur territoire et les plus anciens d’entre nous se souviennent qu’à l’époque un député avait fait adopter une taxe de ce type, contre l’avis du gouvernement d’alors. Malheureusement, cette taxe n’a jamais vu le jour, pour diverses raisons liées aussi à des considérations d’ordre national, pour ne pas dire jacobin.
Le présent projet de loi prévoit une habilitation législative autorisant le Gouvernement à prendre les mesures utiles afin de maîtriser le trafic routier de marchandises en Alsace. Ainsi que l’a relevé le Conseil d’État dans son avis, cette habilitation est bien trop vague et risque même de ne jamais aboutir. Aussi sommes-nous quelques-uns à avoir pensé que cette question pourrait être réglée directement par le législateur, en inscrivant une disposition ad hoc dans le texte.
Cet amendement vise donc à créer, à titre expérimental – j’insiste sur ce point –, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation ou des portions de voies de circulation situées sur le territoire alsacien. Le montant de cette taxe pourrait être forfaitaire ou proportionnel au kilométrage parcouru par les véhicules.
Nous avons bien sûr entendu les inquiétudes des transporteurs routiers nationaux et, pour ne pas accabler davantage nos entreprises, cet amendement vise également à compenser la création de cette taxe par un dégrèvement sur la cotisation foncière en faveur de ces dernières.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 161, présenté par MM. Todeschini, J. Bigot et Mizzon, est ainsi libellé :
Amendement n° 107
I. – Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
le département d’Alsace a
par les mots :
les départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges ont
II. – Alinéa 3, dernière phrase
Remplacer les mots :
Le département d’Alsace peut
par les mots :
Les départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges peuvent
III. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
du département d’Alsace
par les mots :
des départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. L’amendement de notre collègue Reichardt est bienvenu, car il est le moyen de garantir que ce qui a été promis sera fait. Sinon, l’État aura simplement confié à l’Alsace le soin de s’occuper de 300 kilomètres de routes supplémentaires. En d’autres termes, il se sera défaussé sur elle d’une charge, ce qui n’est jamais pour lui déplaire…
Hier, Mme Gourault affirmait que ce texte était du « cousu main » et que le Gouvernement répondait à la demande. Or la nouvelle collectivité demande à pouvoir instaurer une taxe. L’adoption de l’amendement de M. Reichardt en garantira la possibilité.
Cependant, il n’y a pas de raison de ne pas répondre également à l’attente des départements lorrains de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges, qui sont eux aussi traversés par une autoroute et subissent un trafic routier extrêmement important. Aujourd’hui, des poids lourds viennent spécialement au Luxembourg pour y faire le plein, parce que le gazole y est moins cher, avant d’emprunter les axes routiers lorrains. Si l’on instaure la taxe en Alsace uniquement, ce phénomène ira s’amplifiant, c’est pourquoi nous avons déposé ce sous-amendement visant à permettre à nos amis lorrains de bénéficier de la même possibilité. On aurait pu envisager de l’étendre à l’ensemble de la région Grand Est, mais celle-ci n’en a pas fait la demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n° 93 rectifié bis, qui vise à inscrire dans la loi le principe d’une écotaxe instituée par la Collectivité européenne d’Alsace, tout en renvoyant à l’ordonnance la définition des modalités d’application. Nous considérons en effet que les choses ne sont pas suffisamment définies, notamment en ce qui concerne la compétence, le taux, l’assiette de cette écotaxe.
La commission préfère l’amendement n° 107 rectifié ter, dont la rédaction n’est cependant pas tout à fait aboutie. En effet, certaines dispositions pourraient être contraires à la future directive Eurovignette, en cours de négociation. La commission a néanmoins considéré que l’habilitation demandée par le Gouvernement à l’article 10 était très floue et qu’il valait mieux inscrire d’ores et déjà le principe de l’écotaxe dans le projet de loi, eu égard à l’attente du territoire alsacien sur ce sujet et à la nécessité de juguler le déport du trafic transfrontalier depuis l’Allemagne.
La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 107 rectifié ter, ainsi que sur le sous-amendement n° 161 : on comprend bien les enjeux pour les axes parallèles au sillon rhénan, notamment l’A31 en Moselle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 93 rectifié bis et 107 rectifié ter, ainsi que sur le sous-amendement n° 161.
M. Jacques Bigot. Bercy beaucoup ! (Sourires.)
M. Julien Denormandie, ministre. En premier lieu, le Gouvernement considère que, avant de déterminer les modalités selon lesquelles la Collectivité européenne d’Alsace pourrait juguler le trafic routier, il importe de pouvoir terminer les travaux et d’analyser l’ensemble des options aujourd’hui sur la table. Le Gouvernement souhaite déterminer ces modalités dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 10 du projet de loi.
En second lieu, le périmètre géographique du projet de loi correspond au périmètre géographique de la déclaration commune signée le 29 octobre dernier entre les présidents des départements alsaciens, le président de la région et le Premier ministre.
Mme la présidente. Monsieur Kern, l’amendement n° 93 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications, mais je préfère la sécurité aux promesses. Or l’adoption de l’amendement de M. Reichardt, dont je suis également cosignataire, nous sécurisera quant à la mise en place d’une écotaxe. Madame la présidente, je retire l’amendement n° 93 rectifié bis au profit de l’amendement n° 107 rectifié ter.
Mme la présidente. L’amendement n° 93 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 161.
M. Jean-Marie Bockel. Je partage l’analyse de Claude Kern.
Je soutiens le sous-amendement de Jacques Bigot, dont le dispositif présente notamment l’intérêt, pour les départements limitrophes de l’Alsace, de prévenir le report du trafic vers la Lorraine. Il est vrai que le risque existe. Je pense d’ailleurs, comme M. Bigot, que le champ de ce dispositif aurait pu être étendu à l’ensemble de la région Grand Est. Mais prenons déjà ce qui est proposé : si le dispositif fonctionne bien, les choses pourront évoluer.
Cette réponse à une crainte souvent exprimée en Lorraine sera bien reçue. L’adoption du sous-amendement sera aussi une façon de signifier qu’il n’y a pas d’antagonismes au sein de la région Grand Est, et que nous recherchons au contraire une complémentarité gagnant-gagnant.
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Je voudrais rappeler à Jacques Bigot que Philippe Richert, président de la région Grand Est et de l’Association des régions de France, avait demandé, pour l’ensemble des régions, la régionalisation de l’écotaxe poids lourds. Si le Gouvernement l’avait entendu, le problème serait aujourd’hui réglé et nous n’en parlerions pas ce soir.
Par ailleurs, je le répète, on ne peut pas traiter l’Alsace sans traiter la Lorraine ! Monsieur le ministre, lors du débat sur le projet de loi d’orientation des mobilités, votre collègue Mme Borne nous a indiqué qu’elle renvoyait au présent texte le traitement de la question de l’écotaxe poids lourds.
On ne peut pas déporter tout le trafic de l’A35 sur l’A31, or c’est ce qui va se produire ! De plus, l’A31 supportera dans les années à venir une augmentation exponentielle du trafic de poids lourds en raison des investissements massifs qui se font à Bettembourg sur des plateformes multimodales : la route de la soie arrive à Rotterdam, descend par le fer à Bettembourg et se poursuit par la route via l’A31. Le problème est devant nous, les services de l’État le savent, mais on fait comme si de rien n’était ! Aujourd’hui, l’A31 et l’A35 sont complètement engorgées. Elles sont devenues des boulevards urbains traversant les métropoles et elles devront accueillir demain une croissance exponentielle du transit international.
Il n’est pas possible, ce soir, de traiter un problème et pas l’autre, d’autant que le Gouvernement vient d’annoncer qu’il renonçait – c’est une première depuis des décennies – à défendre à l’échelon européen le projet de liaison fluviale Moselle-Saône à grand gabarit destiné à relier la mer du Nord et la Méditerranée. On ne peut pas prétendre engager la Nation et l’Europe dans la transition énergétique en matière de transports tout en abandonnant un tel projet !
Tout le trafic se retrouve sur nos autoroutes : le ferroviaire est engorgé à Lyon, l’autoroute Bettembourg-Perpignan ne fonctionne pas, précisément parce que le problème qui nous occupe n’a pu être réglé, faute des recettes que devait procurer l’écotaxe poids lourds.
Il faut en sortir ! Vous ne pouvez pas traiter le problème sur un segment du territoire en ignorant les autres !
M. Claude Kern. Nous sommes d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’ai retiré l’amendement n° 146 rectifié ter sans hésitation, car celui de M. André Reichardt me semble intéressant, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 161, qui vise à étendre le dispositif à la Lorraine. J’apprécie la solidarité entre l’Alsace et la Lorraine sur cette question : c’est un beau moment !
Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas répondu : avez-vous l’intention de prévoir dans l’ordonnance un dispositif symétrique pour le sillon lorrain et l’A31 ? Nous vous faisons confiance, vous êtes persuasif, mais la voie de la raison est peut-être de voter l’amendement n° 107 rectifié ter et le sous-amendement afin d’inscrire le principe de cette écotaxe dans le texte, plutôt que de s’en remettre à une ordonnance. La navette permettra ensuite d’affiner le dispositif. J’aurais préféré que ce sujet, compliqué du point de vue du ministère des finances, puisse être traité à l’échelon des régions, mais ce n’est pas le cas. Laissons donc sa chance au débat parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous voterons cet amendement et ce sous-amendement.
La problématique du développement exponentiel du trafic de poids lourds concerne toutes les régions. Je suis du Val-de-Marne, où se trouve le marché de Rungis : croyez-vous que nous n’y sommes pas exposés ? Sans rouvrir le débat, je rappellerai que l’idée d’instaurer une écotaxe a été lancée par Nicolas Sarkozy et que sa mise en œuvre a été tentée par François Hollande, pour déboucher sur le fiasco que l’on sait. Aujourd’hui, on reparle de taxer la circulation des poids lourds. Va-t-on traiter la question région par région ? Va-t-on continuer à laisser délibérément le fret ferroviaire dépérir ? Ce n’est pas une solution politique envisageable, et ce n’est pas non plus acceptable pour la santé publique.
Mais chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait qu’il faut appréhender ce problème beaucoup plus globalement. Votons ce soir cet amendement et ce sous-amendement, mais il faudra ensuite remettre l’ouvrage sur le métier.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je remercie très chaleureusement Mme la rapporteur de son avis favorable sur notre amendement et la commission des lois de son écoute attentive. Il va de soi que ce sous-amendement est bienvenu ; j’entends les observations de nos amis lorrains.
