compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Compte d'affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage - État D (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Relations avec les collectivités territoriales - Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Relations avec les collectivités territoriales - État B
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Relations avec les collectivités territoriales - État B

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Relations avec les collectivités territoriales

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 79 à 81 ter) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président du Sénat, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 constitue, s’agissant des finances des collectivités territoriales, un texte de transition.

Nous allons discuter de l’évolution des dotations ou de la réforme de la dotation d’intercommunalité et nous prononcer sur des amendements qui visent à déplacer parfois quelques centaines de milliers d’euros, alors que nous ne savons même pas quel sera le panier des ressources fiscales de chaque échelon dans quelques mois.

En effet, la loi de finances pour 2018 prévoit de dégrever de taxe d’habitation 80 % des Français d’ici à 2020 et le Gouvernement, « encouragé » en cela par le Conseil constitutionnel, a annoncé la suppression totale de cette imposition d’ici à 2021.

Monsieur le ministre, vous le savez, le Sénat s’est opposé à cette réforme l’an dernier. Certes, il est indispensable de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Mais la suppression de la taxe d’habitation ne résout pas le problème de l’obsolescence des valeurs locatives, véritable source des injustices de la fiscalité locale, qui continueront à être utilisées pour la taxe foncière ou pour la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

De plus, le lien entre le contribuable/citoyen et le financement des services publics locaux sera rompu ou, à tout le moins, affaibli. À l’heure où le consentement à l’impôt est questionné, nous ne pouvons que le regretter.

Il s’agit enfin d’un véritable affaiblissement de nos collectivités territoriales dans la mesure où la taxe d’habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local. En tout état de cause, cette décision achève notre système fiscal local et consacre définitivement son caractère « à bout de souffle ».

La question qui se pose désormais est celle du remplacement de cette ressource fiscale. Plusieurs hypothèses ont été envisagées au cours de l’année, notamment un transfert de la part départementale de la taxe foncière au bloc communal, compensé par une fraction de TVA ou de CSG. Si l’inquiétude des élus locaux persiste, c’est parce que les zones d’ombre demeurent et parce que les scénarios sur la table s’inscrivent tous dans la logique d’un affaiblissement du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. L’éventuel partage d’impôts nationaux les privera du pouvoir de taux et la tentative du Gouvernement, dans le présent projet de loi de finances, de priver les régions d’une partie de la dynamique de la TVA n’est pas de bon augure.

J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2019.

Dotée de 3,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,4 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission comprend les crédits de certaines dotations versées par l’État aux collectivités territoriales, soit en compensation de transfert de compétences, soit pour subventionner des projets, notamment en matière d’investissement.

Les autorisations d’engagement augmentent de 97 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, du fait, d’une part, du versement par l’État de 84 millions d’euros aux départements au titre de la dotation générale d’équipement, la DGE, afin d’apurer une dette de l’État, et, d’autre part, du versement d’une aide exceptionnelle de 50 millions d’euros à Saint-Martin. Cette hausse des crédits de la mission est toutefois financée par une minoration des variables d’ajustement, prévue en première partie.

Si l’on s’intéresse plus précisément aux dotations de soutien à l’investissement local versées par l’État au bloc communal, on observe qu’elles diminuent de 45 millions d’euros en 2019, en raison de la suppression des crédits dédiés aux contrats de ruralité, qui avaient été intégrés au sein de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL. Cette suppression s’ajoute à celle d’une partie des crédits de la réserve parlementaire, intervenue en 2018.

Sur ces dotations de soutien à l’investissement des collectivités territoriales, en particulier de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, nos collègues ont déposé un grand nombre d’amendements afin de réformer le fonctionnement des commissions départementales. Sans entamer dès maintenant le débat que nous aurons tout à l’heure, nous pensons, Claude Raynal et moi-même, qu’il n’est pas véritablement souhaitable de modifier outre mesure le fonctionnement des commissions départementales, qui donnent plutôt satisfaction et restent suffisamment efficaces.

