M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Les enjeux d’une politique industrielle européenne ».
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
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Collectivité européenne d’Alsace
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (projet n° 358, texte de la commission n° 413, rapport n° 412).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
I. – Le titre III du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« TITRE III
« DÉPARTEMENT D’ALSACE
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 3431-1. – Sans préjudice des articles L. 1111-8, L. 1111-9 et L. 1111-9-1, et dans le respect des engagements internationaux de la France, le département d’Alsace est chargé d’organiser, en qualité de chef de file, sur son territoire, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de coopération transfrontalière.
« À ce titre, le département d’Alsace élabore un schéma alsacien de coopération transfrontalière. Il associe à son élaboration notamment l’État, la région Grand Est, l’eurométropole de Strasbourg et les autres collectivités concernées, ainsi que leurs groupements.
« Ce schéma comporte un volet opérationnel sur des projets structurants. Il comporte également un volet relatif aux déplacements transfrontaliers et identifie les liaisons routières et ferroviaires pour lesquelles le département d’Alsace est associé à l’élaboration des projets d’infrastructures transfrontalières.
« Art. L. 3431-2. – Le schéma alsacien de coopération transfrontalière doit être compatible avec le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Le schéma de coopération transfrontalière de l’eurométropole de Strasbourg mentionné au deuxième alinéa du VIII de l’article L. 5217-2 doit être compatible avec le schéma alsacien de coopération transfrontalière.
« Art. L. 3431-3. – I. – Le département d’Alsace est chargé d’organiser les modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière, dans le respect des compétences des autres catégories de collectivités territoriales ou de leurs groupements. À ce titre, le volet opérationnel du schéma alsacien de coopération transfrontalière définit les modalités de sa mise en œuvre de la manière suivante :
« 1° Il énumère les projets qu’il propose de réaliser ;
« 2° Il identifie, pour chaque projet, la collectivité ou le groupement chargé de sa réalisation, les compétences concernées des collectivités et groupements et, si besoin, prévoit les conventions de délégation de compétences qu’il leur est proposé de conclure.
« II. – Pour la mise en œuvre du volet opérationnel, lorsque celle-ci nécessite de recourir à la délégation de compétences :
« 1° Chaque projet fait l’objet d’une convention de délégation de compétences distincte ;
« 2° Chaque convention définit précisément les compétences ou parties de compétences déléguées, nécessaires à la réalisation du projet ;
« 3° Chaque convention définit librement sa durée en fonction de celle du projet concerné, ainsi que ses modalités de résiliation par ses signataires ;
« 4° Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut déléguer au département d’Alsace les compétences qu’il s’est vu transférer par ses communes membres.
« Sous réserve du présent II, ces conventions sont soumises à l’article L. 1111-8 lorsqu’elles sont conclues entre collectivités territoriales ou entre le département d’Alsace et un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, et à l’article L. 1111-8-1 lorsqu’elles sont conclues entre une collectivité territoriale et l’État.
« Art. L. 3431-4. – L’État et le département d’Alsace prévoient, dans la convention prévue à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, les recrutements complémentaires, y compris par contrat, des personnels chargés de dispenser un enseignement en langue et culture régionales. Sont prévues également, selon les mêmes modalités, la formation de ces derniers, l’ouverture de classes bilingues ou d’immersion, et l’évaluation de la mise en œuvre de cet enseignement.
« Art. L. 3431-5. – Le département d’Alsace a un rôle de chef de file dans la promotion de la langue régionale (allemand standard et dialectes alsaciens). Il définit un plan de soutien à la langue régionale, en concertation avec les autres autorités concernées.
« Art. L. 3431-6 (nouveau). – I. – Le département d’Alsace peut créer un conseil de développement.
« Le conseil de développement est consulté sur le projet de schéma alsacien de coopération transfrontalière mentionné à l’article L. 3431-1. Il peut être consulté par le président du conseil départemental sur tout autre projet d’acte. Il contribue à l’évaluation et au suivi des politiques publiques du département d’Alsace.
« II. – La composition du conseil de développement, les conditions de nomination de ses membres ainsi que la date de son installation sont déterminés par délibération du conseil départemental.
« Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce conseil ne peut être pris en charge par une personne publique.
« Le conseil de développement comprend des représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs du périmètre du département d’Alsace.
« Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Les conseillers départementaux ne peuvent être membres du conseil de développement.
« III. – Le conseil de développement établit son règlement intérieur.
« IV. – Le conseil de développement établit un rapport d’activité, qui est examiné et débattu par le conseil départemental du département d’Alsace. »
II. – Le premier schéma alsacien de coopération transfrontalière mentionné au I du présent article est élaboré dans un délai de deux ans à compter du 1er janvier 2021.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 61 rectifié sexies, présenté par MM. Grosdidier, Paccaud et Regnard, Mmes Vullien et Deromedi, MM. Decool, Sido, Laménie et Charon, Mme Guillotin, MM. L. Hervé, Lefèvre et Mizzon et Mmes Noël et Perrot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 3431-…. – L’ensemble des compétences et prérogatives attribuées par le présent chapitre au département d’Alsace le sont également à tous les départements de métropole et d’outre-mer qui en font la demande. La demande du conseil départemental est transmise au représentant de l’État dans le département, qui la transmet sans délai au ministre chargé des collectivités territoriales. Il est pris acte, par décret en Conseil d’État, de l’attribution au département concerné desdites compétences et prérogatives.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Ce qui est bon pour un département, mes chers collègues, peut l’être pour d’autres ! Et quand on a de l’ambition pour ce département d’Alsace, comment ne pas en avoir pour les autres départements ?
Cet amendement vise donc à étendre à l’ensemble des départements français le bénéfice du présent projet de loi.
L’Alsace n’est effectivement pas la seule à présenter des caractéristiques propres. Tous les départements de France peuvent revendiquer des spécificités, qui justifieraient de leur confier des compétences exorbitantes du droit commun.
Les départements du Nord, des Alpes-Maritimes,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Merci !
M. Jean-Marie Mizzon. … de Meurthe-et-Moselle, du Doubs, des Pyrénées-Orientales ou des Pyrénées-Atlantiques, ou encore leurs régions respectives, sont également des territoires frontaliers et devraient aussi pouvoir bénéficier des compétences accordées à l’Alsace.
Les départements bretons, savoyards ou vendéens, ayant une identité culturelle au moins aussi affirmée que celle de l’Alsace, devaient aussi pouvoir bénéficier des compétences qui lui sont accordées.
Aussi, afin d’éviter à ce projet de loi une potentielle censure partielle par le Conseil constitutionnel et en vertu des principes d’égalité et d’indivisibilité de la République, il est proposé de rétablir l’égalité en étendant à tous les départements les compétences confiées au futur département d’Alsace. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié quinquies, présenté par MM. Grosdidier, Decool et Mizzon, Mmes Goy-Chavent, Deromedi et Vullien et MM. Regnard, Laménie, L. Hervé et Charon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. …. – L’ensemble des compétences, des modalités de leur exercice, et des prérogatives accordées dans le présent chapitre au département d’Alsace le sont également au département de la Moselle, excepté les dispositions qui concernent spécifiquement le processus de fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement est du même bois que le précédent. Il s’inspire des mêmes principes, ceux qui gouvernent la République et, en particulier, l’équité en son sein.
Il s’agit ici, si d’aventure l’extension à tous les départements n’était pas retenue, de prévoir une extension au département voisin de l’Alsace qui connaît une situation pratiquement identique, en raison de sa géographie, de son histoire et de ses compétences actuelles. Je veux parler du département de la Moselle, auquel nous proposerions donc d’étendre l’ensemble des compétences dévolues à l’Alsace dans le cadre de ce projet de loi.
M. le président. L’amendement n° 137 rectifié bis, présenté par MM. Jacquin, Kerrouche, Mazuir et Tissot, Mmes Noël et Garriaud-Maylam, MM. Kennel et Guerriau, Mme N. Goulet et MM. Bignon et Longeot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – Le présent article est applicable à tous les départements frontaliers de métropole ainsi qu’aux départements d’outre-mer sous réserve qu’ils en fassent la demande.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cet amendement, très proche des deux précédents, est presque défendu, pourrais-je dire… Mais, si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais également présenter l’amendement suivant, l’amendement n° 132, afin de gagner du temps.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 132, présenté par MM. Todeschini, Mizzon et Jacquin, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article est applicable à tous les départements frontaliers de la région Grand Est sous réserve qu’ils en fassent la demande.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Olivier Jacquin. L’amendement n° 132 tend à accorder la faculté de coopération transfrontalière à tous les départements frontaliers de la région Grand Est. Je me suis inspiré de sa rédaction et des amendements précédemment exposés pour proposer, dans l’amendement n° 137 rectifié bis, l’octroi de cette faculté de coopération transfrontalière à tous les départements frontaliers de métropole, la mesure pouvant être élargie, dans la même logique, aux départements d’outre-mer.
