Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Nous sommes heureux de l’entendre !
M. Franck Riester, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre projet de budget pour 2019 est un budget d’avenir, qui laisse entrevoir la naissance de projets importants : la réforme de la distribution de la presse, celle de l’audiovisuel public et de l’audiovisuel au sens large, la réforme de la législation de 1986, la création du Centre national de la musique, pour ne citer que ces grandes ambitions.
C’est aussi un budget profondément fidèle à notre modèle culturel, qui préserve l’indépendance des médias et des auteurs, la diversité de la création et des contenus.
À cet égard, je tiens à vous dire que nous sommes aux côtés des parlementaires européens français, qui mènent avec le Gouvernement une âpre négociation dans le cadre du trilogue relatif à la directive sur le droit d’auteur, en particulier sur l’article 11 sur le droit voisin pour les éditeurs de presse, qui est un combat important.
Le Gouvernement souhaite, soyez-en assurés, que cette négociation aboutisse à un bon texte. Il ne s’agit pas d’aboutir pour aboutir. Il faut parvenir à un bon texte, notamment sur l’article 11, mais également sur l’article 13 sur les droits d’auteur et les négociations avec les plates-formes de partage de contenus et sur l’article 14 – ces trois articles sont liés, d’une certaine façon –, qui porte sur une rémunération juste et proportionnée des auteurs et artistes interprètes.
C’est dans cet équilibre budgétaire que se trouve, à mon sens, la clé du succès pour nos médias, nos livres et nos industries culturelles dans un monde numérique.
Si vous le souhaitez, je répondrai par la suite à toutes les questions que vous me poserez sur les amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
média, livre et industries culturelles
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
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Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
562 058 811 |
579 449 028 |
Presse et médias |
280 047 363 |
280 047 363 |
Livre et industries culturelles |
282 011 448 |
299 401 665 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
3 859 620 069 |
3 859 620 069 |
France Télévisions |
2 543 117 594 |
2 543 117 594 |
ARTE France |
283 330 563 |
283 330 563 |
Radio France |
604 707 670 |
604 707 670 |
France Médias Monde |
261 529 150 |
261 529 150 |
Institut national de l’audiovisuel |
89 185 942 |
89 185 942 |
TV5 Monde |
77 749 150 |
77 749 150 |
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-71, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
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France Télévisions |
|
7 000 000 |
|
7 000 000 |
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ARTE France |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
||
Radio France |
|
|
|
|
||
France Médias Monde |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
||
Institut national de l’audiovisuel |
|
|
|
|
||
TV5 Monde |
|
|
|
|
||
TOTAL |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. J’ai déjà en grande partie présenté cet amendement lors de la discussion générale. Il vise à transférer du budget du vaisseau amiral qu’est France Télévisions 5 millions d’euros au budget de France Médias Monde et 2 millions d’euros au budget d’Arte, soit 7 millions d’euros au total. J’y insiste, ces 7 millions d’euros ne représentent que 0,3 % du budget de France Télévisions. Il n’est donc pas question de charcuter son budget.
Monsieur le ministre, vous dites qu’ARTE a les moyens. Le problème, c’est que si l’on retire 2 millions d’euros à ARTE France, l’Allemagne se dit qu’elle va en faire autant. (M. André Gattolin s’exclame.) Le système est complètement fou. Nous sommes partenaires des Allemands. ARTE ayant décidé de mettre en place un certain nombre d’émissions en plusieurs langues européennes, à destination de plusieurs publics européens, nous avons besoin de crédits supplémentaires pour faire entendre la voix de la France et faire rayonner le service public français.
Il est vrai, monsieur le ministre, que France Médias Monde a bénéficié un temps d’augmentations, mais il lui a aussi été très fortement demandé depuis cinq ans, comme à ARTE, d’ailleurs, de faire des efforts de gestion et de rigueur budgétaire, efforts que France Télévisions a faits – on va le dire ainsi – dans des proportions moindres. Par conséquent, il est injuste aujourd’hui de donner le même coup de rabot à tout le monde, à hauteur de près de 1 % ».