Mon collègue Claude Raynal traitera plus longuement de la réforme de la dotation d’intercommunalité. Avec les modifications successives intervenues depuis l’Assemblée nationale ou dans les officines, on s’est considérablement éloigné, nous semble-t-il, des hypothèses envisagées par le comité des finances locales, le CFL, qui souhaitait s’appuyer essentiellement sur le CIF. Nous accepterons ces évolutions dans la mesure où la réforme va plutôt dans le bon sens, mais nous sommes d’accord pour reconnaître que le dispositif est loin d’être satisfaisant et qu’il faudra très rapidement le revoir.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la principale mesure proposée dans le projet de loi de finances pour 2019, s’agissant des finances des collectivités territoriales, concerne la dotation d’intercommunalité.

Nous l’avons régulièrement souligné, cette dotation est à bout de souffle. Si elle visait, à l’origine, à inciter au regroupement des communes, l’achèvement de la carte intercommunale l’a privée de sa logique initiale. Ses nombreuses garanties, tout comme la contribution au redressement des finances publiques, les changements réguliers de catégories juridiques des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et les changements de périmètres intervenus en 2017 ont eu raison d’une logique d’enveloppes par catégories juridiques d’EPCI qui ne fonctionnait plus. Plusieurs abondements de cette dotation ont d’ailleurs été nécessaires ces dernières années. Aussi, nous nous félicitons qu’elle soit enfin réformée.

La réforme proposée supprime notamment la logique d’enveloppes par catégories juridiques ; elle introduit le critère du revenu par habitant au titre des critères de charge et prévoit un abondement annuel de 30 millions d’euros.

En définitive, les communautés de communes seraient les principales bénéficiaires de la réforme, avec un gain moyen par habitant de 4,8 euros pour les communautés de communes à fiscalité professionnelle unique, et 6 euros par habitant pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle.

L’article 79, qui « met en musique » cette réforme et que nous examinerons dans quelques instants, constitue donc, selon nous, une base de travail équilibré. Nous émettrons par conséquent un avis défavorable sur les amendements dont l’adoption serait susceptible de bouleverser cet équilibre.

Nous sommes donc favorables à cette réforme, mais je souhaiterais souligner que le dispositif proposé fonctionne uniquement grâce aux abondements prévus chaque année. En d’autres termes, l’article 79 ne constitue pas la « véritable » réforme de la dotation d’intercommunalité. Et, dans l’hypothèse d’une refonte de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, il sera probablement nécessaire de remettre l’ouvrage sur le métier.

Je souhaiterais d’ailleurs aborder le sujet de la réforme de la DGF. Depuis 2017, la suppression de la taxe d’habitation a concentré le débat sur les sujets fiscaux, mais le constat dressé en 2015 par notre collègue députée Christine Pires Beaune et notre ancien collègue Jean Germain reste d’actualité : cette dotation est toujours aussi peu lisible, et la question de la pertinence de sa répartition continue de se poser. Ce constat s’est même aggravé en raison de la contribution au redressement des finances publiques.

Le Président de la République a mentionné le sujet voilà quelques jours, lorsqu’il a reçu des maires à l’Élysée, et vous-même l’avez récemment évoqué, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous indiquer si le projet de loi de finances rectificative envisagé au printemps comportera une réforme de la DGF ou, au moins, ouvrira le débat sur ce point ?

La réforme fiscale ne relègue pas ce sujet au second plan. Au contraire ! Le bouleversement des ressources fiscales rendra encore plus fondamentale une juste répartition des dotations.

À ce sujet, nous vous proposerons par amendement de commencer à travailler sur des mécanismes de mesure des charges des collectivités territoriales qui soient plus fins que les « indices synthétiques » que nous utilisons aujourd’hui. Pour que les dotations soient réparties de façon juste, elles doivent être assises sur des critères eux-mêmes justes et transparents.