Monsieur le ministre, chat échaudé craint l’eau froide ! Tout à l’heure, j’ai rappelé qu’un député, voilà déjà près de deux décennies, avait été à l’origine du vote de la création d’une taxe sur les poids lourds en Alsace, contre l’avis du gouvernement d’alors. Depuis, aucun des gouvernements qui se sont succédé n’a jugé utile de donner une concrétisation à ce vote : quels motifs, techniques, juridiques ou autres, ne nous a-t-on pas opposés !
Aujourd’hui, on nous promet une ordonnance, mais le Conseil d’État lui-même juge l’habilitation très vague et se demande si le Gouvernement agira. Je partage cette interrogation. Quant à la directive Eurovignette en préparation, quelle est l’échéance ?
Pour ma part, je considère que l’adoption de cet amendement permettra d’inscrire dans le « dur » de la loi ce que le Gouvernement devrait normalement inscrire dans l’ordonnance. L’Assemblée nationale ne reprendra peut-être pas complètement notre dispositif, mais nous souhaitons vraiment que ce problème soit très rapidement traité de manière concrète. C’est ce qu’attendent les départements concernés, et pas seulement l’Alsace.
Bien sûr, madame Cohen, le même problème se pose partout, mais il faut savoir que dix kilomètres au plus séparent l’autoroute allemande A5 de l’autoroute alsacienne. Les poids lourds qui ne veulent pas acquitter la LKW-Maut en Allemagne n’ont qu’à faire un crochet : des milliers de camions se déportent ainsi chaque jour vers notre région. Dans le sillon rhénan, c’est une catastrophe écologique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Les Alsaciens, qui nous regardent, sont inquiets, et leur attente est forte.
Nous voterons nous aussi cet amendement d’appel, mais que se passera-t-il à l’Assemblée nationale, où les débats seront peut-être plus virulents ? On ne sait rien de la taxe qui est censée être instaurée dans les mois à venir.
Monsieur le ministre, pourriez-vous au moins nous garantir que sera mise en place pour six mois une mission ministérielle chargée de mener une étude en vue d’évaluer les besoins de la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace et d’envisager des solutions concrètes ? Sinon, dans deux, quatre ou six ans, nous en serons toujours au même point.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je suis surpris par l’amateurisme du Gouvernement, qui a cru pouvoir régler à l’échelon d’un département toute la problématique liée au trafic nord-sud. L’Alsace n’est pas au milieu de nulle part, elle a des voisins : sur la rive droite du Rhin, il y a une taxe ; sur la rive gauche, il n’y en a pas. Dès lors, il n’était pas difficile d’imaginer que, dans ces conditions, le trafic se déporterait et que les Lorrains, solidairement avec les Alsaciens, devraient pouvoir se protéger !
Je ne comprends pas que l’on ait pu appréhender cette problématique au travers du transfert de la gestion des routes et autoroutes. C’est plus compliqué que cela ! Mais maintenant que vous vous êtes engagés dans cette voie, allez donc au bout de votre logique.
Je voterai cet amendement et ce sous-amendement.
M. Claude Kern. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. J’ai une triple raison de me réjouir ce soir.
Premièrement, peut-être est-ce dû à l’absence de certaines personnes, mais nous débattons ce soir dans un climat apaisé. (Sourires.) C’est déjà un premier résultat !
Deuxièmement, les amendements présentés confirment que l’Alsace ne souhaite pas se singulariser, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale. Hier soir, monsieur Grosdidier, j’ai défendu un amendement visant à ce que d’autres territoires puissent bénéficier des mêmes possibilités que la Collectivité européenne d’Alsace.
Troisièmement, comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, il y a dans ce texte trop de place laissée aux ordonnances. Or, avec cet amendement et ce sous-amendement, que je voterai, nous démontrons que nous pouvons aller plus loin sans attendre d’hypothétiques ordonnances. Inscrivons dès ce soir dans le texte tout ce qu’il est possible d’y inscrire. Le Gouvernement sera alors tenu de prendre position. J’espère que nos collègues de l’Assemblée nationale auront, pour une fois, la sagesse d’approuver ce qui aura été décidé par le Sénat. À ce titre, nous comptons beaucoup sur votre soutien, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Cosignataire de l’amendement n° 107 rectifié ter, je respecte tous les modes de transport, même si je défends prioritairement le rail et la voie d’eau. On le voit, le trafic de poids lourds explose partout, comme l’a souligné Mme Cohen, et, malheureusement, la part du fret ferroviaire et du transport par voie d’eau ne cesse de régresser, malgré tous les discours sur la complémentarité des modes de transport et le développement durable. Dans les Ardennes, le trafic de poids lourds est beaucoup moins important qu’en Alsace ou en Lorraine, mais je suis solidaire de mes collègues, au nom de l’intérêt général. Je voterai l’amendement et le sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. Je voterai l’amendement n° 107 rectifié ter, non seulement parce que je l’ai cosigné, mais surtout parce qu’il est inspiré par deux expériences qui ont été menées, l’une heureuse, l’autre malheureuse.
Tirant les conclusions de ces expériences, cet amendement prévoit que la taxe sur les véhicules de plus de 3,5 tonnes sera instaurée à titre expérimental et pour une durée maximale de cinq ans. Ce dernier élément me paraît déterminant.
En 1995, la région Alsace et quatre autres régions de France avaient accepté d’expérimenter pendant cinq ans le transport ferroviaire régional de voyageurs. À l’issue de cette expérimentation, la régionalisation du transport par rail des voyageurs a été étendue à la France entière. Voilà pour l’expérience heureuse.
Sur l’initiative de l’ancien député Yves Bur, l’Alsace avait réussi, malgré l’avis contraire de Bercy, à obtenir qu’une loi instaure la possibilité de créer sur son territoire ce qui ne s’appelait pas encore une écotaxe. André Reichardt y a fait allusion : la loi a beau avoir été votée, les services de l’État, à commencer par ceux de Bercy, ont veillé à ce qu’elle ne soit jamais appliquée. Funeste erreur ! En effet, si cette écotaxe avait été expérimentée en Alsace, je suis intimement convaincu que l’on aurait pu en tirer toutes les conclusions utiles et éviter l’échec que l’on sait, dont le coût est de l’ordre du milliard d’euros.
Je souscris à la proposition d’instaurer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, une taxe sur les véhicules de plus de 3,5 tonnes en Alsace et en Lorraine.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je remercie l’ensemble des orateurs pour la qualité du débat. Les arguments exposés renvoient à des problématiques locales qu’il incombe à l’État de résoudre en liaison avec les collectivités territoriales.
Mme Cohen l’a très bien dit, l’augmentation constante du trafic routier de marchandises concerne la plupart de nos territoires. Que toujours plus de camions circulent sur nos routes, avec les conséquences en termes de santé, d’environnement et d’aménagement du territoire que cela implique, ne correspond pas à la société que nous souhaitons.
Si le projet de loi prévoit le recours à une ordonnance, c’est parce qu’il n’est pas du tout évident de définir avec précision les voies et moyens que la nouvelle collectivité pourra utiliser, à sa convenance, pour lutter contre l’augmentation du trafic routier de marchandises. À cet égard, madame la sénatrice Schillinger, vous avez souligné à très juste titre l’importance d’approfondir la réflexion, à l’échelon tant local que national.
Enfin, faut-il ou non étendre le dispositif à d’autres départements, en particulier pour des raisons de déport de trafic ? C’est là une question difficile, on le voit bien. Il est vrai que la lutte contre l’augmentation du trafic routier de marchandises concerne un grand nombre de nos territoires, madame Cohen, mais n’oublions pas que ce projet de loi se fonde sur la déclaration commune du 29 octobre. Étendre son périmètre reviendrait à poser de manière globale la question de la régulation du trafic routier de marchandises. (M. François Grosdidier s’exclame.)
Tels sont les éléments qui expliquent la position du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 107 rectifié ter, modifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Article 4
I. – Les personnels des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin relèvent de plein droit au 1er janvier 2021 du département d’Alsace dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les leurs. Les articles L. 5111-7 et L. 5111-8 du code général des collectivités territoriales leur sont applicables. Les agents non titulaires conservent, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat.
II. – Dès la publication de la présente loi, les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin tiennent, avec les organisations syndicales représentatives, une négociation au sens de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cette négociation porte à la fois sur les modalités d’anticipation des changements et sur l’ensemble des conditions liées au regroupement.
Le protocole d’accord issu de cette négociation est soumis à l’avis des comités techniques des départements préalablement à leur regroupement.
III. – Jusqu’à la tenue de nouvelles élections, les représentants du personnel aux commissions administratives paritaires, aux commissions consultatives paritaires, au comité technique et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont maintenus en fonction dans les conditions suivantes :
1° Les commissions administratives paritaires compétentes pour les fonctionnaires du département d’Alsace sont composées des commissions administratives paritaires des anciens départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin existant à la date du regroupement. Ces commissions siègent en formation commune ;
2° Les commissions consultatives paritaires compétentes pour les agents contractuels du département d’Alsace sont composées des commissions consultatives paritaires des anciens départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin existant à la date du regroupement. Ces commissions siègent en formation commune ;
3° Le comité technique compétent est composé des comités techniques des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin existant à la date du regroupement. Ils siègent en formation commune ;
4° Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sont, à compter du regroupement, compétents pour le département d’Alsace. Ils siègent en formation commune ;
5° Les droits syndicaux constatés à la date du regroupement sont maintenus dans l’attente de l’organisation des nouvelles élections.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 17 est présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
L’amendement n° 143 est présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 17 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 143.
M. Pierre Ouzoulias. La lecture de l’article 4 donne le sentiment d’une certaine précipitation. Il aurait été beaucoup plus sage de consulter au préalable les deux comités techniques départementaux. Cela aurait permis de nourrir notre réflexion. Reporter la négociation après le vote de la loi, c’est, nous semble-t-il, mettre la charrue devant les bœufs ! C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable, madame la présidente. Nous pensons que l’on ne peut pas créer une nouvelle collectivité sans transférer le personnel. L’article 4 sécurise ce transfert.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 67 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 118 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 1, 5 et 6, premières phrases
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. - Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 109, présenté par M. de Belenet, Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 1, dernière phrase
Remplacer les mots :
non titulaires
par le mot :
contractuels
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. La commission a souhaité inscrire dans le projet de loi le principe selon lequel les agents non titulaires des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin conservent, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat lors de la fusion des départements et de la reprise des personnels par la Collectivité européenne d’Alsace.
