M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Si j’ai déposé l’amendement n° 137 rectifié bis, c’est pour attirer l’attention sur les difficultés que rencontraient un certain nombre de départements frontaliers dans leurs relations avec leurs voisins. C’est un premier débat.
Il existe un second débat, autour de la notion d’égalité, débat qui sous-tend l’amendement n° 61 rectifié septies de notre collègue François Grosdidier.
J’ai entendu le plaidoyer de Mme la ministre, qui reconnaît que cet amendement soulève la question de l’ensemble des départements frontaliers de France. À certains égards, il consacre leur reconnaissance. Je conviens, madame la ministre, que le Loir-et-Cher n’est pas dans la même situation que le département de M. Hervé, frontalier de la Suisse, que le Pays basque, que les départements de Meurthe-et-Moselle, dont je suis l’élu, de la Meuse ou de la Moselle, qui ont l’immense chance – ce qui ne va pas sans difficulté – d’être frontaliers du Luxembourg, ce voisin si riche.
L’amendement n° 132 de mon collègue Jean-Marc Todeschini, quant à lui, tendait à rendre applicable l’article 1er à tous les départements frontaliers de la région Grand Est, ce qui était parfaitement cohérent, car leurs problèmes sont de même nature que ceux des départements alsaciens.
Notre collègue François Grosdidier y va un peu trop fort, néanmoins, quand il affirme que les situations du Loir-et-Cher et de Meurthe-et-Moselle sont similaires s’agissant de leurs relations transfrontalières.
Je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la ministre, on a du mal à comprendre votre position. Vous ne pouvez pas, devant le Sénat, qui, aux termes de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales, dire qu’il faudrait examiner spécifiquement la demande de chaque département qui en formulerait une, avant que celle-ci ne fasse l’objet d’un texte de loi. Compte tenu des délais nécessaires – examen par le Sénat, par l’Assemblée nationale, éventuelle commission mixte paritaire –, la charge s’en trouverait inutilement alourdie.
C’est pourquoi il me paraît légitime – et c’est le sens de l’amendement de mon collègue Olivier Jacquin – que les départements frontaliers, par exemple Moselle et Meurthe-et-Moselle, mais aussi le Pays basque, disposent des mêmes facultés que la collectivité territoriale nouvelle créée en Alsace par la fusion des départements.
Qu’est-ce qui empêche d’ajouter des modifications à ce projet de loi, sans qu’elles soient excessives ou constituent des cavaliers, de manière à accorder à tous les départements qui le souhaitent les compétences en matière de bilinguisme, de coopération transfrontalière – ce qui suppose la présence d’une frontière –, ou la possibilité, dans la mise en œuvre du schéma transfrontalier, de se substituer à un établissement public de coopération intercommunale qui en ferait la demande ? Et faut-il rappeler que la commission des lois a prévu également la possibilité de créer un conseil de développement ?
On aurait pu comprendre, madame la ministre, que vous souhaitiez limiter ces facultés aux départements frontaliers ou aux seuls départements frontaliers de l’Allemagne, en raison du traité d’Aix-la-Chapelle, comme y tend l’amendement de M. Todeschini. Or vous nous dites ne strictement rien vouloir de tout cela, tout en affirmant que tout sera possible ! C’est incompréhensible.
C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous voterons sans doute l’un de ces amendements, en l’occurrence celui de M. Grosdidier, le premier de la liasse, qui est maintenu. En définitive, il adviendra ce que vous ne souhaitiez pas : que tous les départements de France et de Navarre puissent vous solliciter afin d’obtenir, par décret, la possibilité d’exercer une compétence non prévue par la loi à ce jour.
M. Laurent Duplomb. Très juste !
M. Jacques Bigot. Je ne pense pas que les Alsaciens, ici, réclament une quelconque exclusivité en la matière. Ils seront ravis de disposer de cette faculté, tout autant qu’ils seront ravis que d’autres en disposent. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les propos de notre collègue me satisfont. Les Alsaciens demandent des compétences particulières en raison des spécificités de leur territoire et ils doivent donc soutenir les amendements tendant à offrir les mêmes compétences à d’autres départements ayant des spécificités parfois moins marquées – quoique…
Madame la ministre, comme mon collègue Daniel Gremillet, je ne comprends pas vos propos, qui sont en contradiction complète avec ceux que vous avez tenus hier.