Je souhaite dire un mot sur les départements. Nous examinerons tout à l’heure la création d’un fonds de stabilisation des départements sur trois ans, complété par un renforcement de la péréquation horizontale. Il s’agit du traditionnel fonds « exceptionnel » pour les départements, que nous votons tous les ans pour leur permettre de passer l’année.

Monsieur le ministre, il est temps de trouver une solution pérenne au problème du financement des allocations individuelles de solidarité par les départements.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très juste !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce titre ?

Je voudrais revenir d’un mot sur le sujet de la taxe d’habitation, évoqué par notre collègue Charles Guené. Au-delà des inquiétudes que sa suppression suscite concernant les finances des collectivités locales, inquiétude que nous partageons tous sur ces travées, dans l’absolu, elle n’a de sens que si le financement de la mesure trouve son origine dans les fruits de la croissance. Sinon, cela reviendrait finalement à financer la suppression de cet impôt local, que 30 % des foyers ne payent pas aujourd’hui, par l’augmentation d’autres taxes qui, elles, seraient payées par tous, y compris les plus fragiles. Dans la période actuelle, ne doutons pas que, sur ce point, nos concitoyens seront extrêmement attentifs.

Enfin, les projets de fusion de métropoles/départements sur lesquels vous travaillez ne me semblent pas en résonance avec les craintes manifestées par les territoires périurbains et ruraux, inquiets à juste titre devant des disparités qui s’accroissent inexorablement. Je ne saurais trop donc vous conseiller de mettre fin à cette réflexion, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aurons l’occasion de revenir sur le montant des crédits inscrits au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019.

La commission des lois, tout en émettant de sérieuses réserves sur certains points, ne s’est pas opposée à l’adoption de ces crédits, préférant porter son attention sur leurs modalités de répartition et, plus largement, sur la répartition des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Les vingt dernières années ont été marquées par une recentralisation lente et méthodique dans l’attribution des dotations d’investissement.

Au moment des grandes lois de décentralisation de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, le législateur avait souhaité remplacer un système de subventions versées par les ministères ou par les préfectures par des dotations globalisées, libres d’emploi ou fondées sur le principe du taux de concours.

La dotation globale d’équipement, ou DGE, était fondée sur un principe simple : la loi fixait la liste des dépenses éligibles au soutien de l’État et l’enveloppe totale de la dotation, après quoi tout projet d’investissement répondant aux critères légaux recevait de plein droit un soutien financier calculé au prorata de son coût.

Certes, la DGE des communes avait ses défauts, et elle fut finalement remplacée en 2011 par la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ce qui marquait le retour à un régime de subventions. Mais, en 2011, on n’avait pas encore tout à fait perdu de vue les principes de la décentralisation. C’est pourquoi on créa une commission départementale d’élus, la commission DETR, chargée de contrôler l’attribution des subventions par le préfet. On ne s’embarrassa pas des mêmes scrupules en 2016, lors de la création de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL.

Les pouvoirs de la commission DETR sont très limités, et le juge administratif n’exerce qu’un contrôle restreint sur l’attribution des subventions.

Afin d’y voir plus clair sur la répartition de la DETR et de la DSIL, j’ai demandé au Gouvernement de me communiquer l’ensemble des subventions attribuées au titre de ces deux dotations en 2017 et en 2018. Il m’a été répondu que l’administration centrale ne disposait pas de données consolidées de la DETR. J’ai donc dû formuler cette même demande auprès de l’ensemble des préfets de département. Je reçois encore ces jours-ci leur réponse.

Il en ressort, en premier lieu, que les pratiques sont extrêmement diverses d’un département à l’autre. Le nombre de subventions attribuées au titre de la DETR varie de 15 à près de 800, et leur montant moyen de 18 000 euros à 180 000 euros. Je ne critique pas cette disparité ; elle montre que le cadre légal est suffisamment souple pour permettre de s’adapter aux besoins locaux.

