Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
Mmes Agnès Canayer, Françoise Gatel.
Question n° 524 de Mme Annick Billon. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Annick Billon.
intervention du centre psychothérapeutique de l’orne dans une unité de “déradicalisation”
Question n° 525 de M Vincent Segouin. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M Vincent Segouin.
fin des contrats aidés au sein des centres sociaux
Question n° 428 de Mme Corinne Imbert. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Corinne Imbert.
plaques personnalisées payantes
Question n° 522 de M. Olivier Cigolotti. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Olivier Cigolotti.
gestion de l’accroissement du taux migratoire à la frontière franco-espagnole
Question n° 523 de Mme Frédérique Espagnac. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Frédérique Espagnac.
statut des sapeurs-pompiers volontaires
Question n° 436 de M. Roland Courteau. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Question n° 545 de M. Didier Marie. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Didier Marie.
produit des amendes routières et intercommunalités rurales
Question n° 431 de M. Philippe Bonnecarrère. – M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Philippe Bonnecarrère.
carte hospitalière et médico-sociale dans l’oise
Question n° 519 de M. Jérôme Bascher. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jérôme Bascher.
coût réel de la prédation en france
Question n° 542 de Mme Patricia Morhet-Richaud. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Patricia Morhet-Richaud.
difficultés rencontrées par les professionnels équins
Question n° 492 de M. Philippe Bas. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Philippe Bas.
conséquence de la sécheresse sur l’agriculture
Question n° 506 de M. Antoine Lefèvre. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Antoine Lefèvre.
Question n° 517 de Mme Sylvie Vermeillet. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Sylvie Vermeillet.
nécessaire réévaluation de la participation de l’état aux aides individuelles sociales
Question n° 531 de M. Olivier Henno. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Olivier Henno.
mise en place des dispositifs d’hébergement d’urgence dans les petites et moyennes villes
Question n° 543 de Mme Agnès Canayer. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Agnès Canayer.
Question n° 345 de Mme Hélène Conway-Mouret. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Hélène Conway-Mouret.
zone touristique internationale à paris
Question n° 320 de Mme Catherine Dumas. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Catherine Dumas.
Question n° 469 de Mme Laurence Cohen. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Laurence Cohen.
respect de la législation en vigueur sur les contrats obsèques
Question n° 465 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Jean-Pierre Sueur.
Question n° 498 de M. Daniel Chasseing. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Daniel Chasseing.
situation de l’entreprise sandvik à fondettes
Question n° 520 de M. Serge Babary. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Serge Babary.
soutien à l’approvisionnement local en restauration collective
Question n° 546 de Mme Nathalie Delattre. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Question n° 491 de M. Gilbert Roger. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
rôle de la france dans la lutte contre le braconnage des éléphants d’afrique
Question n° 507 de M. Arnaud Bazin. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Arnaud Bazin.
Question n° 357 de Mme Élisabeth Doineau. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Élisabeth Doineau.
répercussions des lâchers de ballons sur l’environnement
Question n° 380 de Mme Catherine Deroche. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Catherine Deroche.
liberté de circulation des lorrains
Question n° 468 de M. Jean-Marc Todeschini. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
qualité du système électrique français et mobilisation de l’effacement
Question n° 482 de M. Jean-Pierre Vial. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
réutilisation des eaux usées pour l’irrigation des cultures
Question n° 496 de Mme Françoise Laborde. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Françoise Laborde.
lutte contre les décharges sauvages
Question n° 518 de Mme Viviane Malet. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Question n° 515 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
réfection de l’autoroute a36 à hauteur de burnhaupt-le-bas
Question n° 503 de Mme Patricia Schillinger. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
évolution des ports français et notamment bretons après la mise en œuvre du brexit
Question n° 526 de M. Michel Canevet. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Michel Canevet.
respect des engagements pris pour le réseau routier du sud de la nouvelle aquitaine
Question n° 544 de M. Max Brisson. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Max Brisson.
nouveau retard sur le prolongement de la ligne 12 du métro à aubervilliers
Question n° 480 de M. Fabien Gay. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Fabien Gay.
suppression du taux réduit sur le gazole non routier et professionnels des travaux publics
Question n° 539 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
3. Modifications de l’ordre du jour
4. Loi de finances pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
M. Franck Riester, ministre de la culture
Amendement n° II-138 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet.
Amendement n° II-178 rectifié bis de Mme Catherine Dumas. – Retrait.
Amendement n° II-209 rectifié bis de Mme Céline Boulay-Espéronnier. – Rejet.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B, modifiés.
Adoption de l’article.
Médias, livre et industries culturelles
Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour la presse
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
M. Franck Riester, ministre de la culture
Médias, livre et industries culturelles
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
Amendement n° II-71 de la commission. – Adoption.
Amendement n° II-114 rectifié de M. Jean-Pierre Leleux. – Retrait.
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D, modifiés.
Article 84 quinquies (nouveau)
Amendement n° II-72 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Suspension et reprise de la séance
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
direction de l’action du gouvernement
Amendement n° II-500 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-512 de M. Jean-Yves Leconte. – Devenu sans objet.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B, modifiés.
Article additionnel après l’article 74 septies
budget annexe : publications officielles et information administrative
Vote sur les crédits du budget annexe
Adoption des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
5. Mise au point au sujet d’un vote
6. Loi de finances pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Amendement n° II-541 rectifié bis de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° II-545 rectifié bis de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° II-540 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° II-544 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° II-546 rectifié de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Vote sur les crédits de la mission
Adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B, modifiés.
Articles 84 et 84 bis (nouveau) – Adoption.
Vote sur les crédits du compte spécial
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », figurant à l’état D.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteur de la question n° 524, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Annick Billon. Selon les statistiques ministérielles, 700 000 jeunes disent avoir fait l’expérience du harcèlement à l’école. Ils représentent 4 % des élèves du primaire, 12 % des collégiens et de 2 % à 3 % des lycéens. Ce phénomène toucherait un élève sur dix et, parmi eux, 5 % subiraient un harcèlement sévère ou très sévère. Fait particulièrement inquiétant, le harcèlement scolaire peut intervenir très précocement puisque, selon l’UNICEF, 47 % des enfants en classe de cours préparatoire en font l’expérience.
S’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau, le harcèlement à l’école prend cependant une ampleur inédite, plus continue et à plus grande échelle, avec l’avènement des réseaux sociaux et du cyber-harcèlement, qui touche particulièrement les filles.
Par ailleurs, nous savons bien que la problématique du harcèlement, c’est l’isolement. Les enfants victimes ont trop souvent tendance à se replier sur eux-mêmes et à se sentir coupables. C’est précisément contre ce repli qu’il faut lutter, afin de permettre aux enfants victimes de trouver au sein de leur établissement scolaire un soutien et une écoute.
Si l’éducation nationale a, sur son site internet, mis à disposition des outils à destination des enseignants afin qu’ils puissent mettre en place des actions préventives contre le harcèlement, rien n’est prévu dans leur formation pour leur permettre d’en détecter les signes et d’y répondre de manière adaptée.
Aussi souhaiterais-je savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelles politiques publiques seront mises en place par le Gouvernement pour lutter contre ce fléau et quel cadre d’accueil médical et psychologique est aujourd’hui prévu au sein des établissements pour recevoir les enfants victimes.
Je le rappelle, les conséquences du harcèlement scolaire peuvent être dramatiques pour nos enfants et laisser des séquelles à vie, voire, dans les cas les plus extrêmes, mener au suicide. Aucun enfant ne devrait avoir peur d’aller à l’école. Il est indispensable que nos établissements scolaires puissent être des espaces où chaque élève apprend et grandit en sécurité.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Annick Billon, la lutte contre le harcèlement est, pour le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, une priorité de tous les jours. Je vous remercie de me permettre, par votre question, de rappeler les mesures mises en place et les perspectives.
Nous avons la volonté de ne pas laisser les victimes et leurs familles seules face à ce type de situation. L’école doit être avant tout le lieu de la confiance, du respect d’autrui et du bien-être.
Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a une action centrale ; les académies, les écoles et les établissements sont mobilisés contre toutes les formes de harcèlement. Cette politique se décline selon quatre axes.
Premièrement, il s’agit d’informer et de sensibiliser les élèves, les familles et l’ensemble des partenaires, afin d’interpeller et de mobiliser largement. À cet égard, une journée nationale de mobilisation contre le harcèlement est programmée chaque année le premier jeudi de novembre – je me suis rendu au collège Simone-Veil de Pontoise le 8 novembre dernier et j’ai pu mesurer l’engagement de la communauté éducative. Par ailleurs, un site dédié intitulé « Non au harcèlement » est en ligne.
Deuxièmement, il s’agit de prévenir le harcèlement en développant différentes actions : dans le cadre des apprentissages au cœur de la classe, l’enseignement moral et civique et l’éducation aux médias et à l’information ; sur l’initiative et sous le pilotage d’instances telles que le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, la mise en place de conseils de la vie collégienne et de conseils des délégués pour la vie lycéenne dans les établissements.
Troisièmement, il s’agit de former les personnels – vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, c’est un enjeu fondamental – et les élèves pour mieux repérer et prendre en charge les cas de harcèlement. Nous avons mis en place 310 référents académiques et départementaux, qui coordonnent la formation continue et 1 500 formateurs sont mobilisés dans les académies. Une réforme de la formation des enseignants interviendra dans les prochains mois ; il s’agira bien évidemment de faire le point sur ce sujet et de voir les adaptations possibles.
Quatrièmement, il s’agit de prendre en charge chaque situation, plus précocement et plus efficacement, par une professionnalisation des acteurs de terrain aidés des 310 référents académiques, la mobilisation des référents académiques et départementaux qui prennent contact avec la victime, sa famille et avec l’établissement concerné pour résoudre la situation, la mise en place dans chaque école et dans chaque établissement de protocoles de prise en charge et celle d’un numéro, le 30 20, dédié à l’écoute, au conseil et à l’aide aux victimes, aux familles, aux témoins et aux professionnels. Les associations participent aussi à ces actions. Je tiens ici à leur rendre hommage, notamment à l’association Net Écoute, qui obtient le retrait des contenus liés à un harcèlement en quelques heures seulement lorsqu’elle est alertée par le jeune ou sa famille.
Madame la sénatrice, la sérénité à l’école est une exigence républicaine en vue de garantir la qualité de l’éducation pour tous les élèves de France. Il est fondamental de lutter contre un fléau qui, vous l’avez rappelé, peut mener à des situations dramatiques. Le ministère est pleinement mobilisé sur cette question.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’insiste sur la nécessité de respecter les temps de parole impartis.
La parole est à Mme Annick Billon, qui dispose de dix-neuf secondes pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Mme Annick Billon. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé d’une journée nationale. C’est bien, mais c’est de la communication. Moi, je veux des actes.
Prévoir 310 référents académiques me semble être une mesure de portée assez limitée. Si l’on doit compter sur les associations pour lutter contre le harcèlement, j’espère que celles-ci seront mieux traitées et disposeront de moyens pérennes pour exercer leur mission, contrairement à celles qui interviennent en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
M. Roland Courteau. Très bien !
intervention du centre psychothérapeutique de l’orne dans une unité de “déradicalisation”
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, auteur de la question n° 525, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Vincent Segouin. J’appelle l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’obligation pour la communauté médicale du centre psychothérapique de l’Orne, le CPO, d’intervenir auprès des prisonniers de l’unité de « déradicalisation » du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, dans l’Orne.
Le département de l’Orne accueille trois par trois des prisonniers en vue de les « déradicaliser », jusqu’à concurrence des quarante places créées. Aujourd’hui, les médecins du CPO interviennent dans les centres pénitentiaires de l’Orne auprès de prisonniers présentant des troubles du comportement avérés, pour lesquels il existe des thérapies ou des traitements médicamenteux appropriés. Or, jusqu’à preuve du contraire, la radicalisation comme l’intégrisme ne sont pas des maladies psychiatriques, d’où le questionnement légitime des médecins du CPO.
Cette mesure déstabiliserait l’organisation médicale du CPO, aujourd’hui tendue à cause de la situation de la démographie médicale que nous connaissons tous, qui touche aussi fortement la médecine psychiatrique.
De manière plus globale, la psychiatrisation, la pathologisation de la radicalisation est un véritable non-sens et montre que les sanctions éventuelles encourues par les personnes concernées ne sont pas du tout adaptées à la réalité de l’horreur de ce fléau.
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous pourrez nous apporter des éléments de réponse rassurants quant aux obligations imposées au centre psychothérapique de l’Orne comme à l’ensemble de ces centres sur le territoire de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Vincent Segouin, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Mme la garde des sceaux, qui ne peut être présente ce matin et m’a demandé de vous apporter sa réponse.
Les inquiétudes des professionnels du centre psychothérapique de l’Orne sont compréhensibles. Un quartier de prise en charge de la radicalisation, un QPR, a ouvert le 24 septembre 2018 au sein du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Cette ouverture s’inscrit dans le cadre du plan national de prévention de la radicalisation annoncé le 23 février 2018 par le Premier ministre et constitue l’une des modalités de gestion des quelque 500 détenus actuellement incarcérés dans les prisons françaises pour des faits de nature terroriste.
Ces quartiers, qui s’inscrivent dans une stratégie nationale d’évaluation et gestion des détenus radicalisés, ont vocation à accueillir, après une évaluation pluridisciplinaire, les individus présentant un niveau de prosélytisme idéologique et d’incitation au passage à l’acte tel que nous ferions courir de grands risques au personnel pénitentiaire, aux partenaires intervenant en prison, mais aussi à la société tout entière, si nous les laissions en détention ordinaire au contact des détenus les plus vulnérables.
Les QPR sont destinés non à « déradicaliser » – ce terme fait d’ailleurs débat dans le milieu académique – les détenus concernés, mais à permettre leur gestion très sécurisée et séparée du reste de la détention, tout en mettant en place une prise en charge globale, individuelle et collective, visant au désengagement de la violence et à la déconstruction de l’appareil idéologique d’une organisation terroriste qui a déjà, à de bien trop nombreuses reprises, frappé et endeuillé notre pays.
L’intervention des personnels de santé au sein de ce quartier spécifique ne répond pas à une logique de psychiatrisation de la radicalisation. Elle s’inscrit dans le cadre général de l’accès aux soins des personnes détenues, tel que le définit la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, qui a posé le principe du transfert de la prise en charge sanitaire des personnes détenues au ministère chargé de la santé.
Le centre psychothérapique de l’Orne intervient conformément à ces dispositions au sein du QPR de Condé-Sur-Sarthe, l’intervention des personnels du CPO, à l’instar d’ailleurs de celle des professionnels du centre hospitalier d’Alençon sur le volet somatique, s’effectuant dans le cadre général de la prise en charge de la santé mentale des détenus. Si ces professionnels prennent en charge un public spécifique, nous n’entendons pas pour autant « psychiatriser » la radicalisation, les personnes détenues inscrites dans un processus de radicalisation pouvant, comme toute personne placée sous main de justice, présenter des troubles mentaux, des troubles psychiatriques ou une souffrance psychique.
Toutefois, la réponse au terrorisme ne peut être que collective et concertée : c’est tout le sens du plan national de prévention de la radicalisation que soutient l’ensemble du Gouvernement.
La mobilisation de l’ensemble des professionnels intervenant auprès des détenus, qu’ils soient radicalisés ou non, est nécessaire, chacun devant œuvrer dans son domaine de compétence et dans le respect du cadre prévu par la loi, mais de la façon la plus concertée possible.
Nous savons, à cet égard – ce point est fondamental –, que les conditions de sécurité des personnels soignants font l’objet d’une attention toute particulière de l’administration pénitentiaire et d’échanges réguliers. Cette concertation locale et l’accompagnement des équipes sanitaires seront poursuivis et accentués.
Mme la garde des sceaux et Mme la ministre des solidarités et de la santé comprennent les légitimes inquiétudes des professionnels du centre psychothérapeutique de l’Orne. Les enjeux collectifs sont de taille : mettre en œuvre une prise en charge globale du détenu radicalisé en prison et s’assurer de sa poursuite lorsque le détenu est libéré. Une instruction commune aux ministères de la justice et des solidarités et de la santé en précisera prochainement les modalités pratiques.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique. Vous disposez d’une minute et six secondes, mon cher collègue.
M. Vincent Segouin. Monsieur le secrétaire d’État, si j’ai bien compris, les détenus radicalisés ont accès aux soins comme les autres et les médecins du CPO interviennent uniquement s’ils connaissent des problèmes psychiatriques. Je voudrais avoir l’assurance que c’est bien ce principe qui sera appliqué à l’avenir.
fin des contrats aidés au sein des centres sociaux
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteur de la question n° 428, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Corinne Imbert. Au mois d’août 2017, le Gouvernement annonçait sa volonté de baisser de manière drastique le nombre de contrats aidés financés pour partie par l’État, faisant passer le nombre de ces contrats de 459 000 en 2017 à 200 000 en 2018.
Alors que l’année 2018 s’achève, seuls 60 000 contrats subventionnés ont été signés. Le faible nombre de demandes de contrats aidés est lié à la hausse du coût du dispositif et aux contraintes administratives grandissantes, qui découragent de nombreuses structures à y avoir recours, malgré des besoins importants.
Ces contrats, qui ont vocation à permettre l’insertion de personnes éloignées du marché de l’emploi, sont essentiellement signés dans des zones où le chômage est plus élevé que la moyenne nationale.
Dans la commune de Marans, en Charente-Maritime, le centre social Les Pictons employait en contrat aidé un animateur de prévention. Celui-ci participait à l’engagement de jeunes en difficulté dans des associations sportives et culturelles ; il les amenait à une réelle prise de conscience de leur citoyenneté. Avec le remplacement du contrat aidé par le parcours emploi compétences, la prise en charge de cet emploi s’établit désormais à environ 50 % du salaire, contre 75 % auparavant. Le centre social n’est plus en mesure d’assumer le coût de cet emploi. Rien ne garantit que les collectivités locales auront la capacité financière de compenser cette baisse des moyens.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il mettre en place un statut dérogatoire pour les animateurs de prévention en centres sociaux, afin que ces derniers puissent continuer à bénéficier d’une prise en charge des contrats à hauteur de 75 % ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Corinne Imbert, en 2018, le Gouvernement a fait le choix de transformer les contrats aidés en parcours emploi compétences, avec un objectif clair : l’insertion professionnelle des publics éloignés du marché du travail.
Concrètement, les parcours emploi compétences, les PEC, comportent un accompagnement renforcé du bénéficiaire tout au long du contrat et une sélection des employeurs et des postes offrant les conditions d’un parcours insérant par la formation et le développement des compétences. À ce titre, les premiers résultats sont positifs : les PEC sont plus ciblés sur les publics éloignés de l’emploi et les employeurs s’engagent davantage sur des formations qualifiantes ou permettant le développement de compétences identifiées.
Concernant le taux de prise en charge, leur niveau élevé dans le passé n’a pas été un gage de qualité. Un taux de prise en charge spécifique n’est donc pas la solution. Le Gouvernement entend soutenir les structures associatives par d’autres moyens. J’ai présenté la semaine dernière la feuille de route pour le développement de la vie associative, qui comprend quinze mesures ambitieuses, notamment un fort soutien à l’emploi associatif via l’affectation annuelle, pendant les quatre prochaines années, de 1 000 postes FONJEP –Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire – aux associations. Chacun de ces postes représente un soutien financier de 7 000 euros par an.
Ces dispositions s’ajoutent aux mesures fiscales et sociales déjà engagées : la réduction des cotisations patronales, permettant un gain annuel, dès 2019, de 1,4 milliard d’euros pour les associations, le maintien en 2018 et en 2019 du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, représentant une économie de 500 millions d’euros par an pour les structures associatives de plus de dix salariés.
Toutefois, les services de l’État sont attentifs aux difficultés particulières qui peuvent se présenter localement dans les territoires. C’est pourquoi un point précis sera réalisé, en lien avec les services de la caisse d’allocations familiales, sur le cas du centre social Les Pictons, pour accompagner son évolution, si elle est nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en cinquante-neuf secondes.
Mme Corinne Imbert. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Vous me voyez ravie d’apprendre qu’un regard particulier sera porté, avec la CAF de la Charente-Maritime, sur la situation du centre social Les Pictons.
J’ai bien noté le fort soutien que le Gouvernement apportera au milieu associatif en termes d’emploi. Toutefois, le dispositif reste complexe.
Je partage votre objectif de tendre vers une meilleure formation et un meilleur accompagnement, monsieur le secrétaire d’État, mais on laisse un grand nombre de nos concitoyens sur le côté. En Charente-Maritime, le nombre de contrats d’accompagnement vers l’emploi est passé de 660 en 2017 à 425 seulement en 2018, avec un taux de contractualisation bien inférieur : 623 contrats ont été conclus en 2017, contre 324 en 2018.
Le contrat d’accompagnement vers l’emploi nouvelle formule rend la contractualisation plus difficile. Les obligations de formation et de suivi faites aux employeurs, si elles sont louables, sont difficiles à mettre en œuvre, tout comme il est difficile de mobiliser les bénéficiaires du RSA pour aller vers l’emploi.
plaques personnalisées payantes
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 522, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Olivier Cigolotti. Ma question concerne le système d’immatriculation des véhicules en France, le SIV, et plus particulièrement la création d’une option « plaques personnalisées payantes ».
Aujourd’hui, dans de nombreux pays de l’Union européenne, il est possible d’obtenir une immatriculation personnalisée de son véhicule. Les pionniers en la matière ont été les Britanniques, qui apprécient d’avoir leurs initiales sur leur plaque minéralogique.
Sans aller jusqu’à la personnalisation, nous pourrions utiliser les numéros jugés intéressants ou demandés par les contribuables dans la suite alphanumérique du système SIV. Cette nouvelle option permettrait de satisfaire la demande de nombreux propriétaires de véhicules, mais aussi de constituer une recette parafiscale extrêmement intéressante pour l’État.
Cette requête a été faite dès 2009 par la Fédération française des véhicules d’époque – sans succès, malheureusement, la principale objection étant la surcharge de travail pour les services des préfectures. Or, depuis la fermeture des guichets départementaux, la gestion des cartes grises est possible directement par internet ; elle est plus généralement assurée par des professionnels indépendants collecteurs de la taxe. L’option « plaques personnalisées payantes » pourrait être mise en place sur le même principe, avec une société chargée de la gestion de la clientèle, de la détermination de la pertinence des numéros protégés et de la collecte de cette nouvelle recette fiscale. Sa rétribution serait fixée selon un barème à définir.
Ainsi, avec un investissement de départ minime et sans frais d’exploitation, une rentabilité significative serait rapidement atteinte. De plus, l’abandon du fichier national des immatriculations, dit FNI, à la fin de l’année 2020, au bénéfice du SIV, représente une réelle opportunité. Les collectionneurs de véhicules anciens seront dans l’obligation de procéder à un changement d’immatriculation, avec dans ce cas la possibilité de la personnaliser.
Pas moins de vingt pays européens ont d’ores et déjà mis en place la possibilité d’obtenir contre paiement une plaque personnalisée. Cela permet de constater le bien-fondé de ce dispositif et le potentiel important de cette nouvelle recette parafiscale.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette option « plaques personnalisées payantes » et savoir s’il serait envisageable de la créer prochainement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Olivier Cigolotti, je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, et du secrétaire d’État Laurent Nunez, qui reçoivent ce matin les représentants des syndicats de policiers dans le contexte que nous connaissons.
La personnalisation des plaques, telle que pratiquée à l’étranger, nécessiterait de revenir sur l’architecture réglementaire et technique du système d’immatriculation des véhicules, le SIV, qui a été mis en place en 2009 afin de délivrer un numéro d’immatriculation définitif suivant le véhicule, et non le titulaire du certificat d’immatriculation.
Changer ce système d’immatriculation à vie du véhicule, plus simple et plus efficace contre les fraudes et trafics en tout genre, reviendrait à mettre en œuvre une réforme profonde et coûteuse, alors que le ministère de l’intérieur est déjà engagé dans une vaste transformation des modalités de délivrance des certificats d’immatriculation pour simplifier leur demande et dématérialiser leur traitement.
Dans ce cadre, d’importants travaux de consolidation technique et fonctionnelle sont en cours. Cela rend inopportun et risqué de procéder à de nouvelles transformations structurelles à court terme, alors que le SIV est aujourd’hui un système d’information stratégique pour la sécurité de nos concitoyens sur les routes, la lutte de nos forces de l’ordre contre le terrorisme et la criminalité liée aux véhicules, l’activité économique de nos filières automobiles.
L’introduction d’une personnalisation des plaques d’immatriculation pourrait donc se révéler aujourd’hui contre-productive, quand le ministère s’applique à rendre plus efficace et plus simple le système de délivrance des certificats d’immatriculation. Toutefois, il nous faudra nous interroger à l’avenir sur l’opportunité d’une telle modification, lorsque le système d’immatriculation actuel arrivera en fin de vie et que sa numérotation nécessitera une refonte.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour une réplique de vingt secondes.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je trouve dommage que la France ait fait le choix d’un système informatique qui, en l’état actuel des choses, ne donne pas satisfaction. Nous connaissons tous les délais d’attente.
À titre d’exemple, la Belgique qui a mis en place un système de plaques d’immatriculation personnalisées payantes, a, dès la première année, perçu à ce titre une recette fiscale d’un million d’euros.
M. Claude Kern. Très bien !
gestion de l’accroissement du taux migratoire à la frontière franco-espagnole
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteur de la question n° 523, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Mme Frédérique Espagnac. Je souhaite appeler l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur sur la gestion de l’accroissement du taux migratoire à la frontière franco-espagnole dans les Pyrénées-Atlantiques.
À l’occasion de la présentation de sa feuille de route, le 21 octobre 2018, Christophe Castaner a déclaré souhaiter renforcer la présence de l’État à la frontière franco-espagnole, notamment dans le département des Pyrénées-Atlantiques, pour ainsi mieux maîtriser les flux migratoires. Les chiffres suivants ont été avancés : sur les 48 000 entrées irrégulières de migrants en Espagne, la France a augmenté son taux de refus d’entrée de 60 % en 2018 par rapport à 2017. Cette augmentation du nombre des entrées de migrants par la frontière espagnole est notamment due au fait que l’Italie a fermé la sienne.
Je note que ce jeu de chaises musicales au sud de l’Europe est une nouvelle illustration flagrante du fait que le sujet de la politique migratoire ne peut être traité à la seule échelle nationale. Lorsque les États de l’Union européenne ne se coordonnent pas, il en résulte un isolement de chacun des pays membres, qui appliquent des solutions unilatérales. Cela peut aussi provoquer des tensions évitables sur notre territoire national.
J’ajoute que, dans les territoires, des élus, des associations comme la CIMADE, seront attentifs au traitement qui sera réservé aux populations immigrantes : celui-ci devra être humain, digne et respectueux. Comment l’État envisage-t-il de se montrer garant du respect de ces valeurs ?
Par ailleurs, l’une des solutions envisagées pour gérer ces enjeux transfrontaliers est la mise en place d’un coordonnateur de la sécurité, chargé de faire le lien entre les autorités douanières françaises et espagnoles à la frontière. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que vous précisiez le périmètre d’action et la mission de ce coordonnateur.
Enfin, un conseil Justice et affaires intérieures se réunira le 6 décembre prochain. Sachant que, à l’occasion de la dernière réunion de ce conseil, les ministres de l’intérieur des pays où le nationalisme croît de façon fulgurante s’étaient réjouis de la décision d’installer davantage de gardes-frontières à l’extérieur de l’Europe, je souhaiterais savoir quelle ligne politique la France défendra à l’occasion de cette rencontre européenne.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, je vous prie d’excuser l’absence de Laurent Nunez, qui reçoit avec le ministre de l’intérieur les représentants des syndicats de policiers.
Depuis le début de l’année 2018, plus de 54 000 arrivées irrégulières de migrants ont été recensées en Espagne, soit une augmentation de 123 % par rapport à l’année précédente. L’Espagne devient ainsi le premier point d’entrée en Europe.
Policiers français et espagnols coopèrent quotidiennement pour faciliter la prise en charge par les autorités espagnoles des personnes faisant l’objet d’une mesure de non-admission. Des renforts de CRS ont également été déployés à la frontière et permettent la tenue de deux points de passage autorisés majeurs.
L’administration assure par ailleurs, sous le contrôle du juge, le respect des droits des personnes qui font l’objet d’un contrôle aux fins de non-admission sur le territoire français. La durée de retenue des personnes ne peut excéder quatre heures. En outre, les personnes retenues le sont dans des bâtiments qui disposent de sanitaires et se voient remettre des bouteilles d’eau, conditions qui satisfont également aux exigences posées par le juge administratif.
Vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, un coordonnateur pour la frontière franco-espagnole sera prochainement nommé pour superviser ces opérations et assurer un contact permanent de haut niveau avec les autorités espagnoles. Cela nous permettra de renforcer notre coopération avec le Gouvernement espagnol sur des sujets d’intérêt commun aux frontières de l’Union européenne, comme le soutien aux garde-côtes marocains pour dissuader les départs dans le respect du droit.
Lors de la rencontre du ministre de l’intérieur avec son homologue espagnol, le 12 novembre dernier, a été réaffirmée la nécessité de poursuivre une approche européenne globale et coordonnée pour répondre aux défis migratoires actuels, en agissant sur le plan tant international qu’interne.
Lors du conseil européen du 6 décembre prochain, la France défendra ses positions afin de faire aboutir les négociations sur le régime européen de l’asile pour contenir les flux migratoires secondaires dans l’Union européenne et assurer une solidarité efficace ; le Président de la République est pleinement mobilisé sur ce sujet. Elle soutiendra également le projet de nouveau règlement FRONTEX, qui prévoit le déploiement de 10 000 garde-côtes supplémentaires d’ici à 2021 et permettra une meilleure surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne, ainsi qu’une action accrue contre les filières de l’immigration clandestine.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en trente-six secondes.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. La question humaine nous préoccupe tous à l’échelon local. Même si le centre de rétention d’Hendaye offre aux arrivants des conditions d’accueil correctes et décentes, beaucoup de migrants stationnent aujourd’hui à Bayonne sur une place publique, en attendant l’arrivée des bus qui les conduiront ailleurs.
Je sais que le secrétaire d’État Laurent Nunez est attentif à la situation que nous vivons, mais nous serons vigilants quant à la position défendue par la France lors du conseil Justice et affaires intérieures du 6 décembre prochain.
statut des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 436, transmise à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Roland Courteau. Je souhaite appeler l’attention du ministre de l’intérieur sur le problème posé, pour nos sapeurs-pompiers volontaires et le modèle français de secours, par l’éventuelle application de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, du fait de la jurisprudence de la Cour de justice européenne.
L’arrêt Matzak menace la pérennité du modèle français de secours. En effet, assimiler les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs conduirait à appliquer au volontariat des règles de repos quotidien de sécurité et de plafond de temps de travail qui rendraient impossible à toute personne en activité de devenir sapeur-pompier volontaire. Ce serait la fin d’un modèle unique d’engagement citoyen altruiste et généreux, avec une ressource en sapeurs-pompiers volontaires considérablement réduite.
Disons-le clairement : sans volontariat, plus de secours. La professionnalisation à temps partiel, faute de sapeurs-pompiers volontaires en nombre suffisant, oblige la Suède à faire appel à la solidarité européenne. Disons-le tout aussi nettement, nous ne pouvons accepter que cette menace mette en péril et les ressources, et la sécurité civile, et la continuité de l’engagement de celles et de ceux qui agissent de manière altruiste au profit de leurs concitoyens.
Je rappelle que la mission pour la relance du volontariat, dont notre collègue Catherine Troendlé fut l’un des rapporteurs, a été amenée à faire un choix très clair en faveur d’un volontariat reposant sur un modèle altruiste, véritable socle du modèle français de secours et de gestion des crises, et à refuser la professionnalisation à temps partiel. J’avais été conduit à faire quelques propositions à cette occasion, qui ont d’ailleurs été retenues.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour que ce modèle unique ne soit en aucun cas remis en cause ? Quelles démarches entendez-vous engager ? Je rappelle que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France estime nécessaire la mise en chantier d’une directive spécifique permettant de protéger l’engagement volontaire dans l’ensemble des services de sécurité et de secours d’urgence, comme l’ont proposé le Sénat et les fédérations allemande, autrichienne et néerlandaise.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de mes collègues du ministère de l’intérieur, qui, dans le contexte que nous connaissons, rencontrent ce matin les syndicats de policiers.
La sécurité civile française repose sur un modèle qui démontre chaque jour sa pertinence et sa robustesse : par son organisation et son implantation territoriale cohérente, il permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien que d’affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la sécurité des Français au quotidien, doit être protégé et conforté.
L’objet de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail est de garantir à tous les travailleurs de l’Union européenne un socle de droits communs harmonisés et protecteurs.
L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 février 2018, dit « arrêt Matzak », suscite une inquiétude chez les sapeurs-pompiers volontaires, qui craignent une remise en cause du modèle français de sécurité civile.
En effet, l’assimilation sans aménagement du volontariat à un travail pourrait limiter sa compatibilité avec tout autre emploi salarié en ce que le cumul d’activités résultant de cette assimilation pourrait potentiellement conduire à un dépassement des plafonds, rendant le salarié inemployable à l’issue d’une période d’activité de sapeur-pompier volontaire.
Dès lors, le Gouvernement, qui entend et partage la préoccupation des sapeurs-pompiers volontaires et des élus, a immédiatement fait part de sa volonté de protéger notre système de secours, qui repose précisément, pour sa plus grande part, sur l’engagement citoyen des sapeurs-pompiers volontaires.
Plusieurs pistes de travail sont envisagées en vue de protéger ce modèle du volontariat, au travers de la transposition de la directive, d’une part, afin d’en exploiter les larges facultés de dérogation, via une démarche auprès des autorités européennes, d’autre part, pour consacrer le caractère spécifique de l’activité de sapeur-pompier volontaire.
Les élus et les sapeurs-pompiers peuvent compter sur la mobilisation du Gouvernement pour préserver le modèle français de sécurité civile, qui constitue une vitrine et une référence dans les actions de coopération européenne et internationale conduites par la France.
À titre plus personnel, j’espère que le service national universel, qui sera mis en place progressivement, permettra de renforcer le volontariat et suscitera parmi nos jeunes des vocations de sapeur-pompier volontaire, pour faire vivre le modèle de sécurité civile de notre pays.
avenir des missions locales
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 545, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Didier Marie. Ma question porte sur le lancement d’une expérimentation de l’intégration des missions locales au sein de Pôle emploi, annoncé par voie de communiqué de presse cet été par le Premier ministre.
Cette mesure, qui ne figurait pas dans le rapport initial du comité « action publique 2022 » et qui n’a fait l’objet d’aucune concertation, remet en cause le modèle des missions locales. Ces dispositifs, qui accueillent 1,5 million de jeunes chaque année, dont plus de 30 000 en Seine-Maritime, mon département, sont pilotés aujourd’hui par des élus locaux au profit de leur territoire, dans le cadre d’une gouvernance associant collectivités, services de l’État, partenaires économiques et sociaux et personnes qualifiées.
Les missions locales bénéficient ainsi d’un important maillage de proximité et du soutien des départements et des régions. L’accompagnement qu’elles offrent aux jeunes est marqué par une approche à la fois globale et personnalisée des problématiques qu’ils rencontrent. Il prend notamment en compte leurs freins psychosociaux, leurs difficultés économiques, mais aussi leurs problèmes de santé, de logement, de mobilité. Les missions locales participent au développement social local et à la lutte contre la pauvreté des jeunes. Elles travaillent par ailleurs d’ores et déjà en liaison avec Pôle emploi, dans le cadre d’une collaboration efficace et complémentaire.
Ces dernières années, de nombreux rapports et audits réalisés par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, l’Inspection générale des finances, l’IGF, et la commission des finances du Sénat ont attesté que les missions locales constituent le réseau le plus performant pour l’accompagnement social et professionnel des jeunes, pour un coût inférieur à celui des autres organismes.
La perspective d’une fusion des missions locales et de Pôle emploi suscite donc l’inquiétude des acteurs locaux, en ce qu’elle fait craindre un éloignement des jeunes le plus en difficulté et un creusement des inégalités territoriales.
Monsieur le secrétaire d’État, dans quelle mesure ces expérimentations seront-elles effectivement laissées à l’initiative des acteurs locaux ? N’institueront-elles pas un nouveau mode de gouvernante imposé par les services de l’État et de Pôle emploi, entraînant une réorientation vers Pôle emploi des financements actuellement versés aux missions locales par les collectivités ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, les missions locales sont un maillon essentiel du service public de l’emploi pour repérer, accueillir, orienter et accompagner les jeunes en difficulté. En tant que secrétaire d’État chargé de la jeunesse, je mesure au quotidien, lors de mes déplacements, l’implication très forte des missions locales.
Les missions locales sont en première ligne pour la mise en œuvre du plan massif d’investissement dans les compétences auquel nous consacrons 15 milliards d’euros, notamment à travers la garantie jeunes, dont bénéficieront désormais 100 000 jeunes par an.
Pour servir au mieux nos concitoyens, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté, il y a cependant un aspect que nous pouvons améliorer : l’efficacité des relations entre Pôle emploi, les missions locales et les Cap Emploi, qui s’occupent des personnes en situation de handicap.
Si, aujourd’hui, ces organismes se parlent et partagent leurs informations, il faut néanmoins aller plus loin, afin de pouvoir conduire des parcours d’inclusion plus efficaces. Il s’agit de construire un patrimoine commun, de partager des systèmes d’information ou des offres d’emploi pour pouvoir être plus efficaces collectivement, des antennes permettant aux missions locales d’assurer un service de proximité. En effet, il ne suffit pas d’attendre que les demandeurs d’emploi ou les jeunes viennent ; il faut aussi aller au-devant d’eux. C’est un aspect que nous souhaitons et que nous pouvons améliorer.
C’est pourquoi, de façon générale, le Gouvernement soutient toutes les démarches qui visent à coordonner les offres de services, à partager les informations et à rechercher les synergies.
Ainsi, à la demande des collectivités locales et de leurs élus – et seulement à leur demande –, le rapprochement entre les missions locales et Pôle Emploi pourra être expérimenté, selon des formes qu’il leur appartient de trouver.
Monsieur le sénateur, nous partageons le même objectif. Il faut que les missions locales continuent et amplifient leur action auprès des jeunes, qu’elles soient bien en phase avec les problématiques d’apprentissage, d’accès à la formation et d’emploi, pour permettre à ces jeunes d’accéder à un avenir.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, à qui il reste trente et une secondes pour répondre à M. le secrétaire d’État.
M. Didier Marie. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse et de souligner que ces expérimentations ne pourront se faire qu’en accord avec la volonté locale.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur la question budgétaire. Lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avons constaté que le budget des missions locales allait perdre 8,5 millions d’euros par rapport à l’année dernière, ce qui me semble être en contradiction avec l’ambition du Président de la République de multiplier par cinq l’accueil des jeunes dans le cadre du plan Pauvreté. Je souhaite donc que le Gouvernement ait une attitude bienveillante à l’égard des amendements que nous défendrons en vue de rétablir ces financements.
produit des amendes routières et intercommunalités rurales
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 431, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Philippe Bonnecarrère. Nombre de nos concitoyens paient leurs amendes de police sans que cet argent serve à améliorer la sécurité des routes transférées.
Qui sont-ils ? Ils n’habitent pas dans les métropoles ni dans les communautés d’agglomération, où les voiries sont communautaires à 100 % et où la collectivité territoriale bénéficie du produit des amendes de police. Ils n’habitent pas non plus dans les plus petites intercommunalités, de moins de 10 000 habitants, qui ont un régime dérogatoire. Ils habitent dans des intercommunalités rurales comptant entre 10 000 et 50 000 habitants environ.
L’article R. 2334-10 du code général des collectivités territoriales, dont la rédaction est ancienne – elle date de 2000 et est donc antérieure à la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale –, précise que ne sont éligibles à la répartition du produit des amendes que les collectivités auxquelles les compétences en matière de voirie communale, de transports en commun et de parcs de stationnement ont été intégralement transférées. Or, dans les territoires ruraux que j’évoque, ces transferts ne se font pas à 100 %, tout simplement parce que les typologies de voirie ne le permettent pas, de même que, souvent, les capacités financières des intercommunalités.
Une révision des règles serait donc souhaitable, monsieur le secrétaire d’État, en vue d’ouvrir l’accès à la répartition du produit des amendes à partir d’un taux de transfert des voiries de 50 %.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, je vous prie d’abord d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui reçoit ce matin les représentants des syndicats de policiers, dans le contexte que nous connaissons. Il m’a demandé de vous répondre à sa place.
Le produit des amendes de police relatives à la circulation routière est reversé aux collectivités territoriales et aux groupements afin de financer des opérations destinées à améliorer les transports en commun et la circulation routière. Logiquement, les collectivités territoriales bénéficiaires de ce reversement disposent donc des compétences leur permettant de mettre en œuvre ces travaux.
C’est pour cette raison que, hors de l’Île-de-France, ce produit est attribué aux communes, sauf si celles-ci appartiennent à un groupement auquel elles ont délégué la totalité de leurs compétences en matière de voies communales, de transports en commun et de parcs de stationnement.
Des seuils démographiques permettent en outre de garantir l’équité des modalités de répartition actuelles du produit des amendes de police. En effet, la part de ce produit revenant aux communes ou aux groupements éligibles de moins de 10 000 habitants est répartie par les conseils départementaux, qui déterminent la liste des projets à subventionner. La mutualisation ainsi effectuée permet de réaliser des opérations de sécurisation sur le territoire des plus petites communes ; ces dernières n’auraient pu effectuer de tels travaux avec un retour direct du produit des amendes.
Une attention particulière a également été portée aux communes rurales dans le cadre de la décentralisation du stationnement payant. La loi de finances rectificative de 2016 a prévu que, à partir de 2019, les enveloppes départementales allouées aux petites communes seraient au moins égales à la moyenne des sommes allouées au titre des trois derniers exercices. Les communes de moins de 10 000 habitants qui n’ont pas choisi de mettre en place le forfait post-stationnement se voient ainsi préservées des conséquences de la baisse des recettes des amendes de police.
Le Gouvernement est toutefois conscient que les choix d’organisation locaux peuvent parfois aboutir à des répartitions sous-optimales du produit des amendes de police. Il est donc ouvert à une modification réglementaire afin d’adapter les règles de répartition du produit des amendes, en concertation avec le comité des finances locales et les associations d’élus. Nous sommes prêts à engager ce travail avec l’ensemble des acteurs.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions de votre participation à cette séance de questions orales, quasiment au pied levé.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. N’y voyez aucune discourtoisie de ma part, monsieur le secrétaire d’État, mais je regrette le caractère technocratique de cette réponse.
Dans la réalité, les compétences en matière de voirie s’exercent aujourd’hui dans une très large mesure à l’échelon intercommunal, mais pas à 100 %, sauf dans les grandes intercommunalités. Il n’est dès lors pas possible pour les petites intercommunalités de bénéficier de la répartition du produit des amendes de police.
Résoudre ce problème n’aurait aucune conséquence financière pour l’État, car il s’agit uniquement de modifier une répartition. Je comprends que l’on souhaite que le degré de transfert de compétences soit pris en compte. Il me semblerait raisonnable de retenir un taux de transfert de 50 %. J’insiste tout particulièrement, monsieur le secrétaire d’État, pour que cette question soit étudiée par les services du ministère.
carte hospitalière et médico-sociale dans l’oise
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 519, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Jérôme Bascher. Je sais Mme la ministre des solidarités et de la santé retenue par une réunion à l’Organisation mondiale de la santé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de répondre à sa place à ma question.
Avec 27 médecins pour 10 000 habitants, toutes spécialités confondues, le département de l’Oise est confronté à un phénomène de désertification médicale catastrophique. Or les réponses apportées à ce terrible constat manquent d’efficacité, de stabilité et de clarté. Pis, une certaine incohérence semble être de mise depuis de nombreuses années. À titre d’exemple, le site de Senlis du groupe hospitalier public du sud de l’Oise, le GHPSO, a perdu sept services majeurs depuis 2012, faute de projet médical stable.
Le transfert de la maternité du site de Creil vers celui de Senlis, également prévu, ferait passer cette dernière au niveau 3, ce qui exige la présence d’un service de réanimation, pourtant fermé en 2017. Il est nécessaire de trouver des moyens pour rouvrir ce service de réanimation, d’autant qu’il était prévu de le remplacer par un service de soins continus. Tout cela entraîne une forte illisibilité.
Concernant les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les besoins sont croissants, mais il n’y a aucune création de places nouvelles. Or beaucoup a été fait pour le département du Nord, mais rien pour le sud de l’Oise, où la pression de la région parisienne est puissante. Heureusement, les présidentes des départements de l’Oise et du Val-d’Oise se sont entendues dernièrement pour sauver un EHPAD à Méru, l’État n’en pouvant mais.
En définitive, les acteurs de santé comme les patients sont confrontés au flou et à l’illisibilité de la carte hospitalière et médico-sociale, d’où une augmentation constante du taux de fuite. Quelle carte médicale et hospitalière le Gouvernement entend-il dessiner pour les habitants de l’Oise ? De quels investissements nouveaux bénéficiera le GHPSO ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Buzyn, retenue par une réunion internationale.
Vous avez raison, la population de l’Oise connaît des difficultés pour accéder à des soins de premier recours, en particulier pour consulter un médecin généraliste. Il est vrai également que cette tendance s’accentue avec le départ à la retraite d’un nombre important de médecins.
L’ambition du Gouvernement, traduite notamment dans le plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires et la stratégie « Ma Santé 2022 », est bien d’infléchir cette situation.
Concernant plus particulièrement le projet de regroupement des accouchements sur le site de Senlis, proposé par la communauté médicale, il vise à améliorer la qualité et la sécurité des soins par rapport à la situation actuelle, au travers d’un parcours de soins mieux organisé et plus lisible. Pour ce faire, il est nécessaire de transférer la réanimation néonatale et les soins intensifs néonataux sur le site de Senlis.
Ce projet de regroupement permet par ailleurs de conforter le recrutement médical dans toutes les composantes professionnelles concernées – anesthésie, gynécologie-obstétrique et pédiatrie – en diminuant l’effort de permanence de soins médicale qu’exige le fonctionnement de deux lieux de naissance.
Ce projet a fait l’objet de nombreux échanges et la démocratie sanitaire a pu largement en débattre. Soyez assuré qu’une attention particulière a été portée au suivi obstétrical pré- et postnatal des femmes afin qu’il s’organise sur les deux sites.
Dans ces conditions, le Gouvernement soutient la décision prise par la communauté médicale et la direction du GHPSO de regrouper les deux maternités sur le site de Senlis, ce rapprochement étant indispensable pour garantir une cohérence et une pérennité de l’offre de soins sur les deux sites.
Enfin, l’offre du secteur médico-social dans le département de l’Oise se situe au-delà des moyennes nationales en ce qui concerne les personnes âgées, en termes tant de places en établissements que de services à domicile. Les places offertes en EHPAD étant pour partie occupées par des personnes provenant de l’Île-de-France, l’agence régionale de santé et le conseil départemental, en accord avec leurs homologues d’Île-de-France, se sont organisés pour maintenir l’offre sur le site de Méru.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, qui dispose de vingt-huit secondes pour répondre à M. le ministre.
M. Jérôme Bascher. Merci, monsieur le ministre, de ces réponses.
Le véritable problème dans l’Oise aujourd’hui tient au fait que, comme un peu partout en France, les hôpitaux sont en déficit et manquent de médecins. Il y a un fort taux de fuite des patients, mais aussi des médecins, vers la région parisienne, où les salaires sont parfois plus attractifs, notamment dans les cliniques privées. Or nous sommes très attachés à l’hôpital public.
coût réel de la prédation en france
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 542, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Devant la recrudescence d’attaques de grands prédateurs, tels que le loup, l’ours et le lynx, différents plans ont été mis en œuvre depuis plusieurs décennies pour créer les conditions d’une cohabitation avec l’élevage.
Des mesures de protection des troupeaux ont été prises au détriment du pastoralisme, mais elles sont inadaptées si l’on en juge par la recrudescence d’attaques et le nombre d’animaux victimes. Je rappelle d’ailleurs que le plan national d’action 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage est loin de répondre aux besoins des territoires et aux attentes de la profession agricole.
C’est pourquoi je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le coût réel de la politique actuellement menée en faveur des espèces protégées. Je ne parle pas des 30 millions d’euros consacrés aux indemnités et aux mesures de protection visant à compenser les pertes directes, dont vous êtes comptable avec votre collègue le ministre de la transition écologique et solidaire : je souhaite connaître le coût réel de la prédation, lié, pour les éleveurs, au stress, au manque de sommeil qui conduit à la maladie, voire au suicide, pour les bergers, au temps passé à compter les cadavres ou à rassembler les troupeaux en perdition après une attaque, pour les animaux, à la perte de lait, aux avortements, aux blessures, à la dégradation de la qualité de la viande, pour l’administration d’État, à la mobilisation d’un préfet coordonnateur et de son équipe, aux heures de travail des préfets et à celles des collaborateurs des directions départementales des territoires, pour les collectivités locales, à l’entretien des sentiers, des espaces et des pistes de ski, par exemple.
Monsieur le ministre, dans la mesure où la prédation en France a de nombreuses répercussions financières, et ne touche pas uniquement le monde agricole et l’environnement, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer si une évaluation des coûts qu’elle induit a été réalisée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je connais votre engagement en faveur du pastoralisme et de la recherche d’une solution concernant le loup, dans votre département comme à l’échelle nationale.
Le plan Loup pour la période 2013-2017 a mobilisé un budget de plus de 100 millions d’euros, dont 87 millions d’euros pour les mesures de protection des troupeaux, 14 millions d’euros pour l’indemnisation des dommages, 740 000 euros pour l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et 518 000 euros pour la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’augmentation annuelle du coût global des mesures de protection est de l’ordre de 5 % à 15 %. Le coût de ces mesures est supporté à hauteur de plus de 50 % par les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural.
Au-delà de ces éléments techniques, les plans Loup successifs ont porté leurs fruits. Le dernier autorise le prélèvement d’une cinquantaine de loups, soit 10 % de la population présente en France, mais il faut aller plus loin. Nous savons que la cohabitation entre le prédateur et l’éleveur est difficile. On ne peut pas mettre des barrières partout, les patous attaquent parfois les promeneurs. De plan Loup en plan Loup, les choses avancent, mais rien n’est réellement réglé.
C’est la raison pour laquelle, dans les semaines qui viennent, je vais lancer le débat sur la prédation et le loup à l’échelon européen. Il faut revoir la directive Habitat, déterminer si le loup est une espèce en voie de disparition ou non. Plus de 500 loups sont aujourd’hui présents dans notre pays. Mon ministère et le Gouvernement défendent la biodiversité. Il est normal qu’il y ait des loups, il n’est pas question de les éradiquer. En revanche, il faut faire baisser la pression sur les éleveurs, qui aujourd’hui vivent dans des conditions terribles de stress et d’angoisse. Je vais m’employer à trouver une solution.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique. Vous disposez de trente-deux secondes, ma chère collègue.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse de bon sens. C’est un signal qui sera entendu. Ce que je dénonce, vous l’avez compris, c’est l’importance des sommes qui sont englouties sans que, à aucun moment, l’on s’interroge sur l’efficacité des actions menées, tandis que, par ailleurs, les territoires et les communes sont exsangues.
difficultés rencontrées par les professionnels équins
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 492, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Philippe Bas. Je souhaite la bienvenue au Sénat à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
J’appelle son attention sur un problème dont j’ai pris la mesure au cours des derniers mois.
La Manche est un département grand producteur de chevaux. Il est même l’inventeur du cheval de selle français. Nous avons constaté une lacune dans la réglementation. Quand un éleveur équin souhaite s’installer, il suit une formation, qui aboutit à la délivrance d’un diplôme équestre. Or ce diplôme n’est pas reconnu comme étant un diplôme agricole. On pourrait s’en accommoder si cela n’emportait pas de très graves conséquences : le jeune éleveur équin n’a pas droit aux aides à l’installation en agriculture.
J’aimerais que l’on puisse régler ce problème en faisant en sorte que le diplôme équestre soit reconnu comme équivalant à un diplôme agricole, afin que nos éleveurs de chevaux, qui ne sont pas si différents de nos éleveurs de bovins ou de moutons, puissent bénéficier des aides agricoles à l’installation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le président Bas, votre question m’a donné l’occasion de mieux appréhender cette filière que, je l’avoue, je connaissais assez peu.
Des possibilités existent pour avancer dans la direction que vous souhaitez. En application de l’article D.343-4 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux aides de l’État à l’installation, la capacité professionnelle agricole, la CPA, est accordée à tout détenteur d’un diplôme de niveau égal ou supérieur au baccalauréat professionnel option « conduite et gestion de l’exploitation agricole » ou au brevet professionnel option « responsable d’exploitation agricole », procurant une qualification correspondant à l’exercice du métier de responsable d’exploitation agricole, conférant le niveau IV agricole.
Les diplômes équestres délivrés par le ministère des sports et les qualifications professionnelles délivrées par la Fédération française d’équitation ne visent pas l’exercice du métier de responsable d’exploitation agricole et ne confèrent donc pas d’emblée la CPA.
Néanmoins, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation et le ministère des sports accordent réciproquement des équivalences dans les enseignements généraux et/ou professionnels de leurs diplômes respectifs.
Ainsi, afin de faire valoir ces équivalences, il revient au titulaire du diplôme équestre de s’adresser à la direction régionale interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de sa région et de faire reconnaître certains blocs de compétences de son diplôme, communs avec un des diplômes de l’enseignement agricole conférant la CPA. Pour obtenir la CPA, il lui restera à valider le ou les blocs de compétences manquants, par exemple celui portant sur la gestion comptable d’entreprise.
Sous ces réserves, il doit être possible que l’équivalence soit reconnue.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas pour la réplique, pour une minute et sept secondes.
M. Philippe Bas. C’est précisément parce que nos jeunes diplômés de la filière équine se heurtent à des difficultés pour l’application de ces règles que j’ai posé ma question. Il me semble qu’un travail commun entre la filière équine et le ministère des sports devrait avoir lieu afin de faciliter les démarches. Peut-être conviendrait-il que des instructions communes soient adressées à cette fin aux services régionaux et départementaux de l’État qui dépendent de votre ministère et de celui de la jeunesse et des sports.
Il n’y a aucune objection de principe, vous l’avez reconnu, monsieur le ministre, à ce que satisfaction soit donnée à nos jeunes éleveurs de chevaux. Je suis naturellement à votre disposition pour en rediscuter et faire en sorte qu’un peu d’huile puisse être mise dans les rouages.
M. Didier Guillaume, ministre. Je suis moi aussi à votre disposition.
conséquence de la sécheresse sur l’agriculture
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 506, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Antoine Lefèvre. La sécheresse estivale a des conséquences particulièrement importantes dans les Hauts-de-France, et dans le département de l’Aisne en particulier.
En ce qui concerne les fourrages, les éleveurs ont dû utiliser leurs stocks dès le début de juillet pour alimenter leurs animaux.
En ce qui concerne les pommes de terre de consommation, la récolte est très hétérogène, de 35 tonnes à 100 tonnes à l’hectare en fonction des pluies d’orage, soit une chute moyenne du rendement de 25 %.
Pour les parcelles de betteraves récoltées en novembre, la baisse de rendement est de 34 %, soit environ 31 tonnes par hectare, ce qui représente un manque à gagner de 775 euros par hectare ou 48 % du bénéfice de la parcelle.
La culture des colzas, quant à elle, est « mort-née » : à peine levée, elle a brulé par manque d’eau.
Le même constat vaut pour les plantes intermédiaires, les surfaces d’intérêt écologique et ce que l’on nomme communément les « pièges à nitrates », ces cultures rendues obligatoires par l’Europe.
C’est ainsi que, en plus de la sécheresse, les agriculteurs sont surveillés par l’administration qui, par ses contrôles obligatoires au titre de la PAC, constate des défauts de cultures dus à l’absence de pousse, susceptibles d’engendrer des pénalités !
Cet aléa climatique fait suite à quatre années de difficultés liées à la météorologie et à des cours mondiaux très bas.
Alors que l’Allemagne a mis en œuvre des plans d’urgence et que de nombreux pays ont obtenu de Bruxelles des dérogations pour les surfaces d’intérêt écologique, seule la France a demandé à ses agriculteurs d’effectuer des dépenses inutiles en semant malgré la canicule.
L’Allemagne a très vite débloqué 340 millions d’euros pour ses agriculteurs, si bien que ceux-ci achètent aujourd’hui le fourrage qui nous manquera cet hiver…
Fin octobre, vous avez annoncé, monsieur le ministre, différentes initiatives, comme un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou des reports et allégements de cotisations sociales dues à la Mutualité sociale agricole, la MSA. Les agriculteurs souhaiteraient que le bénéfice de ces mesures aille aux exploitations les plus touchées, au lieu d’être réparti en fonction du nombre d’exploitations par département, sans fléchage particulier.
Le préfet vous a fait remonter l’état des lieux dans notre département de l’Aisne, pour qu’enfin des décisions puissent être prises en matière de dérogations.
Vous avez annoncé ici même, samedi dernier, le déblocage de 400 millions d’euros au titre de la sécheresse. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment cette somme sera ventilée et quelles aides directes les agriculteurs sont en droit d’attendre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, notre pays a connu cet été une sécheresse dramatique. Elle a été tardive, après des épisodes de pluie au printemps. La première coupe a été assez fournie, puis la sécheresse s’est installée jusqu’à l’automne, ce qui est assez exceptionnel.
Je me suis rendu dans les Ardennes, les Vosges, la Meuse et plusieurs autres départements. J’ai d’abord demandé aux préfets d’organiser la solidarité entre agriculteurs pour l’approvisionnement en fourrage. Ensuite, pour permettre une indemnisation rapide des agriculteurs sinistrés, j’ai décidé la tenue de trois réunions exceptionnelles du Comité national de gestion des risques en agriculture, le CNGRA, en décembre, en janvier et en février. Douze dossiers, pour soixante-dix départements concernés environ, sont déjà remontés en vue de la réunion du CNGRA du 12 décembre prochain.
Une fois la reconnaissance accordée, un acompte exceptionnel de 50 % sera versé aux agriculteurs éligibles ayant utilisé la télédéclaration pour déposer leur dossier.
Plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés : le recours à l’activité partielle pour les salariés des exploitations, un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles touchées, les aides au paiement des cotisations sociales.
L’ensemble de ces mesures, sans comparaison avec ce qui a été mis en place dans les autres pays européens touchés par cette sécheresse, représente un apport de trésorerie exceptionnel pour les exploitants et des souplesses administratives leur permettant d’anticiper l’hiver et d’acheter les compléments nécessaires à l’alimentation des cheptels.
À l’avenir, il conviendra de mieux gérer la ressource en eau, pour que nos agriculteurs n’aient plus à subir de tels dommages. Sur ce sujet aussi, vous pouvez compter sur mon engagement, monsieur le sénateur. Comme je l’ai annoncé ici même, je vais commencer à travailler sur l’utilisation des retenues d’eau en cas de sécheresse.
Vous avez évoqué le cas de l’Allemagne, monsieur le sénateur. Sachez que le ministère allemand de l’agriculture a annoncé un grand plan, doté de moyens importants, mais aucun argent n’est mis à la disposition des agriculteurs, et ceux-ci sont fort mécontents. Seule la France a mis en œuvre un plan efficace, permettant aux agriculteurs de toucher des aides.
Nous sommes toutefois confrontés à une autre difficulté. Les aides sont versées par département ; or la situation des agriculteurs est très variable au sein d’un même département. Je souhaite donc faire évoluer les règles d’attribution afin que les préfets et les directions régionales de l’agriculture et de la forêt, les DRAF, puissent cibler les indemnisations sur les exploitations les plus touchées.
Quoi qu’il en soit, l’État sera au rendez-vous : quelque 400 millions d’euros seront versés au titre de cette sécheresse.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. J’ai pris note de vos propos concernant l’Allemagne, monsieur le ministre ; je vérifierai ce qu’il en est.
Je profite de cette occasion pour vous alerter sur la gestion des aléas climatiques par l’État, la réserve prévue à cet effet se trouvant amputée d’un tiers dans le PLF pour 2019. La baisse annoncée du budget de la PAC est également inquiétante. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a rejeté les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
habitat en péril
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteur de la question n° 517, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylvie Vermeillet. Dans nos petites communes, il arrive parfois que des propriétaires laissent leur maison à l’abandon pour des raisons diverses : indivision, éloignement, manque de moyens, etc.
Faute d’entretien, ces bâtiments se dégradent et deviennent dangereux pour les occupants, les voisins ou les habitants de la commune.
Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un logement susceptibles de causer un danger pour la sécurité des occupants, il notifie au propriétaire qu’une procédure de péril ordinaire va être engagée.
Aux termes des articles L. 511-1 à L. 511-7 du code de la construction et de l’habitation, le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité. Mais les petites communes n’ont plus les moyens de se substituer aux propriétaires défaillants. Dans certains cas, elles n’ont même plus les moyens de supporter les frais de contentieux.
Lorsque Mme la ministre Jacqueline Gourault est venue assister à l’assemblée générale des maires du Jura, trois maires se sont ouverts à elle de leurs difficultés, et elle a évoqué l’idée de créer un fonds spécial dédié à cette problématique. Cette hypothèse est-elle toujours envisagée ? Comment pourrait-elle être mise en œuvre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Jacqueline Gourault et Julien Denormandie, qui ne pouvaient être présents ce matin.
En matière de lutte contre l’habitat dégradé, les maires de nos communes sont souvent en première ligne, comme vous l’avez fort justement rappelé.
Dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale relatifs aux immeubles menaçant ruine, le maire peut en effet prescrire la réparation ou la destruction de bâtiments et mettre en demeure un propriétaire, par un arrêté de péril et à l’issue d’une procédure contradictoire, de prendre les mesures nécessaires.
L’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, peut accorder des subventions aux propriétaires pour financer la réalisation de travaux dans le cadre d’une procédure de police administrative de lutte contre l’habitat indigne.
Lorsque les travaux ne sont pas réalisés par le propriétaire dans le délai qui lui est imparti, le maire a la possibilité de faire procéder d’office à leur exécution. Ces travaux sont alors réalisés pour le compte du propriétaire défaillant et à ses frais. Les communes peuvent en effet recouvrer les frais qu’elles ont avancés mais qui restent dus par le propriétaire défaillant.
Le Gouvernement n’envisage pas de créer un fonds spécifique, madame la sénatrice. Toutefois, les maires ne sont pas seuls et l’État, avec ses opérateurs, apporte un soutien financier important aux opérations qu’ils mènent pour résorber l’habitat indigne.
Ainsi, l’ANAH subventionne les travaux d’office réalisés par les communes au titre de diverses procédures, et cette subvention reste acquise à la commune, même après recouvrement complet des sommes engagées auprès du propriétaire.
Même si le problème concerne un immeuble en copropriété, l’ANAH est en mesure de subventionner les travaux d’office décidés par le maire en substitution aux copropriétaires défaillants, qui ne paieraient pas leur quote-part de travaux.
Lorsque l’action de la commune nécessite de prendre possession de l’immeuble du fait de l’inaction de son propriétaire, l’ANAH pourra désormais financer avec la collectivité ce type d’opération. Nous avons ainsi prévu, dans le PLF pour 2019, un budget de 15 millions d’euros à ce titre.
Très récemment enfin, la loi ÉLAN est venue renforcer les moyens financiers dont disposent les collectivités territoriales pour mieux lutter contre ces situations d’habitat indigne. Elle leur transfère le bénéfice des astreintes imposées aux propriétaires indélicats pour que les travaux soient faits.
Madame la sénatrice, Mme Gourault et M. Denormandie mesurent l’importance du soutien aux élus locaux sur ces dossiers sensibles. Ils continueront de les soutenir, puisqu’une mission portant sur la simplification des procédures sera prochainement lancée.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet pour une minute et trois secondes, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. J’entends votre réponse, monsieur le ministre, mais je ne suis pas certaine que le dispositif actuel suffise. En effet, dans bien des cas, les communes n’ont pas de solution. Les communes doivent faire des avances de trésorerie, même si les travaux restent à la charge du propriétaire. À l’heure où l’on s’interroge sur l’efficacité du dispositif des zones de revitalisation rurale, il conviendrait de cibler les véritables problématiques des communes. Un fléchage de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, serait à mon avis plus efficace et d’effet plus immédiat.
nécessaire réévaluation de la participation de l’état aux aides individuelles sociales
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 531, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Olivier Henno. Nous avons appris avec beaucoup de satisfaction dans les colonnes de La Voix du Nord, le 18 octobre dernier, que le projet de fusion entre le département du Nord et la métropole européenne de Lille était enfin abandonné. Nous avons exprimé notre gratitude à Mme Jacqueline Gourault.
Avec le président du conseil départemental du Nord, Jean-René Lecerf, nous nous sommes opposés à cette idée baroque d’un partage du territoire nordiste en trois entités distinctes, qui aurait créé un département-métropole fusionné au centre du territoire et deux super-arrondissements regroupant la Flandre intérieure et la Flandre maritime, d’une part, le Douaisis, le Valenciennois, le Cambrésis et l’Avesnois, d’autre part.
Au-delà de l’ineptie géographique évidente, qui pouvait s’apparenter au partage de l’empire carolingien en 843 par le traité de Verdun entre les trois héritiers de Charlemagne, ce projet de fusion dénaturait complètement les équilibres sociaux, économiques et démographiques, dans un territoire déjà en forte souffrance sociale.