Je sens bien que, au fond de vous-même, vous partagez ma réflexion… (Sourires.) Merci de l’attention particulière que vous prêtez à mon intervention. (Mêmes mouvements.)
C’est une question de confiance, madame la ministre, et si vous accordez cette confiance aux Alsaciens, alors il faut l’accorder aux autres départements. La République une et indivisible mérite que soient prises en compte l’ensemble des spécificités départementales, ce que permet l’amendement de notre collègue François Grosdidier, tel qu’il a été rectifié à la demande de Mme le rapporteur.
Faut-il réserver cette faculté aux départements frontaliers ? Je ne le crois pas. Le département de la Marne, dont je suis l’élu, ne comporte pas de zones frontalières directes. Sauf que, lorsque j’étais à la tête de son exécutif, j’ai lancé un programme transfrontalier en relation avec le département des Ardennes. Pourquoi ? Parce que le département frontalier des Ardennes n’a pas de capitale, sinon Reims, dans la Marne. Cela montre bien que des départements non directement frontaliers peuvent être impliqués dans des programmes européens transfrontaliers.
Alors que l’Europe reconnaît ces programmes transfrontaliers, la France, elle, ne reconnaîtrait pas ces spécificités ? C’est la raison pour laquelle je remercie Mme le rapporteur de son analyse très fine de cet amendement, que j’invite mes collègues à soutenir. Cette mise sur un pied d’égalité des départements est une marque de confiance à leur égard. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je trouve cet amendement très intéressant, à double titre.
D’une part, il illustre parfaitement à mes yeux les limites de la prise en compte par ce texte des spécificités de l’Alsace, à ce point faibles qu’elles intéressent tous les départements de France et d’outre-mer. C’est très intéressant.
On nous a dit que ce texte se fondait sur les spécificités de l’Alsace ; je note qu’il intéresse tout le monde, l’outre-mer et la métropole. Si je voulais faire un peu d’humour, je dirais volontiers que je peux encore comprendre qu’il intéresse l’outre-mer, puisque nous autres Alsaciens avons tellement l’habitude d’être considérés comme des gens de l’outre-mer ou des Kanaks – on l’a déjà entendu…
M. Pierre-Yves Collombat. Des Kanaks papistes !
M. André Reichardt. Mais qu’il intéresse toute la métropole ; alors là, les amis !…
D’autre part, cet amendement entend faire profiter tous les départements des compétences attribuées au « département d’Alsace » – c’est du moins ce qu’écrit M. Grosdidier. Cela revient à reconnaître explicitement, dans cet hémicycle, que cette collectivité est bien un département, comme nous le disions, comme le Conseil d’État l’a dit, comme la commission des lois l’a dit. Je suis donc ravi de constater que, foin de toute spécificité, ce texte intéresse tout le monde.
Je regrette vivement, mes chers collègues, qu’il ait manqué des voix hier pour que soit adopté mon amendement n° 101 rectifié bis tendant à créer une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution. Les problèmes auraient alors été réglés, car, ce faisant, nous aurions démontré que les spécificités de l’Alsace étaient telles que cela interdisait aux autres départements de se prévaloir des leurs pour réclamer un traitement identique, sans pour autant les empêcher de s’engager dans une démarche analogue.
Là, trop, c’est trop !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Bockel. La fine dialectique d’André Reichardt, non dénuée d’humour, tout comme le propos de notre excellent collègue Loïc Hervé, dans un sens différent, me confortent dans mon intention de voter, comme nombre d’entre nous, l’amendement de François Grosdidier.
Mais là n’est pas mon propos. J’ai le sentiment que nous sommes plus ou moins sur une ligne de crête. Prenons garde, car il existe un risque – qu’on ne prendra pas, apparemment – de s’engager dans une démarche fermée, exclusivement alsacienne, sans capacité de s’ouvrir à des expérimentations que d’aucuns souhaitent. Il existe un autre risque, c’est que ce texte, amendement après amendement, devienne un texte attrape-tout et perde tout sens.
Quelque chose de très juste a été dit sur la dimension d’expérimentation : on sent bien que c’est à la fois une démarche propre et une démarche pionnière. Là, je rejoins le propos de Mme la ministre quand elle rappelle le travail qui a été mené en amont. Cela a été dit à plusieurs reprises, ce texte ne vient pas de nulle part, il est le fruit d’une négociation, d’une démarche, ce qui lui confère sa crédibilité, y compris dans cette démarche pionnière d’expérimentation à venir.
Je le répète, tout en votant cet amendement, faisons attention aux arrière-pensées, au demeurant très légitimes, qui sous-tendent un certain nombre d’amendements, présents ou à venir, qui n’ont pas toujours fait l’objet de négociations aussi avancées que le travail préparatoire qui a abouti à ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. La voix de la sagesse !
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne sais pas…
Je souhaite simplement vous expliquer le sens de la position de mon groupe sur ces amendements, qu’il ne votera pas, quel que soit leur bien-fondé.
Nous ne souhaitons pas revenir à la France « cousue main » d’avant la Révolution. (Mme Patricia Schillinger s’exclame.) Nous souhaitons appliquer les règles classiques, traditionnelles, par lesquelles notre pays a toujours réussi à concilier l’unité nationale avec la diversité locale. Cela suppose, pour y parvenir – et on peut très bien y parvenir –, que l’on revienne sur un ensemble de lois stupides qui ont détruit un ensemble institutionnel qui fonctionnait. Pour ce faire, il faut revoir dans le détail, comme nos ancêtres l’ont fait pour les départements, le découpage des régions, revoir les rapports entre régions et départements, accorder à ceux-ci la clause de compétence générale. Peut-être arriverait-on alors – je le pense –, selon notre logique, à concilier cette unité nationale avec les spécificités locales, comme on l’a toujours fait.
Voilà ce que nous souhaitons. Le sujet mériterait que l’on y réfléchisse de près pour ne pas renouveler les erreurs. Simplement, madame la ministre, je tiens à vous dire qu’avec votre « cousu main », vous ouvrez une boîte de Pandore que vous ne refermerez pas de sitôt. L’afflux de revendications locales, en elles-mêmes tout à fait sensées, va créer un beau bazar !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, s’agissant de la coopération transfrontalière, vous m’avez opposé la différence qui existe entre le département d’Alsace et celui du Cantal.
M. Jean-Marie Mizzon. Voyez-vous, je n’ai pas attendu ce soir pour le savoir : cela fait longtemps que je sais où se trouvent ces deux départements.
Le droit qui régit les relations transfrontalières ne se décline pas, que je sache, département par département ; il s’applique de manière générale, là où il a des raisons de s’appliquer, c’est-à-dire dans les départements et les régions frontaliers.
Encore que, au-delà de la coopération transfrontalière, il existe d’autres formes de coopération, mais je ne veux pas élargir le débat.
Cet argument n’est pas justifié et donc je souhaite que l’amendement de M. Grosdidier soit voté.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, vous avez affirmé quelque chose qui me surprend un peu. En effet, vous dites que les évolutions prévues en Alsace ne concernent personne d’autre.
M. Jean Louis Masson. Mais, jusqu’à nouvel ordre, la région Grand Est compte dix départements, et ce qu’on fait dans un département a, à l’évidence, des répercussions sur les autres départements. Nous dire que ce que l’on fait dans le Bas-Rhin ne concerne pas la Moselle, c’est quand même un peu court ! La Moselle, comme le Bas-Rhin, est un département frontalier de l’Allemagne et je ne vois pas comment l’on peut discuter d’une politique transfrontalière de part et d’autre de la frontière franco-allemande si l’on fonctionne de manière distincte. C’est ma première remarque.
Le propos de notre collègue Pierre-Yves Collombat est extrêmement pertinent : tout le problème tient au fait que le Gouvernement s’obstine à refuser de rouvrir la discussion sur un certain nombre de sujets, avec la complicité de nombreux parlementaires, d’ailleurs. Qu’il s’agisse de la loi NOTRe ou de la loi relative à la délimitation des régions, on pourrait croire que personne ne les a votées, alors que, comme je l’ai rappelé hier, la première des deux a été largement adoptée dans cette enceinte, puisque, sur 348 sénateurs, nous n’avons été que 49 à voter contre.
Cela fait quand même du bien de se rafraîchir les idées, car à entendre certains propos critiques sur la problématique des fusions de régions ou sur la loi NOTRe, on se demande bien comment ces lois ont pu être votées ! À un moment donné, il faut assumer ses responsabilités et, comme je l’ai dit et je ne retire rien de mes propos, faire preuve de cohérence et d’une certaine dignité. Chacun a le droit d’avoir ses idées, mais on ne peut pas dire noir et voter blanc ou bien dire blanc et voter noir. C’est cela qui est insupportable dans notre démocratie.
Je voudrais faire une remarque, rejoignant par là notre collègue André Reichardt. Si l’on étend les dispositions de l’article 1er à tous les départements, je suis d’accord, mais…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’interviens sur mes deux amendements, monsieur le président. (Exclamations.)
M. le président. Non ! Il s’agit d’une explication de vote ! C’est terminé !
M. Jean Louis Masson. J’y reviendrai à l’occasion de l’examen d’un autre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Il est important de nous attarder sur cet amendement fondamental. Pour sa part, le groupe du RDSE est partagé ; en majorité, il s’abstiendra.
Si, sur le fond, on peut être d’accord, sur la forme, je ne pense pas qu’on puisse régler aujourd’hui un point aussi important que celui des compétences en matière transfrontalière ou de tourisme au détour d’un projet de loi qui traite de l’Alsace. Il faut une réflexion beaucoup plus approfondie, car on touche là aux fondamentaux de la loi NOTRe, même si on n’y était pas tous favorable.
Mon département des Hautes-Pyrénées est lui aussi frontalier. S’il n’en a pas aujourd’hui la compétence, cela ne l’a pas empêché de faire de la coopération transfrontalière au travers d’outils comme les consorcios ou les GECT.
Les territoires ont été suffisamment déstabilisés par la loi NOTRe. N’en rajoutons pas une couche au détour d’un amendement !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Ce projet de loi, nous l’avons dit, présente un mérite, celui de permettre l’expression d’une spécificité alsacienne, que l’on a nommée jusqu’ici un « désir d’Alsace ». Toutefois, ce texte pose aussi un problème, celui de graver dans le marbre, si cet amendement n’était pas adopté, une rupture d’égalité entre les départements dans une République que l’on dit une et indivisible.
Avec mon collègue Franck Menonville, nous voterons cet amendement, que je qualifierai d’amendement d’apaisement et de justice. En effet, il respecte la volonté des Alsaciens, et cela ne changera rien,…
M. André Reichardt. Si, ça change beaucoup de choses !
Mme Véronique Guillotin. … et il permet en même temps aux autres départements d’accéder aux compétences qu’ils souhaiteraient acquérir.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis évidemment favorable à cet amendement, que j’ai cosigné.
Avec tout le respect que je dois à mon collègue de la Marne, le Dr Savary, je ne peux pas laisser dire que la capitale des Ardennes est Reims. Je pense que le maire de Charleville-Mézières serait d’accord avec moi. Historiquement, la capitale de la Champagne-Ardenne était Châlons-en-Champagne et non pas Reims, même si cette dernière est la ville universitaire et si le CHU s’y trouve.
Dans le département des Ardennes, même si nous n’avons pas le vignoble de Champagne, nous tenons à notre identité. D’ailleurs, madame la ministre, vous qui êtes venue plusieurs fois dans le département des Ardennes, le savez, un pacte Ardennes, qui prévoit des actions importantes, a été signé entre l’État et les collectivités territoriales. Cela est positif. Nous avons nous aussi une spécificité transfrontalière : de nombreux salariés vont travailler en Belgique et au Luxembourg.
Mes chers collègues, vous le savez, je ne suis pas du genre à faire de polémique. Si je me suis permis de rectifier ce point, c’est dans un souci d’impartialité et d’objectivité.
Naturellement, je soutiens l’amendement n° 61 rectifié septies, qui va dans le bon sens.
M. Loïc Hervé. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Nous examinons un texte relatif à la « Collectivité européenne d’Alsace » – comme nous en avons décidé hier, et ce sont bien les termes qui conviennent. Je respecte le souhait d’autres territoires de vouloir en tirer parti pour bénéficier de dispositions similaires. Cependant, je rappelle que ce texte est le résultat d’un travail qui a duré environ deux ans et qui s’est appuyé sur une vraie réflexion avec les élus locaux, auxquels nous sommes attachés, et sur une coconstruction entre l’État, les départements et de nombreux acteurs du territoire. En outre, une dizaine d’organes, comme le comité de massif des Vosges, ont été consultés. Toute cette procédure a abouti au choix des compétences.
Je le répète, je respecte ce souhait d’autres territoires, mais, nous qui sommes attachés aux territoires et à leur diversité, nous ne comprenons pas vraiment pourquoi ces compétences seraient identiques en Alsace et dans d’autres territoires. Il faut effectuer un travail afin de les définir, territoire par territoire, simplement pour être efficace et respecter ces territoires. Mme la ministre a rappelé que, si d’autres territoires souhaitaient engager une démarche similaire avec leurs propres spécificités, un même travail peut et doit être engagé avec les forces locales. Comme l’ont dit certains de nos collègues, cela préfigure la différenciation dont nous espérons qu’elle sera intégrée dans la Constitution.
Un peu dans le même esprit que Jean-Marie Bockel, je dirai que je comprends le souhait des territoires, mais il me semble un peu artificiel d’écrire : « Nous aussi, nous souhaitons avoir les mêmes compétences. » Je vous propose plutôt d’engager une démarche pour identifier les spécificités et les leviers d’action de chaque territoire. Je crois que c’est notre mission en tant que chambre des territoires.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Avant cet amendement, j’avais plutôt envie de voter contre l’ensemble du texte. Je ne connais pas particulièrement les spécificités de l’Alsace. Ce qui m’importe, c’est le principe d’une République une et indivisible, qui veut que les territoires soient traités de la même façon partout.
Maintenant, je me dis que, si l’amendement n° 61 rectifié septies est adopté, il laissera la possibilité à tous les territoires de choisir les mêmes choses que ce qu’on propose à l’Alsace. Là, la garantie d’une République une et indivisible sera respectée !
Je vous le dis, madame la ministre, je vais apporter mon soutien à cet amendement. S’il est adopté, je voterai le projet de loi.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. Cet amendement ne me pose aucun problème politique et encore moins métaphysique. Néanmoins, il pose un problème rédactionnel et de cohérence.
Hier soir, après un long débat, nous avons repris la dénomination de « Collectivité européenne d’Alsace ». Or, dans cet amendement, il est écrit « département d’Alsace ».
M. Loïc Hervé. Ça reste un département !
Mme Catherine Troendlé. Non !
M. le président. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. D’abord, permettez-moi de dire que je suis heureux que nous soyons aussi nombreux ce soir. Je crains qu’il n’en soit pas de même demain soir. Il est important que nous ayons cette discussion tout de suite et non à chaque amendement – il en reste 117.
Mes chers collègues, je voudrais vous rappeler modestement, cela vous aura sûrement échappé, les deux derniers paragraphes de mon intervention d’hier : l’Alsace ne souhaite pas se singulariser, mais être une nouvelle fois terre non pas de différenciation, mais d’expérimentation au profit de tous, c’est-à-dire de tous les territoires, comme elle l’a été pour les fonds européens ou le TER. Je disais aussi que la France est riche de ses diversités : se sentir Savoyard, Basque, Berrichon, Corse, Alsacien…
M. Bruno Retailleau. Vendéen !
M. Guy-Dominique Kennel. … ou Vendéen – comment ai-je pu oublier la Vendée (Sourires.) –, c’est avant tout se sentir Français et être fier de sa région.
Finalement, je crois que la différenciation telle qu’elle a été évoquée par Mme la ministre relève de la révision constitutionnelle, qui n’est pas faite. Je pense donc également voter cet amendement proposé par notre collègue Grosdidier. Cela permettra à des départements qui ont des projets similaires d’avoir des approches similaires et de respecter l’unicité de la France.
Des différenciations, c’est-à-dire des spécificités, pourraient ce soir être réservées à l’Alsace, afin qu’elle soit une nouvelle fois terre d’expérimentation…
M. le président. Il faut conclure !
M. Guy-Dominique Kennel. … avant toute généralisation à l’ensemble des territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Comme on a beaucoup parlé du Pays basque, j’en dirai deux mots.
Le Pays basque n’existe pas sur le plan administratif ; c’est le département des Pyrénées-Atlantiques. D’ailleurs, cela peut poser problème.
Je le disais hier, moi, j’ai défilé dans les rues de Bayonne pour demander une collectivité à statut particulier « Pays basque ». Que nous a-t-on répondu ? Que toute dérogation au cadre était impossible, au nom d’un certain nombre de principes, que j’entends, que je comprends et que je peux partager, parce qu’ils sont beaux : ce sont ceux de la France universelle, qui est aussi la mienne. Néanmoins, dans cette France universelle, certains territoires rencontrent des difficultés particulières : excusez-moi, mais, pour la coopération transfrontalière, encore faut-il une frontière ; or tous les départements n’en ont pas ! Et quand vous discutez avec des régions situées de l’autre côté de la frontière, vous vous rendez compte qu’elles ont beaucoup de compétences et que l’on est dans l’asymétrie la plus totale !
Que fait-on, nous, au Pays basque ? On passe notre temps, quand on reçoit un nouveau préfet, un nouveau sous-préfet, un nouveau recteur ou un nouveau DASEN, à lui expliquer qu’ici c’est la France, que c’est comme partout ailleurs, et que c’est un peu différent, avec quelques problèmes particuliers : une langue qui a 2 000 ans, qui a survécu à Jules César, à la télévision et qui a envie de survivre au XXIe siècle. Pour traiter ces problèmes, il faut un cadre dérogatoire. Je crois que c’est ce cadre dérogatoire qui rendra en définitive, cher Laurent Duplomb, la République plus forte, parce qu’elle prendra en compte ses diversités.
La coopération transfrontalière, madame la ministre, nous la pratiquons, mais, il est vrai, dans des conditions bien difficiles, qui nous obligent à nous regrouper, à nous entendre, et, comme le disait très bien Guy-Dominique Kennel, le chef de file réserve la salle et prépare le café.
On a besoin, – c’est en cela que le présent texte est intéressant – d’un dispositif dérogatoire, mais il l’est si peu qu’on a envie de l’étendre à tout le monde, ce qui prouve bien que ce projet de loi est médiocre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je vais tenter de faire une synthèse, parce que je suis éminemment d’accord avec Laurent Duplomb lorsqu’il dit que les lois de la République doivent s’appliquer partout de la même façon.
Faisons un peu d’histoire : les territoires à statut particulier ont longtemps existé en France avant de disparaître progressivement pour être fondus dans les départements. Là, tout d’un coup, on réinvente les territoires à statut particulier !
M. Jérôme Bascher. Et on leur cherche des noms baroques ! Pourquoi la collectivité d’Alsace sera-t-elle « européenne d’Alsace » ? Et pourquoi le Pays basque ne serait-il pas « européen », « français » ?… On ne sait plus quoi inventer quand on n’a pas d’idée et qu’on a fait un texte creux – je suis parfaitement d’accord avec mon collègue Brisson. On choisit donc des noms pompeux pour compenser le vide sidéral de ses dispositions.
J’ai lu votre interview, madame la ministre, au cours de laquelle vous avez déclaré : je n’ai pas entendu beaucoup de demandes de décentralisation dans le grand débat. Eh bien, peut-être est-ce parce que vous n’aviez pas entendu le pays gronder que les « gilets jaunes » sont apparus !
Oui, il y a une demande des élus locaux pour plus de décentralisation, pour une France qui pourrait fonctionner un peu plus à la carte ! Voilà ce dont les uns et les autres ont besoin : de plus de proximité, de moins de centralisme parisien, de moins de visions de personnes qui n’ont jamais été élues – ce n’est pas votre cas, madame la ministre –, comme tous ces ministres ou Président de la République qui ne savent pas autre chose que ce qui est fait dans les ministères.
Alors, oui, si cet amendement de François Grosdidier et plusieurs de nos collègues n’est pas adopté, je ne voterai pas ce projet de loi ; je m’abstiendrai ! S’il passe, alors je pourrai peut-être voter pour.