En deuxième lieu, on remarque que le coût moyen des opérations subventionnées au titre de la DETR est relativement élevé, à 150 000 euros environ. À titre de comparaison, le coût moyen des projets subventionnés grâce à la réserve parlementaire était de 100 000 euros.

Afin de donner aux élus les moyens d’un réel contrôle sur les choix d’opportunité faits par les préfets, la commission des lois propose de créer dans chaque département une commission départementale des investissements locaux chargée de contrôler à la fois l’attribution de la DETR et la fraction départementale de la DSIL. Ses pouvoirs seraient sensiblement renforcés par rapport à ceux de l’actuelle commission DETR.

Nous vous présenterons par ailleurs un amendement important sur la dotation d’intercommunalité, qui a une forte spécificité parmi les dotations de fonctionnement.

La commission des lois s’est prononcée en faveur de l’adoption de ces crédits et a adopté sept amendements sur les articles rattachés. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit dans un contexte incertain pour les finances des collectivités territoriales

Incertitudes d’abord quant à des décisions de l’État, comme le dégrèvement progressif de la taxe d’habitation, qui doit être compensé, les modalités de calcul des dotations, qui restent mystérieuses, ou encore les fusions de communes et d’intercommunalités, qui posent de nombreuses questions dans leur mise en œuvre

Incertitudes également quant à l’ampleur de la diminution de crédits ou de dispositifs incitatifs, qu’il s’agisse du financement des contrats aidés, des recettes des agences de l’eau ou de la répercussion sur les organismes d’habitations à loyer modéré de la baisse de l’aide personnalisée au logement.

À cela s’ajoutent les difficultés économiques et sociales que nous connaissons tous : classes fermées, centres-bourgs qui perdent leurs commerces, services publics menacés, déserts médicaux, fracture numérique…

Comment s’étonner dès lors du découragement de nombreux élus locaux ?

Les multiples lois de décentralisation et de déconcentration intervenues depuis des années n’ont apporté que des réponses cosmétiques aux besoins des territoires. Parfois, elles ont elles-mêmes aggravé les problèmes. La complexité de la fiscalité locale et du système des dotations cache en fait une diminution constante des ressources des communes depuis trente ans.

Résultat : des territoires en grande difficulté, auxquels on demande pourtant de réduire leurs budgets ; des élus qui ne savent plus comment faire pour ne pas laisser dépérir leurs villages ; des communes rurales sans moyens humains et financiers pour soutenir le lien social et économique.

Selon le projet de loi de finances pour 2019, l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales connaîtrait l’an prochain une légère augmentation, de 0,8 % en valeur, due notamment à la reprise de l’investissement local et à la hausse consécutive du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, ou FCTVA, mais une baisse de 0,7 % en volume, compte tenu des prévisions d’inflation.

Quant aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ils ne représentent qu’environ 8 % des concours financiers de l’État aux collectivités. Il ne s’agit donc que d’une partie minime de l’effort financier de l’État en leur faveur. Leur légère hausse de 97 millions d’euros en 2019 s’explique principalement par des effets de périmètre et par l’augmentation des moyens de la direction générale des collectivités locales, la DGCL.

Monsieur le ministre, vous trouvez sans doute injustes les critiques des élus locaux alors que c’est la première fois depuis des années que la baisse des dotations est amortie.

Mais, vous le savez bien, avec la mise en œuvre de ces dispositions, dans une opacité quasi totale de la part de l’administration du ministère des finances, qui vous a privé de tout bénéfice politique de cette décision, de très nombreuses communes ont connu une réalité à l’opposé des annonces. Un exemple parmi d’autres : on a encouragé depuis plusieurs années les EPCI à augmenter leur coefficient d’intégration fiscale en prévoyant une évolution de la dotation d’intercommunalité proportionnelle à l’effort, et, au bout du compte, on décide un plafonnement de cette évolution à 110 %, ce qui annule 75 % de la mesure pour de nombreuses collectivités. Cela frappe une fois encore les plus vertueux et discrédite l’État, qui trouve un nouveau moyen détourné de ne pas tenir ses promesses.

