Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre commission, sur le rapport de notre collègue Florence Lassarade, a adopté avec une légère modification la proposition de loi déposée par Catherine Deroche pour améliorer l’information en matière de reconstruction mammaire en cas de mastectomie.
Je voudrais ouvrir mon propos en les remerciant toutes deux et en saluant leur travail sur cette importante question, qui concerne tant la santé publique et l’égal accès aux soins que la dignité des patientes.
Avec environ 54 000 nouvelles personnes touchées chaque année, le cancer du sein est le plus répandu des cancers féminins. Dans 30 % des cas, le traitement implique une ablation partielle ou totale du sein. Les travaux en commission ont permis de mettre en lumière la diversité des parcours et des choix des femmes ayant subi une mastectomie.
La reconstruction mammaire n’est pas une obligation. Pour celles qui souhaitent retrouver une silhouette la plus naturelle possible, deux options se présentent : prothèse externe ou reconstruction chirurgicale avec ou sans implant. Il existe différentes techniques de reconstruction mammaire, à adapter en fonction du cas, de l’âge et de la morphologie.
Le choix est laissé à l’entière appréciation de la patiente, conseillée par des professionnels de santé.
Les multiples difficultés des femmes dans leur parcours de reconstruction ont été mises en lumière par la Ligue contre le cancer, notamment grâce au rapport de son Observatoire sociétal des cancers en 2014, qui évoque : des délais de prise en charge particulièrement longs dans les établissements publics, soit douze mois ou plus, contre trois à six mois dans le privé ; l’existence de dépassements d’honoraires du chirurgien et l’importance de ces dépassements, en général établis en fonction des taux de remboursement, variables, des mutuelles ; une opacité entre les indications de reconstruction cancérologique et les indications esthétiques.
La présente proposition de loi formalise une obligation spécifique d’information pour les professionnels de santé à destination des patientes devant subir ou ayant subi une mastectomie.
Si l’on ne peut qu’adhérer à l’objectif d’offrir une information optimale pour ces patientes, nous sommes réservés sur la solution choisie, qui établit une injonction supplémentaire et spécifique pour les seuls professionnels des traitements du cancer du sein, alors qu’ils sont déjà soumis à l’obligation générale d’information. D’autant que, nous l’avons rappelé, le manque d’information n’est pas la principale raison du non-recours à la reconstruction, puisque, selon la Ligue contre le cancer, seules deux femmes sur six ont le sentiment d’avoir été mal informées.
Les principales raisons restent la lourdeur de l’opération, l’appréhension psychologique face à un nouveau corps, la difficulté de revivre une nouvelle hospitalisation, le risque de déception quant aux résultats et le coût financier.
La majorité de notre groupe s’abstiendra donc sur le texte, dont il partage l’objectif mais pas le dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tenais tout d’abord à remercier nos collègues Catherine Deroche et Florence Lassarade, qui ont fourni un travail important sur une question douloureuse pour nombre de femmes.
Beaucoup reste à faire en la matière pour mieux accompagner les patientes atteintes d’un cancer du sein. L’amélioration de l’information sur la reconstruction mammaire en cas de mastectomie en fait partie, quel que soit leur choix ensuite.
Certaines femmes, en effet, ne ressentent pas le besoin de reconstruction de leur sein. Ce choix est personnel, mais il est évident que les patientes doivent disposer de toutes les informations pour faire un choix éclairé.
En cela, la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe Les Républicains constitue une avancée.
Alors que près de 60 000 cas de cancer du sein sont détectés chaque année, deux femmes sur cinq devront subir une ablation partielle ou totale.
Véritable double peine du cancer du sein, la mastectomie pour ôter une tumeur est une épreuve qui touche un nombre considérable de femmes : 20 000 Françaises sont concernées chaque année, soit 40 % des femmes à qui l’on diagnostique un cancer du sein.
Outre la douleur physique afférente à l’opération, les patientes doivent aussi affronter les bouleversements psychologiques que cause cette mutilation.
Après le choc de l’ablation, la reconstruction mammaire peut également être vécue comme une épreuve, car elle demande une opération, voire plusieurs, avec parfois des prélèvements de muscles sur d’autres parties du corps.