Il me semble tout à fait cohérent avec l’esprit de notre discussion d’hier soir et avec notre volonté d’égalité de donner cette faculté à tous les autres départements connaissant les mêmes problématiques frontalières, que l’on se trouve au Pays basque ou dans le Var, que l’on soit proche de la Suisse, de l’Allemagne ou de la Belgique, voire pour un département comme celui auquel appartient la ville du Havre, qui, du fait de son importante infrastructure, a de nombreux échanges avec l’étranger.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le présent article est également applicable aux départements frontaliers faisant partie de la région Grand Est sous réserve qu’ils en fassent la demande dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° 10.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 10, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – Le présent article est également applicable au département de la Moselle sous réserve qu’il en exprime la demande dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Cette présentation simultanée me permet de disposer de deux fois trois minutes de temps de parole. (Exclamations.)
M. le président. Pour être précis, c’est deux minutes trente par amendement.
M. Jean Louis Masson. Écoutez, mes chers collègues, nous ne sommes pas nombreux à défendre, dans cette enceinte, le principe du rétablissement de l’Alsace comme région de plein exercice et la réduction de la taille de la région Grand Est. Vous comprendrez donc que nous essayions de compenser ce fait par une utilisation intégrale de notre temps de parole.
Je tiens à le dire, pour nous différencier de ceux qui défendent telle ou telle position dans la presse et, ensuite, une fois rendus au Sénat, font exactement le contraire !
Hier, nous avons ainsi assisté à de véritables dédoublements de la personnalité. Tout le monde s’est plaint que la fusion des régions était aberrante, mais quand notre collègue André Reichardt et moi-même avons présenté des amendements visant à tirer les conséquences de ces constats partagés par tous, il n’y avait plus personne pour voter ! On se planquait derrière les pupitres !
Le Sénat a donné, à cette occasion, une image détestable ! (Exclamations.)
Mme Patricia Schillinger. C’est la présentation d’un amendement ou un rappel au règlement ?
M. Jean Louis Masson. J’ai le droit de dire ce que je veux, mes chers collègues, et je dispose de deux fois trois minutes pour le faire !
M. le président. Monsieur Masson, c’est deux fois deux minutes trente, et il vous reste quarante secondes pour présenter le premier amendement. Voulez-vous bien reprendre ?
M. Jean Louis Masson. Je reprends, monsieur le président, mais je n’ai pas fini mes trois premières minutes et il m’en reste encore trois autres !
M. le président. C’est deux minutes trente, monsieur Masson. Cela fait trois fois que je vous le dis !
M. Jean Louis Masson. Cela vous gêne, mes chers collègues ! Vous faites le contraire de ce que vous dites, et cela vous gêne ! On l’a vu hier ; on le voit aujourd’hui ! Dites-vous bien que nos concitoyens du Grand Est et, en particulier, de l’Alsace ne sont pas dupes !
Mme Patricia Schillinger. Assez !
M. Jean Louis Masson. Ils sont des centaines, des milliers à avoir regardé les débats du Sénat, et je peux vous dire que j’ai reçu un nombre considérable de mails de gens qui me disent que ce qui s’est passé était épouvantable, qu’ils croyaient que les sénateurs étaient là pour les défendre alors qu’ils faisaient exactement le contraire. (Exclamations.)
Vous êtes contents de vous, mais on verra. Il faudra rendre des comptes aux électeurs !
M. le président. Venez-en au fait, s’il vous plaît ! Il vous reste deux minutes et dix-sept secondes !
M. Jean Louis Masson. Je n’ai pas fini, monsieur le président. Il me reste deux minutes et quatorze secondes ! Eh oui !
J’insiste sur ce point, parce que cet amendement fait écho à ce que j’ai développé hier. Mais je suis quand même surpris que des gens qui ont voté contre nos amendements hier en présentent aujourd’hui du même type en faisant semblant de croire que, finalement, certaines choses ne vont pas.