Mme Françoise Gatel. Très juste !

M. Claude Malhuret. Les élus de nos territoires sont prêts à accepter beaucoup ; ils l’ont fait dans le passé. Mais ils aimeraient maintenant avoir des preuves concrètes du soutien de l’État, que ce soit au travers de la mise en œuvre effective des politiques annoncées, comme les opérations « Cœur de ville » ou de soutien aux centres-villes et centres-bourgs, et avec des outils incitatifs forts ainsi que des subventions ciblées et bien réparties entre collectivités, comme la DETR.

Nous demandons que la situation de certaines intercommunalités ayant perdu de 70 % à 100 % de leur dotation du fait de mécanismes complexes de garantie applicables, soit revue.

Pour ma part, je fais confiance aux élus locaux qui ont tracé des trajectoires vertueuses en réduisant leurs dépenses de fonctionnement pour se ménager des possibilités d’investissement.

Je voudrais également profiter de cette tribune pour rendre un hommage appuyé à tous les maires, notamment ceux des petites communes rurales. Ce sont des élus exemplaires qui ne comptent pas leur temps pour rendre service à leurs administrés et qui s’engagent au quotidien pour dynamiser leur territoire et créer du lien, bien souvent – hélas ! – avec peu de moyens. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement pour prévoir un mécanisme de garantie de sortie de la dotation de solidarité rurale dans le cadre de la modification des périmètres des intercommunalités. Cela peut en effet pénaliser une commune rurale dite « défavorisée » qui intégrerait un EPCI dit « riche ».

La tentation de tout miser sur les métropoles pour tenir notre rang et résister dans une mondialisation de plus en plus concurrentielle peut se comprendre ; mais y céder serait une erreur. Ce n’est pas en opposant rural et urbain, communautés de communes et communautés d’agglomération, ruralité et métropoles, qu’on résoudra le problème. C’est en travaillant les complémentarités.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Très bien !

M. Claude Malhuret. Les campagnes ont des difficultés, mais elles ne font pas la manche. C’est d’une logique de réciprocité dans le développement que nous avons besoin. La République ne peut pas se contenter de n’être qu’une somme de territoires gagnants et de territoires perdants. Lorsqu’une partie des Français se sentent oubliés par la République, ils se tournent vers les extrêmes et se rappellent à son bon souvenir le jour des élections.

Il est essentiel de donner aux collectivités les moyens d’agir pour l’intérêt des populations et de respecter leurs libertés. Dès leur création, et encore plus depuis les lois de décentralisation, les collectivités ont été les piliers de notre modèle républicain, garants de nos valeurs d’égalité, de vivre-ensemble et acteurs de la démocratie de proximité. Nous devons rendre hommage à nos élus locaux et leur apporter un soutien sans faille.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2019 tel qu’amendés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, cher collègue seine-et-marnais, mes chers collègues, le Congrès des maires se tenait voilà une quinzaine de jours. À cette occasion, chacun a pu entendre la volonté des élus locaux de participer à la transformation de notre pays dès lors qu’ils sont écoutés et considérés.

Le Président de la République, dans son courrier adressé à tous les maires de France, a pu renouveler sa confiance envers l’intelligence territoriale. Conformément à ses engagements, il a souhaité qu’il n’y ait dans ce quinquennat ni réforme institutionnelle concernant les collectivités locales ni nouveaux transferts de compétences. Et c’est heureux : pour les élus locaux que nous avons été, notamment dans les exécutifs, et que nous représentons, les années passées ont été très traumatisantes.