Dans ces conditions, je souhaite sincèrement que l’on donne à France Médias Monde la capacité d’agir partout dans le monde et à ARTE celle d’agir dans toute l’Europe. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-114 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Bruguière, MM. Brisson et Paccaud, Mme Duranton, MM. Savin, Schmitz et Piednoir et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
+ |
- |
+ |
- |
||
France Télévisions |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
||
ARTE France |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
||
Radio France |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
||
France Médias Monde |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
||
Institut national de l’audiovisuel |
|
|
|
|
||
TV5 Monde |
|
|
|
|
||
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement est proche de celui que vient de présenter M. le rapporteur spécial. Simplement, le montant qu’il vise à prélever sur France Télévisions est un peu inférieur. Quant à la répartition des crédits qu’il tend à prévoir entre ARTE et France Médias Monde, elle est quelque peu différente.
Nous souhaitons tous, sur l’ensemble de nos travées, à la fois soutenir et renforcer la présence française à l’étranger à travers France Médias Monde. De même, un grand nombre de nos collègues demandent que la chaîne ARTE soit un peu récompensée des efforts qu’elle a réalisés jusqu’à présent pour harmoniser son action et réaliser des économies.
Seulement, un élément nouveau est intervenu : le Sénat a adopté à la quasi-unanimité la réaffectation à France Télévisions d’une part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. France Télévisions va donc bénéficier d’un apport considérable. Je l’incite toutefois à profiter de ce financement supplémentaire pour investir davantage dans le numérique et pour amorcer une diminution de la présence de la publicité sur ses chaînes.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, au profit de celui de Roger Karoutchi, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-114 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-324, présenté par Mme Garriaud-Maylam et M. Vall, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
France Télévisions |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
ARTE France |
|
|
|
|
Radio France |
|
|
|
|
France Médias Monde |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
Institut national de l’audiovisuel |
|
|
|
|
TV5 Monde |
|
|
|
|
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Mon amendement est encore plus modeste : Je ne reviens pas sur l’argumentaire. Je vais retirer mon amendement au profit de celui de M. Karoutchi. Si la situation était vraiment désespérée, je pourrais toutefois, s’il le fallait, le présenter de nouveau.
En tout cas, je vous remercie tous deux, chers collègues, d’avoir défendu France Télévisions.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-324 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-71 ?
M. Franck Riester, ministre. Les budgets de France Médias Monde et d’ARTE ont connu une évolution en deux ans : celui de France Médias Monde a augmenté de 1,8 %, ce qui lui a notamment permis de développer France 24 en espagnol ; celui d’ARTE a connu une hausse de 1,2 %.
Il est vrai qu’ARTE et France Médias Monde ont réalisé des efforts et qu’elles accomplissent un travail remarquable. Pour autant, il n’est pas, à mon avis, de bonne politique de déshabiller France Télévisions pour habiller ARTE et France Médias Monde.
Ce qu’il faut, et cela fera partie des discussions que nous aurons ensemble, c’est avoir une vision globale de l’audiovisuel public…
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est ce que nous réclamons !
M. Franck Riester, ministre. Oui, je le sais, chère Catherine Morin-Desailly, et moi aussi !
Nous devons avoir une vision globale de la présence du service public à l’ère du numérique, à la télévision, à la radio, sur internet, en France et à l’étranger. Voilà ce que nous devons bâtir ensemble. Nous en discuterons au cours des mois à venir. Ce n’est qu’alors que nous pourrons être fiers de donner à l’audiovisuel public de ce pays les moyens de relever les défis qui sont les siens, afin qu’il puisse être une référence en Europe.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le dernier amendement restant en discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je voterai contre cet amendement, et pour de bonnes raisons.
Nous parvenons à un équilibre. Nous demandons beaucoup d’efforts gradués dans le temps à France Télévisions, jusqu’en 2022. Nous avons tendance au Sénat, en particulier au sein de la commission de la culture, à trouver ARTE et France Médias Monde formidables. (Exclamations.) Ce sont en effet de belles chaînes, mais on a surabondé leurs budgets.