Cette chimère de la fusion entre le département du Nord et la métropole européenne de Lille étant écartée, il ne faut cependant pas oublier les difficultés structurelles du département du Nord, qui restent fortes et inquiétantes malgré un travail salutaire mené par l’exécutif départemental en matière de redressement des finances départementales.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de relancer un vrai débat constructif avec les territoires sur la question de la nécessaire réévaluation de la participation de l’État aux aides individuelles sociales, les AIS, en particulier le revenu de solidarité active, le RSA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA ? Pour le département du Nord, le reste à charge pour le RSA s’élève à 300 millions d’euros : c’est la double peine.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de remettre au centre des discussions avec les territoires la question de la péréquation nationale et d’une plus juste solidarité entre l’État et les territoires, d’une part, et entre territoires riches et territoires pauvres, d’autre part ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Henno, je vous prie vous aussi de bien vouloir excuser Mme Gourault et M. Denormandie.
Le financement et la gestion des allocations individuelles de solidarité, notamment du RSA, est l’une des questions discutées dans le cadre de la conférence nationale des territoires.
Les travaux menés par la mission dirigée par Alain Richard et Dominique Bur avaient pour but de trouver des solutions pour assurer une meilleure maîtrise de l’évolution des dépenses liées aux AIS et établir un équilibre financier pérenne.
Le Gouvernement est pleinement conscient de la très forte croissance de ces dépenses au cours des dernières années, qui a conduit à la mobilisation de quatre fonds exceptionnels de soutien aux départements, instaurés dans le cadre des lois de finances rectificatives pour 2010, 2012, 2015 et 2016.
Un fonds exceptionnel doté de 100 millions d’euros a été créé par la loi de finances rectificative pour 2017 afin de soutenir les départements confrontés aux situations financières les plus dégradées. À l’instar d’autres départements, le département du Nord a bénéficié d’aides exceptionnelles au titre de ces fonds : près de 55 millions d’euros lui ont été versés depuis 2013.
Déterminé à aider les départements les plus exposés, le Gouvernement a également déposé un amendement au projet de loi de finances initiale pour 2019, qui a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.
Cet amendement vise à créer un fonds de stabilisation doté de 115 millions d’euros sur trois ans pour accompagner dès 2019 une trentaine de départements présentant une situation financière dégradée et des restes à charge au titre des AIS supérieurs à la moyenne nationale. Il tend en outre à renforcer la péréquation horizontale des recettes des droits de mutation à titre onéreux, à hauteur de 250 millions d’euros dès 2019.
Le Gouvernement examine attentivement la proposition de répartition faite par l’Assemblée des départements de France, l’ADF, en vue de la finalisation du PLF pour 2019.
Parallèlement à ces mesures, le Président de la République a présenté, le 13 septembre dernier, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Des financements seront ainsi apportés aux départements volontaires afin d’accompagner la dynamique de leurs dépenses en matière d’accompagnement social : 135 millions d’euros en 2019, 177 millions d’euros en 2020 et 208 millions d’euros en 2021.
Enfin, conscient des difficultés liées l’accueil des mineurs non accompagnés, le Gouvernement a également confirmé qu’un soutien financier renforcé, à hauteur de 141 millions d’euros en 2019, serait apporté aux départements, au titre tant de la phase en amont de la reconnaissance de la minorité que de la phase aval au titre de l’aide sociale à l’enfance.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique. Vous disposez de vingt-quatre secondes, mon cher collègue.
M. Olivier Henno. Les départements exercent des compétences en matière de solidarité humaine et territoriale. Alors que notre pays souffre de nombreuses fractures, leur capacité d’agir est essentielle. Il n’y a pas de décentralisation sans péréquation verticale et horizontale. C’est une question de justice territoriale.
mise en place des dispositifs d’hébergement d’urgence dans les petites et moyennes villes
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 543, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
Mme Agnès Canayer. Chaque année, au moment de la période hivernale, le préfet, représentant de l’État, propose un plan d’hébergement d’urgence. Il définit les actions à mettre en œuvre au niveau local afin d’identifier, de prévenir et de limiter les conséquences, pour les populations vulnérables, des températures hivernales. Le plan prévoit différents niveaux opérationnels en fonction des températures ressenties lors des vagues de froid.
Que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale, les communes, quelle que soit leur taille, se mobilisent dans le cadre du plan Grand Froid. Cette mobilisation se traduit par la mise à disposition de locaux, la gestion de centres d’hébergement d’urgence ou encore la réservation d’appartements.
Chaque année, l’État consacre plusieurs centaines de millions d’euros à la politique d’hébergement d’urgence. Pourtant, malgré ces dotations, dans des villes moyennes, périphériques comme Fécamp, en Seine-Maritime, la mise en œuvre du plan s’avère très difficile. En effet, cette ville ne dispose pas d’un parc hôtelier ou d’un nombre de logements suffisants pour mettre à disposition des nuitées ou des logements en urgence. En outre, si le dispositif du 115 couvre les grandes villes avoisinantes, comme Le Havre, il ne concerne pas une ville périphérique comme Fécamp. Cette situation paradoxale est renforcée par l’absence de transports publics en soirée et la nuit. Ainsi, la commune doit se débrouiller pour aider des associations qui se mobilisent pour les personnes identifiées comme ayant besoin d’une solution d’hébergement d’urgence. Chaque situation est traitée au mieux, en mettant en œuvre des solutions souvent bricolées et plus ou moins pérennes.
Cette difficulté est renforcée par la situation des personnes concernées, qui souffrent souvent de pathologies ou d’addictions. Elles requièrent une prise en charge et un accompagnement spécifiques, et les villes moyennes n’ont généralement ni les moyens, ni les compétences, ni les structures pour gérer ces situations. L’accumulation des difficultés fragilise la prise en charge.
Ma question est simple : comment le Gouvernement compte-t-il aider les communes de taille moyenne à remplir leurs obligations découlant du plan préfectoral d’hébergement d’urgence ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Agnès Canayer, vous avez raison de rappeler à quel point la question de l’hébergement des personnes sans domicile appelle la mobilisation de tous. L’État joue son rôle, mais s’il n’y avait pas la solidarité locale entre les associations et les communes que vous avez évoquée, la situation serait encore pire.
C’est une compétence qui relève de l’État, et celui-ci apporte des moyens considérables. Mais son action a besoin, pour être efficace, du concours de nombreux acteurs, à commencer par les communes, quelle que soit leur taille. Je salue leur action, car elles prennent très souvent une part active à l’hébergement des personnes sans domicile, par la mise à disposition de locaux ou d’équipements.
Je voudrais rappeler, même s’il ne s’agit pas d’un satisfecit, que jamais aucun gouvernement n’a fait autant en matière d’hébergement. L’État finance et gère avec les associations 136 000 places pérennes ouvertes tout au long de l’année pour l’accueil des personnes sans domicile. Le Gouvernement a pérennisé 5 000 places d’hébergement d’urgence à la sortie de l’hiver dernier.
Le budget de l’hébergement d’urgence sera une nouvelle fois en hausse en 2019, et nous avons préparé cet hiver très en amont avec un plan d’action, en lien avec les associations, les services de l’État et les collectivités. Julien Denormandie et Jacqueline Gourault ont réuni les associations à deux reprises, le 19 octobre et le 23 novembre derniers, afin de leur présenter le plan et d’échanger. Ils les réuniront chaque mois.
À ce jour, le nombre de places mobilisables est d’ores et déjà supérieur de près de 8 000 à ce qu’il était l’année dernière.
S’agissant de la veille sociale, dont relèvent les services du 115, les crédits qui lui sont alloués ont progressé de 40,5 % entre 2016 et 2018. En 2019, plus de 139 millions d’euros y seront consacrés, soit une progression de 5,9 % par rapport à 2018.
S’agissant particulièrement des maraudes, 5 millions d’euros supplémentaires sont prévus en 2019, 1,2 million d’euros ayant déjà été notifiés aux services pour la période hivernale, dont 427 000 euros délégués en novembre 2018 pour que les maraudes puissent être renforcées dès cette année. Sur la base d’une enquête réalisée en octobre auprès des services de l’État, ces crédits ont pu être notifiés dans l’ensemble des régions métropolitaines, dont la Normandie, à hauteur de 76 000 euros, et dans de nombreux départements.
De manière générale, le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que la politique d’accès au logement des personnes défavorisées soit fondée sur une analyse locale des besoins des territoires, particulièrement ceux des villes petites et moyennes. C’est la raison pour laquelle la loi ÉLAN, qui vient d’être publiée, prévoit notamment que le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées sera désormais opposable pour la délivrance des autorisations d’activité des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS.
M. le président. Nous vous remercions de votre participation à cette séance de questions orales, monsieur le ministre.
La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. La solidarité en matière d’aide aux plus démunis nécessite en effet l’investissement de tous, les personnes publiques, les collectivités territoriales, l’État et, surtout, les associations.
En matière de plan d’hébergement d’urgence, il appartient à l’État de coordonner l’ensemble des acteurs au niveau national, mais aussi au niveau local. Les préfectures doivent s’engager à organiser cette coordination au plus près du terrain, notamment dans les communes moyennes, dont les maires sont souvent laissés un peu seuls.
avenir de business france
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteur de la question n° 345, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Hélène Conway-Mouret. Depuis les annonces du Premier ministre, le 23 février dernier, il est question qu’une délégation de service public, Business France, soit opérée par certaines chambres de commerce et d’industrie à l’étranger pour l’accompagnement de nos PME à l’international.
Cette expérimentation a été lancée voilà quelques mois dans huit pays. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous me préciser selon quels critères ces huit pays ont été choisis ? Pourquoi l’expérimentation ne porte-t-elle que sur un nombre si limité de pays ?
Selon la cartographie du printemps 2018, Business France a déjà quitté la Russie, Hong Kong, le Japon et l’Espagne, et doit se retirer de la Belgique, de Singapour, de la Norvège et des Philippines d’ici à la fin de cette année. Je note que certains de ces pays relèvent de l’expérimentation, et je me demande donc si celle-ci débouchera nécessairement sur la fermeture des représentations. Business France envisage également de quitter d’autres pays présentant de plus faibles volumes d’activité : Cuba, la Hongrie, le Liban et la Lituanie.
Les CCI à l’étranger ont actuellement pour mission d’aider les entreprises françaises à trouver des débouchés dans leurs pays d’accueil. Elles accompagnent et conseillent les entreprises à toutes les étapes de leur développement. Plus largement, elles contribuent au rayonnement économique des territoires à travers un vaste plan d’action.
Le rôle de Business France est de promouvoir la marque France à l’étranger, à travers ce que Laurent Fabius, à l’initiative de la création de Business France, en 2014, alors qu’il était ministre des affaires étrangères, appelait la diplomatie économique. Il s’agit de favoriser le développement international des entreprises implantées en France, de promouvoir l’attractivité du territoire national et les investissements étrangers, et de mettre en œuvre une stratégie de communication et d’influence visant à développer l’image économique de la France à l’international.
Avec des rôles quelque peu différents, comment imaginer que ces CCI, associations de droit local, se substituent à une agence de l’État, financée sur fonds publics à hauteur d’environ 200 millions d’euros chaque année ? Ainsi, on peut légitimement se poser des questions sur le contrôle de l’exécution des nouvelles missions dévolues aux CCI. Comment les convaincre, par exemple, de mettre en œuvre les objectifs de l’État ?
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, les CCI choisies ont-elles été consultées sur la transformation de leur mission originelle ? Sont-elles en mesure de répondre favorablement à la demande de l’État, alors que le Gouvernement a décidé de diminuer leur subvention de 400 millions d’ici à 2022 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Conway-Mouret, vous avez appelé l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur l’avenir des agences Business France à l’étranger.
Le 23 février 2018 dernier, le Premier ministre a annoncé la stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur. La réforme de notre dispositif de soutien public a pour objectif de rendre l’accompagnement de nos entreprises à l’export plus simple et plus accessible, notamment pour les PME et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire.
Cette réforme s’appuie sur la coopération de l’ensemble des acteurs au sein d’un dispositif unifié, la « Team France export », et s’appuie sur deux piliers : la création de guichets uniques dans toutes les régions et une refonte du réseau des bureaux de Business France à l’étranger.
La mise en place dans les régions de « guichets uniques » pour l’accompagnement à l’export repose sur la signature de conventions entre Business France et les CCI régionales. Dans ce cadre, Business France redéploie des effectifs au sein des CCI afin de renforcer leurs capacités de prospection et le suivi des entreprises exportatrices. Les CCI pourront ainsi bénéficier des compétences des collaborateurs de Business France.
À l’étranger, l’équipe de l’export prendra la forme de guichets uniques, reposant sur la désignation de « correspondants uniques ». Ces derniers pourront être soit Business France en propre, soit, dans le cas d’un retrait de Business France, des opérateurs privés désignés après des procédures transparentes d’appel d’offres dans le cadre de concessions de service public ou de marché public de services.
Le Premier ministre a cité, le 23 février dernier, huit pays susceptibles de faire l’objet d’une expérimentation visant à confier l’accompagnement des entreprises à un opérateur privé. Dans ces huit pays– la Russie, la Belgique, la Norvège, la Hongrie, le Maroc, les Philippines, Singapour, le Japon et Hong Kong –, le Gouvernement a fait le choix de mener une expérimentation de retrait de Business France, qui concernera la totalité ou une partie de l’activité de l’opérateur. La sélection de ces huit pays et territoires s’est faite sur le critère de marchés considérés comme matures ou d’une taille limitée. D’autres pays pourront faire l’objet d’évolutions au cours des mois et années à venir.
Comme dans le cas du dispositif déployé sur le territoire national, il s’agit donc non pas d’arrêter un schéma identique dans tous les pays, mais de proposer un accompagnement adapté aux différentes situations économiques et commerciales, l’opérateur veillant à garantir une qualité de services homogène.
Une concession de service public sera mise en place au 1er janvier 2019 dans six pays : la Belgique, la Norvège, la Hongrie, le Maroc, les Philippines et Singapour. La procédure d’appel d’offres publique visant à désigner un concessionnaire, qui peut être une chambre de commerce à l’étranger ou tout autre acteur privé, arrive à son terme. Les vainqueurs des appels d’offres seront désignés cette semaine.
Au Japon et à Hong Kong, Business France a eu recours à un marché public de services pour sélectionner un prestataire exclusif. Les deux chambres de commerce françaises qui ont été choisies réaliseront cette prestation.
Le cas du bureau de Business France en Russie est à part : la fermeture de ce bureau a été rendue nécessaire par le conflit opposant les autorités russes et françaises sur le licenciement d’employés de droit local. Le bureau a été fermé le 16 juillet dernier. Dans les mois qui viennent, un appel d’offres permettra de mettre en place une solution adaptée au pays pour continuer d’accompagner nos entreprises sur ce marché.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique. Il vous reste neuf secondes, ma chère collègue.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je suis tout à fait favorable au guichet unique. Nous avons trop souffert de l’éparpillement.
Je vois toutefois, dans beaucoup de réformes proposées, une volonté de retrait de l’État au profit du secteur privé, ce qui pose quelques problèmes sur le plan juridique.
En outre, je ne suis pas certaine que ces associations de droit local soient toujours en mesure de bien mettre en œuvre les objectifs fixés par le Gouvernement.
zone touristique internationale à paris
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 320, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Catherine Dumas. Il existe aujourd’hui dix-huit zones touristiques internationales – ZTI – sur l’ensemble de la France, dont douze à Paris intra-muros. Celle du 17e arrondissement – mon arrondissement d’élection – aurait pu disparaître en début d’année, mais la bonne collaboration entre le maire de l’arrondissement, Geoffroy Boulard, et les services de Bercy a permis de trouver une solution pérenne. Je vous en remercie, monsieur le secrétaire d’État.
Depuis 2015, les commerçants situés dans ces ZTI ont la possibilité d’ouvrir le dimanche et en soirée toute l’année, en vertu d’accords signés avec les salariés.
Avec deux ans de recul, la chambre de commerce et d’industrie de Paris a publié, cette année, une étude sur l’impact de la création de ces zones privilégiées dans la capitale.
Le résultat est sans appel : l’ouverture des commerces le dimanche dans les ZTI est un succès. La fréquentation des lieux est en hausse de 20 % et l’ouverture dominicale a déjà permis aux grands magasins de la capitale d’augmenter leur chiffre d’affaires d’environ 10 % et de créer 1 000 emplois.
Paris est la première destination touristique mondiale, mais rien n’est jamais acquis. Paris est une ville monde, en concurrence avec Londres, Berlin, Rome ou New York, et l’ouverture des commerces le dimanche s’inscrit dans une tendance mondiale.
Aussi, comme le préconise un très récent rapport parlementaire rendu par nos collègues députés Philippe Huppé et Daniel Fasquelle, pourquoi ne pas créer une zone touristique internationale unique sur l’ensemble du territoire de la ville de Paris, notamment pour éviter les effets de bord sur les baux commerciaux inhérents au zonage ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Dumas, vous avez appelé l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances, retenu aujourd’hui, sur l’opportunité de créer une zone touristique internationale unique sur l’ensemble du territoire de la ville de Paris.
Le Gouvernement a pleinement conscience du rôle de la ville de Paris pour l’attractivité touristique et l’activité économique.
S’agissant de l’évolution du nombre de commerces ouverts à Paris le dimanche dans les zones touristiques internationales, les données sont publiées sur le site de l’observatoire des commerces dans les zones touristiques internationales, créé par arrêté interministériel du 20 juin 2016. Entre septembre 2015 et février 2017, une hausse très significative, de 62 %, du nombre de commerces ouverts le dimanche dans les ZTI a été observée.
La chambre de commerce et d’industrie d’Île-de-France a effectivement proposé de faire de l’ensemble de la ville de Paris une zone touristique internationale. Cette proposition a été expertisée de manière approfondie. Il s’avère que la création d’une telle zone pourrait créer une rupture d’égalité entre les commerçants parisiens et ceux du reste de la France. Une telle rupture d’égalité semble difficilement justifiable.
En outre, en l’état du droit, la ville de Paris dans son ensemble ne peut répondre aux critères d’une zone touristique internationale. En effet, la totalité des quartiers de Paris intra-muros ne présente pas un rayonnement international, une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et un flux important d’achats effectués par des touristes résidant hors de France – ce sont là les trois critères permettant de définir une ZTI.
Accéder à cette demande reviendrait donc à remettre en cause la politique actuelle de zonage s’appliquant pour l’ouverture dominicale des commerces, qui repose sur des critères fixés par la loi.
Enfin, un bilan économique des zones touristiques internationales créées en application de la loi du 6 août 2015 sera présenté au Parlement début 2019. Sur cette base, l’opportunité d’améliorer ou de simplifier le régime des ZTI pourra être examinée. C’est peut-être alors que des réponses plus propres à vous satisfaire, madame la sénatrice, pourront être apportées…
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, à qui il reste cinquante-deux secondes pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que votre dernière phrase augure d’une réponse plus satisfaisante…
En tant qu’élue parisienne, je peux vous dire que le territoire de la ville de Paris répond bien aux critères cumulatifs du classement en ZTI. En outre, la chambre de commerce d’industrie et les parlementaires intéressés se sont prononcés en faveur d’un tel classement. Le Gouvernement ne doit plus attendre.
privatisation du groupe adp
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 469, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, le transfert au secteur privé de la société Aéroports de Paris, ou ADP, prévu dans le projet de loi PACTE fait l’objet de nombreuses oppositions, à droite comme à gauche.
Alors que l’État détient actuellement 50,63 % du capital de cette société, vous souhaitez supprimer l’obligation pour l’État de détenir la majorité de celui-ci et ainsi autoriser la privatisation des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle, d’Orly et du Bourget. À mon sens, c’est une vue de court terme qui sacrifie sans états d’âme une part du patrimoine de l’État.
Dans mon département, le Val-de-Marne, les inquiétudes et la mobilisation sont fortes quant aux conséquences de cette privatisation.
Conséquences sur l’emploi tout d’abord : plus de 28 000 personnes travaillent sur le site d’Orly, dans un bassin économique de plus de 157 000 salariés, qui comprend également le marché international de Rungis.
Conséquences sur l’environnement ensuite : comment comptez-vous faire prévaloir les intérêts environnementaux des populations sur les intérêts économiques d’un concessionnaire privé qui, à n’en pas douter, remettra en cause les dispositifs de limitation des mouvements et le couvre-feu ?
De plus, l’arrivée d’investisseurs privés majoritaires au sein du capital d’ADP risque de remettre en cause l’ensemble des stratégies territoriales défendues par les collectivités locales et l’État dans le cadre du projet du Grand Paris Express et de tous les schémas d’aménagement.
Enfin, faut-il rappeler que les aéroports de Paris constituent la première porte d’entrée sur le territoire et, à ce titre, garantissent à la fois la sûreté nationale et la sécurité intérieure ?
Monsieur le secrétaire d’État, au regard de tels enjeux, le Gouvernement compte-t-il revenir sur sa décision de privatiser ADP, inscrite dans le projet de loi PACTE ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Cohen vous avez appelé l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances, retenu aujourd’hui, sur le processus de privatisation du groupe ADP. Je souhaite vous apporter en son nom les éléments de réponse suivants.
Le projet de loi autorisant la privatisation d’ADP tient compte des enjeux pour les usagers et les territoires. Il prévoit des dispositions pour renforcer les leviers de régulation et de réglementation en matière de qualité de service, de sécurité, d’impact environnemental et d’intégration dans les territoires.
Les fonctions régaliennes de l’État en matière de sécurité des personnes et des biens, comme la police aux frontières ou les contrôles douaniers, restent assurées par les services de l’État, et par eux seuls.
S’agissant de la qualité de service, le projet de loi donne le pouvoir à l’État de s’assurer que les investissements nécessaires au bon fonctionnement du service public aéroportuaire seront réalisés. L’État pourra également imposer à l’opérateur de maintenir une qualité de service aux meilleurs standards des aéroports internationaux.
S’agissant des employés d’ADP, le projet de loi PACTE précise que la privatisation n’a pas d’impact sur les statuts du personnel. La modification de ces statuts reste soumise à l’approbation de l’État.
La protection des communes riveraines contre les nuisances sonores et de la qualité de l’air ne sera pas altérée par la privatisation : les normes aujourd’hui en vigueur, qu’elles soient législatives ou réglementaires, devront être appliquées par ADP, quel que soit son actionnariat, notamment celles instaurant un couvre-feu entre 23 heures 30 et 6 heures du matin ou le plafond du nombre de créneaux horaires attribuables annuellement à Orly.
Afin de garantir les meilleures conditions de concertation avec les collectivités territoriales et les associations de riverains, le projet de loi PACTE prévoit, en outre, la création d’un comité des parties prenantes, qui réunira des collectivités territoriales et des associations de riverains et environnementales pour favoriser les échanges entre ces acteurs et la société.
Madame la sénatrice, ces éléments démontrent la volonté du Gouvernement, en particulier celle du ministre de l’économie et des finances, d’appliquer les dispositions que je viens de rappeler.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en quarante-neuf secondes.
Mme Laurence Cohen. À vous entendre, tout va très bien et il n’y a aucune raison de s’inquiéter… Votre gouvernement n’entend absolument pas les revendications des riverains et des élus ! Vous vous entêtez, alors que la privatisation récente de l’aéroport de Toulouse devrait vous faire réfléchir : la Cour des comptes affirme elle-même qu’elle est un échec ! Et le bilan n’est guère meilleur pour celle des aéroports de Lyon et de Nice… Quant à la privatisation des autoroutes, au début des années 2000, elle a été suivie par une explosion des tarifs pour les usagers.
Il y a donc des exemples flagrants de privatisations aux conséquences négatives, mais vous nous dites qu’il n’y a aucun problème, aucun danger… Vous n’écoutez pas, de même que vous n’entendez pas les gilets jaunes, les blouses blanches ou les robes noires, qui manifestent parce qu’ils en ont ras le bol de votre politique qui ne tient pas compte des revendications de la population !
respect de la législation en vigueur sur les contrats obsèques
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 465, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur le nécessaire respect des dispositions légales en vigueur, s’agissant de la souscription des contrats d’assurance obsèques. Plus de 5 millions de Français cotisent pour ce type de contrat afin de financer par avance leurs funérailles et, ainsi, de ne pas faire supporter des charges financières à leurs proches au moment de leur décès.
J’observe d’ailleurs que la loi permet désormais qu’un montant de 5 000 euros soit prélevé sur les sommes laissées par le défunt pour financer ses obsèques, ce qui réduit, dans bien des cas, l’intérêt de ces contrats d’assurance.
Toujours est-il que les contrats d’assurance obsèques sont très encadrés, notamment par l’article L. 2223-34-1 du code général des collectivités territoriales. Je connais bien cet article, puisque je l’ai fait voter par notre assemblée. Aux termes de cet article, « toute clause d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance sans que le contenu détaillé et personnalisé de ces prestations soit défini est réputée non écrite ». Or nombre de contrats « packagés » proposés par des assurances ou des banques ne respectent absolument pas cette clause.
Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour que la loi soit appliquée ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Sueur, je vous remercie de votre question et de votre signalement. Chacun connaît votre engagement de longue date pour améliorer le fonctionnement du marché des prestations d’obsèques. Vous êtes ainsi à l’origine de diverses dispositions qui les encadrent et d’initiatives ayant permis la reconnaissance du statut juridique particulier, si je puis dire, des cendres des défunts.
Comme vous le savez, les contrats d’assurance obsèques impliquent l’action conjointe d’un assureur, dont le rôle est de fournir le volet « assurance-vie » du contrat, et d’un opérateur funéraire, qui se charge des prestations funéraires proprement dites.
Les services du ministère sont tout à fait disposés à mener un travail commun avec vous, monsieur le sénateur, pour déterminer dans quelle mesure certaines offres « packagées » ne respecteraient pas la lettre ou l’esprit des dispositions de l’article L. 2223-34-1 du code général des collectivités territoriales.
Nous savons que certains prestataires rencontrent des difficultés pour établir une offre adaptée. Cependant, la loi doit être appliquée dans son intégralité. Dans la mesure où les signalements que vous nous faites ne nous sont pas connus de manière suffisamment précise pour que nous puissions vous apporter une réponse technique à ce stade, le ministère de l’économie et des finances souhaiterait pouvoir continuer à travailler avec vous sur la base des éléments les plus concrets dont vous pouvez disposer. Nous pourrons alors définir la réponse réglementaire la plus adaptée à la situation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique. Il vous reste quarante-trois secondes, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, je suis toujours d’accord pour coopérer avec le ministère, mais je suis tout de même surpris que celui-ci ne soit pas au courant…
Des compagnies d’assurances et des banques très connues vendent tous les jours en grand nombre des contrats « packagés », ne comportant aucune pièce témoignant d’une quelconque négociation avec un opérateur funéraire afin d’établir une définition précise des prestations d’obsèques. Or lorsque les prestations ne sont pas définies, les proches du défunt se voient souvent réclamer une somme supplémentaire…
Il est absolument patent que la loi n’est, dans une large mesure, pas appliquée. Dès lors, il faudra que des sanctions soient prononcées.
taxes sur les carburants
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 498, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Daniel Chasseing. Pour la troisième fois cette année, j’interroge le Gouvernement sur la hausse des taxes sur les carburants.
En France, 4 millions de foyers, dont 3,6 millions en milieu rural, se chauffent au fioul. Les augmentations de taxes affectent lourdement leur pouvoir d’achat : en novembre, il fallait 1 000 euros pour remplir une cuve de 1 000 litres, contre 740 euros il y a un an ; en janvier 2019, si la hausse de taxes prévue s’applique effectivement, il faudra débourser 33 euros de plus.
Les salariés payés au SMIC et demeurant en milieu rural utilisent leur véhicule pour se rendent sur leur lieu de travail, parcourant parfois 30 ou 40 kilomètres. La hausse de 25 % du gazole affaiblit leur pouvoir d’achat. Il en est de même pour les retraités, qui ont souvent de faibles revenus.
Le problème concerne également les professionnels, les petites et moyennes entreprises, les agriculteurs qui utilisent des engins lourds fonctionnant au gazole non routier et les transporteurs, dont le bilan est déjà souvent dans le rouge malgré le taux réduit de TICPE.
La transition énergétique doit être raisonnée, c’est-à-dire qu’elle doit permettre la poursuite de l’activité économique, notamment en milieu rural. Les plus modestes d’entre nous ne peuvent pas, même avec des aides, changer de chaudière ou de voiture. L’aide à la mise en place de fenêtres à double vitrage serait efficace, mais elle a été supprimée…
Monsieur le secrétaire d’État, écoutez, entendez l’angoisse des Français les moins favorisés et renoncez à une énième augmentation des taxes en janvier prochain. Ne faites pas de la lutte contre le changement climatique l’ennemie du pouvoir d’achat !
Le Président de la République a indiqué que la fiscalité des carburants pourrait être adaptée en fonction du prix du pétrole. Dans ce cas, il serait nécessaire de déterminer, en concertation avec les acteurs concernés, un prix plafond au-dessus duquel les taxes seraient gelées.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle est la position du Gouvernement sur l’augmentation ou non de la taxe carbone au mois de janvier ? Compte-t-il revenir sur la suppression du taux réduit pour le GNR utilisé par le secteur du BTP ? Entend-il confirmer le maintien du taux réduit de TICPE pour les entreprises de transport ? Enfin, qu’en est-il des aides au financement de travaux d’isolation des habitations ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Chasseing, vous nous interrogez sur la hausse de la fiscalité sur les carburants. Je tiens à souligner que l’engagement de l’économie nationale dans la transition énergétique doit rester une priorité, dont la mise en œuvre est notamment assurée par la hausse progressive, décidée il y a plusieurs années, de la fiscalité sur les carburants.
Cette transition doit être accompagnée afin de ne pas obérer le pouvoir d’achat de nos concitoyens en période de forte hausse.
Ainsi, dans son discours pour l’installation du Haut conseil pour le climat, le Président de la République a souhaité que soit mise sur pied une méthode sur la base d’un rendez-vous trimestriel, permettant d’adapter les nouvelles hausses de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques à l’évolution des marchés internationaux du pétrole dans le cas d’une envolée des prix, cela afin d’en atténuer les effets.
Le Gouvernement a ainsi engagé des travaux pour aboutir rapidement à un système efficace et robuste, qui sera soumis au Parlement d’ici à la fin de l’année dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances.
Il convient aussi de rappeler que des mesures spécifiques existent d’ores et déjà en faveur du monde rural. Ainsi, les consommations de carburant pour les transports collectifs ne subissent pas la hausse programmée sur le quinquennat. La consommation de carburant par le secteur agricole continuera à bénéficier d’un tarif très réduit, nonobstant la remise en cause du tarif du gazole non routier et sachant que la procédure de remboursement de taxe va être remplacée par l’application d’un tarif réduit appliqué directement à la pompe. Ce sont ainsi 480 millions d’euros de trésorerie annuelle qui seront restitués au secteur agricole.
Par ailleurs, vous avez évoqué un certain nombre de dispositifs mis en place par le Gouvernement, telle la prime à la conversion pour accompagner les ménages vers un changement de véhicule. Nous savons que ces primes ne permettront pas à tous les ménages de changer de véhicule. Nous avons aussi pris la décision d’élargir le bénéfice du chèque-énergie, de manière à mieux aider les ménages les plus modestes ; cela concernera plusieurs millions de ménages.
Monsieur le sénateur, le Premier ministre aura l’occasion, dans quelques minutes, de s’exprimer sur les chaînes de télévision et d’annoncer, à la suite des concertations ouvertes par le Président de la République en début de semaine, un certain nombre de mesures pour faire en sorte que la transition écologique puisse s’opérer dans les meilleures conditions possible et dans le cadre d’un débat apaisé. Je crois que nous appelons tous de nos vœux la réussite de cette transition écologique, car nous sommes conscients de son importance environnementale et de son intérêt en termes de santé publique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en vingt et une secondes.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que le Gouvernement renonce clairement à augmenter la taxe carbone, afin de préserver le pouvoir d’achat des salariés et des retraités. Les familles qui ont des difficultés financières en fin de mois sont très loin des grands discours sur la planète, d’autant que la France n’est responsable que d’environ 0,6 % de la pollution mondiale. Je le redis, la transition énergétique doit être raisonnée !
situation de l’entreprise sandvik à fondettes
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 520, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Serge Babary. L’entreprise Sandvik a annoncé, le 23 octobre dernier, la fermeture en 2019 de l’usine et du pôle de recherche et développement situés à Fondettes, dans l’Indre-et-Loire, et, par voie de conséquence, le licenciement imminent de ses 161 salariés.
Cette fermeture touche un territoire qui a déjà subi les restructurations de Michelin en 2014 et de Tupperware en 2017. Un plan de sauvegarde économique a été lancé. Il concerne 130 employés de l’usine de production et les 16 salariés du centre de recherche et de développement, tandis que 14 employés devraient se voir proposer un transfert vers le site de production d’Orléans.
Ce sont donc 161 salariés et leurs familles, installés dans toutes les communes de la métropole tourangelle, qui sont aujourd’hui inquiets pour leur avenir. Les premières lettres de licenciement devraient arriver au mois de mai 2019.
L’entreprise explique la fermeture de l’usine par sa surcapacité de production. La décision de fermer le site de Fondettes est cependant difficilement acceptable pour les employés comme pour les élus. Le groupe suédois est, en effet, dans une situation économique et financière favorable, avec un chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros en 2017.
Par ailleurs, cette entreprise a, depuis 2002, profité de plusieurs millions d’euros d’aides publiques, accordées précisément pour permettre la poursuite de l’activité sur le site de Fondettes.
Spécialisés dans la fabrication de plaquettes pour l’industrie automobile, les employés de Sandvik ont des compétences pointues dans un domaine très spécifique. Si nous ne pouvons agir sur le choix de cette entreprise d’abandonner l’usine située à Fondettes, il s’agit désormais de trouver rapidement un repreneur. Ce repreneur devra être capable de valoriser et de maintenir l’expertise des personnels industriels et de recherche. Si les salariés de l’usine venaient à être licenciés, ils auraient du mal à trouver un nouvel emploi en raison de la spécificité de leur métier, mais aussi de leur moyenne d’âge élevée.
Le Gouvernement, qui considère que le maintien de l’activité de cette usine relève de l’intérêt national et territorial, a enjoint à la société Sandvik de trouver un repreneur sérieux. Or, enjoindre ne suffit pas, il faut aussi s’assurer du sérieux et de l’effectivité des démarches engagées par Sandvik. Il s’agit pour l’État d’œuvrer pour qu’un repreneur puisse être trouvé rapidement.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour préserver l’outil de travail et le savoir-faire unique des salariés de cette usine ? Comment compte-t-il accompagner la société Sandvik dans ses démarches ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances, retenu aujourd’hui, sur la situation du site de Fondettes de l’entreprise Sandvik.
Le groupe Sandvik a en effet annoncé le mois dernier la fermeture de son site de Fondettes et, par voie de conséquence, la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi touchant 130 employés de l’usine de production et 16 personnes du centre de recherche et développement, 14 autres salariés devant être transférés sur le site d’Orléans.
Le Gouvernement suit de très près ce dossier. Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, a d’ailleurs rencontré des élus du territoire, ainsi qu’un représentant du personnel, le mardi 30 octobre dernier.
Comme vous le rappelez, le personnel de cette usine qui produit des outils d’usinage de haute technicité est très qualifié. Dès lors, nous concentrons tous nos efforts, en étroite association avec la métropole et les autres acteurs du territoire, sur la recherche d’un repreneur industriel.
S’il ne nous appartient pas de juger et d’empêcher la réorganisation de Sandvik, nous ne laisserons pas ce grand groupe, qui réalise 8,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec une marge opérationnelle que l’on peut qualifier de très confortable, ne pas consacrer tous les moyens à sa disposition à la recherche active d’un repreneur, sur une durée suffisamment longue pour que cette recherche puisse aboutir. C’est ce que les services du ministère ont signifié de façon très ferme aux dirigeants de l’entreprise, qu’ils ont reçus à Bercy.
Nous avons déjà obtenu que Sandvik établisse et diffuse une liste des machines qui pourraient rester sur site et intéresser d’éventuels repreneurs. Un cabinet a également été mandaté par le groupe pour la recherche de repreneurs.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que les acteurs publics – région, métropole, université… – ont apporté dans le passé d’importants financements, sous diverses formes, au CEROC, laboratoire de recherche et développement qui est un exemple avant-gardiste de partenariat public-privé. Le maintien de l’unité de recherche et de ce laboratoire est une priorité absolue du Gouvernement, et nous appelons Sandvik à prendre toutes ses responsabilités sur ce sujet essentiel.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est mobilisé pour permettre le maintien d’une activité industrielle et d’une capacité de recherche et développement de haut niveau sur le site de Fondettes, et ce de façon pérenne. Nous comptons beaucoup sur le travail en commun avec les élus du territoire, les parlementaires et les acteurs du tissu économique pour aboutir, et nous saurons rappeler au groupe Sandvik ses engagements.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en dix secondes.
M. Serge Babary. Je voudrais exprimer à M. le secrétaire d’État la satisfaction que m’inspirent les propos qu’il vient de tenir. Je m’associe évidemment à la démarche de tous les parlementaires du département, quelle que soit leur sensibilité. Je veux aussi souligner l’exemplarité de l’attitude des salariés, qui continuent à travailler malgré la pression qu’ils subissent en ce moment.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie. Soyez assurés de notre disponibilité pour travailler ensemble sur ce dossier !
soutien à l’approvisionnement local en restauration collective
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteur de la question n° 546, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Nathalie Delattre. En France, la commande publique représente près de 10 % du produit intérieur brut, soit 200 milliards d’euros. Seulement 28 % de cette valeur reviennent aux petites et moyennes entreprises, qui représentent pourtant 99 % des entreprises françaises. C’est à partir de ce constat partagé que le Gouvernement a souhaité instaurer un nouveau cadre permettant aux petites et moyennes entreprises françaises un accès facilité à la commande publique.
Malheureusement, le projet d’élaboration de ce nouveau code semble se restreindre à une simple rationalisation des textes encadrant des dispositifs existants. Pour autant, trois mesures qui ne sont pas mineures sont à noter : le relèvement du taux minimal du montant des avances, la diminution du montant de la retenue de garantie et la réduction des retards de paiement. Monsieur le secrétaire d’État, les confirmez-vous ?
Quand on se déplace sur le terrain et que l’on prend le temps d’écouter ceux qui préparent les marchés publics et ceux qui y répondent ou souhaiteraient y répondre, on constate de lourdes rigidités, voire des blocages insurmontables. Ces obstacles vont à l’encontre des attentes de nos citoyens consommateurs, qui sont demandeurs d’une économie circulaire de proximité, plus respectueuse de l’environnement, de la saisonnalité et de la diversité des produits, notamment pour ce qui concerne les cantines scolaires et les repas livrés aux personnes âgées. D’ailleurs, la loi ÉGALIM pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous fixe désormais un objectif de 50 % de produits locaux ou de qualité servis en restauration collective, dont 20 % de bio.
Pourquoi ne pas saisir l’occasion de la création de ce code de la commande publique pour marquer notre soutien à une transition écologique orientée vers les circuits courts et un approvisionnement local des organismes de restauration collective, comme cela a été réclamé durant les états généraux de l’alimentation ?
Des acteurs de la restauration collective comme le syndicat intercommunal à vocation unique de Bordeaux-Mérignac, plus grosse cuisine centrale de Nouvelle-Aquitaine avec 23 000 repas servis chaque jour sur 200 sites, se heurtent à un problème de taille critique.
Lorsque les marchés existent et que l’allotissement fonctionne, il faut s’assurer que les opérateurs locaux ont connaissance de ces marchés et les aider à se structurer pour qu’ils soient en mesure d’y répondre. Il est temps que la commande publique favorise l’adoption d’une logique de projet territorialisée pour véritablement se faire l’outil de nos politiques de progrès social et environnemental.
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous permettre aux PME agricoles de proximité d’accéder plus facilement aux marchés publics, dès la création de ce nouveau code de la commande publique ? Il serait dommage de manquer ce rendez-vous !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Delattre, Bruno Le Maire m’a chargé d’apporter une réponse à votre question sur le code de la commande publique.
L’article 28 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, qui a autorisé le Gouvernement à adopter la partie législative du code de la commande publique, a précisé que la codification devait se faire à droit constant.
Les réformes visant à rendre la commande publique plus simple et plus attractive pour les PME sont donc portées par d’autres vecteurs législatifs et réglementaires. Leurs dispositions seront néanmoins consolidées le moment venu dans le code de la commande publique qui entrera en vigueur le 1er avril 2019.
Ces réformes comportent des mesures concrètes pour les acheteurs publics comme pour les entreprises. Il s’agit notamment de l’augmentation de 5 % à 20 % du montant des avances forfaitaires versées aux titulaires des marchés publics de l’État, de la diminution de 5 % à 3 % du taux de retenue de garantie lorsqu’elle doit être constituée dans les marchés de travaux, de l’obligation de prévoir des prix révisables, pour éviter de faire supporter par les fournisseurs les aléas majeurs des conditions économiques, comme c’est le cas pour les matières agricoles, et enfin de l’interdiction de la pratique des ordres de service à zéro euro, qui conduisait certaines collectivités à faire supporter des charges supplémentaires à leurs prestataires de travaux publics.
En matière d’accès des PME nationales à la commande publique, l’attribution des marchés publics sur la base d’un critère de préférence locale se heurterait aussi bien à la Constitution qu’au droit européen.
Par sa décision du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel a en effet affirmé que la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des candidats à des contrats de la commande publique étaient des principes à valeur constitutionnelle découlant des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur les critères de choix dans les marchés publics et a constamment réaffirmé l’interdiction des critères visant à réserver les marchés publics à des opérateurs économiques installés dans un ressort géographique donné et des critères relatifs à l’utilisation de produits locaux.
Selon la CJUE, de tels critères porteraient atteinte aux principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité ou de non-discrimination. Ces principes s’appliquent aussi pour les entreprises de pays tiers à l’Union européenne, mais signataires, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, de l’accord « marchés publics ».
Pour autant, le droit de la commande publique ne fait aucunement obstacle à la mise en œuvre d’une politique responsable d’achats alimentaires visant à l’emploi de produits de qualité, segment sur lequel nos agriculteurs sont particulièrement bien placés.
L’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics pose une obligation de principe d’allotir les marchés publics afin de faciliter l’accès des PME à la commande publique. Un allotissement fin, notamment par type de denrée et par territoire, permet de susciter une large concurrence et de lever les obstacles à l’accès à la commande publique des producteurs locaux et de leurs groupements.
Les articles 30 et 38 de la même ordonnance font obligation aux acheteurs, lorsqu’ils définissent leurs besoins, de prendre en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, et autorisent la prise en compte de ces considérations dans les conditions d’exécution d’un marché public, à condition qu’elles soient liées à l’objet du marché.
Les acheteurs publics peuvent ainsi exiger que les fournisseurs garantissent la fraîcheur et la saisonnalité de leurs produits. De même, les conditions d’exécution peuvent inclure des exigences en matière de sécurité et de célérité des approvisionnements alimentaires. Les acheteurs peuvent également recourir aux spécifications techniques définies par référence à des labels permettant de garantir la qualité des produits et de leur production, comme ceux ayant trait aux « spécialités traditionnelles garanties » ou à l’agriculture biologique, en vertu de l’article 10 du décret du 25 mars 2016.
La qualité des offres peut s’apprécier au regard de l’effort de réduction des transports, dès lors que celui-ci a, par exemple, pour effet de limiter l’émission de gaz à effet de serre. La rapidité d’intervention d’un prestataire, ainsi que les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture sont, aux termes de l’article 62 du décret relatif aux marchés publics, des critères de choix autorisés, pour autant qu’ils restent justifiés au regard de l’objet du marché public.
Ce cadre juridique permet de promouvoir les circuits courts pour les produits de l’agriculture, de diminuer le coût des intermédiaires et de préserver en conséquence l’environnement en limitant le déplacement des produits.
J’ajouterai que, par instruction du 28 juillet 2015, le Gouvernement a rappelé aux préfets qu’il appartenait à tous les acheteurs publics de s’assurer que les procédures de passation des marchés de la restauration collective recourent aux moyens mis à disposition par le droit de la commande publique afin de favoriser l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles. Un guide de référence a été édité par le ministère de l’agriculture.
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, monsieur le secrétaire d’État. À l’avenir, demandez à vos services de rédiger des fiches moins longues. (Sourires.)
situation à gaza
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 491, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Gilbert Roger. J’ai appelé l’attention du ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la poursuite des tirs à balles réelles par l’armée israélienne contre les manifestants de Gaza, notamment depuis le début de la « marche du retour ». Ces tirs ont fait de nombreux morts et un très grand nombre de blessés.
La diplomatie française a fait part de son inquiétude : je pense, en particulier, à l’intervention du Président de la République devant l’assemblée générale des Nations unies, le 19 septembre dernier. Malgré ces déclarations réprouvant l’usage disproportionné de la force par l’armée israélienne, les tirs mortels et mutilants par armes de guerre continuent.
Des organisations non gouvernementales importantes, dont Médecins sans frontières, soupçonnent l’utilisation de munitions non conventionnelles, particulièrement mutilantes, notamment sur les membres inférieurs.
Ces faits d’une extrême gravité imposent la prise de mesures d’urgence par le Gouvernement français. À ce titre, je souhaite rappeler que les territoires palestiniens, dont la bande de Gaza, sont sous occupation militaire. Israël doit dès lors, comme l’a indiqué en 2004 la Cour internationale de justice, se conformer à la quatrième convention de Genève, prohibant notamment les homicides intentionnels de civils.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer si la France est prête à soutenir au plus haut niveau la constitution d’une commission internationale d’enquête, à demander la suspension de toute coopération militaire avec Israël tant que la lumière n’aura pas été faite sur les tirs israéliens, à décider un embargo sur les échanges d’armes, de composants et de technologies et, enfin, à soutenir la procureur de la Cour pénale internationale, pour passer du stade de l’examen préliminaire à une instruction en bonne et due forme pour les crimes de guerre commis en Palestine, en particulier à Gaza.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Roger, M. Le Drian, retenu, m’a demandé de répondre à sa place à votre question.
Depuis le 30 mars dernier, le bilan humain du mouvement de protestation populaire dit des « marches du retour » s’élève à près de 180 morts et 19 000 blessés, dont plus de 5 000 blessés par balles, y compris parmi la jeunesse gazaouie.
Le Président de la République a exprimé, lors de ses entretiens avec Mahmoud Abbas et Benyamin Nétanyahou, sa condamnation des tirs indiscriminés des forces armées israéliennes contre les manifestants. Il a rappelé le devoir de protection des civils, en particulier des mineurs, et le droit des Palestiniens à manifester pacifiquement. Il a également insisté sur la nécessité de faire en sorte que les manifestations demeurent pacifiques et a appelé tous les responsables à la retenue et à la désescalade. Il a aussi rappelé notre attachement à la sécurité d’Israël, ainsi que notre condamnation de toute forme d’incitation à la violence ou de choix politiques soutenus par certains groupes, dont le Hamas.
À ce titre, la France a condamné fermement les tirs de roquettes revendiqués par le Hamas, qui ont visé Israël. S’agissant du Hamas, la position de la France est connue : ce mouvement est inscrit sur la liste des organisations reconnues comme terroristes par l’Union européenne. La position de l’Union européenne sur le Hamas ne pourra évoluer que s’il répond aux attentes bien connues de la communauté internationale. Comme vous le savez, un projet de résolution condamnant les tirs de roquettes du Hamas est en cours de discussion à New York. La France prend une part active à son élaboration, en vue de parvenir à un texte conforme à notre position.
Notre pays s’est mobilisé aux Nations unies. Il a notamment soutenu, devant l’assemblée générale, la résolution relative à la protection des civils palestiniens à Gaza, adoptée le 13 juin 2018. La France a également soutenu, lors de la session spéciale du Conseil des droits de l’homme, le 18 mai dernier, la création d’une commission d’enquête indépendante internationale chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, du droit international et du droit international humanitaire dans les territoires palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza. Un premier rapport oral a été rendu lors de la session du Conseil des droits de l’homme de septembre 2018. La commission d’enquête rendra son rapport écrit lors de la session de mars 2019.
La France est par ailleurs engagée pour contribuer au règlement de la crise humanitaire que traverse la bande de Gaza. Ainsi, en 2018, nous avons financé un don de matériel à l’hôpital militaire jordanien de Gaza, ainsi que trois projets répondant à l’urgence médicale et mis en œuvre par Médecins du monde, Humanité & Inclusion et l’UNICEF, pour un montant de plus de 650 000 euros.
Au-delà, la France reste convaincue de la nécessité de parvenir à une solution politique durable à Gaza. Les conditions sont connues : la concrétisation de la réconciliation interpalestinienne et le retour complet de l’Autorité palestinienne à Gaza, d’une part, la levée du blocus israélien, d’autre part, en prenant en compte les préoccupations de sécurité d’Israël. Nous appelons donc l’ensemble des parties à prendre leurs responsabilités en ce sens.
Enfin, la question de Gaza ne peut être séparée de celle du règlement du conflit israélo-palestinien dans son ensemble. À cet égard, notre pays reste pleinement engagé pour contribuer à la relance d’un processus de paix crédible, visant à mettre en œuvre la solution à deux États, la seule possible pour établir une paix juste et durable.
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre participation à cette séance de questions orales.
rôle de la france dans la lutte contre le braconnage des éléphants d’afrique
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 507, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Arnaud Bazin. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Elle porte sur le rôle de la France dans la lutte contre le braconnage des éléphants d’Afrique.
Le commerce légal de l’ivoire dans l’Union européenne favorise le braconnage. C’est une évidence. En servant de couverture au commerce illicite, les exportations légales à partir de l’Union européenne contribuent à alimenter la demande dans les pays consommateurs d’Asie du Sud-Est.
Notre pays a interdit le commerce d’ivoire brut et restreint le commerce d’ivoire travaillé sur son territoire par l’arrêté du 16 août 2016 relatif à l’interdiction du commerce de l’ivoire d’éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national, mais le contrôle du respect de cet arrêté est très difficile, puisqu’il établit une distinction selon que l’ivoire a été travaillé avant 1947, entre 1947 et 1990 ou plus tard.
En 2017, la Commission européenne a publié un document d’orientation recommandant la suspension des réexportations d’ivoire brut. Toutefois, il apparaît que l’Union européenne devrait adopter de manière urgente une interdiction globale et juridiquement contraignante de toute importation, exportation et vente domestique d’ivoire, pour ne pas favoriser le commerce illicite, responsable de l’extinction des éléphants africains.
Par conséquent, je vous remercie de bien vouloir nous préciser, madame la secrétaire d’État, quelles actions complémentaires la France pourrait mener afin de se positionner durablement comme l’une des voix européennes influentes sur cette thématique, au côté du Royaume-Uni, alors qu’est préconisée, au cours de discussions au sein du Conseil environnement de l’Union européenne, une interdiction contraignante du commerce d’ivoire brut dans l’espace européen.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bazin, comme vous l’avez souligné, le constat est sans appel : le braconnage continue de menacer la survie des éléphants d’Afrique. C’est choquant, intolérable, criminel ! C’est pourquoi la France est engagée, au plus haut niveau, pour la lutte contre le braconnage des éléphants et le commerce illégal de leur ivoire.
Lors de la précédente conférence des parties de la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction, la CITES, en septembre 2016, la France et le Luxembourg ont été les seuls pays de l’Union européenne à soutenir la demande de classement de l’éléphant d’Afrique et à interdire son commerce international, sauf dans des cas où l’importation n’est pas faite à des fins commerciales.
Par ailleurs, dès janvier 2015, la France a interdit la réexportation d’ivoire brut. Un décret ministériel d’août 2016, complété par un arrêté modificatif en date du 4 mai 2017, a, de plus, interdit le commerce intérieur d’ivoire d’éléphant.
Le plan d’action national pour la biodiversité, publié le 4 juillet dernier, souligne que « la France portera aux niveaux européen et international la fermeture des marchés intérieurs à l’ivoire d’éléphant ». Il s’agit de l’action n° 63.
La France considère que l’Union européenne a un rôle majeur à jouer. Le plan d’action de l’Union européenne contre le trafic d’espèces sauvages, adopté en 2016, représente un pas en avant, mais nous devons faire davantage, comme vous le soulignez, monsieur le sénateur.
C’est pourquoi, lors du Conseil environnement du 5 mars 2018, la France et le Royaume-Uni ont appelé leurs partenaires européens à fermer leur marché d’ivoire brut. J’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises avec mes homologues européens sur cette question, pour les encourager à soutenir cette démarche.
Nous espérons que cette proposition de fermeture des marchés sera adoptée par l’Union européenne et ses États membres d’ici à 2020, dans le cadre de la revue du plan d’action européen contre le trafic d’espèces sauvages.
Enfin, la France déploie ses efforts de lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages, notamment celui de l’ivoire, en soutenant différentes initiatives émanant de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, pour le programme de lutte contre la criminalité faunique et forestière, du Fonds pour l’éléphant d’Afrique, du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, géré par le secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, d’Interpol, de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale des douanes.
Vous le voyez, plus que jamais, la France est mobilisée, et elle continuera à l’être. Nous devons aller plus loin au niveau européen.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour la réplique. Vous disposez de cinquante-cinq secondes, mon cher collègue.
M. Arnaud Bazin. Il y avait 20 millions d’éléphants d’Afrique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle ; il en reste peut-être 300 000 aujourd’hui : ces chiffres donnent la mesure de l’urgence. Je retiens de votre réponse, dont je vous remercie, madame la secrétaire d’État, l’engagement ferme de notre pays pour mettre fin à une activité, le trafic d’ivoire, que vous avez qualifiée d’intolérable et de criminelle.
Vous l’avez souligné, une organisation internationale criminelle est à l’œuvre derrière tout cela. Le trafic des animaux sauvages à l’échelle mondiale est l’un des trafics qui rapportent le plus et qui coûtent le moins en termes de répression pénale. Il faut vraiment que l’Europe frappe un grand coup. Vous avez annoncé l’échéance de 2020 ; nous avons donc un an pour aboutir, et vous pouvez compter sur notre soutien ferme pour y parvenir.
continuité écologique
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, auteur de la question n° 357, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les problèmes posés par l’application stricte de la directive-cadre sur l’eau, la DCE, adoptée par le Parlement européen le 23 octobre 2000.
En application de la DCE, les décisions préfectorales conduisent trop souvent à la destruction de sites, sans étude d’impact et, le plus souvent, sans avis des conseils départementaux.
Les retenues et réservoirs, les canaux et les biefs sont considérés comme zones humides selon la convention de Ramsar. Ils répondent également à la définition des zones humides dans la loi française. Pourtant, les opérations de continuité écologique se déroulent sans inventaire complet de la biodiversité de ces zones humides et, par conséquent, sans évaluation du bilan global et de l’impact sur les oiseaux, les amphibiens et les végétaux.
Par ailleurs, l’énergie hydroélectrique est la plus propre et la moins coûteuse des énergies renouvelables. Considérant que 90 % des sites déjà en place ne produisent pas à l’heure actuelle, il existe donc un potentiel de croissance important.
Dans une logique économique et écologique, il semble que l’équipement des sites existants serait préférable à la destruction de tous les ouvrages – moulins, forges, étangs, anciennes usines hydroélectriques ou barrages – au nom de la continuité écologique.
Madame la secrétaire d’État, pensez-vous faire évoluer les pratiques pour que l’ensemble du vivant aquatique soit pris en considération dans les opérations affectant le milieu ? Comment entendez-vous simplifier la conduite des projets hydroélectriques et garantir que les nécessaires mesures de protection écologique restent proportionnées aux impacts observés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Doineau, François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvait malheureusement être présent ; il m’a chargée de vous répondre à sa place.
Vous appelez son attention sur les problèmes posés par l’application stricte de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre réglementaire pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
Je tiens à vous le dire tout de suite, la conciliation des enjeux liés aux transitions écologique et énergétique est possible. C’est d’ailleurs tout l’objet des politiques publiques menées par le ministère de la transition écologique et solidaire ; c’est aussi la vision que porte la France au niveau européen.
D’une part, la restauration du bon état des cours d’eau est essentielle à la reconquête de la biodiversité. D’autre part, l’hydroélectricité est une énergie renouvelable essentielle. Dans la mesure où son potentiel en France est déjà bien exploité, la priorité est donc désormais d’optimiser les installations existantes, sur le plan de la production et de la puissance de pointe.
Il faut donc équiper les ouvrages de turbines aux endroits adaptés, limiter les impacts, décloisonner les rivières et restaurer des habitats naturels dans d’autres secteurs. De nombreux territoires s’y emploient avec succès, bien que la conciliation locale reste complexe à atteindre.
Ainsi, le Comité national de l’eau a travaillé pendant plusieurs mois en associant toutes les parties prenantes à l’élaboration d’un plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique, porté par notre ministère, en lien avec le ministère de la culture pour la partie patrimoniale.
Ce plan apporte des solutions en matière de coordination des services de l’État, y compris de ses opérateurs, et de concertation avec les parties prenantes. Il comportera des documents d’accompagnement et un centre de ressources pour les services, les collectivités, les hydroélectriciens, les riverains, de façon à mettre en avant des solutions au cas par cas. L’objectif est véritablement de faire du sur-mesure, pour une adaptation maximale aux spécificités des territoires.
Par ailleurs, concernant la protection des zones humides, la convention de Ramsar a adopté une large définition des zones humides, comprenant notamment les marécages et les marais, les prairies humides, les tourbières, les mangroves et autres zones côtières, mais également tous les lacs et cours d’eau.
La politique de restauration de la continuité écologique des cours d’eau n’est donc pas en contradiction avec les objectifs et les engagements pris dans le cadre de la convention de Ramsar. Au contraire, elle contribue à leur mise en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, à qui il reste trente-six secondes pour la réplique.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Il est rassurant de savoir que le plan d’action a vocation à traiter les situations au cas par cas. Je partage pleinement cette ambition. L’hydroélectricité est un enjeu majeur pour la promotion de l’énergie propre.
À mon sens, la DCE, trop arbitraire, ne tient pas suffisamment compte des lois de la nature. Les anciens, qui avaient construit ce petit patrimoine hydroélectrique selon une démarche sans doute instinctive, mais ils étaient très attentifs à la nature. On ne saurait envisager de tout détruire.
répercussions des lâchers de ballons sur l’environnement
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 380, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Catherine Deroche. Madame la secrétaire d’État, les manifestations sur la voie publique, au cours desquelles des lâchers de ballons peuvent avoir lieu, sont soumises à déclaration préalable, conformément aux dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.
En application de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, seul le préfet est compétent pour prendre un arrêté d’interdiction de lâcher de ballons, dans le cadre d’une mesure relative au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Aucun texte législatif ou réglementaire ne fonde expressément l’autorité administrative à interdire de façon générale et absolue le lâcher de ballons ni à le soumettre à un quelconque régime d’autorisation préalable.
Pourtant, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, les ballons font partie des dix déchets récréatifs le plus fréquemment retrouvés sur le littoral. Des débris de ballon sont ingérés par des dauphins, des tortues ou des oiseaux, entraînant une obstruction de leur appareil digestif, et donc leur mort inéluctable. Au mieux, ils s’accumulent sous forme de microdéchets dans les organismes de nombreuses espèces, ou polluent purement et simplement les mers.
En France, les lâchers de ballons sont réglementés par certaines préfectures. Dans le département d’Ille-et-Vilaine, l’arrêté du 21 novembre 2014 les interdit dans les communes classées Natura 2000, les communes littorales et les communes particulièrement exposées aux feux de forêt, ces ballons pouvant se retrouver ensuite dans les massifs ou le milieu marin, et constituer des déchets éventuellement nocifs pour la faune et la flore.
À Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Bouches-du-Rhône, les préfets ont aussi pris des mesures d’interdiction liées à des considérations environnementales. Il faut savoir que les matières plastiques représentent aujourd’hui 85 % des déchets trouvés sur les plages travers le monde.
Je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend prendre rapidement des dispositions pour préserver l’environnement, notamment dans les départements littoraux ou dans les outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Deroche, comme vous le signalez, brisant ainsi un tabou, les ballons de plastique et les fragments qui en sont issus sont une cause importante de dégradation de la biodiversité. Ils défigurent nos paysages et mettent en danger la faune et la flore. Ils comptent effectivement parmi les dix déchets le plus souvent retrouvés sur les littoraux européens.
Ces déchets plastiques causent des dommages irréversibles à la biodiversité. Les impacts environnementaux, notamment marins, ne s’arrêtant pas aux frontières, le ministère de la transition écologique et solidaire porte une véritable ambition de prévention aux niveaux national et européen.
La France a ainsi largement contribué à l’élaboration du projet de directive européenne sur les plastiques à usage unique, qui devrait être adopté d’ici à la fin de l’année. Cela répond à notre ambition, sur le plan national, en matière d’économie circulaire. Nous pensons ainsi que c’est d’abord sur terre, plutôt qu’en mer, qu’il convient de lutter contre la pollution des plastiques.
En ce qui concerne les ballons, nous prévoyons un marquage obligatoire afin, d’une part, d’informer les consommateurs des risques pour l’environnement, et, d’autre part, d’associer les producteurs de ballons à la prise en charge des coûts associés au nettoyage de ceux qui sont abandonnés dans l’environnement.
Enfin, dans le cadre des négociations encore en cours sur la directive, certains pays, dont la France, ont proposé d’interdire les lâchers intentionnels et récréatifs de ballons en plastique.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique. Vous disposez encore de vingt-deux secondes, ma chère collègue.
Mme Catherine Deroche. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Certains États, comme l’Australie ou les États-Unis, ont pris des mesures d’interdiction. Récemment, un colloque a eu lieu à La Rochelle sur ce sujet, qui n’est pas anecdotique. Les lâchers de ballons ont certes un côté récréatif, mais je pense vraiment qu’il faut aller vers une interdiction totale.
liberté de circulation des lorrains
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 468, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Marc Todeschini. Ma question porte sur l’enclavement de la Lorraine, à la suite des récentes décisions et annonces du Gouvernement. À côté du volet visible de la politique menée par le Gouvernement, avec l’augmentation des taxes sur le gazole et la suppression de l’ISF, il existe un volet moins médiatique, mais qui affecte directement nos concitoyens, en matière de transports et, plus largement, en termes d’affaiblissement des services publics.
Historiquement, la Lorraine doit à sa position géographique d’être, depuis l’Antiquité, un espace d’échanges et de passages entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud.
Aujourd’hui, de nombreuses problématiques se font jour, car les réseaux de transports sont de moins en moins adaptés à l’augmentation des flux et aux mutations profondes de leur nature, conjuguée à l’impérieuse nécessité de prendre en compte la transition écologique.
Si les Lorrains peuvent saluer la mise en œuvre de la ligne à grande vitesse de Paris à Strasbourg, qui fut longtemps attendue, ils ne peuvent que s’inquiéter des récents développements intervenus dans le domaine des transports. L’abandon du projet de liaison fluviale Moselle-Saône fait perdre l’occasion d’une avancée environnementale notable. En effet, la réalisation de cette infrastructure aurait permis d’éviter la circulation de nombreux camions sur les routes et les autoroutes de l’est de la France. La suppression de la ligne ferroviaire directe entre Metz et Nice contraindra les Lorrains à passer par Paris ou Strasbourg, c’est-à-dire, souvent, à privilégier la voiture, alors que l’utilisation de ce mode de transport et son impact environnemental pouvaient être limités.
À cela s’ajoute la possible mise en place, incohérente et rude pour le porte-monnaie des travailleurs transfrontaliers, d’un péage sur le futur axe de l’A31 bis. Il faut savoir que près de 100 000 Lorrains passent quotidiennement la frontière luxembourgeoise pour se rendre à leur travail. Sans résoudre pour autant ni le problème de l’encombrement de cet axe, puisque le nouveau tracé débouchera sur un entonnoir, ni la question environnementale, le Gouvernement entend le rendre payant pour tous, sans distinction entre les transporteurs poids lourds, les travailleurs transfrontaliers et les utilisateurs occasionnels. C’est une attaque supplémentaire contre le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Au total, les Lorrains ont le sentiment que le Gouvernement va à rebours de l’histoire et de la géographie de leur région, pour finalement enclaver encore un peu plus un espace territorial déjà marqué par les transformations rapides de son tissu économique.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de nous informer clairement des intentions du Gouvernement et de la SNCF quant aux suppressions de trains sur la ligne Metz-Paris, que les Lorrains ont financée, et, de manière générale, sur les mesures qu’il entend prendre afin de renforcer la position stratégique de la Lorraine au cœur de l’Europe et de permettre aux Lorrains de se déplacer librement, dans le respect de leur environnement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Todeschini, Mme Borne ne pouvant être présente, elle m’a chargée de vous répondre.
Vous avez bien voulu appeler l’attention du Gouvernement sur trois points distincts concernant les mobilités en Lorraine. Je tiens à vous apporter les précisions suivantes.
S’agissant d’abord du projet fluvial « Moselle-Saône », son coût est hors de portée des financements envisageables, même avec le soutien de l’Union européenne. C’est pour cette raison que le Conseil d’orientation des infrastructures n’a pas examiné ce projet dans son rapport du 1er février 2018 et qu’il n’est pas dans les intentions du Gouvernement de le relancer. Il s’agit d’un projet très coûteux, à la rentabilité incertaine.
Concernant ensuite la pérennité de la liaison TGV Metz-Nice, le pôle d’échanges multimodal de Lyon-Part-Dieu va connaître des travaux importants à compter de 2019, au moins jusqu’en 2023. Cette contrainte a conduit SNCF Mobilités à détourner ou à supprimer certains TGV. La liaison Metz-Nice sera ainsi interrompue en 2019. Après discussion avec les élus locaux, SNCF Mobilités a décidé de mettre en œuvre deux solutions de substitution : d’une part, un des TGV reliant Strasbourg à Marseille et à Nice partira de Nancy ; d’autre part, la SNCF prolongera la liaison TGV Montpellier-Strasbourg jusqu’à Metz, pour renforcer le lien avec l’arc méditerranéen.