Néanmoins, la notion d’« agents contractuels » semble plus adéquate que celle d’« agents non titulaires ». D’ailleurs, l’article 2 du décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale avait notamment remplacé la notion d’« agents non titulaires » par celle d’« agents contractuels ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est favorable, car cette proposition correspond à l’évolution sémantique en cours.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Les amendements nos 50 et 34 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Les services ou parties de service qui participent à l’exercice des compétences de l’État transférées au département d’Alsace en application de l’article 3 de la présente loi sont mis à disposition ou transférés selon les modalités prévues aux articles 80 et 81, ainsi que, à l’exception des ouvriers des parcs et ateliers, au I de l’article 82, au premier alinéa du I et aux II à VIII de l’article 83 et aux articles 84 à 87 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, sous réserve des dispositions suivantes :
1° Pour l’application du second alinéa du I de l’article 80 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 précitée, la date : « 31 décembre 2012 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2018 » ;
2° Pour l’application du III de l’article 81 de la même loi, les mots : « de chaque catégorie de collectivités territoriales et de leurs groupements » sont remplacés par les mots : « du département d’Alsace ».
II. – Les ouvriers des parcs et ateliers affectés dans les services ou les parties de service mis à disposition en application de la convention ou de l’arrêté mentionné aux II et III de l’article 81 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 précitée, sont mis à disposition du président du conseil départemental d’Alsace, puis intégrés dans la fonction publique territoriale dans les conditions prévues aux I et III de l’article 10 et à l’article 11 de la loi n° 2009-1291 du 26 octobre 2009 relative au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers, sous réserve des dispositions suivantes :
1° Pour l’application du premier alinéa du I de l’article 10 de la loi n° 2009-1291 du 26 octobre 2009 précitée, les mots : « À la date du transfert du parc » sont remplacés par les mots : « À la date fixée par la convention ou l’arrêté prévu aux II et III de l’article 81 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » et le mot : « transféré » est remplacé par les mots : « à transférer » ;
2° Pour l’application du premier alinéa du I de l’article 11 de la loi n° 2009-1291 du 26 octobre 2009 précitée, les mots : « de la publication du décret mentionné au premier alinéa du II du présent article ou, dans le cas où ledit décret est publié à la date du transfert du parc, à compter de la date de ce transfert » sont remplacés par les mots : « de la publication du décret mentionné au I de l’article 83 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ».
III. – Les services ou parties de service qui participent à l’exercice des compétences du département d’Alsace transférées à l’eurométropole de Strasbourg en application du II de l’article 3 de la présente loi sont transférés dans les conditions prévues aux IV et VII de l’article 114 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Pour l’application du deuxième alinéa du IV du même article 114, la date : « 31 décembre 2013 » est remplacée par la date : « 31 décembre de l’avant-dernière année précédant la date du transfert des compétences ».
Mme la présidente. L’amendement n° 18 n’est pas soutenu.
Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 119 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
II. – Alinéas 3 et 7
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements nos 51 et 35 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Sous réserve du présent article, les transferts de compétences à titre définitif, à compter du 1er janvier 2021, prévus à l’article 3 de la présente loi et ayant pour conséquence d’accroître les charges du département d’Alsace ouvrent droit à une compensation financière dans les conditions fixées aux articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales.
Les ressources attribuées au titre de cette compensation sont équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l’État à l’exercice des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts.
Le droit à compensation des charges d’investissement transférées par la présente loi, hors opérations routières mentionnées au 1° du IV du présent article, est égal à la moyenne des dépenses actualisées et constatées sur une période d’au moins cinq ans précédant le transfert de compétences ou, s’il est supérieur, au montant des dépenses actualisées et constatées au titre de l’exercice budgétaire 2018. Ces charges d’investissement sont calculées hors taxe et hors fonds de concours autres que ceux en provenance de l’agence de financement des infrastructures de transport en France.
Le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période maximale de trois ans précédant le transfert de compétences ou, s’il est supérieur, au montant des dépenses actualisées et constatées au titre de l’exercice budgétaire 2018.
Un décret fixe les modalités d’application des troisième et quatrième alinéas du présent I, après avis de la commission consultative mentionnée à l’article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales.
II. – La compensation financière des transferts de compétences prévue au I du présent article et la compensation financière des transferts de services ou parties de service mentionnés à l’article 5 s’opèrent par l’attribution de ressources dans les conditions fixées en loi de finances.
Ces compensations financières s’opèrent, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature. Les ressources attribuées au département d’Alsace sont composées d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, obtenue par application d’une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques aux quantités de carburants vendues chaque année sur l’ensemble du territoire national. La fraction de tarif attribuée au département d’Alsace à compter du 1er janvier 2021 correspond au montant du droit à compensation pérenne défini au I du présent article.
Si les recettes provenant des impositions attribuées en application du présent II diminuent et s’établissent à un niveau inférieur au montant du droit à compensation pérenne défini au I, l’État compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances afin de garantir au département d’Alsace un niveau de ressources équivalent à celui qu’il consacrait à l’exercice de la compétence avant son transfert. Ces diminutions de recettes et les mesures de compensation prises au titre du présent alinéa sont inscrites au rapport du Gouvernement présenté chaque année à la commission consultative mentionnée à l’article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales.
III. – Le cas échéant, le transfert de compétences prévu au II de l’article 3 de la présente loi s’effectue selon les modalités prévues au V de l’article 133 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Pour l’application de ces dispositions, les mots : « par arrêté du représentant de l’État dans le département » sont alors remplacés par les mots : « par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ».
IV. – La maîtrise d’ouvrage des opérations routières prévues au volet routier du contrat de plan État-Région Alsace signé le 26 avril 2015 et modifié par l’avenant aux contrats de plans État-Région (CPER) 2015-2020 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine signé le 2 décembre 2016, non réalisées à la date du 31 décembre 2020, est transférée au département d’Alsace le 1er janvier 2021. Ces opérations continuent d’être financées jusqu’à leur achèvement, dans la limite des enveloppes financières globales fixées pour les volets routiers des contrats et dans les conditions suivantes :
1° L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements continuent d’assurer le financement des opérations consistant en la création de voies ou d’ouvrages nouveaux ou en l’élargissement de voies existantes ;
2° Les collectivités territoriales et leurs groupements continuent d’assurer le financement des autres opérations. Le département d’Alsace, qui bénéficie à ce titre de la compensation financière mentionnée au I du présent article, est subrogé pour ces mêmes opérations aux engagements financiers pris par l’État.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent IV.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 69 rectifié et 120 sont identiques. Ils portent sur la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 120 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. – Alinéas 7, deuxième et dernière phrases, 8, première phrase, et 11, première phrase
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
III. – Alinéa 13, seconde phrase
1° Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la Collectivité européenne
2° Remplacer le mot :
subrogé
par le mot :
subrogée
Le sous-amendement n° 152 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 69 rectifié
A – Après l’alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Alinéa 3, première phrase
Supprimer la référence :
1° du
B – Alinéa 6
Supprimer les mots :
, et 11, première phrase
C – Alinéas 11 à 19
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
II. – Alinéas 11 à 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
IV. – À l’exception des aménagements de sécurité dont les financements sont transférés dans les conditions prévues à l’article 3 de la présente loi et aux I, II et III du présent article, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements continuent d’assurer le financement des opérations routières inscrites au volet routier du contrat de plan État-Région Alsace signé le 26 avril 2015 et modifié par l’avenant aux contrats de plans État-Région (CPER) 2015-2020 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine signé le 2 décembre 2016, jusqu’au 31 décembre 2020. La maîtrise d’ouvrage des travaux prévus dans ces contrats et non réalisés à cette date est transférée à la Collectivité européenne d’Alsace au 1er janvier 2021. Toutefois, ils continuent d’être financés jusqu’à l’achèvement de ces opérations dans les mêmes conditions, dans la limite des enveloppes financières globales fixées pour les volets routiers des contrats.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Ce sous-amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article.
La nouvelle rédaction du IV de l’article 6 proposée par l’excellente commission des lois induit en effet que seront incluses dans la base de calcul de la compensation financière due par l’État les dépenses d’investissement réalisées en exécution du contrat de plan État-région, le CPER. Or, dans la grande majorité des cas, ces dépenses ne peuvent pas être considérées comme des dépenses récurrentes ; ce sont des dépenses exceptionnelles. Les contrats seront évidemment honorés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est défavorable à ce sous-amendement. Nous pensons que la rédaction de la commission permet d’atteindre un juste équilibre.
En effet, le Gouvernement souhaite exclure de la base de calcul de la compensation financière les dépenses d’investissement routier faites par l’État au titre du CPER, à la seule exception des aménagements de sécurité.
Pour notre part, nous entendons réintégrer dans cette base de calcul toutes les dépenses d’investissement qui relèvent de l’exercice ordinaire des responsabilités de l’État en tant que propriétaire des routes, les aménagements de sécurité stricto sensu, mais aussi ceux qui visent à améliorer la fluidité du trafic ou à prévenir des dommages à l’environnement, la réhabilitation d’ouvrages menaçant ruine.
La commission a en revanche exclu de la base de calcul les compensations pérennes des dépenses liées à des investissements exceptionnels, c’est-à-dire la construction de voiries nouvelles ou l’élargissement des voiries existantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. Je remercie la rapporteur de ces explications complémentaires. Bien évidemment, je voterai contre ce sous-amendement.
Monsieur le ministre, votre position m’étonne. Vous dites que les dépenses prévues au titre du CPER, dans le cas de figure qui nous occupe, ne doivent pas être prises en compte pour le calcul des compensations. Pourtant, l’État demande qu’elles le soient en cas de transfert entre collectivités territoriales. Vous comprendrez que je m’interroge !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur, l’usage est de ne pas demander la prise en compte des CPER dans le calcul des compensations en cas de transfert, qu’il s’agisse d’un transfert de l’État à une collectivité territoriale ou d’un transfert entre collectivités. Je suis prêt à examiner les cas de figure que vous avez à l’esprit et à y travailler avec l’administration.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 152 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que les amendements identiques nos 69 rectifié et 120 sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 153, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
compétences
Supprimer la fin de cette phrase.
II. – Alinéa 4
Après le mot :
compétences
Supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement propose de rétablir la rédaction initiale du texte en ce qui concerne les modalités de calcul de la compensation.
Cette rédaction prévoyait que le calcul de la compensation se faisait, s’agissant des dépenses d’investissement, sur les cinq années glissantes, et s’agissant des dépenses de fonctionnement, sur les trois années glissantes.
L’article, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, prévoit une clause de meilleure fortune, si je puis m’exprimer ainsi, en ouvrant la possibilité de calculer le droit à compensation en fonction d’une année de référence, fixée à 2018, si cet autre mode de calcul se révèle plus favorable.