Mme Catherine Troendlé. Ça suffit !
M. Jean Louis Masson. J’ai le droit de m’exprimer comme vous, madame la sénatrice. Ce n’est pas parce que je suis non-inscrit et que vous êtes membre d’un groupe majoritaire que je dispose de moins de droits que vous ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je n’ai pas de compte à vous rendre ! Je suis aussi légitime que vous, j’ai été élu comme vous !
M. le président. Mon cher collègue, veuillez cesser vos interpellations ! Pouvez-vous commencer à présenter vos amendements dans la minute vingt qui vous reste ?
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, mes amendements sont dans la logique de ce que j’ai expliqué hier et de ce que j’ai, moi, à la différence de la plupart de nos collègues ici présents, voté hier. C’est pourquoi j’ai tenu à insister, parce que, véritablement, je ne supporte pas que l’on dise une chose et que l’on fasse le contraire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 61 rectifié sexies de M. Grosdidier, sous réserve de deux rectifications.
Cet amendement tend à ce que tous les départements qui en feront la demande se voient attribuer les compétences et prérogatives reconnues par l’article 1er au département d’Alsace. Nous y sommes favorables, car il n’y a aucune raison de priver de ces attributions d’autres départements qui présenteraient des caractéristiques analogues à celles de l’Alsace.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je demande néanmoins deux légères rectifications : remplacer les mots « l’ensemble des compétences » par les mots « tout ou partie des compétences », parce qu’il n’y aurait pas beaucoup de sens à attribuer à la Sarthe ou à la Drôme un chef de filât en matière transfrontalière ; compléter l’amendement par la suppression de la référence à l’allemand standard et aux dialectes alsaciens pour ne retenir que la qualification générale de « langues régionales ».
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 59 rectifié quinquies, de même que sur les amendements nos 132, 9 et 10, qui ne visent à étendre les dispositions de l’article 1er qu’à la seule Moselle ou qu’aux seuls départements de la région Grand Est.
Enfin, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 137 rectifié bis, présenté par M. Jacquin, au profit de celui de M. Grosdidier, auquel il est quasi identique, ce dernier étant, me semble-t-il, un peu mieux rédigé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je le dis d’emblée : le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements et je vais expliquer pourquoi.
D’abord, s’agissant des amendements visant à étendre les dispositions de l’article 1er à tous les départements de France, je ne vois pas très bien ce que le Loir-et-Cher – au hasard – ferait de compétences transfrontalières.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela dépend…
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ensuite, d’autres amendements, beaucoup plus réalistes, si je puis dire, visent à étendre ces dispositions aux seuls départements frontaliers ou aux départements du Grand Est.
Pourquoi le Gouvernement y est-il défavorable ? Certes, les revendications des départements frontaliers sont légitimes. Mais le présent texte concerne l’Alsace et, dans notre esprit – j’espère que je vais me faire comprendre –, il s’agit d’adapter les réponses aux situations locales, aux spécificités locales. Les spécificités de l’Alsace peuvent bien sûr se recouper avec celles d’autres départements, mais sans être parfaitement similaires.
J’ajoute que le Gouvernement est tout à fait prêt à discuter avec les collectivités frontalières de toute politique transfrontalière adaptée à leur territoire. Je le dis haut et fort, et vous pouvez le transmettre à vos collectivités territoriales respectives.
Mais, quand on veut faire, comme c’est l’objectif du Gouvernement, du « cousu main », c’est-à-dire prévoir des adaptations aux spécificités des territoires, eh bien figurez-vous qu’on ne peut pas appliquer exactement les mêmes règles en Alsace, aux départements frontaliers du Luxembourg, de l’Italie ou de l’Espagne.
Nous sommes ouverts à cette coopération, à ces politiques adaptées, en « cousu main ». Je le répète, le présent texte porte sur l’Alsace ; donc, ne compliquons pas les choses. Tenons-nous-en à cet objectif, à savoir la fusion de deux départements pour former cette Collectivité européenne d’Alsace.
M. le président. Monsieur Mizzon, acceptez-vous de rectifier votre amendement n° 61 rectifié sexies dans le sens souhaité par la commission ?