Enfin, concernant le secteur nord du projet de l’A31 bis, le débat public organisé en 2015 a permis de montrer que la réalisation d’un contournement de Thionville en tracé neuf était nécessaire pour assurer la fluidité de la circulation. Cet aménagement sera réalisé de manière concomitante avec l’élargissement de l’autoroute A31. C’est afin d’exécuter ces travaux dans un délai raisonnable que le précédent gouvernement avait décidé de mettre cet axe en péage.
Par ailleurs, le projet de l’A31 bis prend en compte les préoccupations environnementales et la nécessité de développer les solutions de transport alternatives à l’usage de la voiture individuelle. Il prévoit ainsi la mise en place d’une voie réservée aux transports en commun entre le nord de Thionville et la frontière luxembourgeoise, afin de faciliter la mise en place d’une offre de transport par cars performante.
J’ajoute que l’État a récemment lancé une concertation avec le public sur le projet de l’A31 bis pour présenter les principales caractéristiques des aménagements envisagés et dialoguer avec l’ensemble des acteurs. Cette concertation, qui prendra fin en février 2019, est un moyen utile pour que chacun puisse faire part de son avis et de ses attentes concernant cette opération.
qualité du système électrique français et mobilisation de l’effacement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 482, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Pierre Vial. La qualité du système électrique français a toujours été reconnue. Néanmoins, la presse spécialisée a récemment souligné, fort pertinemment, sa fragilité en période de pointe et les risques de rupture qui apparaissent actuellement.
Cette situation revêt trois paradoxes.
Le premier est que le risque de rupture a augmenté, malgré une baisse de la consommation essentiellement due au déclin de l’industrie.
Le deuxième paradoxe est que ce risque continue d’augmenter en dépit de la mise en place de mécanismes de capacité d’effacement.
Le troisième paradoxe est que les solutions les plus rapides et efficaces à mettre en œuvre, d’un point de vue environnemental, restent marginales malgré les efforts réglementaires, d’une part, et ceux des consommateurs, notamment industriels, d’autre part.
À la sortie de l’hiver 2016, lors d’un déplacement sur un site industriel en Savoie, celui de la société Ferropem, le ministre de l’industrie s’était félicité du rôle joué par l’effacement dans le système électrique. Pourtant, deux ans plus tard, les objectifs sont très loin d’être atteints.
Tel est le cas, notamment, de l’objectif de 5 gigawatts d’effacement inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE. Le volume d’effacement, qui avait atteint 1 500 mégawatts en 2016, devrait diminuer en 2018 en conséquence de l’abaissement du budget à environ 20 millions d’euros. Or l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a reconnu que, sans une rémunération comprise entre 30 000 et 60 000 euros par mégawatt et par an, l’objectif de la PPE ne pouvait pas être atteint, alors même que la redevance de capacité payée par les consommateurs, dont les industriels, engendrera une ressource globale de 1,5 milliard d’euros.
Pour assurer sa sécurité d’approvisionnement, la France abandonne progressivement la seule solution économique et écologique disponible dans un délai court, au profit d’outils thermiques fortement émetteurs de CO2. Leurs émissions augmentent fortement, de plus d’un million de tonnes par an. Ce choix de la France se trouve, de surcroît, à contre-courant de celui de nos voisins européens, qui mobilisent un volume d’effacement largement supérieur. C’est aussi le cas des grands États américains, dont les politiques sont plus anciennes et plus volontaristes.
Lors de sa prise de fonctions, en septembre 2018, M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire a souligné à quel point, selon lui, l’écologie et l’économie pouvaient et devaient se conjuguer.
Le Gouvernement est-il prêt à répondre à l’appel des industriels, dont certains voient la mobilisation de l’effacement comme une question de survie économique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Vial, votre question porte sur une problématique fondamentale : la sécurité d’approvisionnement en électricité de notre pays et la contribution que peuvent y apporter les consommateurs industriels.
Sachez avant tout, monsieur le sénateur, que la sécurité d’approvisionnement en électricité est une véritable priorité du Gouvernement ; le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler récemment encore. Nous veillerons donc à ce qu’elle soit assurée tout au long de la transformation du système électrique que nous allons conduire.
Vous avez raison, les consommateurs, en particulier les industriels, ont un rôle à jouer au regard de cette problématique, d’abord en améliorant l’efficacité de leurs procédés et en investissant dans l’efficacité énergétique – l’État soutient les initiatives dans ce domaine, notamment au travers du dispositif des certificats d’économies d’énergie –, ensuite en consommant mieux, c’est-à-dire en optimisant le moment où ils consomment – nous disposons d’outils réglementaires à cet égard.
La France a joué un rôle pionnier en Europe dans le développement de l’effacement de consommation. D’ailleurs, tous les marchés français de l’électricité sont aujourd’hui ouverts à la participation des effacements.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
La France dispose, d’après Réseau de transport d’électricité, RTE, de près de 2,7 gigawatts de capacités d’effacement, et l’ensemble des marchés français de l’électricité sont ouverts à la participation des effacements.
Nous disposons d’ailleurs d’un dispositif de soutien dédié à la filière, l’appel d’offres effacement, que nous avons négocié avec la Commission européenne. Cela nous a notamment permis, en 2018, de soutenir financièrement les effacements présentant les meilleurs standards environnementaux. Nous souhaitons par ailleurs améliorer encore l’attractivité de ce dispositif et le simplifier.
Enfin, monsieur le sénateur, j’attire votre attention sur le dispositif d’« interruptibilité » mis en place par l’État. Il permet d’interrompre la consommation sur demande du gestionnaire de réseau de transport pour soutenir les actions des industriels concourant à la sécurité d’approvisionnement.
Ainsi, monsieur le sénateur, vous pouvez constater que nous agissons sur plusieurs leviers pour permettre à la flexibilité de consommation, notamment celle des industriels, de jouer tout son rôle dans le succès de la transition énergétique et de la transformation de notre système électrique, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement, priorité du Gouvernement.
réutilisation des eaux usées pour l’irrigation des cultures
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 496, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Françoise Laborde. Le déficit hydrique en France se chiffre en millions de mètres cubes d’eau ; il pourrait se compter en milliards, en période d’étiage, d’ici à 2050.
Conséquence directe de cette carence, le rendement des vignes et des céréales chute de façon drastique. Les acteurs des filières agricoles et environnementales n’ont pas tardé à tester différentes solutions pour pallier ce manque d’eau. L’une d’elles consiste à réutiliser des eaux usées afin d’optimiser la gestion de l’eau et d’anticiper ainsi sa rareté annoncée.
Si les premiers résultats semblent encourageants en termes de rendements des champs ainsi irrigués, aucun suivi des résidus médicamenteux contenus dans les rejets des stations d’épuration ayant servi à ces irrigations n’a encore été réalisé.
Pourtant, un rapport émanant de l’Académie nationale de pharmacie nous alerte : « Rien dans les cahiers des charges ne spécifie aux stations d’épuration de devoir garantir l’élimination spécifique de molécules ciblées, sachant que les égouts, malheureusement encore appelés tout-à-l’égout, recueillent tout ce que les populations, les établissements de soins, les locaux industriels ou municipaux, les commerces et petites industries peuvent y déverser. »
Ces eaux usées, distinctes des eaux qui sont destinées à la consommation humaine, contiennent des résidus de médicaments antiépileptiques, antidépresseurs ou encore antidouleur, certes en quantité négligeable selon l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Toutefois, cette agence ne se prononce pas sur l’effet cocktail de ces substances médicamenteuses sur la santé.
Dans un rapport d’étude, l’université hébraïque de Jérusalem constate qu’il y a bien migration des contaminants présents dans les eaux usées vers les plantes irriguées et que la compilation des substances chimiques en décuple les effets.
Madame la secrétaire d’État, avant d’envisager de réutiliser les eaux usées provenant des stations d’épuration, sachant que celles-ci ne traitent ni les résidus médicamenteux ni bien d’autres choses encore, il est urgent d’appliquer un principe de précaution et d’interdire pour l’heure cette pratique.
Ma question est la suivante : quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir l’élimination de ces substances par les usines de traitement d’eau et éviter ainsi le risque de contamination des plantes irriguées, et donc de la chaîne alimentaire ? Si une crise sanitaire devait survenir, nous ne pourrons pas dire que nous n’étions pas avertis !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Laborde, vous nous interrogez sur un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur et sur lequel vous êtes très investie. Le traitement de l’eau est bien un enjeu capital.
Les enjeux de santé et d’environnement sont au cœur de l’action du Gouvernement, qui met en œuvre plusieurs plans et stratégies ayant vocation à réduire les pollutions par les substances chimiques. Je sais que vous les connaissez bien, madame la sénatrice : nous avons eu l’occasion d’échanger sur cette question.
S’agissant des substances chimiques présentes dans les eaux usées traitées, les réglementations européennes et françaises en matière d’assainissement sont en cours de structuration. Elles prévoient que les stations de traitement des eaux usées urbaines soient conçues, dimensionnées et exploitées pour réduire la pollution organique et, le cas échéant, la pollution azotée et phosphorée. Cela permet déjà d’éliminer une grande partie des micropolluants présents dans les eaux usées, parmi lesquels les résidus médicamenteux.
La priorité aujourd’hui est de réduire la pollution en amont. C’est pourquoi, dans son plan micropolluants 2016-2021, le Gouvernement privilégie une approche préventive pour réduire à la source et durablement les émissions de micropolluants.
Il a ainsi été demandé aux collectivités, par une note technique du 12 août 2016, de rechercher certains micropolluants dans les eaux usées traitées et dans les eaux brutes des stations de traitement, d’identifier leurs sources d’émission en amont des stations et d’engager une démarche de réduction.
Lorsque les eaux usées traitées sont réutilisées pour l’irrigation des cultures ou l’arrosage des espaces verts, des exigences supplémentaires sont appliquées pour réduire la présence de micropolluants et les risques d’exposition des sols aux métaux lourds.
Ces questions ont également fait l’objet de travaux spécifiques d’évaluation des risques menés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.
La France est l’un des cinq pays européens à réglementer la réutilisation des eaux usées traitées. Des discussions sur ce sujet sont en cours au niveau européen, sur la base d’un projet de règlement visant à homogénéiser les règles encadrant l’irrigation agricole.
La France soutient cette démarche, tout en rappelant que la réutilisation des eaux usées traitées doit s’apprécier au regard des enjeux locaux des territoires. Bien sûr, cette démarche ne se substitue pas à la nécessaire sobriété en matière d’utilisation de l’eau.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique, pour six secondes.
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je resterai attentive à la question : vous avez mentionné l’azote et le phosphore, mais les résidus médicamenteux doivent eux aussi être suivis.
lutte contre les décharges sauvages
M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, auteur de la question n° 518, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Viviane Malet. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la problématique des décharges sauvages.
Dans chaque commune, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer, nous sommes désormais confrontés à la recrudescence d’un comportement révélateur d’un réel incivisme et particulièrement dommageable pour l’environnement. Les infractions aux règlements de collecte se multiplient.
Cela préoccupe les élus locaux qui assument la compétence de gestion des déchets ménagers et assimilés, notamment ceux des territoires insulaires comme La Réunion.
Découlent en effet de ces comportements des problèmes en matière de sécurité, la voie publique étant encombrée, et surtout en matière de salubrité, le dépôt de déchets non réglementaires étant nocif pour l’environnement.
Ainsi, à La Réunion, ces dépôts entraînent la multiplication des gîtes larvaires en période préendémique de dengue. Ils peuvent également engendrer des pollutions au plomb, et donc provoquer des cas de saturnisme.
Or, pour mener la lutte contre le fléau des décharges sauvages, il apparaît que le montant des amendes forfaitaires des contraventions de la deuxième et de la troisième classe sanctionnant le non-respect de la réglementation en matière de gestion des déchets n’est pas suffisamment dissuasif.
Il est donc urgent de se saisir du sujet en instaurant une répression plus dissuasive.
Le montant de l’amende forfaitaire s’élève à 35 euros pour les contraventions de deuxième classe et à 68 euros pour celles de troisième classe, ce qui est dérisoire eu égard aux coûts actuels de la gestion des déchets pour la collectivité, aux préjudices environnementaux, sociaux et économiques engendrés, mais aussi aux risques pour la santé et la sécurité.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d’État, connaître votre position sur deux solutions possibles.
La première serait de suspendre le système des amendes forfaitaires et de faire encourir aux contrevenants la peine d’amende maximale, soit 150 euros, au lieu de 35 euros, pour les infractions visées à l’article R. 632–1 du code pénal, et 450 euros, au lieu de 68 euros, pour celles qui sont visées à l’article R. 633-6 de ce code.
La seconde serait de surclasser ces infractions. Ainsi, les infractions visées à l’article R. 632–1 deviendraient des contraventions de troisième classe, ce qui porterait le montant de l’amende forfaitaire à 68 euros, au lieu de 35 euros, et celles visées à l’article R. 633–6 deviendraient des contraventions de quatrième classe, ce qui amènerait le montant de l’amende forfaitaire à 135 euros, au lieu de 68 euros.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Malet, la question que vous posez est en effet essentielle et préoccupe nombre de nos concitoyens. Vous avez raison de souligner que ces dépôts constituent une source importante de pollution et de gêne pour nos compatriotes.
Le Gouvernement prend lui aussi très au sérieux ces actes d’incivilité, voire parfois de délinquance organisée.
Dans le cadre de la feuille de route pour l’économie circulaire, publiée sur l’initiative du Premier ministre en avril dernier, le Gouvernement a engagé quatre grands chantiers prioritaires sur le sujet des dépôts sauvages.
Premièrement, nous voulons mieux connaître les types de déchets concernés et les bonnes pratiques de prévention et de lutte contre ces dépôts. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie mène en ce moment une étude sur le sujet, dont les résultats seront présentés aux parties prenantes le 20 décembre prochain.
Deuxièmement, un groupe de travail dédié a proposé des modifications législatives et réglementaires pour lutter plus efficacement contre les dépôts illégaux de déchets. Ces propositions, que nous voulons très concrètes, portent sur le montant des contraventions ou la mise en place de systèmes de lutte contre l’abandon de déchets. Elles sont en cours d’examen par les services des ministères, dans la perspective d’une mise en œuvre prochaine. Madame la sénatrice, vous avez soulevé avec raison la question plus globale des amendes et de leur montant ; nous la prenons, elle aussi, au sérieux.
Troisièmement, un guide pratique visant à aider les maires à faire usage de leurs pouvoirs de police pour sanctionner l’abandon de déchets sera réalisé. Nous devons être aux côtés des collectivités territoriales et des élus locaux pour lutter contre ce fléau.
Enfin, un travail spécifique est mené sur la question de la reprise à titre gratuit des déchets du bâtiment, qui constituent souvent l’une des premières sources de dépôts sauvages.
Vous m’interrogez également, madame la sénatrice, sur la possibilité d’appliquer le montant maximum des amendes. C’est déjà prévu. L’agent qui constate une infraction a deux possibilités. La première est d’appliquer l’amende dite « forfaitaire » : c’est une procédure simplifiée pour les contraventions des quatre premières classes ; elle permet de sanctionner immédiatement l’infraction, en contrepartie d’un montant minoré. La seconde est d’envoyer un procès-verbal au procureur, qui le soumettra à l’appréciation du juge : dans ce cas, le contrevenant s’expose à l’amende maximale prévue.
De plus, madame la sénatrice, je vous rappelle que, depuis le 1er janvier 2017, le montant des amendes forfaitaires pouvant être infligées à une personne morale est multiplié par cinq.
Nous n’excluons aucune piste de recherche : les quatre chantiers que je viens de vous présenter traduisent notre volonté d’aller plus loin en matière de lutte contre les dépôts sauvages.
ligne caen-alençon-le mans
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 515, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la secrétaire d’État, la ligne TER Le Mans-Alençon est un exemple criant des manquements actuels du système ferroviaire français. Son état de vétusté est tel que, sur plusieurs portions entre Le Mans et Alençon, les TER ne dépassent pas les 60 kilomètres par heure, au lieu de 140 kilomètres par heure ordinairement, ce qui entraîne un allongement important du temps de parcours. Les derniers travaux sur cette ligne remontent à 1975 !
Le rapport sur l’avenir du transport ferroviaire remis le 15 février 2018 avait d’ailleurs classé cette ligne au niveau 7. Le comité d’orientation des infrastructures préconisait quant à lui, dans un rapport publié à la même époque, une vigilance particulière sur ce tronçon, que SNCF Réseau pourrait ne plus exploiter à l’horizon 2023 si aucune amélioration n’intervenait d’ici là. Cela serait calamiteux et insensé au vu du bassin de vie que représente Le Mans, qui alimente Alençon.
Pour rappel, ce n’est pas une petite ligne : elle fait partie d’un ensemble reliant quatre chefs-lieux de département et trois régions. Elle est donc essentielle au développement des territoires, mais aussi au bien-être de leurs habitants.
Une demande expresse de financement d’urgence, pour un montant de 3 millions d’euros, a d’ailleurs été adressée au Gouvernement par la présidente de la région Pays de la Loire.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de garantir en toute urgence les engagements de l’État relatifs à cette ligne et, plus particulièrement, de nous indiquer expressément le calendrier de déblocage des fonds prévus en compensation de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il faut savoir que tout retard ou report de paiement, notamment au titre de 2021, comme nous avons pu l’entendre, affectera forcément de manière inquiétante le démarrage de la procédure de travaux de ce chantier.
Il ne faut pas que la modernisation du réseau existant, en ce qui concerne les lignes du quotidien, et particulièrement les lignes TER, qui sont au bord de l’implosion, soit délaissée au profit de grands projets tels que le Grand Paris Express : celui-ci, on le sait, engloutira en effet, sur plusieurs dizaines d’années, bon nombre d’investissements !
M. Fabien Gay. Il ne fallait pas voter la réforme ferroviaire !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, vous avez bien voulu appeler l’attention de Mme la ministre chargée des transports sur la situation de la ligne Caen-Alençon-Le Mans. Ne pouvant être présente ce matin, Mme Borne m’a chargée de vous répondre.
En premier lieu, je tiens à réaffirmer que le Gouvernement a pleinement conscience de l’importance des lignes de dessertes régionales pour garantir la vitalité des territoires traversés. C’est pour lui une priorité, comme en témoignent ses politiques publiques.
Les besoins de remise à niveau de ces lignes représenteront plusieurs centaines de millions d’euros d’investissements par an durant la prochaine décennie.
Nous pouvons vous assurer, monsieur le sénateur, que l’État demeurera au côté des collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions, pour préserver ces liaisons dans le cadre des contrats de plan État-région, les CPER.
S’agissant de la ligne Caen–Alençon–Le Mans, le Gouvernement partage vos inquiétudes sur l’état des infrastructures, en particulier pour la partie de cette ligne située entre Le Mans et Alençon. Cette section est circulée par des trains intercités, mais également, et majoritairement, des TER : nous devons donc travailler avec la région pour permettre la réalisation des travaux de régénération les plus urgents. Compte tenu de l’intérêt à la fois local et national de cette opération, cela doit se faire dans le cadre d’un cofinancement.
Il va de soi que l’État envisagera un effort important dans le contexte de l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous nous y sommes engagés, et nous tiendrons cet engagement.
Les financements correspondants, qui ne figurent pas dans le CPER actuel, seront inscrits dans le contrat d’avenir pour la région Pays de la Loire. Ce nouveau pacte en faveur des territoires ligériens entérinera les engagements de l’État à la suite du rapport de la mission sur les mobilités du Grand Ouest.
Au-delà de ces travaux, il importe d’assurer la pérennité de la ligne sur le long terme. C’est dans le cadre des réflexions qui s’engagent, en partenariat avec les régions, autour de la mise en place de solutions techniques et de gouvernance novatrices et adaptées aux enjeux propres à chaque infrastructure que des réponses seront apportées pour cette ligne.
En tout état de cause, soyez assuré, monsieur le sénateur, que Mme la ministre chargée des transports restera très vigilante sur le dossier de la ligne Caen–Alençon–Le Mans. Elle le suit déjà de près, et elle continuera de le faire.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la réplique. Vous disposez de trente secondes, mon cher collègue.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. J’ai pris note des bonnes intentions du Gouvernement, mais aujourd’hui les acteurs locaux attendent des actes. Il y a des « gilets jaunes » à chaque rond-point routier ; ils ne tarderont pas à occuper les lignes TER si des décisions ne sont pas annoncées et une date précise fixée pour le commencement des travaux. Madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement agisse vite pour donner des garanties à la région !
réfection de l’autoroute a36 à hauteur de burnhaupt-le-bas
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 503, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Patricia Schillinger. Ma question concerne les inondations fréquentes que subit l’autoroute A36 à hauteur de Burnhaupt-le-Bas, ainsi que la nécessaire réfection de ce tronçon.
Depuis plusieurs années, à la suite d’averses printanières particulièrement fortes, l’autoroute s’est trouvée inondée.
Le groupe Artelia a été mandaté par APRR, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, pour analyser les travaux à prévoir. Il est ressorti en filigrane de son étude que les conduites d’évacuation sont trop étroites et doivent donc être élargies. Artelia proposait, dans son rapport transmis à l’ARAFER, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, d’élargir les conduites d’évacuation, de réaménager les fossés et de créer des ouvrages d’écrêtement ainsi qu’un bassin de rétention.
Toutefois, l’ARAFER, dans son avis 2017-049 du 14 juin 2017, a rejeté les propositions d’APRR et d’Artelia, motivant sa décision par un manque de justification des dépenses.
Or, en juin dernier, l’A36 a de nouveau été lourdement inondée à hauteur de Burnhaupt-le-Bas. La préfecture du Haut-Rhin a interpellé APRR, dans un courrier en date du 17 août 2018, pour que l’entreprise lui transmette un dossier complémentaire prenant en compte l’intégralité du problème lié aux inondations. La sécurité des usagers de l’autoroute est en jeu, mais également celle des habitants de Burnhaupt-le-Bas.
La loi en vigueur prévoit seulement que les abords d’autoroute doivent être aménagés de manière à faire face aux pluies décennales. Or le constat fait par la commune de Burnhaupt-le-Bas est simple : les pluies naguère décennales sont désormais plus fréquentes, du fait du changement climatique. Par ailleurs, cette commune a été classée trois fois en état de catastrophe naturelle à la suite d’inondations.
Compte tenu des déclarations de catastrophe naturelle intervenues et de la fréquence des inondations, aussi spontanées que dangereuses, la commune attend le règlement de cette problématique. Malheureusement, APRR semble avoir prévu des aménagements a minima, ne requérant pas une autorisation de travaux de l’ARAFER. Pourtant, les épisodes climatiques des dernières années justifient un réaménagement profond des évacuations d’eau de l’A36 à hauteur de Burnhaupt-le-Bas. Les élus locaux font état de leur incompréhension devant un refus d’aménagement de l’autoroute A36 malgré la survenue de plusieurs inondations ces dernières années.
Madame la secrétaire d’État, une solution sera-t-elle trouvée rapidement, eu égard à l’urgence de réaménager l’autoroute A36 pour faire face aux inondations ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Schillinger, vous avez bien voulu appeler l’attention de Mme la ministre chargée des transports sur cette question cruciale. Je sais que vous êtes particulièrement investie sur ce dossier et que vous avez eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises avec son cabinet. Ne pouvant malheureusement être présente ce matin, Mme Borne m’a chargée de vous répondre.
Comme vous le soulignez, ce projet devait être intégré au plan d’investissement autoroutier lancé par le Président de la République en 2016.
Le 24 juillet dernier, le Conseil d’État a toutefois jugé que l’opération considérée ne pouvait pas être intégrée à ce plan d’investissement autoroutier, au motif qu’elle relevait des obligations contractuelles du concessionnaire. Cette opération a ainsi été retirée du plan, mais elle se fera dans un autre cadre juridique.
Il revient en effet au concessionnaire de réaliser ces travaux d’aménagement sans compensation, conformément à ses obligations contractuelles.
Je tiens à vous assurer que l’aménagement prévu sur l’autoroute A36 ne sera en rien, comme vous le craignez, un aménagement a minima, et que la ministre sera tout particulièrement vigilante à sa bonne réalisation par la société APRR.
évolution des ports français et notamment bretons après la mise en œuvre du brexit
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 526, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Michel Canevet. La France, qui possède de nombreux atouts, doit afficher une réelle ambition maritime.
La Commission européenne est en train de définir les relations qui se mettront en place entre l’Union européenne et le Royaume-Uni à la suite du Brexit.
À cet égard, les propositions de la Commission visant à faire de Zeebrugge, d’Anvers et de Rotterdam les principaux ports du corridor mer du Nord–Méditerranée ne manquent pas d’inquiéter les professionnels du transport maritime en France.
La France compte de grands ports maritimes. De nombreuses liaisons avec les îles britanniques sont assurées au départ de Dunkerque, de Calais, du Havre et de l’ensemble HAROPA, de Saint-Malo, de Roscoff, de Brest sur la façade atlantique… Par exemple, la compagnie Britanny Ferries relie la Bretagne et l’Irlande. Je considère, avec les professionnels, qu’il faudrait que les ports français puissent faire valoir leur position auprès de la Commission européenne quant au transport de marchandises entre les îles britanniques et le continent européen.
La décision de la Commission européenne débouchera sur la mobilisation de moyens européens pour permettre aux ports de s’adapter à l’après-Brexit ; les nôtres doivent pouvoir aussi en bénéficier.
Où en sont les démarches que le Gouvernement a entreprises auprès de la Commission européenne ? Je sais que la ministre des transports a rencontré son homologue irlandais et que vous êtes vous-même sensible à ce sujet, madame la secrétaire d’État, comme en atteste votre présence l’année passée à l’assemblée générale des armateurs de France.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Canevet, la ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, qui ne pouvait être présente ce matin, m’a chargée de répondre à sa place.
Le Gouvernement a pleinement conscience de l’importance fondamentale de la question que vous soulevez. Je sais que vous avez eu l’occasion d’échanger avec la ministre Élisabeth Borne. Le Gouvernement a marqué à plusieurs reprises son désaccord avec la proposition modifiant le tracé du corridor RTE-T mer du Nord-Méditerranée, qui identifie un lien direct entre les ports irlandais, belges et néerlandais, mais en excluant les ports français.
Ce texte ne devant entrer en vigueur qu’en cas de sortie « sèche » du Royaume-Uni de l’Union européenne, son examen ne débutera qu’une fois que le Parlement britannique se sera prononcé sur l’accord de retrait récemment trouvé.
La France doit se préparer à la sortie du Royaume-Uni, quelles que soient ses modalités. Nous identifions et anticipons donc toutes les hypothèses. Tel est l’objet des plans de contingence que le Gouvernement a établis et du projet de loi l’habilitant à prendre par ordonnances les mesures de préparation au Brexit, notamment pour réduire les délais d’aménagement des infrastructures nécessaires dans certains ports.
La préparation des ordonnances a également débuté avec l’appui du coordonnateur interministériel afin que leur contenu soit au plus près des besoins. Les services de la ministre sont en contact régulier avec les ports concernés. Je crois, monsieur le sénateur, que vous avez eu l’occasion de contribuer à ces réflexions.
Concernant les financements, le Gouvernement a demandé et obtenu, lors du dernier appel à projets « transport » du mécanisme d’interconnexion en Europe, que soient bien inclus les ports. Ce sont 65 millions d’euros qui permettront notamment de connecter et de développer les ports maritimes du réseau global, tels que Brest, Roscoff et Saint-Malo.
La ministre des transports a invité par courrier, le 17 octobre, les acteurs portuaires concernés à formuler des propositions dans ce cadre : c’est ensemble que nous devons faire pression pour que les ports français aient toute la place qu’ils méritent !
La ministre s’est également rendue à Dublin, le 23 novembre dernier, pour sensibiliser les autorités irlandaises aux atouts des ports français.
Nous travaillons donc pour que les intérêts des ports français soient défendus dans l’immédiat et sur la période budgétaire 2021-2027, pour laquelle les négociations sont en cours.
Monsieur le sénateur, merci de votre implication et de votre soutien. C’est ensemble que nous devons continuer à nous battre au niveau européen pour que les ports français aient toute la place qu’ils méritent, une place centrale en Europe !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour répondre à Mme la secrétaire d’État, en six secondes.
M. Michel Canevet. Je voudrais remercier le Gouvernement de son implication. Les élus sont derrière lui !
respect des engagements pris pour le réseau routier du sud de la nouvelle aquitaine
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 544, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Max Brisson. Le conseil des ministres du 26 novembre a adopté le projet de loi sur l’organisation des mobilités. Ce fait est passé relativement inaperçu dans le contexte actuel.
Plus de 2 milliards d’euros seront consacrés à la relance des petites lignes ferroviaires. C’est une excellente décision. J’insiste sur la nécessité d’améliorer la ligne Bayonne-Saint-Jean-Pied-de-Port et, surtout, d’achever enfin la section Bedous-Canfranc de la ligne « Goya », qui relie Pau à Saragosse. Ces lignes de proximité doivent être de nouveau conçues pour répondre aux besoins de déplacements de ceux qui travaillent.
Je veux également évoquer l’axe routier RN 134 entre Pau et le Somport, en direction de l’Espagne, sachant qu’un milliard d’euros sera consacré à la rénovation des routes nationales. Il est impératif que la RN 134 soit inscrite comme une priorité dans le programme de rénovation. Cet axe est aujourd’hui totalement inadapté au trafic transfrontalier et son niveau de sécurité est déplorable. La réalisation de la déviation est d’Oloron, pourtant inscrite au contrat de plan État-région en cours, n’avance pas. Les nombreuses déviations de bourgs et villages sont toujours attendues. Nous parlons pourtant ici de la troisième traversée pyrénéenne ! Elle souffre de la comparaison avec la partie aragonaise et elle ne permet pas au Béarn de tisser des liens avec l’Espagne.
J’ajouterai que, en termes de désengorgement de l’agglomération bordelaise, l’axe européen E7, dans sa section Pau-Langon-Limoges, constitue une alternative crédible.
Madame la secrétaire d’État, nous n’en pouvons plus de ces engagements non tenus ! De contrats en annonces officielles sans suite, nous nous éloignons chaque jour un peu plus des grands centres urbains français ou espagnols.
Le projet de loi sur les mobilités contient de bonnes mesures, mais j’attends que vous nous rassuriez sur la réponse aux justes attentes des Basques et des Béarnais en termes d’infrastructures routières et ferroviaires et, surtout, sur le financement et le calendrier de ces investissements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Brisson, vous avez interrogé la ministre chargée des transports, Mme Élisabeth Borne, qui, ne pouvant être présente, m’a chargée de vous répondre.
Depuis de nombreuses années, l’État est pleinement mobilisé pour apporter une réponse aux différents enjeux liés à la RN 134.
L’ensemble de ces projets est inscrit pour un montant de 95 millions d’euros, dont 60 % sont apportés par l’État, au CPER Nouvelle Aquitaine. En complément, 7,85 millions d’euros, dont 75 % financés par l’État, sont programmés au titre d’une enveloppe hors CPER.
Entre Pau et Oloron, 11 millions d’euros vont être investis pour mettre en sécurité la section sur dix kilomètres. Le projet, financé en totalité par l’État, comprend en outre des actions en faveur de l’environnement, notamment le traitement des eaux de chaussée et la réduction des nuisances sonores. L’autorité environnementale vient de rendre son avis et l’enquête d’utilité publique doit se tenir en début d’année prochaine.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le département des Pyrénées-Atlantiques a repris à son compte un projet de voie rapide Pau-Oloron. Il est donc porté par la collectivité, qui en assume la responsabilité.
S’agissant de la section comprise entre Oloron et la frontière espagnole, des travaux d’aménagement de points singuliers sont inscrits à l’actuel CPER à hauteur de 7 millions de francs, pris en charge en totalité par l’État.
Les volets suivants ont été identifiés : le traitement d’aménagements physiques ponctuels, notamment les entrées nord et sud d’Asasp-Arros ; la mise en place d’équipements d’information des usagers ; la réduction de la vulnérabilité face aux aléas naturels. Les études sont en cours, pour un lancement des premiers travaux l’année prochaine.
Enfin, en ce qui concerne la déviation d’Oloron-Sainte- Marie, un montant de 77 millions d’euros est inscrit à l’actuel CPER, cofinancé à parité par l’État et le département des Pyrénées-Atlantiques. La déclaration d’utilité publique de 2008 a été prorogée jusqu’en mars 2023. Les études de conception détaillée, complexes compte tenu de la nature des ouvrages à réaliser – notamment des viaducs et un tunnel –, se poursuivent, de même que les procédures préalables à l’engagement des travaux.
Comme vous le signalez, monsieur le sénateur, un surcoût est en effet attendu. Il est notamment dû à des contraintes géotechniques très fortes dans le secteur. Une fois le montant de ce surcoût fiabilisé, une discussion avec les collectivités cofinanceuses sera nécessaire pour envisager les modalités de financement.
En définitive, comme vous pouvez le voir, l’État est pleinement mobilisé pour aménager l’axe de la RN 134 en cohérence avec la réalité des besoins de mobilité de ce territoire que vous défendez si bien, monsieur le sénateur !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour une réplique en vingt-neuf secondes.
M. Max Brisson. J’aurais aimé avoir une réponse portant aussi sur le ferroviaire, mais Mme Borne me l’apportera certainement. Le mouvement actuel montre bien que des réponses de proximité peuvent être prises sur des territoires où les flux sont importants.
Concernant la section Pau-Oloron-Somport, je connais les engagements pris, madame la secrétaire d’État : c’est le calendrier qui pose problème. Le retard ne cesse de s’aggraver. Le risque est qu’il faille reporter le financement au prochain contrat de plan État-région, alors qu’il relève de l’actuel.
nouveau retard sur le prolongement de la ligne 12 du métro à aubervilliers
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 480, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Fabien Gay. La ligne 12 du métro parisien doit être prolongée jusqu’à Aubervilliers, où deux nouvelles stations sont prévues : Aimé Césaire et Mairie d’Aubervilliers-Jack Ralite.
Le premier coup de pioche a été donné en 2012, pour une livraison attendue en 2017. Elle a été reportée à 2018, puis à 2019, et elle est maintenant annoncée pour 2021, « hors aléas significatifs supplémentaires »…
Il se trouve que ce chantier a déjà connu beaucoup d’aléas, à l’origine d’un véritable enfer pour les habitantes et habitants d’Aubervilliers, mais aussi les commerçants et les élus, qui voient leur centre-ville défiguré par tant de travaux ! Je salue d’ailleurs la présence dans nos tribunes d’une délégation conduite par Meriem Derkaoui, maire d’Aubervilliers.
Aubervilliers est la seule ville de la proche banlieue parisienne à ne pas avoir de station de métro en centre-ville. Ses habitants le vivent comme une marque de mépris insupportable ! Madame la secrétaire d’État, en Seine-Saint-Denis, nous devons toujours nous mettre en colère pour faire respecter nos droits. C’est fatigant, mais nous sommes toujours debout et combatifs.
Aujourd’hui, nous ne nous contenterons plus d’une réponse technique ou technocratique : nous voulons des actes. Nous voulons la réalisation d’un audit indépendant sur la date des travaux, des mesures compensatoires pour ces retards, la gratuité de la navette 512 pour la durée des travaux, une date définitive pour l’ouverture de ces deux gares !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Fabien Gay, Mme la ministre chargée des transports ne pouvait malheureusement être présente au Sénat aujourd’hui, mais je sais que vous avez eu à plusieurs reprises l’occasion d’échanger sur ce sujet avec elle et avec son cabinet.
M. Fabien Gay. On va continuer !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Initialement envisagée fin 2017, la mise en service des deux nouvelles stations de métro que vous avez évoquées a en effet été reportée à la fin de 2019, afin de tenir notamment compte des délais pris par les concessionnaires pour les dévoiements de réseaux.
Effectués en souterrain dans un milieu urbain dense, les travaux ont nécessité de congeler les sols pour sécuriser le terrain et creuser les enceintes des stations. Si la méthode de congélation par saumure a fonctionné pour la station Aimé Césaire, elle s’est avérée insatisfaisante pour la station Mairie d’Aubervilliers, en raison de la présence d’une circulation d’eau souterraine qu’il était difficile d’identifier avant ces travaux. Les travaux de terrassement ont donc été temporairement suspendus jusqu’à ce qu’une alternative soit trouvée, la congélation utilisant de l’azote liquide.
De telles difficultés techniques, inhérentes aux travaux souterrains, ont malheureusement des conséquences importantes sur les délais. La RATP a procédé, en lien avec les entreprises, à l’actualisation du calendrier : le 21 septembre dernier, elle a ainsi annoncé une mise en service en décembre 2021, soit avec près de deux ans de retard.
M. Fabien Gay. Cinq ans !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je sais l’impact que ces retards peuvent avoir sur le quotidien des riverains, monsieur le sénateur. Je peux vous assurer que le Gouvernement et la RATP restent particulièrement attentifs à la bonne poursuite du chantier. C’est une priorité pour le Gouvernement.
Par ailleurs, la ministre des transports fait confiance à l’autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités, pour étudier et mettre en œuvre toutes les mesures destinées à pallier ce retard.
Enfin, au-delà de ce projet, l’État est très attentif au développement des transports en Seine-Saint-Denis et y contribue fortement au travers du contrat de plan État-région.
Plusieurs projets récents ou en cours intéressent les habitants d’Aubervilliers : je pense notamment à la modernisation de la ligne B du RER,…
M. Fabien Gay. Ne me parlez pas de cela, s’il vous plaît !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … au prolongement du RER E ou encore à la future ligne 15 Est du Grand Paris Express.
Monsieur le sénateur, nous entendons vos inquiétudes et celles des habitants du territoire que vous représentez. Sachez que la ministre des transports et son cabinet se tiennent à votre disposition pour échanger avec vous et trouver des solutions concrètes, même si, vous le savez, la situation n’est pas de notre fait. Les travaux à réaliser sont particulièrement complexes.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique. Vous avez trente-quatre secondes, mon cher collègue.
M. Fabien Gay. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse. J’espère que vous pourrez appuyer notre demande que Mme la ministre chargée des transports reçoivent une délégation.
Le pass Navigo coûte le même prix, 75,20 euros, que l’on habite à Aubervilliers, au Blanc-Mesnil, comme moi, ou à Paris ! Les habitantes et habitants de la Seine-Saint-Denis ont droit à l’égalité républicaine, en l’occurrence d’avoir accès aux transports. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas pour les habitants d’Aubervilliers !
Vous avez évoqué la ligne B du RER. Mme Assassi et moi la prenons tous les jours. Nous pouvons témoigner que c’est aussi une catastrophe ! À cela s’ajoute l’annonce de nouveaux retards pour le Grand Paris Express, qui doit désenclaver Clichy-sous-Bois et Montfermeil.
Nous avons l’impression de toujours devoir nous mettre en colère pour faire respecter nos droits ! Pourtant, nous ne voulons pas plus que les Parisiens, nous voulons le même accès aux transports avec le même pass, que nous payons au même prix. Voilà ce que nous voulons !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
suppression du taux réduit sur le gazole non routier et professionnels des travaux publics
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 539, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. La décision du Gouvernement de supprimer le taux réduit de TICPE pour le gazole non routier, le GNR, aura des conséquences majeures pour les professionnels des travaux publics.
Sur les 900 millions à 1 milliard d’euros de recettes attendus par le Gouvernement, la mise en œuvre de cette disposition entraînera une hausse d’impôts de 700 millions d’euros pour la seule filière du bâtiment et des travaux publics !
À titre d’exemple, les 122 entreprises de travaux publics des trois départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de la Corrèze verront, de fait, leurs marges baisser de l’ordre de 40 % à 60 %, selon la spécificité de l’entreprise.
Les conséquences seront extrêmement lourdes et nombre d’entreprises risquent de ne pas y survivre. Il est à craindre une casse sociale en termes de rémunérations des salariés, soit près de 3 000 personnes pour les trois départements que j’ai cités, voire des licenciements. Par ailleurs, l’effort de formation sera amoindri, du fait de la réduction des budgets dédiés.
Une application brutale de ce changement fiscal est d’autant plus inacceptable que tous les marchés en cours de réalisation ou signés n’ont évidemment pas intégré cette nouvelle donne financière. En outre, les professionnels n’ont pas de solution alternative en termes d’engins, tous les matériels disponibles sur le marché fonctionnant au gazole !
Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à la légitime inquiétude que m’ont exprimée encore tout récemment ces professionnels ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Perol-Dumont, le Gouvernement a souhaité que la fiscalité pour le gazole non routier à destination des entreprises industrielles, des travaux publics et du bâtiment soit la même que celle des particuliers dès 2019. C’est un effort important pour ces entreprises, nous en avons conscience, maïs nous avons relevé la taxation du gazole pour des raisons écologiques : l’objectif est de limiter sa consommation, qui conduit au réchauffement climatique et à la pollution de l’air.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre de notre politique écologique, qui a plusieurs objectifs : orienter les investissements et les pratiques vers des solutions moins polluantes ; se substituer à d’autres impôts et taxes sur le travail et les entreprises, d’où la baisse des cotisations salariales et la suppression de la taxe d’habitation ; procurer les moyens de financer les investissements pour la transition écologique ; assurer une redistribution sociale et un accompagnement des acteurs les plus vulnérables, par exemple avec la généralisation du chèque-énergie ou la prime à la conversion des véhicules.
Le Gouvernement, conscient des difficultés d’adaptation et de l’impact fort que peut avoir cette hausse de taxe pour certaines entreprises, a décidé de mettre en place un dispositif de transition. Il a ainsi proposé au Sénat d’assurer que la variation du prix puisse être répercutée dans les contrats en cours – cela répond, madame la sénatrice, à votre question précise –, de permettre la distribution et la consommation de GNR au tarif du gazole pendant les premiers mois de l’année pour fluidifier la logistique du produit, d’exonérer le secteur du transport frigorifique de la hausse de fiscalité pendant un an.
Le Gouvernement étudie également la possibilité de mettre en place des dispositifs de suramortissement pour faciliter les investissements des entreprises de distribution de GNR et le renouvellement des équipements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique. Vous disposez d’une minute, ma chère collègue.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d’État, ces professionnels ne sont pas sourds à la question écologique ! Ils sont prêts à prendre leur juste part. Simplement, ils ne peuvent pas faire face aux conséquences d’une mesure appliquée avec tant de brutalité.
Le Gouvernement ne se rend pas compte que ces mesures vont nécessairement conduire les entreprises à répercuter le surcoût induit sur les marchés, notamment sur ceux passés avec les collectivités locales, qui sont de gros donneurs d’ordres. C’est extrêmement inquiétant !
Quid des travaux d’entretien routier, des travaux d’entretien des réseaux d’assainissement, des réseaux d’eau, ô combien importants pour la politique environnementale ? Madame la secrétaire d’État, au-delà des légères avancées proposées, je crois que le Gouvernement, sur cette question comme sur beaucoup d’autres, devrait prendre la peine d’entendre, d’écouter, et revoir fondamentalement sa copie !
M. le président. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre présence ce matin.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Modifications de l’ordre du jour
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Premier ministre a indiqué au président du Sénat que le Gouvernement fera, en application de l’article 50-1 de la Constitution, une déclaration, suivie d’un débat, portant sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d’achat, jeudi 6 décembre 2018.
Acte est donné de cette demande.
La conférence des présidents, réunie ce jour, a fixé à quatorze heures trente l’heure de cette déclaration. Elle a, en outre, prévu d’ouvrir la séance du jeudi 6 décembre dès neuf heures trente, au lieu de dix heures trente, pour l’examen des missions inscrites à l’ordre du jour et de reprendre leur examen à l’issue du débat sur la déclaration du Gouvernement.
Par ailleurs, le groupe Les Républicains a demandé le retrait de l’ordre du jour du mardi 11 décembre 2018 de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des événements et à l’exercice d’activités autorisés par la loi.
Acte est donné de cette demande.
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Loi de finances pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Culture
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et article 74 septies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances, rapporteur spécial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le niveau des crédits de la mission « Culture » sera relativement stable en 2019. Le projet de loi de finances prévoit 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement, répartis entre les trois programmes de la mission.
J’évoquerai, pour ma part, les crédits du programme « Patrimoines », dont le montant s’inscrit dans la continuité des orientations fixées dans la loi de finances pour 2018.
Les crédits dédiés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques, hors grands projets, sont confortés en 2019 ; ils s’élèveront à 297 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 4 millions d’euros par rapport à 2018. Nous avons souligné, dans notre rapport, que le maintien de ce niveau de financement en faveur du patrimoine était, dans un contexte budgétaire contraint, un motif de satisfaction, même si les besoins sont, en la matière, quasi illimités.
L’augmentation des crédits dédiés à la restauration et à l’entretien des monuments historiques est d’abord la conséquence de la mise en œuvre du fonds partenarial et incitatif en faveur des collectivités à faibles ressources financières créé en 2018 afin d’aider ces dernières à entretenir leurs monuments historiques.
Ce fonds est reconduit pour l’année 2019, à un niveau équivalent : 15 millions d’euros en autorisations d’engagement permettront de lancer de nouvelles opérations dans des communes qui comptent, pour la plupart, moins de 2 000 habitants.
Deux grands projets de restauration de monuments historiques expliquent, par ailleurs, la hausse des autorisations d’engagement du programme en 2019 : la rénovation du Grand Palais et celle du château de Villers-Cotterêts.
Concernant la rénovation du Grand Palais, vous avez sans doute pu prendre connaissance récemment, dans la presse, des polémiques sur la maîtrise des coûts et l’opportunité de la réalisation de ce chantier. Nous avons essayé de montrer, dans notre rapport, que, si le montant total est incontestablement élevé, ce projet présente de sérieuses garanties, sans qu’il existe, par ailleurs, de véritable alternative à la rénovation du site telle qu’elle est proposée par la RMN-GP, la Réunion des musées nationaux–Grand Palais. Imagine-t-on une friche culturelle durable au cœur de la capitale ?
Le Grand Palais n’a pas connu depuis sa construction, en 1900, de véritable rénovation d’ampleur, à l’exception des travaux réalisés sur la verrière au début des années 2000. Le projet actuel vise à remettre le bâtiment aux normes techniques, d’importantes surfaces n’étant actuellement pas ouvertes au public en raison de carences en matière de respect des normes de sécurité. Il permettra de mieux accueillir le public et d’élargir l’offre culturelle, en réunissant le Grand Palais et le Palais de la découverte, qui disposeront à l’avenir d’une entrée commune.
D’importantes contraintes de calendrier pèsent sur le projet, qui doit être achevé à temps pour les jeux Olympiques de 2024. Le Grand Palais sera donc fermé au public à compter de décembre 2020, et un Grand Palais éphémère va être créé sur le Champ-de-Mars. Ce projet est mené en partenariat avec Paris 2024, pour en partager les coûts. La structure sera donc reprise en 2023 par le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.
Par ailleurs, les terrains aux abords du Grand Palais seront cédés par la Ville de Paris à l’État, qui en attribuera l’utilisation à la RMN-GP. À cette fin, deux amendements ont été présentés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale lors de l’examen en première lecture du présent projet de loi de finances, visant l’un à créer un article 74 septies rattaché à la mission et autorisant cette cession, l’autre à tirer les conséquences de l’opération sur le budget de la mission « Culture ». La commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 74 septies.
Le chiffrage du projet s’élève à 466 millions d’euros, dont 137 millions d’euros au titre de la restauration du monument historique. Ce chiffrage – pour établir toute comparaison, il convient de s’assurer que le périmètre de travaux estimés est identique – est constant depuis la présentation du projet actuel. Le budget comporte notamment 118 millions d’euros de crédits budgétaires, qui seront répartis sur neuf ans, cet étalement permettant de ne pas remettre en cause l’effort consacré par la mission « Culture » à l’entretien et à la restauration des autres monuments historiques.
Une question subsiste, cependant, à propos du plan de financement de la rénovation du Grand Palais : 160 millions d’euros sont prévus au titre des investissements d’avenir, mais les crédits de paiement correspondants ne sont, pour le moment, pas retracés dans la mission « Investissements d’avenir ». Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier cet aspect du financement du projet du Grand Palais ?
Un autre grand chantier est la rénovation du château de Villers-Cotterêts, dans le cadre du projet de laboratoire de la francophonie.
Le Président de la République a choisi ce château afin d’y créer un lieu dédié à la francophonie. Ce monument, dont la place dans notre histoire nationale est exceptionnelle et la qualité patrimoniale élevée, même si son état est très dégradé, sera restauré et revalorisé. Il a vocation à devenir à la fois un site patrimonial attractif ouvert à la visite et un laboratoire de rencontre, d’expression et d’expérimentation autour de la francophonie et de l’avenir de la langue française.
Le coût de la première tranche du projet est évalué à 110 millions d’euros, dont 55 millions de crédits budgétaires, 30 millions d’euros issus du grand emprunt et 25 millions d’euros provenant du mécénat, avec un objectif de réalisation pour le printemps 2022. Le château a été mis à la disposition du Centre des monuments nationaux, le CMN, pour la mise en œuvre du projet.
Le maintien du niveau des crédits de la mission en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments historiques ne doit pas occulter le fait que de nombreux projets restent à ce jour en attente d’un financement. C’est le cas du schéma directeur du centre Pompidou, de l’extension du site des archives de Pierrefitte-sur-Seine, rendue nécessaire par l’obsolescence du site de Fontainebleau, de la rénovation des toitures du Mont-Saint-Michel ou de la façade du Panthéon, après le dôme.
Dans ce contexte, le loto du patrimoine, qui s’est tenu pour la première fois en septembre dernier, dans le prolongement de la mission confiée par le Président de la République à Stéphane Bern, constitue un outil utile de sensibilisation du public à la nécessité de préserver et de sauvegarder le patrimoine. Nous souhaitons donc qu’il soit pérennisé, de même que l’affectation des recettes fiscales afférentes, conformément à la solution trouvée le 25 octobre 2018 par le ministre de l’action et des comptes publics, M. Darmanin, et vous-même, monsieur le ministre. Il serait fort dangereux d’accréditer auprès des joueurs – dont la Française des jeux et les buralistes nous disent qu’il ne s’agit pas d’habitués – l’idée que leurs mises sont fortement ponctionnées au bénéfice du budget général de l’État. C’est pour cette raison que nous avons, en accord avec le rapporteur général de la commission des finances, présenté un amendement visant à exonérer le loto du patrimoine des contributions et prélèvements habituellement dus sur les sommes misées aux jeux organisés et exploités par la Française des jeux. Cette exonération a pour but d’affecter la part la plus importante possible des sommes issues de ces loteries à l’entretien et à la restauration du patrimoine français. Le Sénat a adopté cet amendement à l’unanimité lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend maintenir cette exonération dans le texte du projet de loi de finances ?
Pour conclure, compte tenu de la continuité des grandes orientations de la politique culturelle et du maintien des financements inscrits à la mission « Culture », la commission des finances a proposé l’adoption, sans modification, des crédits de la mission et de l’article 74 septies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les crédits de la mission « Culture », dont le montant s’élève à environ 3 milliards d’euros, ne représentent qu’une partie des financements publics en faveur de la culture. En effet, le montant total atteint par l’ensemble des modes de financement public en faveur du secteur culturel représente près de 10 milliards d’euros en 2019 : il s’agit non seulement des crédits budgétaires, mais également des dépenses fiscales, des taxes affectées, de la contribution à l’audiovisuel public ou encore du loto du patrimoine.
Cet effort est considérable, mais il masque des situations contrastées.
Parmi les points positifs, on peut souligner le niveau élevé de la fréquentation des établissements culturels en 2018, à même de favoriser la dynamique des ressources propres de ces établissements. Les chiffres sont toutefois antérieurs au mouvement des « gilets jaunes » et aux manifestations récentes, dont il faudra, de ce point de vue, mesurer les conséquences. C’est l’occasion pour moi de saluer les personnels de l’Arc de Triomphe et du musée de l’Orangerie, mis à l’épreuve par ces événements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Le loto du patrimoine, que le président Éblé a évoqué, est un autre aspect positif.
Mais, d’un autre côté, le ministère de la culture et ses opérateurs portent de nombreux projets immobiliers dont la faisabilité financière doit être examinée précisément. Les opérateurs du ministère doivent composer avec des dotations stables, ce qui pourrait s’avérer problématique sur le long terme, du fait de l’évolution mécanique de leurs charges.
Le budget de la culture pour l’année 2019 témoigne de la continuité des orientations de la politique culturelle fixées l’année dernière. L’éducation artistique et culturelle et, plus généralement, l’accès à la culture pour tous continuent de constituer l’objectif prioritaire des politiques conduites par le ministère de la culture. Environ 110 millions d’euros y sont consacrés, dans le cadre du plan « 100 % EAC », qui vise à faire bénéficier l’ensemble des jeunes en âge d’être scolarisés d’au moins une action d’éducation artistique et culturelle subventionnée par le ministère de la culture. La culture n’est pas qu’un budget, elle est, d’abord et avant tout, une espérance républicaine.
Parmi les nombreuses actions menées dans ce domaine, nous avons, cette année, pu mesurer l’intérêt, par exemple, des orchestres Démos. Ce projet, conçu par la Philharmonie de Paris depuis 2010, vise un public de jeunes de sept à douze ans, vivant dans des quartiers classés en politique de la ville ou en zones rurales éloignées. Ceux-ci sont initiés à la pratique musicale classique en participant à un orchestre pour une durée de trois ans. Cette initiation à la pratique orchestrale doit permettre de renforcer le capital culturel des enfants concernés et contribuer à une meilleure insertion sociale. L’objectif pour la période 2019-2022 est désormais de mettre en place une soixantaine d’orchestres.
Le Pass culture constitue un autre aspect de la politique en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Il trouve, dans ce projet de loi de finances, une véritable traduction budgétaire : 5 millions d’euros seulement lui avaient été alloués en 2018. Ces crédits ont permis d’élaborer l’outil de pilotage du Pass culture. Nous entrons maintenant dans une phase d’expérimentation, et non plus de test, ce qui conduit à mobiliser 34 millions d’euros. À ce titre, les amendements qui tendent à gager des hausses de crédits au bénéfice d’autres actions par la disparition ou la baisse des crédits du Pass culture posent problème, quel que soit leur intérêt intrinsèque, au regard des dispositions de la LOLF relatives aux gages.
Cette expérimentation va concerner 10 000 jeunes, sélectionnés afin de garantir la représentativité de l’échantillon, dans cinq départements : le Finistère, la Guyane, l’Hérault, le Bas-Rhin et la Seine-Saint-Denis. Le dispositif devrait par la suite monter progressivement en puissance, pour toucher jusqu’à 200 000 jeunes de dix-huit ans.
Selon les estimations du Gouvernement, le Pass culture pourrait concerner, en régime plein, jusqu’à 820 000 personnes. Cette estimation porte le coût théorique total du dispositif à plus de 400 millions d’euros chaque année. Les premières expérimentations apporteront des indications utiles sur les pratiques culturelles ou les taux d’utilisation, par exemple, à partir desquels un scénario réaliste de financement pourra nous être proposé. Nous veillerons en outre à ce que le coût du Pass culture ne conduise pas à une diminution des financements consacrés aux autres actions d’éducation artistique et culturelle.
Les crédits de paiement du programme « Création » sont fixés, pour 2019, à un niveau globalement équivalent à celui de 2018, ce qui permet de poursuivre l’aide au réseau de structures labellisées. Les financements en matière de spectacle vivant sont particulièrement fléchés en raison de multiples labellisations et conventionnements.
À l’occasion des travaux que nous avons menés sur la gestion des crédits déconcentrés du ministère de la culture, nous avons pu mesurer les contraintes qui pèsent sur la gestion du programme « Création ». Si la structure particulière de ce dernier explique en partie cette spécificité, on nous a néanmoins fait part d’un interventionnisme parfois marqué de l’administration centrale quant à la répartition des mesures nouvelles au sein du programme.
Cependant, des initiatives sont prises pour renforcer la liberté de gestion des personnels des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. C’est le cas, par exemple, de l’expérimentation qui va être menée en 2019 dans les DRAC de Bretagne et de Nouvelle Aquitaine. Un fonds mutualisé entre les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sera confié à ces DRAC, pour tenir compte de la porosité fréquemment observée, sur le terrain, entre les actions en faveur de l’accès à la culture et les initiatives en matière de création artistique. Cela est conforme à l’objectif de responsabilisation accrue des gestionnaires dans les territoires.
En matière de création artistique, le soutien de l’État se conjugue aux aides et aux subventions apportées par les collectivités territoriales. Le financement assuré par la mission « Culture » représente ainsi environ 30 % de l’aide totale apportée par les collectivités publiques.
Deux projets immobiliers d’envergure sont également portés par le programme. Le premier est la Cité du théâtre, aux ateliers Berthier, qui doit permettre d’accroître les tournées en province des grandes institutions culturelles, auxquelles on reproche parfois d’être trop parisiennes. L’un des objectifs prioritaires de ce chantier est précisément de faire rayonner ces établissements sur l’ensemble de la France. Le second projet est la relocalisation du Centre national des arts plastiques, le CNAP, à Pantin.
Pour ces deux projets, le calendrier d’engagement des dépenses conduira, en 2019, à une diminution du montant total des autorisations d’engagement du programme.
Pour terminer, je formulerai deux remarques à propos de la gestion des emplois de la mission « Culture », qui doit être modifiée.
La première a trait au choix fait par le ministère de la culture de renforcer la responsabilisation des établissements publics administratifs qui disposent de la taille critique nécessaire pour gérer plus directement leurs emplois. Trois établissements seront concernés par cette réforme en 2019 : le Centre des monuments nationaux, le château de Versailles et le musée d’Orsay. Des amendements ont été présentés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale pour réaliser le transfert de la gestion des emplois de ces opérateurs, sur le modèle de ce qui a été fait pour le musée du Louvre.
La seconde remarque concerne la poursuite du chantier de la revalorisation indemnitaire. Le sujet n’est pas forcément à la mode, mais le décrochage indemnitaire que connaissent les personnels du ministère de la culture par rapport à ceux des autres ministères entraîne un défaut d’attractivité qui pose des difficultés. Il est donc important de poursuivre le rattrapage. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour le programme « Patrimoines ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2018 marquera un tournant dans le financement de la protection du patrimoine.
Comme rapporteur de ce budget, j’ai connu des années difficiles et d’autres plus heureuses ; cette année est incontestablement positive, après quelques exercices marqués par une grande inquiétude liée, d’une part, à la baisse des crédits de l’État, et, d’autre part, aux difficultés des collectivités territoriales, grands financeurs du patrimoine de tradition. Les départements, notamment, ont dû bien souvent se retirer de l’exercice de cette compétence, devant l’importante augmentation des dépenses sociales.
Je salue la mise en place du fonds pour les monuments historiques dans les petites communes à faible potentiel fiscal, qui a non seulement apporté un ballon d’oxygène à ces communes, mais a, de surcroît, incité les régions à s’impliquer dans le financement du patrimoine. La région Grand Est a été la première à le faire, à l’époque où notre ancien collègue Philippe Richert en était le président. J’ai moi-même la responsabilité du patrimoine au sein de son conseil régional et je peux dire que le complément apporté par la région au financement du patrimoine joue un rôle de levier considérable. C’est important, quand on sait les difficultés que rencontrent les entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques et les risques que leur disparition ferait peser sur le maintien de savoir-faire irremplaçables et sur l’offre de formation.
En 2019, la revalorisation de l’enveloppe budgétaire, en même temps que le financement apporté par le loto du patrimoine, permettront de combler une partie du retard accumulé au cours des dernières années.
J’ajoute qu’une commission d’enquête du Sénat animée par Philippe Richert et moi-même avait suggéré, voilà une quinzaine d’années, la création d’un loto du patrimoine. Il nous avait été répondu à l’époque qu’il s’agissait d’une très heureuse idée, mais techniquement impossible à mettre en application. Pourtant, un tel dispositif existait en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne…
Je me félicite, avec tous ceux qui s’intéressent ici au patrimoine, que la décision de créer ce loto ait été prise et que celui-ci ait rencontré un réel succès. L’intégralité des 21 millions d’euros a été débloquée, ce qui contribuera à faire face à des besoins considérables et évitera que les joueurs ne soient choqués de voir une partie importante de leurs mises ne pas être consacrée au patrimoine.
Les besoins de financement sont en effet énormes : on les estime à 2,5 milliards d’euros, pour quelque 2 000 sites en péril. La recette du loto du patrimoine permettra de compenser deux phénomènes que je déplore : la disparition de la réserve parlementaire, d’une part, qui contribuait à la sauvegarde du petit patrimoine dans les communes rurales ; l’effondrement des dons des particuliers, d’autre part, en raison de certaines décisions d’ordre fiscal, certes légitimes, mais qui mettent en péril le mécénat.
J’évoquerai très rapidement une source d’inquiétude : les deux grands dossiers qu’a évoqués Vincent Éblé, ceux du château de Villers-Cotterêts et du Grand Palais, pourraient mettre en péril le financement du petit patrimoine.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Patrimoines ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Sylvie Robert, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour les programmes « Création et transmission des savoirs » et « Démocratisation de la culture ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile de ne pas souscrire aux trois priorités assignées à la mission « Culture » pour 2019 – le renforcement de l’équité territoriale, l’accès de la jeunesse à la culture et la promotion de la diversité culturelle –, tant la culture et l’éducation apparaissent, dans les temps troublés auxquels nous sommes confrontés, comme des vecteurs incontournables de cohésion sociale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre commission avait si ardemment défendu l’inscription des droits culturels dans la loi NOTRe puis dans la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Très bien !
Mme Sylvie Robert, rapporteur pour avis. J’aimerais que l’on en parle un peu plus et que l’on commence à leur donner une véritable traduction concrète.
S’il est vrai que les crédits sont globalement préservés, voire, dans quelques cas, confortés, le projet de budget qui nous est soumis manque un peu de lisibilité. Pourquoi ajuster certains crédits au plus près des dépenses des années précédentes dans un souci de sincérité budgétaire tout en annonçant qu’un certain nombre de priorités seront financées sur la base de crédits dégagés en gestion au cours de l’exercice budgétaire ?
Je pense à la création du Centre national de la musique, le CNM, qui revêt une importance particulière pour la filière musicale et devrait permettre enfin d’engager le travail d’observation qui nous fait aujourd’hui cruellement défaut.
Je pense également à la revalorisation du statut des enseignants des écoles d’art territoriales, qui est fondamentale pour ces établissements en vue d’éviter le décrochage par rapport aux écoles nationales.
Concernant le Pass culture, je regrette de ne pas avoir obtenu davantage de précisions sur la manière dont sera utilisée l’enveloppe, pourtant considérable, de 34 millions d’euros qui lui sera consacrée en 2019. Cela ne m’empêche pas de me féliciter, monsieur le ministre, de la reprise en main que le ministère semble vouloir opérer sur ce dossier, avec une réelle volonté d’éviter les écueils sur lesquels le projet pourrait achopper. Compte tenu des moyens qui lui sont alloués, il est indispensable que ce nouvel outil soit mis au service d’une réelle ambition culturelle et ne profite pas seulement à quelques entreprises du numérique ou vienne renforcer les inégalités culturelles entre les territoires.
Je constate d’ailleurs que les collectivités territoriales sont de plus en plus mises à contribution. Ce sont, en effet, des partenaires incontournables dans le domaine culturel, mais le plafonnement des dépenses des collectivités territoriales à 1,2 % vient encore limiter leurs marges de manœuvre. C’est un vrai sujet !
C’est pourquoi la commission de la culture entend jouer l’an prochain un rôle important de suivi et de contrôle de la mise en œuvre de ces différentes priorités budgétaires, afin de garantir que les actions entreprises permettront de lutter effectivement contre les inégalités territoriales et sociales en matière culturelle et ne viendront pas, au contraire, les accroître.
J’aurais pu évoquer la sécurité ou les emplois aidés, mais, en tant que rapporteur pour avis, je ne dispose que de trois minutes de temps de parole et ces questions seront sans doute abordées par mes collègues. Ce qui est clair, monsieur le ministre, c’est qu’un certain nombre de facteurs exogènes viennent fragiliser le secteur culturel. La vigilance est donc de mise.
Sous ces réserves, nous donnons un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, j’entends la satisfaction quasi générale de nos rapporteurs, qui se félicitent du niveau relativement stable des crédits de la mission « Culture ».
Vous me permettrez de tempérer ce contentement rassuré d’une représentation nationale qui craignait le pire par des inquiétudes relatives au défaut de provisions de ce projet de budget. Autrement dit, je crains que le financement à peu près préservé du fonctionnement courant du ministère n’ait été obtenu qu’au prix d’une sous-évaluation des investissements nécessaires pour assurer la pérennité et le développement de grands équipements ou la restauration de monuments importants, voire de la renonciation à de tels investissements.
Je pense, par exemple, à la Bibliothèque nationale de France, qui doit impérativement trouver une solution pour étendre ses réserves, lesquelles seront saturées en 2023. Je regrette, par ailleurs, que nous ne disposions d’aucun bilan sur l’achèvement des travaux de rénovation du site de Richelieu, sur son affectation future et sur les moyens qui lui seront alloués pour assurer son fonctionnement.
Sur le même front patrimonial, je rappelle ici que nos deux éminents collègues Vincent Éblé et André Gattolin avaient considéré, dans un rapport remis au Sénat l’an passé, qu’il était absolument impératif de mettre en chantier rapidement une extension du centre des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine pour accueillir les quatre-vingt-dix kilomètres linéaires d’archives du site de Fontainebleau et les dix-sept kilomètres linéaires de versements annuels.