La position du Gouvernement est de se conformer aux règles de calcul qui ont été appliquées, par exemple, dans le cadre de la loi Maptam de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Par ailleurs, dans les faits, il n’est pas du tout sûr qu’un mode de calcul fondé sur une année de référence soit plus avantageux qu’un calcul à la moyenne actualisée des dépenses sur plusieurs années glissantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est bien évidemment défavorable. La commission a inscrit cette possibilité pour sécuriser la mise en œuvre des nouvelles compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, des collectivités locales ayant été échaudées par certains précédents. L’instauration de cette double clause permettra de faire jouer un effet cliquet.
Quant à la loi Maptam, elle s’appliquait à un moment « t ». Dans la mesure où il s’agit ici d’un dispositif à la mise en œuvre différée, il importe de fixer une date de référence antérieure à celle-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. Là encore, je ne peux être d’accord avec M. le ministre.
Il est évident qu’il faut fixer une année de référence. Si l’on prend comme base de calcul les trois ou cinq années glissantes, le Gouvernement aura toute latitude pour ramener la ligne à zéro d’ici à 2021. La compensation sera alors minimale. Le même type de piège avait été tendu par l’État aux collectivités territoriales lorsqu’il s’est agi de passer du RMI au RSA…
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le ministre, franchement, vous charriez ! Nous devons rejeter cet amendement.
Les dispositions du quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution imposent au législateur, lorsqu’il transfère aux collectivités des compétences auparavant exercées par l’État, de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert. La date du transfert de compétences est ici fixée au 1er janvier 2021 : il ne serait pas acceptable que l’État se désengage d’ici là, tant en fonctionnement qu’en investissement, et que la compensation financière du transfert soit réduite en conséquence. Je ne vous fais pas de procès d’intention, monsieur le ministre, mais le risque existe ! Il faut donc obligatoirement faire référence, dans le projet de loi, à un montant de charges réellement constatées, en l’occurrence celui de 2018, dernier exercice connu. C’est à juste titre que la commission des lois a introduit cette garantie, qui améliore le texte. Je ne vois aucune raison de ne pas la suivre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur, je n’arriverai sans doute pas à vous convaincre, mais sachez en tout cas que je ne « charrie » pas !
La difficulté tient au fait que le transfert aura lieu en 2021. Il ne faut pas faire de procès d’intention à l’État et imaginer qu’il pourrait ramener à zéro les dépenses d’investissement d’ici à 2021.
M. André Reichardt. C’est un risque !
M. Julien Denormandie, ministre. Ce n’est ni l’état d’esprit ni la façon d’agir de Mme la ministre des transports. Les variations peuvent être très importantes d’une année à l’autre, pour les dépenses d’investissement comme pour les dépenses de fonctionnement. Fixer une année de référence, c’est figer les choses.
M. André Reichardt. Non !
M. Julien Denormandie, ministre. Cela étant, ayant les chiffres sous les yeux, je crois comprendre pourquoi vous avez choisi 2018… (Sourires.) C’est de bonne guerre !
M. François Grosdidier. Il faut savoir être intelligent de temps en temps !
M. Julien Denormandie, ministre. Exactement ! (Nouveaux sourires.)
En tout état de cause, la pratique habituelle est de procéder à un nivellement sur plusieurs années. Le calcul est ainsi plus représentatif de la réalité des choses.
Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Les opérations routières réalisées par la Collectivité européenne d’Alsace à compter du 1er janvier 2021 sur le réseau routier transféré en application de l’article 3 de la présente loi demeurent éligibles au financement des futurs contrats de plan État-Région. Leur inscription éventuelle dans ces contrats s’opère dans les conditions de droit commun, en fonction de l’intérêt des opérations en cause pour le territoire et sous réserve d’une convention dédiée conclue avec les autres partenaires.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi le principe d’éligibilité au financement par les contrats de plan État-région des futures opérations routières menées par la Collectivité européenne d’Alsace sur le réseau routier national transféré à compter du 1er janvier 2021, eu égard à leur caractère structurant et à leur rôle de desserte à l’échelle routière européenne.
C’est à nos yeux une question d’équité à l’échelon national. L’État doit continuer de s’engager pour l’aménagement des itinéraires structurants de manière homogène sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous émettons, madame la présidente, un avis favorable sur cet amendement. Nos collègues craignent que, à la suite du transfert de la voirie nationale non concédée au département d’Alsace, celui-ci ait à assumer seul le coût de l’ensemble des travaux sur la voirie transférée.
En l’état du droit, rien n’empêche l’État de subventionner des opérations dont le maître d’ouvrage est un département, que ce soit dans le cadre du CPER ou pas. Cependant, cet amendement est de nature à rassurer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Je comprends pleinement votre préoccupation, monsieur le sénateur, mais, comme l’a relevé très justement Mme la rapporteur, cet amendement n’est pas utile. J’y suis donc défavorable, sachant bien que le Sénat n’aime guère adopter des dispositions législatives inutiles…
Mme la présidente. Les amendements nos 52 et 36 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
I. – Le département d’Alsace succède aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin dans tous leurs biens, droits et obligations, ainsi que dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles en cours à la date de sa création.
Le transfert de ces biens, droits et obligations est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun droit, ni d’aucune indemnité ou taxe, ni de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts.
Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties. Les cocontractants sont informés de la substitution de personne morale par le président du conseil départemental. La substitution de personne morale aux contrats antérieurement conclus n’entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant.
Le département d’Alsace succède aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin dans toutes les délibérations et actes pris par ces derniers. Ces actes et délibérations demeurent applicables, dans le champ d’application qui était le leur avant la fusion, jusqu’à leur remplacement, pour ceux qui ont un caractère réglementaire, par de nouveaux actes et délibérations applicables sur le territoire du département d’Alsace. Ces nouveaux actes et délibérations s’appliquent au plus tard le 1er janvier 2027.
II. – Le département d’Alsace est substitué aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au sein des syndicats mixtes, des groupements de collectivités ou de toute personne morale ou organisme extérieur dont ils sont membres à la date de sa création.
Les statuts des syndicats mixtes concernés existant à la date de promulgation de la présente loi sont mis en conformité avec le présent article dans un délai de neuf mois à compter de la création du département d’Alsace.
III. – Le département d’Alsace est substitué, à la date de sa création, aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au sein des commissions et instances présidées par le représentant de l’État dans le département, dont ils étaient membres.
IV. – Pour l’exercice 2021, l’article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales est applicable au département d’Alsace, sur la base du cumul des montants inscrits aux budgets de l’année précédente, ainsi que des autorisations de programme et d’engagement votées au cours des exercices antérieurs, par les anciens départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin auxquels il succède.
Pour ce même exercice, le département d’Alsace est compétent pour arrêter les comptes administratifs des anciens départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, dans les conditions prévues à l’article L. 1612-12 du même code.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1, 4, première phrase, 5, 7 et 9
Remplacer les mots :
Le département
par les mots :
la Collectivité européenne
II. – Alinéas 4, deuxième phrase, 6
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
III. – Alinéas 5 et 7
Remplacer le mot :
substitué
par le mot :
substituée
IV. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
Cet amendement est relatif à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Il s’agit d’un amendement de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
Le sous-amendement n° 110 rectifié, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Amendement n° 70
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
4, première phrase,
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
Alinéas 4, deuxième phrase, 6
par les mots :
Alinéa 6
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Ce sous-amendement vise à supprimer l’alinéa 4 de l’article 7.
Par le biais de cet alinéa, la commission a jugé opportun d’introduire un délai d’harmonisation des réglementations départementales en vigueur, après la création de la Collectivité européenne d’Alsace.
Cette mesure transitoire prévoit que les actes et délibérations demeurent en vigueur, dans le champ d’application qui était le leur avant la fusion, jusqu’à leur remplacement, pour ceux qui ont un caractère réglementaire, par de nouveaux actes et délibérations applicables sur le territoire de la Collectivité européenne d’Alsace. Ce remplacement devrait intervenir au plus tard le 1er janvier 2027.
En d’autres termes, pendant une période de six ans, certaines normes adoptées par les anciens départements demeureraient en vigueur jusqu’à leur remplacement. Nous sommes dubitatifs. Cette dérogation vise-t-elle à garantir la continuité du service public et de l’exercice des compétences départementales ?
Quoi qu’il en soit, dans ses modalités concrètes d’organisation, le délai d’harmonisation prévu semble source d’insécurité juridique. Doit-on en conclure que, au-delà du 1er janvier 2027, les législations non harmonisées cesseront de produire leurs effets ?
En outre, cette disposition dérogatoire au principe d’égalité, justifiée en l’espèce par le regroupement interdépartemental, a vocation à être transitoire. Dans cette perspective, le choix de fixer le délai à six ans nous apparaît improvisé et insuffisamment fondé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 110 rectifié ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable, madame la présidente.
La création d’une nouvelle collectivité par regroupement, que soit une commune, une région ou un département, demande beaucoup d’énergie et de temps, et est facteur d’instabilité.
La commission a donc souhaité introduire dans le texte, pour la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace, le dispositif qui avait été mis en place pour la fusion des régions, afin de donner à la nouvelle collectivité le temps de s’organiser. Nous souhaitons le maintien de ce délai de six ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Ce délai de six ans, sauf erreur de ma part, madame la rapporteur, a été introduit pour la première fois dans la loi NOTRe.
Je comprends la préoccupation de Mme la sénatrice Schillinger et m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 110 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que l’amendement n° 70 rectifié est défendu et que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Puis-je considérer que cet amendement est adopté ?…
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Les amendements nos 53 et 37 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Jusqu’au prochain renouvellement des conseils départementaux, le conseil départemental d’Alsace est composé de l’ensemble des conseillers départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Le président est élu dès la première séance de l’assemblée suivant la création du département d’Alsace, dans les conditions prévues à l’article L. 3122-1 du code général des collectivités territoriales.
II. – Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux d’Alsace est égal à la somme du nombre de cantons des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin tel que défini à l’article L. 191-1 du code électoral.
III (nouveau). – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 280, sont insérés deux articles L. 280-1 et L. 280-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 280-1. – Pour l’application du 2° de l’article L. 280, le conseil régional du Grand Est procède, dans le mois qui suit son élection, à la répartition de ses membres élus dans la section départementale correspondant au département d’Alsace entre les collèges chargés de l’élection des sénateurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
« Le nombre de membres à désigner pour faire partie des collèges électoraux sénatoriaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin est déterminé en fonction de la population respective de ces deux départements, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
« Le conseil régional désigne d’abord ses membres appelés à le représenter au sein du collège électoral du département du Haut-Rhin.