En rendant obligatoire l’information sur les procédés de chirurgie réparatrice existants, sur leur utilité et leurs conséquences respectives ainsi que sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent, ou, si le professionnel n’est pas en mesure de la fournir lui-même, sur le parcours de soins permettant à la patiente d’obtenir, sur tous ces éléments, une information appropriée, cette proposition de loi constitue donc une avancée pour les femmes. D’autant que le faible nombre de reconstructions mammaires est imputable, pour partie, à une carence d’information de la part des spécialistes réalisant les mastectomies. Mais ce n’est pas le seul frein à la chirurgie reconstructrice.
La tarification à l’activité n’encourage pas la reconstruction. En effet, les durées d’intervention et les coûts sont différents suivant les choix des praticiens.
Pour une reconstruction sans implantation de prothèse, l’intervention dure quatre heures, mais la patiente n’aura plus à revenir à l’hôpital par la suite.
À l’inverse, l’implant d’une prothèse dure moins longtemps, mais, souvent, la patiente devra être réopérée au bout de quatre ou cinq ans pour changer sa prothèse.
Les établissements de santé peuvent donc être tentés de privilégier la reconstruction avec prothèse, la sécurité sociale prenant en charge la ou les nouvelles opérations nécessaires.
Madame la ministre, vous nous avez dit en commission que les tarifs de remboursement de six actes de reconstruction mammaire ont été revalorisés de 23 % entre 2013 et 2015, et qu’en 2017 deux nouveaux actes ont été reconnus et inscrits à la nomenclature pour prise en charge par l’assurance maladie.
Nous nous réjouissons de ces évolutions. Mais ces revalorisations seront-elles suffisantes pour inverser certaines pratiques ? Car, même si la reconstruction mammaire est prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, les dépassements d’honoraires restent fréquents, jusqu’à dix fois le tarif de base de la sécurité sociale !
L’Observatoire sociétal des cancers avait estimé dans son rapport de 2014 que les patientes devraient payer en moyenne 1 330 euros de reste à charge.
Le coût de la réparation s’ajoute donc au coût du cancer, notamment celui des crèmes pour apaiser la cicatrice, du vernis pour masquer la chute de ses ongles, des prothèses externes et des soutiens-gorge adaptés, de la perruque, autant de soins indispensables considérés, hélas, comme des soins de confort par la sécurité sociale, et donc non remboursés.
Dès lors, il est intolérable que, malgré les revalorisations des actes chirurgicaux, des praticiens continuent de pratiquer des dépassements d’honoraires. D’où l’importance, pour notre groupe, d’exiger l’interdiction de tous les dépassements d’honoraires.
Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé aurait été un bon véhicule législatif pour y mettre un terme. Mais ce n’est, hélas, pas le cas, madame la ministre !
Si cette proposition de loi va dans le bon sens, elle n’apporte pas de réponses aux barrières financières qui freinent encore l’accès aux soins des patientes victimes de cancer du sein.
Pour ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues Catherine Deroche et Alain Milon, ainsi que le rapport de Florence Lassarade, qui appelle notre attention sur la question majeure de la reconstruction mammaire au travers de la formalisation juridique de l’obligation d’information que prévoit ce texte.
Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, le cancer du sein demeure la première cause de mortalité prématurée chez les femmes.
À ce sujet, madame la ministre, j’aimerais profiter de cette discussion générale pour attirer votre attention sur le problème soulevé par le Comité de défense de la gynécologie médicale. Vous le savez, le travail réalisé par les gynécologues est indispensable pour le dépistage des cancers. Néanmoins, la France fait actuellement face à une pénurie massive de gynécologues médicaux, ce qui représente un véritable danger pour les femmes.
Mme Françoise Laborde. C’est bien de le rappeler !
Mme Nadine Grelet-Certenais. En dix ans, le nombre de gynécologues médicaux a chuté de 42 % et les zones rurales ne sont pas les seules concernées. Nous en sommes à 3 gynécologues pour 100 000 femmes ! Cette pénurie, qui va s’aggraver en raison des départs à la retraite, pourrait avoir des conséquences lourdes sur le dépistage des cancers et sur la santé des femmes. Que prévoyez-vous pour répondre à cette urgence, madame la ministre ?
Concernant la reconstruction mammaire, il est essentiel d’améliorer l’information puisque 15 % des femmes interrogées par la Ligue contre le cancer estiment en avoir manqué ou ne pas avoir eu de proposition de l’équipe soignante, et que deux ou trois femmes sur dix s’engagent dans le processus de reconstruction mammaire.