Nos deux estimables collègues considéraient que la première tranche des travaux devait être réalisée en 2023, pour un montant qu’ils évaluaient à quelque 75 millions d’euros. Je n’ai pas trouvé, dans le projet de loi de finances pour 2019, de programmation budgétaire pour ces travaux, et c’est même l’absence de nouveau projet à Pierrefitte-sur-Seine qui vous permet d’expliquer, monsieur le ministre, la forte baisse, de près de 18 %, des crédits des archives…
Outre ces impasses budgétaires, il faut souligner, à la suite du rapporteur spécial Vincent Éblé, l’absence de financement du schéma directeur du centre Pompidou, de la rénovation des toitures du Mont-Saint-Michel, de la façade du Panthéon, etc.
Dans ces conditions budgétaires au mieux imprévoyantes, au pire d’une sincérité amendable, on peut se demander s’il était raisonnable, pour le ministère de la culture, de se lancer dans la restauration très coûteuse du château de Villers-Cotterêts et la future installation dans ses murs d’un centre de la francophonie, qui exigera des moyens de fonctionnement supplémentaires. Je partage l’ambition présidentielle de consacrer plus de moyens à la défense et illustration de la langue française. Néanmoins, il serait fâcheux qu’elles s’accompagnassent (Exclamations amusées et applaudissements.) d’un repli de son usage, notamment dans la communication gouvernementale, au profit d’un sabir empruntant ses formules à l’anglais de la technocratie. Près d’un quart de siècle après la promulgation de la loi relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », il serait utile de dresser un bilan de ses usages dans les administrations, la science et l’entreprise.
Le château de Villers-Cotterêts devrait devenir un centre de promotion de la langue française. À cet égard, j’aimerais souligner que, en matière de francophonie, nous devons agir avec humilité. Le français, en effet, n’est pas seulement notre langue, mais la cinquième langue la plus parlée dans le monde, avec 274 millions de locuteurs. En 2050, l’Afrique regroupera, à elle seule, 85 % des francophones ! Le futur centre devra donc être ouvert à toutes les cultures francophones.
Soucieux de la cohérence du discours adressé à celles et ceux qui souhaitent poursuivre leurs études du français et en français, je ne comprends pas, monsieur le ministre, le message très négatif que vous venez de leur envoyer en annonçant la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extérieurs à l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
L’une des grandes opérations de mécanique administrative pour l’année 2019 consiste dans le transfert de la gestion des emplois à trois opérateurs : le Centre des monuments nationaux, l’établissement public du domaine national de Versailles et l’établissement public du musée d’Orsay.
Je signale que l’absence de compensation de l’augmentation de la CSG et du GVT, le glissement vieillesse technicité, aurait coûté 2,2 millions d’euros à la Bibliothèque nationale pour maintenir sa masse salariale. Dans l’impossibilité de trouver ces financements, elle a été obligée de baisser ses effectifs, ce qui risque de dégrader le service.
Comme je suppose que le transfert de la gestion du personnel à ces trois nouveaux établissements publics se fera dans les mêmes conditions budgétaires, je crains vivement qu’il ne produise les mêmes effets… Cette façon de reporter sur les opérateurs la responsabilité des suppressions d’emplois est politiquement discutable et, malheureusement, compromet gravement les conditions du dialogue social à l’intérieur des établissements.
Une cinquantaine d’emplois seront transférés de l’administration centrale vers les DRAC. Si l’on ne peut s’opposer au renforcement des capacités de gestion et d’action des services déconcentrés du ministère de la culture, monsieur le ministre, la séquence difficile au cours de laquelle les moyens juridiques de l’architecte des bâtiments de France ont été considérablement amoindris, sous le regard passif de votre ministère, a montré qu’il était indispensable qu’une instance nationale continue d’assurer l’homogénéité des modes de gestion du patrimoine sur tout le territoire. Or je doute que l’administration centrale de votre ministère ait encore les moyens de cette politique.
Pour toutes ces raisons, et afin de vous alerter sur les risques qui pèsent sur votre ministère, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Culture » ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget s’inscrit dans la continuité des orientations de la politique du ministère, dont l’effort en faveur de l’éducation artistique et culturelle, ainsi que de la restauration du patrimoine, mérite d’être souligné.
La moitié des crédits du programme « Patrimoines » sont destinés aux grandes institutions muséales et patrimoniales, ainsi qu’à l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Deux grands chantiers de restauration, l’aménagement du Grand Palais et celui du château de Villers-Cotterêts, expliquent une hausse de plus de 100 millions d’euros des autorisations d’engagement. Nous veillerons à ce que calendriers et financements soient respectés.
Le loto du patrimoine a été pérennisé pour trois années, mais je m’interroge sur ses conditions de mise en œuvre. S’il a connu un réel succès de participation, avec 7 millions de tickets vendus, il existe un risque de rupture de confiance. En effet, les contributeurs ont été surpris de découvrir que, sur les quinze euros dépensés par ticket, 1,52 euro seulement bénéficierait réellement au patrimoine.
De fait, comme nos rapporteurs l’ont fait observer, sur les 200 millions d’euros de fonds collectés, seuls 21 millions d’euros reviendront à la Fondation nationale du patrimoine, compte tenu des contraintes légales et financières de l’opération.
Dès lors, monsieur le ministre, je m’interroge : ne serait-il pas plus efficace pour atteindre le but visé – financer la sauvegarde de notre patrimoine – d’encourager nos concitoyens à consentir des dons directement à des associations de gestion du patrimoine ?
J’en viens au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Il est doté de 1,2 milliard d’euros, un budget en hausse de 2 millions d’euros par rapport à cette année. L’action en faveur de la démocratisation et de l’éducation artistique et culturelle voit, elle, ses crédits progresser de 17 %, ce qui est très positif.
De cette action, le pass culture est une mesure emblématique. Cinq millions d’euros ont été consacrés cette année à la phase d’étude de son pilotage informatique. Le volet expérimentation mobilise désormais 34 millions d’euros, sans toutefois que l’on sache comment ces crédits seront ventilés.
En régime plein, le pass culture pourrait concerner jusqu’à 820 000 jeunes, pour un coût annuel de 400 millions d’euros. La question de son financement et des conditions de sa mise en œuvre à l’horizon de 2022 reste non tranchée à ce jour. Mon groupe veillera à ce que, sans dérive des coûts, le pass culture facilite l’accès réel de tous les jeunes à la culture, dans sa grande diversité.
En matière d’éducation artistique et culturelle, nous serons très attentifs à ce que la cible de 100 % soit atteinte en 2020. La part des enfants scolarisés ayant bénéficié d’une action subventionnée par le ministère a quasiment doublé entre 2016 et 2018, passant de 45 % à près de 80 %, ce qui est déjà très encourageant.
En ce qui concerne le programme « Créations », qui m’intéresse particulièrement en ma qualité de présidente du groupe d’études sur les arts de la scène, de la rue et des festivals en région, il sera doté de 782 millions d’euros. Malgré la stabilité du budget de ce programme, les signaux envoyés à la filière ne paraissent pas vraiment opportuns. Ainsi, aucun crédit n’est alloué au Centre national de la musique, pourtant annoncé depuis dix ans ; je voterai l’amendement que la rapporteur pour avis de la commission de la culture a déposé pour y remédier.
Par ailleurs, afin de continuer à favoriser la diversité culturelle, il est nécessaire de rétablir le crédit d’impôt sur le spectacle vivant dans sa version initiale.
Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !
Mme Françoise Laborde. S’agissant de l’emploi dans la création, la baisse des contrats aidés et des crédits du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle fragilise le secteur artistique.
Le Gouvernement compte beaucoup sur le mécénat pour contribuer au financement de la culture. Or la Cour des comptes, dans un rapport récent, épingle les services de l’État pour leur « gestion trop passive de cette dépense fiscale », se demandant même si « l’intérêt général reste la caractéristique majeure de l’engagement des mécènes », par rapport à des intérêts plus particuliers. En effet, 44 % des crédits bénéficient à seulement vingt-quatre très grosses entreprises. (Mme Sonia de la Provôté approuve.)
Ces critiques, sérieuses, doivent conduire à encadrer davantage le dispositif et à contrôler les entreprises mécènes. Cette évaluation doit être menée l’année prochaine ; elle fera l’objet de toute notre attention.
Monsieur le ministre, les surcoûts élevés liés à la nécessaire sécurisation des spectacles vivants et la prochaine disparition du Fonds d’urgence sont source d’inquiétudes. Je vous rappelle l’engagement pris de verser 300 000 euros aux cirques traditionnels pour compenser la chute de fréquentation et de chiffre d’affaires qui les a frappés après les attentats : j’espère qu’il sera tenu avant la fin de l’exercice 2018.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de la pérennisation du budget de la culture dans le projet de loi de finances pour 2019, l’ensemble des membres du groupe du RDSE votera les crédits de cette mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Claudine Kauffmann applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté.
Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, si le budget de la mission « Culture » sera en 2019 stable par rapport à 2018, il appelle, comme l’a justement fait observer la rapporteur pour avis de notre commission, Sylvie Robert, un certain nombre de remarques.
Sur la forme, tout d’abord, on constate des ajustements à la baisse, en ce qui concerne, par exemple, les bourses, l’enseignement supérieur culturel et le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle. Cela répond au souhait d’atteindre une plus grande sincérité budgétaire.
Dès lors, la contradiction est forte avec le fait qu’un certain nombre de dépenses prévisibles, mais encore peu précises, soient envisagées sur des crédits de gestion – Centre national de la musique, statut des enseignants des écoles d’art territoriales. N’apparaissant pas dans le budget, ces crédits échappent au contrôle parlementaire. Vous conviendrez, monsieur le ministre, que ce procédé doit rester exceptionnel.
Sur le fond, ensuite, certains points de vigilance évoqués lors de l’examen du budget 2018 restent en suspens. Parmi eux figure le pass culture, pour lequel 5 millions d’euros prévus cette année n’ont pas été dépensés. La dotation prévue pour 2019 est de 34 millions d’euros : il est difficile de mesurer et de comprendre la réalité du déploiement de cette somme.
Nous serons particulièrement attentifs à l’offre, pour garantir la diversité culturelle, à l’articulation avec les territoires, à la nature du contrat avec les partenaires privés – on nous parle désormais des banques – et à la nécessaire équité entre les jeunes, quels que soient leur lieu d’habitation et leur situation.
Le pass culture peut être un outil au service de la démocratisation et de l’équité culturelles, comme il peut en être le fossoyeur. Il est bien plus qu’une promesse de campagne ; c’est pour cela qu’il ne doit pas toujours être ramené à la promesse tenue, mais dépasser les contraintes politiques et de calendrier.
Le Centre national de la musique peine à voir le jour, après moult rapports. Il est pourtant vital pour la filière. Or, alors qu’il doit démarrer cette année, on ne voit pas de financements à la hauteur de ce grand projet.
C’est pourquoi, compte tenu des incertitudes pesant sur le pass culture, la commission de la culture a déposé un amendement visant à transférer 5 millions d’euros vers le CNM, dont la réussite dépendra de sa mise en route avec des fonds suffisants pour qu’il soit opérationnel.
S’agissant du plan « Conservatoires », nous avons déjà alerté sur l’insuffisance des crédits d’État à destination de ces lieux de référence, de ressources et d’excellence dans leur domaine. Ni les plans « Chorale » et « Orchestre à l’école » ni la volonté croissante d’ouvrir ces structures vers les territoires ne devraient nuire à leur mission première. Diversifier les actions nécessitera un effort budgétaire, faute duquel nous risquons de voir les missions se dégrader.
En ce qui concerne le budget 2019, de nouvelles interrogations se font jour.
La première porte sur les arts visuels et la place qui leur est réservée dans la politique culturelle. Peu de crédits sont dévolus au soutien à la production et à la diffusion des arts visuels – moins de 10 % des crédits du programme 131. Les arts visuels sont pourtant un secteur de forte créativité et d’attraction. La fréquentation des FRAC, par exemple, est en hausse ces dernières années.
Alors que les arts visuels jouent un rôle majeur dans les territoires, ils ne sont pas cités parmi les exemples relevant de l’enseignement artistique et culturel. Quant au Conseil national des arts visuels, il ne s’est pas réuni…
On le voit bien : les tiers lieux et les lieux alternatifs de création, très liés à cette discipline, n’ont jamais été aussi nombreux. C’est une marque de la vitalité créative de ces artistes et de ces collectifs. Monsieur le ministre, il est désormais nécessaire d’expliciter la feuille de route de cette discipline, comme c’est le cas pour les autres.
Une seconde interrogation concerne la déclinaison territoriale des politiques culturelles. Je formulerai plusieurs constats.
Tout d’abord, les territoires ne sont pas égaux face à la culture : de grandes disparités existent d’une région à l’autre, d’une DRAC à l’autre, et entre les territoires au sein même d’une région. Rapportées au nombre d’habitants, les dépenses culturelles varient du simple au double d’une région à l’autre !
Ensuite, tous les territoires ne sont pas en mesure de répondre aux appels à projets lancés par le ministère, faute d’information, de budget, d’ingénierie ou, tout simplement, de temps. Comme on dit communément, dans l’appel à projets, il faut entendre l’appel. Ce sujet est un fort facteur de discrimination entre les territoires.
Par ailleurs, la nouvelle donne budgétaire des collectivités territoriales, avec la contractualisation et le plafonnement des dépenses, vaut aussi pour les budgets culturels régionaux. Nous vous alertons sur la contradiction entre cette situation et la demande croissante de l’État de coconstruction avec les collectivités territoriales. Certes, celles-ci sont la clé pour que les droits culturels soient une réalité ; mais faut-il encore qu’elles en aient les moyens et que l’on les y autorise.
Enfin, on constate une certaine incohérence dans les crédits destinés à la politique territoriale. Ainsi, l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle voit ses crédits baisser de 8,3 millions d’euros, alors que ceux-ci sont censés financer le plan « Culture près de chez vous ».
Voyez-vous, monsieur le ministre, il est essentiel de clarifier la politique culturelle territoriale et ses critères de choix, car la fracture culturelle est avant tout une fracture citoyenne.
J’en viens à l’éducation artistique et culturelle, qui mobilise aussi le ministère de l’éducation nationale. Doté de 198 millions d’euros, ce budget doit faire l’objet d’une clarification de sa répartition entre les deux ministères.
L’éducation artistique et culturelle est une des clés de la réussite du pass culture : c’est elle qui construit le chemin de la connaissance et de l’appétence pour la diversité culturelle. Elle est un outil majeur pour fabriquer des citoyens éclairés.
Nous souhaitons que ce grand défi se traduise budgétairement l’année prochaine, pour chacun des axes de l’éducation artistique et culturelle, car nous considérons – vous en serez certainement d’accord, monsieur le ministre – que ni la culture ni l’éducation ne prédomine : solidaires, les deux dimensions doivent l’être aussi en montants budgétaires.
S’agissant, enfin, du patrimoine, Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, et moi-même ne pouvons que nous réjouir de le voir sortir des années de disette.
Le patrimoine suscite un engouement de la société civile, et chacun a pu s’en emparer. C’est une mobilisation citoyenne, comme en témoigne le succès du loto du patrimoine et de la mission de Stéphane Bern, ainsi que celui des Journées du patrimoine. À ce propos, monsieur le ministre, nous vous demandons de maintenir la disposition issue de l’amendement de la commission des finances voté à l’unanimité par notre assemblée mercredi dernier, afin de diriger les ressources fiscales du loto vers le patrimoine. Cela évitera les acrobaties de fin d’exercice que nous avons vues cette année…
Dans le même temps, le discours de l’État sur le patrimoine est pour le moins ambigu. Songeons, par exemple, à la discussion sur la loi ÉLAN en ce qui concerne le rôle des architectes des bâtiments de France. La politique patrimoniale s’est effacée devant d’autres considérations. Nous le regrettons d’autant plus vivement qu’elle est une politique d’attractivité, de lien social, d’aménagement et de revitalisation du territoire. Elle ne saurait être une variable d’ajustement !
Pour cela, elle doit être équitablement déclinée sur tous les territoires. Nous nous félicitons donc de la pérennisation du fonds incitatif créé pour les petites communes à faible potentiel financier. Louable, l’effort de diffusion vers les territoires n’en reste pas moins inférieur aux besoins. Il manque une visibilité, un calendrier, une cartographie, nous permettant de nous projeter sur un plan d’action sur tout le territoire français.
La déconcentration des crédits est nécessaire, partout où les besoins existent, car le patrimoine, c’est aussi le plus petit patrimoine, classé ou non : celui qui est le fruit de notre histoire et fait la valeur, l’image de nos communes.
Classés ou inscrits, 2 000 sites patrimoniaux sont en péril. Les protéger coûterait 2,5 milliards d’euros. Et que dire du patrimoine non inscrit, dont la valeur est intimement liée au territoire auquel il appartient ? Inventorier et hiérarchiser, c’est donner une vision claire du champ du patrimoine à accompagner, donc des ressources nécessaires.
Monsieur le ministre, le présent budget, s’il est plutôt positif, invite à franchir une nouvelle étape cruciale pour permettre à la culture et au patrimoine d’accompagner de façon équitable les territoires et les citoyens. Un gros travail doit accompagner les choix budgétaires, pour garantir leur redistribution juste et efficace sur le terrain. Les territoires, voilà l’enjeu !
Ces remarques formulées, le groupe de l’Union centriste votera les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, parce qu’elle incarne notre identité, nos valeurs et exprime une histoire personnelle autant qu’universelle, nous ne pouvons faire société sans culture. Dans un monde en pleine mutation, elle reste le trait d’union qui nous rassemble, à la fois point de repère et lieu de rencontre entre les territoires, les générations et les civilisations.
La mission « Culture » du projet loi de finances pour 2019 rassemble trois vocations au sein de trois programmes : le patrimoine, la création, la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. L’enveloppe totale s’élève à 2,7 milliards d’euros.
Si les crédits rattachés sont relativement stables, les plafonds d’emplois connaissent une forte diminution, de 59 équivalents temps plein, après une baisse de 41 équivalents temps plein cette année.
Le budget du programme « Patrimoines » traduit le lancement de grandes opérations de rénovation de monuments : la rénovation du Grand Palais et celle du château de Villers-Cotterêts, joyau de la Renaissance qui devrait abriter en 2022 la Cité de la francophonie.
Autre axe fort du programme : les produits du loto du patrimoine, très heureuse initiative, soit 15 à 20 millions d’euros voués à soutenir la réhabilitation du patrimoine en péril via un fonds confié à la Fondation du patrimoine. Nous souhaitons tous qu’il y ait une suite à ce programme.
Le programme « Création » soutient les actions relatives au spectacle vivant et aux artistes. Le maillage des 306 structures labellisées sera renforcé à travers une dotation de 1 million d’euros supplémentaires destinée à l’octroi de nouvelles labellisations.
Nous saluons la hausse des crédits en faveur de l’Opéra-Comique pour soutenir, après vingt-deux mois de rénovation, la réouverture de la célèbre salle Favart, qui pourra développer pleinement son projet artistique et culturel.
Nous soutenons le projet de Cité du théâtre, dont l’ouverture est programmée pour 2023. Avec un budget de 7 millions d’euros, le rassemblement de trois grandes institutions du théâtre sur le site des ateliers Berthier devrait donner un nouveau souffle à la création théâtrale au sein du quartier des Batignolles.
Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » connaît une augmentation de 21 millions d’euros en 2019, soit 1,7 % de crédits en plus.
Nous saluons la décision d’inscrire pour le pass culture non plus 5, mais 34 millions d’euros. En revanche, les modalités pratiques de mise en œuvre de ce dispositif sont encore floues. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous renseigner à cet égard.
Après l’expérimentation, qui concerne 10 000 jeunes, la généralisation de cette mesure n’est pas encore certaine, son financement encore moins. Le pass culture a pourtant une vocation sociale certaine en permettant aux jeunes de 18 ans de s’offrir des activités et des biens culturels. Je ne doute pas que vous saurez, monsieur le ministre, tirer profit de l’expérience italienne pour éviter les possibles dérives d’utilisation de ce bonus culturel.
Nous regrettons la baisse de 8,3 millions d’euros des crédits de l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, alors que le financement du plan « Culture près de chez vous » apparaît comme une priorité.
Par ailleurs, les coûts associés à la mise en place de mesures de sécurité ne semblent pas entièrement compensés par l’État, avec seulement 2 millions d’euros de crédits fléchés à cet effet, une somme trop faible au regard des coûts réels pesant sur les organisateurs.
Enfin, nous souhaitons attirer votre attention, monsieur le ministre, sur l’avenir et le développement du mécénat culturel en France. En effet, contrairement aux États-Unis ou à l’Allemagne, notre pays ne dispose pas d’un réseau de mécènes et de collectionneurs suffisant pour permettre au marché de l’art de se développer et aux artistes français de vivre décemment de leur activité, même si l’instauration d’un seuil de versement de 10 000 euros pour favoriser le mécénat des petites et moyennes entreprises représente une première avancée pour développer le soutien du secteur privé à la création.
Notre groupe votera les crédits de la mission « Culture », même si nous regrettons certaines baisses de crédits. Gardons à l’esprit que permettre à tous d’accéder et de participer réellement aux activités culturelles est une dimension essentielle de la promotion d’une société inclusive. Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes intimement convaincu. (Mme Françoise Férat et M. André Gattolin applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quel est le point commun entre le château de Suze-la-Rousse, le centre-ville historique de Colmar et le domaine de Chambord ? Protégés ou non, bien entretenus ou à restaurer, ces sites appartiennent à notre histoire, l’histoire de France, à nos racines, à notre patrimoine culturel.
Le patrimoine, comme la culture, les Françaises et les Français y sont très attachés. Près de 75 % de nos concitoyens, urbains et ruraux, sondés en juin dernier à la demande de Familles rurales, pensent même que son patrimoine, son histoire et sa culture constituent le principal atout de la France.
Le loto du patrimoine, qui a rencontré un succès incontestable auprès de toute la population, est un autre bel exemple de l’attachement des Françaises et des Français à la protection et la sauvegarde des monuments en péril, qui se comptent par milliers.
Vous l’avez compris, je vais évoquer le programme 175, « Patrimoines ». Ses crédits, dans la version du budget adoptée par l’Assemblée nationale, connaissent, à périmètre constant, une légère baisse, de 0,4 %, en crédits de paiement et une progression de 10,9 % en autorisations d’engagement.
Si l’on perçoit des efforts budgétaires sur quelques actions phares, le budget global adopté par l’Assemblée nationale stagne et n’est porteur d’aucune réelle ambition.
Pourtant, nous le savons, la politique patrimoniale est un enjeu culturel, bien sûr ; mais aussi économique et social : elle est essentielle pour recréer de l’attractivité économique et pour réduire la fracture territoriale entre les grandes métropoles et la France des petites villes et de la ruralité, en métropole comme en outre-mer.
La politique du patrimoine concerne tous les territoires. Élue d’un territoire rural, je puis vous assurer que notre patrimoine, pas toujours classé ou inscrit, est essentiel pour la vitalité et le dynamisme de nos communes.
Il est donc nécessaire de mener une politique plus ambitieuse dans ce domaine et de soutenir tous les acteurs qui permettent la sauvegarde et la mise en valeur de notre patrimoine : élus, fonctionnaires, opérateurs publics, architectes des bâtiments de France, DRAC, INRAP, associations et fondations. Maintenir leur présence au plus près des territoires est crucial !
Il convient aussi que le Gouvernement fasse preuve de cohérence. On ne peut pas, tout en affichant une volonté de faire de la protection du patrimoine un enjeu majeur de sa politique culturelle, remettre en cause la capacité d’intervention des architectes des bâtiments de France dans les sites patrimoniaux protégés, comme prévu dans la loi ÉLAN. Catastrophique pour la protection patrimoniale, cette loi nous ramène à des dispositifs antérieurs à la loi Malraux ! Ouvrant une brèche et créant un précédent délétère quant à l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France, elle mettra nécessairement en péril nos sites patrimoniaux remarquables.
Pour ce qui est du loto du patrimoine, nous nous réjouissons que le Sénat ait adopté à l’unanimité l’exonération des contributions à l’État, afin que la totalité des fonds recueillis aille véritablement au patrimoine, non à Bercy. Espérons que cette mesure soit maintenue par l’Assemblée nationale.
M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas sûr…
Mme Marie-Pierre Monier. Reste que le loto du patrimoine, s’il a permis d’apporter 20 millions d’euros à la Fondation du patrimoine, doit avoir pour vocation de compléter, et surtout pas de remplacer, un réel engagement de l’État.
Pour en revenir aux crédits du programme 175, nous saluons la hausse de la dotation de certaines actions. Ainsi, l’enveloppe destinée aux monuments historiques est enfin en hausse, de 3,8 %, après trois exercices de stagnation. Cet effort est à souligner, mais nous nous devons de rappeler la situation critique de ce secteur depuis plus de quinze ans. Réel, le rattrapage de 2019 est-il suffisant au regard des besoins de restauration des monuments nationaux, qui, nous le savons, sont criants ? Ce sont 2 000 sites qui sont aujourd’hui en péril !
En ce qui concerne le patrimoine archéologique, les crédits de paiement sont en hausse de 3,4 %. Depuis la budgétisation de la recherche archéologique préventive, en 2016, et l’octroi à l’INRAP, la même année, du bénéfice du crédit d’impôt recherche, cet établissement présente des budgets à peu près à l’équilibre. Mais convenons que la lisibilité politique sur ce budget n’est pas optimale.
Le crédit d’impôt recherche permet de compenser en partie le manque à gagner de la recherche archéologique préventive, mais le financement de l’INRAP reste précaire. Il serait opportun, à terme, que des ressources budgétaires pérennes identifiées permettent de financer l’archéologie préventive.
Pour le reste, nous sommes préoccupés par la baisse des crédits destinés aux musées : les crédits de paiement diminuent de 3,3 % ! Les dépenses d’intervention destinées aux actions en région sont également en baisse, de 1,7 %. Ce sont donc les musées de province qui seront touchés, à rebours du rééquilibrage des crédits en leur faveur annoncé en 2015. Ces musées sont pourtant indispensables pour l’accès de tous à la culture et constituent un atout important pour le développement touristique et économique de nos communes et de nos territoires.
Monsieur le ministre, le budget du programme « Patrimoines » est effectivement stabilisé, mais est-il à la hauteur des enjeux ? Là est la question ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les interventions des premiers orateurs, le pass culture s’est taillé la part du lion. Je tiens à remercier Catherine Morin-Desailly, présidente de notre commission, qui m’a confié la responsabilité d’animer un groupe de travail sur ce sujet, au sein duquel tous les groupes sont représentés. Nous travaillons dans un esprit tout à fait constructif et consensuel, puisque la culture nous rassemble.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Françoise Nyssen, a créé un comité d’orientation, qui s’est réuni trois fois, les 6 mars, 25 juin et 4 septembre de cette année. Le moins que l’on puisse dire, sans faire injure à sa volonté de faire avancer ce dossier, c’est que ce comité manquait de boussole et que nous sommes sortis de ces trois réunions sans savoir grand-chose de plus que ce que nous connaissions par les médias.
Sur ces entrefaites, vous êtes devenu ministre de la culture le 16 octobre dernier. Vous avez ensuite été auditionné par la commission de la culture le 14 novembre. Au cours de cette audition, monsieur le ministre, vous avez vous-même exprimé le besoin d’y voir plus clair et reconnu la nécessité de bien cerner ce beau projet avant de pouvoir vous exprimer plus avant, alors même que nous sommes aujourd’hui, quelques jours après, en plein examen du projet de loi de finances pour 2019.
Je vous remercie d’avoir permis à Éric Garandeau, qui est le président de l’association de préfiguration du futur pass culture, d’être auditionné par le Sénat, puisque cette audition avait préalablement été annulée par deux fois, y compris à la dernière minute. (M. le ministre opine.)
Lorsque M. Garandeau et son équipe sont venus nous expliquer plus précisément les contours de cette association de préfiguration et nous parler un peu de l’évolution du dossier, nous avons constaté que, là encore, il existait une grande volonté, beaucoup de compétences, mais que les choses étaient un peu plus floues sur le plan financier.
Comme l’a dit Sylvie Robert, en ce qui concerne le pass culture, nous passons de 5 millions d’euros en 2018 à 34 millions d’euros en 2019, ce qui n’est pas rien. Cette trajectoire budgétaire nous laisse entendre qu’il existe une réelle volonté de mettre en œuvre ce projet, et que sa montée en puissance devrait se faire plus rapidement.
Si nous n’avons pas d’informations plus précises, nous avons une préoccupation, exprimée préalablement par d’autres collègues, et sur laquelle je suis particulièrement vigilant, celle de ne pas déshabiller Paul pour habiller Jacques. En effet, nous avons de grandes craintes quant à la réalisation du projet de « maison commune de la musique ».
Lors de son audition devant notre commission de la culture, Roch-Olivier Maistre est venu dire exactement ce qu’il fallait dire sur la musique dans notre pays – c’est le musicien qui parle –, ce qu’elle peut y apporter, et le besoin absolu d’un tel projet.
Organiser des rentrées en musique est certes une excellente chose, mais le faire sans musicien intervenant dans les communes paraît plus compliqué. Derrière cette matière musicale, qui est très belle, on a besoin de compétences, de formations, mais également de moyens. Nous partageons donc la volonté d’assurer un égal accès de tous à la culture, d’éveiller le goût à la culture et de diversifier les pratiques culturelles.
Nous avons également d’autres craintes, que je souhaite exprimer en conclusion.
La première porte sur la protection des données personnelles dans le cadre du pass culture, dans la mesure où des données sensibles vont transiter sur une plateforme, ce qui peut se révéler assez risqué.
Je voudrais également dire, parce que le Sénat est l’assemblée des territoires, que nous nous inquiétons de la cohabitation entre ce pass culture et les projets similaires que certaines collectivités territoriales ont déjà lancés.
Le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission, monsieur le ministre, mais nous attendons dans les mois qui viennent des informations claires et précises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop souvent, les commémorations ne sont qu’une occasion de ressasser un passé glorieux pour tenter, un instant, d’oublier un présent peu engageant.
Cette année, le ministère de la culture vient assez discrètement de fêter le soixantième anniversaire de son existence et, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette presque vieille dame a rarement été aussi radieuse.
Lorsque, le 24 juillet 1959, André Malraux prit les rênes du tout nouveau ministère des affaires culturelles, un ministère taillé sur mesure pour lui par le général de Gaulle, ils étaient peu nombreux, y compris dans les rangs gaullistes, à croire en sa pérennisation au-delà de celui qui l’incarnait.
Et pourtant, aujourd’hui, en 2018, le ministère de la culture est toujours là, et bien là, avec un budget à un cheveu à peine du mythique objectif du 1 % du budget global !
Ce budget est en progression pour la seconde année consécutive et situe notre pays dans les premiers rangs européens en termes de dépenses publiques consacrées à la culture par l’État. Mais la valeur des politiques publiques engagées dans le domaine culturel ne saurait s’apprécier qu’à l’aune quantitative de son poids dans le budget de l’État, même si celui-ci ne doit naturellement pas être minoré.
Nous-mêmes, parlementaires, quelle que soit notre appartenance politique, sommes toujours tentés d’exiger plus et toujours plus sur tel ou tel domaine de l’action culturelle pour lequel nous nous passionnons.
D’abord parce que, au fil des décennies, l’État est de moins en moins l’acteur prédominant qu’il fut par le passé en matière d’investissement culturel, les territoires, en particulier les communes, occupent désormais une place majeure dans ce domaine. L’investissement privé, notamment au travers du mécénat, n’est pas non plus en reste.
La valeur des politiques publiques en matière culturelle repose tout autant sur leur dimension qualitative, à travers les missions et les objectifs que nous leur fixons.
Si le Président de la République, le Gouvernement et, bien sûr, vous-même monsieur le ministre, ont fait de la culture une priorité – objectif que je partage pleinement –, c’est qu’ils sont convaincus que celle-ci n’est pas qu’un vecteur majeur d’attractivité économique ou touristique, mais quelle est aussi et d’abord un outil de cohésion nationale, d’inclusion sociale et de lutte contre toutes les disparités, notamment territoriales.
La culture ne peut être cet outil d’une pleine citoyenneté intelligente et intelligible que si elle s’adresse véritablement à toutes et à tous.
Favoriser le dynamisme de la création artistique et culturelle dans notre pays, protéger, entretenir et enrichir notre patrimoine national, faire rayonner la culture française dans le monde, ce sont là trois des principaux objectifs assignés au ministère de la culture lors de sa création en 1959. Ils demeurent aujourd’hui, soixante ans après, toujours pertinents.
Comme je l’ai dit assez longuement ici même l’an passé, nous avons assez largement failli à mettre en œuvre une quatrième autre grande mission attribuée à ce ministère, à savoir celle d’assurer l’accessibilité de tous à la culture dans notre pays. Au sens démocratique du terme, c’est d’ailleurs la plus noble de toutes les missions assignées à la culture, mais c’est aussi la plus difficile à mettre en œuvre.
C’est précisément, et sans négliger les trois autres missions fondatrices du ministère de la culture, celle que la majorité issue des élections de l’an passé s’est fixée comme priorité.
Dans ce budget, la volonté politique d’affronter enfin le défi de l’accessibilité du plus grand nombre à une culture de qualité s’incarne notamment à travers une augmentation très sensible des crédits de soutien à la démocratisation de l’éducation artistique et culturelle : près de 200 millions d’euros y sont consacrés en 2019, contre seulement 119 millions d’euros en 2017, soit une augmentation de 56 % en deux ans.
La mise en œuvre de cette accessibilité accrue à la culture est bien loin de se résumer à ce seul investissement. Elle est désormais un axe transversal de presque toutes les autres missions assignées au ministère.
Par manque de temps, je ne pourrai pas détailler ici toutes ces initiatives. Je ne retiendrai donc que celles qui me semblent les plus emblématiques et les plus prometteuses.
La meilleure circulation sur tout le territoire des grandes œuvres que recèlent nos musées parisiens a déjà été engagée, tout comme la volonté de faire davantage tourner en France les spectacles mis en scène par nos grands théâtres nationaux. Par ailleurs, l’élargissement des horaires d’ouverture de nos bibliothèques et de nos musées dépasse aujourd’hui le stade de l’expérimentation.
Cette démocratisation de l’accès à la culture passe bien évidemment par davantage d’investissements de l’État dans nos territoires, car Paris a trop longtemps été privilégié dans ce domaine. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’accroître sensiblement les crédits déconcentrés, avec notamment le développement d’un fonds en faveur du patrimoine des petites communes, c’est-à-dire de celles de moins de 10 000 habitants.
En effet, l’objectif d’offrir un accès élargi aux richesses de notre culture passe par une plus grande équité territoriale – cela n’a pas toujours été le fort du ministère de la culture, il faut bien le dire, par le passé – et par une approche transversale, qui touche autant les actions consacrées à la création que celles qui sont dédiées au patrimoine.
À ce propos, je ne puis manquer d’exprimer ma satisfaction quant à l’engagement pris en faveur du lancement du projet de la cité de la francophonie de Villers-Cotterêts.
La réhabilitation du château de Villers-Cotterêts pour en faire un lieu consacré à la langue française et à la francophonie est loin d’être un projet de portée uniquement symbolique, qui aurait soudainement germé au sommet de l’État. Il répond en fait à une demande ancienne et au travail acharné de plusieurs associations locales que j’ai eu l’occasion de rencontrer, qui se sont mobilisées en sa faveur.
Enseignant depuis nombre d’années l’histoire des politiques culturelles en France, je puis vous garantir que les plus grands spécialistes s’accordent pour dire que l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui fut prise en 1539,…
M. Jean-François Husson. C’était hier ! (Sourires.)
M. André Gattolin. … constitue l’acte fondateur de toutes nos politiques publiques en matière de culture dans notre pays.
Notre langue est et reste notre principal patrimoine commun et le premier outil de circulation et de partage de notre culture. Elle mérite que l’on lui consacre un haut lieu dans ce pays, qui plus est, hors de Paris, dans cette petite ville des Hauts-de-France.
M. Antoine Lefèvre. Très beau département ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Gattolin. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le groupe La République En Marche votera avec un enthousiasme non feint (Exclamations ironiques.)…
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Mais un peu surjoué, tout de même !
M. André Gattolin. … en faveur des crédits de cette mission, conformément à ce que le Gouvernement propose ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Les places au Gouvernement sont chères, mais pas très intéressantes en ce moment, cher collègue !
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, selon André Malraux, « l’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme ».
La culture, en ce qu’elle favorise tant l’émancipation individuelle que collective, la tolérance, la cohésion et le vivre ensemble, constitue non seulement un droit fondamental, mais aussi un enjeu essentiel pour notre société, et plus que jamais dans le contexte actuel. Je rejoins à cet égard la demande de ma collègue Sylvie Robert concernant les droits culturels qu’il faut véritablement développer.
Aussi le budget de la mission « Culture » apparaît primordial. Vous vous félicitez, monsieur le ministre, de nous présenter un budget culturel conforté, marquant l’ambition du Gouvernement. Permettez-moi de modérer quelque peu votre satisfaction : dans sa globalité et en tenant compte de l’inflation, votre budget diminue en euros constants.
Les moyens dédiés au programme « Création » sont à peine maintenus pour la deuxième année consécutive et ceux qui sont dédiés à la transmission des savoirs et à la démocratisation culturelle, programme difficilement lisible eu égard aux transferts dont il fait l’objet, ne connaissent pas une bien meilleure évolution.
J’axerai mon propos autour de deux axes.
Tout d’abord, au sein du programme 224, l’action n° 01 consacrée au soutien aux établissements d’enseignement supérieur connaît une baisse de 3,7 %, ce qui suscite notre inquiétude. Aujourd’hui, cent établissements forment les artistes et les créateurs de demain. Sans eux, toute politique culturelle serait vaine.
L’action n° 08 dévolue au soutien à l’emploi dans le secteur culturel connaît un changement de périmètre. La répartition des crédits entre les différents objectifs s’y avère pour le moins opaque, rendant difficilement lisible l’évolution des financements. Néanmoins, le montant des crédits a chuté en AE pour être ajusté aux dépenses de 2018 après une seule année d’application du dispositif, et ce alors même qu’aucune évaluation n’a été menée pour permettre des ajustements adaptés.
Les arts visuels dans toute leur diversité sont les grands oubliés de ce dispositif. Il faudrait les intégrer ou les réintégrer, monsieur le ministre.
Par ailleurs, quelque 18 millions d’euros sont crédités cette année pour compenser les effets de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs, somme déjà budgétée en 2018, mais non versée ! Qu’en sera-t-il de la pérennisation de cette compensation ?
En outre, les négociations en cours sur l’assurance chômage concerne également l’indemnisation des intermittents : l’emploi du secteur culturel risque une fois de plus d’être fortement affecté !
Ensuite, la nécessaire sécurisation des lieux culturels et des festivals pèse lourdement sur leur budget. La circulaire Collomb prévoit que toute intervention en lien direct avec l’événement, dans le périmètre dit « missionnel facturable », est désormais à la charge de l’organisateur.
Ces dépenses mettent en danger la pérennité de certaines manifestations culturelles, notamment des festivals dont l’équilibre financier se révèle déjà précaire. Ces nouveaux coûts viendront s’ajouter à la fin de la prise en charge des frais de sécurité par le fonds d’urgence, hormis sa reconduction exceptionnelle en 2019 à hauteur de 2 millions d’euros.
Atout majeur pour la richesse culturelle et pour le développement économique local et touristique, les festivals doivent être soutenus financièrement par l’État, afin de permettre à la fois un accueil sécurisé du public et une trajectoire financière soutenable.
Enfin, je dirai un mot sur les crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle, qui sont en augmentation. Si nous pouvons nous réjouir de cette inflexion, nos interrogations demeurent nombreuses sur le dispositif central, le pass culture.
La phase d’expérimentation dans cinq départements, dont le mien (M. le ministre acquiesce.), est amorcée, mais c’est tout. On en est seulement à la création de la start-up d’État. La lutte contre les inégalités sociales et spatiales en termes d’accès à la culture ne pourra en tout cas se réduire à ce seul outil.
Bien que le budget stagne globalement, le groupe socialiste et républicain vous accorde sa confiance, monsieur le ministre, mais il sera très vigilant lors de la prochaine loi de finances ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Julien Bargeton, rapporteur spécial, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, le Sénat examine en ce moment le projet de loi de finances pour 2019.
Monsieur le ministre, il n’est pas facile pour les parlementaires que nous sommes d’amender un texte que l’administration fiscale aimerait bien déjà décidé, arbitré et conforme à ses souhaits !
Dans le premier volet de la discussion budgétaire, nous avons eu à lutter contre des réflexes prétendument comptables et hors-sol par rapport à la réalité du terrain. Je pense en particulier aux taxes affectées dans les secteurs de la mode, du cuir et des arts de la table.
Aujourd’hui, je m’adresse au ministre de la culture, dont je connais la sensibilité et l’intérêt pour les questions liées à la création et au patrimoine.
Tout d’abord, je vais profiter du temps de parole qui m’est imparti pour m’exprimer en tant que présidente du groupe d’études « Métiers d’art », sous l’œil bienveillant de la présidente Catherine Morin-Desailly, et évoquer l’importance pour notre pays de ces métiers. Je défends ainsi ces artisans, ces artistes présents dans tout le pays, en milieu rural comme en milieu urbain. Je sais pouvoir compter sur votre écoute, monsieur le ministre.
Les métiers d’art sont l’héritage de savoir-faire précieusement élaborés au fil des siècles. Ils offrent une palette de 281 activités. La France compte près de 40 000 entreprises spécialisées dans les métiers d’art et près de 60 000 professionnels. Plus de 99 % de ces entreprises sont de très petites entreprises, essentiellement des ateliers et des petites manufactures. Ces structures sont fragiles, précieuses et détentrices d’un savoir-faire rare.
À ce titre, le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, le CIMA, permet d’encourager la création artisanale d’excellence en allégeant ses coûts, notamment salariaux. Le label « Entreprise du patrimoine vivant » permet également de bénéficier d’un crédit d’impôt.
S’il faut pérenniser ces dispositifs, il faut aussi valoriser ces métiers pour susciter des vocations, et ainsi permettre d’assurer une transmission des qualifications et une reprise des ateliers. Il s’agit de promouvoir des formations d’excellence reconnues à l’échelle nationale et internationale et, bien sûr, de développer l’apprentissage, afin de rendre attractifs ces métiers pour les jeunes, développer des compétences et faciliter la polyvalence dans les ateliers.
Dans un second temps, je voudrais évoquer le patrimoine architectural, l’un des piliers de la politique territoriale du ministère de la culture et, plus précisément, le patrimoine parisien qui est en mauvais état.
Nous savons qu’un montant important de crédits du programme « Patrimoines » sera alloué en autorisations d’engagement au projet de rénovation du Grand Palais. Toutefois, l’état d’autres édifices est préoccupant dans la capitale ! Qu’en est-il par exemple de la façade du Panthéon ou des arcs-boutants de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui menacent de s’effondrer ?
Monsieur le ministre, ce patrimoine parisien représente l’histoire de Paris. Il est notre mémoire collective. Nous avons le devoir de le conserver et de le restaurer. Il est la vitrine de Paris et de la France pour tous les touristes que nous accueillons. Je rappelle que 87 millions de touristes internationaux ont visité notre pays l’an dernier.
Ce patrimoine parisien, ce sont tous nos métiers d’art et nos artisans qui le conservent et le restaurent. Et ces activités sont source d’économie et d’emplois. Je fais donc appel solennellement à vous pour aider ces hommes et ces femmes qui valorisent par nature la beauté et l’originalité, au travers des objets et des œuvres qu’ils créent, du patrimoine mobilier et architectural qu’ils contribuent aussi à entretenir et à sauvegarder.
Alors que notre pays traverse une crise inédite et qu’un symbole comme l’Arc de Triomphe a été souillé il y a quelques jours,…
M. Charles Revet. C’est scandaleux !
Mme Catherine Dumas. … nous avons le devoir de préserver nos savoir-faire et de transmettre un patrimoine restauré à ceux qui feront la France de demain.
Je sais que vous serez sensible à mes propos, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, la culture est une priorité, une chance pour tous, un vecteur d’épanouissement, d’émancipation et de tolérance.
Il est essentiel de garantir les conditions d’un égal accès à la culture dans tous les territoires et, en particulier, dans les territoires ruraux, en veillant à ce que la politique culturelle se fasse en collaboration entre l’État et les collectivités.
Bien que les crédits budgétaires affectés à la culture représentent 0,98 % du budget de l’État en 2019, soit moins que le symbolique « 1 % culture », le niveau de crédits de la mission sera relativement stable, avec 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement.
Je note l’effort de ce budget qui traduit la volonté de renforcer l’ancrage des politiques culturelles en région. Vous déconcentrez les crédits, afin de répondre au mieux aux réalités locales. Je suis agréablement surprise de lire que ces crédits déconcentrés atteindront 849 millions d’euros, soit une hausse de 30 millions d’euros, après avoir déjà été augmentés de 30 millions d’euros cette année.
On constate que ce budget est le fruit d’une ambition, celle de favoriser la cohésion sociale et le dynamisme économique des territoires, un sujet primordial, tant le tourisme et la culture prennent une part importante dans l’économie nationale et locale, mais aussi dans le rayonnement de la France à l’international.
Avec 1,29 milliard d’euros de crédits en autorisations d’engagement pour 2019, ce budget met l’accent, comme l’an dernier, sur le programme 224. La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture seront donc les fers de lance de la politique du ministère, avec la volonté d’offrir à tous un accès à la culture, notamment pour la jeunesse via l’école et le pass culture.
Attention toutefois à ce que les coûts élevés d’un tel dispositif ne nuisent pas au financement des actions traditionnelles en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Il faut aussi être vigilant à ce que ce dispositif n’accroisse pas davantage les inégalités entre territoires urbains et territoires ruraux.
Le bon niveau de fréquentation des établissements culturels cette année leur a permis de disposer de ressources propres plus élevées.
Le succès du loto du patrimoine a participé à la sensibilisation du grand public à la sauvegarde du patrimoine, et a créé un élan de solidarité à l’heure où nombre d’églises, de villas historiques et de monuments de grande valeur tombent malheureusement en état de délabrement dans nos communes, car ils sont très chers à entretenir. Ce sont 20 millions d’euros qui devraient être transférés à la Fondation du patrimoine pour financer les 269 projets sélectionnés par la mission Bern, en espérant que les nouvelles éditions de ce loto, prévues en 2019 et en 2020, soient effectivement pérennisées.
Espérons également que la revalorisation de 5 millions d’euros des crédits déconcentrés inscrits pour les fouilles archéologiques en région empêche cette pratique courante, que l’on connaît, qui consiste à utiliser les crédits initialement consacrés au patrimoine monumental pour l’archéologie préventive.
Néanmoins, ces bonnes nouvelles ne doivent pas faire oublier quelques inquiétudes au sujet des nombreux projets immobiliers du ministère de la culture et de ses opérateurs, qui ne sont pas tous financés, ainsi que la difficulté que risquent de rencontrer ces opérateurs face à des dotations stables, alors même que leurs charges augmentent toujours plus.
Je souligne également la baisse de 3,3 % des crédits alloués aux musées et la diminution de 17 % des crédits consacrés aux archives.
Je me réjouis de l’ouverture de la nouvelle action Langue française et langues de France, qui, avec 3,2 millions d’euros de crédits, dispose de presque autant de moyens que le programme « Action culturelle internationale ».
En effet, comme le rappelait l’historien Hervé Luxardo, la langue française est aujourd’hui concurrencée sur trois fronts : les langues régionales, qui sont réellement une partie de l’identité linguistique de la France, et qu’il serait incohérent de combattre ; les langues allogènes, qui commencent à s’installer dans certains quartiers et affaiblissent le sentiment d’appartenance à la Nation ; enfin et surtout, l’anglicisme, oral ou sur divers supports, qui se voudrait décontracté et universel, coupant un peu plus la population de ses racines.
Nommer en anglais ce qui a un nom en français n’améliore pas la qualité de ce que l’on désigne. Et c’est mépriser notre langue et notre culture.
Mes chers collègues, malgré quelques points d’attention sur la manière dont ont pu être répartis ces crédits, ainsi que sur les conséquences encore mal évaluées de dispositifs nouveaux, le budget alloué à la culture reste stable et va dans le bon sens.
Il est important de soutenir l’effort du ministère de la culture dans sa démarche, monsieur le ministre. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, et M. Claude Kern applaudissent également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.)
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture – chère Catherine Morin-Desailly –, messieurs les rapporteurs spéciaux – cher Julien Bargeton, cher Vincent Éblé –, madame et monsieur les rapporteurs pour avis – chère Sylvie Robert, cher Philippe Nachbar –, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, aujourd’hui, c’est un budget consolidé que je viens vous présenter, un budget dont les crédits de paiement, hors pensions, progressent de 7 millions d’euros par rapport à 2018, pour atteindre plus de 3,6 milliards d’euros. Nous pouvons nous en réjouir !
Toutefois, derrière ce budget pour 2019 du ministère de la culture, il y a plus que des chiffres. Il y a des convictions, des ambitions et, je dirai même, une certaine vision du rôle de la culture dans la France du XXIe siècle, un rôle d’émancipation et d’intégration.
C’est pourquoi la culture se trouve au cœur du projet du Gouvernement de transformation de notre pays, celui que nous portons avec le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement.
J’en suis convaincu, si elle n’est pas la seule, la culture est assurément une des réponses majeures aux fractures, aux cassures, aux divisions qui fragmentent notre société.
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Franck Riester, ministre. Si la République est une et indivisible, si la France est un tout, c’est grâce à sa culture. Elle est ce qui nous rassemble, ce qui nous tient ensemble, ce qui nous relie, ce qui nous unit.
La culture, c’est ce beau qui nous dépasse, nous accompagne et nous aide à vivre ; ce sont tous ces artistes et tous leurs chefs-d’œuvre que nous admirons ; c’est aussi cette langue, notre langue, que nous parlons, écrivons, disons, et que nous nous approprions.
Pour toutes ces raisons, la culture appelle, de notre part, un engagement de chaque instant !
Chaque Français doit pouvoir la partager, la rencontrer. Chaque Français doit pouvoir être en contact avec l’art et avec les artistes. Oui, la rencontre avec la culture est un droit, que chacun doit être en mesure d’exercer, qu’il habite en Mayenne ou à Cayenne,… (Exclamations admiratives.)
M. Roger Karoutchi. Joli !
M. Franck Riester, ministre. … qu’il habite dans le Gard ou rue de Vaugirard ! (Mêmes mouvements.)
La politique culturelle que nous menons est ancrée dans nos territoires. Certains ont trop souvent été délaissés au profit de la capitale, chère Catherine Morin-Desailly. Nous allons y remédier, et le budget pour 2019 va nous y aider.
Vous connaissez mon expérience d’élu local, cher Vincent Éblé. Il n’y a nul besoin de me convaincre de la complémentarité entre l’action de l’État et celle des collectivités territoriales ! Notre politique culturelle part d’initiatives locales, au niveau des territoires, appuyées et confortées par la puissance publique. Cette coopération est indispensable ; elle est une chance.
De cette chance, je tire une conviction : pour que notre action bénéficie aux territoires, il faut que les moyens soient gérés au plus proche de ces derniers. Ainsi, en 2019, la part des crédits déconcentrés augmentera à nouveau de 30 millions d’euros. En deux ans, les moyens gérés par les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, auront progressé de 8 %. Dans la même logique, leurs effectifs seront sanctuarisés.
Ces moyens accrus renforceront notre soutien au patrimoine. Celui-ci est partout, dans nos villes et dans nos campagnes, en outre-mer et dans l’Hexagone. Il représente une formidable porte vers la culture.
Les crédits d’entretien et de restauration de monuments historiques seront sanctuarisés. Cela revient à 326 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui permettront de financer plus de 6 000 opérations partout en France métropolitaine et en outre-mer. Je suis fier de le dire, ce budget est dirigé à plus de 85 % vers des monuments en région.
Nous accompagnerons également, l’année prochaine, la croissance du fonds en faveur des collectivités à faibles ressources. Ce fonds a permis de lancer en 2018 plus de 150 opérations de restauration, mobilisant les acteurs locaux, avec la participation de quasiment toutes les régions.
À ces dispositifs, s’est ajoutée cette année, vous en avez parlé les uns et les autres, l’opération du loto du patrimoine, qui a suscité une mobilisation exceptionnelle des Français, un véritable engouement. Les recettes pour la Fondation du patrimoine devraient avoisiner, en net, les 20 millions d’euros.
Comme cela a été rappelé, avec Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, nous avons décidé d’accompagner cet élan populaire engagé par Stéphane Bern, avec un déblocage de 21 millions d’euros supplémentaires pour sauver les monuments en péril dès la fin de la gestion 2018.
Nous évaluerons le dispositif du loto du patrimoine, afin de voir s’il convient de le pérenniser. J’ai évidemment constaté l’engouement des Français, et j’ai entendu vos remarques, mesdames, messieurs les sénateurs, qui allaient toutes dans le sens d’une telle pérennisation. Le choix d’abonder les sommes récoltées à cette occasion mérite également d’être réfléchi dans ce cadre.
Même si je comprends bien l’intérêt de l’amendement voté par le Sénat pour exonérer ce loto de taxes versées au budget général, et le volontarisme politique présent derrière un tel vote, je signale que cette taxation fait partie du fonctionnement normal de la Loterie nationale et qu’elle était prévue dès le lancement du l’opération en 2018.
Pour autant, le message sous-tendu – il est le même que celui que Gérald Darmanin et moi-même avons voulu faire passer en accompagnant, par un abondement, l’enthousiasme des Français – entrera également dans le cadre de notre réflexion sur l’éventuelle pérennisation du loto du patrimoine.
Il existe un autre outil essentiel pour soutenir notre patrimoine, c’est le mécénat. Un quart des dons déclarés en France en 2017 bénéficient à la culture et au patrimoine. Ces dons constituent un outil exceptionnel au service du patrimoine et, plus largement, de la création et de la culture. Comme toute dépense fiscale, le mécénat culturel mérite d’être évalué. Toutefois, et je sais que vous en êtes totalement convaincus, ne cassons pas un outil fondamental pour la culture !
L’accès à la culture passe aussi par l’accès aux œuvres et aux artistes, qui, trop souvent, sont cantonnés dans les grandes villes. Nous aiderons les brassages, les dynamiques territoriales avec le deuxième acte du plan « Culture près de chez vous », qui sera modifié dans un certain nombre de ses fonctionnements. Ce plan bénéficiera directement aux territoires et ce ne sont pas moins de 6,5 millions d’euros qui seront mobilisés à cet effet en 2019.
L’accès à la culture passe également par l’accès aux bibliothèques – un projet qui, comme vous le savez, est important aux yeux du Président de la République.
Les bibliothèques sont aussi nombreuses que les bureaux de poste. Elles maillent le territoire et forment le premier réseau culturel de proximité, cette tête de pont de la culture dans les territoires. Nous aiderons les collectivités à les ouvrir plus et mieux. Pour cela, nous travaillerons en concertation avec elles et en fonction des réalités de chaque territoire. Bien évidemment, personne ne connaît mieux les territoires que les élus, d’où cette volonté de mener le projet en partenariat avec eux, mais aussi avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous dénombrons déjà 265 bibliothèques accompagnées dans l’aménagement de leurs horaires, avec une extension moyenne de six heures par semaine. Ce n’est qu’un début, je l’espère. Ainsi, 2 millions d’euros de crédits additionnels seront engagés pour poursuivre cet effort, accompagner les nouveaux usages et offrir de nouveaux services.
Il ne suffit pas de combattre les inégalités territoriales en matière d’accès à la culture ; nous devons les affronter là où elle se forme, dès le plus jeune âge : à l’école. Avec Jean-Michel Blanquer, en lien avec nos partenaires, je fais de l’éducation artistique et culturelle un devoir pour l’école de la République. D’ici à 2022, chaque enfant rencontrera des œuvres et des artistes dès l’âge de trois ans. Pour faire de cet objectif une réalité, quelque 145 millions d’euros lui seront dédiés l’année prochaine – c’est deux fois plus qu’en 2017.
S’agissant du pass culture, évoqué par de nombreux orateurs, j’ai entendu les questionnements et les inquiétudes, qui sont légitimes. J’ai associé au projet – et je le ferai encore davantage dans l’avenir – les collectivités, les artistes, les opérateurs culturels et les futurs bénéficiaires.
Le pass culture a été pensé comme un levier des politiques territoriales de la culture – de nombreuses expériences, cela a été rappelé, sont déjà conduites dans les collectivités territoriales, en particulier à l’échelle des régions – et comme un moyen d’ouvrir aux jeunes les portes de nos institutions culturelles, de favoriser leurs pratiques des arts sur l’ensemble du territoire.
Je suis donc très heureux de vous annoncer que la première vague d’expérimentation débutera le 1er février auprès de 10 000 jeunes sélectionnés sur la base du volontariat dans cinq départements. Dans le courant de l’année 2019, une deuxième vague sera mise en place, suivie, peut-être, d’une troisième, dans le cadre de la montée en puissance du dispositif, qui se fera en associant des territoires différents.
Comme cela a été évoqué en commission, une enveloppe de 34 millions d’euros sera réservée à ce projet en 2019.
Je vous propose de rencontrer les députés et les sénateurs qui le souhaitent – notamment les membres du groupe de travail qui a été mentionné –, en lien avec Mme la présidente de la commission, au cours de la première quinzaine de janvier, c’est-à-dire avant le début de l’expérimentation. Je serai alors en mesure de vous indiquer comment le dossier aura progressé depuis vos échanges avec M. Éric Garandeau, le représentant du pass culture. Vous disposerez ainsi de tous les éléments d’information concernant cette expérimentation débutant le 1er février 2019.
Puisque j’évoque la jeunesse, j’en profite pour rappeler l’importance des 99 établissements d’enseignement supérieur rattachés au ministère.
Ces derniers accueillent près de 37 000 étudiants et emploient plusieurs milliers d’enseignants. Leurs moyens de fonctionnement sont préservés en 2019. Ils bénéficieront de plus de 15 millions d’euros de crédits d’investissement, pour des opérations structurantes comme celles des écoles d’architecture de Marseille, de Toulouse ou du conservatoire de Paris, pour n’en citer que quelques-unes. De nouvelles opérations seront également engagées, comme à Cergy. Ces établissements forment nos artistes de demain et, bien évidemment, des dispositifs de bourse sont prévus, notamment pour les étudiants étrangers.
Pour permettre à tous un égal accès à la culture, il faut soutenir celles et ceux qui la font vivre : les artistes.
Parce qu’il n’est pas de culture sans création, les crédits consacrés à cette dernière seront sanctuarisés. Dans l’attribution de ces crédits, mon ministère restera fidèle à ses valeurs : il sera attentif à favoriser l’émergence de nouveaux talents, à accompagner les artistes dans leur projet, à élargir les publics en améliorant la diffusion des œuvres, notamment dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires.
Des crédits de 706 millions d’euros seront consacrés au spectacle vivant. Dans le même temps, 1 million d’euros supplémentaires abondera le budget dédié aux structures labellisées et 500 000 euros iront à des projets relevant de l’économie sociale et solidaire dans le champ de la création artistique. Le soutien aux arts visuels sera, quant à lui, accru pour atteindre 75 millions d’euros. Le centre national des arts visuels devrait normalement être créé par un décret dès demain et prendre forme au tout début de l’année prochaine.
Parce qu’il n’est pas de création sans créateurs, nous continuerons à soutenir l’emploi dans le secteur culturel.
Le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle sera prolongé au-delà de 2018. Le niveau des crédits de ce dispositif, encore mal connu, a été adapté au rythme de consommation. Et, comme je l’ai dit en commission, il pourra être modulé à la hausse, si besoin, en 2020 pour accompagner ce nécessaire mouvement de pérennisation des emplois.
Le ministère aura également à cœur de poursuivre le travail engagé avec les représentants des artistes-auteurs pour mieux les protéger.
Parce qu’il n’est pas non plus de création sans lieu de création, compte tenu des dépenses de sécurisation des sites et événements culturels qui, dans le contexte sécuritaire actuel, pèsent lourdement sur tous les acteurs, un montant de 2 millions d’euros sera pérennisé à compter de 2019, afin d’alléger la facture liée à ces dépenses, dans la continuité du fonds d’urgence créé temporairement à compter de 2016.
Je serai attentif à la question du coût de la mobilisation des forces de l’ordre, qui peut créer des difficultés pour certaines structures organisatrices de festival – nous en avons discuté en commission le 14 novembre dernier. Dans le soutien à la création, comme dans le combat pour l’accès à la culture, mon engagement sera total !
Je voudrais, enfin, apporter quelques réponses aux questions qui m’ont été posées.
Le Grand Palais – une opération inscrite dans la partie financée sur les programmes d’investissement d’avenir, ou PIA – ne verra pas les premières dépenses décaissées avant 2021, a priori. Les crédits fléchés vers le Grand Palais seront donc précisément mentionnés dans le plan 2020-2022.
Je reviendrai sur la question du CNM, le Centre national de la musique, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Vous savez l’engagement total qui est le mien pour la création de ce centre. Certes, celle-ci donnera lieu à une décision de gestion, mais je vous garantis que la structure disposera, en 2019, des moyens permettant sa création et son début de fonctionnement. Il reste beaucoup de travail à faire avec les partenaires de ce projet, en lien, bien évidemment, avec les parlementaires.
Le dossier de Villers-Cotterêts progresse. Sur les deux quadrilatères du site, le plus petit – là où se trouvait la résidence royale – se voit accorder un budget de 710 millions d’euros pour sa restauration et l’installation du laboratoire de la francophonie, qui doit être un formidable outil au service de la langue française et de la francophonie. Tout avance très positivement, donc, en lien avec le Centre des monuments nationaux, qui est le maître d’ouvrage de ce projet.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Franck Riester, ministre. S’agissant de l’Arc de Triomphe, nous avons tous évidemment été très choqués par les images que nous avons pu voir. Je m’y suis rendu, ainsi qu’au Jardin des Tuileries et au Jeu de paume, dès dimanche matin, pour constater sur place les dégâts et pour exprimer toute ma solidarité et mon soutien aux personnels, qui ont été particulièrement marqués – les Français l’ont été, mais les personnels l’ont été encore plus.
Sachez que, avant même la fin de l’année, une somme de 500 000 euros sera octroyée au Centre des monuments nationaux pour accompagner la restauration, la plus rapide possible, de l’Arc de Triomphe, avec un objectif de réouverture au début de la semaine prochaine.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce budget 2019 pour la culture n’est pas juste un budget de plus ! En effet, nous ne pourrions nous contenter d’un budget de plus à la veille du soixantième anniversaire du ministère ! J’aurai d’ailleurs l’occasion de vous préciser le dispositif proposé par le ministère pour cet anniversaire. J’y travaille avec mes équipes et, évidemment, le Sénat sera associé à cet événement.
La culture mérite plus ! Les Français méritent plus ! Ils méritent notre détermination totale – je sais qu’elle l’est de votre côté.
Je remercie sincèrement tant les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis que la très grande majorité des sénateurs de leur soutien à l’effort budgétaire du Gouvernement sur la mission « Culture ». Cet effort traduit notre ambition ; c’est une sorte d’obstination collective ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Culture |
3 097 070 478 |
2 930 346 124 |
Patrimoines |
1 047 724 748 |
911 051 323 |
Création |
781 027 672 |
779 445 523 |
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
1 268 318 058 |
1 239 849 278 |
Dont titre 2 |
703 902 325 |
703 902 325 |
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-138, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Patrimoines |
17 000 000 |
|
17 000 000 |
|
Création |
17 000 000 |
|
17 000 000 |
|
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture dont titre 2 |
|
34 000 000 |
|
34 000 000 |
TOTAL |
34 000 000 |
34 000 000 |
34 000 000 |
34 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement, mes chers collègues, est un peu radical, comme le sont souvent les propositions qui émanent de ce côté de l’hémicycle ! Il tend à supprimer le pass culture. En effet, nous nous inquiétons de ce que, à plein régime, ce dispositif coûtera, chaque année, 450 millions d’euros au ministère de la culture.
Je vous ai montré, monsieur le ministre, dans une démonstration qui, me semble-t-il, était claire, que votre budget comprenait un certain nombre d’impasses budgétaires. Vous devrez, l’année prochaine et, encore plus, l’année suivante, consacrer des sommes importantes à certains monuments historiques et à d’autres dossiers. Je ne vois sincèrement pas où vous pourrez trouver ces 450 millions d’euros en année pleine.
Je pose donc la question : est-il vraiment raisonnable, après avoir déjà dépensé 5 millions d’euros pour un test, de consacrer 34 millions d’euros à une expérimentation, sachant qu’il faudra peut-être, à la suite de cela, engager la même somme d’argent pour confirmer cette expérimentation, le tout pour aboutir au constat final que nous ne disposons pas des 450 millions d’euros ?
Ne vaut-il pas mieux s’arrêter à l’étape du test et accepter l’idée que, malheureusement, le ministère de la culture n’a pas les moyens de l’ambition de M. Macron ?
Mme la présidente. L’amendement n° II-336, présenté par Mme S. Robert, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
+ |
- |
+ |
- |
||
Patrimoines |
|
|
|
|
||
Création |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
||
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture dont titre 2 |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Sylvie Robert, rapporteur pour avis. Au regard de celle de mon collègue Pierre Ouzoulias, ma proposition risque de paraître « petit bras » ! (Sourires.)
Cet amendement a pour objet de transférer une somme de 5 millions d’euros du programme 224 – plus précisément du budget du pass culture – au programme 131, pour abonder les crédits du CNM.
Nous avons beaucoup parlé du Centre national de la musique lors de votre audition, monsieur le ministre. Vous nous avez assuré que vous trouveriez 5 millions d’euros en crédits de gestion. Vous savez fort bien, parce que vous connaissez le sujet, que cette somme ne suffira pas pour mettre cette structure à flot.