« Chaque conseiller ou groupe de conseillers peut présenter avec l’accord des intéressés une liste de candidats en nombre au plus égal à celui des sièges à pourvoir.
« L’élection a lieu au scrutin de liste sans rature ni panachage. Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne.
« Lorsque les opérations prévues aux trois alinéas précédents ont été achevées, les membres du conseil régional mentionnés au premier alinéa qui n’ont pas encore été désignés font de droit partie du collège électoral sénatorial du département du Bas-Rhin.
« Celui qui devient membre du conseil régional entre deux renouvellements, en remplacement d’un membre mentionné au premier alinéa, est réputé être désigné pour faire partie du collège électoral sénatorial du même département que le conseiller qu’il remplace.
« Le représentant de l’État dans la région notifie au représentant de l’État dans chacun des deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin les noms des conseillers désignés pour son département en vue de l’établissement du tableau des électeurs sénatoriaux mentionné à l’article L. 292.
« Art. L. 280-2. – Pour l’application du 3° de l’article L. 280, les conseillers départementaux d’Alsace sont membres du collège électoral appelé à élire les sénateurs du Bas-Rhin ou du Haut-Rhin, selon que la commune siège du bureau centralisateur du canton dans lequel ils ont été élus est située dans l’un ou l’autre de ces départements. »
2° Aux troisième et quatrième colonnes du tableau n° 7 annexé, les neuvième et dixième lignes sont remplacées par une ligne ainsi rédigée :
« |
Alsace |
60 |
». |
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, n’est pas soutenu.
Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 122 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 111, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. L’amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 158, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les conseillers départementaux de la Collectivité européenne d’Alsace sont élus, à compter du prochain renouvellement général, dans chacun des cantons des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
B. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
la commune siège du bureau centralisateur du canton dans lequel ils ont été élus est située
par les mots :
le canton dans lequel ils ont été élus est situé
C. – Alinéas 15 et 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite rétablir la rédaction initiale de l’alinéa 3 de l’article 8, relatif à l’élection des conseillers départementaux de la Collectivité européenne d’Alsace et par là même supprimer des dispositions relatives à l’élection des conseillers régionaux introduites par la commission des lois.
La commission des lois a supprimé l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour adapter les règles relatives à la composition du collège électoral concourant à l’élection des sénateurs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin qui était prévue à l’article 9 du texte initial. La commission a préféré inscrire ces mesures directement dans le projet de loi.
Le Gouvernement comptait prendre de telles dispositions par ordonnance, mais il a finalement décidé d’approuver une grande partie du travail effectué par la commission. Cependant, la rédaction proposée par la commission nous paraît poser trois difficultés.
Premièrement, le texte de la commission des lois laisse ouverte la possibilité de créer des cantons à cheval sur les deux circonscriptions administratives. Or la rédaction initiale du projet de loi, telle qu’elle avait été validée par le Conseil d’État, l’empêchait, non par principe, mais parce que, en créant de tels cantons, on pourrait se retrouver avec des circonscriptions législatives qui seraient construites par agrégation de cantons et ne respecteraient pas les limites départementales. Ainsi, des électeurs du Haut-Rhin habitant dans un canton rattaché au Bas-Rhin seraient appelés à élire un député du Bas-Rhin. Dans la pratique, cela ne poserait peut-être aucun problème, mais cela pose question en termes de représentativité.
Deuxièmement, à l’argument d’un risque de divergence démographique entre les cantons des deux circonscriptions, nous opposons qu’il sera toujours possible d’adapter le périmètre des cantons par voie réglementaire.
Au-delà, fixer dès maintenant le nombre de cantons dans la loi pourrait aller à l’encontre des dispositions du code général des collectivités territoriales qui renvoient au pouvoir réglementaire pour la modification des limites territoriales des cantons. Surtout, il deviendrait beaucoup plus compliqué de procéder à des adaptations par voie réglementaire. Il faudrait en fait emprunter systématiquement la voie législative.
Une troisième difficulté tient à la détermination du nombre de candidats au conseil régional attribués à la nouvelle section correspondant à la Collectivité européenne d’Alsace. Les alinéas 15 et 16 prévoient de fixer leur nombre à soixante. Il convient en effet que ce nombre soit calculé en fonction des populations actuelles des différentes sections de la région Grand Est, afin de respecter les équilibres démographiques actuels. Le Gouvernement estime cependant que les changements à apporter au code électoral pourront l’être par voie d’ordonnance : c’est l’habilitation prévue à l’article 9 du projet de loi. C’est pourquoi il est proposé de supprimer les alinéas 15 et 16.
Mme la présidente. L’amendement n° 131 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 111 et 158 ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 111, qui vise à supprimer la garantie relative au nombre de cantons dans le futur département alsacien. Nous pensons que cela n’est pas une bonne idée.
Nous émettons un avis de sagesse sur l’amendement n° 158. Nous nous réjouissons que le Gouvernement accepte que nous définissions dans la loi les règles relatives à l’élection des sénateurs. Cela nous paraît essentiel.
Nous entendons aussi que la répartition des cantons entre les ex-départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin pose encore un certain nombre de difficultés et qu’elles pourront être réglées ultérieurement par voie de décret. Peut-être est-il bon, en effet, de continuer à travailler sur cette question, quand bien même le nombre de cantons des départements est déjà fixé par le code général des collectivités territoriales. Il convenait simplement de l’adapter à la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace. Néanmoins, dès lors que les règles concernant l’élection sénatoriale sont maintenues et fixées dans la loi, la commission émet un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 111 ?
Mme la présidente. Madame Schillinger, l’amendement n° 111 est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 111 est retiré.
La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l’amendement n° 158.
M. André Reichardt. Il est écrit en toutes lettres, dans la déclaration de Matignon, que « les conseillers de la Collectivité européenne d’Alsace seront élus en binôme dans les quarante cantons actuels du périmètre alsacien ». Je n’ose croire que le Gouvernement ne compte plus tenir cet engagement, monsieur le ministre ! Ce serait très grave ! Je souhaite retrouver cette formulation à l’identique dans la loi.
Il est par ailleurs amusant de voir le Gouvernement se référer à l’avis du Conseil d’État à deux reprises dans l’objet de son amendement. Il s’appuie sur le Conseil d’État quand il en a besoin, mais s’assoit sur son avis sur la dénomination de la nouvelle collectivité ou son caractère de département, par exemple ! Après trois jours de débats, je ne sais toujours pas quelle est véritablement la position du Gouvernement à l’égard de l’avis du Conseil d’État…
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. On voit toute la difficulté de faire du « cousu main », pour reprendre les mots employés hier par Mme la ministre.
Cela étant, je suis tenté de conseiller à mes collègues de voter l’amendement du Gouvernement, eu égard notamment à l’argument de la nécessité de maintenir les deux circonscriptions législatives. Ne donnons pas, par une rédaction inaboutie sur le plan technique, un argument au Gouvernement pour faire de la nouvelle collectivité européenne un unique département du point de vue de l’administration de l’État. Soyons prudents et attentifs aux motivations des uns et des autres !
Vous aurez noté, cher collègue Reichardt, que le Gouvernement n’a pas été à l’initiative du retour à la dénomination de « collectivité ». En commission des lois, nous avions proposé de retenir l’appellation « département », mais à aucun moment, au cours du débat en séance publique, je ne suis revenu sur ce point. Les Alsaciens sauront désormais qu’il y a un département du Haut-Rhin, un département du Bas-Rhin et une Collectivité européenne d’Alsace, qui est elle-même un département… La clarification est extraordinaire ! (Sourires.)
Mme la rapporteur nous a appelés à la sagesse ; la sagesse vaut peut-être aussi prudence à l’égard de ce que pourrait inventer un gouvernement à venir. Je ne doute pas que la promesse faite par Mme Gourault sera tenue, mais allez savoir ce qui se passera en 2021 et après…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. Lors des discussions préalables, nous avons manifesté à plusieurs reprises la volonté de préserver les circonscriptions départementales. C’est important en vue des élections sénatoriales, mais pas seulement. Il serait bon que ce principe puisse être entériné dans le texte. Je ne vois donc pas d’inconvénient à l’adoption de l’amendement du Gouvernement. Nous ne sommes pas particulièrement accueillants pour les amendements gouvernementaux ce soir, mais nous n’avons pas besoin de nous y opposer systématiquement, dès lors que nous estimons qu’ils peuvent marquer une avancée.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur Reichardt, il est en effet indiqué, à la page 10 de la déclaration commune, que « les conseillers de la Collectivité européenne d’Alsace seront élus en binôme dans les 40 cantons actuels du périmètre alsacien ».
L’amendement du Gouvernement soulève la question, qui se pose partout sur le territoire, de l’évolution du nombre de cantons et de leur périmètre. L’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales renvoie au pouvoir réglementaire le soin de modifier les limites territoriales des cantons, de créer ou de supprimer des cantons et de transférer le siège de leur chef-lieu. Cela donne une plus grande agilité pour procéder à des adaptations.
Mme la présidente. Les amendements nos 54 et 38 ne sont pas soutenus
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
En vue de la création du département d’Alsace au 1er janvier 2021 sur le fondement de l’article L. 3114-1 du code général des collectivités territoriales, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Adaptant les modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement de celui-ci, et fixant les dispositions transitoires applicables jusqu’au renouvellement général des conseils départementaux ;
2° Adaptant le territoire d’intervention et les modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement de tout établissement ou organisme institué par la loi ;
3° Précisant les modalités de transfert des fonctionnaires et agents contractuels, y compris les personnels détachés sur les emplois fonctionnels ;
4° Précisant et complétant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables au département d’Alsace, ainsi que celles relatives aux concours financiers de l’État, aux relations financières avec les autres collectivités et à la péréquation des ressources fiscales ;
5° Précisant les règles applicables aux relations entre le département d’Alsace et le représentant de l’État sur son territoire ;
6° Modifiant les références en droit électoral aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ou aux membres de leurs assemblées délibérantes qui ne peuvent être maintenues, notamment lorsqu’elles constituent le cadre d’un mode de scrutin ;
7° (Supprimé)
8° Adaptant et clarifiant les règles relatives aux inéligibilités et aux incompatibilités prévues par le code électoral, sur le ressort du département d’Alsace ;
9° Adaptant les références aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin dans toutes les dispositions législatives en vigueur susceptibles d’être applicables au département d’Alsace.
Le projet de loi de ratification de chaque ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de chaque ordonnance.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 24 est présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
L’amendement n° 144 est présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 24 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 144.