Il me paraît opportun d’aborder cette question alors que le Gouvernement a annoncé l’évaluation du plan Cancer 2014-2019. L’examen de cette proposition de loi intervient par ailleurs, faut-il le rappeler, dans un contexte marqué par le scandale des prothèses mammaires, qui risque d’impacter négativement le choix des femmes.
Toutefois, si cette information nous paraît hautement nécessaire, le dispositif législatif nous a beaucoup interrogés. Quelle plus-value juridique ce texte apporte-t-il au regard de l’obligation d’information d’ores et déjà inscrite dans la loi ? N’est-ce pas plutôt à un prochain plan Cancer d’intégrer ces recommandations ?
Le véhicule législatif nous semble moins efficace que le prochain plan Cancer associé à des moyens concrets, y compris financiers, de mise en œuvre, d’autant que la problématique me semble bien plus large.
Au-delà de l’information, je crois qu’il aurait fallu pointer d’autres enjeux bien mis en évidence par le rapport de la Ligue contre le cancer en date de 2014. Ils ont trait à l’éloignement des centres de reconstruction mammaire, qui génèrent des coûts de transport non négligeables, notamment dans les départements ruraux. Je crois en effet primordial de ne pas déconnecter l’information de l’accès aux soins.
Le reste à charge est également très important, soit en moyenne quelque 1 400 euros, et ce malgré l’action prévue par le dernier plan Cancer d’organiser un accès à la reconstruction à un tarif opposable, action qui n’a pas été encore mise en place à ce jour. Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, madame la ministre, vous avez bien voulu rappeler cette action du plan Cancer III. Elle demeure cependant à l’étude.
Autre point lié à cette inégalité des femmes face à la reconstruction mammaire : les dépassements d’honoraires pratiqués « éhontément » par de trop nombreux médecins et qui sont devenus monnaie courante.
J’en veux pour preuve que l’information ministérielle en date de septembre 2017, destinée aux femmes avant la pose d’implants mammaires, mentionne à plusieurs reprises ce risque de dépassements. Cela tend à remettre en question la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie dans le cadre de l’affection longue durée, l’ALD.
Résultat : près de 15 % des femmes renoncent à la reconstruction mammaire pour des raisons purement financières. Les autres puisent dans leur épargne, font appel à leur famille, sollicitent une association, et près de 10 % d’entre elles contractent un emprunt. Le cancer participe à la paupérisation des patientes.
Sans oublier, enfin, le manque notoire d’accompagnement psychologique avant, pendant et après une mastectomie.
Manque d’accompagnement pour les traumatismes liés à la maladie, à l’ablation, aux problématiques d’identité, de féminité… Il ne faut pas omettre le temps nécessaire au deuil de l’amputation ; plus de 40 % des femmes dont la reconstruction a été immédiate en font état.
Il faut aussi tenir compte du temps nécessaire à la prise de décision. En effet, procéder ou non à une reconstruction mammaire doit être un vrai choix, qui ne s’effectue pas sous le coup du choc. « Il ne faut pas forcer la reconstruction mammaire », rappellent nombre de chirurgiens sénologues.
Compte tenu de tous ces aspects, dont on attend qu’ils soient abordés dans un prochain plan Cancer, et malgré le fait que cette proposition de loi ait le mérite de pointer le manque d’information, celle-ci nous paraît trop restrictive en se focalisant sur la seule information des professionnels de santé.
C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, guérir d’un cancer du sein ne suffit malheureusement pas. Après le choc de l’annonce et les traitements éprouvants, les femmes ont besoin de se reconstruire, de se réapproprier leur vie de femme, leur vie sociale et professionnelle, leur vie amoureuse et leur féminité.
Cette épreuve est particulièrement douloureuse lorsqu’elle s’accompagne d’une mastectomie. L’opération, vécue par beaucoup de femmes comme une mutilation, laisse d’importantes séquelles et entraîne un traumatisme à la fois physique et émotionnel.
Les chiffres ont été rappelés : le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme et la mastectomie intervient dans près de 30 % des cas.
Après une ablation totale du sein, la reconstruction mammaire n’est évidemment pas obligatoire et doit rester un choix personnel. Certaines femmes, d’ailleurs, la refusent. Mais, comme vous l’avez rappelé en commission, madame la ministre, « les patientes doivent avoir toutes les informations en main pour faire un choix éclairé ».