Les 5 millions d’euros supplémentaires proposés dans le présent amendement permettront-ils d’atteindre cet objectif ? Je l’espère. En tout cas, ils constitueront déjà un apport important pour les projets de l’observatoire de la musique et du centre de ressources.
Il en faudra encore un peu plus, l’année prochaine, pour espérer voir le CNM naviguer, pour le mettre en capacité d’exercer ses missions, qui, nous le savons, couvriront un périmètre élargi, notamment avec les questions de gouvernance.
La commission de la culture n’entend vraiment pas déshabiller Paul pour habiller Jacques ! Nous avons exprimé nos réserves sur le pass culture ; j’ai indiqué, dans mon intervention, que nous vous faisions confiance pour que tous les écueils soient évités.
Toutefois, prendre 5 millions d’euros sur le budget de 34 millions d’euros affecté à une expérimentation qui devait commencer cet automne, mais ne commencera officiellement que le 1er février ne mettra pas en péril le lancement du pass culture.
En revanche, pour l’ensemble de la filière musicale, avec les 5 millions d’euros de crédits de gestion que vous nous avez promis, additionnés aux 5 millions d’euros pris sur le pass culture, avec ces 10 millions d’euros, monsieur le ministre, on peut mettre à flot le CNM, un outil qui a été réfléchi, travaillé et négocié par tous les professionnels depuis plusieurs années. Et nous verrons, l’année prochaine, comment le faire bien naviguer !
J’espère donc, mes chers collègues, que nous allons voter cet amendement. Il y va de la structuration de la filière et, surtout – je terminerai par une expression qui a été employée par de nombreux orateurs –, de la diversité musicale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. Sur l’amendement n° II-138, l’avis de la commission sera défavorable. Cela ne vous surprendra pas, monsieur Ouzoulias, s’agissant d’un amendement tendant à supprimer le dispositif du pass culture. Vous retirez les 34 millions d’euros et les ventilez sur deux programmes, sans, d’ailleurs, préciser les actions concernées.
Cette expérimentation nous apparaît nécessaire pour voir comment le dispositif va être utilisé, comment les jeunes vont se l’approprier. Il concernera 10 000 jeunes dans 5 départements : la Guyane, l’Hérault, la Seine-Saint-Denis, le Bas-Rhin…
Mme Maryvonne Blondin. …et le Finistère !
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. C’est exact, ma chère collègue ! À partir de là, nous envisagerons la suite.
J’indique, pour conclure, que les crédits n’ont pas été pris sur d’autres programmes ; ils ont été ajoutés au budget de la mission en vue du lancement de ce pass culture.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° II-138.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Comme l’a observé notre collègue Sylvie Robert, l’amendement n° II-336 est moins radical, puisqu’il ne vise à ponctionner que 5 millions d’euros sur les crédits du pass culture. Sans remettre en cause la phase d’expérimentation qui s’engage, il tend à financer une mission qui nous paraît tout à fait utile, celle de préfiguration du Centre national de la musique.
La commission, sur cet amendement, a donc décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Encore une fois, c’est une expérimentation que nous envisageons de mener sur le pass culture. Il me semble important d’essayer de créer cette application, qui permettra, en tout cas je l’espère, aux plus jeunes et, peut-être à terme, à tous les Français d’accéder via un dispositif moderne de géolocalisation aux offres culturelles situées à proximité.
Si, en plus, il peut y avoir, dans le processus d’« autonomisation culturelle », si je puis dire, de ces jeunes citoyens, un accompagnement financier destiné à ceux qui en ont le plus besoin, cela me paraît aller dans le bon sens.
Dès lors qu’il s’agit d’une application, d’un nouveau dispositif très innovant, nous revendiquons le fait que tout ne sera pas parfait du jour au lendemain. Il y aura des points à améliorer, à conforter. Peut-être même y aura-t-il des bugs, des biais… C’est tout l’objectif de l’expérimentation de les déceler et les traiter. N’importe quelle application sur nos smartphones ou sur internet connaît des phases de montée en puissance ou de mise à jour. C’est l’esprit même de ces services innovants que de s’inscrire dans un processus d’amélioration continue.
Nous partons donc sur une version beta pour, ensuite, – c’est pourquoi j’ai évoqué dans mon intervention une ou deux étapes supplémentaires en 2019 – faire monter en puissance le dispositif.
Puis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinerons le dossier en toute transparence ! Nous regarderons quel en est le coût ; si, oui ou non, le pass culture satisfait les attentes des jeunes ; si, oui ou non, on les atteint tous, notamment ceux qui sont le plus éloignés des offres et pratiques culturelles ; si, oui ou non, on articule bien le dispositif avec ceux qui sont mis en place par les collectivités territoriales, les associations, les offres privées ; si, oui ou non, on touche toutes celles et ceux qui proposent des pratiques culturelles – je pense, par exemple, aux professeurs de musique.
En d’autres termes, nous verrons si le dispositif est à la hauteur de nos ambitions collectives ou pas, et nous prendrons une décision.
Il n’est, bien évidemment, pas envisageable d’avoir un budget de 450 millions d’euros, à terme. Le dispositif, tel que nous l’imaginons, prévoira des partenariats avec des entreprises et des établissements culturels. Une partie des 500 euros crédités sera, en fait, une valorisation faciale, qui n’entraînera aucun décaissement du fait de ces partenariats.
Ce sont tous ces éléments que nous devons poser sur la table, mais essayons, ensemble, d’offrir aux plus jeunes et, peut-être, à tous nos compatriotes un formidable outil – moderne – d’accès à la culture.
Par conséquent, je ne suis pas favorable à la suppression de ce budget, ni même à la proposition de Mme Sylvie Robert d’en soustraire une partie au bénéfice du Centre national de la musique.
Je suis convaincu de l’importance de ce centre – comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai signé un rapport sur le sujet en 2011. Le projet, tel qu’il est imaginé aujourd’hui, est quelque peu différent, mais l’esprit est toujours le même : nous avons besoin de fédérer la filière, d’observer les pratiques, d’accompagner les acteurs à l’export.
C’est pourquoi nous dégagerons, en crédits de gestion, les 5 millions d’euros nécessaires au lancement du CNM en 2019. Ensuite, en 2020, nous prévoirons les budgets permettant à cette structure de remplir sa mission auprès des acteurs de la filière.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je soutiens l’amendement de Mme Robert et le coup de pouce qu’elle entend donner au Centre national de la musique.
Ce sujet est débattu de longue date. La création de ce centre, différé année après année, est fortement attendue par la filière musicale. Le projet a été enterré, puis déterré ; bref, on a beaucoup tergiversé. On l’oublie souvent, la musique est un élément important de notre industrie culturelle, notamment pour la représentation de notre pays à l’étranger, via notamment le bureau export.
Le contexte actuel permet de dire au monde de la musique qu’il doit se structurer et s’unir, même si ce n’est pas forcément très simple. En tout cas, je le répète, je voterai cet amendement de la commission de la culture.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Nous soutiendrons également l’amendement de la commission de la culture.
En 2019, comme il semblerait que les crédits de gestion prennent une place toute particulière, pourquoi ne pas considérer, finalement, que de tels crédits pourraient fort opportunément – en cours d’année, qui sait ? – accompagner le pass culture, ce qui permettrait de prévoir les crédits nécessaires pour le Centre national de de la musique ?
En outre, en 2018, les crédits prévus pour le pass culture n’ont pas été consommés compte tenu des nombreuses incertitudes qui entourent le déploiement des fameux 34 millions d’euros budgétés à cette fin. Rien ne nous permet donc de considérer que, en l’état actuel des choses, ces crédits doivent être intégralement affectés au pass, faute de pouvoir avoir un avis éclairé sur cette question.
En revanche, de nombreux rapports ont été consacrés au Centre national de la musique et un travail considérable a été mené par les acteurs de la filière, qui se sont mobilisés pour sa création. Il est donc temps de leur adresser un signal positif, d’autant que l’on sait désormais quel serait le coût de fonctionnement de cette structure.
Par conséquent, cet abondement à hauteur de 5 millions d’euros est tout à fait justifié.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Avec mon groupe, nous ne voterons pas cet amendement.
Bien sûr, je n’ai rien contre le Centre national de la musique. J’ai entendu notre excellent collègue Jean-Pierre Leleux dire que les milieux de la musique avaient tergiversé pendant des années. Non, c’est l’État qui a tergiversé ! Je crois d’ailleurs que c’est durant le mandat de M. Sarkozy que l’initiative a été lancée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Excusez-moi, chers collègues, mais vous êtes très prompts à abonder des budgets pour financer des projets que vous n’avez vous-mêmes jamais financés ! Un budget de préfiguration a été mis en place, et je ne vois pas l’intérêt de déshabiller le pass culture.
On entend beaucoup de choses à son sujet, et cela me fait penser à ce qu’on entendait il y a un peu moins d’un an sur le Loto du patrimoine. Or, depuis le début de ce débat, tous ceux qui se sont exprimés à son sujet ont dit qu’ils se réjouissaient de son succès. Aussi, j’espère que vous aurez l’occasion de vous réjouir tout autant du succès à venir du pass culture !
M. Antoine Lefèvre. Le pass culture, cela ne rapportera rien !
M. André Gattolin. Laissez-lui donc au moins son budget de préfiguration !
À un moment, il faut être cohérent sur le plan budgétaire. On peut reprocher à ce gouvernement de ne pas faire correctement ce que l’on n’a soi-même pas fait, mais au moins ne modifions pas les crédits prévus pour le pass culture.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je rappelle, monsieur le ministre, que cet amendement a été déposé par notre commission et qu’il a fait l’objet d’un large débat en son sein.
Nous pensons que le temps est venu de concrétiser ce projet de Centre national de la musique, un projet, faut-il en rappeler l’histoire, qui vous tient particulièrement à cœur et pour lequel vous vous êtes beaucoup investi dans des temps antérieurs.
Je rappelle également que ce projet a fait l’objet d’un excellent rapport, celui de Roch-Olivier Maistre, qui a pris soin de consulter l’ensemble des parlementaires et l’ensemble des acteurs de la filière. La création de ce centre mérite donc désormais d’être accompagnée de manière très concrète.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, j’ai parfaitement compris votre intention et nous la partageons parce qu’elle est généreuse. Le problème ne tient pas tant au fonctionnement du pass culture qu’à son financement.
Vous nous dites maintenant que, sur ces 450 millions d’euros prévisibles – un demi-milliard ! –, une partie sera sans doute portée par des industries.
J’en tremble ! Je nourris quelque inquiétude sur la nature des entreprises qui seraient intéressées pour entrer, par le biais de leur portable, dans la poche des futurs utilisateurs. Cela m’inquiète, et c’est pour cette raison que nous allons maintenir notre amendement. Bien évidemment, il ne sera pas voté, mais nous voterons alors celui de la commission, parce qu’il est essentiel d’envoyer maintenant un signal favorable pour permettre le développement du Centre national de la musique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Comme je l’ai dit en commission, je ne suis pas favorable à ces amendements. Les projets sont là, ils sont attendus, nous dit-on, il faut les abonder, commencer à travailler et les laisser prospérer, sinon rien ne pourra se faire.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera donc pas ces amendements.
Mme la présidente. L’amendement n° II-178 rectifié bis, présenté par Mme Dumas, MM. Bonhomme, Brisson, Charon, Decool, B. Fournier, Houpert, Karoutchi, Longuet, Moga, Regnard, Revet et Sido et Mmes Boulay-Espéronnier, Bruguière, L. Darcos, Deromedi et Lamure, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
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La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Cet amendement a pour objet l’éducation aux médias.
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la manipulation de l’information, la ministre de la culture en poste à l’époque avait souligné l’importance capitale de l’éducation aux médias. L’éducation était alors présentée comme l’indispensable corollaire aux mesures répressives à l’encontre des plateformes et éditeurs de contenus d’information.
Il est donc pour le moins surprenant de réduire d’un million d’euros les crédits dédiés à l’axe 3, « décrypter le monde », au sein du programme 224, dont l’objectif est précisément de mieux apprécier le rapport à l’information dans un univers où les usages, notamment numériques, évoluent rapidement.
Cet amendement vise à transférer des crédits de l’action n° 01 du programme « Création » vers l’action n° 02 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. Madame Dumas, par cet amendement, vous proposez de réabonder de 1 million d’euros les crédits prévus pour « décrypter le monde », pour les porter à 13 millions d’euros.
La question que vous soulevez est légitime et importante si l’on en juge par ce qu’on lit sur le rapport aux médias et sur leur compréhension, mais ce qui me gêne, c’est que vous transfériez ces crédits depuis l’action n° 01 du programme « Création ». Je vous demanderais plutôt d’interroger le Gouvernement sur la manière dont sont utilisés ces crédits.
Même si nous savons tous ici l’importance de savoir décrypter le monde, notamment dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui, la commission vous invite donc à retirer votre amendement, ma chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Nous partageons évidemment cet objectif, et il est bien sûr nécessaire et essentiel d’investir dans l’éducation aux médias, à l’information et à l’image.
Pour autant, le Gouvernement a fait un effort très important l’an passé en inscrivant dans la loi de finances pour 2018 quelque 5 millions d’euros de plus que ce qui était inscrit précédemment ; là, nous procédons simplement à un ajustement par rapport à ce qui a été dépensé. C’est ce qui justifie que, cette année, ce sont 4 millions d’euros qui sont inscrits, et non pas 5 millions d’euros. Mais notre volonté d’accompagner cette éducation à l’image, essentielle, demeure.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je comprends pleinement l’amendement de notre collègue Catherine Dumas, qui a d’ailleurs été cosigné par plusieurs membres de la commission de la culture. L’éducation aux médias et au numérique, monsieur le ministre, est devenue fondamentale.
Ce qui me dérange, c’est que les crédits soient transférés à partir du programme « Création » sans que soit formulée une demande globale sur cette question.
Nous allons avoir l’occasion d’en débattre cette semaine avec le ministre de l’éducation nationale. Vous connaissez les travaux que j’ai menés sur l’éducation à l’heure du numérique, qui montrent à quel point est nécessaire un plan beaucoup plus ambitieux, stratégique et transversal sur cette question, à l’heure de la désinformation sur les réseaux sociaux, du cyberharcèlement et de tous les méfaits que nous connaissons.
L’éducation nationale est au cœur du dispositif, même si ce n’est pas sa petite structure dédiée, le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information, ou CLEMI, que vous connaissez tous, qui peut seule assumer cette mission.
Je vous propose plutôt de développer une vision plus stratégique, en demandant au ministre de l’éducation nationale quel est son plan, en particulier en matière de formation aux médias à l’heure du numérique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Un propos très important qu’a tenu notre collègue Julien Bargeton, rapporteur spécial, dans son intervention est passé totalement inaperçu : dans deux régions, notamment en région Bretagne, un fonds mutualisé entre les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sera confié aux DRAC.
Tandis que nous examinons des amendements portant sur un million ou quelques milliers d’euros, il faut savoir que ce que nous votons pourra être défait par chaque direction régionale, dont les crédits seront décentralisés. À terme, nos débats et nos votes n’auront donc plus grand sens – je vous renvoie à notre débat sur les préfectures.
Nous sommes en train de vivre une transformation majeure, en toute discrétion, de la loi organique relative aux lois de finances ! On peut s’écharper sur 5 000 euros ou sur 1 million d’euros, mais cela ne sert à rien, sauf à examiner plus longuement la loi de règlement – nous savons bien que nous y consacrons, hélas, trop peu de temps.
Il serait donc bon que chacun se rende compte que de telles expérimentations dénaturent profondément la LOLF. Et pour ma part, c’est cela qui me gêne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. À l’instar de nos autres collègues, nous approuvons totalement, sur le fond, cet amendement. Il est d’ailleurs assez paradoxal de constater que l’on retire un million d’euros aux crédits consacrés à l’éducation aux médias alors même que vient d’être votée par l’Assemblée nationale – mais pas par le Sénat – une loi destinée à combattre les fake news.
Pour autant, le fait que cet amendement soit gagé sur le programme 131, « Création », est quelque peu ennuyeux, d’autant que ce dernier est déjà fragilisé par un certain nombre de facteurs exogènes évoqués par plusieurs collègues. Par conséquent, nous ne pourrons pas voter cet amendement, mais non pas pour une raison de fond. Nous attendons en tout cas un plan stratégique dans ce domaine.
Élue de Bretagne, j’indique qu’une expérimentation est menée par la DRAC – ainsi que par la DRAC d’une seconde région – consistant non pas à fusionner les programmes 224 et 131, mais à voir comment certains projets pourraient émarger auprès de chacun d’entre eux.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Chaque jour qui passe nous montre l’impérieuse nécessité – j’ignore si nous allons pouvoir rattraper facilement notre retard en la matière – d’éduquer au décryptage de l’information dans un monde où la désinformation, les fausses informations et les omissions d’informations commencent à peser très lourdement sur la démocratie.
Nous assistons à un bouleversement absolu de notre fonctionnement démocratique à partir des réseaux sociaux et nous n’avons pas d’autre réponse que d’éduquer les citoyens à prendre ce recul.
Les dispositions de cet amendement répondent donc à un souci crucial. Cependant, ici et là, comme on va le voir juste après lors de notre débat sur l’audiovisuel, on s’est habitué à cette contrainte qui oblige à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
La création, c’est absolument fondamental pour les mêmes raisons : c’est ce qui permet de créer du lien. Et le ministre a dit des choses importantes sur ce à quoi sert la culture. Il n’est donc pas possible d’entrer dans ce jeu consistant à aller chercher de l’argent pour en mettre ailleurs.
M. Roger Karoutchi. C’est le jeu de la LOLF !
M. David Assouline. Effectivement, cher collègue, et d’ailleurs nous en verrons tout à l’heure toute l’absurdité : bien que, avec l’ensemble du Sénat, j’aie réussi à mobiliser 86 millions d’euros supplémentaires pour l’audiovisuel public, nous allons examiner les crédits du compte spécial sans en tenir compte faute d’amendement de coordination du Gouvernement. C’est totalement illogique !
Pour conclure, je dirai qu’il est certainement possible, sur ces 86 millions d’euros, de dégager 1 million d’euros supplémentaire en faveur de l’éducation au décryptage du monde. C’est une mission qui relève du service public de l’audiovisuel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nous ne voterons pas cet amendement, qui, même si c’est la règle du jeu de la LOLF et même s’il sert une belle cause, tend à déshabiller les uns pour habiller les autres. Je soutiens la création artistique, qui rencontre déjà bien d’autres soucis ; je pense à la fin de la prise en charge des frais de sécurité par le fonds d’urgence.
Je veux malgré tout souligner l’évolution positive que l’on observe depuis quelques années. Il fut un temps où le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture menaient chacun leurs projets, séparément. À présent, il arrive plus fréquemment qu’ils construisent des projets communs. J’ose donc espérer que ce million d’euros de moins ne changera rien à l’affaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Le ministère de Jean-Michel Blanquer et le mien travaillent main dans la main. L’un et l’autre ont la volonté de promouvoir l’éducation artistique et culturelle, à la suite des actions engagées par ma prédecesseure.
La volonté de Catherine Dumas et de tous ceux qui se sont exprimés à sa suite est tout à fait louable. Bien sûr, il faut investir dans l’éducation à l’image, au numérique à l’audiovisuel, aux médias. C’est ce que nous faisons, et je veux vraiment insister sur ce point.
En 2018, nous avons augmenté de 5 millions d’euros les crédits qui y sont dédiés, pour les porter à 14 millions d’euros. Le temps que ces programmes d’éducation à l’image se mettent en place, nous avons dépensé uniquement 9 millions d’euros. Dans un souci de sincérisation du budget, nous réduisons ces crédits en 2019 de 1 million d’euros, lesquels sont toujours supérieurs de 4 millions d’euros par rapport à ce qui a été réalisé en 2018. Cela traduit bien notre volonté toujours très forte d’investir dans l’éducation à l’image, qui est fondamentale.
Parce que c’est un enjeu majeur, je suis allé hier à l’Agence France-Presse pour soutenir ses équipes qui, à travers le dispositif AFP Factuel, jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux et sur internet. En effet, il faut voir le nombre d’informations fallacieuses et de contrevérités qui sont véhiculées sur les réseaux sociaux à l’occasion de cette crise des « gilets jaunes » !
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons l’occasion de discuter prochainement de l’avenir de l’AFP, un sujet qui nous préoccupe beaucoup. Sachez en tout cas que son système de vérification rend des services exceptionnels. Ce service public, d’une certaine façon, contribue à l’éducation à l’image et aux médias.
Mme la présidente. Madame Dumas, l’amendement n° II-178 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Catherine Dumas. Madame la présidente, monsieur le ministre, je constate tout d’abord avec grand plaisir qu’il existe un accord unanime dans cet hémicycle sur l’éducation aux médias. C’est une bonne chose. Je voulais que le débat soit engagé, et c’est une réussite.
J’adhère à l’idée du plan stratégique proposé par la présidente de la commission. Je vais en effet retirer mon amendement, mais je tiens à lever toute ambiguïté : je soutiens avec ferveur la création artistique.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-178 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-209 rectifié bis, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Deromedi, MM. Mandelli, P. Dominati, Longuet, Nachbar, Schmitz, Husson, Gremillet, del Picchia et Grosdidier, Mmes Dumas et Bruguière, MM. Brisson et Kern, Mmes Imbert et Lassarade et MM. Darnaud, Sido, Bonhomme, Savin, Paccaud, Vaspart et Le Gleut, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Patrimoines |
25 000 |
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25 000 |
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Création |
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Transmission des savoirs et démocratisation de la culture dont titre 2 |
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25 000 |
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25 000 |
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TOTAL |
25 000 |
25 000 |
25 000 |
25 000 |
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SOLDE |
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La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Cet amendement vise à doter l’association « Patrimoine maritime et fluvial » de moyens supplémentaires pour l’accomplissement de sa mission de service public, à hauteur de 25 000 euros par an.
Reconnue comme organisme compétent en matière culturelle et historique maritime, l’association PMF est le représentant officiel du ministère de la culture et du ministère de la transition écologique et solidaire pour les questions relatives à la préservation du patrimoine maritime et fluvial. Elle a notamment pour vocation d’inventorier, de sauvegarder et de promouvoir le patrimoine maritime et fluvial national non protégé par l’État.
Elle s’est également vue confier par la loi de finances pour 2006 la mission de décerner le label « Bateau d’intérêt patrimonial ». La commission d’agrément a, à ce jour, labellisé 1 160 navires, sur une flotte estimée à près de 2 500 unités – contre 100 il y a six ans ; la croissance est donc exponentielle.
Il est inutile de rappeler l’attachement des Français à la préservation de leur patrimoine national ; il en a été largement question dans cet hémicycle cet après-midi.
Cette association dispose de peu de moyens. Par conséquent, mes chers collègues, je vous remercie de voter cet amendement, qui vise des crédits d’un faible montant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Dans le même esprit que notre collègue membre de la commission des finances Jérôme Bascher, quand il s’est exprimé sur l’amendement précédent, je vais émettre un avis défavorable, pour des raisons non pas d’opportunité, mais plutôt de méthode.
Compte tenu de la modicité de la somme en jeu au regard des problématiques budgétaires globales, il apparaît qu’une telle mesure s’apparente plus à une décision de gestion qu’à un choix budgétaire relevant de la loi de finances initiale. Si nous allons jusqu’à individualiser les subventions aux associations une par une en fonction de leurs mérites comparés, il faudra que nous entamions l’examen du prochain budget au mois de février pour avoir une chance de le voter avant les fêtes de fin d’année !
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Le Gouvernement mène une politique résolue de soutien à l’ensemble des acteurs qui œuvrent en faveur de la protection du patrimoine, y compris, madame la sénatrice, des associations comme celle que vous mentionnez et qui font un travail remarquable sur les territoires.
Pour autant, comme l’a rappelé Vincent Eblé, il ne nous paraît pas opportun, en discussion budgétaire, d’aller jusqu’à modifier telle ou telle subvention. L’idée est aussi d’offrir la plus grande marge de manœuvre aux DRAC en la matière.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. M. le président de la commission des finances et rapporteur spécial a en partie raison.
M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. Entièrement raison ! (Sourires.)
M. Philippe Dominati. Compte tenu de la modicité de la somme, nous ne devrions même pas en débattre dans cet hémicycle. Connaissant bien le sujet, je puis vous indiquer que cette association recevait auparavant des crédits au titre de ce qu’on appelait la « réserve parlementaire ». (Exclamations.) Effectivement, si celle-ci avait été maintenue, on aurait pu gagner du temps et épargner au Parlement de perdre le sien en se penchant sur le cas d’un certain nombre d’associations exerçant depuis des années, avec difficulté, une fonction d’intérêt général et d’intérêt public.
Cette association, monsieur le ministre, était défendue par les maires de communes importantes comme Lorient, avec M. Le Drian, ou Le Havre – parlez-en peut-être au Premier ministre. On peut également citer M. Gaudin ou M. Revet, ici présent.
Chaque année, nous avions toujours un peu de mal à faire comprendre au ministère de la culture que, compte tenu de la modicité des sommes engagées en faveur du patrimoine maritime, il était nécessaire que l’État prenne à sa charge cette mission.
Maintenant que la réserve parlementaire a été supprimée, certains collègues, telle Mme Boulay-Espéronnier, en viennent à proposer une modification des crédits budgétaires dans ce sens.
Je pense – je le souhaite – que notre collègue maintiendra son amendement. Autrement, ces bateaux disparaîtront de notre patrimoine maritime. D’un côté, la commission met en avant la modicité de la somme pour refuser l’amendement ; de l’autre, les maires des grandes villes du littoral demandent que l’on trouve une solution. Il est dommage d’abandonner cette action de fond d’intérêt général qui est menée depuis des années.
J’espère que cela vous fera réfléchir à la décision de suppression de la réserve parlementaire, prise trop rapidement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Vous proposez de prélever ces 25 000 euros sur l’action n° 07 du programme 224, les fonctions de soutien du ministère. Or les crédits de cette action sont déjà en baisse de 24 % en autorisations d’engagement et de 28 % en crédits de paiement. Que finance cette action n° 07 ? Les loyers, la logistique, l’entretien et les fonds d’insertion.
Certes, la somme est modeste, mais, je le répète, vous la retirez au profit d’une seule association, d’une action importante qui connaît déjà une baisse sensible de ses crédits.
Nous ne voterons donc pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour explication de vote.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Mes chers collègues, j’espère que vous serez aussi sensible que moi à l’argument qu’a mis en avant Philippe Dominati. Nous touchons du doigt les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire, au-delà de la théorie. On le voit, certaines petites associations, dont vous avez d’ailleurs souligné le travail remarquable, monsieur le ministre, se retrouvent de fait dans des situations très problématiques.
Je vous demande de soutenir cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-209 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 74 septies, qui est rattaché, pour son examen, aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
Article 74 septies (nouveau)
I. – Par dérogation au 3° de l’article unique de la loi des 20-27 août 1828 portant concession à la ville de Paris de la place Louis XVI et de la promenade dite des Champs-Élysées, la Ville de Paris est autorisée à céder à l’État, à titre onéreux, les emprises immobilières d’une superficie de 8 650 m² contiguës aux abords du bâtiment du Grand Palais, constituées du square Jean Perrin, du jardin de la Reine et du trottoir de l’avenue Franklin-D.-Roosevelt situés dans le huitième arrondissement de Paris.
II. – Un arrêté du ministre chargé du domaine précise les références cadastrales des parcelles concernées par cette cession.
III. – L’acquisition par l’État des parcelles mentionnées au I est exonérée de toute indemnité, de tout droit, de toute taxe et de tout honoraire et salaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, sur l’article.
M. Jean-Claude Requier. Cet article a trait à la rénovation du Grand Palais, dont le coût est fixé à 466 millions d’euros, prélevés sur le budget de l’État. Comme je l’ai dit en commission, c’est plus cher que le transfert de Neymar et Mbappé ! (Rires.)
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. Ce n’est pas plus que ce que nous allons investir dans le grand stade l’année prochaine !
M. Jean-Claude Requier. On ne joue pas dans la même cour ; nous sommes dans le haut de gamme…
Cet article prévoit que la ville de Paris vende les abords du Grand Palais, d’une superficie de 5 326 mètres carrés pour 4,6 millions d’euros, c’est-à-dire, en gros, 1 % du prix du projet total.
Souvent, dans nos départements, quand un conseil départemental vote la construction d’un collège, on lui donne le terrain, l’accès ou la route à proximité immédiate. C’est pourquoi je m’étonne que la ville de Paris fasse payer ce terrain, sachant, de surcroît, qu’elle n’aura plus à l’entretenir et fera quelques économies de fonctionnement. Dans la mesure où cela ne me paraît pas normal, je ne voterai pas l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».
Médias, livre et industries culturelles
Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » (et article 84 quinquies) et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, au moment de présenter l’avis de la commission des finances, je veux aller à l’essentiel.
Les chiffres, chacun les connaît. Je ne vais pas m’appesantir sur la politique du livre, qui fonctionne plutôt bien. Le Plan « Bibliothèques ouvertes », engagé par Érik Orsenna, fonctionne bien lui aussi, même si l’on constate encore, ici et là, quelques problèmes de budget ayant des répercussions sur les horaires d’ouverture des bibliothèques.
Pour la presse, la situation est à peu près à l’équilibre, avec une baisse de 5 millions d’euros en faveur des aides à la presse. Néanmoins, cela tient plus au volume des abonnements de la presse papier, dont chacun sait qu’il est moins important depuis que les gens passent plus de temps sur les réseaux en ligne. Par conséquent, on ne peut pas parler de crise à cet égard.
Je vous signalerai un problème qui est ancien, monsieur le ministre, à savoir la dette considérable de l’Agence France-Presse par rapport à son budget. On l’aide un peu, mais pas assez, et l’AFP est toujours susceptible de contentieux à l’étranger.
Vous le savez, les personnels AFP demandent toujours à être reconnus sur un statut national, alors qu’ils ont souvent été engagés sur des statuts locaux, beaucoup plus défavorables. Là encore, le budget sera-t-il suffisant ? Nous verrons. En tout cas, l’AFP fait des efforts, qui portent notamment sur les recettes commerciales, par le biais de la vidéo. En la matière, le bilan n’est donc pas si mauvais.
Quant au Centre national du cinéma, les personnels ne se plaignent pas – il en faut quelques-uns dans ce pays ! (Sourires.)
M. André Gattolin. Il n’y a pas de crédits !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Entre les recettes affectées et les crédits d’impôt, le Centre national du cinéma se porte plutôt pas mal, même s’il affirme naturellement – il faut dire les choses – que, si l’on touche aux recettes, on remettra en cause la qualité du cinéma français, le nombre de films tournés – souvent, d’ailleurs, avec l’aide des régions. En tout état de cause, cette question n’est pas un vrai sujet, si je puis m’exprimer ainsi.
Concernant la première partie de cette mission, c’est-à-dire le livre, les industries culturelles, les aides à la presse et le cinéma, la situation, sans être euphorique, n’a pas vraiment besoin d’être modifiée, car les budgets pour 2019 sont suffisants.
Reste l’immense chantier de l’audiovisuel public !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bonne chance, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Il est vrai que, la semaine dernière, le Sénat a voté une part de TOCE, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui offrirait à France Télévisions 86 millions d’euros.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est de la théorie !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Je suis bien d’accord avec vous, monsieur le rapporteur général, c’est de la théorie,…
M. André Gattolin. Surtout de l’incohérence !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. … sauf si le ministre nous disait que cet amendement, qui a été voté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement, recevait finalement l’aval de ce dernier.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, ne dites pas non avant que j’aie fini ! Si vous vous engagiez à soutenir cet amendement, afin qu’il soit voté à l’Assemblée nationale, nous pourrions, avec ces 86 millions d’euros, nous sentir au large, bien tranquilles. Ce n’est pas le cas, je l’avais compris. Je prends donc le budget tel qu’il est. Or il est considérable.
Monsieur le ministre, pour ma part, je suis un ferme défenseur de l’audiovisuel public, mais il est un fait que, depuis plusieurs années, l’audiovisuel public, c’est une chaîne, plus une chaîne, plus une chaîne, plus une chaîne, sans jamais redéfinir le périmètre exact du service public ni ce que sont les missions de service public.
Sans entrer dans les détails, je souhaiterais préciser que, lorsque j’ai rencontré tous les responsables de l’audiovisuel public, ils m’ont expliqué qu’étant toujours soumis à la pression de l’audimat, puisque l’on les laisse dans cette situation, ils achètent à prix d’or des films américains pour concurrencer TF1. Ce n’est pas de la mission de service public !
Je ne conteste pas, monsieur le ministre, que nous évoluons dans un système qui est complètement fou. On veut un service public de qualité, et on le laisse sous la pression de l’audimat, en faisant sur lui des commentaires désagréables quand il est peu vu ou moins regardé que les films très commerciaux des autres chaînes commerciales.
Il faut savoir ce que l’on veut ! Je souhaite vivement que le futur texte de loi sur l’audiovisuel commence par redéfinir clairement ce qu’est le service public, son périmètre, et ce que sont les libertés du service public par rapport au service privé, à la domination de l’audimat. Il convient ensuite, à partir de là, de réfléchir aux moyens nécessaires.
Toutefois, dire d’emblée que l’on va pérenniser les moyens sans savoir ce que l’on veut faire du service public et de son périmètre, c’est mettre la charrue avant les bœufs ! Cela ne correspond à rien, chacun court après son argent et personne n’en aura jamais assez.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous n’avons jamais parlé d’audimat !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Résultat des courses : puisque le Gouvernement précédent a décidé de diminuer les crédits de 190 millions d’euros sur quatre ans, on a voulu, cette année, commencer petit, avec une baisse de 36 millions d’euros.
Pourquoi cette somme, et pas 40 millions par exemple ? Parce que l’on n’a eu aucun état d’âme pour diminuer l’enveloppe globale de 36 millions d’euros, ce qui diminuera d’autant, par équivalence, le budget d’Arte, de France Médias Monde et de France Télévisions à proportion de leurs budgets respectifs. Naturellement, France Télévisions, qui a 2,5 milliards d’euros, perd plus que les autres chaînes moins importantes.
Or il me semble que le système n’est pas juste, car certaines chaînes comme ARTE ou autres, qui ne sont pas forcément celles qui, politiquement, me plaisent le plus, mais qui effectuent le vrai travail de service public par des efforts de régulation, de gestion et d’économies depuis trois ou quatre ans, sont sanctionnées de la même manière que France Télévisions. Certes, celle-ci a diminué de 3 % ou 4 % l’ensemble de ses crédits, mais les autres ont diminué les leurs de 15 %.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’ai déposé un amendement gentil, qui vise à redonner un peu d’argent à France Médias Monde et à Arte. En effet, si ARTE reçoit beaucoup moins d’argent, c’est un signal désastreux par rapport à nos partenaires allemands. Et si France Médias Monde ne peut plus assurer ses chaînes à l’étranger, c’est un signal désastreux pour la francophonie et pour la voix de la France partout dans le monde. Ce n’est franchement pas le moment !
M. Antoine Lefèvre. En effet !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Sous couvert de ces amendements aimables, monsieur le ministre, je donnerai un avis favorable aux crédits de l’audiovisuel et de l’ensemble des industries culturelles et du livre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour France Médias Monde et TV5 Monde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année dernière, nous avions déploré la progression très limitée des crédits de France Médias Monde et la diminution de la contribution française à TV5 Monde.
Cette situation inquiétante et pénalisante de notre audiovisuel extérieur s’assombrit encore. Dans le projet de loi de finances pour 2019, ces deux opérateurs voient leurs crédits diminuer encore un peu plus.
Nous savons pourtant que leurs marges de manœuvre sont très limitées. Leurs ressources propres sont faibles et incertaines, et leurs possibilités d’économies réduites, après des années d’effort, sauf à toucher aux programmes et à la diffusion, ce qu’ils ont commencé à faire en 2018. C’est ainsi, mes chers collègues, monsieur le ministre, qu’il n’y a plus de couverture de France Médias Monde ni à New York ni à Los Angeles.
Force est donc de constater le décalage croissant entre les recettes affectées et les engagements du contrat d’objectifs et de moyens et du plan stratégique – moins 6,9 millions d’euros pour France Médias Monde. Cette situation est d’autant plus étrange que ces entreprises ne semblaient guère, jusqu’à présent, affectées par la réforme du secteur audiovisuel en préparation. Au contraire, leur contribution à l’influence de la France et de la langue française dans le monde semblait reconnue, et leur développement attendu, voire encouragé au plus haut niveau de l’État.
Au moment où les États puissances et certains groupes terroristes réalisent des efforts considérables pour développer leurs médias sur les ondes et dans l’espace numérique, les luttes d’influence se durcissent, il est essentiel que la présence de la France soit plus forte, avec des médias porteurs de nos valeurs démocratiques et d’une vraie éthique de l’information, qu’elle consacre des moyens importants à la politique audiovisuelle extérieure, et qu’elle ne laisse pas en jachère des territoires où elle s’engage par ailleurs, parfois militairement au prix de la vie de nos soldats.
Or, paradoxalement, les moyens de la politique audiovisuelle extérieure diminuent. Où est donc la cohérence, monsieur le ministre ? Pourquoi un tel décalage, une fois de plus, entre ambition affichée et chiffres proposés ? Il est temps de redresser le tir.
Nous vous proposerons donc, mon collègue Raymond Vall et moi-même, au nom de la commission des affaires étrangères, et parallèlement aux amendements présentés par la commission des finances et par notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, d’augmenter la dotation de France Médias Monde de 3 millions d’euros.
Nous vous serions reconnaissants de votre soutien, car il y va vraiment de l’avenir de notre présence audiovisuelle, donc de notre influence dans le monde.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour France Médias Monde et TV5 Monde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais évidemment continuer d’enfoncer le clou, puisque je vais vous parler de TV5 Monde, qui est confronté depuis l’année dernière, cela a été rappelé, à des économies qui menacent un certain nombre de ses actions : moins 1,2 million d’euros cette année.
Le plan stratégique 2017-2020 de TV5 Monde était pourtant ambitieux et prévoyait par exemple la transformation numérique de l’entreprise pour soutenir ses priorités géostratégiques, au premier rang desquelles l’Afrique, premier territoire de développement de la francophonie.
Toutefois, cela a été rappelé par Mme la rapporteur pour avis, le renforcement de l’action des pays comme la Chine, la Russie et certains pays du Moyen-Orient, met en danger le développement de la francophonie. En outre, cela a également été souligné en commission, on ne peut espérer pacifier un pays seulement par les armes.
Par conséquent, la réduction de la contribution française pour la deuxième année consécutive oblige la société TV5 Monde à réduire ses programmes de diffusion, notamment en Grande-Bretagne et en Irlande. À partir de 2020, la société devra renouveler ses équipements et ne pourra bénéficier dans son budget des reprises de subventions d’investissement.
Or sans apport de ressources publiques, elle devra amorcer un véritable repli, ce qui paraît incohérent avec la politique annoncée par le Gouvernement en matière de développement de la francophonie, mais aussi avec l’effort important qui a été réalisé par l’Agence française de développement, qui dispose d’un budget de 9 milliards d’euros.
D’ailleurs, je ne comprends pas comment, avec une politique aussi offensive, il est possible de ne pas la promouvoir ? Nous avons essayé de faire comprendre cet argument simple : toute personne qui a vécu à l’étranger se rend bien compte de la nécessité de recevoir des informations de son pays d’origine, qui sont aussi un lien avec celui-ci. En outre, quand une action aussi importante est mise en œuvre grâce à un tel budget, comment est-il possible de repousser la décision de faire bénéficier TV5 Monde et France Médias Monde de cette promotion ? Nous reviendrons en tout cas à l’assaut sur ce point.
Finalement, sans entrer dans les détails, car notre collègue Roger Karoutchi a fait un plaidoyer bien plus éloquent que le mien, la commission des affaires étrangères a souhaité que nous trouvions une solution. Celle que nous proposerons, ma collègue et moi, par le biais d’un amendement, consiste à augmenter les crédits de France Médias Monde.
La commission, ayant appris que plusieurs solutions seraient présentées, a statué en donnant un avis favorable à l’adoption du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », à condition, bien sûr, que l’un des amendements, que je laisserai à ma collègue le soin de présenter, soit adopté par le Sénat. Nous prendrons donc position en fonction du résultat du vote sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’audiovisuel et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je souscris à l’esprit qui a animé l’intervention de notre rapporteur spécial, Roger Karoutchi : nous dénonçons ensemble une approche par trop comptable qui hache les crédits des différents opérateurs de l’audiovisuel, sans véritable discernement sur la performance des uns et des autres. Au contraire, c’est à l’aune de la réforme systémique que nous attendons depuis des années que nous devions adapter les financements correspondants.
La position de la commission de la culture peut paraître paradoxale, puisque nous avons donné un avis favorable aux crédits et à l’article 35 du projet de loi de finances, alors même que nous en désapprouvons des aspects essentiels. Ce paradoxe n’est en réalité qu’apparent pour deux raisons.
Premièrement, nous approuvons les efforts d’économies qui sont demandés aux chaînes dans leur gestion et leur organisation. Si nous regrettons que les moyens ne soient pas plus importants, c’est parce que nous considérons que ceux-ci sont nécessaires pour financer la transition numérique, la production de contenus et le renforcement de l’influence de la France dans le monde.
Deuxièmement, plusieurs amendements ont été déposés qui ont pour objet une réallocation de crédits au profit d’ARTE et de France Médias Monde. Notre approbation doit donc s’entendre compte tenu de cette inflexion.
Troisièmement, le Sénat a décidé récemment, sur l’initiative de notre collègue David Assouline, de réintroduire une partie de la ressource de la TOCE affectée à France Télévisions.
Toutefois, nous regrettons le choix fait par le Gouvernement de tailler dans les budgets des entreprises de manière aveugle, sans tenir compte de la situation réelle, des efforts déjà réalisés et des enjeux stratégiques européens et internationaux.
Le colloque que la commission de la culture a organisé en juillet dernier, en présence de plusieurs dirigeants de sociétés de l’audiovisuel public européen, a permis de rappeler que, si des transformations et des économies étaient indispensables concernant les structures, l’existence d’un audiovisuel public de qualité nécessitait des moyens.
L’objectif de la réforme, je le rappelle, ne doit pas être de réduire les moyens de l’audiovisuel public par principe, alors même que ceux-ci sont déjà parmi les plus faibles des grands pays européens. Nous devons réaffirmer notre ambition et réorienter les dépenses vers des programmes originaux – une offre qualitative –, qui se distinguent de ce qu’on peut trouver sur les médias privés dont la logique est celle de la demande et de l’audience.
Voilà pourquoi la commission de la culture ne peut que regretter l’intention du Gouvernement d’empêcher un reversement de la TOCE au bénéfice de France Télévisions, sous réserve de l’adoption de l’amendement que j’ai évoqué précédemment.
Non seulement la TOCE a progressivement été détournée de son objet, mais l’absence de réforme de la Contribution audiovisuelle publique, comme sa désindexation en 2019, nous prive du seul outil de transformation de ces entreprises, puisque nous savons que l’un des enjeux concerne clairement l’avenir de la publicité sur les antennes du service public. Or, tant que la course à l’audience sera nécessaire sur les antennes du public pour préserver les recettes, la différenciation sera insuffisante aux yeux des Français, comme l’a montré le sondage commandé par notre commission, et la légitimité du service public restera fragile.
Je dirai deux mots sur le chantier de la Maison de la radio et sur le rapprochement entre France 3 et France Bleu.
Le chantier de la Maison de la radio a connu de sérieuses difficultés depuis son origine et davantage encore depuis 2017. Une reprise en main salutaire a permis de redéfinir une méthode et un calendrier pour un achèvement en 2022.
Mme la présidente. Veuillez vous orienter vers votre conclusion, monsieur le rapporteur pour avis !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. Nous regrettons que le Gouvernement ne soit pas en mesure de préciser, dans le cadre du projet de loi de finances, le coût actuel du chantier et ses modalités de financement.
Concernant le rapprochement entre France 3 et France Bleu qui a fait l’objet d’un groupe de travail de la commission de la culture, il apparaît que, après quelques errements avant l’été,…
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur le rapporteur pour avis !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. … les deux réseaux se sont approprié le projet.
Au demeurant, nous approuverons ces crédits, sous réserve de l’adoption des amendements dont nous débattrons tout à l’heure.
M. André Gattolin. C’est du chantage !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour la presse. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de la presse en France demeure critique : en 2009, quelque 7 milliards d’exemplaires étaient vendus chaque année, et en 2017, moins de 4 milliards d’exemplaires. C’est dire l’ampleur des défis auxquels tous les acteurs de la filière sont aujourd’hui confrontés.
Je vous présenterai, dans cette brève intervention, les quatre points qui me paraissent devoir mériter une attention particulière du Gouvernement en 2019 et au-delà, espérer des réponses du ministre
Premier point : la baisse des crédits de l’aide au portage de presse. Cette diminution de 5 millions d’euros, très supérieure à la baisse de la diffusion, fragilise ce mode de distribution, qui sera, de plus, affecté à hauteur de 4 millions d’euros par la non-compensation de la suppression du CICE, le Gouvernement et l’Assemblée n’ayant pas réservé une suite favorable à l’amendement que j’avais présenté ici lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et qui avait été adopté.
Il y a donc là un risque, qui pèse plus particulièrement sur la presse régionale, à l’heure où le besoin d’information se fait plus que jamais sentir.
Deuxième point : la situation alarmante de Presstalis. L’année a été marquée par la crise « en pente dure » de la messagerie. Il a été jugé que sa faillite affaiblirait trop massivement l’ensemble de la filière, donc un plan de sauvetage très ambitieux a été mis en place, qui met à contribution les éditeurs, mais également les contribuables.
Cette crise n’est pas la première ; elle montre l’échec cuisant des stratégies adoptées par les précédentes directions, et, on peut le dire, un manque flagrant de responsabilité des éditeurs actionnaires. Il existe des projets de réforme de la filière à travers les propositions du rapport de Marc Schwartz, mais cela ne sera pas suffisant pour régler le destin de Presstalis, lestée de plus de 350 millions d’euros de dettes.
Troisième point, l’Agence France-Presse. Un nouveau président a été élu en avril. Son programme est ambitieux, mais il ne fait pas encore l’unanimité des salariés. La situation financière de l’AFP peut être qualifiée d’inquiétante. Pour mener à bien ses projets, le nouveau président avait sollicité un prêt de 17 millions d’euros du Fonds pour la transformation de l’action publique, qui ne lui a pas été accordé. Plus grave, les trois tutelles de l’Agence peinent singulièrement à définir une réelle stratégie.
Qu’en sera-t-il donc demain, monsieur le ministre, de cet acteur de rang mondial qui participe pleinement de la place de la France dans le monde ?
Quatrième point : l’impact du numérique. Si le numérique présente des risques, il est également porteur d’opportunités. Ainsi, la part de la diffusion numérique a été multipliée par dix entre 2011 et 2017 et a presque compensé les baisses combinées du portage et de l’abonnement postal. Deux sujets, cependant, méritent une réponse.
D’une part, il semble que nous préparions bien mal nos entreprises à la transition numérique. Ainsi, les crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse, qui aide à préparer l’avenir, ont été divisés par deux pour aider Presstalis, au détriment de la modernisation du secteur.
D’autre part, je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes rendu à Bruxelles très récemment pour accélérer la conclusion d’un accord de niveau européen sur les droits voisins. Le Sénat souhaiterait savoir précisément où en sont ces négociations.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour le programme « Livre et industries culturelles ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le cinéma, la musique, le jeu vidéo et la lecture contribuent au bien-être de la population, ce sont également des secteurs économiques de premier plan, avec un chiffre d’affaires supérieur à 15 milliards d’euros et des dizaines de milliers d’emplois.
Le programme 334 comporte 268,7 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 680 millions d’euros de taxes affectées au CNC, 382 millions de crédits d’impôt et 88,4 millions pour les bibliothèques, soit plus de 1,3 milliard d’euros de soutien.
J’évoquerai tout d’abord les dangers qui pèsent sur le financement des industries culturelles.
Après six ans de négociations, nous approchons d’un accord sur la chronologie des médias, ce qui constitue une excellente nouvelle pour le cinéma. Toutefois, l’épuisement des réserves du CNC, qui va réduire son soutien de 30 millions d’euros en 2019, et les menaces que font peser certains de nos collègues sur les crédits d’impôt inquiètent très vivement l’ensemble des industries culturelles.
Nous sommes face à des activités économiques qui nécessitent des investissements lourds et une stabilité des règles. La commission de la culture est favorable à l’évaluation de ces dispositifs dont il faut reconnaître le coût élevé, mais aussi l’efficacité.
Par ailleurs, je voudrais aborder la situation des auteurs. Si l’édition se porte bien, dans notre pays, avec plus de 47 000 nouveautés éditées chaque année, soit 200 livres par jour, cela a des conséquences directes sur la situation financière des auteurs, qui ont de plus en plus de difficultés à vivre de leur art.
Monsieur le ministre, les auteurs attendent depuis l’année dernière la compensation de la hausse de la CSG, soient 18 millions d’euros. Avec la présidente de la commission, nous avons défendu un amendement d’appel, qui a été adopté, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Et je veux croire aux engagements pris afin d’accélérer la résolution de ce dossier.
En outre, le statut des auteurs doit absolument être pensé de manière spécifique, en matière de fiscalité, de retraite, de protection sociale. C’est une profession à part entière qui doit être prise en compte.
Je dirai un mot sur le piratage, qui représenterait en 2017, en France, quelque 1,15 milliard d’euros. Ce montant correspond au double des aides du CNC, à trois fois les crédits d’impôt ou cinq fois les investissements de Canal Plus. Résoudre, même partiellement, cette question, serait répondre aux inquiétudes du milieu du cinéma. L’évolution législative dans la future loi audiovisuelle, avec par exemple, l’établissement d’une liste noire ou l’adaptation de la réponse graduée, devrait permettre d’avancer sur ce point en 2019.
Enfin, des négociations européennes sont en cours pour un meilleur respect de la propriété intellectuelle sur Internet, avec l’article 13 de la directive sur les droits d’auteur. Il s’agit de contraindre les plateformes à assumer leurs responsabilités en passant des accords de licence ou en filtrant mieux les contenus illégaux. Là encore, les mesures de transposition devraient intervenir rapidement.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits du programme 334. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ferai comme M. Karoutchi : l’ensemble des programmes est si vaste que chacun d’eux nécessiterait de nombreux développements ; c’est pourquoi je vais me concentrer sur l’essentiel et sur ce qui fait le plus débat. Je précise que nous n’en sommes qu’au début des discussions, car on nous a promis une réforme de l’audiovisuel public, à l’occasion de laquelle ce débat, je l’espère, sera particulièrement développé.
Le budget, c’est un moment de vérité, à commencer par la vérité des prix. Après les déclarations d’intention et d’amour adressées à l’audiovisuel public, de la culture et de la création, il faut examiner si la réalité correspond.
Or, je le répète, dans une société qui paraît de plus en plus éclatée, et qui semble même l’être plus que jamais, la puissance de l’audiovisuel en général, qu’il soit public ou privé, ne doit pas être négligée. Ce dernier est à même de créer du lien, de la culture partagée, de l’information sourcée et fiable. Il est en mesure d’inspirer des émotions communes, de renforcer les valeurs républicaines et de rassembler autour d’une citoyenneté éclairée.
On le constate tous les jours : l’audiovisuel public est tout à fait primordial. C’est cette puissance, dont il dispose en général, qui lui donne tout son sens et qui justifie l’investissement très important que la Nation lui consacre.
Si j’insiste sur ce point, c’est parce que certains persistent à défendre la privatisation de l’audiovisuel public. Il s’agit d’un secteur concurrentiel, et – on l’oublie trop souvent – d’un secteur public tout à fait particulier.
La SNCF, dans son domaine, ne dispose pas de véritable concurrent. Or, pour ce qui concerne l’audiovisuel, les entreprises publiques sont placées dans un champ concurrentiel, face à des mastodontes disposant de la même puissance qu’elles : les chaînes privées nationales, qu’elles soient payantes, notamment cryptées, ou gratuites, comme TF1 ou M6, et les chaînes internationales, qui, elles aussi, exercent une concurrence directe !
Pour la Nation, il est donc essentiel d’investir dans l’audiovisuel public. Mais ce dernier souffre d’un dénigrement systématique, lequel est d’autant plus regrettable lorsqu’il vient des autorités elles-mêmes. L’an dernier à la même époque, le chef de l’État qualifiait ainsi notre audiovisuel public de « honte de la République ».
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Il s’est calmé, depuis lors…
M. David Assouline. Pour ma part, je tiens à faire une mise au point – faute de quoi, on finirait par se demander pourquoi l’on accorde des financements.
Il faut saluer les performances de l’audiovisuel public. Je me joins au plaidoyer que M. Karoutchi, et d’autres dans cette assemblée, ont prononcé en faveur d’ARTE. J’ai souvent défendu cette chaîne. En un temps, j’étais même parmi les rares à prendre fait et cause pour elle. Je m’en souviens bien : on avait tendance à rabaisser cette « petite chaîne en noir et blanc ». (Mme Françoise Laborde rit.) On disait : « À quoi ça sert ? » Même quand ARTE avait peu d’audience, même quand elle subissait d’extrêmes difficultés, j’étais de ceux pour lesquels il ne fallait pas la dénigrer.
Tous les orateurs ont expliqué le rôle fondamental que joue l’audiovisuel extérieur pour le rayonnement de la France, notamment pour la francophonie. Il ne faut pas réduire notre exigence à cet égard.
J’ajoute que, dans les autres domaines, il faut saluer le chemin parcouru. Radio France enregistre des performances tout à fait exceptionnelles, dans un environnement concurrentiel incroyablement rude.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. C’est vrai !
M. David Assouline. Il faut garder à l’esprit le nombre de chaînes de radio existantes, et les proportions dans lesquelles la diffusion radiophonique s’est développée.
On a commencé par proposer de la musique, notamment des chansons ; désormais, un ensemble d’émetteurs culturels proposent des millions de podcasts sur des sujets très variés. Ils mettent notamment à disposition du public des émissions de philosophie : dans l’environnement actuel, ce n’est pas rien ! (Mme Françoise Laborde approuve.)
Mes chers collègues, vous connaissez les performances de France Inter ou de France Musique. Ce sont de véritables joyaux. Qui aurait dit, il y a dix ans, que Radio France, notamment France Inter, parviendraient à tirer leur épingle du jeu, tandis qu’Europe 1 s’enfoncerait dans la crise ?
Si nous atteignons ce résultat, c’est bien parce que nous avons continué à soutenir l’audiovisuel public. De grands efforts ont été consentis ; ils ont entraîné, à Radio France, un mouvement social qui, par son ampleur, était sans précédent depuis des décennies,…
M. Jean-Claude Requier. Il y avait aussi la personne du directeur…
M. David Assouline. … mais, en définitive, la rationalisation nécessaire a été accomplie. De plus, Radio France a investi dans le numérique, au point de devenir un champion de ce domaine, notamment grâce aux podcasts.
De même, à France Télévisions, l’information et les magazines d’enquête ont un coût.
M. Jean-Claude Requier. Et la messe ? (Sourires sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. David Assouline. Il faut avoir, à vingt heures, un journal télévisé qui tienne la comparaison face au privé, en particulier face à TF1, qui occupe la première place.
Certains déplorent qu’il n’y ait pas assez d’émissions culturelles. Soit. Mais il y en a, et les téléspectateurs le relèvent très souvent : c’est sur le service public qu’ils ont vu telle ou telle émission intéressante. De grands efforts ont été accomplis, notamment en faveur des séries, et France Télévisions a, elle aussi, investi dans le numérique.
Aujourd’hui, si le service public doit subir des reproches, c’est parce qu’il manque de moyens…
M. André Gattolin. Ah !
M. David Assouline. Ainsi, il a abandonné les grands événements sportifs, qui, pourtant, relèvent pleinement de son ressort.
M. Jean-Claude Requier. Eh oui !
M. André Gattolin. Bien sûr, c’est la faute de l’État…
M. David Assouline. Ce n’est plus sur France Télévisions que ces événements sont diffusés : ils coûtent tellement cher que le service public ne peut plus assumer cette dépense.
On pense, bien sûr, au football. Pour les mêmes raisons budgétaires, on envisage d’abandonner le rugby dans les années qui viennent. Pour le tennis, qui reste sur France Télévisions, il en sera bientôt de même ! Heureusement que le tour de France n’a pas lieu le soir et la nuit. La suppression de la publicité après vingt heures empêcherait d’en financer la diffusion, et pour cause : aujourd’hui, pour rentabiliser les émissions sportives, il faut des recettes publicitaires.
Voilà une véritable carence ; mais, si elle se fait jour, c’est parce que le service public manque de moyens, et non parce qu’il en a trop !
Mes chers collègues, la baisse de crédits qui nous est proposée est en porte-à-faux avec les déclarations du Gouvernement. Ce dernier prétend défendre et honorer le service public, mais, dans le même temps, il réduit son budget de 36 millions d’euros l’année prochaine, et de 190 millions d’euros dans les années qui viennent, sans compter les 150 millions d’euros d’investissements en fonds propres que l’on s’apprête à imposer au titre du numérique : toutes ces mesures contribuent à affaiblir l’audiovisuel public, au moment où il faut le renforcer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » s’élèvent à 581,35 millions d’euros en 2019. Ils sont, ainsi, en augmentation de 26,74 millions d’euros par rapport au montant voté en 2017.
Cette hausse des crédits s’explique en grande partie par une budgétisation des ressources du Centre national du livre, le CNL, pour un montant de 24,7 millions d’euros.
Le paysage des médias et des industries culturelles est dominé, à l’échelle mondiale, par une profonde mutation impulsée par la révolution du numérique et par la mondialisation de l’information. Au sein de la nouvelle économie du savoir qui se dessine, le rôle de l’État est à réinventer. Ce dernier n’est plus une puissance prescriptrice, ni même initiatrice, mais il joue un rôle de régulateur de la transmission des savoirs et de l’information, avec l’éducation nationale et avec les instances de régulation des médias.
Selon l’Institut français d’opinion publique, l’IFOP, huit Français sur dix utilisent internet. Le modèle de la presse écrite vacille et le comportement des lecteurs se transforme, passant des journaux aux agrégateurs d’information, des blogs aux réseaux sociaux, des forums à YouTube.
Si elles évoluent rapidement, les nouvelles pratiques de consommation connaissent trois constantes : gratuité, personnalisation et interactivité. Et la gratuité des contenus, associée à l’arrivée de nouveaux concurrents, change la donne pour les acteurs traditionnels. Leurs ventes sont en chute libre et leurs ressources publicitaires, captées par le web, fléchissent.
Face à tant d’incertitudes, le secteur accuse une crise systémique, dont le naufrage de Presstalis est l’un des symptômes. Pour résorber son déficit, qui s’élève à 37 millions d’euros, la société a absorbé toutes les marges de manœuvre du programme « Presse et médias ». De surcroît, elle s’est vu accorder un prêt de 90 millions d’euros par l’État et a obtenu, bon gré mal gré, le soutien des éditeurs.
L’amplification de la désinformation est un autre effet collatéral de ces bouleversements. Elle déstabilise nos démocraties et pointe des faiblesses résurgentes dans le traitement et la diffusion de l’information.
L’opinion est en proie, non seulement à la propagation des fake news, mais aussi à l’uniformisation de l’information, laquelle s’observe chez bon nombre de médias de masse. L’adaptation des médias au numérique se traduit, bien souvent, par des réductions d’effectifs et par l’influence croissante de Google, Apple, Facebook et Amazon, les GAFA, sur les grands groupes de presse. L’entrée de Xavier Niel au capital du journal Le Monde en 2010, ou le rachat par Jeff Bezos, propriétaire d’Amazon, du Washington Post en 2013, témoignent de ce phénomène de concentration de la presse aux mains d’une poignée d’acteurs.
Pour en revenir à des considérations purement budgétaires, le programme « Presse et médias » témoigne du soutien de l’État à un secteur en grave difficulté. L’Agence France Presse, l’AFP, recevra une enveloppe supplémentaire de 2 millions d’euros destinée à accompagner sa transformation, et le secteur de la presse bénéficiera, cette année encore, du taux réduit de TVA à 2,1 %. Évaluée à 170 millions d’euros pour 2019, cette dépense fiscale a été validée cet automne par la Commission européenne, pour ce qui concerne son application à la presse en ligne.
Le programme 334, « Livre et industries culturelles », marque les efforts engagés par le Gouvernement en faveur de l’accès à la lecture : que ce soit par le plan de financement de la Bibliothèque nationale de France, s’élevant à quelque 207 millions d’euros, par le soutien accordé au CNL pour financer la numérisation des collections, ou encore par le plan « Bibliothèques » faisant suite au rapport d’Érik Orsenna, le Gouvernement renouvelle son soutien aux industries culturelles.
Le doublement de la subvention au bureau export de la musique est reconduit cette année et le projet de création d’un centre national de la musique devrait – nous l’espérons – se concrétiser dans les prochains mois, affirmant une politique ambitieuse du Gouvernement pour la culture.
Face aux changements radicaux que l’information et l’accès à la culture connaissent depuis l’arrivée d’internet, et que j’ai évoqués il y a quelques instants, on peut légitimement se demander si le débat relatif à l’audiovisuel public n’est pas un combat d’arrière-garde. Monsieur le ministre, nous en reparlerons lorsque vous proposerez la réforme attendue en la matière.
Quoi qu’il en soit, l’année 2019 sera importante pour l’audiovisuel public. Pour l’heure, nous examinons un budget de transition, qui trace les grands axes de la réforme prochaine en dégageant une économie de 190 millions d’euros dès 2019.
Pour autant, nous sommes favorables à l’adoption de l’amendement par lequel la commission propose de renforcer les dotations à ARTE et France Médias Monde. Il s’agit là d’acteurs essentiels au rayonnement de la langue et de la culture françaises. Ils participent, au même titre que l’éducation nationale, à la transmission des savoirs et à la diffusion de nos valeurs.
Pour conclure, nous encourageons le Gouvernement à mener le difficile exercice qui consiste à réformer l’audiovisuel public. Mais, en parallèle, ne relâchons pas la vigilance sur notre rayonnement culturel international et la promotion de la langue française : il faut veiller à la qualité des contenus diffusés par les médias et promus par nos industries culturelles.
Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Mmes Colette Mélot et Dominique Vérien applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’an passé, je centrerai mon propos sur le compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
Si j’ai fait ce choix, ce n’est pas au motif que je me désintéresserais du sort de nos industries culturelles ou, plus largement, de l’avenir de la presse dans notre pays – bien au contraire. C’est parce que les crédits alloués à notre audiovisuel public sont sans doute, aujourd’hui, ceux qui font le plus débat au sein de notre assemblée, entre les différentes familles politiques et même – j’en ai bien peur – à l’intérieur de certains groupes.
Disons-le sans périphrase ni faux-nez : la réforme profonde de l’audiovisuel public, voulue par le Président de la République il y a plus d’un an, a vu son annonce plusieurs fois repoussée, ce qui a pu troubler certains.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Eh oui !
M. André Gattolin. Selon eux, le texte, désormais programmé pour le courant de l’année prochaine, cacherait les intentions réelles du Gouvernement.
En réalité, celles et ceux qui, notamment au sein de notre commission de la culture, suivent depuis de nombreuses années les questions liées à l’audiovisuel public, et en particulier à son financement, savent combien ce sujet est, non seulement délicat, mais véritablement difficile, du fait de sa complexité et des enjeux à la fois concurrentiels et technologiques qui l’entourent.
Moi-même qui ai eu la chance, il y a un peu plus de trois ans, de rédiger, avec notre collègue Jean-Pierre Leleux, un volumineux rapport d’information consacré à ce sujet, pour le compte des commissions de la culture et des finances,…
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Et à ma demande !
M. André Gattolin. … je dois bien l’avouer, sans me dédire des grandes recommandations que nous avons élaborées à l’époque : mes convictions initiales ont connu quelques inflexions, parfois significatives, eu égard aux évolutions récentes observées dans ce secteur, comme aux réalités économiques, sociales et humaines qui entourent les grands opérateurs de l’État dans ce domaine.
Mes chers collègues, je ne donnerai qu’une illustration de l’évolution de ces convictions. Même si Jean-Pierre Leleux et moi-même avions formulé nos propositions avec quelques précautions, pour ce qui concerne l’architecture globale de la gouvernance de l’audiovisuel public, je suis, aujourd’hui, moins enclin à suggérer un glissement rapide vers une entreprise ou une holding commune regroupant tous les opérateurs publics du secteur.
En effet, les premières synergies engagées entre plusieurs des sociétés publiques de l’audiovisuel, dès le mois de décembre 2017, ont, concrètement, encore bien du mal à voir le jour. Je pense notamment au rapprochement voulu entre les antennes régionales de France 3 et celles de Radio bleue. Ainsi, la matinale commune annoncée pour la rentrée 2018 ne verra le jour, au mieux, que l’année prochaine.
De même, le projet de plateforme numérique commune, qui constitue un chantier d’envergure, exige des choix technologiques et éditoriaux difficiles à établir, et pour cause : les différents opérateurs se sont déjà tous engagés, et parfois depuis longtemps, dans des voies assez, voire très divergentes.
Aujourd’hui, faute des orientations précises et des arbitrages qui devront cadrer la future réforme, il est bien difficile d’avancer sérieusement sur des sujets si sensibles que la réforme de la redevance audiovisuelle.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. La contribution !
M. André Gattolin. À ce titre, je rejoins M. Karoutchi : ce serait une erreur de mener ce travail en l’état, avant d’avoir précisé les missions que nous comptons assigner au service public de l’audiovisuel et avant d’avoir fixé nos objectifs opérationnels.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est une réforme systémique !
M. André Gattolin. C’est donc bien un budget de transition que nous examinons aujourd’hui, avec toutes les limites inhérentes à l’exercice.