Mme Laurence Cohen. On le sait, notre groupe n’est absolument pas favorable au recours aux ordonnances, qui revient à déposséder totalement le législateur de ses prérogatives. Cela est encore plus vrai quand il s’agit d’un texte aussi fourni et complexe que celui-ci.
Si l’on peut comprendre que le Gouvernement demande une habilitation à légiférer par ordonnance pour supprimer les références aux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin figurant dans les divers codes et dispositions législatives, nous ne pouvons approuver une telle demande quand il s’agit des relations entre le département et l’État, de modifications du droit électoral ou des modalités de transfert des fonctionnaires et agents, par exemple.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est défavorable.
Par principe, le Sénat n’est pas favorable au recours aux ordonnances, qui le dessaisit de son pouvoir législatif. Toutefois, en l’espèce, pour un certain nombre de dispositions relatives à l’organisation pratique de la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace, il est nécessaire de recourir aux ordonnances, sachant que nous en avons déjà largement circonscrit le contenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 72 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 123 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 1 et 9
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
II. – Alinéas 5 et 10
Remplacer les mots :
au département
par les mots :
à la Collectivité européenne
III. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements nos 55 et 39 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi :
1° Tendant, afin de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes situés sur le territoire du département d’Alsace, à instaurer des contributions spécifiques versées par les usagers concernés ;
2° (Supprimé)
3° Précisant les conditions dans lesquelles le département d’Alsace continue d’assurer les engagements de l’État portant sur les routes qui lui sont transférées et liés à la mise en service de l’autoroute A355.
Le projet de loi de ratification de chaque ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de chaque ordonnance.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 25 est présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.
L’amendement n° 58 est présenté par M. Grosdidier.
L’amendement n° 145 est présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 25 n’est pas soutenu.
La parole est à M. François Grosdidier, pour présenter l’amendement n° 58.
M. François Grosdidier. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 145.
Mme Laurence Cohen. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous sommes défavorables à ces amendements de suppression totale de l’article 10. Il convient de maintenir l’habilitation concernant la subrogation du département d’Alsace à l’État pour assurer les engagements pris à l’égard de la société concessionnaire de l’A355.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 et 145.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 138, présenté par MM. Todeschini, Mizzon et Jacquin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cet amendement prend tout son sens après l’adoption de l’amendement n° 107 rectifié ter de M. Reichardt, modifié par le sous-amendement n° 161 de M. Todeschini. Il semble pertinent de supprimer l’alinéa 2 de l’article, qui prévoit une habilitation à prendre par ordonnances les mesures « tendant, afin de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes situés sur le territoire du département d’Alsace, à instaurer des contributions spécifiques versées par les usagers concernés ».
Jean-Marc Todeschini et moi-même avions l’intention de voter contre le texte au motif que l’écotaxe sur les poids lourds ne s’appliquerait pas en Lorraine. Cet obstacle étant désormais levé, nous n’avons plus de raisons d’émettre un tel vote.
Mme la présidente. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel et Kern et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Précisant les modalités de mise en œuvre des contributions spécifiques créées à l’article 3 … de la présente loi pour permettre de maîtriser le trafic routier de marchandises sur les axes situés sur le territoire de la Collectivité européenne d’Alsace ;
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Après l’adoption de l’amendement n° 107 rectifié ter de M. Reichardt, modifié par le sous-amendement n° 161, nous souhaitons que le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances se limite à la détermination des modalités de mise en place de la régulation du trafic de poids lourds.
Mme la présidente. L’amendement n° 155, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
situés sur le territoire
par le mot :
relevant
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. L’objet de cet amendement est de rétablir la rédaction initiale concernant l’habilitation à instaurer par ordonnances des contributions spécifiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par MM. Todeschini, Mizzon et Jacquin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
du département d’Alsace
par les mots :
des départements d’Alsace, de la Moselle, de Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des Vosges
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. L’amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 73 rectifié bis est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 124 rectifié est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendement identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Quel est l’avis de la commission sur les autres amendements faisant l’objet de la discussion commune ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous sommes favorables à l’amendement n° 138 et nous sollicitons le retrait des amendements nos 95 rectifié, 155 et 134. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 138, 95 rectifié et 134.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis bien évidemment défavorable à l’amendement n° 155 du Gouvernement, qui n’a de toute façon plus d’intérêt depuis l’adoption de l’amendement n° 107 rectifié ter.
Monsieur le ministre, si l’on inscrivait dans le texte que les taxes ne s’appliquent que sur les routes relevant de la Collectivité européenne d’Alsace, le problème se serait posé des routes susceptibles d’être transférées à l’eurométropole en vertu de la loi Maptam ! Admettez donc que les élus peuvent de temps en temps faire preuve d’un peu d’intelligence, et pas seulement les services de l’État…
Quoi qu’il en soit, ce transfert de voiries va être source de complexité. En ce qui concerne l’autoroute A355, l’État s’est engagé à indemniser le concessionnaire, Vinci, dans le cas où la circulation des poids lourds ne se déporterait pas sur cette voie de contournement à péage. Or cela suppose la conversion de l’autoroute A35 en un boulevard urbain pour la traversée de Strasbourg, ce qui représente une dépense non négligeable et donnera lieu à discussions entre la Collectivité européenne d’Alsace, le Gouvernement et l’eurométropole. En la matière, le projet de loi ne règle rien.
En tout état de cause, l’adoption de l’amendement n° 107 rectifié ter de M. Reichardt résout le problème que posait le Gouvernement : toutes les routes fréquentées par les poids lourds en Alsace seront à péage, y compris le contournement.
MM. Guy-Dominique Kennel et André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je soutiens l’amendement n° 138, qui exprime une solidarité. On peut difficilement soutenir une région qui veut le meilleur pour elle-même, qui a de l’ambition, sans soutenir la région voisine, qui veut éviter le pire. Le compromis que nous avons trouvé ce soir va dans le bon sens.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 95 rectifié, 155, 134, 73 rectifié bis et 124 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 156, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Précisant et complétant les dispositions relatives au transfert des routes nationales non concédées mentionnées à l’article 3 de la présente loi, notamment les prescriptions techniques et les règles de police de la circulation applicables au réseau routier transféré ;
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’habilitation pour les règles de police de la circulation applicables au réseau routier transféré à la Collectivité européenne d’Alsace, qui a été supprimée par la commission des lois.
Les règles de circulation comportent de nombreuses exceptions en fonction des voies concernées. Ainsi, pour les routes à grande circulation, le passage des ponts relève du préfet, tandis que les intersections relèvent conjointement du préfet et du président du département. Il faut donc pouvoir harmoniser les règles après avoir examiné les conséquences de leur transfert ou de leur maintien sous telle ou telle autorité, d’où la légitimité de recourir aux ordonnances en l’espèce.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est défavorable, ces problématiques de pouvoir de police des autoroutes ayant été réglées directement dans le texte du projet de loi.
Si les routes nationales et les autoroutes sont transférées à la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace, qui est un département, il nous semble logique que le président du conseil départemental exerce cette compétence, après avis du préfet, régulateur des itinéraires routiers.
Les dispositions introduites par la commission ont été rédigées de manière à éviter les difficultés que vous avez soulevées, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le Gouvernement vient de nous démontrer qu’il n’a rien compris ! Il a voulu imposer la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure dans toute la France, au lieu de permettre à chaque département de moduler selon les cas : on a vu le résultat !
En l’occurrence, alors que l’on transfère à la nouvelle collectivité la pleine compétence pour le réseau routier dans la vallée supérieure du Rhin et la charge financière correspondante, le Gouvernement voudrait que ce soit toujours le préfet qui commande, pensant sans doute que l’État est plus intelligent ! Comme si le président du conseil départemental n’était pas entouré de services compétents !
Cela prouve bien que l’État n’est pas décentralisateur et que la déclaration commune de Matignon est un leurre. La région Grand Est, ce que je peux comprendre, ne cède aucune compétence, et l’État ne cède les routes que pour ne plus avoir à financer leur entretien. Quant à la taxe, nous verrons ce qu’il en sera lorsque le texte reviendra au Sénat, après ce que vous aurez obtenu des marcheurs à l’Assemblée nationale !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Marie Bockel. Excessifs !
M. Jacques Bigot. Mais tellement vrais !
M. Julien Denormandie, ministre. C’est la sagesse sénatoriale…
L’attribution de la responsabilité en matière de police varie selon le type de route ou d’ouvrage. Pour faire la répartition en tenant compte du transfert de compétences, il nous semble préférable de procéder par ordonnances, car c’est un travail de dentelière. La position du Gouvernement est cohérente.
En ce qui concerne la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure, le Président de la République et le Premier ministre ont été clairs et ont entendu les élus de terrain. Pour l’ingénieur agronome que je suis, le terrain, ça compte beaucoup !
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voterai naturellement contre le rétablissement de cet alinéa, d’abord par cohérence. Nous avons en effet voté, à l’article 3, le transfert du pouvoir de police au président de la Collectivité européenne d’Alsace.
Par ailleurs, il faut resituer ce transfert de routes et d’autoroutes non concédées dans son contexte. Les présidents de département l’ont souhaité pour pouvoir instaurer un dispositif de régulation du transit de poids lourds et pour ne pas être voués à rester les bras ballants devant d’éventuels usages abusifs de ce réseau routier et autoroutier.
Mme la présidente. Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 162 est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 163 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements nos 26, 27, 56 et 40 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
À l’exception de l’article 1er bis, du I de l’article 2, du II de l’article 2 bis, du troisième alinéa du I de l’article 3, du II de l’article 4 et des articles 9 et 10, la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2021. Pour l’application de l’article L. 132-1 du code du tourisme, entre le lendemain de la publication de la présente loi et le 1er janvier 2021, les mots : « sur le territoire du département d’Alsace » sont remplacés par les mots : « sur le territoire des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ».
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par M. Masson et Mme Kaufmann, n’est pas soutenu.
Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 74 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 125 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements nos 57 et 41 ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Intitulé du projet de loi
Mme la présidente. Nous en arrivons à deux amendements identiques relatifs à la dénomination de la collectivité créée par le projet de loi. Ce sont des amendements de conséquence avec les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er.
L’amendement n° 64 rectifié est présenté par MM. Danesi et Kern, Mme Keller et MM. Brisson, Laménie et Sido.
L’amendement n° 115 est présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
du département
par les mots :
de la Collectivité européenne
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de considérer que ces amendements identiques sont défendus et que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Puis-je considérer que ces amendements sont adoptés ?…
(Les amendements sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je suis satisfait des débats constructifs de ce soir. Ils se sont tenus dans une ambiance quelque peu différente de celle qui prévalait les deux autres soirs…
Je suis également satisfait du compromis qui a été trouvé, empreint d’une certaine solidarité entre l’Alsace et la Lorraine.