Il faut savoir de quoi l’on parle. J’ai entendu dire que, si la France diminuait le budget d’ARTE, elle enverrait aux Allemands le signal qu’ils peuvent faire de même. C’est là une méconnaissance totale de la structure d’ARTE. Je vous invite à vous intéresser aux trois sociétés qui la composent : le GIE ARTE, qui est une petite structure d’environ 150 millions d’euros cofinancée à égalité par la France et l’Allemagne et qui gère la diffusion et quelques programmes d’information ; puis ARTE France, d’un côté, et ARTE Allemagne, de l’autre.
Pour notre part, nous finançons ARTE France, qui produit des programmes inédits, diffusés uniquement sur ARTE. ARTE Deutschland, de son côté, compte à peine une cinquantaine de personnes au siège. Tout dépend de la production d’ARD et, dans une moindre mesure, de la ZDF.
L’Allemagne, disons les choses clairement, valorise sa contribution en nature. Cela devrait nous conduire à nous interroger sur une meilleure économie du système. Ce qu’ARTE produit en France n’est diffusé que sur ARTE, alors que les programmes d’ARTE Allemagne sont systématiquement rediffusés, voire parfois diffusés par anticipation sur ARD. J’aime beaucoup les dirigeants d’ARTE, mais telle est la réalité.
J’en viens à France Médias Monde. RFI et France 24 ont fusionné, mais il n’y a aujourd’hui aucune synergie rédactionnelle entre elles. Ce sont deux entités séparées, comme par un mur. Il y a même moins de synergie entre elles qu’à l’époque où RFI et Radio France étaient à la Maison de la radio !
Quant à la diffusion en espagnol, elle est une erreur. Compte tenu des moyens dont nous disposons, nous sommes à peine capables de faire des contenus en français, en anglais et en arabe. Il n’y a pas de demande en espagnol. La chaîne en espagnol résulte d’un choix politique. Je pourrais dire pourquoi, comment et par qui il a été fait, mais le fait est que ce choix ne répond à aucune logique.
Les salariés de France 24 eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi cette antenne en espagnol existe. On veut défendre la francophonie en Amérique latine, mais encore faudrait-il que France 24 y soit diffusée en français !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je tiens à dire une chose que je n’ai pas dite précédemment, en surplomb du débat sur cet amendement.
Beaucoup ont souligné ce paradoxe : alors que nous en sommes au deuxième budget dit « de transition » et que l’on nous annonce la grande réforme de l’audiovisuel que nous appelons de nos vœux, les financiers sont d’ores et déjà venus nous dire qu’il fallait raboter le budget de l’audiovisuel de 190 millions d’euros !
Or il y a tout lieu de penser que l’audiovisuel, si le débat sur cette question est libre et ouvert, aura besoin de plus d’argent pour remplir toutes ses missions. C’est une hypothèse plausible. Or, je le répète, les financiers nous disent, avant même toute discussion, qu’il faudra réduire les crédits de 190 millions d’euros, mais aussi investir 150 millions d’euros sur fonds propres dans le numérique. Et nous, on fonce ! Nous continuons à subir les diktats des comptables.
Monsieur Karoutchi, alors que le budget de l’audiovisuel public est en baisse – il a diminué de 36 millions d’euros l’année dernière, comme cette année –, alors que l’on n’a même pas encore dit quel audiovisuel on voulait, vous acceptez l’idée de piquer des crédits à France Télévisons pour les donner à ARTE et France Médias Monde, parce que vous aimez bien, comme moi du reste. Or France Télévisions a déjà réalisé plus de 25 millions d’euros d’économies l’année dernière, et on lui en demande autant cette année encore. Ce n’est pas rien ce que vous proposez de lui enlever, ce sont des missions.