Toutefois, il serait faux de dire que le Gouvernement n’a pas fixé de trajectoire. Cette dernière a été largement débattue et négociée avec les opérateurs. Au printemps dernier, l’on a ainsi arrêté un montant de 190 millions d’euros d’économies globales à rechercher à l’horizon de 2022, en déclinant l’effort et aussi les investissements attendus des différentes sociétés nationales du secteur.
Bien sûr, l’objectif peut paraître un peu rude, mais il est beaucoup plus raisonnable que ce que certains laissent entendre.
Il faut bien le dire, et le rapport que Jean-Pierre Leleux et moi-même avons consacré à la question en fait état : ces dernières années, les pouvoirs publics ont très largement abondé les budgets des chaînes, en particulier celles de France Télévisions. Or les résultats, tant quantitatifs que qualitatifs, se sont parfois révélés plus que décevants ; sans faire état des taux d’audience, je pense, notamment, à la revente des émissions produites à l’étranger.
De plus, en procédant ainsi, la France est allée à contre-courant de la presque totalité des pays européens. J’ai eu la curiosité d’examiner l’évolution des budgets dédiés, par les différents États d’Europe, au service public de l’audiovisuel : à l’exception de l’Allemagne, où la télévision est financée par les Länder, tous les pays, grands ou petits, de la Belgique à la Grande-Bretagne, de l’Espagne à l’Italie, ont procédé à des réductions de budgets et d’effectifs.
Cet effort a permis de nouveaux développements ; souvent, il s’est soldé par un certain succès – les émissions produites en témoignent. On peut avancer que ces structures se sont bien recentrées sur leurs missions de service public.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Voilà !
M. André Gattolin. Cette évolution s’observe quelle que soit la taille du service public audiovisuel dans le pays considéré, et quel que soit le niveau de la redevance perçue.
On pourrait croire que, si certains pays peuvent mener à bien de nombreux projets en la matière, c’est grâce à des montants élevés de redevance audiovisuelle. Eh bien, tel n’est pas le cas. Dans des pays comme la Belgique ou l’Italie, la redevance n’est pas très élevée, et pourtant des réformes ont eu lieu. Ainsi, la réforme de la Radio Télévision belge francophone, la RTBF, se révèle plutôt intéressante.
Celles et ceux qui ont assisté au grand colloque organisé en juillet dernier par notre commission de la culture, en présence de plusieurs responsables de l’audiovisuel public d’autres pays d’Europe, ont presque tous été frappés par ce constat : un véritable contraste se fait jour entre, d’une part, nos sociétés nationales et leurs dirigeants, et, de l’autre, leurs vis-à-vis européens.
Mes chers collègues, pour en revenir à la mission qui nous intéresse au titre du projet de loi de finances pour 2019, nous pouvons dire que les économies, plus ou moins prononcées, attendues de chaque opérateur de l’audiovisuel public sont cohérentes avec la trajectoire annoncée au printemps dernier pour l’horizon 2022. Il n’y a pas de surprise à cet égard, et l’examen des amendements me permettra de dire pourquoi je ne suis pas favorable aux réaffectations internes à ces différents budgets.
Bien entendu, les sénateurs du groupe La République En Marche voteront ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de dire que les annonces faites aujourd’hui par le Premier ministre sont largement insuffisantes. Aussi, je réitère l’appel de notre groupe à ce que notre assemblée traduise, dans le budget que nous examinons, les exigences légitimes qui s’expriment dans notre pays.
M. Fabien Gay. Oui !
Mme Céline Brulin. La contestation porte, en partie, sur le fonctionnement de nos institutions. Nous devons écouter ces protestations avec la considération qui s’impose, surtout au moment où le Sénat examine des choix budgétaires, eux-mêmes incriminés. (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Cela dit, je vais évidemment vous faire part de la position de notre groupe sur les orientations budgétaires relatives au secteur de l’information et des médias, lequel est, lui aussi, largement mis en cause aujourd’hui.
Ces domaines – ce n’est pas sans lien avec le constat précédent – sont frappés de plein fouet par la révolution numérique. La multiplication des canaux d’information et l’essor de géants du numérique, qui placent souvent les médias traditionnels dans une position de subordination, appellent une politique ambitieuse, à la hauteur des enjeux économiques – à ce titre, il faut veiller à ce que les médias traditionnels ne soient pas écrasés par ces nouveaux acteurs – et démocratiques : il faut veiller au maintien d’une information de qualité, pluraliste, beaucoup plus efficace pour lutter contre les fausses informations que des gadgets législatifs.
Mme Céline Brulin. Aujourd’hui, moins d’un quart des Français ont confiance dans les médias, et moins d’un tiers d’entre eux croient en leur indépendance.
Cette situation affaiblit notre contrat social dans des proportions inédites, et le mouvement que nous connaissons aujourd’hui en est le symptôme. Nos concitoyens demandent plus de justice sociale, et, dans le même temps, ils exigent une démocratisation de nos institutions. Se montrer à la hauteur, c’est engager l’État dans un plan d’investissement digne de ce nom pour relever ce double défi économique et démocratique.
Or, monsieur le ministre, votre budget pour 2019 me semble très loin du compte.
Tout d’abord, pour l’audiovisuel public, d’ici à 2022 et sans compter les effets de la suppression de la publicité, près de 200 millions d’euros devraient être demandés aux opérateurs publics, dont 35 millions d’euros cette année – et je ne prends pas en compte les 85 millions d’euros de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, affectés à France Télévisions. Notre assemblée l’a conservée opportunément la semaine dernière – vous le savez, les élus de notre groupe formulaient cette demande depuis longtemps –, mais elle reste menacée.
Au moment où ces opérateurs publics doivent avancer vers une numérisation de leur contenu et investir dans Salto, ces menaces ne sont pas de bon augure. Le lancement de cette plateforme financière à hauteur de 45 millions d’euros par TF1, M6 et France Télévisions ne manque pas d’inquiéter, surtout au regard des 7 à 8 milliards de dollars que Netflix consacre chaque année à l’enrichissement de son catalogue.
Du côté de la presse, le bilan n’est pas plus positif. Si l’aide à l’AFP et les secours accordés à la distribution gonflent légèrement le budget, la baisse des aides à la presse est bien réelle.
La question de la distribution pose, en elle-même, des problèmes fondamentaux : l’accord de sauvetage de Presstalis met en danger de manière inédite le pluralisme, en augmentant de manière uniforme la taxe sur tous les éditeurs de journaux, quelle que soit leur taille, et en permettant de rompre avec le principe d’une égale diffusion de tous les titres.
L’avenir du Conseil supérieur des messageries de presse, le CSMP, et de l’autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, semble lui aussi bien incertain. Il est question de les remplacer par une société privée, et ce projet a de quoi inquiéter.
Au sujet des droits d’auteur, l’adoption par l’Union européenne de la directive relative aux droits voisins apporte certes l’espoir d’une meilleure rémunération des titres de presse. Mais il ne faudrait pas que ces derniers soient contraints d’héberger l’intégralité de leur contenu chez les géants du web : nous y serons attentifs. De plus, sur ce point, je tiens à exprimer notre mécontentement : la taxe GAFA, votée la semaine dernière ici même, a été balayée aujourd’hui par un accord intergouvernemental a minima avec l’Allemagne. (M. Pierre Ouzoulias approuve.)
Enfin, pour ce qui concerne le livre, qui bénéficie de la quasi-totalité de l’augmentation budgétaire du programme 334, il reste à s’assurer que l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques se fera dans le respect des droits des salariés, et qu’elle sera assortie d’une véritable aide aux collectivités territoriales. Je pense en particulier aux communes.
Monsieur le ministre, je conclurai en vous posant deux questions.
Premièrement, où en sont les discussions relatives à la protection sociale et au régime fiscal des auteurs ? Vous savez l’opposition des élus de notre groupe au transfert de la Maison des artistes et de l’association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, l’AGESSA, aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF. Cette évolution laisse augurer une baisse de la qualité du service offert aux 100 000 auteurs du livre reconnus par l’État, dont presque la moitié vit sous le seuil de pauvreté.
Cette précarité est d’ailleurs renforcée par la perception que l’État et les maisons d’édition ont des droits d’auteur, lesquels sont trop souvent considérés comme des revenus du patrimoine et non comme des revenus du travail. C’est sur ce fondement que les maisons d’édition s’exonèrent allègrement de leurs obligations sociales, qu’il s’agisse des rémunérations ou des cotisations.
Deuxièmement, face à un mouvement inédit lancé par les dessinateurs de bandes dessinées contre la précarité généralisée que subit leur secteur d’activité, votre prédécesseur a lancé, l’an dernier, une mission. Or nous n’avons plus aucune nouvelle de ce chantier. Ces professionnels se retrouveront du 24 au 27 janvier prochain au festival d’Angoulême. Ma question est simple : aurez-vous des solutions à leur proposer ?
Au vu de ces perspectives inquiétantes concernant les médias et les industries culturelles, les élus de notre groupe voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Mme Françoise Laborde et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’ouvrirai mon propos en évoquant les crédits alloués à l’audiovisuel public. Ce sont ceux qui connaissent l’évolution la plus significative.
En 2019, leur baisse se poursuivra, avec un nouveau recul de 36 millions d’euros. Le Gouvernement a fixé un objectif de 190 millions d’euros d’économies d’ici à la fin de la législature. Nous déplorons cette logique purement comptable, qui ne saurait servir la réforme annoncée. En effet, l’avenir de l’audiovisuel public ne peut se dessiner sereinement dans un environnement aussi contraint. Pour mémoire, les sociétés concernées sont tenues, dans le même temps, d’augmenter leurs investissements dans le numérique à hauteur de 150 millions d’euros.
La future réforme ne devra pas se contenter d’imposer des économies par principe. Les marges dégagées devront également servir la modernisation, le développement et l’attractivité de notre audiovisuel public. À cet égard, nous regrettons profondément que la TOCE, aujourd’hui détournée de son objet, ne bénéficie plus à France Télévisions. De tels signaux donnent à penser que les économies obtenues auront pour seule vocation d’alimenter le budget général.
Seuls les principaux éléments de la prochaine réforme, lorsqu’ils auront été définis et communiqués par l’exécutif, nous permettront d’établir quelles marges il convient de dégager, et à quelles fins.
Dans l’attente, nous souscrivons pleinement à l’amendement de la commission des finances visant à augmenter de 5 millions d’euros les crédits accordés à France Médias Monde et de 2 millions d’euros les fonds dévolus à Arte. Nous refusons une baisse mécanique des sommes dédiées à ces deux acteurs, qui se montrent exemplaires dans l’accomplissement de leur mission de service public, qu’il s’agisse de l’offre proposée ou des efforts de gestion accomplis.
Les élus du RDSE veulent également faire part de leurs réserves face à la disparition de la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô. Cette mesure n’entraînera pas d’économies réellement significatives. En revanche, elle dégradera immanquablement la qualité de la programmation sportive et des émissions à destination de la jeunesse au sein de l’audiovisuel public.
J’en viens à la situation de la presse, qui demeure critique. L’érosion du journal papier se poursuit. La montée en puissance du numérique permet de compenser partiellement cette évolution, mais les crédits dédiés sont en baisse de 6 % dans le projet de budget qui nous est soumis, et c’est la diffusion qui doit supporter cette diminution.
Comme beaucoup de mes collègues commissaires à la culture, j’observe une certaine déconnexion entre cette baisse des crédits et la diminution constatée année après année au sein de la diffusion ; la réduction des crédits apparaît, en effet, plus forte.
Le sauvetage de la société Presstalis se poursuit et absorbe l’ensemble des marges du programme. Dans ce domaine également, une réforme d’envergure est annoncée. Elle devrait reposer sur les éléments du rapport que Marc Schwartz a remis, avant l’été, à Mme la ministre de la culture. Même si aucun arbitrage n’a encore été rendu, l’ancien médiateur du livre propose de remanier en profondeur la loi Bichet.
Cette loi, issue du Conseil national de la Résistance, a permis de garantir la pluralité de la presse en France depuis l’après-guerre, même si le secteur de la distribution connaît aujourd’hui des difficultés considérables. Nous devrons donc apporter un soin tout particulier à la définition de ce nouveau cadre.
J’en viens à la situation du livre et des industries culturelles.
Nous pouvons tout d’abord nous féliciter de la bonne santé du secteur du cinéma. Ce dernier bénéficie depuis 2016 de crédits d’impôt rénovés, dont toutes les évaluations conduites ne cessent de démontrer le bien-fondé. Les dépenses annuelles de tournage en France ont ainsi progressé de 640 millions d’euros depuis cette date, générant au passage la création de 15 000 emplois. Il convient donc de préserver les dispositifs introduits.
Les crédits d’impôt bénéficiant à la musique sont également profitables et devront perdurer. Le difficile cap de la révolution numérique est aujourd’hui bien franchi et le problème du piratage relativement endigué.
Le jeu vidéo est le troisième secteur qui connaît une dynamique enviable. Il est aujourd’hui la deuxième industrie culturelle française, devant le cinéma et la musique, avec des entreprises de rang mondial.
J’achève mon propos par le soutien au livre qui demeure la première industrie culturelle. Le secteur se porte toujours plutôt bien et continue de se reposer sur un réseau de ventes fourni, notamment avec près de 5 000 librairies spécialisées.
La densité de notre réseau de distribution s’appuie également sur nos bibliothèques, dont l’élargissement des horaires d’ouverture continue d’évoluer, même si cette évolution demeure encore timide, notamment le dimanche. Ces nouvelles facilités d’accès s’inscrivent toutefois dans le bon sens, et nous pouvons saluer l’engagement de nos collectivités territoriales dans cette démarche.
Mes chers collègues, au regard de l’ensemble de ces éléments, le groupe du RDSE votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Laurent Lafon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, nous avions qualifié le bleu budgétaire de la mission « Médias, livre et industries culturelles » de « budget de transition », dans l’attente de réformes structurelles, notamment celles de l’audiovisuel public, de l’AFP et de la loi Bichet. Nous pouvons reprendre cette expression « budget de transition », puisque nous attendons toujours ces réformes.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Il va falloir attendre l’année prochaine !
M. Laurent Lafon. Pour cette nouvelle année de transition, les crédits de la mission s’inscrivent en baisse de 0,8 %, soit 550 millions d’euros en crédits de paiement.
La diminution des dotations est majoritairement supportée par le programme « Presse et médias ». Nous regrettons la diminution à hauteur de 5 millions d’euros des aides au portage, sur lesquelles est concentré l’essentiel de la baisse des crédits. Elles sont pourtant indispensables dans cette période de transition. La disparition des kiosques dans les centres-villes, dans des départements urbains, mais aussi ruraux, est mal vécue.
Si l’érosion de notre réseau de kiosques physiques est une perte pour nos communes, notamment en termes de sociabilité et d’animation des centres-villes, les mettre en concurrence avec l’essor des kiosques numériques n’est pas souhaitable pour autant, en tout cas pour l’instant.
Nous partageons très clairement les réflexions du rapporteur pour avis, Michel Laugier, sur la nécessité de ne pas entraver les kiosques numériques, qui constituent une véritable exception française. Face à la montée en puissance des GAFAM en matière d’information, ces entreprises sont encore à la recherche d’un modèle, mais peuvent constituer une voie d’avenir pour la presse française.
Par ailleurs, on ne peut passer sous silence les relations avec l’Agence France Presse, qui représente 25 % des crédits de paiement de la mission budgétaire, en augmentation de 2 millions d’euros cette année.
Comme le rappelle très justement le rapporteur pour avis, les statuts de l’AFP limitent très fortement sa capacité à mobiliser des financements. Or, pour faire face à la concurrence mondiale – particulièrement vive dans ce domaine –, notamment l’agence chinoise Xinhua sur le continent africain, l’AFP doit pouvoir se doter des moyens de tenir son rang. L’État ne doit exclure aucune option de financement extérieur, à ce stade.
Je souhaite aussi dire quelques mots de la dotation versée par le ministère de la culture à la Hadopi sur les crédits du programme « Livre et industries culturelles ». Cette année, la Hadopi percevra une enveloppe budgétaire identique à celle de 2018, soit 9 millions d’euros. Cette stabilisation des crédits ne doit pas nous exonérer d’une réflexion sur les missions attribuées à la Hadopi face à l’évolution du cadre technologique.
Monsieur le ministre, vous aviez affirmé en 2015 que, avec un budget de 7,5 millions d’euros, Hadopi pouvait « à peine maintenir la conduite de missions significatives » qui sont les siennes. Avec 9 millions d’euros, la Hadopi pourra-t-elle faire face aux défis qui sont devant nous ?
La lutte contre le streaming, le retrait des sites pirates des moteurs de recherche, l’établissement d’une liste noire de sites pirates : ces mesures annoncées par vos deux prédécesseurs tardent à voir le jour. En maintenant des crédits et des missions réduites, le risque d’obsolescence programmée de la Hadopi est réel.
Pour apporter une réponse à moyens budgétaires constants, la question du développement des outils et des réponses communes des entités régulatrices européennes doit être mise sur la table.
Pour conclure, le groupe Union Centriste votera cette année les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », mais nous restons en l’attente d’une vaste réforme de la loi Bichet et de l’audiovisuel, pour remettre à plat les différents systèmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mes chers collègues, la mission « Médias, livre et industries culturelles » apporte une contribution essentielle à l’information des citoyens et à la diffusion des idées. C’est indispensable pour que chaque individu puisse se construire une conscience politique libre et éclairée. Elle contribue également, avec le cinéma et l’industrie de la musique, au bien-être de chacun.
La presse et les médias ainsi que l’industrie culturelle sont plus que jamais des acteurs majeurs de notre vie démocratique et économique. Ils sont un point de repère dans notre société de plus en plus numérisée, où les fausses informations, hélas, circulent de plus en plus vite.
Ces acteurs sont aujourd’hui confrontés à de nombreux défis : un environnement concurrentiel et mondialisé et la révolution numérique, qui a bouleversé l’accès à l’information ainsi qu’aux œuvres.
Dans ce contexte les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » proposés par le projet de loi de finances pour 2019 s’élèvent à plus de 581 millions d’euros, soit une augmentation de 26,74 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2018. Cependant, cette hausse des crédits est la conséquence d’une évolution du périmètre de la mission en 2019.
Les ressources du Centre national du livre seront budgétisées à hauteur de 24,7 millions d’euros, en raison de la suppression de plusieurs taxes à faible rendement proposée par le projet de loi de finances.
Les entreprises de presse doivent constamment s’adapter aux nouvelles technologies, ainsi qu’à l’utilisateur de ces services. Ainsi, le montant des crédits du programme « Presse et médias » sera globalement le même que celui de la loi de finances initiale pour 2018. Cependant, deux évolutions sont à noter : le soutien financier que l’État alloue à l’Agence France Presse et la diminution du montant total des aides accordées à la presse, conséquence d’une diminution des volumes portés.
La situation de l’AFP était déjà préoccupante l’année dernière. La concurrence de taille mondiale d’agences comme Reuters, qui sont soutenues par de très grands groupes, place l’AFP en difficulté sur le marché. À la suite de l’audition du nouveau Président-directeur général, je note l’absence de vision et le manque de stratégie pour l’entreprise, lequel est dû à l’inefficace cohésion des volontés des trois tuteurs étatiques que sont le ministère de la culture, le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères. Le P-DG a proposé un plan de transformation, afin de réduire les coûts.
L’Agence France Presse étant soumise à de fortes contraintes budgétaires, je salue son choix, difficile, mais inévitable, du plan de non-remplacement des départs « naturels », qui concerne 125 postes sur cinq ans. Cependant, afin de garder une qualité de rédaction des textes et de moderniser la diffusion vidéo de l’Agence, 35 personnes seront recrutées dans le même temps.
Dans ce contexte compliqué, le soutien financier de l’État est renforcé de 2 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2018, afin d’amortir les difficultés de l’entreprise. L’agence France Presse est indispensable ; elle doit rester le champion français, seule agence européenne à figurer parmi les trois grandes agences mondiales, elle qui est présente partout dans le monde. Elle permet de certifier les informations et de contrer toutes les fausses informations qui commencent à envahir notre quotidien.
S’agissant de la presse écrite, que les actions de l’État orientent vers la modernisation et le développement du numérique, elle voit ses aides en diminution d’environ 6 millions d’euros. Cette réduction est principalement liée à la réduction de l’aide au portage de la presse, cette baisse étant constatée depuis quelques années, ce qui conduit à réorienter le budget. La participation de l’État reste tout de même de 26,5 millions d’euros.
La dotation accordée au Centre national du livre pour 2019, désormais inscrite sur les crédits budgétaires du programme, est fixée à 24,7 millions d’euros, ce qui lui permettra de poursuivre ses missions en toute quiétude.
Ce montant tient compte de l’attribution directe de 3 millions d’euros à la Bibliothèque nationale de France, pour financer la numérisation des collections dont celle-ci a la charge. La dotation de la Bibliothèque nationale de France représente les deux tiers des crédits de paiements du programme « Livre et industries culturelles », soit 207,9 millions d’euros pour 2019.
La véritable interrogation sur le programme porte sur la politique que mène le ministère de la culture en faveur du livre et de la lecture, en donnant la priorité à la lecture publique, objectif guidé par le plan « Bibliothèques » élaboré à la suite du rapport d’Érik Orsenna du mois de février 2018. Il s’agit d’ouvrir davantage les bibliothèques et d’élargir leurs missions. Cependant, une grande partie du financement est inscrit sur le concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques municipales et départementales, ce qui me fait émettre un doute sur la faisabilité de certaines propositions.
J’en viens au cinéma, à la musique et au jeu vidéo, qui sont autant de secteurs contribuant au bien-être et au développement de chacun. Ce sont également des acteurs économiques de premier plan, avec un chiffre d’affaires supérieur à 15 milliards d’euros.
Prenons l’exemple de la production d’un film : celui-ci est financé par le Centre national du cinéma et de l’image animé, le crédit d’impôt et les chaînes de télévision.
Les aides attribués par le CNC sont financées par une série de taxes affectées, dont le montant précis pour 2019 est de 678 millions d’euros. Le soutien au cinéma passe également par de nombreux crédits d’impôt, dont le montant total est chiffré à environ 373 millions d’euros. Ces deux dispositifs contribuent à soutenir l’industrie du cinéma en France, afin d’éviter les délocalisations de tournages face à la concurrence internationale.
En ce qui concerne l’audiovisuel public, il est urgent d’entamer la mise en œuvre de sa refondation. Les crédits alloués pour 2019 continuent à baisser. Après avoir augmenté de 100 millions d’euros sur la période 2015-2017, puis baissé de 36,7 millions d’euros en 2018, ils diminueront à nouveau de 36 millions d’euros en 2019. Le Gouvernement a fixé un objectif de 190 millions d’euros d’économies d’ici à 2022. Ce budget est donc le premier épisode d’une longue série de réformes qui mettent l’accent sur les économies et obligent les entreprises à faire des efforts sur l’organisation.
Attention toutefois à la tendance qu’à la France à réduire les moyens de son opérateur international, France Médias Monde, alors même que les autres pays donnent toujours plus de moyens à leur audiovisuel extérieur. La présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Morin-Desailly, nous avait alertés à ce sujet. Je partage donc la position commune de la commission des finances et de la commission de la culture.
Pour conclure, ce budget en hausse permet de soutenir la mission « Médias, livre et industries culturelles », ainsi que le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », auxquels je suis favorable.
Le groupe Les Républicains votera donc les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
(Mme Catherine Troendlé remplace Mme Valérie Létard au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son discours prononcé à l’Institut de France le 21 mars dernier, le Président de la République a fait part de son ambition pour la francophonie et la langue française.
Force est de constater, seulement quelques mois plus tard, que l’audiovisuel extérieur de la France, outil pourtant indispensable au rayonnement de notre pays, de notre langue et de notre culture à l’international, sort, à ce stade, affaibli de ce projet de loi de finances pour 2019, tant que l’amendement visant à abonder 86 millions d’euros ses crédits, dont a parlé David Assouline, n’est pas définitivement adopté. Le sera-t-il, d’ailleurs ? (M. le rapporteur spécial marque sa circonspection.)
Oui, nous sommes inquiets, d’autant que plusieurs pays européens ont décidé de renforcer considérablement les moyens de leur audiovisuel extérieur, le Royaume-Uni avec BBC World, l’Allemagne avec Deutsche Welle.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Eh oui !
Mme Claudine Lepage. Cette inquiétude est renforcée par la volonté de certains pays d’utiliser leur audiovisuel pour déployer des stratégies d’influence. Je pense à la Russie avec Russia Today, RT, mais aussi à la Chine.
Face à la concurrence internationale, le montant des crédits consacré à France Médias Monde pour 2019 – 261,52 millions d’euros – apparaît bien dérisoire pour faire face aux nombreux défis à venir.
La dégradation de la situation financière de France Médias Monde est inquiétante, et la réflexion interministérielle lancée au mois de février dernier devra nécessairement répondre à ses inquiétudes.
Si la situation de France Médias Monde est inquiétante, celle de TV5 Monde l’est tout autant. En effet, le budget de la chaîne francophone est également en baisse de 1,2 million d’euros, obligeant d’ores et déjà celle-ci à rendre des arbitrages peu satisfaisants, comme l’abandon de la diffusion satellitaire en Irlande et en Grande-Bretagne.
Monsieur le ministre, alors que votre gouvernement répète à plusieurs reprises son ambition francophone, je ne puis que regretter cette incohérence entre les discours et la réalité budgétaire. Une chose est certaine, ce n’est pas en diminuant le budget de l’enseignement français à l’étranger et en fragilisant l’audiovisuel extérieur de la France que l’on parviendra à atteindre 750 millions de locuteurs francophones dans le monde dans quelques années. Sans volonté politique, ce chiffre ne restera, je le crains, qu’une vue de l’esprit.
Pour finir, monsieur le ministre, je tiens à évoquer la situation de plus en plus précaire, en termes de couverture sociale, des journalistes pigistes, qui résidents hors de France et travaillent pour des médias français. Ils travaillent dans des conditions parfois difficiles et, compte tenu de leur apport à notre audiovisuel public, il convient d’entendre leur appel en faveur d’une meilleure protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, il me revient de présenter la position du groupe Union Centriste sur les programmes « Livre » et « Industries culturelles » et Compte d’avance audiovisuel pour ce projet de loi de finances pour 2019.
Je commencerai par le programme « Livre ». Grâce à Érik Orsenna, l’importance des bibliothèques a été reconnue. Il nous a lui-même affirmé avoir compris, en faisant son tour de France, l’importance des bibliothèques départementales et avoir reconnu les efforts accomplis sur les territoires, efforts qui méritaient d’être soutenus et déployés. Cela se traduit dans ce projet de loi de finances, et c’est une satisfaction. Ces aides devront perdurer.
Monsieur le ministre, je vous ferai maintenant part d’une inquiétude, celle de voir l’argent de la culture englouti dans quelques projets pharaoniques. Parmi ceux-ci, sur les crédits du livre, nous pouvons évoquer la rénovation du site Richelieu. Nous avons pu constater, lors d’une visite menée avec la commission de la culture, la qualité des travaux engagés, mais ne saurions que trop vous conseiller, vous qui n’avez pas ce passif à assumer, d’être très attentif aux travaux à venir, afin qu’aucun dérapage financier supplémentaire ne soit à déplorer.
Puisque nous parlons de dérapage financier, le lien est tout trouvé pour passer à l’audiovisuel et à cette chère – très chère – Maison de la radio. Chaque rapport préconise sa centaine de millions d’euros supplémentaires et une estimation du rapporteur pour avis de la commission de la culture friserait les 740 millions d’euros. Fichtre ! Le code des marchés publics a dû bien s’accrocher, car, pour en arriver là, il a dû tanguer, voire être plusieurs fois renversé.
Revenons au budget autre qu’immobilier. Monsieur le ministre, vous demandez une baisse de 1 % à tous les acteurs de l’audiovisuel, à ceux qui ont bien fait, comme ARTE ou France Médias Monde, comme à ceux qui ont été moins vertueux, comme France Télévisions.
Au risque de répéter ce que mes collègues ont souligné avant moi, j’y vois la manifestation du syndrome de la pointeuse installée pour tous à l’entrée d’une entreprise parce que l’on n’ose pas dire à la minorité qui est en retard de respecter ses horaires. Une politique publique de l’audiovisuel devrait respecter ceux qui font des efforts en exigeant moins d’eux et demander aux autres de respecter leurs engagements. C’est pourquoi notre groupe soutiendra les propositions pour une plus juste répartition de l’effort.
Quant au reste, une politique publique sur le sujet, nous en attendons une. Il semblerait qu’elle soit prévue pour 2019. Tant mieux, car mis à part le rapprochement de France 3 et de France Bleu à l’échelon régional, qui semble remis sur les rails, les premiers éléments annoncés ne font pas apparaître une ligne claire pas plus qu’une vision à long terme.
Cette réforme devra aborder des sujets financiers incontournables, comme la question de la redevance publique, en particulier de son assiette, afin de prendre en compte les nouveaux modes de consommation, la nécessité d’organiser et de mutualiser les moyens au sein de France Télévisions et de Radio France, en trouvant un équilibre entre la limitation des dépenses et l’effectivité des services, ou encore l’importance de réaliser des investissements massifs en matière de développement du numérique, afin de donner les moyens à notre audiovisuel de s’adapter et d’être compétitif contre les géants privés internationaux.
En attendant, ce budget n’est qu’un budget de transition sans ambition. S’il est donné une suite favorable à notre proposition d’une meilleure répartition des efforts, nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur spécial, cher Roger Karoutchi, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, chère Joëlle Garriaud-Maylam, chère Françoise Laborde, cher Raymond Vall, cher Jean-Pierre Leleux et cher Michel Laugier, mesdames, messieurs les sénateurs, les médias, le livre et les industries culturelles doivent faire face à d’importantes mutations, vous êtes nombreux à l’avoir rappelé. Le projet de budget que je vous présente aujourd’hui leur permettra de mieux s’y adapter, de se renouveler, de se moderniser, pour être capables d’anticiper les évolutions futures.
Ce budget protège notre modèle de diversité culturelle et les principes qui l’ont façonné, dans un environnement qui, chaque jour, les remet en cause et les fragilise.
Concernant la presse, nous soutiendrons son indépendance, car celle-ci est une chance. Il nous revient de la protéger, d’aider les journalistes à exercer leur métier et de garantir leur liberté.
Les aides au pluralisme seront sanctuarisées, à hauteur de 16 millions d’euros. Nous accompagnerons la transformation de l’Agence France Presse, acteur central de l’écosystème médiatique, essentiel à la production d’une information fiable et de confiance.
Vous le savez, 2 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés à cet effet, dans le budget 2019 de mon ministère. Au total, le soutien de l’État aura été de près de 8 millions d’euros supérieur aux engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens qui s’achève.
Les enjeux de transformation auxquels l’AFP fait face sont considérables. Les jalons fixés par la nouvelle direction doivent permettre d’y répondre à court et moyen terme. J’y serai attentif, et l’État continuera d’accompagner la transformation numérique de l’AFP.
Je l’ai dit lors de l’examen des crédits de la mission « Culture », l’AFP joue un rôle essentiel, notamment dans la lutte contre la mauvaise information, la désinformation et la manipulation en ligne. Le dispositif AFP factuel est une référence.
Par ailleurs, nous aiderons la filière de la distribution de la presse à se transformer. Certes, les aides au portage baisseront de 5 millions d’euros, mais cette évolution budgétaire peut être mise en parallèle avec l’évolution des volumes. Elle poursuit la tendance de 2018, mais elle conduit à une dotation de 26,5 millions d’euros, largement supérieure à celle qui était antérieure aux États généraux de la presse, il y a dix ans. C’est donc une ambition très forte qui est maintenue pour l’aide au portage.
Je veux également rappeler que le Gouvernement travaille activement à la réforme de la loi Bichet. J’ai entendu les remarques pertinentes des uns et des autres à ce sujet et j’ai pris toute la mesure des attentes de l’ensemble des acteurs sur ce dossier complexe.
Dans l’accompagnement de Presstalis, l’État est déjà mobilisé, à travers un prêt du Fonds de développement économique et social et un soutien budgétaire exceptionnel de 9 millions d’euros. Ce dernier est prélevé sur l’enveloppe du Fonds stratégique de développement de la presse, auquel les éditeurs de Presstalis ont proposé de renoncer temporairement, afin que ce prélèvement soit sans effet pour les autres éditeurs.
La distribution de la presse mérite toute notre attention, parce qu’elle permet d’assurer la présence de la création, des contenus, des œuvres de l’esprit, dans tous les territoires. Nous devons veiller à l’avenir des marchands de journaux et des kiosques, qui sont si fragilisés.
La distribution de la presse est une voie d’accès à la culture essentielle. L’audiovisuel public l’est également. On oublie trop souvent que l’année 2019 sera la première année de mise en œuvre de la transformation annoncée par ma prédécesseur.
Vous en connaissez les enjeux. L’audiovisuel public doit renouer avec la jeunesse de France. Il doit se rapprocher de nos territoires et devenir un média de proximité. Il doit devenir plus numérique, plus audacieux, plus créatif. En bref, je veux un audiovisuel public puissant, qui devienne la référence en Europe, à travers ses programmes et ses diffusions hexagonales, ultramarines et à l’étranger.
Or un audiovisuel public puissant demande des financements pérennes et justes, notamment dans une période de bouleversement des usages et de suppression programmée de la taxe d’habitation. En attendant, un effort réel, mais soutenable de 36 millions d’euros est prévu l’année prochaine, soit une baisse de 1 % des concours publics au secteur. Cet effort se traduira selon une stratégie adaptée à chaque société.
Je tiens à rappeler que, entre 2017 et 2019, même si je conçois et soutiens la volonté que vous avez exprimée d’accompagner France Médias Monde et ARTE, les dotations de contributions audiovisuelles publiques ont augmenté de 1,8 % pour France Médias Monde et de 1,2 % pour ARTE, mais ont baissé de 2,2 % pour France Télévisions.
Je ne soutiendrai par conséquent pas les amendements visant à aller dans le sens d’un transfert plus important de financement entre France Télévisions, France Médias Monde et ARTE. Nous avons consenti un effort budgétaire substantiel en 2018 en direction de France Médias Monde et d’ARTE. En 2019, il y a une régulation.
Transformer l’audiovisuel public, c’est aussi transformer sa gouvernance et son organisation, pour qu’il soit plus fort, au service de ses missions redéfinies.
C’est dans l’union que nous trouverons les ressources pour construire un service public à même de répondre aux défis de notre temps. Vous le savez, nous en avons parlé en commission, nous aurons l’occasion de nous revoir pour travailler au projet de gouvernance nouvelle pour l’audiovisuel public.
Concernant la Maison de la radio, nous attendons toujours le plan de Radio France pour la finalisation des travaux. Vous pouvez compter sur l’État pour accompagner les travaux finaux de la Maison de la radio, en portant bien entendu un regard particulièrement affûté, car cela représenterait d’importantes sommes. L’utilisation de l’argent public exige toujours beaucoup de méticulosité.
Ces choix s’inscrivent dans le contexte d’une transformation plus large de l’ensemble de notre paysage audiovisuel et de sa régulation. C’est le sens de la réforme de la loi de 1986. Nous y travaillons activement. Le Sénat y sera bien évidemment associé.
Nous définirons un nouveau cadre de régulation pour l’audiovisuel, qui permettra aux acteurs traditionnels et aux acteurs numériques de coexister et qui maintiendra entre eux une concurrence équitable.
Nous y parviendrons en faisant entrer les nouveaux acteurs dans notre modèle français – un modèle qui tient compte de l’exigence de diversité et d’investissement dans la création –, tout en assouplissant les règles qui s’appliquent aux acteurs traditionnels et en leur donnant plus de cohérence.
Parmi les nombreux sujets qui sont sur la table, la question de l’évolution des règles de la numérotation des chaînes pourra être posée. Dans une logique de plus grande lisibilité pour le téléspectateur, des regroupements par thématiques, comme l’information ou la découverte et la connaissance, pourraient être envisagés.
La transposition de la directive Services de médias audiovisuels nous y aidera. Elle sera incluse dans la loi, au même titre que des mesures de renforcement de la filière audiovisuelle, notamment en matière de lutte contre le piratage.
Aujourd’hui, monsieur Lafon, avec 9 millions d’euros, la Hadopi peut tout à fait remplir ses missions. Nous pouvons toutefois continuer de réfléchir à l’évolution de ses missions, aux dispositifs de lutte contre les pratiques non autorisées sur internet et à l’observation des usages de nos compatriotes sur internet. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez prendre part à cette réflexion.
Ces débats sur l’audiovisuel sont corrélés au soutien public à la production, cinématographique et audiovisuelle. Ils me permettent aujourd’hui de vous annoncer une bonne nouvelle pour le secteur du cinéma, monsieur le rapporteur spécial. (M. le rapporteur spécial s’exclame.) Un accord a été trouvé entre les organisations professionnelles et Orange, lequel sera signé dans les prochains jours. Après l’accord entre les acteurs du cinéma et Canal +, il permettra la signature, très prochainement et par tous les acteurs, du nouvel accord sur la chronologie des médias.
Le secteur bénéficie de crédits d’impôt fortement revalorisés au cours des dernières années. J’y reviendrai.
Le Fonds de soutien à la création cinématographique et audiovisuelle bénéficiera de taxes affectées stables. Grâce à des redéploiements importants, ce budget permettra de financer un certain nombre de nouvelles priorités : le plan en faveur du cinéma d’animation, des mesures pour la parité et le plan pour les séries et les œuvres audiovisuelles innovantes.
J’en viens aux industries culturelles, que nous continuerons à accompagner.
Nous accompagnerons le livre, à travers notamment le Centre national du livre, le CNL. Le projet de budget pour 2019 marque sa budgétisation, qui permettra enfin de sécuriser des ressources fragilisées depuis plusieurs années. Elle s’opérera au niveau du budget de 2018, soit à un niveau historique.
Cette budgétisation entraînera la suppression des deux taxes qui étaient affectées au CNL, dont celle qui portait sur le chiffre d’affaires des entreprises d’édition. Comme je l’ai dit lors de mon intervention sur les crédits de la mission « Culture », nous poursuivrons avec détermination la mise en œuvre du plan national pour les bibliothèques, proposé par Érik Orsenna, qui est tout à fait pertinent.
Nous accompagnerons la musique, avec, entre autres, je l’ai également dit, la création du Centre national de la musique. Vous pouvez compter, je le répète, sur mon implication pour qu’il voie enfin le jour. Mon attachement à ce projet ne date pas d’hier. Ses objectifs sont de maintenir l’excellence française dans le champ de la création et de l’industrie musicale, de préserver la diversité et de soutenir la production et le rayonnement à l’international, dans un contexte de concurrence exacerbée.
Le rapport de la mission de préfiguration des députés Émilie Cariou et Pascal Bois, auquel a fait référence la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, doit être remis au Premier ministre dans les tout prochains jours. Leurs conclusions permettront, j’en suis convaincu, de définir le périmètre exact de l’établissement, ses modalités de gouvernance et de financement. Nous en reparlerons bien évidemment, ici, au Sénat. Je vous confirme d’ailleurs l’engagement du Gouvernement de mobiliser 5 millions d’euros pour amorcer le financement de cette institution en 2019.
Le soutien aux industries culturelles passe aussi par les crédits d’impôt. Ils jouent, et je le dis avec force, un rôle essentiel pour la structuration des filières du cinéma, de l’audiovisuel, du jeu vidéo, de la musique enregistrée ou de la production de spectacles vivants musicaux. Ils sont de formidables outils de création et de pérennisation d’emplois et d’activité sur tout notre territoire, des Hauts-de-France à la région Occitanie, par exemple. Ils contribuent également au renouvellement des talents et à la promotion de la diversité culturelle. Je les défendrai avec la plus grande vigueur.
Comme je l’ai dit pour le mécénat, toute dépense fiscale mérite d’être évaluée et, éventuellement, améliorée. Toutefois, de grâce, ne cassons pas ces outils si importants pour la création dans notre pays !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Nous sommes heureux de l’entendre !
M. Franck Riester, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre projet de budget pour 2019 est un budget d’avenir, qui laisse entrevoir la naissance de projets importants : la réforme de la distribution de la presse, celle de l’audiovisuel public et de l’audiovisuel au sens large, la réforme de la législation de 1986, la création du Centre national de la musique, pour ne citer que ces grandes ambitions.
C’est aussi un budget profondément fidèle à notre modèle culturel, qui préserve l’indépendance des médias et des auteurs, la diversité de la création et des contenus.
À cet égard, je tiens à vous dire que nous sommes aux côtés des parlementaires européens français, qui mènent avec le Gouvernement une âpre négociation dans le cadre du trilogue relatif à la directive sur le droit d’auteur, en particulier sur l’article 11 sur le droit voisin pour les éditeurs de presse, qui est un combat important.
Le Gouvernement souhaite, soyez-en assurés, que cette négociation aboutisse à un bon texte. Il ne s’agit pas d’aboutir pour aboutir. Il faut parvenir à un bon texte, notamment sur l’article 11, mais également sur l’article 13 sur les droits d’auteur et les négociations avec les plates-formes de partage de contenus et sur l’article 14 – ces trois articles sont liés, d’une certaine façon –, qui porte sur une rémunération juste et proportionnée des auteurs et artistes interprètes.
C’est dans cet équilibre budgétaire que se trouve, à mon sens, la clé du succès pour nos médias, nos livres et nos industries culturelles dans un monde numérique.
Si vous le souhaitez, je répondrai par la suite à toutes les questions que vous me poserez sur les amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
média, livre et industries culturelles
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
562 058 811 |
579 449 028 |
Presse et médias |
280 047 363 |
280 047 363 |
Livre et industries culturelles |
282 011 448 |
299 401 665 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
3 859 620 069 |
3 859 620 069 |
France Télévisions |
2 543 117 594 |
2 543 117 594 |
ARTE France |
283 330 563 |
283 330 563 |
Radio France |
604 707 670 |
604 707 670 |
France Médias Monde |
261 529 150 |
261 529 150 |
Institut national de l’audiovisuel |
89 185 942 |
89 185 942 |
TV5 Monde |
77 749 150 |
77 749 150 |
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-71, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
+ |
- |
+ |
- |
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France Télévisions |
|
7 000 000 |
|
7 000 000 |
||
ARTE France |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
||
Radio France |
|
|
|
|
||
France Médias Monde |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
||
Institut national de l’audiovisuel |
|
|
|
|
||
TV5 Monde |
|
|
|
|
||
TOTAL |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
7 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. J’ai déjà en grande partie présenté cet amendement lors de la discussion générale. Il vise à transférer du budget du vaisseau amiral qu’est France Télévisions 5 millions d’euros au budget de France Médias Monde et 2 millions d’euros au budget d’Arte, soit 7 millions d’euros au total. J’y insiste, ces 7 millions d’euros ne représentent que 0,3 % du budget de France Télévisions. Il n’est donc pas question de charcuter son budget.
Monsieur le ministre, vous dites qu’ARTE a les moyens. Le problème, c’est que si l’on retire 2 millions d’euros à ARTE France, l’Allemagne se dit qu’elle va en faire autant. (M. André Gattolin s’exclame.) Le système est complètement fou. Nous sommes partenaires des Allemands. ARTE ayant décidé de mettre en place un certain nombre d’émissions en plusieurs langues européennes, à destination de plusieurs publics européens, nous avons besoin de crédits supplémentaires pour faire entendre la voix de la France et faire rayonner le service public français.
Il est vrai, monsieur le ministre, que France Médias Monde a bénéficié un temps d’augmentations, mais il lui a aussi été très fortement demandé depuis cinq ans, comme à ARTE, d’ailleurs, de faire des efforts de gestion et de rigueur budgétaire, efforts que France Télévisions a faits – on va le dire ainsi – dans des proportions moindres. Par conséquent, il est injuste aujourd’hui de donner le même coup de rabot à tout le monde, à hauteur de près de 1 % ».
Dans ces conditions, je souhaite sincèrement que l’on donne à France Médias Monde la capacité d’agir partout dans le monde et à ARTE celle d’agir dans toute l’Europe. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-114 rectifié, présenté par M. Leleux, Mme Bruguière, MM. Brisson et Paccaud, Mme Duranton, MM. Savin, Schmitz et Piednoir et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||||
|
+ |
- |
+ |
- |
||
France Télévisions |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
||
ARTE France |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
||
Radio France |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
||
France Médias Monde |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
||
Institut national de l’audiovisuel |
|
|
|
|
||
TV5 Monde |
|
|
|
|
||
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement est proche de celui que vient de présenter M. le rapporteur spécial. Simplement, le montant qu’il vise à prélever sur France Télévisions est un peu inférieur. Quant à la répartition des crédits qu’il tend à prévoir entre ARTE et France Médias Monde, elle est quelque peu différente.
Nous souhaitons tous, sur l’ensemble de nos travées, à la fois soutenir et renforcer la présence française à l’étranger à travers France Médias Monde. De même, un grand nombre de nos collègues demandent que la chaîne ARTE soit un peu récompensée des efforts qu’elle a réalisés jusqu’à présent pour harmoniser son action et réaliser des économies.
Seulement, un élément nouveau est intervenu : le Sénat a adopté à la quasi-unanimité la réaffectation à France Télévisions d’une part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. France Télévisions va donc bénéficier d’un apport considérable. Je l’incite toutefois à profiter de ce financement supplémentaire pour investir davantage dans le numérique et pour amorcer une diminution de la présence de la publicité sur ses chaînes.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, au profit de celui de Roger Karoutchi, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-114 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-324, présenté par Mme Garriaud-Maylam et M. Vall, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
France Télévisions |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
ARTE France |
|
|
|
|
Radio France |
|
|
|
|
France Médias Monde |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
Institut national de l’audiovisuel |
|
|
|
|
TV5 Monde |
|
|
|
|
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Mon amendement est encore plus modeste : Je ne reviens pas sur l’argumentaire. Je vais retirer mon amendement au profit de celui de M. Karoutchi. Si la situation était vraiment désespérée, je pourrais toutefois, s’il le fallait, le présenter de nouveau.
En tout cas, je vous remercie tous deux, chers collègues, d’avoir défendu France Télévisions.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-324 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-71 ?
M. Franck Riester, ministre. Les budgets de France Médias Monde et d’ARTE ont connu une évolution en deux ans : celui de France Médias Monde a augmenté de 1,8 %, ce qui lui a notamment permis de développer France 24 en espagnol ; celui d’ARTE a connu une hausse de 1,2 %.
Il est vrai qu’ARTE et France Médias Monde ont réalisé des efforts et qu’elles accomplissent un travail remarquable. Pour autant, il n’est pas, à mon avis, de bonne politique de déshabiller France Télévisions pour habiller ARTE et France Médias Monde.
Ce qu’il faut, et cela fera partie des discussions que nous aurons ensemble, c’est avoir une vision globale de l’audiovisuel public…
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est ce que nous réclamons !
M. Franck Riester, ministre. Oui, je le sais, chère Catherine Morin-Desailly, et moi aussi !
Nous devons avoir une vision globale de la présence du service public à l’ère du numérique, à la télévision, à la radio, sur internet, en France et à l’étranger. Voilà ce que nous devons bâtir ensemble. Nous en discuterons au cours des mois à venir. Ce n’est qu’alors que nous pourrons être fiers de donner à l’audiovisuel public de ce pays les moyens de relever les défis qui sont les siens, afin qu’il puisse être une référence en Europe.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le dernier amendement restant en discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je voterai contre cet amendement, et pour de bonnes raisons.
Nous parvenons à un équilibre. Nous demandons beaucoup d’efforts gradués dans le temps à France Télévisions, jusqu’en 2022. Nous avons tendance au Sénat, en particulier au sein de la commission de la culture, à trouver ARTE et France Médias Monde formidables. (Exclamations.) Ce sont en effet de belles chaînes, mais on a surabondé leurs budgets.
Il faut savoir de quoi l’on parle. J’ai entendu dire que, si la France diminuait le budget d’ARTE, elle enverrait aux Allemands le signal qu’ils peuvent faire de même. C’est là une méconnaissance totale de la structure d’ARTE. Je vous invite à vous intéresser aux trois sociétés qui la composent : le GIE ARTE, qui est une petite structure d’environ 150 millions d’euros cofinancée à égalité par la France et l’Allemagne et qui gère la diffusion et quelques programmes d’information ; puis ARTE France, d’un côté, et ARTE Allemagne, de l’autre.
Pour notre part, nous finançons ARTE France, qui produit des programmes inédits, diffusés uniquement sur ARTE. ARTE Deutschland, de son côté, compte à peine une cinquantaine de personnes au siège. Tout dépend de la production d’ARD et, dans une moindre mesure, de la ZDF.
L’Allemagne, disons les choses clairement, valorise sa contribution en nature. Cela devrait nous conduire à nous interroger sur une meilleure économie du système. Ce qu’ARTE produit en France n’est diffusé que sur ARTE, alors que les programmes d’ARTE Allemagne sont systématiquement rediffusés, voire parfois diffusés par anticipation sur ARD. J’aime beaucoup les dirigeants d’ARTE, mais telle est la réalité.
J’en viens à France Médias Monde. RFI et France 24 ont fusionné, mais il n’y a aujourd’hui aucune synergie rédactionnelle entre elles. Ce sont deux entités séparées, comme par un mur. Il y a même moins de synergie entre elles qu’à l’époque où RFI et Radio France étaient à la Maison de la radio !
Quant à la diffusion en espagnol, elle est une erreur. Compte tenu des moyens dont nous disposons, nous sommes à peine capables de faire des contenus en français, en anglais et en arabe. Il n’y a pas de demande en espagnol. La chaîne en espagnol résulte d’un choix politique. Je pourrais dire pourquoi, comment et par qui il a été fait, mais le fait est que ce choix ne répond à aucune logique.
Les salariés de France 24 eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi cette antenne en espagnol existe. On veut défendre la francophonie en Amérique latine, mais encore faudrait-il que France 24 y soit diffusée en français !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je tiens à dire une chose que je n’ai pas dite précédemment, en surplomb du débat sur cet amendement.
Beaucoup ont souligné ce paradoxe : alors que nous en sommes au deuxième budget dit « de transition » et que l’on nous annonce la grande réforme de l’audiovisuel que nous appelons de nos vœux, les financiers sont d’ores et déjà venus nous dire qu’il fallait raboter le budget de l’audiovisuel de 190 millions d’euros !
Or il y a tout lieu de penser que l’audiovisuel, si le débat sur cette question est libre et ouvert, aura besoin de plus d’argent pour remplir toutes ses missions. C’est une hypothèse plausible. Or, je le répète, les financiers nous disent, avant même toute discussion, qu’il faudra réduire les crédits de 190 millions d’euros, mais aussi investir 150 millions d’euros sur fonds propres dans le numérique. Et nous, on fonce ! Nous continuons à subir les diktats des comptables.
Monsieur Karoutchi, alors que le budget de l’audiovisuel public est en baisse – il a diminué de 36 millions d’euros l’année dernière, comme cette année –, alors que l’on n’a même pas encore dit quel audiovisuel on voulait, vous acceptez l’idée de piquer des crédits à France Télévisons pour les donner à ARTE et France Médias Monde, parce que vous aimez bien, comme moi du reste. Or France Télévisions a déjà réalisé plus de 25 millions d’euros d’économies l’année dernière, et on lui en demande autant cette année encore. Ce n’est pas rien ce que vous proposez de lui enlever, ce sont des missions.
France 3 Régions est menacée. Or vous y tenez tous, mes chers collègues ! Va-t-on aussi fragiliser toutes les antennes de Radio France qui maillent le territoire, telles que France Bleu ? Je vous invite à ne pas jouer à ce jeu qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Je tiens ici à corriger certaines fausses informations. En matière d’audiovisuel, on procède toujours à des comparaisons internationales, car on a du mal à voir à quoi correspondent tous ces millions. Selon une étude comparative effectuée en 2014, la Grande-Bretagne consacrait à la BBC, que chacun s’accorde à trouver géniale, 7,1 milliards en 2013. Quant à l’Allemagne, elle a affecté 9 milliards d’euros à l’audiovisuel public. En France, on est à 3,7 milliards d’euros pour la même année, soit deux ou trois fois moins que ces pays.
Si nous voulons être à la hauteur, ne partons donc pas toujours du principe qu’il faut raboter les budgets et prendre des crédits à France Télévisions pour faire vivre ARTE et France Médias Monde.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je vous remercie, madame la présidente, de me donner quelques instants la parole pour partager avec vous quelques réflexions.
TOCE ou pas TOCE ? Quels crédits affectons-nous à quelles entreprises publiques ? Nous n’en serions pas là, monsieur le ministre, si nous avions entamé il y a plusieurs mois la réforme de l’audiovisuel public.
Vous le savez, nous appelons de nos vœux une gouvernance commune. S’il y avait un président commun à l’ensemble des entreprises, c’est à lui qu’il incomberait, sur la base d’un cahier des charges ou de missions très clairement définies dans le projet de loi, de répartir la contribution à l’audiovisuel public. Et nous ne serions pas là à discuter pour savoir combien il faut donner à untel ou retirer à tel autre.
Il faut se souvenir que la TOCE avait été instaurée dans la loi de finances de 2008, en amont de la loi audiovisuelle de 2009, afin de compenser la suppression de la publicité après vingt heures. Supprimer l’affectation de toute part de la TOCE à l’audiovisuel public, quels que soient les arguments budgétaires invoqués, c’est envoyer un signal très négatif : c’est dire que l’on peut rétablir la publicité après vingt heures.
Si nous avons ces discussions aujourd’hui, c’est tout simplement parce que nous n’avons pas encore fait de réforme. Réformer, c’est aussi clarifier le modèle économique de l’audiovisuel public, dont le mode de financement. On le voit, il est urgent de réformer.
En l’état, je suis plutôt favorable à l’affectation d’une partie du produit de la TOCE à l’audiovisuel public, tant que l’on n’aura pas procédé à une réforme de la redevance, non pas pour l’augmenter – en ces temps de surfiscalité, c’est hors de question –, mais pour la rendre plus équitable.
J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur notre audiovisuel extérieur. Je me suis rendue, chers collègues, à Bogota. Je puis donc parler en connaissance de cause de France 24 en espagnol. Ce ne sont pas les 13 millions d’euros de son budget de fonctionnement qui grèvent le budget de l’audiovisuel extérieur, lequel s’élève à 238 millions d’euros. Sincèrement, j’ai pu constater en Amérique latine les bénéfices escomptés en matière de politique d’influence. Cette langue étant proche du français, elle pourrait par ailleurs avoir un effet d’entraînement sur la diffusion de la francophonie.
Notre audiovisuel extérieur s’est montré extrêmement vertueux dans les années écoulées. Il constitue même l’avant-garde d’un modèle de l’audiovisuel public de demain. Je pense à Arte, qui s’est numérisée à une vitesse très importante, ce qui lui vaut une large reconnaissance aujourd’hui. Ce rééquilibrage me semble tout de même assez légitime.
Tels sont les éléments que je voulais partager avec vous pour éclairer le débat. Monsieur le ministre, il est vraiment urgent de mettre en œuvre une réforme globale et ambitieuse. Nous serons à vos côtés pour cela. Le monde ne nous attend pas, hélas ! Notre audiovisuel s’affaiblit de jour en jour, y compris notre audiovisuel privé, car la réglementation est à revoir, comme vous l’avez d’ailleurs indiqué dans votre discours. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 84 quinquies, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».
Avances à l’audiovisuel public
Article 84 quinquies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2019, un rapport relatif à la réforme du dispositif prévu à l’article 1605 du code général des impôts.
Mme la présidente. L’amendement n° II-72, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. L’Assemblée nationale, désireuse d’aller plus vite que la musique, a demandé – c’est l’objet de l’article 84 quinquies que je vous propose de supprimer, mes chers collègues – la remise au Parlement d’un rapport avant juin 2019 sur le périmètre de la contribution à l’audiovisuel public et sur ce qu’elle rapporterait.
Monsieur le ministre, cela a été beaucoup dit, pour notre part, nous attendons de connaître le texte qui doit réformer l’audiovisuel. On ne peut pas faire un rapport sur le financement de la réforme, sur le périmètre de la redevance, avant même de connaître la réforme que vous envisagez.
Lorsque nous connaîtrons le texte, le Gouvernement dira quels sont les financements nécessaires et le Parlement en débattra. Mais on ne doit pas nous dire combien va rapporter la contribution avant même que nous ayons connaissance du périmètre de la réforme !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Le Gouvernement va s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée. Je laisse les sénateurs libres de juger l’article qui a été voté par l’Assemblée nationale. Je ne souhaite pas me mettre en porte à faux.
J’en profite pour remercier vivement le Sénat qui, dans sa très grande majorité, a voté les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », après ceux de la mission « Culture ».
Nous aurons l’occasion de nous voir régulièrement pour évoquer tous les sujets que nous avons abordés ce soir. Comme l’a très bien dit la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, il est urgent d’avancer sur des sujets importants, comme le projet de loi audiovisuelle ou la distribution de la presse. Vous pouvez compter sur mon engagement total et sur ma volonté d’associer le Sénat à tous ces travaux.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. M. Karoutchi a rappelé que le Sénat avait voté en première partie la réaffectation d’une part de la TOCE à l’audiovisuel public – une part seulement, pas l’intégralité des 270 millions d’euros qu’elle rapporte, contrairement à ce qui était prévu à l’origine lorsque le Parlement a voté cette taxe.
Alors qu’une partie seulement du produit de cette taxe était versé à l’audiovisuel public les années précédentes – 86 millions d’euros –, c’est l’intégralité du versement qui a été supprimé cette année. Le Sénat a donc voté son rétablissement. Vous pouvez dire que le Gouvernement n’ayant pas levé le gage, cet amendement sera supprimé à l’Assemblée nationale, mais le Gouvernement est aussi contre l’amendement que vous venez de faire adopter visant à transférer des crédits à ARTE et à France Médias Monde.
Ce qu’il faut, c’est être cohérent. Pour notre part, nous pensons qu’il ne faut pas baisser le budget de l’audiovisuel. On les a trouvés les 86 millions d’euros. Cela règle le problème d’Arte, entre autres.
Deuxièmement, votre amendement nous empêche-t-il d’avoir ce débat ?
Je sais que vous êtes contre l’augmentation de la redevance ou l’extension de son assiette. Vous ne voulez donc pas de rapport sur le sujet. C’est cohérent ! Mais ne dites pas que vous refusez cette proposition parce que nous n’avons pas discuté de la réforme. Vous avez déjà accepté les baisses intervenues cette année et l’an dernier.
Nous aurons un jour ce débat. À titre d’information, la redevance s’élève à 346 euros en Suisse, à 326 euros au Danemark, à 216 euros en Allemagne et à 179 euros au Royaume-Uni…
M. André Gattolin. Et en Italie ?
M. David Assouline. Je ne prendrais pas l’Italie comme modèle… Berlusconi y a massacré le paysage audiovisuel. J’espère que la France choisira une autre voie.
Comme on le voit avec ces exemples de pays comparables à la France, avoir un service public audiovisuel de qualité, cela a un coût.
J’ai vu des manifestations contre l’augmentation des taxes sur le gazole ; je n’ai pas encore vu d’insurrection dans ce pays pour diminuer la redevance.
Laissons donc ce débat ouvert et évitons toute démagogie.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 84 quinquies est supprimé.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Pouvoirs publics
Conseil et contrôle de l’État
Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : Publications officielles et information administrative
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Pouvoirs publics ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français sont aujourd’hui plus exigeants vis-à-vis de la démocratie.
Ils sont plus exigeants en termes de présence et d’écoute – les événements de ces dernières semaines nous le rappellent ardemment –, ils demandent aussi plus de rigueur dans ce que nous faisons et dans la gestion des institutions de la Ve République du général de Gaulle.
Les Français nous demandent enfin plus de modestie, et des réformes qui rapprochent davantage le statut des différentes institutions du droit commun. C’est légitime, même si c’est parfois un peu court sur ce qu’est réellement la vie démocratique.
En effet, loin de moi l’idée d’aller dans le sens des populistes du moment, qui voudraient supprimer les parlementaires, le Président de la République et réunir une grande assemblée sympathique.
Non, la démocratie a un prix, ou plutôt un coût, celui aussi des hommes et des femmes qui sont tombés pour elle, et qu’il ne faut pas oublier.
Certes, la mission « Pouvoirs publics », c’est 1 milliard d’euros, 991 millions d’euros précisément. Voilà le coût du fonctionnement de la démocratie française.
On dit toujours que c’est trop cher, qu’il y a trop d’avantages, mais on doit aussi regarder les chiffres de plus près et s’efforcer de les expliquer. C’est le rôle du Parlement, et c’est ce que j’essaye de faire à cette tribune. Comme l’a rappelé si souvent le président Gérard Larcher, le Sénat coûte 5 euros par Français, ce qui n’est finalement pas si cher en termes de démocratie.
Nous avons pu discuter très librement des crédits de cette mission avec les questeurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, mais également avec des responsables du Conseil constitutionnel et l’Élysée : tous reconnaissent qu’il faut faire des efforts et que nos institutions devront accomplir des réformes, qui sur les personnels, qui sur le fonctionnement, qui sur la modernisation…
Mais cela fait aussi plus de six ans que nos institutions n’ont pas connu d’augmentation de leurs crédits. Nos institutions vivent donc sur les réserves qu’elles ont accumulées. Ne nous y trompons pas, ces réserves sont aussi le produit des impôts de nos concitoyens, mais ce sont elles qui permettent, notamment, d’entretenir nos institutions, lesquelles font partie intégrante du patrimoine.
Le palais dans lequel nous nous trouvons, par exemple, est un monument historique entretenu par le Sénat. Nous venons à l’instant, en compagnie de Franck Riester, d’examiner les crédits dédiés au patrimoine au sein de la mission « Culture », mais nous ne recevons pas de crédits du ministère de la culture pour entretenir ce palais. Qui sait également que le jardin du Luxembourg est entretenu par le Sénat, alors que ce dernier profite largement, et presque exclusivement, aux Parisiens. Il y aurait là, sans doute, de nouveaux partenariats à nouer, même si ce n’est pas ce que demande le Sénat.
Dans ces temps troublés, l’utilité des deux chaînes de télévision LCP Assemblée nationale et Public Sénat n’est plus à démontrer. Public Sénat voit ses crédits diminuer de 2,2 % cette année, quand tous les autres crédits sont à l’équilibre. Cela mérite d’être souligné, mais si cette baisse est conforme au contrat d’objectifs et de moyens.
Cet été, ces deux chaînes ont enregistré des pics d’audience, ce qui a aussi permis à certains de nos concitoyens de découvrir la vie démocratique et parlementaire. Ce serait un tort de vouloir les fusionner, je le dis clairement, chacune remplissant son rôle à sa manière, dans l’esprit du bicamérisme auquel nous sommes si attachés.
J’insiste sur ce point en conclusion : après six ans sans augmentation de budget, les réserves s’épuisent. Il faudra, demain, y penser !
Cela étant, mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une hausse de 2,4 % des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », qui sera ainsi dotée de 680,8 millions d’euros.
Cette hausse, non prévue par la programmation triennale, bénéficie essentiellement au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », qui concentre près des deux tiers des crédits de la mission, avec un budget de 420 millions d’euros. L’augmentation de 14 millions d’euros des crédits pour ce programme s’accompagne d’une création de 132 emplois, portant le plafond à 4 147 emplois pour 2019. Ces moyens supplémentaires sont toutefois très inégalement répartis parmi les juridictions administratives.
En réalité, une seule de ces juridictions en est la principale destinataire : la Cour nationale du droit d’asile. Ses moyens seront portés à un niveau inédit : avec 122 agents supplémentaires, son plafond atteindra 648 emplois. Je m’en satisfais, car la capacité de jugement de la CNDA mérite impérativement d’être renforcée.
L’étau dans lequel la CNDA est prise depuis plusieurs années se resserre : d’une part, elle doit réduire ses délais de jugement, conformément aux objectifs votés et fixés à cinq mois pour les procédures normales. D’autre part, elle est confrontée à une véritable envolée du contentieux de l’asile : 40 000 affaires entrantes en 2016, 53 600 en 2017, et 65 000 affaires attendues d’ici à la fin de cette année ! Et avec plus de 45 000 requêtes traitées l’an dernier, la CNDA est la première juridiction administrative française par le nombre d’affaires jugées, comme l’avait déjà souligné notre collègue François-Noël Buffet.
Monsieur le ministre, vous me voyez convaincu par la nécessité d’augmenter les ressources de la CNDA. Cependant, cette augmentation laisse craindre un effet d’éviction au détriment des autres juridictions administratives. Ce PLF leur prévoit 10 nouveaux emplois pour 2019, alors que la CNDA a bénéficié de 80 % des créations d’emplois du programme ces quatre dernières années. Les contentieux administratifs de masse sont pourtant en progression : contentieux des étrangers, contentieux sociaux, contentieux fiscaux…
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu’une telle situation est préoccupante pour ces juridictions. Une dégradation des délais de jugement, faute de moyens suffisants, serait particulièrement mal venue, alors même que le Comité action publique 2022 préconise une réduction de ces délais dans l’ensemble des juridictions.
Je serai plus bref sur les crédits des autres programmes, qui sont quasi stables par rapport à 2018.
Le budget du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, atteindra 40,2 millions d’euros en 2019. Ce budget s’en tient au plafond fixé par la programmation pluriannuelle.
Les éventuelles conséquences du projet de révision constitutionnelle ne sont donc pas prises en compte par ce PLF. Le projet de réforme prévoit à ce jour de renforcer la mission consultative du CESE, avec sa consultation plus fréquente sur les projets de loi, ou le recueil dématérialisé des pétitions citoyennes. Dans l’attente de cette réforme, le CESE poursuit en 2019 deux axes de rénovation initiés en 2016 : la réaffirmation de son activité consultative, d’une part, la rénovation de son régime financier et comptable, qui aboutira notamment à une première certification de ses comptes en 2019, d’autre part.