Enfin, je suis satisfait que la Collectivité européenne d’Alsace soit un département « plus », comme cela a fort bien été exprimé.
Je remercie tout particulièrement notre rapporteur, Agnès Canayer, pour son excellent travail, pour le compromis qu’elle a su trouver.
Je remercie également le président de la commission des lois, Philippe Bas, pour ses interventions pertinentes au moment opportun.
Je formulerai toutefois une petite déception, comme lors de la discussion générale : celle que la Collectivité européenne d’Alsace n’ait pas obtenu le statut de collectivité à statut particulier, comme nous l’avions demandé.
Une chose est sûre en tout cas : il est important, voire urgent, monsieur le ministre, de procéder à une évaluation, à une révision en profondeur, voire à une remise en cause de la loi NOTRe. Nous comptons sur vous à cet égard.
En conclusion, eu égard aux quelques avancées qui ont été obtenues par rapport au texte initial, je voterai en faveur de l’adoption de ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. Je n’ajouterai que quelques compléments à l’excellent propos de Claude Kern.
Certains annonçaient un débat tendu, difficile, au cours duquel la somme des frustrations et des non-dits aurait pu entraîner des dérapages, toujours très longs à rattraper. Finalement, nous avons abouti à un compromis somme toute dynamique, ouvert et qui trace des perspectives. C’est un point positif.
Je fais partie de ceux – ce n’était pas la position de tout le monde au départ – qui étaient attachés au compromis de Matignon. Cette démarche n’est pas un leurre. Elle avait des qualités et des défauts, mais elle a permis de rassembler des personnes aux positions très diverses, entre ceux qui pensaient qu’il ne pouvait pas y avoir de salut hors de la sortie du Grand Est et ceux qui considéraient que les choses finiraient bien par s’arranger. Ce compromis est quelque chose d’important. D’ailleurs, sans lui, nous ne serions pas là à débattre !
En ce qui concerne nos débats justement, diverses questions ont émergé, notamment hier soir, et je suis heureux que nous ayons joué notre rôle de législateur. Nous n’avons pas simplement entériné un compromis. Nous étions conscients des risques, élevés, de désaccord, mais cette appréhension a eu son utilité, car elle nous a permis de nous écouter et de nous respecter.
Tout cela a été rendu possible par le très sérieux travail fourni par la commission des lois, notamment par son président et sa rapporteur ; je le dis sous le contrôle de la présidente de séance, qui appartient à cette commission.
Nous avons aussi mené un véritable débat avec le Gouvernement, représenté notamment par Mme Gourault. Nous avons eu des désaccords, mais les choses se sont déroulées de manière constructive.
Ce contexte est d’autant plus important que l’affaire n’est pas terminée… Il faut naturellement souhaiter que le Gouvernement, même si ce n’était pas son idée de départ, et l’Assemblée nationale prennent pleinement en compte les améliorations apportées au texte par le Sénat. Chacun d’entre nous pourra d’ailleurs faire passer un message aux députés, qu’ils soient élus d’Alsace, du Grand Est ou du reste de la France : tenez compte de la créativité du Sénat et des dispositions constructives qu’il a adoptées !
Nous devons faire en sorte que les conditions soient réunies, pour que, à la fin, nous trouvions un bel accord. Il y va de l’intérêt de l’Alsace, du Grand Est et de la Nation tout entière.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Tout d’abord, je voudrais moi aussi remercier très chaleureusement notre rapporteur, Agnès Canayer, qui s’est beaucoup investie sur ce texte et qui a fait preuve d’une grande qualité d’écoute – je lui en suis reconnaissant. Je remercie également les collègues de la commission des lois, en premier lieu son président, Philippe Bas, de l’important et précieux travail d’analyse réalisé.
Grâce à ce travail, nous avons pu améliorer ce projet de loi, qui, dans sa version initiale, je le répète, était particulièrement minimaliste.
Pour autant, mes chers collègues, j’ai le regret de dire que le compte n’y est pas ! Le résultat de nos travaux est assurément trop éloigné des attentes des Alsaciens, telles qu’elles ressortent des trois sondages réalisés ces deux dernières années et dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises durant nos débats.
Mes exigences pour une institution alsacienne qui ait du sens sont-elles trop élevées ? Je ne le crois pas. Pour moi, l’Alsace est un territoire à part entière, avec trois composantes : un espace clairement défini, une identité affirmée et des projets de dimension européenne.
Certains collègues estiment que ce texte est une première étape, qui sera suivie par d’autres. Suis-je donc trop pressé et impatient ? Je ne le crois pas non plus.
Tout d’abord, pourquoi les Alsaciens devraient-ils attendre plus longtemps pour retrouver leur région, tandis que d’autres territoires – je pense, par exemple, à nos amis bretons – ne l’ont jamais perdue ?
Ensuite, je ne pense pas qu’il y aura d’autres étapes demain ; en tout cas, j’en doute fortement. Si l’on avait voulu nous donner davantage, on l’aurait fait dès aujourd’hui !
De la même manière, permettez-moi de douter de l’adoption prochaine d’une révision constitutionnelle qui introduirait le droit à la différenciation dans notre pays. Je n’y crois même pas du tout ! Les esprits sont trop éloignés d’une telle évolution. J’en veux pour preuve l’adoption, la nuit dernière, de l’amendement ayant pour objet de permettre à tous les départements de métropole et d’outre-mer de se saisir des mêmes compétences que celles qui sont dévolues à la Collectivité européenne d’Alsace.
Pour moi, ce texte de loi n’est pas une étape : j’ai bien l’impression que, du point de vue du Gouvernement et de la région Grand Est, qui considèrent certainement que le débat est clos, c’est un aboutissement.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. André Reichardt. Pour moi, le débat n’est pas clos. En mon âme et conscience, je ne puis me résoudre à voter ce texte. Je vais donc voter contre et j’assumerai ce choix devant les Alsaciens !
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. À mon tour, je voudrais saluer le travail de notre rapporteur, à laquelle le président Bas avait confié une mission extrêmement délicate – comme toujours, il a parfaitement bien choisi la personne à qui confier une telle mission.
Nous avons vu que le débat a permis de faire évoluer les choses. À l’origine, j’étais très opposé à ce texte, au point de soulever l’exception d’irrecevabilité – c’était une première pour moi en vingt-cinq ans de vie parlementaire. Il me semblait en effet totalement inacceptable que l’État n’apporte une réponse, par ailleurs totalement inappropriée, qu’à une fraction du territoire métropolitain, alors que les mêmes questions se posent à tous.
Plus que d’un changement constitutionnel, la France a absolument besoin d’un nouvel élan de décentralisation. Les territoires ont besoin de reconnaissance !
La revendication alsacienne, que ce soit celle d’un département dérogeant au droit commun ou celle d’une collectivité à statut particulier, me paraissait contraire à la Constitution, parce qu’elle se fondait sur un critère culturel, et non démographique – je pense au statut de Paris – ou géographique – je pense à la Corse, qui est une île.
Pour autant, tous les territoires ont besoin de voir leur identité reconnue, alors que ces identités ont été bafouées, rayées de la carte, lors de la création des grandes régions.
Tous les territoires ont également besoin d’une véritable décentralisation – elle n’existe pas encore en France. En effet, l’État ne lâche pas prise ! Au lieu de mieux s’occuper de ses compétences régaliennes, sur lesquelles il est en faillite, il continue à s’immiscer dans les compétences décentralisées, y compris dans leur mise en œuvre concrète.
Une commune ne peut pas faire un plan local d’urbanisme, sans qu’un fonctionnaire de la direction départementale des territoires vienne lui expliquer comment faire. Les départements n’ont aucune latitude dans la gestion de leurs compétences.
S’il existe encore des doublons aujourd’hui, ils sont entre l’État et les collectivités ! C’est la France entière qui a besoin de décentralisation. Nous avons fait un pas, et l’Alsace obtient partiellement satisfaction, sans rupture d’égalité. Nous avons pu montrer très concrètement à quel point le département voisin de la Moselle était objectivement dans la même situation. Mais les autres départements français ont également besoin d’une évolution.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Grosdidier. Nous n’avons pas affaibli la région, ni créé une situation complètement paradoxale, dans laquelle, de Strasbourg, la région aurait géré l’économie en Lorraine et en Champagne-Ardenne.
Mme la présidente. Je vous demande de conclure, mon cher collègue !
M. François Grosdidier. Je voterai finalement pour ce texte, qui, sans nos amendements, aurait été contraire à la Constitution !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. Je souhaite tout d’abord exprimer un regret : l’examen de ce projet de loi a été inscrit à notre ordre du jour sur trois soirées. Il aurait certainement été possible de trouver un autre créneau. Un tel débat le méritait !
Mme Patricia Schillinger. Je suis d’accord !
M. Guy-Dominique Kennel. Je le regrette. Pour autant, nous avons eu ce soir un débat apaisé, qui nous a permis d’avancer rapidement.
Je me joins aux remerciements qui ont été exprimés à l’endroit du président de la commission des lois et de la rapporteur. La sagesse de Philippe Bas est reconnue par tous, et elle s’est notamment manifestée ici dans la désignation d’Agnès Canayer comme rapporteur. Le travail ne s’annonçait pas facile, mais il a été excellemment mené. Agnès Canayer vaut largement l’admiration dont je lui avais fait part dès le départ !
Par ailleurs, je suis fier d’appartenir à cette maison, car nous avons réussi, notamment ce soir, à mener des discussions constructives, qui ont permis d’améliorer très profondément ce texte. Ce projet de loi manquait de substance, c’était quasiment une coquille vie ; le Sénat, dans sa sagesse et sa diversité, a réussi à lui donner une colonne vertébrale.
Il s’agit maintenant de poursuivre ce mouvement. Pour cela, le bicamérisme doit être pleinement reconnu : je souhaite que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne dénaturent pas le texte issu des travaux du Sénat et que la commission mixte paritaire puisse ensuite trouver une issue favorable.
Je ne voterai pas contre ce texte, même si je n’en suis pas pleinement satisfait – tant s’en faut ! Sans nous singulariser, nous avons ouvert une voie, en particulier pour d’autres territoires qui voudraient se saisir de notre démarche. Je voterai donc ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je voudrais tout d’abord demander à M. le ministre de dire à Mme Gourault que, si les débats étaient moins apaisés les soirs précédents, ce n’était pas de sa faute… (Sourires.) Personne n’en doutait, mais il faut que les choses soient claires ! (Nouveaux sourires.)