M. Jean-Marie Mizzon. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 61 rectifié septies, présenté par MM. Grosdidier, Paccaud et Regnard, Mmes Vullien et Deromedi, MM. Decool, Sido, Laménie et Charon, Mme Guillotin, MM. L. Hervé, Lefèvre et Mizzon et Mmes Noël et Perrot, et ainsi libellé :
I .- Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 3431-…. – Tout ou partie des compétences et prérogatives attribuées par le présent chapitre au département d’Alsace le sont également à tous les départements de métropole et d’outre-mer qui en font la demande. La demande du conseil départemental est transmise au représentant de l’État dans le département, qui la transmet sans délai au ministre chargé des collectivités territoriales. Il est pris acte, par décret en Conseil d’État, de l’attribution au département concerné desdites compétences et prérogatives.
II. – Alinéa 19
Remplacer les mots :
de la langue régionale (allemand standard et dialectes alsaciens)
par les mots :
des langues régionales
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens cet amendement n° 61 rectifié septies, en particulier à la suite de sa rectification dans le sens souhaité par la commission, avec le remplacement des mots « l’ensemble » par les mots « tout ou partie ».
Madame la ministre, j’ai du mal à vous suivre ce soir. Votre propos d’hier était totalement différent,…
M. Daniel Gremillet. … d’après ce que j’en ai compris ! Certes, le débat avait été compliqué, il était près de minuit, mais je ne pense pas être le seul dans ce cas : c’est ce qui a été compris par une majorité de sénatrices et sénateurs.
Vous estimiez que n’importe quel département de France qui en ferait la demande pourrait accéder à ces compétences. Effectivement, l’adoption de cet amendement n° 61 rectifié septies réglerait énormément de problèmes, notamment – mais pas uniquement – pour la région Grand Est : on ne comprendrait pas que les huit départements qui la composent en plus des deux départements alsaciens ne disposent pas, s’ils en font la demande, des mêmes prérogatives que ces deux derniers.
J’ai d’ailleurs déposé un amendement qui viendra plus tard en discussion et que je retirerai, le considérant comme satisfait, dès lors que l’amendement n° 61 rectifié septies sera adopté. En effet, il porte sur l’ensemble des départements de France et permet d’apporter des réponses spécifiques à des expressions régionales, départementales, telles qu’elles s’expriment dans cet hémicycle depuis le début de nos débats.
Je remercie notre rapporteur d’avoir apporté cette précision, qui est effectivement riche de sens.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Le mérite de ce texte sur la Collectivité européenne d’Alsace, c’est d’abord de nous permettre de discuter de la notion de différenciation.
Que je sache, cette notion de différenciation n’est pas encore inscrite dans notre droit positif constitutionnel. En revanche, ce qui est déjà inscrit dans celui-ci, c’est le principe d’égalité. Et si j’ai bien compris le sens de vos propos d’hier soir, madame la ministre, vous avez bien évoqué la faculté, parce que leur réalité locale l’impose, pour des territoires ou des départements de solliciter l’exercice de compétences au même titre que le ferait la Collectivité européenne d’Alsace.
Moi, je vous parle d’un territoire, le département de la Haute-Savoie, qui, frontalier d’un État fédéral, la Confédération helvétique, a trois interlocuteurs : le canton de Genève, le canton de Vaud et le canton du Valais, auxquels il convient d’ajouter la région autonome italienne de la Vallée d’Aoste. Dans les discussions de collectivité à collectivité, les Français rencontrent bien plus de difficultés que les Suisses ou les Italiens. Et comme l’a dit hier Max Brisson en évoquant les échanges avec les Espagnols, que le département soit chef de file dans la coopération transfrontalière, qui ne s’apparente pas à une discussion diplomatique d’État à État, me paraît extrêmement important et extrêmement positif.
C’est la raison pour laquelle je voterai sans aucun état d’âme l’amendement de notre collègue François Grosdidier, parce qu’il offre la faculté de demander à exercer une ou plusieurs des compétences qui seront exercées par la Collectivité européenne d’Alsace.
D’ailleurs, madame la ministre, si jamais le Loir-et-Cher demandait à disposer de la compétence transfrontalière, j’imagine que le préfet exercerait son contrôle de légalité sur la délibération du département.