Je conclus mon intervention sur les crédits de la Cour des comptes et des autres juridictions financières, qui atteignent 220 millions d’euros en 2019.
Les 2,2 millions d’euros de crédits supplémentaires financeront notamment la création de 15 emplois. Cela dit, le plafond d’emplois n’augmente pas, il reste stable à 1 840 emplois depuis 2009 et il devrait encore être sous-consommé l’an prochain. Les juridictions financières absorberont donc à moyens quasi constants l’extension de leur activité.
Certaines de leurs nouvelles missions sont en effet appelées à s’étendre dans le futur, qu’il s’agisse de l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales ou des contrôles des établissements sociaux et médico-sociaux et des cliniques privées.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à suivre l’avis de la commission des finances et à adopter les crédits de cette mission.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » comporte trois programmes, le programme 129 consacré à la coordination du travail gouvernemental, le programme 308 tourné vers les autorités administratives indépendantes et le programme 333 dédié aux moyens des administrations déconcentrées.
C’est un budget de l’ordre de 1,33 milliard d’euros, qui recouvre des sujets extrêmement variés, mais qui rassemble notamment tous les services du Premier ministre.
Les propositions budgétaires pour l’année 2019 portent sur la création de 24 nouveaux postes en solde net, sachant que 36 redéploiements sont également prévus, ce qui témoigne des efforts consentis en 2019, en particulier s’agissant des effectifs de l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, en augmentation de 45 postes. Le Groupement interministériel de contrôle, chargé d’un certain nombre de missions d’écoute et de contrôle, gagne également 15 postes.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, voit pour sa part ses effectifs croître de 12 postes, ce qui nécessite aussi des moyens supplémentaires.
À périmètre constant, on observe deux opérations de transfert, l’une sur la budgétisation des loyers, l’autre sur le transfert à Bercy de la Direction interministérielle de la transformation publique, issue de la séparation du Secrétariat général à la modernisation de l’action publique en deux entités, l’autre étant la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, la DINSIC, qui reste pour sa part dans le périmètre de la mission.
La plupart des services sont aujourd’hui localisés sur le site de Ségur-Fontenoy, un nouveau centre de gouvernement construit au cours des dernières années, qui a vu tout d’abord s’installer la CNIL et le Défenseur des droits en 2017, avant que tous les services du Premier ministre n’y soient transférés en 2018. Aujourd’hui, 2 300 collaborateurs travaillent sur le site, ce qui garantit une certaine efficience de fonctionnement et une rationalisation des moyens. Auparavant, ces services étaient dispersés sur une quinzaine de sites. L’on espère que cette mutualisation permettra de réaliser des économies.
J’ai eu l’occasion, ces dernières années, d’évoquer cette opération, d’un coût global de 370 millions d’euros. L’État devrait être propriétaire des locaux en 2029 et une société, la SOVAFIM, a été utilisée afin de pouvoir mener l’opération à bien.
Treize autorités indépendantes figurent dans le périmètre de la mission, dont le CSA, qui absorbe l’essentiel du budget, et la CNIL.
Cette mission comprend également la Direction de l’information légale et administrative, la DILA, chargée de toute l’information légale de l’État. On observe en 2019 une baisse considérable des effectifs de cette direction, lesquels sont passés en quelques années de 773 à 663. Il convient de souligner cet effort assez important de réduction des effectifs. Les recettes de la DILA proviennent pour l’essentiel des annonces légales, qu’il s’agisse du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le BODACC, ou du Bulletin officiel des annonces de marchés publics, le BOAMP. Le projet de loi PACTE va certainement influer sur les recettes de la DILA, puisqu’il prévoit une réduction du coût des annonces légales. J’appelle donc votre attention sur ce point, mes chers collègues, même si je pense que les efforts de rationalisation qui ont été effectués et les excédents qui existent encore permettront à la DILA de passer ce cap. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la cyberdéfense est un enjeu majeur. Pour vous en convaincre, je vous invite à lire l’article paru dans Le Monde d’hier, intitulé « La cyberguerre est déclarée ».
Les menaces sont croissantes, multiples et sophistiquées. À titre d’exemple, pour pirater un casino, des hackeurs sont passés par un thermomètre situé dans un aquarium relié aux ordinateurs de la réception du casino.
La cybermenace est prise en compte par l’État avec la création et la montée en puissance de l’ANSSI. Ses compétences ont été étendues en 2018 suivant les conclusions de la Revue stratégique de cyberdéfense, ainsi que par les dispositions de la loi de programmation militaire 2019-2025 et celles qui sont issues de la transposition de la directive NIS – Network and Information Security.
Pour conduire cette politique, l’ANSSI voit ses moyens progresser en 2019. Ses effectifs passeront de 555 à 595 équivalents temps plein ou ETP, avec 25 emplois au titre de son schéma initial et 17 qui auraient dû être créés en 2018, mais que l’Agence n’a pas été en mesure de financer en raison de la sous-évaluation des crédits de titre 2.
Avec un turn-over de 15 %, l’ANSSI doit recruter une petite centaine de collaborateurs chaque année. Le montant des rémunérations demandées à l’embauche par les jeunes ingénieurs excède désormais celui des cadres qu’ils remplacent. Ces tensions ont conduit également à un rebasage de la masse salariale en titre 2, celle-ci progressant de 8 %.
Hors titre 2, et pour la seule ANSSI, les crédits progressent de 9 % en crédits de paiement et de 35 % en autorisations d’engagement en raison de l’engagement des trois dernières annuités du bail de la tour Mercure où l’ANSSI est installée, et qui viendra à échéance le 1er janvier 2022. Il faut engager dès maintenant les études pour rechercher une nouvelle implantation.
Nous sommes satisfaits de cette évolution des crédits de l’ANSSI. Pour autant, nous devons vous faire part de notre inquiétude et relever deux points de vulnérabilité.
Le premier concerne le retard persistant de mise en œuvre de la politique de sécurité des systèmes d’information de l’État. On peut légitimement être inquiet. Le faible portage politique par les ministres et l’insuffisance des capacités d’investissement de la DINSIC et des DSI ministérielles par rapport aux enjeux de sécurité sont assez consternant.
Nous lançons un cri d’alarme. Les administrations multiplient les programmes informatiques pour réaliser des économies, mais au détriment des investissements de cybersécurité.
Notre second point de préoccupation, ce sont les problèmes structurels de recrutement et de fidélisation des ingénieurs spécialistes de cybersécurité. Rachel Mazuir y reviendra.
Globalement, nous sommes satisfaits de l’évolution des crédits de cette action dans le programme 129. Il faut les maintenir. La commission a exprimé un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachel Mazuir, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Coordination du travail gouvernemental ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos complétera celui de notre collègue Olivier Cadic.
Dans un budget marqué par la volonté de réduire la dépense publique, les crédits de l’action n° 02 du programme 129 progressent assez nettement. Il faut s’en réjouir. Ils soutiennent la montée en puissance de trois organismes essentiels pour la sécurité nationale : le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, ou SGDSN, l’ANSSI et le Groupement interministériel de contrôle, ou GIC. Il me semble que nous ne mesurons pas encore très bien en France l’importance de la cybersécurité.
Première observation : nous constatons une intensification de l’activité, signe d’une aggravation des menaces.
Deuxième observation : le GIC est le pivot interministériel de gestion de l’ensemble des techniques de renseignement sur autorisation du Premier ministre et sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. L’évolution des menaces et les modifications fréquentes du cadre légal ont entraîné une intensification de son activité. En conséquence, il a adapté son organisation et doit réaliser des investissements portant sur ses systèmes informatiques et ses infrastructures.
En 2019, 15 emplois devraient être créés. Toutefois, le Groupement s’est heurté à des difficultés de recrutement liées, premièrement, à la transformation progressive de sa structure d’effectifs, deuxièmement, à l’allongement de la durée d’instruction des demandes d’habilitation – cela décourage certains candidats –, troisièmement, à des conditions d’hébergement insuffisantes pour faire face à la progression des effectifs – un effort budgétaire est toutefois réalisé avec l’acquisition, sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », d’un nouveau site qui devrait être opérationnel en 2020 –, enfin, quatrièmement, à la faiblesse du vivier et à la vive concurrence dans certaines spécialités informatiques.
Ce problème concerne autant le GIC que l’ANSSI, et ce sera ma troisième observation. Les ingénieurs informaticiens continuent d’être très recherchés dans le public, et encore plus dans le privé. L’insuffisance du vivier issu de la formation en école d’ingénieurs ou en université est patente. Cela induit de fortes tensions sur le marché du travail. Les administrations ne pourront suivre sans aligner les rémunérations, mais ce pourrait être un puits sans fond sans une action plus intense pour inciter les universités et les grandes écoles à développer ces filières et à les rendre plus attractives.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Rachel Mazuir, rapporteur pour avis. C’est un enjeu majeur de société, qui devrait être porté au plus haut niveau de l’État. Nous comptons sur le Premier ministre pour s’en saisir promptement et énergiquement !
En attendant, il convient de doter ces organismes des crédits nécessaires à l’exécution de leur mission.
Comme l’a rappelé Olivier Cadic, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Mmes Christine Lavarde et Frédérique Puissat, ainsi que MM. Philippe Bonnecarrère et Olivier Cadic applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », la commission des affaires sociales examine le budget et l’activité de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA, chargée de l’élaboration et du pilotage de la politique gouvernementale dans ce domaine.
Le budget de la MILDECA a diminué de 25 % depuis 2012, et cette baisse des crédits se poursuivra l’an prochain, à hauteur de 1,9 %. La commission des affaires sociales a néanmoins donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la MILDECA, qui s’élèveront à 17,5 millions d’euros en 2019, invitant à considérer l’ensemble des moyens mobilisés pour la lutte contre les addictions. Le fonds de concours « drogues », dont un dixième est reversé chaque année à la MILDECA, voit quant à lui son montant stabilisé autour de 13 millions d’euros.
Des données encourageantes ont été publiées l’an dernier : le nombre de fumeurs quotidiens a diminué d’un million et l’on observe des tendances baissières de la consommation de tabac, d’alcool et de cannabis chez les jeunes de 17 ans. Néanmoins, la hausse des addictions comportementales, l’augmentation du nombre de consommateurs quotidiens de cannabis et le développement de l’usage de cocaïne, notamment de « crack », appellent à intensifier la lutte contre les addictions.
En outre, le développement dans l’Hexagone de la prescription de médicaments opioïdes forts invite à une vigilance extrême. Alors que le nombre de décès par surdose et celui des hospitalisations dues à ces médicaments augmentent, l’objectif des autorités sanitaires doit être de garantir l’accessibilité des opioïdes, tout en sécurisant au mieux leur utilisation.
Dans ce contexte, je déplore que l’annonce du nouveau plan national de mobilisation contre les addictions 2018–2022 ait été reportée à maintes reprises depuis plus de six mois. Je m’interroge sur les raisons d’un tel report. En tout état de cause, j’espère que nos observations sur la grande dispersion des mesures des plans précédents auront été prises en considération.
En 2019, à la suite de l’adoption de la loi de programmation de la justice, la répression de l’usage de stupéfiants devrait pouvoir être punie par une amende forfaitaire délictuelle, au même titre que la vente d’alcool aux mineurs. Je tiens pour ma part à rappeler mon attachement aux stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, qui pourront continuer à être mis en œuvre.
Enfin, la politique de réduction des risques et des dommages liés à la consommation de drogues a été complétée ces dernières années par l’expérimentation de deux salles de consommation à moindre risque, à Paris et Strasbourg. La capacité d’accueil de l’unique structure parisienne semble insuffisante pour répondre à l’ampleur des usages de drogues illicites dans la capitale et son agglomération.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. Les bénéfices sanitaires et sociaux de ces structures n’étant plus à prouver, je regrette que seules deux expérimentations aient pu aboutir à travers la France et je serais très favorable à ce que Mme la ministre de la santé modifie le cahier des charges de l’expérimentation afin d’en allonger la durée. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (M. Patrick Kanner applaudit.)
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour la mission « Pouvoirs publics ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, je commencerai mon intervention par dire que parler en trois minutes chrono de la présidence de la République et de son budget, du Conseil constitutionnel et de son budget, de l’Assemblée nationale et de son budget, du Sénat et de son budget, de la Chaîne parlementaire et de son budget, sans oublier la Cour de justice de la République, n’a pas de sens !
Je le dis chaque année, car j’ai connu des périodes dans cette assemblée où l’on pouvait s’exprimer de manière plus précise… (Sourires.) Je vois, monsieur Karoutchi, que vous opinez, je vous en remercie.
Les dépenses de la mission « Pouvoirs publics » restent stables en 2019, puisqu’elles diminuent de 0,04 % – je vois que M. Raynal en est satisfait… Saluons cette contribution à la maîtrise des finances publiques !
Toutefois, pour ce qui est de l’Élysée, vous vous souvenez que du temps de M. François Hollande, les dépenses s’élevaient à 100 millions d’euros par an. (M. Patrick Kanner acquiesce.) Nous en sommes, monsieur Alain Richard, à 103 millions.
M. Claude Raynal. Serait-ce un dérapage ? Une dérive ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je soutiens certaines dépenses de ce budget, celles qui concernent la sécurité, en particulier en matière informatique et de cyberdéfense. Ces dépenses sont tout à fait nécessaires.
En revanche, le fait d’ajouter à ces 103 millions d’euros 2,5 millions en provenance des réserves peut prêter à quelques remarques.
En ce qui concerne le Sénat, que nous aimons tous, bien évidemment, le budget reste stable. Toutefois, il ne doit pas vous échapper, mes chers collègues, que nous faisons appel à nos réserves pour 24,9 millions. Remarquez bien que le budget de l’Assemblée nationale reste également stable, mais qu’elle fait appel à ses réserves à hauteur de 46,9 millions.
Or, mes chers collègues, chacun comprend bien que les réserves ne sont pas inépuisables. Ainsi, ces budgets sont stables de manière optique et nous devons rester très attentifs.
Pour ce qui est du Conseil constitutionnel, des efforts notoires sont faits en matière de personnel pour privilégier les cadres A, compte tenu de la masse de travail que représentent les questions prioritaires de constitutionnalité.
Nous avons eu avec le président du Conseil constitutionnel un débat approfondi sur la question des « portes étroites », dénomination trouvée par un brillant esprit pour parler des contributions envoyées au Conseil par une personne pour lui faire part de son avis et le cas échéant l’influencer. Laurent Fabius nous a indiqué qu’il n’avait pas encore pris de décision quant à la publication de ces contributions. Pour ma part, je crois qu’elles doivent être mentionnées sur le site du Conseil, mais je ne suis pas certain qu’elles doivent être publiées, afin de ne pas entraîner de confusion entre les pièces de la procédure et les divers documents de lobbying.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Vous aurez compris, madame la présidente, que j’allais le faire… Pourtant, je ne vous ai pas parlé de la Chaîne parlementaire, ce sera pour la prochaine fois !
Moyennant l’intéressante stabilité que j’évoquais au début de mon propos, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Patrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour les programmes « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, les moyens alloués aux juridictions administratives et financières sont en légère progression, comme cela vient d’être évoqué.
Concernant les juridictions administratives, les moyens supplémentaires sont presque exclusivement destinés à la Cour nationale du droit d’asile, CNDA, qui fait face à une hausse sans précédent du nombre des affaires enregistrées : 34 % d’affaires en plus en 2017. La Cour bénéficie ainsi de 122 nouveaux emplois sur les 132 créés, ce qui devrait lui permettre, à la fin de l’année 2019, d’absorber le flux de saisines et d’atteindre les délais légaux de traitement des affaires qui lui sont imposés.
Il reste donc 10 postes à répartir entre les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, qui font figure de laissés pour compte dans ce budget, alors même qu’ils subissent, depuis plusieurs années, une augmentation constante de leur activité liée à la progression des contentieux de masse et à la dévolution de nouvelles compétences par le législateur. Peut-être devrions-nous réaliser une étude pour mesurer l’impact sur le terrain des décisions que nous prenons !
Pour faire face à cette situation, des économies ont été recherchées avec le développement des téléprocédures, de la médiation et le recours aux effectifs d’aide à la décision.
Parallèlement, les juridictions administratives ont mis en place différents outils destinés à renforcer leur efficacité, comme la multiplication des procédures à juge unique ou le dispositif prévu par le décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, appelé aussi décret JADE, qui permet d’évacuer rapidement de nombreuses affaires peu complexes.
Mes chers collègues, je dois vous dire qu’il ne me paraît pas possible d’aller plus loin dans les réformes de procédure, sous peine d’abîmer définitivement la justice administrative, en portant atteinte aux principes mêmes qui la régissent – j’utilise le mot « abîmer », parce qu’il a été employé durant mes auditions.
Quant aux juridictions financières, l’augmentation des crédits en 2019 permettra la création de seulement 15 postes équivalents temps plein travaillé, ce qui permettra de se rapprocher du plafond d’emplois fixé depuis 2010 à 1 840, alors même que les missions de ces juridictions se sont multipliées dans les années récentes.
Il résulte de cette situation un ordonnancement dans la priorité donnée aux travaux, qui se traduit mécaniquement par une concentration des contrôles sur les situations qui présentent le plus de risques, voire par un véritable effet d’éviction sur les missions traditionnelles des juridictions financières, et en particulier sur le contrôle budgétaire. Le recul du contrôle de légalité dans les territoires aboutit, nous a-t-on dit, à ce type de choix – ils sont cornéliens certes, mais doivent tout de même nous inquiéter.
Dans la mesure où les juridictions administratives et financières continuent, tant bien que mal, à afficher des performances satisfaisantes, qui sont en grande partie le résultat du volontarisme et du professionnalisme dont font preuve les magistrats et les personnels de ces juridictions, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 165 et 164 de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Néanmoins, si nous ne prenons pas de mesures adaptées, ces juridictions connaîtront dans les années à venir de graves difficultés de fonctionnement. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour les programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dernier gouvernement Cazeneuve comportait 563 membres de cabinet, le premier gouvernement Philippe, 300, soit une baisse de 47 %. Pourtant, alors que la réduction du nombre des membres de cabinet a été faite au nom des économies, la baisse de la dotation budgétaire est limitée à 18 % entre ces deux gouvernements.
Dans le même temps, on constate qu’avec des cabinets réduits l’interministériel fonctionne différemment, parfois moins bien. Les administrations se parlent entre elles, et pas toujours sous un contrôle politique. C’est l’une des raisons qui expliquent que la coordination du travail gouvernemental est un budget important.
La mission « Direction de l’action du Gouvernement » comporte trois programmes : « Coordination du travail gouvernemental », « Protection des droits et libertés » et « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Nous sommes également saisis du budget annexe « Publications officielles et information administrative », qui regroupe les crédits de la direction de l’information légale et administrative, DILA.
Je me limiterai à quelques remarques générales, inspirées des auditions que j’ai menées.
Premièrement, je n’ai pas été complètement convaincu par l’équilibre actuel de France Stratégie et par sa place dans l’architecture gouvernementale. Un instrument de prospective doit être plus indépendant et plus interministériel qu’il ne l’est aujourd’hui. Il faut aussi s’interroger sur la nature de ses liens avec les autres structures qu’il est censé coordonner ; cette question se pose notamment pour le nouveau Haut conseil pour le climat annoncé il y a quelques jours.
Ma deuxième remarque porte sur les loyers budgétaires. Il ne faudrait pas étioler l’esprit de la LOLF, en empêchant d’avoir une analyse par mission et programme des coûts réels pour l’État des différentes opérations.
Troisième sujet, la DILA. Son modèle économique évolue : elle était un opérateur de service public, qui délivrait de l’information, ses missions vont maintenant plus loin. Toutefois, l’équilibre ne semble pas encore stabilisé et il serait intéressant d’assurer une meilleure connexion avec les sites internet des préfectures, des ambassades et des consulats.
Ma quatrième remarque concerne la coordination du travail gouvernemental. Comme MM. Cadic et Mazuir, je crois qu’il est nécessaire de maintenir les crédits de l’ANSSI et du GIC. Assurer des moyens suffisants au GIC est indispensable pour sécuriser la mise en œuvre des techniques de renseignement. C’est une condition indispensable pour la crédibilité de la loi sur le renseignement.
Cinquièmement, il est indispensable que les autorités administratives indépendantes disposent d’un personnel qu’elles choisissent. Pour cela, elles doivent totalement maîtriser leur budget et ne pas être soumises à des régulations budgétaires.
Parmi les autorités administratives indépendantes, la CNIL doit faire face cette année à la mise en place du règlement européen sur la protection des données personnelles, le RGPD, qui est un enjeu pour les collectivités locales…
M. Philippe Bonnecarrère. Très bien !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. … et pour notre manière d’appréhender la question de la protection des données. Il est important que la CNIL dispose des moyens pour cela.
Enfin, je voudrais dire, comme dernière remarque, que la CADA et le Défenseur des droits sont indispensables dans la période actuelle, compte tenu de leur rôle dans la lutte contre les discriminations et en faveur de la transparence de l’État.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. En conclusion, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission et du budget annexe, tout en déplorant que le Gouvernement ait déposé un amendement pour baisser les crédits de la mission de 6 millions d’euros. Nous souhaitons le rétablissement complet des moyens destinés à l’ANSSI et au GIC et nous le proposerons par la voie d’un amendement. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Requier. (M. Olivier Léonhardt applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille d’une réforme constitutionnelle d’importance, les évolutions des crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement » sont suspendues au résultat de nos futurs débats parlementaires.
Dans le budget de l’État, il faut souligner l’extrême stabilité de la mission « Pouvoirs publics », qui rassemble les piliers de notre démocratie.
Les évolutions institutionnelles de la Ve République se sont faites sans à-coups budgétaires, que l’on pense au rééquilibrage de l’initiative législative dans un sens plus respectueux des parlementaires, en particulier des groupes minoritaires et d’opposition, ou au renforcement de l’action du Gouvernement. En réalité, cette démultiplication s’est faite sans une adaptation conséquente des moyens de fonctionnement de nos assemblées.
Ce constat n’est d’ailleurs pas démenti par le projet de réforme constitutionnelle du Gouvernement, qui prévoit, afin d’améliorer les conditions d’exercice des mandats nationaux à budget constant, d’en réduire tout simplement le nombre. Nous sommes appelés à reparler de cette question…
Une autre voie est possible, plus respectueuse du besoin de proximité qui s’exprime violemment dans les rues, en renforçant ce que l’on pourrait appeler les fonctions « support » externes au travail parlementaire. Il s’agirait pour cela de poursuivre le mouvement de coopération des administrations et des institutions centrales avec le Parlement, comme le spécifie l’article 47–2 de la Constitution concernant la Cour des comptes.
De la même manière, on peut s’interroger sur les moyens de fonctionnement dévolus au Conseil constitutionnel qui, depuis l’introduction du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, remplit une fonction supplémentaire au service du citoyen.
M. Pierre-Yves Collombat. Au service des avocats plutôt !
M. Jean-Claude Requier. L’importance de ses décisions justifierait que les moyens de la Cour de justice de la République, appelée à disparaître, lui reviennent, tout comme ceux du Haut Conseil des finances publiques, dont l’utilité est régulièrement contestée dans les deux chambres.
En matière de « Conseil et contrôle de l’État », je laisserai volontairement de côté la question de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, alors que l’actualité éclaire son incapacité à incarner les corps intermédiaires de la société française malgré les réformes intervenues depuis sa création pour lui permettre d’incarner sa vocation.
En revanche, un examen des contentieux de masse traités par les juridictions administratives devrait nous conduire, il me semble, à interroger la place de ce programme au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État », plutôt qu’au sein de la mission « Justice ». Il en va de même pour le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ».
À l’heure de la redéfinition de la carte judiciaire, ne serait-il pas plus pertinent, dans une logique de maintien de la proximité, de rapprocher budgétairement les moyens de tous les ordres de juridictions, afin de favoriser une approche cohérente du quadrillage du territoire pour le justiciable ? Le bon sens se heurte ici au dualisme juridictionnel.
Certains constats de nos rapporteurs sur la commission d’accès aux documents administratifs et sur le Défenseur des droits mettent également en lumière l’ambivalence de l’outil numérique, qui rationalise une part des activités des administrations, tout comme elle accroît les saisines. C’est le signe d’une appropriation de ces instances par les citoyens.
Justement, parmi l’ensemble des services compris dans la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’insisterai sur l’important effort budgétaire réalisé par la direction de l’information légale et administrative, la DILA, qui en 2018 a versé ses excédents au budget de l’État plutôt que de les réemployer.
Nous considérons que la DILA doit continuer de fournir un service adapté au public visé, et notamment à diffuser une version papier des bulletins électoraux, comme nous l’avons évoqué lors de l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Enfin, la DILA doit poursuivre sereinement sa deuxième mission, qui est d’informer et d’« éclairer le citoyen » – sa devise depuis sa création par le résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac au sortir de la guerre. D’importantes restructurations internes sont en cours. Pourtant, les publications du site service-public.fr et de La Documentation française, qui ont accompagné des générations de professeurs, dont la mienne, devraient constituer la première réponse aux tentatives d’instrumentalisation par de « fausses nouvelles ».
Le Gouvernement devrait s’assurer que cette direction demeure ce puissant relais des idées et de la pensée, en renforçant sa contribution à l’animation du débat public.
En conclusion, le groupe du RDSE votera les crédits de ces missions et de ce budget annexe. (Mme Maryse Carrère, ainsi que MM. Olivier Léonhardt et Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits dédiés aux missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement ». Ces missions, qui touchent au cœur du fonctionnement des institutions républicaines, sont stratégiques à plus d’un titre.
J’évoquerai tout d’abord la mission « Pouvoirs publics ». Comme l’a indiqué Jean-Pierre Sueur, ses crédits diminuent de 0,04 % entre 2018 et 2019. Le budget des deux assemblées est stabilisé, comme c’est le cas depuis cinq ans : 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 323 millions d’euros pour le Sénat, soit plus de 80 % des crédits de la mission. Je note que le Sénat coûte beaucoup moins cher que l’Assemblée nationale…
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes moins nombreux…
M. Emmanuel Capus. Nous saluons cet effort de participation du Parlement à la maîtrise de la dépense publique, qui ne se fait pas au prix d’une qualité de prestation dégradée dans la fabrique de la loi. Je crois que la qualité et le dévouement des fonctionnaires qui nous accompagnent, ici au Sénat, nous le démontrent au quotidien.
Nous estimons néanmoins que, pour l’avenir, la fin du cumul des mandats et la baisse annoncée du nombre de parlementaires ne devront pas mettre en péril les ressources qui nous sont nécessaires pour agir. Le Parlement ne pourra exercer l’ensemble de ses rôles constitutionnels avec rigueur et efficacité que si on lui conserve les moyens de ses attributions.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », nous saluons le rôle fondamental du Haut Conseil des finances publiques, de la Cour des comptes et du Conseil d’État dans la définition, le contrôle et l’analyse des politiques publiques.
Nous nous interrogeons toutefois sur le décalage entre les ambitions affichées dans le projet de loi constitutionnelle pour la nouvelle Chambre de la société civile et la stabilité des crédits du programme 126.
Les crédits affectés à ces quatre programmes s’établissent à 680 millions d’euros en autorisations d’engagement et 765 millions d’euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d’environ 2 %.
Cette progression relativement modérée est en continuité avec les lois de finances des années précédentes, mais ne reflète pas à notre sens l’accroissement des missions dont les juridictions administratives, notamment, sont accablées. Le rapport public 2018 du Conseil d’État est à ce titre très instructif. La plus haute juridiction administrative a vu le nombre d’affaires portées devant elle augmenter de 5 % en 2018 par rapport à 2017.
La Cour nationale du droit d’asile a également connu ces dernières années une hausse structurelle de son activité, due à la croissance du contentieux des étrangers. Le Gouvernement a identifié ces points de tension et tente d’y répondre.
La crise des migrants et l’inscription de nombreuses dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun nous semblent appeler un renforcement franc et massif de nos institutions juridictionnelles.
J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Dans le contexte politique et social troublé que nous connaissons, je voudrais évoquer un service qui contribue de manière importante, bien que méconnue, à la sécurité des Français.
Je veux parler du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui comprend, entre autres structures, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, le Centre de transmissions gouvernemental et le Groupement interministériel de contrôle.
La montée en puissance de ces services est réelle, nous la saluons. Néanmoins, ils demeurent en deçà de leurs homologues britanniques ou allemands, en termes tant d’effectifs que de moyens. Nous estimons que notre effort de sécurité et de défense passe également par le renforcement de ces agences, qui nous permettent de mieux combattre les nouveaux types de menaces, en premier lieu la menace cyber.
Sous réserve de ces quelques interrogations, portant surtout sur les crédits dédiés aux juridictions administratives et aux services de défense rattachés au Premier ministre, le groupe Les Indépendants votera les crédits de ces missions. (MM. Loïc Hervé et Philippe Mouiller applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me limiterai à quelques remarques.
S’agissant de la mission « Pouvoirs publics », la charge grandissante du Conseil constitutionnel renvoie en grande partie à l’augmentation des saisines directes au titre de l’article 61 de la Constitution et surtout à l’explosion des questions prioritaires de constitutionnalité, ces QPC qui, selon l’expression de Xavier Dupré de Boulois, sont devenues un « supermarché des droits fondamentaux » : « La configuration actuelle de la QPC, nous dit-il, a permis le développement d’une pratique des sociétés commerciales consistant à soulever des moyens tirés de la violation de droits et libertés constitutionnels, dont elles ne sont pas titulaires, pour obtenir du juge qu’il abroge une disposition législative qui nuit à leurs intérêts économiques. La catégorie des droits constitutionnels devient alors un vaste supermarché, où les opérateurs économiques puisent des ressources argumentatives au gré de leurs besoins. Quitte pour cela à détourner ces droits de leurs finalités initiales. »
Selon d’autres chercheurs, pas moins de 10 000 QPC auraient été déposées en cinq ans, essentiellement par des cabinets d’avocats d’affaires, et entre 60 et 80 d’entre elles finissent par être jugées par le Conseil constitutionnel.
Au palmarès de ces cabinets, en décembre 2016, la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 137, anti-évasion fiscale, de la loi Sapin II, qui faisait obligation à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays.
En décembre 2017, le Conseil constitutionnel censure la « taxe Google », qui entendait obliger les entreprises qui réalisent des activités et des profits en France d’y payer des impôts. Abominable… Cette disposition, paraît-il, violait le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt !
Dans la foulée, les « sages » censuraient un autre article de la loi de finances visant la fraude à la TVA, laquelle coûte à l’État entre 20 milliards et 30 milliards d’euros par an.
Ces recours s’accompagnent de pratiques connues sous le nom de « portes étroites » ou « contributions extérieures », elles sont souvent signées d’éminents constitutionnalistes ou de cabinets d’avocats d’affaires. Sur ce point, je suis en désaccord complet avec la position exprimée par Jean-Pierre Sueur : publier ces argumentaires serait un moyen d’équilibrer les forces entre les plaignants qui peuvent recourir à des cabinets d’avocats et à d’éminents universitaires et ceux qui n’ont pas cette possibilité.
Le problème, ici, n’est pas d’arbitrer entre des principes, mais de faire descendre sur terre le principe de l’égalité des citoyens devant la loi. Si la publication de ces « portes étroites » ne résoudra pas tout, elle représenterait un progrès dans la bonne direction.
S’agissant de la mission « Conseil et contrôle de l’État », je constate que les crédits de personnel destinés au Conseil d’État et à la Cour des comptes augmentent. Ces éminentes institutions chargées de surveiller la vertu financière des autres ne s’appliquent donc pas à elles-mêmes un régime identique…
Si le tiers des membres des corps du Conseil d’État et de la Cour des comptes, qui ne sont pas en poste dans leur institution, y étaient, les demandes en personnel seraient peut-être moins importantes…
S’agissant de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », je ferai une première remarque concernant la coordination du travail du Gouvernement, qui est de la responsabilité du Secrétariat général du Gouvernement : il n’a pas publié le taux d’application des lois pour 2018. Il plaide le fait que « sa marge d’action n’est pas sans limites en ce domaine »…
Ma deuxième remarque concerne le devenir du programme 333, qui sera absorbé par le programme 307. Monsieur le ministre, plusieurs questions se posent à ce sujet.
Enfin, s’agissant de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, MILDECA, nous ne pouvons que regretter, une fois encore, la baisse des crédits qui lui sont alloués, crédits qui ont déjà baissé de 26 % depuis 2012.
Autre signe du peu d’entrain du Gouvernement en la matière, nous attendons depuis six mois la présentation du plan gouvernemental 2018-2022 de lutte contre les addictions. À croire que les conduites addictives, drogues licites et illicites comprises, avec les conséquences que l’on connaît, sont en régression… À moins qu’après l’intégration par l’INSEE du trafic de drogue dans le calcul du PIB ce ne soit une forme de soutien discret à la croissance économique. Nous vivons une époque formidable !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement » pour l’année 2019.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont exactement au même niveau qu’en 2018. Les dotations de l’État poursuivent la trajectoire zéro augmentation en volume. Nous le saluons !
Voilà cinq ans que le budget des deux assemblées parlementaires est stabilisé : près de 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et un peu plus de 323 millions pour le Sénat, soit près de 84 % des crédits budgétaires de la mission.
Néanmoins, nous n’oublions pas que l’équilibre de ce budget n’est rendu possible que par des prélèvements sur les réserves. Or une telle situation n’est ni souhaitable ni viable. Elle nous conduit à nous interroger sur la rationalisation des dépenses et la réorganisation effective des services. Tandis que les efforts demandés à nos concitoyens s’accentuent, nous devons montrer l’exemple à travers la bonne gestion des deniers publics de nos deux chambres parlementaires.
Ce sujet devrait, me semble-t-il, retenir davantage notre attention que celui, à maints égards démagogique, de la diminution du nombre de parlementaires, une mesure gadget et un chiffon agité sans effet sur la dépense publique, dès lors que le Gouvernement redéploierait les économies réalisées afin de renforcer la qualité et l’efficacité du travail parlementaire.
Un mot également sur la présidence de la République, qui fait l’objet du programme 501 : sa dotation est certes stabilisée à 103 millions d’euros, mais il faut rappeler qu’elle avait l’an dernier augmenté de 3 millions d’euros. Cette hausse de 3 %, due notamment à une progression des charges de personnels, avait alors succédé à trois exercices de reconduction à l’identique de la dotation. Pourquoi, alors que nous sommes en période de disette, le budget de l’Élysée n’a-t-il pas retrouvé son niveau de 2017 ?
Concernant désormais les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », les membres du groupe Union Centriste accueillent favorablement l’augmentation des crédits en 2019. Celle-ci devrait opportunément permettre de réduire les délais de traitement des contentieux relatifs à la Cour nationale du droit d’asile, grâce à la création d’emplois et de chambres de jugement.
Je tiens cependant à attirer votre attention sur la faiblesse des dotations du Haut Conseil des finances publiques. Les crédits du programme 340 reculent en effet d’environ 8 % par rapport à l’an dernier. L’essentiel de ses moyens étant déjà issus de la Cour des comptes, pourquoi ne pas y rattacher son programme, comme cela a été suggéré, par le biais d’une nouvelle action ? Monsieur le ministre, la fonte des crédits du programme 340 dans le programme 164 est-elle seulement envisagée par le Gouvernement ? Un tel rattachement répondrait à l’impératif budgétaire de rationalisation, sans qu’il nous exonère de veiller à sauvegarder l’indépendance du Haut Conseil des finances publiques. Sa montée en puissance s’y prêterait, avec la possibilité qui lui est dévolue de rendre des avis plus détaillés quant à l’évolution des dépenses du budget de l’État.
Quant au budget du programme 126 relatif au Conseil économique, social et environnemental, le CESE, il ressort en légère hausse : 1 million d’euros supplémentaires par rapport à 2018. Sans nous en tenir à une lecture strictement comptable, nous aimerions, monsieur le ministre, connaître votre position sur la redéfinition des missions et la valorisation des travaux du CESE, ainsi que sur l’évolution budgétaire : 30,8 millions en 2006 ; 40,2 millions en 2019 ; s’agit-il d’un budget maîtrisé ?
J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». La hausse de ses crédits tient essentiellement à l’augmentation des effectifs et, plus marginalement, au dynamisme de certaines dépenses de fonctionnement, en particulier des loyers et des charges immobilières des directions départementales interministérielles, les DDI. Nous aurions préféré, monsieur le ministre, que vous financiez ces priorités exclusivement par des économies budgétaires. Au vu du contexte actuel, il nous semble en effet indispensable que nos concitoyens puissent constater, sinon par eux-mêmes, du moins par l’intermédiaire de leurs représentants, députés ou sénateurs, que les services reliés au Premier ministre sont gérés dans la plus grande rigueur et la plus grande transparence possibles.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer la Haute Assemblée sur les raisons qui ont motivé le Gouvernement pour supprimer du périmètre de la mission les loyers budgétaires ? Ceux-ci représentaient, je le rappelle, 9 % des crédits dans la loi de finances pour 2018.
Sous réserve de ces quelques observations et interrogations, auxquelles nous aimerions que vous apportiez des réponses, les membres du groupe Union Centriste adopteront les crédits de ces trois missions. (Mme Michèle Vullien, ainsi que MM. Pierre Louault, Roger Karoutchi, Philippe Mouiller et Michel Forissier applaudissent.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vingt heures passées. Je vous propose de poursuivre et de terminer l’examen de ce bloc de missions, en nous fixant comme objectif de ne pas dépasser vingt et une heures. (Mme Laurence Harribey applaudit.) Je vous invite donc à la concision et au respect du temps de parole.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si les pouvoirs publics sont soumis à un traitement budgétaire particulier, justifié par l’exigence d’autonomie financière liée à ces institutions, et déterminent eux-mêmes le montant des crédits dont ils ont besoin selon une procédure encadrée, la transparence, la baisse des dépenses publiques et l’exemplarité n’en sont pas moins indispensables dans une période où les efforts imposés à nos concitoyens sont considérables.
C’est dans cet esprit de sagesse que l’Assemblée nationale et le Sénat, en décidant de reconduire leurs demandes de crédits aux mêmes montants que ceux qui leur ont été affectés en 2018, portent à six années consécutives l’absence de hausse. En termes réels, il s’agit donc d’une baisse de 7 % entre 2012 et 2019. Compte tenu de la hausse tendancielle des charges, l’équilibre budgétaire a été atteint grâce à des efforts d’économies et à des prélèvements sur les fonds de roulement. Le Parlement témoigne ainsi de sa volonté de participer pleinement à l’effort de redressement des comptes publics. Je ne peux manquer de remarquer, avec malice, qu’en évitant de réunir le Congrès à Versailles pour ce qui s’apparente à un discours annuel de politique générale, il serait même possible de dégager 285 000 euros d’économies par an. (Mme Frédérique Puissat sourit.)
Il eût été heureux que l’Élysée adopte la même rigueur et la même sagesse. C’est à juste titre que, lors des débats en première lecture devant l’Assemblée nationale, des élus de plusieurs groupes politiques ont plaidé vigoureusement pour davantage de transparence et de modération de la part de la présidence de la République.
Après avoir augmenté de 3 % son budget en 2018, pour « faire face aux enjeux importants en matière de sécurité », la présidence a sollicité pour 2019 une reconduction à l’identique de cette dotation de 103 millions d’euros. Le seuil symbolique des 100 millions d’euros est ainsi dépassé pour la deuxième année consécutive. En réalité, comme cela vient d’être rappelé, le budget pour 2019 est fixé à 106,78 millions d’euros après intégration du prélèvement sur les disponibilités et des recettes propres de l’Élysée, soit une augmentation de 2,4 % à périmètre constant pour couvrir la forte hausse des dépenses de personnel, en augmentation de 3,5 %. Les services de la présidence découvrent concrètement ce que signifie la hausse de la CSG… (Sourires.)
Les dépenses de fonctionnement sont en hausse de 3,6 %. Si la présidence de la République était l’une de 322 grandes collectivités appelées à contractualiser, elle aurait à s’acquitter d’une amende substantielle pour dépassement de l’objectif de réduction de la dépense publique… (Nouveaux sourires.)
La Cour des comptes ne cesse de rappeler depuis plusieurs années, et même de tirer la sonnette d’alarme sur ce point, l’état très dégradé du palais de l’Élysée.
Dans un rapport du 26 juillet 2018, elle rappelle l’urgence de « mener à bien les travaux de la conservation du patrimoine immobilier, au risque que celui-ci continue de se dégrader et que les coûts de sa restauration soient augmentés ». Les Sages de la rue Cambon n’ont pas été lus : les dépenses d’investissement de l’Élysée baissent en 2019 de 20 %. La modique somme de 1 million d’euros sera consacrée à la rénovation du parc immobilier. Il est désormais urgent que la présidence de la République se dote d’une stratégie globale et à long terme en matière immobilière.
Le groupe Les Républicains votera ces crédits pour encourager le comportement responsable des assemblées. Alors que s’annoncent les futurs débats autour d’une loi de financement des collectivités, j’invite la présidence à réfléchir à cette citation de Publilius Syrus du Ier siècle avant Jésus-Christ : « N’exige de personne ce que tu ne pourrais t’imposer à toi-même ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Jean-François Husson. Très bien ! Grande sagesse !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le vaste paysage des institutions dont nous examinons les crédits, il faut forcément faire des choix pour apporter une appréciation politique. Le mien sera, cette année, centré sur les juridictions administratives.
Une partie substantielle, et, à certains égards, décisive de la mission de la première d’entre elles, c’est-à-dire le Conseil d’État, n’est pas juridictionnelle, mais consultative. Le Conseil d’État est, au fond, l’agent juridique du Gouvernement, et tend à devenir aussi, d’ailleurs, celui du Parlement, depuis que ses formations consultatives peuvent être sollicitées pour apprécier les propositions de loi.
Son activité à cet égard est également en augmentation du fait de la dimension européenne croissante de l’activité législative, qui oblige à un travail d’analyse des conséquences en droit communautaire de beaucoup de projets de loi et de décrets.
Ce travail est une composante spécifique de l’activité du Conseil d’État.
Pour le reste, s’agissant des juridictions administratives globalement, je souhaite souligner leur capacité, avec quelques augmentations de crédits et de ressources humaines, à juguler une croissance massive du contentieux. D’après les chiffres qui figurent dans le bleu, les juridictions administratives ont connu une augmentation de 74 % du nombre de recours entre 2000 et 2017 en première instance, tandis que les cours administratives d’appel voyaient leurs saisines augmenter de 89 %.
Il faut donc se féliciter de ce que les juridictions administratives, sous la direction du Conseil d’État, qui joue le rôle d’administrateur de cet ordre juridictionnel, aient su faire face à cette hausse de contentieux en assurant une réduction des délais de jugement et en développant la numérisation.
J’ouvre une parenthèse souriante pour souligner, à l’adresse des catégories qui se plaignent de la future réforme de la justice en disant qu’elle va être un facteur de déshumanisation, que ce travail de numérisation et de dématérialisation a été mené à bien, presque entièrement, par les juridictions administratives. Or je n’entends personne, y compris parmi les mêmes catégories professionnelles, se plaindre d’une déshumanisation ou d’une baisse de qualité de la justice dans cet ordre juridictionnel.
Dans le projet de loi de finances pour 2019, comme dans le budget 2018, le grand changement réside dans le renforcement massif, qu’a bien souligné le rapporteur pour avis Patrick Kanner, de la Cour nationale du droit d’asile, de manière à mener à bien le rattrapage de ses capacités de traitement face au flux croissant de demandeurs d’asile et à répondre à l’exigence, manifestée par les gouvernements successifs, d’atteindre des délais de jugement inférieurs à six mois.
Il nous faut rendre hommage à l’énorme progrès déjà accompli par la CNDA dans le traitement des demandes, alors que la quasi-totalité des personnes ayant fait l’objet d’un refus de l’OFPRA font un recours. Si l’on fait la comparaison avec l’année 2010, la CNDA juge deux fois plus de dossiers en deux fois et demie moins de temps. Certes, elle a bénéficié d’un accroissement de moyens, mais cela est quand même le signe d’un effort, d’une mobilisation et d’un progrès indéniables dans les méthodes de gestion, et ce dans un contexte humain respectueux, tout le monde pouvant apprécier le scrupule et l’humanité des magistrats de la CNDA, ainsi que des instructeurs de l’OFPRA, dont ils contrôlent le travail. Qui dit mieux ?
Le Conseil d’État, qui administre l’ensemble des ressources humaines de cet ordre juridictionnel a bien fait d’orienter, comme le disait Patrick Kanner, 90 % des créations de postes, c’est-à-dire 122 emplois supplémentaires en 2019, qui viennent s’ajouter aux 100 emplois supplémentaires de 2018, vers la CNDA, pour qu’elle finisse de réussir sa complète transformation.
Il me reste une minute, que je consacrerai à la mission « Direction de l’action du Gouvernement, et plus particulièrement au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, en soulignant le bien-fondé de l’augmentation de moyens humains en faveur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dont les missions et les responsabilités continuent de s’accroître avec la numérisation de l’État et la montée d’un certain nombre de menaces de subversion numérique.
Ne vivons pas dans l’illusion, il est très difficile – c’est vrai pour toutes les capitales européennes – de recruter et de fidéliser les techniciens dont on a besoin dans ce domaine. Je rejoins tout à fait ce qu’a dit Rachel Mazuir : il faut aussi que notre outil de formation initiale, que nos universités et nos écoles amènent sur le marché de l’emploi plus de jeunes capables d’assurer ces missions. Le fait qu’il y ait une rotation est bien entendu un facteur de regrets, à certains égards, mais il n’est pas illogique que, dans des matières qui évoluent aussi vite, les gens ne fassent pas toute leur carrière dans la même institution. Au fond, que des agents qui sont passés par l’ANSSI aillent ensuite exercer leurs fonctions dans le marché privé fera aussi diffuser la culture de sécurité, ce qui n’est pas dommage. Madame la présidente, j’ai respecté le temps de parole, ce qui est rare, pour ma part… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche – Mme Élisabeth Doineau et M. Pierre Louault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’attacher ici à présenter quelques remarques concernant la mission « Direction de l’action du Gouvernement », qui regroupe trois programmes de nature assez différente, mais qui ont le point commun d’être rattachés au Premier ministre : « Coordination du travail gouvernemental », « Protection des droits et libertés », « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ».
Si vous me le permettez, je ferai deux remarques générales sur l’ensemble. Tout d’abord, après une importante augmentation des moyens entre 2014 et 2017, liée au renforcement de la cyberdéfense, les crédits de la mission, à périmètre constant, poursuivent la hausse, même si elle est plus modérée, initiée en 2018. Néanmoins, la mission connaît une importante modification de périmètre, avec notamment la suppression de loyers budgétaires et le transfert de la Direction interministérielle de la transformation publique vers le ministère de l’action et des comptes publics.
Ensuite, dans ce PLF 2019, le renforcement de la sécurité et de la défense demeure une priorité, puisque les principaux bénéficiaires des augmentations sont le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et la Commission du secret de la défense nationale, ce à quoi nous souscrivons pleinement.
Après ces deux remarques générales, je ferai une remarque plus spécifique, qui concerne deux des trois programmes, et qui peut susciter quelques interrogations.
Je note qu’il y a des augmentations un peu contradictoires sur le fond concernant le programme 129 sur la coordination du travail gouvernemental.
En effet, je relève, d’un côté, des augmentations de crédits concernant le cabinet du Premier ministre et des ministres rattachés, sans augmentation d’effectifs, ce qui signifie qu’il y a augmentation des rémunérations et des cotisations rattachées.
D’un autre côté, en revanche, je constate une augmentation concernant la sécurité et défense, qui, elle, est due à une augmentation d’effectifs, notamment à l’ANSSI et au GIC, ce qui nous semble non seulement positif, mais aussi incontournable dans un contexte de montée du péril en matière de cybersécurité et compte tenu de la montée en puissance de la coopération européenne, avec la réforme de l’ENISA, l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information, qui va renforcer le rôle des agences nationales, notamment l’ANSSI, qui sont devenues matures.
À ce titre, il est important de maintenir l’effort de recrutement, en ajoutant les postes qui n’ont pas pu être pourvus en 2018, pour des raisons tenant aux difficultés pour trouver les bons profils. En tout cas, il faut continuer dans ce renforcement.
Dans le même ordre, nous notons avec satisfaction l’augmentation des moyens de la CNIL et de la CADA dans le programme 308, avec, en particulier, là aussi, une augmentation des effectifs, qui semble pour nous incontournable.
La question de la cyberdéfense et de la sécurité numérique nous apparaît primordiale. En ce sens, nous souscrivons pleinement aux modifications et aux amendements de la commission et du rapporteur défendant, en particulier, le principe de la priorité et de la sanctuarisation des crédits de l’ANSSI et du GIC, ainsi que ceux des autorités administratives indépendantes, au niveau initialement proposé par le Gouvernement et revenant donc sur les réductions votées par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Mme Christine Lavarde et M. Jean-François Husson applaudissent.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, sur ces trois missions regroupées, compte tenu du temps qui m’est imparti, je me limiterai à la mission « Pouvoirs publics ».
Je tiens tout d’abord à saluer le travail de nos rapporteurs, auxquels j’associe le personnel de nos commissions et de notre institution.
S’agissant de la mission « Pouvoirs publics », le montant des crédits demandés s’élève à 991,3 millions d’euros, en légère diminution de 400 000 euros par rapport à 2018. L’ensemble des institutions concernées doit faire face à des enjeux de transparence et d’efficacité tenant aux exigences croissantes de nos concitoyens, dans un contexte social très compliqué. D’où l’importance de communiquer et de faire connaître nos institutions.
Les dotations se répartissent comme suit : 103 millions d’euros pour la présidence de la République, soit une dotation stable ; même stabilité pour les assemblées parlementaires, Assemblée nationale et Sénat, y compris les chaînes parlementaires, et le Conseil constitutionnel, avec 11,7 millions d’euros. Pour ce dernier, on assiste à un renforcement des moyens, confirmé en 2019, destinés à mieux faire connaître son rôle et son action. Il est ainsi à noter l’organisation, le 4 octobre 2018, jour du 60e anniversaire de la Constitution de la Ve République, de 125 événements et d’un concours, réservé aux jeunes scolaires, intitulé « Découvrons notre Constitution », dont un exemplaire original, je vous le rappelle, est exposé dans notre salle de conférences. Enfin, la Cour de justice de la République bénéficiera d’un budget s’élevant à 861 500 euros.
S’agissant du fonctionnement de nos institutions, nous restons particulièrement attachés au bicamérisme et à nos deux assemblées parlementaires. Le Sénat, de par son histoire, son patrimoine historique, reste l’interlocuteur et le défenseur de nos collectivités territoriales. À noter que, depuis 2012, même si la dotation de l’État reste stable, les dépenses inscrites au budget du Sénat ont baissé de 4,4 %. Pour la huitième année consécutive, la dotation reste maintenue à hauteur de 323,6 millions d’euros, et se répartit en trois actions : les missions institutionnelles, le jardin du Luxembourg – 22 hectares particulièrement bien entretenus – et le musée du Luxembourg.
La connaissance de nos institutions est fondamentale. Les groupes de visiteurs – élus, représentants d’associations, actifs, retraités, écoliers, collégiens, lycéens, jeunes sapeurs-pompiers, militaires, etc. –, qui sont accueillis au Sénat chaque jour, sont toujours particulièrement impressionnés.
Depuis 2007, j’ai pu mesurer le travail effectué avec l’ensemble du personnel de notre institution, à l’égard duquel nous exprimons notre sincère reconnaissance.
Le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de ces trois missions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’étude des crédits des juridictions administratives et des juridictions financières nous inspire un point de satisfaction et des points d’interrogation. Dans le contexte budgétaire actuel, pour fabriquer un gagnant, il faut accepter des perdants. Si le mot perdant est un peu fort, on parlera plutôt de laissés pour compte.
Pour le programme 165, la grande gagnante de ce budget, c’est la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA. C’est chose utile, parce que son activité, à l’évidence, le requiert. Elle est à la fois confrontée à une hausse constante des affaires jugées et à une baisse drastique des délais de jugement qui lui sont imposés par la loi de 2015 – 5 mois en formation collégiale et 5 semaines en juge unique. On peut espérer que, dès 2019, grâce aux moyens nouveaux, à savoir 122 ETP ouverts pour l’année à venir, ces délais de jugement soient enfin respectés.
Passons maintenant à ceux qui sont moins bien lotis. Pour les juridictions administratives – tribunaux administratifs et cours administratives d’appel –, le hiatus entre la quasi-stabilité des moyens et la hausse sensible de l’activité crée une tension dont il faut rappeler les effets.
Ces juridictions sont prises en étau entre la progression des contentieux de masse – contentieux des étrangers, contentieux sociaux, contentieux de la fonction publique – et les nouvelles compétences dévolues par le législateur, notamment la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Pour cette dernière, je pense en particulier aux effets du caractère suspensif de certains recours devant la CNDA.
Il faut souligner que les gisements d’économies commencent à se tarir. De même, les gains de productivité qu’ont entraînés les réformes de procédure, c’est-à-dire la médiation, le recours aux effectifs d’aide à la décision ou la multiplication des procédures à juge unique, commencent, eux aussi, à toucher leurs limites.
Si, aujourd’hui, les délais de jugement ou la qualité des décisions rendues ne sont pas remis en question, le mouvement général fait craindre une altération, à terme, du travail de ces juridictions. La progression des jours d’arrêt maladie est, à cet égard, un signal faible qui doit nous alerter.
S’agissant des juridictions financières, à savoir le programme 164, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le pourcentage d’augmentation des crédits n’invalide pas l’équation présentée ci-dessus : stabilité des effectifs plus nouvelles missions égalent tension sur l’activité.
La multiplication des missions de ces juridictions bute en effet sur un plafond d’emplois qui n’a pas progressé depuis 2010, et ce malgré l’impact de la loi NOTRe ou l’extension de la compétence de contrôle des juridictions financières à l’égard des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Là encore, des motifs d’inquiétude sont perceptibles : vieillissement du corps des magistrats, insuffisance des crédits disponibles pour les projets de transformation et d’adaptation des systèmes d’information. Or, nous le savons, ce développement de projets informatiques revêt un enjeu crucial et urgent pour ces juridictions. Pourtant, le budget 2019 est construit à moyens constants, alors que toutes les mutualisations et les restructurations possibles ont été engagées. Cette alerte sur la saturation de l’activité des juridictions financières est un point particulier de vigilance pour nos collectivités locales.
Notre groupe donne un avis favorable aux crédits proposés pour 2019 en manifestant toutefois une réelle inquiétude pour les années à venir. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier tous les orateurs qui m’ont précédé et saluer la qualité du travail des rapporteurs.
Sans vous faire une description de l’évolution des crédits de chaque mission, qui serait redondante compte tenu des éléments présentés par les rapporteurs, dans la discussion générale, je vais m’efforcer d’apporter des compléments d’information aussi synthétiques que possible dans le délai qui m’est imparti.
En ce qui concerne la mission « Pouvoirs publics », comme le rapporteur spécial, Jérôme Bascher, et le président Requier l’ont souligné, les dotations demandées en 2018 sont reconduites en 2019. Plus précisément, la dotation demandée par la présidence de la République, sur laquelle j’ai été interrogé par Mme Lavarde et M. Sueur, est identique à celle de l’an passé. Les rapporteurs ont fourni des détails sur l’évolution des différents postes de dépenses, notamment liés aux questions de sécurité. Je n’y reviens pas plus.
Concernant plus spécifiquement les dépenses d’investissement, je vous confirme qu’elles s’élèveront à 4,7 millions d’euros, dont 2,7 millions financeront des dépenses de télécommunications, d’informatique, de numérique, notamment à la suite des préconisations de l’ANSSI.
Pour faire écho à l’intervention de Mme Lavarde, je vous informe que, outre les travaux d’entretien et de conservation du patrimoine menés par l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, dit OPIC, dont la Cour des comptes a souligné l’urgence, les premières opérations lancées dans le cadre du schéma directeur immobilier 2019–2024, qui concernent le palais de l’Alma, ont, quant à elles, vocation à être financées par le produit de cession d’une emprise rue de l’Élysée.
MM. Sueur et Collombat m’ont interrogé sur la question des « portes étroites ». La liste des contributions reçues par le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une saisine dans le cadre de l’article 61 de la Constitution est désormais publique et publiée sur le site internet du Conseil. C’est un pas vers plus de transparence. Quant à rendre publiques les contributions elles-mêmes, c’est une question qui n’a pas de réponse évidente, manifestement. Il faut prendre le temps d’y réfléchir et de bien peser les avantages, mais aussi les inconvénients que présenterait une telle publicité.
S’agissant de la mission « Conseil et contrôle de l’État », je voudrais indiquer que l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tirant les conséquences des décisions annoncées dans le cadre du rendez-vous salarial de juin dernier, et qui vise à revaloriser les indemnités kilométriques et les barèmes de frais de nuitée. D’un montant de 228 538 euros, il ne bouleverse donc aucunement les grands équilibres budgétaires de la mission.
L’accent est mis sur les crédits en faveur des juridictions administratives et, singulièrement, comme l’ont indiqué MM. Richard, Rambaud et Durain à l’instant, de la Cour nationale du droit d’asile. Entre septembre et mars prochain, la Cour pourra notamment compter sur le renfort de 98 rapporteurs supplémentaires, soit une augmentation de 50 % de sa capacité de jugement dans un contexte, rappelé par nombre d’entre vous, de hausse de son activité – plus 22 % en 2018.
J’ajoute qu’un concours d’attaché spécifique sera ouvert en 2019 et en 2020 afin de renforcer le nombre de fonctionnaires titulaires parmi les rapporteurs de la Cour.
Ce budget n’en néglige pas pour autant les autres juridictions administratives. Au-delà des réserves que j’ai bien notées des rapporteurs Rambaud et Kanner, ils l’ont dit aussi, les règles de procédure peuvent être aménagées pour faire face à la hausse continue de contentieux à laquelle elles doivent faire face, par exemple avec le développement du recours à la médiation. Mais il faut adapter les dotations budgétaires. Dix postes sont ainsi créés dans ce budget en faveur des tribunaux administratifs.
J’ajoute que le projet de loi de programmation pour la justice prévoit la création d’un corps de juristes assistants. Permettez-moi en outre de me féliciter des économies réalisées grâce à l’application Télérecours et de l’efficacité de cette procédure pour ceux qui ont utilisé ce dispositif.
Enfin, je voudrais souligner, après les rapporteurs, la gestion vertueuse de la Cour des comptes et des juridictions financières, dans un contexte d’élargissement de leurs missions et de leur périmètre d’intervention.
Je tiens à préciser, à l’intention de Patrick Kanner qui a soulevé ce point en commission, que, par un courrier en date du 9 mars 2018, le ministre de l’action et des comptes publics a autorisé l’exemption de la Cour des comptes et des juridictions financières de la réserve de précaution pour l’exercice 2018. En loi de finances rectificative, 423 625 euros ont été annulés sur le programme 164 et 12 976 euros sur le programme 340. Ces annulations sont intervenues avec l’accord de la Cour, qui avait été préalablement consultée, et ne posent aucune difficulté.
Mme Vermeillet m’a interrogé sur la fusion du Haut Conseil des finances publiques et de la Cour des comptes dans un même programme. Le Gouvernement y est favorable, mais cela nécessite une disposition organique qu’il nous faudra examiner ensemble.
Sur la mission « Direction de l’action du Gouvernement », l’Assemblée nationale a adopté en seconde délibération un amendement trivialement qualifié, selon la terminologie habituelle, de « rabot », qui minore les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de 4,6 millions d’euros,…
M. Jean-François Husson. C’est un violent rabot !
M. Marc Fesneau, ministre. … dont 2,4 millions pour le programme 129, 0,3 million pour le programme 308 et 1,9 million pour le programme 333. Ce « rabot » est d’un montant voisin de celui qui avait été adopté l’an dernier…
M. Jean-François Husson. Aïe !
M. Marc Fesneau, ministre. … et donc largement inférieur à celui qui avait été adopté les années antérieures.
Je répondrai maintenant à la question de M. Collombat au sujet de la fusion 333–307. Il s’agit d’une mesure de simplification de la gestion, qui devrait permettre de donner plus de marges de manœuvre au niveau local pour les préfets et leurs services.
M. Collombat m’a également interrogé sur l’application des lois. Le taux d’application des lois est arrêté au 31 décembre 2018. J’aurai donc du mal, à ce stade, à vous donner les éléments pour l’année en cours. En 2017, il était de 95 %.
Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » devraient pouvoir être supportés par les services sans risque pour la soutenabilité des programmes.
J’ajoute qu’un amendement tirant les conséquences du rendez-vous salarial que j’ai évoqué a également été adopté, pour un montant de 0,2 million d’euros.
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté une mesure de 2,1 millions d’euros de transferts de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État vers un nouveau programme consacré au soutien des start-up d’État.
Par ailleurs, vous le savez, la hausse des crédits du programme 129 s’explique par l’accent mis sur la sécurité, notamment avec la création de 15 postes pour le Groupement interministériel de contrôle, le GIC, et de 42 postes pour l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI.
Des inquiétudes ont été exprimées par M. Rachel Mazuir sur les conséquences de ces créations d’emplois quant aux fonctions support du SGDSN : une partie des moyens de l’ANSSI y a été consacrée. De plus, 3 postes avaient été créés pour renforcer les fonctions support du SGDSN en 2019. Je crois donc que la situation est aujourd’hui satisfaisante de ce point de vue. Il s’agit là d’enjeux stratégiques pour lesquels il nous faut dégager des moyens, notamment pour recruter des profils très pointus mais aussi très demandés, cela a été dit par MM. Cadic, Mazuir, Capus et Leconte, que je voudrais remercier. Il faudra d’ailleurs probablement veiller à maintenir cet effort dans la durée, comme vous l’avez exprimé, les uns et les autres.
Dans le contexte de la hausse des effectifs de l’ANSSI, la question du relogement est en effet appelée à se poser à moyen terme.
Je m’empresse d’ajouter à l’intention de Mme Harribey que, en contrepartie, 26 ETP sont supprimés sur le programme 129 au titre de la participation des services du Premier ministre à l’effort de maîtrise de la dépense publique.
S’agissant des cabinets ministériels, le jaune budgétaire indique qu’en 2016 ils comptaient 2 983 personnes, cabinet et fonctions support compris, contre 2 377 au 1er août 2018.
Un effort particulier est consenti en faveur des autorités administratives indépendantes – AAI – du programme, avec 20 créations d’emplois, dont 15 pour la CNIL, afin d’accompagner l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, le RGPD.
J’ai été interrogé par M. Leconte sur l’atteinte à l’indépendance des AAI que constituerait la constitution d’une réserve de précaution.
Les autorités administratives indépendantes bénéficient d’ores et déjà d’exceptions aux règles de droit commun, notamment aux règles d’engagement des dépenses puisqu’elles sont dispensées de contrôle budgétaire.
Les exempter de la constitution d’une réserve de précaution nous semble excessif, d’autant que cette réserve est d’un montant de 3 %, contre 8 % auparavant, et qu’elle peut précisément être utile en cas de contentieux pour celles d’entre elles qui prononcent des sanctions.
J’ai également été alerté par Mme Deseyne sur le calendrier de mise en œuvre du plan national de mobilisation contre les addictions 2018–2022, qui a été en effet reporté. Il devrait être lancé d’ici à quelques semaines.
J’ai noté les remarques du président Requier et du rapporteur Canevet au sujet de la DILA, un exemple réussi de transformation en profondeur d’une administration. Je partage leur opinion sur l’ambition pédagogique assignée à ce service, qui doit rester intacte.
J’en viens enfin à la question de Mme Vermeillet sur la suppression des loyers budgétaires. Il s’agit d’une mesure de simplification d’un dispositif technique qui n’avait pas vraiment fait la preuve de son utilité et de son caractère vertueux d’un point de vue budgétaire.
Ces crédits visent à répondre à la fois aux exigences de la vie démocratique qu’il faut assumer, à la montée en puissance de nouvelles priorités – cybersécurité, missions inédites ou exigences portées auprès de la Commission nationale du droit d’asile – et à la maîtrise nécessaire de la dépense publique.
Je vous remercie et vous prie de bien vouloir adopter l’ensemble de ces crédits. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Julien Bargeton et Bernard Buis applaudissent également.)
pouvoirs publics
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Pouvoirs publics |
991 344 491 |
991 344 491 |
Présidence de la République |
103 000 000 |
103 000 000 |
Assemblée nationale |
517 890 000 |
517 890 000 |
Sénat |
323 584 600 |
323 584 600 |
La Chaîne parlementaire |
34 289 162 |
34 289 162 |
Indemnités des représentants français au Parlement européen |
0 |
0 |
Conseil constitutionnel |
11 719 229 |
11 719 229 |
Haute Cour |
0 |
0 |
Cour de justice de la République |
861 500 |
861 500 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
conseil et contrôle de l’état
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Conseil et contrôle de l’État |
756 480 682 |
680 790 274 |
Conseil d’État et autres juridictions administratives |
483 594 736 |
420 201 328 |
Dont titre 2 |
350 383 454 |
350 383 454 |
Conseil économique, social et environnemental |
40 238 963 |
40 238 963 |
Dont titre 2 |
34 933 319 |
34 933 319 |
Cour des comptes et autres juridictions financières |
232 218 681 |
219 921 681 |
Dont titre 2 |
195 078 041 |
195 078 041 |
Haut Conseil des finances publiques |
428 302 |
428 302 |
Dont titre 2 |
378 189 |
378 189 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
direction de l’action du gouvernement
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Direction de l’action du Gouvernement |
1 429 029 153 |
1 323 537 346 |
Coordination du travail gouvernemental |
680 010 075 |
687 780 286 |
Dont titre 2 |
245 462 193 |
245 462 193 |
Protection des droits et libertés |
97 085 917 |
98 299 331 |
Dont titre 2 |
45 927 230 |
45 927 230 |
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées |
651 933 161 |
537 457 729 |
Dont titre 2 |
182 690 065 |
182 690 065 |
Mme la présidente. L’amendement n° II–500, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
2 500 000 |
2 500 000 |
||
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
||||
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées dont titre 2 |
||||
TOTAL |
2 500 000 |
0 |
2 500 000 |
0 |
SOLDE |
+ 2 500 000 |
+ 2 500 000 |
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Vous me permettrez de prendre quelques instants pour présenter cet amendement dont l’amendement n° II–501 est le corollaire. Je défendrai en quelque sorte les deux en même temps.