France 3 Régions est menacée. Or vous y tenez tous, mes chers collègues ! Va-t-on aussi fragiliser toutes les antennes de Radio France qui maillent le territoire, telles que France Bleu ? Je vous invite à ne pas jouer à ce jeu qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Je tiens ici à corriger certaines fausses informations. En matière d’audiovisuel, on procède toujours à des comparaisons internationales, car on a du mal à voir à quoi correspondent tous ces millions. Selon une étude comparative effectuée en 2014, la Grande-Bretagne consacrait à la BBC, que chacun s’accorde à trouver géniale, 7,1 milliards en 2013. Quant à l’Allemagne, elle a affecté 9 milliards d’euros à l’audiovisuel public. En France, on est à 3,7 milliards d’euros pour la même année, soit deux ou trois fois moins que ces pays.
Si nous voulons être à la hauteur, ne partons donc pas toujours du principe qu’il faut raboter les budgets et prendre des crédits à France Télévisions pour faire vivre ARTE et France Médias Monde.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je vous remercie, madame la présidente, de me donner quelques instants la parole pour partager avec vous quelques réflexions.
TOCE ou pas TOCE ? Quels crédits affectons-nous à quelles entreprises publiques ? Nous n’en serions pas là, monsieur le ministre, si nous avions entamé il y a plusieurs mois la réforme de l’audiovisuel public.
Vous le savez, nous appelons de nos vœux une gouvernance commune. S’il y avait un président commun à l’ensemble des entreprises, c’est à lui qu’il incomberait, sur la base d’un cahier des charges ou de missions très clairement définies dans le projet de loi, de répartir la contribution à l’audiovisuel public. Et nous ne serions pas là à discuter pour savoir combien il faut donner à untel ou retirer à tel autre.
Il faut se souvenir que la TOCE avait été instaurée dans la loi de finances de 2008, en amont de la loi audiovisuelle de 2009, afin de compenser la suppression de la publicité après vingt heures. Supprimer l’affectation de toute part de la TOCE à l’audiovisuel public, quels que soient les arguments budgétaires invoqués, c’est envoyer un signal très négatif : c’est dire que l’on peut rétablir la publicité après vingt heures.
Si nous avons ces discussions aujourd’hui, c’est tout simplement parce que nous n’avons pas encore fait de réforme. Réformer, c’est aussi clarifier le modèle économique de l’audiovisuel public, dont le mode de financement. On le voit, il est urgent de réformer.
En l’état, je suis plutôt favorable à l’affectation d’une partie du produit de la TOCE à l’audiovisuel public, tant que l’on n’aura pas procédé à une réforme de la redevance, non pas pour l’augmenter – en ces temps de surfiscalité, c’est hors de question –, mais pour la rendre plus équitable.
J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur notre audiovisuel extérieur. Je me suis rendue, chers collègues, à Bogota. Je puis donc parler en connaissance de cause de France 24 en espagnol. Ce ne sont pas les 13 millions d’euros de son budget de fonctionnement qui grèvent le budget de l’audiovisuel extérieur, lequel s’élève à 238 millions d’euros. Sincèrement, j’ai pu constater en Amérique latine les bénéfices escomptés en matière de politique d’influence. Cette langue étant proche du français, elle pourrait par ailleurs avoir un effet d’entraînement sur la diffusion de la francophonie.
Notre audiovisuel extérieur s’est montré extrêmement vertueux dans les années écoulées. Il constitue même l’avant-garde d’un modèle de l’audiovisuel public de demain. Je pense à Arte, qui s’est numérisée à une vitesse très importante, ce qui lui vaut une large reconnaissance aujourd’hui. Ce rééquilibrage me semble tout de même assez légitime.
Tels sont les éléments que je voulais partager avec vous pour éclairer le débat. Monsieur le ministre, il est vraiment urgent de mettre en œuvre une réforme globale et ambitieuse. Nous serons à vos côtés pour cela. Le monde ne nous attend pas, hélas ! Notre audiovisuel s’affaiblit de jour en jour, y compris notre audiovisuel privé, car la réglementation est à revoir, comme vous l’avez d’ailleurs indiqué dans votre discours. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 84 quinquies, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
Avances à l’audiovisuel public
Article 84 quinquies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2019, un rapport relatif à la réforme du dispositif prévu à l’article 1605 du code général des impôts.