Je m’associe naturellement aux remerciements qui ont été exprimés. C’était un travail complexe, et je reconnais que Mme Gourault a essayé de trouver une solution dans un conflit qui opposait finalement des élus du même parti : d’un côté, le président de la région, et, de l’autre, les deux présidents de département. Dans un contexte de recomposition et de mise en œuvre de la loi NOTRe, trouver une solution n’était pas chose facile.
La fusion des départements a été proposée, c’est sans doute une bonne chose. Je crois qu’elle s’inscrit dans l’esprit de la mise en place du pôle métropolitain entre Strasbourg et Mulhouse, que Jean-Marie Bockel et moi-même avions soutenue. Les territoires doivent se coordonner, non s’opposer – je crois d’ailleurs que c’est ce que nous avons réussi à faire ce soir avec la Lorraine.
Mardi dernier, le président de la commission des lois évoquait, en parlant de la nouvelle collectivité, un pâté d’alouettes. Personnellement, je sens beaucoup plus la viande de cheval que les quelques morceaux d’alouette… Ainsi, ce département, dénommé « Collectivité européenne », n’a rien de particulièrement européen, hormis un vague schéma qui, à mon avis, n’ira de toute façon pas très loin, puisque les compétences ne sont pas là.
Monsieur le ministre, le Gouvernement doit certes accomplir des efforts en matière de déconcentration, mais il doit surtout en faire en faveur de la décentralisation. Nous en sommes loin ! Même la loi NOTRe n’a pas donné aux grandes régions les moyens d’exercer leurs compétences. Il est pourtant indispensable que la France avance dans ce sens.
Le groupe socialiste et républicain a décidé de s’abstenir, ce que je ferai également. Il est logique que nous soutenions la fusion des départements – c’est la volonté des élus de ces collectivités –, mais il n’y a pas vraiment de quoi pavoiser dans ce texte.
Je ne serai pas aussi dur que notre collègue André Reichardt, qui souhaite une collectivité unique, mais il ne faut en tout cas pas faire croire aux Alsaciens que la nouvelle collectivité en est une.
Nous verrons bien, à partir de 2021, comment ce département, la Collectivité européenne d’Alsace, se comportera.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Bigot. Le Gouvernement aura peut-être décidé, d’ici là, de donner plus de pouvoirs aux régions. (M. Olivier Jacquin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je ne représente ni le Haut-Rhin, ni le Bas-Rhin, ni la Moselle, mais je souhaite moi aussi m’associer aux remerciements qui ont été formulés. Je salue le travail réalisé par la commission des lois, notamment par son président et son rapporteur.
Le travail n’était pas simple, et les questions relatives au fonctionnement et à la gouvernance des collectivités territoriales sont toujours sensibles. Nombre d’amendements avaient d’ailleurs été déposés sur ce texte, et ils ont parfois été défendus avec beaucoup de passion, il faut le reconnaître.
Je représente un petit département – 450 communes, 280 000 habitants –, et il faut bien dire que la loi NOTRe a plutôt complexifié les choses. On affirme souvent qu’il faut simplifier, mais on ne le fait pas en pratique ! C’est pourquoi je m’associe au travail qui a été réalisé sur ce texte.
Deux questions sont particulièrement importantes : la démocratie locale et la relation de confiance entre l’État et les collectivités territoriales – les régions, les intercommunalités ou encore les villages, bourgs et villes, qui constituent l’échelon de proximité de notre organisation. On pourrait aussi évoquer les relations avec l’Europe.
Il nous revient, sur tous ces sujets, de trouver des compromis, des terrains d’entente. C’est pour cette raison que je voterai ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. À mon tour, je veux saluer le travail de dentelle réalisé par notre rapporteur, accompagnée en cela du président de la commission des lois.
Je crois que l’exercice auquel nous nous sommes livrés est assez salutaire, dans la mesure où il nous montre la complexité des débats que nous aurons sur la différenciation. Nous avons bien vu que nous nous trouvions sur une ligne de crête, avec d’un côté l’idée d’une République une et indivisible et de l’autre celle de s’adapter au territoire. Je salue l’esprit de dialogue qui a accompagné nos débats.
Certes, je suis extérieure à l’Alsace, mais ma région, la Bretagne, et la vôtre partagent une chose essentielle : la France ! Je suis heureuse que les Alsaciens soient satisfaits de la réponse qui est apportée à leur aspiration et que, en même temps, nous ayons conservé la nécessaire solidarité avec le reste de la région Grand Est.
Pour terminer, je voudrais simplement répondre à mon collègue André Reichardt. Mon cher collègue, je suis navrée de devoir corriger votre erreur, qui est grave : la Bretagne n’a pas retrouvé sa région lors du dernier redécoupage, puisque l’on nous a privés de l’un de nos cinq départements en 1940, et que rien n’a changé depuis lors. Mais je ne veux pas, ce soir, entamer un débat sur ce sujet ! (Sourires.)
M. François Grosdidier. Quel dommage. Ce serait passionnant ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. Je voudrais à mon tour remercier les membres de la commission des lois, plus particulièrement son président, Philippe Bas, et son rapporteur, Agnès Canayer.
Nos débats ont été de qualité, riches, denses et quelquefois passionnés… Ils ont permis d’apporter de nombreuses améliorations qualitatives au texte initial, et je crois que nous avons abouti à une rédaction qui va aussi loin que possible dans le cadre constitutionnel actuel.
Cela dit, j’ai observé que le Gouvernement a tenté à plusieurs reprises de nous faire revenir sur les termes mêmes de l’accord de Matignon. Je lui demande solennellement de ne pas faire marcher sa majorité de l’Assemblée nationale au son du canon et de ne pas dénaturer notre texte.
En effet, les Alsaciens considèrent que ce projet de loi, même amélioré par le Sénat, ne va pas encore suffisamment loin et ils attendent la révision de la Constitution pour nous permettre de réaliser un second pas, bien plus grand, et retrouver une identité administrative complète.
Dans cet esprit, je remercie particulièrement les collègues qui ont permis de rétablir la dénomination de Collectivité européenne d’Alsace, car elle ouvre le chemin que je viens d’évoquer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je voudrais à mon tour m’associer à l’ensemble des remerciements adressés à Mme la rapporteur et à M. le président de la commission des lois.
Cette semaine, nous avons tour à tour parlé, dans cet hémicycle, des routes de la soie et des routes du vin – il y en a d’ailleurs de fort belles en Alsace… Ce soir, nous sommes quasiment sur la route de la concorde !
En ce qui me concerne, je sais gré aux Alsaciens d’avoir compris la situation des territoires voisins. On ne construit pas son bonheur sur le malheur des autres, ni son développement au détriment de celui des autres ! Cette belle solidarité a permis de trouver un accord quasi unanime et je m’en félicite. Nous avons appris les uns des autres. Et animés de cet esprit d’écoute et de compréhension mutuelle, nous construisons de beaux textes.
Je regrette cependant que la stratégie du Gouvernement et le calendrier qu’il a retenu n’aient pas privilégié un examen global de ces questions dans le cadre de la révision constitutionnelle visant à introduire le droit à la différenciation – l’excellente Françoise Gatel l’a évoqué. Procéder de manière globale aurait pourtant été plus pertinent.
Néanmoins, nous avons abouti à un texte qui est très positif et que je voterai. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi, dont l’intitulé est ainsi rédigé : « Projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace ».
(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller et M. René Danesi applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Sans allonger par trop nos débats, je voudrais remercier nos collègues alsaciens de m’avoir fait découvrir les différentes facettes de cette nouvelle Collectivité européenne d’Alsace. (Sourires.)
Je voudrais aussi remercier l’ensemble de mes collègues de la qualité des débats : ceux-ci ont parfois été vifs, voire enflammés, mais ils démontrent aussi l’engagement constant des sénateurs pour leur territoire. Les sénateurs sont ancrés dans un territoire ; ils ont des racines, d’où ils puisent la vigueur de leurs convictions.
Comme cela a été dit, nous avons cherché à trouver un compromis sur une ligne de crête. Je voudrais d’ailleurs remercier les membres du Gouvernement qui ont participé à nos débats, vous-même, M. le ministre, et bien sûr Mme Gourault, de la qualité de leur écoute.
Nos échanges nous ont permis de construire un texte qui affermit les compétences de l’Alsace, dont la spécificité a été reconnue. En séance publique, nous avons rétabli la dénomination de « Collectivité européenne d’Alsace », sans pour autant porter atteinte aux compétences des autres départements de la région Grand Est.
Nous avons été attentifs à garantir la volonté et l’accord systématique des départements et de la région, pour permettre à l’Alsace d’exister au sein du Grand Est. Nous avons aussi souhaité permettre aux départements qui le souhaitent de prendre, eux aussi, certaines des compétences reconnues à l’Alsace.
Ces débats de qualité nous donnent une idée de ceux que nous aurons sur la réforme de la loi NOTRe, sur l’acte III de la décentralisation, ainsi que sur la difficile question de la différenciation. Souvenons-nous simplement que le Sénat est la chambre des territoires ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je voudrais également remercier très sincèrement Mme la rapporteur – il y avait au moins deux Normands qui parlaient d’Alsace ce soir… Je crois aussi comprendre que j’ai eu la chance de ne participer qu’à cette troisième soirée de débats… J’ai l’impression que j’étais là le bon soir ! (Sourires.)
Je voudrais surtout saluer le travail réalisé sur ce sujet depuis de longs mois par Jacqueline Gourault, que je remplace ce soir parce qu’elle se trouve en Corse. Ce travail intense a abouti à la déclaration commune que chacun connaît et à ce projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous venez d’adopter ouvre aussi un débat beaucoup plus large, celui de la spécialisation, de la différenciation, de la déconcentration et de la décentralisation. Dans cette chambre des territoires que vous incarnez, chacun sait que, quand une politique publique se fait au plus près du territoire, les choses fonctionnent mieux.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Julien Denormandie, ministre. Je reprends volontiers ma casquette de ministre en charge du logement pour vous donner un exemple. Dans ce domaine, la France est découpée en cinq zones – A, A bis, B1, B2 et C. C’est un drame, parce que ce n’est pas avec un tel découpage que l’on met en œuvre une politique publique pertinente. (Mme Françoise Gatel approuve.) Au contraire, avec le plan « Action cœur de ville », nous entendons partir des besoins du territoire.
C’est cet état d’esprit que nous devons dorénavant mettre en avant. Comptez sur nous pour cela ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – M. René Danesi applaudit également.)
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 9 avril 2019 :
À neuf heures trente : trente-six questions orales.
À quatorze heures trente : nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (n° 382, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER