Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
La Corse a été le premier territoire français à se doter d’une programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE. Approuvée en 2015, elle avait fait l’objet d’un vrai travail de convergence, d’un vote à l’Assemblée de Corse et d’un décret. Elle permettait d’appréhender les perspectives énergétiques de la Corse, en misant sur une véritable politique d’efficacité énergétique et sur une meilleure intégration des énergies renouvelables dans le mix énergétique, tout en prenant en compte la vétusté de certains moyens de production, comme la centrale du Vazzio, et l’interconnexion entre la Corse et l’Italie.
Or nous constatons aujourd’hui que cette PPE, unanimement saluée à l’échelon national comme localement, qui avait obtenu toutes les validations des différentes commissions nationales et qui avait réussi à emporter l’accord de la majorité des parties prenantes en Corse, semble être remise en question.
J’en veux pour preuve la lettre envoyée à la collectivité de Corse juste avant sa démission par Nicolas Hulot, encore ministre de la transition écologique et solidaire, ainsi que les commentaires des uns et des autres dans les médias à la suite de la dernière rencontre que vous avez eue avec l’exécutif régional.
Madame la ministre, pourriez-vous nous faire connaître les intentions du Gouvernement concernant la prochaine PPE en Corse, notamment au regard des éléments majeurs présents dans l’actuelle programmation ?
Vous devez savoir qu’il y a urgence et que les Corses n’accepteront jamais une prolongation des anciens moyens de production qui doivent normalement être déclassés en 2023, en particulier l’actuelle centrale du Vazzio, outil vieillissant, sujet de nombreux incidents et qui fonctionne au fioul lourd. Aller au-delà de 2023 avec de tels outils ferait à l’évidence peser un risque sur l’alimentation de la Corse et impliquerait de poursuivre un fonctionnement au fioul lourd, ce qui est inacceptable pour la population du pays ajaccien.
Plus précisément, pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si oui ou non le Gouvernement a l’intention de respecter le décret du 18 décembre 2015 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie en Corse, qui prévoyait plusieurs éléments, notamment…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Panunzi. … la réalisation d’une infrastructure d’alimentation en gaz naturel de la Corse, la construction, avec un objectif de mise en service au plus tard début 2023, d’un cycle combiné d’une puissance de 250 mégawatts et la conversion des moyens thermiques existants au gaz naturel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la Corse fait l’objet, du fait de son insularité et comme vous venez de le rappeler, d’une programmation pluriannuelle de l’énergie spécifique et d’une attention particulière du Gouvernement en ce qui concerne la sécurité de ses approvisionnements énergétiques.
Aujourd’hui, un tiers de l’électricité de la Corse provient de centrales thermiques à fioul situées à Ajaccio et à Bastia, qui sont vieillissantes et polluantes. La PPE de 2015 a prévu que ces installations seraient remplacées par des centrales à gaz.
À cet effet, un projet consistait à installer une barge de gaz à Bastia et à relier cette dernière par un gazoduc traversant la Corse pour alimenter la seconde centrale qui est située à Ajaccio. Les difficultés sont cependant très nombreuses, comme vous le savez, monsieur le sénateur, en particulier parce que le trajet du gazoduc doit passer non seulement au travers de la montagne, mais aussi au milieu de parcelles privées, dont le régime juridique est particulièrement complexe…
Le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, a très récemment reçu – j’étais présente à ce rendez-vous – le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni. Nous lui avons fait part des doutes qui existent sur la faisabilité du projet de gazoduc et nous avons envisagé de nouvelles pistes, qui pourraient passer par l’installation d’un second terminal de gaz, potentiellement immergé en mer au large d’Ajaccio.
Le Gouvernement est résolu à tenir ses engagements dans le cadre de la nouvelle PPE et entend bien évidemment s’assurer du renforcement de la sécurité énergétique de la Corse, tout en développant les énergies renouvelables. (M. François Patriat applaudit.)
journée de la femme (i)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Annick Billon. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
En novembre 2017, le Président de la République annonçait vouloir faire de l’égalité entre les hommes et les femmes la grande cause nationale de son quinquennat. En cette veille de 8 mars, je souhaiterais évoquer la question alarmante des féminicides.
Le nombre de femmes tuées augmente de façon inquiétante depuis le début de cette année. En effet, depuis janvier 2019, trente femmes ont été victimes de leur conjoint ou ex-conjoint. C’est deux fois plus que l’année précédente sur la même période. Elles sont plus de deux cents à avoir succombé ces deux dernières années.
Plus généralement, environ 225 000 femmes sont victimes de violences conjugales, physiques ou sexuelles. En 2018, dans le sillage de l’affaire Weinstein, les plaintes pour viol ont augmenté de près de 17 % et celles pour agression sexuelle ont bondi d’environ 20 %. Or le nombre de condamnations effectives, lui, stagne.
On le sait, la formation des personnels de police sur ces questions n’en est qu’à ses balbutiements. Par ailleurs, la délivrance d’ordonnances de protection par les juges aux affaires familiales, en principe accessibles à toutes les victimes de violences conjugales sans nécessité de dépôt de plainte préalable, est loin d’être systématique. La lutte contre les violences conjugales doit être appréhendée de manière globale en incluant les individus, les travailleurs sociaux, les magistrats, les forces de l’ordre et les associations.
Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, seuls 80 millions d’euros sur les 420 millions d’euros des crédits consacrés à l’égalité sont alloués chaque année à la lutte contre les violences faites aux femmes. Il faudrait cinq fois plus de moyens, car la mise en place de politiques publiques a un réel impact sur la hausse ou la baisse du nombre de victimes. À la veille de cette journée hautement symbolique, le Gouvernement se donne-t-il réellement les moyens de lutter contre les féminicides ? (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Annick Billon, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Marlène Schiappa. (Exclamations amusées sur différentes travées.)
Je vais répondre à sa place sur ce sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes. Vous le savez, c’est la grande cause du quinquennat. Il s’agit d’une politique largement interministérielle, qui est portée de façon volontariste par l’ensemble des membres du Gouvernement.
Les moyens financiers sont considérables, puisque 530 millions d’euros de crédits ont été inscrits dans la loi de finances pour 2019. C’est le budget le plus important jamais consacré à cette cause de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Plus de cent mesures concrètes ont déjà été prises depuis notre arrivée. J’en citerai quelques-unes.
Marlène Schiappa a été à l’origine de la loi créant le délit d’outrage sexiste, permettant de verbaliser le harcèlement de rue. La France est le premier pays au monde à mettre en œuvre cette mesure. Et cela fonctionne : en six mois, plus de 330 amendes, allant jusqu’à 750 euros, ont été infligées. Ce dispositif fera l’objet d’une évaluation parlementaire à partir du début de l’été, ce qui permettra de proposer d’éventuels correctifs. (Mme Patricia Schillinger applaudit.) Je pense aussi à la loi portée par Muriel Pénicaud sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les violences faites aux femmes et les féminicides. Nous nous sommes engagés très rapidement sur la création de centres de prise en charge du psychotraumatisme, notamment dédiés aux femmes victimes de violences, sexuelles ou autres, de la part de leur conjoint. Nous avons lancé un appel à projets et à candidatures l’année dernière ; dix centres ont été créés et labélisés. Notre pays est le premier au monde à organiser des réseaux de prise en charge des victimes de psychotraumatismes. C’est une mesure emblématique qui répond à un engagement du Président de la République de novembre 2017.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est totalement mobilisé pour faire reculer les violences faites aux femmes. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
sécurité des lignes aériennes
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Madame la ministre, comme vous le savez, le groupe du RDSE est très préoccupé par les questions de mobilité et la nécessité d’agir efficacement pour améliorer la desserte des territoires fragiles et victimes d’un enclavement mortifère, souvent à la fois routier, ferroviaire, aérien, et même numérique.
Le Sénat a voté, le 20 février 2019, par 305 voix, la proposition de loi du RDSE relative à ce sujet capital pour ces territoires, et nous attendons avec espoir que la loi d’orientation des mobilités reprenne en grande partie ces propositions largement partagées. (Très bien ! sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Un des sujets abordés par la proposition de loi est le transport aérien régional, en particulier les lignes d’aménagement du territoire. Certes, vous avez prévu un effort budgétaire, que nous saluons, mais, sur le terrain, force est de constater la qualité de plus en plus déplorable du service rendu aux usagers – annulations fréquentes, retards mettant parfois en jeu leur sécurité –, et ce en dépit du prix prohibitif des billets et du financement public État-collectivités.
Force est aussi de constater le quasi-monopole d’une compagnie nationale pour laquelle ces liaisons sont malheureusement considérées comme secondaires, voire comme une charge. Il n’est pas concevable, en 2019, que nos compatriotes habitant dans ces territoires particulièrement fragiles soient traités de la sorte.
Madame la ministre, je vous poserai deux questions simples.
Prendrez-vous en considération, au cours du débat sur le projet de loi d’orientation sur les mobilités, le contenu de la proposition de loi votée par le Sénat ?
Au-delà des efforts financiers que nous saluons, quelles mesures entendez-vous mettre en place pour que les lignes aériennes d’aménagement du territoire permettent aux voyageurs de bénéficier d’un prix raisonnable et d’une qualité de service digne de ce nom ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Josiane Costes, j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du texte, je partage largement les constats de la proposition de loi que vous avez évoquée, et la loi d’orientation sur les mobilités y répondra.
Concernant les liaisons aériennes d’aménagement du territoire, je suis convaincue qu’elles sont essentielles pour nos territoires. C’est pour cette raison que j’ai souhaité relancer ces liaisons en quadruplant le budget qui leur est consacré. Dès 2019, l’augmentation de ce budget va se traduire par des améliorations concrètes à Limoges, Castres, Quimper, Poitiers et La Rochelle.
Nous n’avons donc pas attendu pour agir. Au-delà de cet engagement de l’État, il est effectivement primordial de redresser la qualité de service de ces dessertes, et nous sommes fortement mobilisés pour ce faire. Voilà plusieurs mois, j’ai demandé un programme d’action à Hop !, qui a permis notamment de réduire le nombre d’incidents techniques et donc le nombre d’annulations.
J’ai échangé avec le nouveau directeur général d’Air France-KLM et avec la nouvelle directrice générale d’Air France, qui sont pleinement conscients de la nécessité d’améliorer la qualité de service sur ces liaisons. Ainsi, l’organisation et la gestion des vols vont être reprises directement par Air France et les appareils de type ATR vont être retirés de la flotte en 2020.
Au demeurant, ces liaisons sont remises régulièrement en concurrence, et on peut donc espérer que ce soit l’occasion d’améliorer la qualité de service. Je peux vous assurer, madame la sénatrice, que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur l’amélioration de ces liaisons, essentielles pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Une amélioration du service est attendue par les habitants de ces territoires, et notamment par les dirigeants d’entreprise, nombre de rendez-vous d’affaires étant manqués à cause des annulations ou des retards. C’est fondamental pour l’activité économique de nos territoires. Nous attendons une amélioration avec impatience. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
politique industrielle
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Harribey. En 2017, le Gouvernement avait fait de la réindustrialisation une priorité, mais les faits sont cruels : 850 emplois rayés de la carte chez Ford, 450 emplois chez Ascoval suspendus à des plans de reprise, ou encore 750 emplois en jeu à la Fonderie du Poitou, 900 sur les sites papetiers sarthois d’Arjowiggins. La liste n’est pas close.
Le Gouvernement a trouvé indigne l’attitude de Ford et s’est dit trompé dans la reprise avortée d’Ascoval. Au-delà de l’indignation, quelle est la colonne vertébrale de la politique industrielle ?
Pourquoi se désengager d’industries stratégiques, alors que d’autres font le contraire, des États-Unis à la Chine, en passant par certains de nos voisins européens ? Sur ce point, les reproches faits aux Pays-Bas pour leur attitude envers Air France-KLM étonnent au regard de l’énergie déployée pour privatiser quelques fleurons profitables, par exemple Aéroports de Paris.
Où est cette priorité donnée à la réindustrialisation ? Madame la secrétaire d’État, y a-t-il un État stratège ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Harribey, les faits sont têtus : la France crée aujourd’hui plus d’emplois industriels qu’elle n’en détruit. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Il n’y en a plus !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La France ouvre et développe plus de sites qu’elle n’en ferme, et ce depuis deux ans… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Rachid Temal. C’est saint Macron !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’Insee, les statistiques… (Brouhaha.) Eh oui, mesdames, messieurs les sénateurs, les faits sont têtus, les chiffres aussi. Depuis vingt ans, le nombre d’emplois industriels avait diminué d’un million. Depuis deux ans, il remonte. Pourquoi ?
M. Rachid Temal. C’est l’effet ISF !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Nous avons mis en place une politique industrielle ambitieuse,… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de calme !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … qui permet le développement de l’activité économique en rendant la plateforme française plus compétitive. C’est ce qui explique que Toyota investisse 300 millions d’euros en France, Daimler 500 millions d’euros, et que nous soyons désormais la première destination des investissements directs à l’étranger pour l’industrie.
Nous poursuivons une politique industrielle de développement des contrats stratégiques de filière pour dix-huit filières, avec des projets d’innovation et de compétences.
Quel est le premier point de blocage pour les emplois industriels ? C’est le recrutement, madame la sénatrice, qui empêche la croissance (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) : 50 000 emplois ne sont pas pourvus aujourd’hui dans l’industrie ! Si l’on était capable de mettre les compétences face aux chefs d’entreprise, c’est 200 000 emplois qui seraient créés.
Telle est la réalité ! Alors oui, il y a des guerres que l’on perd, sur Ford à Blanquefort, sur Ascoval, mais pourquoi ne parlez-vous pas des 3 000 emplois que nous avons sauvés chez William-Saurin, des emplois que nous avons sauvés chez AR Industries ou chez Doux ? Trois entreprises en difficulté sur quatre sont redressées grâce à l’action intense du Gouvernement. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Voilà quels sont les faits, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Madame la secrétaire d’État, soyons sérieux ! Peut-on réduire, comme votre ministre l’a fait hier, une stratégie industrielle au fait d’arracher 20 millions d’euros à un groupe qui a touché 24 millions d’euros, plus 500 millions d’euros de CICE, comme ce fut le cas pour Ford ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Permettez-nous de vous proposer quelques pistes de travail. Osons des prises de participation temporaires en cas de crise, comme l’a fait le président Obama pour General Motors ou la France, dans d’autres temps, pour Peugeot. Responsabilisons les grands groupes, donneurs d’ordre des PME : si Renault pérennise ses commandes à la Fonderie du Poitou, la reprise devient crédible.
Appuyons-nous sur les régions pour ancrer sur les territoires innovations et industries du futur. Madame la secrétaire d’État, les chiffres que vous donnez sont souvent le résultat des politiques des régions, à l’instar de celle de la Nouvelle-Aquitaine, avec Usine du Futur, qui a accompagné près de 300 entreprises, représentant 35 000 emplois, en deux ans.
Osons la coopération industrielle européenne, à l’image d’Airbus, en étant porteurs d’une vision européenne.
Voilà les pistes sur lesquelles nous sommes prêts à travailler ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
journée de la femme (ii)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
M. Roger Karoutchi. Ah !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Le hashtag « prisonnières du hijab » fleurit sur les réseaux sociaux de l’autre côté de la Méditerranée. Derrière, il y a des femmes courageuses qui dénoncent le voile comme un instrument d’oppression. Elles pointent du doigt la pression sociale et l’environnement familial, qui les condamnent à se voiler.
Chez nous aussi, la pression des quartiers et des familles ne laisse en réalité que peu de choix aux femmes voilées, en particulier aux plus jeunes d’entre elles.
Alors que les femmes algériennes nous indiquent la voie du courage, la position de votre majorité est, sur ce sujet, d’une ambiguïté problématique. Or la France, nation des droits de l’homme, doit véhiculer un message de liberté pour les femmes du monde entier.
Le Président de la République, le 16 avril 2018, déclarait que le voile n’était pas « conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays ». Le 28 février dernier, il se muait en défenseur du voile, expliquant que « les entreprises qui discriminent les femmes voilées à l’embauche [devaient être] sévèrement sanctionnées ».
Sur ce sujet, l’exécutif fait donc preuve d’angélisme, pire, de contradiction !
Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, au nom du Gouvernement, devant notre assemblée, condamner de nouveau les propos d’un député de votre majorité qui a réalisé, la semaine dernière, un amalgame surréaliste entre le port du hijab et celui du serre-tête ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Scandaleux !
Mme Esther Benbassa. Ça va !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Alors que se célèbre demain la Journée de la femme, il est essentiel de rappeler que le combat pour une véritable égalité hommes-femmes passe aussi par le combat, sur notre territoire, contre toute forme de fondamentalisme, dont le voile est souvent un étendard.
Monsieur le Premier ministre, le voile est-il, oui ou non, un instrument d’oppression des femmes ?
Que comptez-vous faire pour protéger toutes ces femmes qui, sur le territoire français, sont contraintes de le porter ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Madame la sénatrice, je rappellerai simplement que nous sommes dans un pays où la laïcité est la règle ; elle s’inscrit au fronton de toutes nos mairies et de toutes nos institutions.
M. Roger Karoutchi. Il faudra qu’elle y reste !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Je crois que nous devons respecter également la volonté de chacun de porter ou non les attributs vestimentaires qu’il souhaite dans l’espace public. Je dis bien dans l’espace public. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Même le niqab ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Pour le reste, je souhaite m’attarder sur ce que le Gouvernement met en œuvre, c’est-à-dire une vraie diplomatie féministe (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – Un sifflement se fait entendre.), afin que nous puissions partager nos convictions de façon universelle sur les violences faites aux femmes, sur les contraintes faites aux femmes, sur l’égalité entre les femmes et les hommes, sur l’émancipation des femmes, autant de concepts, qui, à notre sens, doivent être universels, et qui nécessitent un engagement de toutes et tous, je le crois, à l’échelon national et international. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Vous restez dans l’ambiguïté !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. C’est dans ce sens que Marlène Schiappa travaille. (Exclamations sur les mêmes travées.) C’est dans ce sens également que le Président de la République remettra le prix Simone-Veil, qui récompense les actions en faveur des droits des femmes dans le monde.
C’est dans ce sens, enfin, que sera porté par la présidence française du G7 le thème de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce dont vous me parlez, madame la sénatrice, c’est une question d’égalité entre les hommes et les femmes, et, pour nous, c’est absolument essentiel. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Ce n’est pas le sujet !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État. Pour autant, je le rappelle, cela doit s’inscrire dans un esprit de laïcité, qui est la règle en France, dans notre République.
M. Philippe Pemezec. Vous vous dérobez !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour la réplique.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Madame la secrétaire d’État, je prends acte de votre réponse. J’ai bien peur qu’elle ne soit en total décalage avec le sens de mon message.
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Vous devez réaffirmer les valeurs d’universalisme qui font l’ADN de la France. Vous devez nommer les problèmes pour mieux les combattre. Le relativisme, qui est la marque de votre gouvernance depuis le départ, est une mauvaise réponse à de vrais problèmes. Je vous demande d’y réfléchir. Il est temps, vraiment ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)
radicalisation en prison
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
J’ai bien entendu la question de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, ainsi que votre réponse, madame la garde des sceaux. Pardonnez-moi si, en tant que sénateur de l’Orne, je n’ai pas exactement la même vision de la situation. Évidemment, je m’associe à la solidarité exprimée à l’égard des victimes de cet attentat, mais j’oscille entre colère et découragement.
Comment comprendre l’improbable et surréaliste régime des fouilles, alors que plus de 90 000 objets ont été trouvés cette année, et que 40 000 téléphones sont entrés dans les prisons en 2017 ? Je ne parle même pas de la créativité des détenus pour fabriquer des armes par destination avec tout ce qui leur passe par la main. Sans compter que le personnel pénitentiaire ne dispose toujours pas de gilets pare-lames.
Comment expliquer également l’accès à une unité de vie familiale pour un criminel de cette nature, qui plus est deux fois par mois ?
Comment expliquer les failles du renseignement pénitentiaire, alors que ce détenu était signalé pour des faits de radicalisation ?
Madame la ministre, quel calendrier et quelles mesures avez-vous l’intention d’adopter pour que nos personnels pénitentiaires soient mieux protégés, et qu’ils n’aient surtout pas le sentiment que le confort des détenus passe avant leur sécurité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)