Or les chiffres recueillis par l’Observatoire sociétal des cancers de la Ligue contre le cancer montrent que très peu de patientes – seulement deux ou trois sur dix – s’engagent dans une reconstruction chirurgicale. Plusieurs raisons sont évoquées : tout d’abord, le fait que les hôpitaux qui pratiquent la mastectomie ne proposent pas tous la reconstruction ; ensuite, des listes d’attente trop longues ; également, un reste à charge très souvent élevé ; enfin, un manque d’information. Selon une étude menée par l’Institut Curie en 2011, plus de 60 % des patientes qui n’ont pas recouru à une reconstruction du sein estimaient l’information à ce sujet absente ou insuffisante au moment de la mastectomie.
Pour beaucoup de ces femmes, leur image est source d’une grande souffrance. Recourir à la reconstruction mammaire est alors essentiel pour ne plus voir la maladie lorsqu’elles se regardent dans le miroir. Cette perspective fait partie du processus de guérison et permet de « clore un chapitre » en se réappropriant leur corps. C’est, d’une certaine manière, une renaissance.
C’est pourquoi je remercie notre collègue Catherine Deroche d’avoir déposé cette proposition de loi qui vise à inscrire dans la loi l’obligation d’informer les patientes sur la reconstruction mammaire.
Même si vous ne vous y opposerez pas, je sais, madame la ministre, que vous êtes réservée sur ce texte. Vous considérez que l’information dont il est question est déjà couverte par le code de la santé publique, qui pose les principes généraux de l’information des usagers du système de santé. Vous avez également rappelé en commission que l’Institut national du cancer mettait à disposition des patientes des outils d’information sur les offres de reconstruction, tels que la plateforme Cancer info.
Je pense au contraire que cette proposition de loi est nécessaire pour que les chirurgiens parlent très tôt de la reconstruction mammaire à leurs patientes.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, dont je salue l’excellent travail, cela permettra « aux équipes médicales de les accompagner de façon optimale, par une information la plus complète possible, sur le chemin de l’acceptation de leur nouveau corps ».
Madame la ministre, je profite de cette tribune pour aborder une dernière question, me semble-t-il, importante pour toutes les femmes qui entrent dans un processus de reconstruction mammaire. Celle-ci se fait en plusieurs temps, le dernier étant la reconstruction de l’aréole et du mamelon. Cette ultime étape est essentielle pour que les patientes se réapproprient leur apparence physique.
L’aréole est reconstruite soit par une greffe – opération particulièrement douloureuse –, soit par la dermopigmentation, qui n’est que temporaire et offre un résultat esthétique souvent décevant.
Or il existe une nouvelle méthode : le tatouage tridimensionnel définitif de la plaque aréolo-mamelonnaire. Cette technique innovante a été importée des États-Unis par une ancienne chercheuse spécialisée en oncologie et reconvertie dans ce procédé, Alexia Cassar. Elle permet une reconstruction définitive, esthétique et personnalisée de l’aréole et du mamelon, qui va ainsi aider à l’intégration de ce nouveau sein reconstruit. Pour l’instant, ce procédé qui contribue à la reconquête de l’estime de soi pour les femmes opérées est malheureusement peu développé, non correctement encadré et pas encore pris en charge, même si une mutuelle a proposé récemment une prise en charge partielle. Je pense, madame la ministre, qu’il y aurait là matière à réfléchir.
En conclusion, le groupe du RDSE apportera tout naturellement son soutien unanime à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Michel Amiel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, c’est avec plaisir que j’interviens en explication de vote de notre groupe sur cette proposition de loi que j’ai déposée avec les présidents Alain Milon et Bruno Retailleau. Je remercie nos collègues du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste qui ont apporté leur soutien en la cosignant : ils sont plus de cent !
Je tiens également à féliciter notre rapporteure, Florence Lassarade, pour la qualité de son rapport. Chacun sait son attachement aux sujets de santé ; son expérience et son regard de médecin se retrouvent dans ce travail.
Pourquoi vouloir formaliser, dans la loi, l’obligation d’information sur la reconstruction mammaire en cas de mastectomie ? Nous sommes partis de plusieurs constats.
Tout d’abord, celui du nombre de femmes concernées : avec près de 60 000 nouveaux cas par an, le cancer du sein se place au premier rang des cancers de la femme.