Mme la présidente. L’amendement n° II-72, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. L’Assemblée nationale, désireuse d’aller plus vite que la musique, a demandé – c’est l’objet de l’article 84 quinquies que je vous propose de supprimer, mes chers collègues – la remise au Parlement d’un rapport avant juin 2019 sur le périmètre de la contribution à l’audiovisuel public et sur ce qu’elle rapporterait.
Monsieur le ministre, cela a été beaucoup dit, pour notre part, nous attendons de connaître le texte qui doit réformer l’audiovisuel. On ne peut pas faire un rapport sur le financement de la réforme, sur le périmètre de la redevance, avant même de connaître la réforme que vous envisagez.
Lorsque nous connaîtrons le texte, le Gouvernement dira quels sont les financements nécessaires et le Parlement en débattra. Mais on ne doit pas nous dire combien va rapporter la contribution avant même que nous ayons connaissance du périmètre de la réforme !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Le Gouvernement va s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée. Je laisse les sénateurs libres de juger l’article qui a été voté par l’Assemblée nationale. Je ne souhaite pas me mettre en porte à faux.
J’en profite pour remercier vivement le Sénat qui, dans sa très grande majorité, a voté les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », après ceux de la mission « Culture ».
Nous aurons l’occasion de nous voir régulièrement pour évoquer tous les sujets que nous avons abordés ce soir. Comme l’a très bien dit la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, il est urgent d’avancer sur des sujets importants, comme le projet de loi audiovisuelle ou la distribution de la presse. Vous pouvez compter sur mon engagement total et sur ma volonté d’associer le Sénat à tous ces travaux.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. M. Karoutchi a rappelé que le Sénat avait voté en première partie la réaffectation d’une part de la TOCE à l’audiovisuel public – une part seulement, pas l’intégralité des 270 millions d’euros qu’elle rapporte, contrairement à ce qui était prévu à l’origine lorsque le Parlement a voté cette taxe.
Alors qu’une partie seulement du produit de cette taxe était versé à l’audiovisuel public les années précédentes – 86 millions d’euros –, c’est l’intégralité du versement qui a été supprimé cette année. Le Sénat a donc voté son rétablissement. Vous pouvez dire que le Gouvernement n’ayant pas levé le gage, cet amendement sera supprimé à l’Assemblée nationale, mais le Gouvernement est aussi contre l’amendement que vous venez de faire adopter visant à transférer des crédits à ARTE et à France Médias Monde.
Ce qu’il faut, c’est être cohérent. Pour notre part, nous pensons qu’il ne faut pas baisser le budget de l’audiovisuel. On les a trouvés les 86 millions d’euros. Cela règle le problème d’Arte, entre autres.
Deuxièmement, votre amendement nous empêche-t-il d’avoir ce débat ?
Je sais que vous êtes contre l’augmentation de la redevance ou l’extension de son assiette. Vous ne voulez donc pas de rapport sur le sujet. C’est cohérent ! Mais ne dites pas que vous refusez cette proposition parce que nous n’avons pas discuté de la réforme. Vous avez déjà accepté les baisses intervenues cette année et l’an dernier.
Nous aurons un jour ce débat. À titre d’information, la redevance s’élève à 346 euros en Suisse, à 326 euros au Danemark, à 216 euros en Allemagne et à 179 euros au Royaume-Uni…
M. André Gattolin. Et en Italie ?
M. David Assouline. Je ne prendrais pas l’Italie comme modèle… Berlusconi y a massacré le paysage audiovisuel. J’espère que la France choisira une autre voie.
Comme on le voit avec ces exemples de pays comparables à la France, avoir un service public audiovisuel de qualité, cela a un coût.
J’ai vu des manifestations contre l’augmentation des taxes sur le gazole ; je n’ai pas encore vu d’insurrection dans ce pays pour diminuer la redevance.
Laissons donc ce débat ouvert et évitons toute démagogie.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 84 quinquies est supprimé.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Pouvoirs publics
Conseil et contrôle de l’État
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Pouvoirs publics ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français sont aujourd’hui plus exigeants vis-à-vis de la démocratie.
Ils sont plus exigeants en termes de présence et d’écoute – les événements de ces dernières semaines nous le rappellent ardemment –, ils demandent aussi plus de rigueur dans ce que nous faisons et dans la gestion des institutions de la Ve République du général de Gaulle.
Les Français nous demandent enfin plus de modestie, et des réformes qui rapprochent davantage le statut des différentes institutions du droit commun. C’est légitime, même si c’est parfois un peu court sur ce qu’est réellement la vie démocratique.
En effet, loin de moi l’idée d’aller dans le sens des populistes du moment, qui voudraient supprimer les parlementaires, le Président de la République et réunir une grande assemblée sympathique.
Non, la démocratie a un prix, ou plutôt un coût, celui aussi des hommes et des femmes qui sont tombés pour elle, et qu’il ne faut pas oublier.
Certes, la mission « Pouvoirs publics », c’est 1 milliard d’euros, 991 millions d’euros précisément. Voilà le coût du fonctionnement de la démocratie française.
On dit toujours que c’est trop cher, qu’il y a trop d’avantages, mais on doit aussi regarder les chiffres de plus près et s’efforcer de les expliquer. C’est le rôle du Parlement, et c’est ce que j’essaye de faire à cette tribune. Comme l’a rappelé si souvent le président Gérard Larcher, le Sénat coûte 5 euros par Français, ce qui n’est finalement pas si cher en termes de démocratie.
Nous avons pu discuter très librement des crédits de cette mission avec les questeurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, mais également avec des responsables du Conseil constitutionnel et l’Élysée : tous reconnaissent qu’il faut faire des efforts et que nos institutions devront accomplir des réformes, qui sur les personnels, qui sur le fonctionnement, qui sur la modernisation…
Mais cela fait aussi plus de six ans que nos institutions n’ont pas connu d’augmentation de leurs crédits. Nos institutions vivent donc sur les réserves qu’elles ont accumulées. Ne nous y trompons pas, ces réserves sont aussi le produit des impôts de nos concitoyens, mais ce sont elles qui permettent, notamment, d’entretenir nos institutions, lesquelles font partie intégrante du patrimoine.
Le palais dans lequel nous nous trouvons, par exemple, est un monument historique entretenu par le Sénat. Nous venons à l’instant, en compagnie de Franck Riester, d’examiner les crédits dédiés au patrimoine au sein de la mission « Culture », mais nous ne recevons pas de crédits du ministère de la culture pour entretenir ce palais. Qui sait également que le jardin du Luxembourg est entretenu par le Sénat, alors que ce dernier profite largement, et presque exclusivement, aux Parisiens. Il y aurait là, sans doute, de nouveaux partenariats à nouer, même si ce n’est pas ce que demande le Sénat.
Dans ces temps troublés, l’utilité des deux chaînes de télévision LCP Assemblée nationale et Public Sénat n’est plus à démontrer. Public Sénat voit ses crédits diminuer de 2,2 % cette année, quand tous les autres crédits sont à l’équilibre. Cela mérite d’être souligné, mais si cette baisse est conforme au contrat d’objectifs et de moyens.
Cet été, ces deux chaînes ont enregistré des pics d’audience, ce qui a aussi permis à certains de nos concitoyens de découvrir la vie démocratique et parlementaire. Ce serait un tort de vouloir les fusionner, je le dis clairement, chacune remplissant son rôle à sa manière, dans l’esprit du bicamérisme auquel nous sommes si attachés.
J’insiste sur ce point en conclusion : après six ans sans augmentation de budget, les réserves s’épuisent. Il faudra, demain, y penser !
Cela étant, mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)