Toutefois, comme l’a indiqué le Président de la République, il est nécessaire de mettre à plat la fiscalité locale, et même la fiscalité tout court. Le système est extrêmement technique, opaque, au point qu’il est devenu un domaine d’experts. Une réforme de la fiscalité en concertation avec les élus est prévue au printemps 2019. Nous espérons qu’elle s’accompagne d’une réflexion globale sur les ressources des collectivités leur permettant une pérennité financière. À cet égard, je ne peux qu’inviter le Gouvernement à préciser rapidement les options envisagées pour compenser la suppression de la taxe d’habitation, afin de sceller le pacte de confiance réciproque.

Les aspects budgétaires nous réunissent aujourd’hui. Nous ne pouvons que saluer le Gouvernement, qui, comparativement aux années précédentes, a compris que les collectivités étaient asphyxiées.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Quelle découverte…

M. Pierre-Yves Collombat. Il était temps qu’il le comprenne !

M. Arnaud de Belenet. Je vous remercie, chers collègues, de saluer l’attention singulière et particulière qui existe depuis deux ans. (Marques dironie au banc des commissions.)

Les transferts financiers globaux entre l’État et les collectivités territoriales augmentent de 3 milliards d’euros par rapport à 2018, et les concours financiers de l’État aux collectivités locales augmentent, s’élevant à 48,6 milliards d’euros au lieu de 48,3 milliards d’euros en 2018. Au sein de ces concours, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » demeure constante. C’est sans doute pour cette raison que, dans son rapport pour avis, notre collègue Loïc Hervé s’est déclaré favorable à l’adoption des crédits de la mission qui nous intéresse aujourd’hui.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Une fois n’est pas coutume !

M. Arnaud de Belenet. Je souhaite aborder rapidement trois points : la DGF, la péréquation et l’investissement local.

Après des baisses successives, la DGF est, pour la deuxième année, stable à enveloppe globale. J’espère néanmoins que les variations connues en 2018 – M. Malhuret les évoquait à l’instant – seront moins importantes. À cet égard, je souligne un amendement de notre collègue député Jean-René Cazeneuve visant à prévoir que la publication des chiffres relatifs à la DGF soit assortie de la communication simultanée des explications des écarts et variations par rapport à l’année précédente.

Si, pour la DGF, l’endiguement de la péréquation horizontale est positif, la péréquation, qu’elle soit verticale ou horizontale, est encouragée. Les ressources du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sont maintenues. Il faut le noter, la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR, progressent.

Dans le prolongement de l’intervention de Claude Malhuret, je souhaite partager avec vous une interrogation sur ces petites communes qui, à 10 000 euros, 15 000 euros ou 20 000 euros près, voient leur situation considérablement évoluer.

Je pense notamment à ces élus contraints de supprimer un demi-équivalent temps plein et d’aller tondre la pelouse eux-mêmes devant leur mairie, quand 10 000 ou 15 000 euros leur manquent. La mécanique des dotations de fonctionnement ne mériterait-elle pas que l’on prenne en compte, dans le budget de l’État, pour quelques centaines de millions d’euros, la situation de ces très petites communes ?

Enfin, le soutien à l’investissement local constitue l’un des objectifs affichés de ce budget. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, l’investissement local est l’un des moteurs de la croissance économique et du progrès social comme culturel. Le soutien de l’État à cet investissement est donc primordial. C’est pourquoi il est maintenu à un niveau élevé, grâce à la DETR, la dotation politique de la ville et la DSIL.

La dotation globale d’équipement des départements est quant à elle transformée en une véritable dotation de soutien à l’investissement des départements, composée de deux parts : la première serait répartie en enveloppes régionales pour des projets jugés prioritaires et la seconde serait ventilée entre les départements en fonction de leur potentiel fiscal. Mes chers collègues, je connais les réserves de certains à son égard. Voyons à moyen terme les résultats de cette nouvelle dotation !

En conclusion, je remercie le Gouvernement d’avoir, par ce budget, montré sa confiance envers les collectivités, qui jouent le rôle précieux de premier lien dans l’architecture de notre pays.

Nous voterons évidemment les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.)