Ensuite, les conclusions de l’Observatoire sociétal des cancers, qui, dans son quatrième rapport en date de 2014, estimait à 20 000 par an le nombre de femmes atteintes d’un cancer dont le traitement nécessite une reconstruction. Par ailleurs, il y est noté que deux tiers des femmes insatisfaites de leur chirurgie réparatrice s’estimaient mal informées sur le processus de cette reconstruction.
Un autre constat est le faible pourcentage, 17,5 % selon les données du programme de médicalisation des systèmes d’information, le PMSI , pour 2014, de femmes ayant subi une mastectomie qui ont bénéficié d’une reconstruction quatre ans après la tumorectomie.
Il faut aussi citer les témoignages des associations de patientes. Dans ce difficile parcours du traitement, après le choc de l’annonce du diagnostic, elles se sont fait l’écho des difficultés quand se pose la question du deuxième temps, qui vient après le temps du curatif : celui de la reconstruction du ou des seins. Permettez-moi, à cet égard, de saluer les représentantes de certaines associations qui sont présentes en tribune pour leur travail remarquable.
Enfin, il y a les témoignages des chirurgiens eux-mêmes, qui soulignent ce besoin d’une information « digne » de ce nom.
Je ne reviendrai pas en détail sur ce qu’est le parcours semé d’obstacles que vivent les patientes. Le rapport de Florence Lassarade est très clair, notamment sur les réticences psychologiques et personnelles, sur les difficultés d’ordre socio-économique et géographique, en particulier quant au reste à charge et aux inégalités d’accès.
Les techniques de reconstruction sont multiples et bien explicitées dans le rapport.
Les indications ne sont pas uniformes puisque les cancers eux-mêmes et leur étendue, les traitements de radiothérapie associés, la morphologie, etc., sont des facteurs à prendre en considération.
Madame la ministre, vous avez, devant la commission, évoqué les avancées certaines, mais aussi les limites du plan Cancer 2014-2019, notamment l’action 9.10 « pour permettre un égal accès aux actes et dispositifs de reconstruction après un cancer », et les travaux en cours de la Direction générale de l’offre de soins, la DGOS.
Certes, l’obligation d’information est couverte par les dispositions de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, qui pose les principes de l’information des usagers du système de santé. Des outils d’information existent, fournis par le ministère, l’INCa ou les associations, mais on sait que cela n’est pas totalement opérant.
S’il nous semble important de prévoir dans cet article l’information sur la reconstruction, c’est parce qu’elle est une suite du parcours initial de soin de la tumeur et que l’on voit bien qu’il s’agit d’un deuxième temps très spécifique.
Le chirurgien « réparateur » ne sera pas obligatoirement le même que le chirurgien qui a pratiqué la première intervention. Cela se traduit par des interventions parfois multiples, et surtout l’éventail des techniques, des coûts, des indications et contre-indications doit être explicite pour la patiente. Le choix de celle-ci de faire ou de ne pas faire est souverain, mais il doit s’exercer en toute connaissance.
Enfin, je le répète, nous sommes non pas dans le curatif pur, comme dans le traitement initial, avec pour buts d’éradiquer la tumeur et de combattre la maladie, mais bien dans le temps de l’après : le temps de se « reconstruire » et se sentir mieux dans ce nouveau corps. Et je salue la décision de la commission d’avoir élargi l’obligation d’information à une période ultérieure à la mastectomie initiale.
Certains regrettent que cette proposition de loi ne porte que sur cet article du code de la santé publique relatif à l’information. Je ne nie pas en effet tous les autres aspects liés au cancer du sein, qui sont fort nombreux. Mais notre choix de nous limiter à cette information est délibéré pour mettre l’accent et sensibiliser sur cette nécessité.
L’inscrire dans la loi nous semble capital et ne pourra sans nul doute, madame la ministre, qu’être un « plus » dans votre volonté affichée de renforcer les critères du régime des autorisations en cancérologie, dont vous avez souligné l’importance comme levier de qualité.
Le groupe Cancer, que j’ai l’honneur de présider, ne limite pas son action à ce domaine de l’information des patients. Il a un programme fourni en 2019, dont l’examen du thème « cancer et travail ». Je profite de cette tribune pour remercier les collègues et les administrateurs actifs dans ce groupe.
Vous l’aurez compris, notre groupe Les Républicains votera ce texte avec conviction et clarté, afin de soutenir les nombreuses femmes qui doivent faire face à cette pathologie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Michel Amiel applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Michel Amiel applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.