Le comité d’indemnisation des essais nucléaires, le CIVEN est une autorité administrative indépendante rattachée au Premier ministre et chargée d’indemniser les victimes des essais nucléaires.
La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a modifié les règles d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires en supprimant le lien de causalité exigé antérieurement entre la présence sur les lieux durant la période des essais et la maladie radio-induite.
L’indemnisation devient donc automatique dès lors que le requérant ou ses ayants droit démontre que la victime remplit les conditions de lieu, de temps et de maladie.
En conséquence, les crédits du CIVEN ont été revus à la hausse, passant de 4,9 millions à 8,9 millions d’euros en loi de finances pour 2018.
Le III de l’article 113 de la loi prévoyait également qu’« une commission composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées propose, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Elle formule des recommandations à l’intention du Gouvernement. » Tels étaient les termes de cet article.
Cette commission de douze membres, dont trois députés, trois sénateurs et six personnalités, a été présidée par Mme Lana Tetuanui, sénatrice de Polynésie française, que je salue. Elle a remis ses conclusions au Premier ministre le 20 novembre dernier. Je voudrais rendre un hommage particulier à Mme Lana Tetuanui, pour le travail inventif et courageux qu’elle a réalisé dans le cadre de cette mission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Les propositions qu’elle a formulées avec l’ensemble de ses collègues ont reçu l’adhésion de la quasi-totalité des membres de la commission. Le Gouvernement, qui a décidé de les retenir, les a traduites dans un amendement n° II–501, déposé au projet de loi de finances pour 2019, identique à votre amendement n° II–507, madame Tetuanui, que nous examinerons tout à l’heure.
Je voudrais en cet instant saluer le travail de coproduction utile et d’utilité publique qui a été fait entre le Sénat et le Gouvernement !
L’amendement n° II–500 a donc pour objet de tirer les conséquences des ajustements proposés par la commission susmentionnée, dont les crédits augmentent de 2,5 millions d’euros. Il s’agit de rallonger les délais de recours des ayants droit des personnes décédées, de prolonger les délais de réexamen des décisions antérieures du rejet déjà prononcé par le CIVEN, de faciliter le fonctionnement du CIVEN et de préciser les critères de non-imputabilité aux essais nucléaires des maladies développées par les demandeurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Avis de sagesse, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Peut-être puis-je m’autoriser une note d’humour à une heure aussi tardive. Je disais voilà un moment à mes collègues du groupe Union Centriste que le nucléaire en Polynésie, ce n’est rien à côté des « gilets jaunes » ici à Paris ! C’est une petite parenthèse et je ne vais pas refaire l’histoire ce soir !
Je tiens à saluer et à remercier le Gouvernement, au nom de la toute la Polynésie française, et de son gouvernement qui me regarde ce soir. Je viens de faire un aller-retour de quarante-huit heures pour défendre bec et ongles ce que les Polynésiens réclament, et qui est légitime. En effet, quand on parle de la Nation, de la France, la Polynésie y a beaucoup contribué avec les essais nucléaires pratiqués à Moruroa.
Ce que nous allons voter aujourd’hui n’est que justice pour apporter réparation. Je veux alerter ce soir l’ensemble de la représentation, toutes tendances confondues, sur le fait que notre collègue, le maire de Faaa, indépendantiste aguerri de la Polynésie, n’arrête pas de brandir ce torchon noir que sont les causes dues aux essais nucléaires en Polynésie. Et je tiens à remercier avant tout les membres qui ont composé cette commission extraparlementaire rattachée auprès du Premier ministre, mes collègues députés et sénateurs, tous les spécialistes qui ont participé à ces travaux. Nous nous sommes rendus sur place, nous avons auditionné beaucoup de monde, les associations qui revendiquent une justice pour ces malades. Je pense que c’est aujourd’hui chose faite.
Sachez, monsieur le ministre, vous qui représentez le Premier ministre, que cette date sera retenue dans l’histoire de la Polynésie française. Je ne suis pas indépendantiste, je fais partie de la majorité composée par M. Fritch. Moi qui suis pure Polynésienne, j’ai décidé, depuis que j’ai été élue sénatrice, que ce sujet est celui non d’un parti politique mais de tous les Polynésiens. C’est aussi le sujet de la France. Cet amendement, chers collègues, devrait tous nous rassembler, au nom de la Nation, au nom d’une nation unie ! Je demande un vote unanime ! Merci ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Durain applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-500.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II–53, présenté par M. Canevet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental |
8 900 000 |
8 900 000 |
||
dont titre 2 |
890 000 |
890 000 |
||
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
800 000 |
800 000 |
||
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées dont titre 2 |
||||
TOTAL |
9 700 000 |
9 700 000 |
||
SOLDE |
-9 700 000 |
-9 700 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Cet amendement s’inscrit dans la volonté affichée depuis le début de la discussion budgétaire de tenir compte de l’absolue nécessité de parfaitement maîtriser la dépense publique. Dans cette perspective, nous proposons de réduire les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » pour les ramener au niveau adéquat. Nous estimons nécessaire que les services du Premier ministre montrent l’exemple !
L’amendement a été révisé pour intégrer la mesure de réduction introduite par l’Assemblée nationale. Le solde des programmes s’établit à 9,7 millions d’euros. Il est proposé de réduire de 8,9 millions d’euros le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » et de 0,8 million d’euros les crédits du programme 308 « Protection des droits et libertés ».
Plus précisément, s’agissant du programme 129, les économies de 8,9 millions d’euros proposées se répartissent ainsi : 4,4 millions d’euros au titre de l’action n° 01, Coordination du travail gouvernemental, 4 millions d’euros au titre de l’action n° 02, Coordination de la sécurité et de la défense, et 500 000 euros au titre de l’action n° 03, Ordre de la Légion d’honneur.
Cet amendement, qui porte aussi sur le programme 308 « Protection des droits et libertés », vise à réduire les crédits de la CNIL à hauteur de 400 000 euros et ceux du CSA à hauteur de 400 000 euros également.
Je précise quand même que ces réductions de crédits ont été opérées en tenant compte de ce qui a été effectivement dépensé en 2017 et de ce qui a été inscrit pour 2018. Il s’agit, je le précise, non d’une diminution de crédits mais d’une réduction de la hausse.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II–506, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Dans les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du programme « Coordination du travail gouvernemental » figurant dans l’amendement n° II–53, remplacer le montant :
8 900 000
par le montant :
4 900 000
II. - Dans les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du titre 2 du programme « Coordination du travail gouvernemental » figurant dans l’amendement n° II–53, remplacer le montant :
890 000
par le montant :
490 000
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. Nous voulons attirer votre attention sur la sécurité publique. En effet, si un certain nombre de crédits, en particulier ceux qui étaient affectés à ANSSI, n’ont pas été consommés l’année dernière, c’est parce qu’ils n’ont pas permis le recrutement de personnels compétents et de bon niveau. Il est donc paradoxal de réduire des crédits que le Gouvernement avait enfin accordés à l’ANSSI pour lui permettre de recruter !
Je rappelle qu’il s’agit ici non de petites ou grandes économies mais de sécurité. Souvenons-nous de la manière dont l’entreprise Saint-Gobain a dû faire face aux conséquences de la cyberattaque subie en Ukraine par une petite ex-filiale ! On mesure combien il est important de veiller à donner à l’agence chargée de la sécurité des systèmes informatiques les moyens de pouvoir faire face aux défis actuels, qui sont nombreux et dont il est apparu, au cours des dernières années, qu’ils pouvaient venir de hackers privés mais parfois aussi de hackers d’État.
J’ajoute qu’il est aussi important, si on veut que le GIC fonctionne correctement, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, de lui donner les moyens de fonctionner en lui offrant des lieux où il est possible de travailler et d’accueillir ses agents. Nous le devons à cet opérateur compte tenu du rôle que nous lui avons donné par la loi du 24 juillet 2015. Nous ne lui demandons rien de moins que d’offrir les outils à nos différents services de renseignement pour opérer des techniques de renseignement.
C’est la raison pour laquelle il ne nous semble pas raisonnable de diminuer les moyens du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui sont fléchés vers l’ANSSI et vers le GIC. Nous proposons, par ce sous-amendement, présenté au nom de la commission des lois, de réduire les économies de plus de 4 millions d’euros afin de donner à ces deux structures les moyens d’assurer leurs missions dans les meilleures conditions possible.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° II–780 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, M. L. Hervé et Mme Joissains, est ainsi libellé :
Dans les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du programme « Protection des droits et libertés » figurant dans l’amendement n° II–53, supprimer le montant :
800 000
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement, déposé cet après-midi par Mme Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture de notre Haute Assemblée, par moi-même, qui siège à la CNIL, et par Mme Sophie Joissains, qui a rapporté le texte sur le règlement général sur la protection des données, le RGPD, va évidemment concerner la CNIL et le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
L’autorité administrative indépendante qu’est la CNIL rencontre une donne nouvelle qui résulte de la transcription en droit interne des conséquences du règlement européen de protection des données personnelles. Il va générer et génère d’ores et déjà des missions nouvelles pour la CNIL, que nous avons voulu consacrer dans la loi, notamment avec le rapport présenté par notre collègue Sophie Joissains, ici au Sénat.
Pendant des heures, nous avons souligné combien il est important que la CNIL accompagne mieux les collectivités locales, les entreprises, notamment les PME. Et nous n’avons cessé de dire dans cette enceinte qu’il s’agit là d’un travail extrêmement important, qui demande des moyens supplémentaires.
Au regard des autres autorités administratives indépendantes du même type en Europe, qui font le même travail que la CNIL, laquelle est désormais en réseau avec les autres autorités administratives indépendantes du même type en Europe, la commission des finances propose de limiter l’augmentation des moyens prévus par le Gouvernement ! Nous considérons que c’est une erreur et nous voulons la corriger avec ce sous-amendement dont nous demandons à nos collègues de bien mesurer la portée. On pourrait d’ailleurs faire un parallèle avec les crédits alloués au Conseil supérieur de l’audiovisuel au regard de ses missions, crédits qu’il ne faut pas amputer non plus.
Nous vivons dans un monde un peu dingue, qui confie des missions nouvelles à des autorités administratives indépendantes et accroît leur rôle par la loi sans se préoccuper de traduire dans les faits le financement correspondant !
Mme la présidente. L’amendement n° II–512, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
||||
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
280 722 |
280 722 |
||
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées dont titre 2 |
||||
TOTAL |
||||
SOLDE |
+ 280 722 |
+ 280 722 |
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à rétablir les crédits du programme « Protection des droits et libertés » dans la forme initiale du bleu budgétaire. En effet, pour les mêmes raisons que celles qui ont été indiquées par notre collègue Loïc Hervé, il est absolument indispensable de maintenir les crédits attribués aux autorités administratives indépendantes.
Vous l’avez dit, monsieur Hervé, le RGPD est une chose nouvelle. Nous avons eu, au sein de cette assemblée, de longs débats portant en particulier sur les risques que représentait le RGPD pour les collectivités locales…
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte.… et les moyens de formation que la CNIL devait engager pour permettre aux collectivités locales d’y faire face sans risque.
La situation actuelle montre à quel point le pays a besoin de transparence. C’est la raison pour laquelle la CADA, confrontée à des demandes de plus en plus importantes, doit être en mesure d’y répondre, tandis que l’administration doit être en mesure de faire suite aux décisions de la CADA.
Je pourrais également parler du Défenseur des droits.
La CNIL est confrontée à toutes sortes d’enjeux, des enjeux internes, des enjeux pour les collectivités, mais aussi des enjeux d’influence au niveau européen. Pour permettre à la CNIL, qui faisait jusqu’à présent figure de référence en Europe, de continuer à l’être, il faut lui attribuer une portion de crédits relativement honorable…
M. Loïc Hervé. C’est évident !
M. Jean-Yves Leconte. … par rapport à son homologue irlandaise ou allemande. Tel n’est pas le cas aujourd’hui.
Lorsque nous en parlions il y a quelques années avec le Secrétaire général du Gouvernement, il invoquait la future mise en place du RGPD, qui permettrait, selon lui, de baisser les montants de crédits accordés à la CNIL, parce qu’elle agirait a posteriori. Eh bien, non ! Il a bien fallu se rendre compte qu’il y a un enjeu d’influence.
C’est la raison pour laquelle il faut défendre les crédits de cette agence. J’invite le Sénat à voter le sous-amendement. De plus, j’ai proposé un amendement visant à rétablir les crédits au niveau du bleu budgétaire.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux sous-amendements et sur l’amendement qui vient d’être présenté par M. Leconte ?
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. L’avis est défavorable sur les sous-amendements nos II–506 et II–780 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° II–512. J’ai bien entendu l’observation relative au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Disons-le clairement : les dépenses effectives de personnel – puisque c’est de cela que l’on parle – étaient en 2017 de 80 millions d’euros. Il est proposé de les porter à 96 millions d’euros, ce qui est une hausse tout à fait considérable !
L’amendement ne porte qu’en partie sur le titre II. Même si on amputait un peu l’augmentation des crédits, il en resterait encore beaucoup ! La hausse proposée est tout à fait considérable et en aucun cas les crédits accordés ne pourraient nuire aux actions menées par le SGDSN.
Il en va de même pour ce qui concerne la CNIL. Les dépenses observées en 2017 étaient de 16 millions d’euros. Le budget proposé pour 2019 est de 18,8 millions d’euros. Même si on retire 400 000 euros, il reste encore une augmentation de 2,4 millions d’euros en deux ans, ce qui est, là encore, tout à fait considérable !
Si on veut que tout le monde participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, il faut commencer par faire des efforts.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. J’émets, au nom de la commission des finances, un avis également défavorable sur l’amendement n° II–505, toujours pour la même raison : tout le monde doit participer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement n° II–53 de la commission des finances vise à réduire les crédits à hauteur de 9,7 millions d’euros. Quant aux sous-amendements nos II–506 et II–780 rectifié, ils visent à pondérer les effets de cet amendement.
J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement et les sous-amendements. À vous écouter les uns et les autres, on a le sentiment que le budget, tel qu’il était prévu, est bien calibré. J’ai entendu les explications de M. Loïc Hervé sur le CSA et sur la CNIL, j’ai entendu d’autres explications sur l’ANSSI et diverses missions.
L’avis est défavorable parce que l’amendement et les sous-amendements viennent en quelque sorte s’annihiler mutuellement dans leurs exposés et leurs fonctions. Je souhaite maintenir les crédits tels qu’ils ont été prévus dans le projet de loi de finances.
Cette hausse correspond à des priorités identifiées, notamment sur la sécurité, avec le GIC. Elle correspond à la création de 20 postes dans les autorités administratives indépendantes, notamment à la CNIL, pour faire face à de nouvelles demandes, le RGPD, en particulier. Il faut bien que la CNIL puisse tirer les conséquences de cette évolution en termes de moyens budgétaires.
Je rappelle quand même, pour répondre à la sollicitation normale de la commission des finances, que le Gouvernement, avec la suppression de 26 ETP, participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques dans les autres services de cette mission.
Sur l’amendement n° II–512, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable, pour les mêmes motifs.
Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. Leconte pour explication de vote, je rappelle que nous souhaitons suspendre la séance à vingt et une heures. Je vous invite donc à la concision dans les explications de vote.
Vous avez la parole, mon cher collègue, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis toujours admiratif de la capacité de la commission des finances à faire un rapport, alors que le bleu budgétaire n’est connu que depuis quelques jours et qu’elle n’a pas eu le temps de procéder à des auditions !
Sur ces sujets, il s’agit finalement de savoir si on pourra ou non recruter un ou deux ETP par rapport aux missions nouvelles.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas simplement en traçant des lignes sur une courbe et en voyant que ça monte alors qu’il faudrait que ce soit stable ou que ça baisse qu’on peut en tirer des conclusions.
Que cela soit pour la CNIL, la CADA ou l’ANSSI, ce dont nous discutons, c’est d’une question de compétences ETP par ETP. C’est ainsi que nous abordons les auditions.
C’est la raison pour laquelle on ne peut pas se contenter de tirer des conclusions de la géométrie des courbes. Il importe donc de faire en sorte que ce qui avait été initialement prévu dans les bleus budgétaires puisse revenir pour ces priorités, la sécurité et les autorités administratives indépendantes. Le chemin que nous avons choisi de manière un peu chaotique, c’est le vote de l’amendement de la commission des finances sous-amendé et de l’amendement qui suit. (Mme Sophie Joissains et M Loïc Hervé applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souscris tout à fait à l’objectif exposé par M. le rapporteur selon lequel tout le monde doit faire des efforts. Nous sommes en présence de déficits publics et devons réfléchir à la manière de maîtriser nos dépenses publiques, voire faire des économies. Au demeurant, c’est un vrai sujet de fond que cette diminution des moyens préalablement affectés à ces trois agences.
J’attire votre attention sur le fait que celles-ci ont toutes en commun la défense de nos libertés numériques au sein du cybermonde dans lequel nous sommes entrés. Or le défi de ce début du XXIe siècle, c’est bien celui-là, quand on voit les menaces qui se multiplient à droite et à gauche sur l’internet, quand on voit ce RGPD dont Mme Joissains était rapporteur. Lors du débat dans cet hémicycle, nous avions attiré l’attention sur le fait que rien n’avait été préparé pour accompagner non seulement les collectivités territoriales à cette application du RGPD – nous le voyons très concrètement dans nos départements –, mais aussi les entreprises, petites et moyennes, qui se retrouvent démunies. Le rôle essentiel et stratégique de la CNIL, c’était bien de les accompagner dans cette voie. J’y vois une forme d’incohérence par rapport à l’objectif de la mission confiée à ces autorités : l’ANSSI est en charge de toutes les questions de cybersécurité, on sait que c’est vraiment l’enjeu. Internet est un terrain d’affrontement mondial. Nous sommes dans un monde d’hyper-surveillance et de vulnérabilité. Donnons-nous les moyens de notre souveraineté numérique ! J’attire l’attention sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Mon plaidoyer n’est pas pro domo, c’est un plaidoyer pour la cause des libertés publiques, notamment la question des libertés numériques.
La CNIL a connu une mutation très importante au cours de ces derniers mois. On ne peut pas prendre le budget 2017 pour faire état d’une augmentation de X millions d’euros !
La CNIL est une naine par rapport à son homologue allemande ! Il faut avoir cela en tête. Elle est confrontée à des défis d’accompagnement et de mutations absolument considérables. Je le sais, la défense de la CNIL n’est pas une idée partagée sur toutes ces travées. Certains la considèrent comme une empêcheuse de tourner en rond, qui bloquerait la compétitivité ou je ne sais quoi encore ! Or la CNIL a un rôle absolument essentiel au temps des GAFA, des monstres mondiaux du numérique. Le monde change, l’économie change. Nous avons besoin d’une autorité administrative indépendante, qui est la CNIL, qui soit robuste et puissante. Cela demande des moyens financiers à la hauteur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mme Sophie Joissains. J’ai été rapporteur de la loi relative à la protection des données personnelles, qui a adapté notre droit au règlement général européen sur la protection des données, le RGPD.
Honnêtement, la CNIL d’aujourd’hui et de demain n’est plus du tout celle d’hier. Cette autorité doit à la fois guider, réguler, surveiller et sanctionner les PME-PMI, les GAFA – Google, Amazon, Facebook et Apple –, mais aussi les collectivités territoriales.
Cette loi a donné à la CNIL un rôle et des missions qu’elle n’avait absolument pas auparavant. Dès lors, si elle est empêchée d’accomplir son rôle de formation et de surveillance, en toute sincérité, je ne vois pas pourquoi nous avons adopté ce texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-780 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Il n’a plus grand intérêt !
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° II–512 n’a plus d’objet.
L’amendement n° II–505, présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
||||
Protection des droits et libertés |
0 |
0 |
0 |
0 |
dont titre 2 |
280 000 |
0 |
280 000 |
0 |
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées dont titre 2 |
||||
TOTAL |
0 |
0 |
0 |
0 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. Cet amendement interne au programme 308 vise à augmenter légèrement les crédits du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Nous voulons attirer l’attention sur cette autorité, qui fait face à une difficulté majeure : elle opère 150 missions chaque année, mais le nombre d’opérateurs et de contrôleurs est si bas que les rapports de mission sont rendus dans des délais inacceptables.
Par conséquent, il me semble important, compte tenu de l’enjeu que représentent aujourd’hui les lieux de privation de liberté, de ne pas limiter le nombre de missions accomplies chaque année, mais d’octroyer à cette autorité quelques moyens complémentaires afin d’accélérer la remise des rapports.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement »
Article additionnel après l’article 74 septies
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° II–501 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° II–507 est présenté par Mme Tetuanui et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A – Après l’article 74 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Au début du second alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
c) Le même second alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Si elle est décédée avant la promulgation de la loi n° … du … de finances pour 2019, la demande doit être présentée par l’ayant droit avant le 31 décembre 2021. Si la personne décède après la promulgation de la même loi, la demande doit être présentée par l’ayant droit au plus tard le 31 décembre de la troisième année qui suit le décès. » ;
d) Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’une demande d’indemnisation fondée sur le I de l’article 4 a fait l’objet d’une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, le demandeur ou ses ayants droit s’il est décédé peuvent présenter une nouvelle demande d’indemnisation avant le 31 décembre 2020. » ;
2° L’article 4 est ainsi modifié :
a) Après le huitième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des suppléants de ces personnalités qualifiées sont désignés dans les mêmes conditions. Ils remplacent les membres titulaires en cas d’absence ou d’empêchement. » ;
b) Le premier alinéa du V est ainsi rédigé :
« V. – Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu’elles le sont, l’intéressé bénéficie d’une présomption de causalité, à moins qu’il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l’intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l’exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues par le 3° de l’article L. 1333-2 du code de la santé publique. »
II. – Le II de l’article 54 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et le II de l’article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique sont abrogés.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Direction de l’action du Gouvernement
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° I–501.
M. Marc Fesneau, ministre. Je le considère comme défendu par notre présentation de l’amendement n° II–500. En déposant cet amendement-ci, le Gouvernement n’avait d’autre objectif que de garantir la recevabilité financière de l’amendement identique de Mme la sénatrice Tetuanui. C’est à elle et à son groupe que le mérite revient ; je lui laisse donc le soin de présenter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour présenter l’amendement n° II–507.
Mme Lana Tetuanui. Cet amendement, identique à celui du Gouvernement, s’inscrit dans la continuité de l’amendement n° II-500, que nous avons adopté. Ce dernier visait à abonder les crédits du CIVEN ; en effet, nous sommes conscients que le nombre de malades victimes des essais nucléaires est susceptible d’augmenter.
Ensemble, l’amendement n° II-500 et ceux-ci, portés tant par le Gouvernement que par moi-même au nom de la collectivité polynésienne, ont pour objet de consolider le travail accompli et de mettre en œuvre les préconisations du fameux rapport que nous avons remis au Premier ministre le 21 octobre dernier.
Il s’agit, avant tout, de consolider la nouvelle méthodologie du CIVEN et d’offrir un nouveau délai de recours aux ayants droit des personnes décédées et, plus largement, à tous ceux qui ont vu leur dossier rejeté du fait d’une disposition de la loi Morin du 5 janvier 2010. En effet, ce texte contenait un membre de phrase, relatif au « risque négligeable », qui n’avait pas été initialement prévu et dont j’ai obtenu la suppression, grâce à un vote du Sénat, dans la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer. Cette fameuse disposition bloquait l’indemnisation de nos malades.
Aujourd’hui, à travers cet amendement nous venons apporter une rectification en faveur des victimes des essais nucléaires. Je préconiserais à ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui voudraient connaître plus de détails, de lire le rapport que nous avons remis au Premier ministre. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, rapporteur spécial. Sagesse.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-501 et II-507.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 74 septies.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents. (Mmes Élisabeth Doineau et Lana Tetuanui, ainsi que M. Jean-Yves Leconte applaudissent.)
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
budget annexe : publications officielles et information administrative
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.
ÉTAT C
(En euros) |
||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Publications officielles et information administrative |
176 011 746 |
166 006 746 |
Édition et diffusion |
62 240 000 |
52 535 000 |
Pilotage et ressources humaines |
113 771 746 |
113 471 746 |
dont charges de personnel |
65 912 746 |
65 912 746 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, le 28 novembre dernier, lors du scrutin n° 28, notre collègue Valérie Létard a été portée comme ayant voté contre l’amendement n° I–393 rectifié, alors qu’elle souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Loi de finances pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Travail et emploi
Compte d’affectation spéciale : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 84 et 84 bis) et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2019, les crédits de la mission « Travail et emploi » s’élèveront à 13,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 12,4 milliards d’euros en crédits de paiement.
Par rapport à 2018, la baisse prévue dans ce budget est importante, de l’ordre de 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et de près de 3 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette évolution était annoncée ; elle s’inscrit dans un double contexte.
D’une part, on constate une amélioration factuelle de la situation de l’emploi. Dans une note d’août 2018, l’INSEE rappelait que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail, le BIT, s’élevait à 9,1 % au deuxième trimestre de 2018, contre 10,5 % en 2015, et que le taux d’emploi approchait 66 %, soit, selon l’institut, « son plus haut niveau depuis le début des années quatre-vingt ».
D’autre part, il est nécessaire de maîtriser la dépense publique. À cet égard, la contribution de la mission « Travail et emploi » et de ses opérateurs à cet effort est, il est vrai, significative.
Les effectifs de la mission diminueront ainsi de 233 équivalents temps plein, permettant une économie, hors pensions, de plus de 5 millions d’euros.
Le montant des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs sera également en baisse, de plus de 86 millions d’euros, et leurs plafonds d’emplois connaîtront une diminution sensible de 458 équivalents temps plein travaillé. L’essentiel de l’effort demandé aux opérateurs sera porté par Pôle emploi.
S’agissant des crédits, cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l’assurance chômage.
Néanmoins, si le nombre de demandeurs d’emploi devait progresser, ou si les missions confiées à l’opérateur dans le cadre de la future réforme de l’assurance chômage devaient s’accroître, il conviendrait sans doute de réexaminer la pertinence de la poursuite de la baisse des effectifs envisagée par le Gouvernement.
La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » ne se fait en outre pas à l’aveugle. Elle poursuit une logique de recentrage des moyens sur les publics les plus éloignés de l’emploi.
Moins nombreux, les contrats aidés ont vocation à devenir de véritables outils d’insertion des demandeurs d’emploi.
La transformation des contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CUI-CAE, en parcours emploi compétences, ou PEC, intervenue en début d’année, participe de cette logique. Certes, les conditions pour y avoir recours sont plus restrictives : elles sont la contrepartie d’exigences plus grandes en matière d’accompagnement et de formation du bénéficiaire.
Je rappelle à ce sujet que le Sénat et, en particulier, sa commission des finances appelaient depuis longtemps de leurs vœux la diminution du nombre de contrats aidés utilisés par les gouvernements successifs pour diminuer artificiellement les chiffres du chômage.
En outre, la baisse des contrats aidés sera en partie compensée par un effort en faveur du secteur de l’insertion par l’activité économique, qui bénéficiera de moyens en hausse de 51 millions d’euros par rapport à 2018, permettant le financement de 5 000 équivalents temps plein supplémentaires.
Le présent projet de loi de finances porte également l’ambition de construire une « société de compétences ».
Sur la durée du quinquennat, un effort inédit sera consenti dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, ou PIC. Ce plan favorisera la formation et l’accompagnement des jeunes et les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail. Au total, le PIC sera doté de 15 milliards d’euros, parmi lesquels 13,8 milliards d’euros seront portés par la mission « Travail et emploi ». En 2019, les crédits du PIC s’élèveront à 1,4 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 979 millions d’euros en crédits de paiement.
Ces crédits permettront le financement de la généralisation effective de la garantie jeunes, ainsi que la montée en puissance du volet « formation » des PIC, 2019 constituant la première année de mise en œuvre des pactes régionaux d’investissement dans les compétences, qui seront conclus avec les conseils régionaux pour une durée de quatre ans, de 2019 à 2022.
Ces crédits budgétaires seront en outre complétés par un fonds de concours de 1,5 milliard d’euros versé par France compétences.
Mes chers collègues, le budget qui nous est présenté est donc un budget responsable, dont les orientations sont claires : mieux accompagner les personnes les plus en difficulté et investir dans l’avenir.
Aussi, je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l’adoption d’un amendement, que j’ai déposé avec ma collègue rapporteur spécial Sophie Taillé-Polian, visant à renforcer les crédits consacrés aux maisons de l’emploi.
M. Antoine Lefèvre. Très bonne chose !
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Je vous propose en outre d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » sans modification. (M. Marc Laménie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, il est prévu une diminution, importante, des crédits consacrés à la politique de l’emploi. L’ampleur exacte de cette baisse a été rappelée par mon collègue Emmanuel Capus : 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement.
Certes, le taux de chômage diminue. Cela signifie-t-il pour autant que la situation de l’emploi s’est améliorée au cours des derniers mois ? Rien n’est moins évident.
Le nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois en catégorie A a bien diminué entre le premier trimestre 2015 et le troisième trimestre 2018, mais cette baisse a été plus que compensée par une progression du nombre de demandeurs d’emploi en catégories B et C, c’est-à-dire des demandeurs d’emploi ayant exercé une activité réduite. En outre, le chômage des plus de 50 ans a progressé de 3 % sur un an, toutes catégories confondues, et de près de 9 % pour les seules catégories B et C.
Dès lors, la logique baissière poursuivie par le Gouvernement se fera au détriment des personnes les plus éloignées de l’emploi, comme en témoigne la diminution drastique de l’enveloppe des contrats aidés.
Une amélioration de ce dispositif pouvait s’expliquer, au travers, par exemple, d’exigences renforcées en matière d’accompagnement et de formation des bénéficiaires. Cela ne justifie pourtant en rien une telle diminution, pour la deuxième année consécutive. L’argument selon lequel le taux d’insertion dans l’emploi à la sortie d’un contrat aidé était faible ne tient pas, dans la mesure où les bénéficiaires sont précisément les personnes les plus éloignées du marché du travail.
Le Gouvernement dit avoir voulu recentrer le dispositif sur les bénéficiaires, plutôt que sur les besoins des employeurs, mais il n’en est rien. En effet, si les contrats aidés correspondaient effectivement à des emplois nécessitant une aide d’amorçage, il s’agissait bien de vraies activités. Ce dispositif bénéficiait à des publics éloignés de l’emploi, qu’il était légitime d’accompagner, car cela leur permettait d’avoir un cadre de travail normal, de se sentir utiles et de l’être, au service d’associations ou de collectivités.
L’augmentation des moyens consacrés à l’insertion par l’activité économique, présentée comme la contrepartie de la réduction de l’enveloppe des contrats aidés, est positive. Néanmoins, l’insertion par l’activité économique ne doit pas être mise en concurrence avec les contrats aidés : ceux-ci pouvaient faire l’objet de pérennisations et ouvraient sur des métiers plus diversifiés que ceux que l’on peut trouver dans les entreprises d’accompagnement par l’insertion économique.
En bref, beaucoup moins de personnes seront aidées et accompagnées en 2019.
S’agissant du plan d’investissement dans les compétences, présenté comme l’innovation majeure de ce gouvernement en matière de politique de l’emploi, je rappelle qu’une part importante des crédits qui lui seront dévolus en 2019 était déjà inscrite dans le budget de la mission « Travail et emploi ». Cela était notamment le cas des moyens consacrés à la garantie jeunes, ou du plan « 500 000 formations », auquel a succédé le volet « formation » du PIC.
S’agissant plus spécifiquement de la garantie jeunes, il me semble que ce dispositif gagnerait à être assoupli afin, d’une part, de toucher un public plus nombreux et, d’autre part, d’en simplifier la gestion pour les missions locales.
Outre une diminution drastique des dépenses d’intervention de la mission, le Gouvernement a également fait le choix d’affaiblir les acteurs de la politique du travail et de l’emploi. Les missions locales voient ainsi leur budget global baisser.
À cet égard, la baisse des effectifs du ministère du travail et, notamment, de ceux de l’inspection du travail est un très mauvais signal alors que, d’une part, le travail illégal et la fraude au détachement constituent des enjeux de plus en plus prégnants et que, d’autre part, le droit du travail a fait l’objet de modifications substantielles au cours des années passées qui nécessitent contrôles et accompagnement.
Face à ce paradoxe, le ministère répond que, en France, le ratio des salariés par rapport aux agents de contrôle est conforme au standard fixé par l’Organisation internationale du travail. Néanmoins, au regard de la diversité des missions assignées à l’inspection du travail française, cette comparaison a peu de sens.
Plus généralement, l’affaiblissement des opérateurs du travail et de l’emploi est symptomatique de la politique de l’offre mise en œuvre par le gouvernement actuel et entre en contradiction avec la nécessité d’accompagner davantage les publics les plus éloignés de l’emploi, dont le nombre augmente et dont la situation est de plus en plus précaire.
Au vu des chiffres du chômage, on relève aussi le grand nombre de carrières précaires et de contrats extrêmement courts. Ces mutations font que les allers-retours entre chômage et emploi sont de plus en plus nombreux, ce qui enserre malheureusement un nombre important de nos concitoyens dans une carrière de précarité. C’est contre cela aussi qu’il faudrait lutter.
S’agissant de Pôle emploi, le ministère comme la direction générale de l’opérateur mettent en avant les gains de productivité pour justifier les suppressions de postes. On peut toutefois se demander si ces gains existent vraiment, car ils reposent sur une logique du tout-numérique, qui met de côté bon nombre de populations fragiles. Si la dématérialisation peut permettre de simplifier certaines procédures, elle peut aussi s’avérer dissuasive pour certains demandeurs d’emploi.
On observe également à Pôle emploi une baisse de l’accompagnement des demandeurs. Dans certaines agences où, auparavant, on pouvait immédiatement rencontrer des conseillers sur les questions d’indemnisations, on est à présent obligé de prendre rendez-vous. Ce sont pourtant des situations d’urgence sociale qui sont ainsi repoussées à plus tard !
Concernant l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui offre des formations qualifiantes longues permettant un encadrement social des bénéficiaires, le plan de transformation lancé par la direction générale le 16 octobre dernier ne manquera pas, malheureusement, d’affaiblir encore cet opérateur et risque de se traduire par une baisse de la qualité du service rendu et du nombre de bénéficiaires.
Mes chers collègues, le budget qui nous est présenté est donc un mauvais budget, qui nie la situation de millions de Français pour qui trouver un emploi ne se résume pas au fait de traverser la rue ! (M. Martin Lévrier sourit.)
Aussi, bien que vous invitant à adopter l’amendement que j’ai signé avec Emmanuel Capus sur les moyens consacrés aux maisons de l’emploi, qui nous semblent des outils intéressants et importants dans bon nombre de territoires, je vous propose, à titre personnel, de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Je vous propose en revanche d’adopter sans modification les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mmes Cathy Apourceau-Poly, Céline Brulin, Michelle Gréaume et Martine Berthet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues rapporteurs de la commission des finances, mes chers collègues, alors que la baisse du chômage demeure très lente et fragile, la baisse du budget de la politique de l’emploi ne peut qu’interpeller.
Certes, cette baisse résulte en partie d’un effet de périmètre. Néanmoins, à périmètre constant, elle s’élèverait tout de même à 2 milliards d’euros, soit une baisse d’environ 14 %.
Elle résulte largement de l’extinction, décidée antérieurement, de dispositifs dont l’inefficacité a été démontrée. Le Sénat et ses différentes commissions ont d’ailleurs eu l’occasion d’approuver leur disparition.
Elle résulte, ensuite, de la poursuite de la politique amorcée l’année dernière en matière de recours aux contrats aidés. Si nous avons pu regretter la brutalité de cette mesure, je soutiens le recentrage de cet outil sur les publics les plus éloignés de l’emploi.
Néanmoins, les économies ainsi permises ne sont pas redéployées pour financer des dispositifs réellement efficaces. Vous avez décidé l’année dernière, madame la ministre – nous avons déjà dialogué à ce sujet –, sans étude d’impact, de relancer l’expérimentation des emplois francs, qui avait pourtant échoué de manière éloquente par le passé. La montée en charge de ce nouveau dispositif expérimental est largement en deçà des objectifs annoncés ; on peut donc légitimement douter de son succès.
Le renforcement des crédits en faveur de l’insertion par l’activité économique et des entreprises adaptées doit, en revanche, être salué.
Les autres orateurs ne manqueront pas de souligner les efforts demandés à Pôle emploi, aux missions locales ou encore à l’AFPA, alors qu’un service public de l’emploi fort apparaît toujours nécessaire.
La formation des jeunes et des demandeurs d’emploi est une nécessité. On ne peut donc qu’approuver le plan d’investissement dans les compétences, qui doit connaître en 2019 sa première année pleine de mise en œuvre.
L’ampleur de cet effort doit néanmoins être relativisée. Le PIC est en effet artificiellement gonflé par l’intégration de dispositifs déjà existants, dont certains étaient d’ailleurs financés par d’autres lignes budgétaires l’année dernière.
En outre, le fonds de concours qui doit être apporté par France compétences correspond en fait à une partie des fonds qui étaient déjà collectés par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA. Ce n’est qu’en raison d’une réforme de la tuyauterie financière que ces fonds apparaissent cette année dans le budget de l’État.
Ce n’est qu’au prix de ces importants biais de présentation que le Gouvernement peut parler d’un effort sans précédent.
Enfin, un certain nombre de décrets nécessaires à la mise en œuvre de la réforme de l’alternance prévue par la loi du 5 septembre 2018 ne sont toujours pas parus. Cela est regrettable pour la sincérité des débats budgétaires, mais surtout pour les acteurs, qui se trouvent dans une situation de forte incertitude.
Malgré ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », des articles rattachés, ainsi que du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », qui apparaît au sein du projet de loi de finances pour la dernière fois cette année. (Mmes Patricia Morhet-Richaud et Frédérique Puissat applaudissent. – Des sénateurs du groupe Union Centriste applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de 20 minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier notre rapporteur pour avis Michel Forissier pour le climat de la discussion et la qualité de nos travaux en commission des affaires sociales.
Nos échanges ont permis, à mon sens, de jouer pleinement notre rôle d’enrichissement du texte adopté par l’Assemblée nationale, notamment sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2019.
Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera donc en faveur de ce texte, car il contient des avancées réelles, notamment sur les compétences.
Il n’en demeure pas moins que les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2019 diminuent de 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement. À périmètre constant de service, cette mission perd 2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019. D’un autre côté, on ne peut pas prôner inlassablement la maîtrise de la dépense publique tout en s’opposant à tout questionnement à son sujet !
M. Michel Canevet. C’est vrai !
M. Olivier Henno. Cette diminution pose toutefois question aux élus que nous sommes, dans un contexte de reprise économique, certes, mais aussi de baisse encore lente et fragile du chômage.
Nous faisons, en outre, le constat des disparités régionales en matière de créations d’emplois : celles-ci interviennent en priorité sur les façades atlantique et méditerranéenne de notre pays ainsi que dans les métropoles, en fort contraste avec le reste du territoire, ce qui nous préoccupe.
La question de l’efficacité du service public de l’emploi reste posée dans notre pays. Nous le savons bien, reprise économique ne rime pas avec embellie de la situation de l’emploi dans tout le pays, même s’il faut laisser du temps aux politiques publiques en faveur de l’insertion, et notamment de l’insertion par l’activité économique, au travers de dispositifs individuels d’insertion professionnelle, car celles-ci en ont besoin pour apporter des résultats probants.
Nous serons bien évidemment vigilants sur le déploiement des crédits d’insertion par l’activité économique dans le courant de l’année 2019 afin de mesurer l’impact de leur augmentation.
Un autre constat s’impose, sur le fond comme sur la forme, à propos du fameux PIC, le plan d’investissement dans les compétences : annoncé comme un big-bang par le Gouvernement, ce plan se traduit finalement dans ce projet de loi de finances – mais la loi a été votée il y a seulement quelques mois – comme la continuité budgétaire des dispositifs existants et ne permet pas de repérer une volonté accrue du Gouvernement de renforcer son implication financière dans cette politique publique, au moins cette année.
Les nouvelles modalités de collecte et d’affectation de la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle permettront, certes, d’afficher un fonds abondé à hauteur de 1,5 milliard d’euros en provenance de la future agence France compétences, mais, en toute franchise, ce fonds ne bénéficiera pas de moyens supplémentaires par rapport à la réalité des crédits dépensés jusqu’en 2018 par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, et par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP. Nous veillerons donc également à ce que l’argent public soit mieux utilisé, ce qui, à défaut de moyens nouveaux, est le gage d’une plus grande efficacité des politiques publiques en faveur de la formation professionnelle. C’est là tout le défi qui est posé à la société de compétences.
Mes chers collègues, il est difficile pour l’ancien vice-président du département du Nord en charge de l’insertion et du RSA que je suis de ne pas digresser un peu pour partager avec vous une analyse plus proche du terrain.
Pour partie, les mécontentements présents portent des revendications liées à la crise du pouvoir d’achat dont nos concitoyens font l’expérience depuis plusieurs années et qui est ancrée dans les habitudes de vie des plus modestes d’entre eux.
Cette crise est devenue particulièrement aiguë avec l’annonce de nouvelles hausses de fiscalité. Nous sommes passés en quelques semaines d’un mal du pouvoir d’achat à une rage du pouvoir d’achat. Cette situation appelle aujourd’hui un traitement de fond de la question de l’emploi, du pouvoir d’achat et de la place de la valeur travail dans notre société.
Discuter avec des « gilets jaunes » – des gilets jaunes « canal historique », pas des casseurs perpétuellement à la recherche du conflit – c’est discuter avec des Françaises et des Français qui vivent mal de leur travail, qui sont exaspérés par les inégalités sociales, certes, mais aussi excédés de gagner à peine 100 euros ou 150 euros de plus, quand ils sont au SMIC, que leur voisin de palier qui vit d’aides sociales.
Le travail doit payer plus que l’inactivité, cela semble aller de soi, mais cela va mieux en le disant ! Refuser cette évidence et ne pas donner plus de valeur au travail qu’à toute autre forme de revenu, ce n’est pas favoriser l’emploi. (MM. Laurent Duplomb et Vincent Segouin applaudissent.) C’est un sujet de fond : faire de l’emploi et du travail une priorité, cela signifie adapter toutes les politiques publiques, fiscales, sociales, environnementales, en faveur de celles et ceux qui travaillent.
Je suis un peu sorti de mon texte, mais, voyez-vous, nous sommes aussi ici pour sortir des sentiers battus et affirmer nos valeurs !
Je termine, mes chers collègues, en vous indiquant que nous suivrons l’avis du rapporteur de la commission des affaires sociales : nous voterons en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » et en faveur de l’article 84 réformant les modalités de versement de l’aide aux entreprises au titre du dispositif d’activité partielle, ainsi que de l’article 84 bis, que nos collègues députés ont ajouté au projet initial, portant le financement de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Nous voterons, enfin, en faveur du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Nous sommes heureux de constater un frissonnement sur ce sujet, susceptible d’apporter une solution, voire la solution, aux problèmes d’emploi et aux défis de la société de compétences, en ce qui concerne les emplois les moins qualifiés, au moins, mais peut-être aussi pour les autres. Nous saluons ces recettes dynamiques, qu’il faudra conforter, car elles résultent d’un élargissement de l’assiette des cotisants. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Mme Patricia Schillinger, ainsi que MM. Julien Bargeton et Bernard Buis applaudissent.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le développement de l’activité et de l’emploi est au cœur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité.
Depuis un an, les résultats sont encourageants : baisse de 1,2 % du nombre de chômeurs inscrits en catégorie A et augmentation du taux d’activité, qui s’établit à 72 %.
La diminution des crédits de la mission « Travail et emploi », de l’ordre de 496,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement, s’inscrit dans ce contexte d’amélioration globale de la situation de l’emploi et de maîtrise indispensable de la dépense publique. Avec une dette qui s’accroît chaque année par un déficit de plusieurs milliards d’euros, réduire la dépense publique n’est pas un choix, mais une nécessité, nous en sommes tous conscients !
Il faut noter que cette baisse n’est pas seulement le reflet d’une coupe budgétaire, elle est avant tout liée à la situation actuelle du marché du travail : le nombre de chômeurs diminue, les dépenses aussi. Elle est, par ailleurs, le fruit de la réduction, ou du transfert, de certains dispositifs d’aide à l’embauche et de la stabilisation des parcours emploi compétences, les PEC, dont les crédits – 213 milliards d’euros – sont transférés également. À cela s’ajoute, enfin, la restriction des contrats aidés.
Examinons de plus près le contenu de cette mission : elle se subdivise en quatre programmes et un compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
Le programme 102 est porté par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP. Il comporte deux objectifs précis.
L’action n° 01 consacre son crédit de 3,6 milliards d’euros à l’amélioration du service public de l’emploi. En d’autres termes, l’État participera au fonctionnement de Pôle emploi à hauteur de 1,6 milliard d’euros et au financement du régime de solidarité d’indemnisation du chômage, à travers l’allocation de solidarité spécifique, ou ASS, à hauteur de 2,1 milliards d’euros.
L’action n° 02 consacre son crédit de 2,1 milliards d’euros à l’amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi pour celles et ceux qui en demeurent très éloignés, grâce à une mobilisation territoriale renforcée au travers du fond d’inclusion dans l’emploi ou des outils d’insertion par l’activité économique.
L’objectif de l’État est de recentrer ce type de contrats sur les personnes les plus éloignées du marché du travail et non sur les employeurs. Quant aux associations, la transformation du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en allégement de charges leur permettra de diminuer le coût du travail et, probablement, d’embaucher en contrat à durée indéterminée, en CDI. Cela leur donnera également les moyens de gérer efficacement cette transformation.
Notons, en sus, que le programme 102 finance notamment la garantie jeunes, les écoles de la deuxième chance, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » et, enfin, l’aide aux entreprises adaptées qui accueillent des personnes en situation de handicap.
Le programme 103 vise à accompagner les mutations économiques et le développement de l’emploi et porte un plan massif de développement des compétences.
Sur la durée du quinquennat, 14,6 milliards d’euros seront mobilisés pour accroître les qualifications et donc l’emploi durable, dont 13,8 milliards d’euros sont engagés sur la mission.
Ce programme s’inscrit ainsi pleinement dans la rénovation de notre modèle social voulu par le Gouvernement, en participant, par exemple, au financement, à hauteur de 3 millions d’euros, de la mise en œuvre du compte personnel de formation, le CPF, lequel place les personnes au cœur du système et permet la simplification de l’accès à la formation grâce à une plateforme numérique qui rend chaque salarié acteur de son parcours professionnel.
Le programme 103 finance également le dispositif des emplois francs, expérimenté jusqu’en 2020, avec 237 millions d’euros en autorisations d’engagement et près de 71 millions d’euros en crédits de paiement, permettant de couvrir le coût de plus de 25 000 contrats.
À propos de ce programme, encore, il faut mettre l’accent sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et sur le déploiement du plan d’investissement dans les compétences. Ce dernier mobilisera 14 milliards d’euros entre 2018 et 2022 afin d’accompagner la généralisation effective de la garantie jeunes ainsi que le financement des parcours prévus dans le cadre de son volet formation.
Le programme 111, relatif à l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail des salariés du secteur concurrentiel, voit, lui aussi, ses crédits réévalués à la hausse afin de financer la formation des conseillers prud’hommes et des défenseurs syndicaux et de renforcer les actions en matière de santé et de sécurité au travail.
Son budget prévisionnel pour 2019 s’élève à 88 millions d’euros en crédits de paiement, contre 86,52 millions d’euros en 2018.
En revanche, les autorisations d’engagement sont en forte diminution, en raison du renouvellement, en 2018, des conventions triennales 2018–2020 de l’État pour l’Association de gestion du fonds paritaire national et pour les instituts régionaux du travail social.
Le programme 155, enfin, voit ses crédits augmenter de 7 millions d’euros pour atteindre la somme de 689 millions d’euros. Pour rappel, il s’agit d’un programme d’appui et de soutien aux politiques publiques, qui porte sur l’ensemble des 9 500 emplois du ministère.
Enfin, les recettes du compte d’affection spéciale consacré au développement et à la modernisation de l’apprentissage augmentent de 77 millions d’euros. Il est important de rappeler ici que ce compte disparaîtra l’an prochain en raison de l’entrée en application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et de la création de France compétences.
Vous l’aurez compris, notre volonté est de mieux dépenser l’argent public en étant plus efficaces (M. Laurent Duplomb s’esclaffe.) : nous investissons dans les dispositifs d’accompagnement et de mobilité qui ont prouvé et prouvent encore leur efficacité.
Nous voterons donc les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une nouvelle baisse des crédits de la mission « Travail et emploi », dont le montant va passer de 15,2 milliards d’euros en 2018 à 12,23 milliards d’euros en 2019, soit une contraction de 19,4 %.
Une fois de plus, madame la ministre, vous abandonnez des mesures en faveur de l’emploi, en réduisant l’aide à l’embauche dans les PME et les contrats aidés.
Ce budget prétend poursuivre la dynamique de transformation des politiques de l’emploi engagée dans la précédente loi de finances, en augmentant notamment l’effort de formation des jeunes et en améliorant l’efficacité des dispositifs d’insertion dans l’emploi des publics fragiles, mais le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, êtes les seuls à le croire, car vous sabordez les dispositifs qui permettraient de mener cette politique !
Ainsi, 1 618 postes sont supprimés à l’AFPA, à l’Inspection du travail, au ministère du travail et à Pôle emploi, ce qui provoque un transfert de compétences vers les missions locales, qui sont pourtant, elles aussi, en mal de financement.
Porter atteinte à l’AFPA, qui joue un rôle central dans la formation professionnelle des adultes, est un non-sens, dès lors que le niveau du chômage en France s’explique notamment par un déficit de compétences, comme l’a souligné un rapport de l’OCDE publié l’année dernière.
Le constat est identique s’agissant de Pôle emploi. Cette réduction des effectifs, alors que ses missions ont été augmentées, en particulier par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, pose la question de la capacité des agents à assurer toutes leurs missions.
Les salariés de Pôle emploi ont exprimé leurs craintes, à la fin du mois de novembre dernier, lors d’une grève d’ampleur. Ils ont déploré l’augmentation de leur charge de travail, qui risque de les contraindre à recentrer leur activité sur les missions de contrôle, au détriment de l’accompagnement des demandeurs, pourtant essentiel pour favoriser le retour à l’emploi.
Ces suppressions de postes vont aussi concerner l’inspection du travail. Madame la ministre, en novembre dernier vous avez présenté un index de l’égalité femmes-hommes permettant d’évaluer les entreprises et de les sanctionner si nécessaire. Afin de garantir que cette politique soit efficacement mise en œuvre, vous avez promis une multiplication par quatre des contrôles menés par l’inspection du travail. Or cette promesse ne pourra en aucun cas être tenue avec des effectifs réduits.
La baisse des crédits de la mission « Travail et emploi » s’explique, enfin, par une nouvelle diminution des contrats aidés, dont 100 000 seront supprimés. Nous renouvelons notre opposition à cette mesure qui a un impact direct sur les collectivités territoriales, notamment dans les territoires ruraux, et sur les associations, avec pour conséquence un affaiblissement du service public de proximité, des services à la personne et du monde associatif et culturel.
Cette diminution est en outre difficilement justifiable : selon une étude de 2015, 67 % des contrats aidés du secteur marchand – 41 % dans les secteurs non marchands – débouchent sur un emploi au bout de six mois.
Quelques mesures semblent toutefois positives, comme l’extension de la garantie jeunes à 100 000 nouveaux bénéficiaires ou l’accent mis sur le soutien aux entreprises adaptées, dans le cadre de la politique d’emploi des travailleurs handicapés. Ce coup de pouce ne suffit cependant pas à faire oublier l’accumulation de dispositions négatives adoptées par le Gouvernement, qui ont porté atteinte au pouvoir d’achat et aux conditions d’existence des personnes en situation de handicap.
Enfin, le mode de financement choisi pour ces mesures nous empêche de nous en satisfaire pleinement : nous ne pouvons accepter que le Gouvernement supprime certains programmes pour en financer d’autres à moindre coût et nous nous opposons à la pratique qui consiste à prendre d’une main pour donner de l’autre, tout en continuant à restreindre globalement les crédits.
Alors même que le taux de chômage reste à 9 %, il est inacceptable que le service public de l’emploi soit affaibli afin de réduire les dépenses budgétaires alors que, dans le même temps, le Gouvernement consacre chaque année 20 milliards d’euros au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Comme si cette somme n’était pas suffisante – aucune somme ne l’est jamais, aux yeux des quelques privilégiés –, elle se cumulera cette année avec des allégements de cotisations patronales, pour un total de 40 milliards d’euros !
Finalement, nous ne sommes pas surpris par vos propositions !
Alors que notre pays traverse une crise profonde, vous décidez, comme si rien ne se passait, de maintenir vos politiques visant à faire des cadeaux aux plus riches et à imposer l’austérité aux autres !
Oui, il nous faut ramener la paix et la sérénité dans notre pays. À cette fin, je vous invite à prendre la mesure de ce qui se passe en adoptant des dispositions fortes, au lieu de mépriser notre peuple comme vous le faites ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
M. François Bonhomme. Ce n’est pas gentil, ça !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » apparaît comme l’une des grandes sacrifiées du projet de loi de finances pour 2019.
Par rapport au budget de l’année précédente, la baisse des crédits consacrés à l’action de l’État en faveur du travail et de l’emploi est drastique : perdant 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 milliards d’euros en crédits de paiement, ces pôles de dépenses respectifs s’élèvent péniblement à 13,4 milliards d’euros et 12,4 milliards d’euros pour l’année 2019.
Malheureusement, ce tournant budgétaire ne résulte pas d’une embellie majeure sur le marché de l’emploi en France. En effet, si l’indicateur de l’INSEE pointe une baisse de 0,5 point du taux de chômage au deuxième trimestre de l’année 2018, ce dernier semble s’être stabilisé à 9,1 % de la population active au troisième trimestre, soit plus de 2 730 000 chômeurs, toujours à la recherche d’un travail dans notre pays.
De plus, cet indicateur masque une triste réalité : la précarisation de l’emploi et un éloignement toujours plus important des chômeurs les plus fragiles. En effet, si l’on observe une baisse de 1 % du nombre de chômeurs de catégorie A, celle-ci est malheureusement compensée par une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi des catégories B et C, qui exercent une activité réduite.
Maîtrise des dépenses publiques oblige, la contribution exigée de la mission « Travail et emploi », et donc, à travers elle, de ses opérateurs, est considérable. Pôle emploi sera la structure la plus touchée, puisqu’elle supporte l’essentiel de la diminution du montant des subventions, avec un effort chiffré à près de 84,7 millions d’euros ! Vous affirmez, madame la ministre, que l’augmentation de la contribution versée par l’UNEDIC et la baisse des effectifs devraient compenser l’impact pour Pôle emploi de ces mesures, mais aucune garantie n’est avancée contre le risque probable d’une dégradation des conditions de travail des agents et donc du service rendu aux demandeurs d’emploi comme aux employeurs.
Concernant les emplois aidés, les prévisions budgétaires annoncent une diminution du nombre d’entrées en contrat de 200 000 en 2018 à 100 000 en 2019. Ce dispositif n’a, certes, pas fait la preuve de sa capacité à favoriser à chaque fois un retour à l’emploi, mais cette diminution de moitié entraînera des difficultés d’organisation majeures pour nos collectivités territoriales et pour les publics les plus isolés.
Dans le même temps, la mission « Travail et emploi » permet de conforter le lancement du grand plan d’investissement dans les compétences, en faveur de la formation et de l’accompagnement de deux millions de jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, afin de les armer pour satisfaire aux nouvelles exigences du monde du travail.
Pourtant, les missions locales chargées de la mise en œuvre de la garantie jeunes verront leur dotation diminuer. C’est incompréhensible ! Il faut opérer un véritable changement d’échelle ! Le combat contre le chômage et la précarisation du travail ne peut être mené exclusivement par l’État ; de nombreuses politiques territoriales sont d’ores et déjà orchestrées dans nos métropoles comme en milieu rural, où les élus locaux agissent sur le terrain en faveur de l’emploi et des compétences. Ce sont des initiatives qui fonctionnent ! Le PIC ne saurait atteindre les objectifs qui lui sont fixés sans les fers de lance que représentent ces plateformes locales d’animation et d’ingénierie, que sont les plans locaux pour l’insertion et l’emploi – les PLIE – et les maisons de l’emploi, les MDE. Vous devez prendre en compte cette dimension de proximité, qui doit être au cœur des politiques sociales menées en faveur de l’emploi !
C’est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen défend ardemment, aux côtés des rapporteurs spéciaux, l’amendement que ceux-ci ont déposé pour aider au maintien des maisons de l’emploi.
Celles-ci, créées par la loi de 2005 de programmation pour la cohésion sociale, sont de véritables outils d’ancrage territorial qui ont démontré toute leur pertinence en matière de plan de formation, d’analyse des besoins des entreprises et de gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences, ainsi que de nombreux rapports d’évaluation en témoignent. Lieux reconnus d’ingénierie territoriale et de construction collective de l’emploi, les 106 maisons de l’emploi réparties sur le territoire français sont portées par plus de 15 000 communes et plus 1 500 000 entreprises.
Elles permettent également l’application de la clause sociale, ou clause d’insertion et contribuent ainsi à renforcer les outils de lutte contre les discriminations et d’aide à la mobilité, à favoriser l’émergence de nouvelles filières – numérique, bâtiment, développement durable – et à soutenir l’économie sociale et solidaire ainsi que la politique de la ville. Grâce à la clause d’insertion, 72 % des personnes les plus éloignées de l’emploi qui sont embauchées obtiennent un CDI après dix-huit mois de contrat ! Qui dit mieux ?
Pourtant, alors que 82 millions d’euros étaient affectés par l’État aux maisons de l’emploi en 2010, ce chiffre tombe à 5 millions d’euros pour 2019, laissant les collectivités assumer quasi seules le dispositif. Ce n’est pas acceptable !
Je remercie le Sénat de se mobiliser à nouveau, aujourd’hui, pour garantir le maintien de ces structures par la création d’un programme ad hoc au sein de la mission « Travail et emploi », doté de 10 millions d’euros – c’est un minimum – en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.
En conclusion, la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera, avec la commission des finances, l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l’adoption de l’amendement de ses rapporteurs spéciaux relatif aux maisons de l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon les derniers chiffres d’Eurostat, sortis la semaine dernière, le taux de chômage dans la zone euro a poursuivi sa baisse en novembre 2018 pour atteindre 8,1 %. Il est encore de 9,1 % en France, sans compter les emplois précaires, notamment les emplois aidés. Malgré la reprise de l’activité et la baisse du chômage dans notre pays, nous sommes donc loin de la moyenne européenne.
Le groupe Les Indépendants estime que la lutte contre le chômage de masse que nous connaissons depuis plus de trente ans est une grande cause nationale. Dans ce contexte difficile, des coupes importantes auront lieu sur les crédits de la mission « Travail et emploi » en 2019, comme en 2018, qui subissent une diminution record de 500 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3 milliards d’euros en crédits de paiement ! Malgré cette forte baisse, ils sont maintenus à un niveau élevé par rapport à la moyenne des dix dernières années.
Je salue les efforts de pédagogie déployés par le rapporteur spécial, M. Emmanuel Capus, qui nous a démontré que cette baisse s’accompagnait d’un recentrage des crédits vers les dispositifs qui fonctionnent vraiment.
Tout d’abord, je souhaite revenir sur la diminution de l’enveloppe consacrée aux contrats aidés, dont 100 000 seulement seront conclus en 2019 dans le secteur non marchand, soit moitié moins qu’en 2018. Nous connaissons tous l’utilité de ces emplois pour certaines collectivités territoriales ainsi que pour le secteur associatif. Les collectivités, par exemple, ont beaucoup profité des emplois-jeunes et sont maintenant à bout de souffle.
Néanmoins, il s’agit, par nature, de contrats précaires subventionnés qui n’apportent donc qu’une réponse de court terme à la catastrophe nationale que constitue le chômage de masse.
Le temps est venu de recentrer les moyens sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Nous saluons ainsi la transformation des contrats d’accompagnement dans l’emploi en parcours emploi compétences, intervenue en début d’année.
J’en viens à l’autre point important de cette mission : la lutte contre le chômage des jeunes et l’investissement dans les compétences. L’augmentation significative des crédits consacrés au plan d’investissement dans les compétences, le PIC, permettra d’accompagner la généralisation effective de la garantie jeunes, notamment dans son volet formation. Le chômage des jeunes atteint 20 % dans notre pays, ce n’est pas nouveau, mais c’est inacceptable. Ce sont les générations futures que nous sacrifions ! L’accent mis sur la formation des jeunes dans ce projet de loi de finances est donc une bonne orientation.
Enfin, j’insiste sur la nécessaire territorialisation des politiques de l’emploi. Pour lutter contre le chômage, il faut bien connaître les situations locales ainsi que les bassins d’emploi et déployer une action de proximité. Nous nous interrogeons donc, comme nos collègues, sur la diminution quasi constante des moyens consacrés par l’État aux maisons de l’emploi depuis leur création, dans le plan Borloo.
Au regard de l’utilité de ces maisons dans certains territoires – ceux qui ont pu en bénéficier – la suppression simple de leurs crédits paraît regrettable. Nous soutiendrons donc l’amendement des rapporteurs spéciaux Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian destiné à appuyer ces structures.
Mme Nathalie Delattre. Merci !
M. Alain Fouché. Notre groupe est convaincu qu’un tournant des politiques de l’emploi est nécessaire pour faire face aux mutations du monde du travail ; vous l’avez entamé, madame la ministre. Nous portons donc un regard positif sur votre politique, qui favorise la montée en compétences de l’ensemble des travailleurs tout au long de leur carrière, l’adaptation rapide aux transformations technologiques et la revalorisation de l’apprentissage, que l’on évoque depuis longtemps et qui est essentielle.
Nous voterons ces crédits en l’état, car ils annoncent un redéploiement pertinent des efforts financiers de l’État vers les dispositifs les plus efficaces et un changement de logique bienvenu vers la formation et l’insertion plutôt que vers la précarité subventionnée.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, investir dans les politiques publiques de l’emploi est capital pour permettre à chacun de nos concitoyens, notamment aux plus fragiles d’entre eux, de s’émanciper par le travail. Or les crédits consacrés à la politique de l’emploi dans le projet de loi de finances pour 2019 vont, malheureusement, à rebours de cette ambition.
Pour la deuxième année consécutive, nous assistons à une baisse du budget de la mission « Travail et emploi » : ses crédits diminuent de 3 milliards d’euros, alors que les derniers chiffres montrent un ralentissement des créations d’emploi et l’échec du Gouvernement à résorber le chômage en 2018.
Certes, un effort est tout de même consenti en faveur des structures de l’insertion par l’activité économique, ou encore, s’agissant de l’insertion professionnelle des jeunes, des établissements pour l’insertion dans l’emploi – EPIDE – et écoles de la deuxième chance.
Ces écoles offrent aux décrocheurs une réelle opportunité de se relancer : 60 % des jeunes passés dans ces structures en sortent avec une qualification ou un emploi. Nous nous étonnons d’ailleurs, madame la ministre, que vous ne débloquiez pas les crédits nécessaires à l’accélération de leur implantation. Le département de l’Aisne est candidat pour accueillir un établissement, mais sa démarche se heurte à un parcours du combattant.
D’autres dispositifs subissent malheureusement une contraction inexpliquée de leurs moyens.
D’abord, le sort réservé aux missions locales suscite l’inquiétude dans nos territoires. En effet, alors que les missions locales sont en première ligne pour la mobilisation de la garantie jeunes, leurs moyens consacrés à l’accompagnement diminuent de 4 %. Si l’on peut sans doute réfléchir à la modernisation et à la rationalisation de ce dispositif, prenons garde à ne pas le casser par une baisse de crédits trop importante, qui lui serait fatale.
L’avenir des maisons de l’emploi est un autre sujet de préoccupation. Dans le projet de loi de finances initial, l’État prévoyait de se désengager totalement de leur budget de fonctionnement. Une telle décision aurait immanquablement mis ces structures en difficulté, alors même qu’elles interviennent dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l’emploi.
Pour une fois, l’Assemblée nationale n’est pas restée sourde à ce sujet : elle a adopté un premier amendement prévoyant une dotation de 5 millions d’euros, complété par un autre amendement, portant sur 10 millions d’euros, proposé par les rapporteurs de la commission des finances du Sénat. Le nouveau montant permettra un soutien effectif de ces structures et évitera le saupoudrage des crédits.
L’importante contraction des crédits de la mission est également l’une des conséquences les plus visibles du coup de frein brutal porté à la politique des contrats aidés à l’automne 2017.
Moins d’un an après sa mise en place, la nouvelle formule de contrats aidés, les parcours emploi compétences, dits PEC, présente un bilan plus que mitigé. Si l’on observe une sous-consommation des PEC depuis le début de cette année, c’est en partie dû à l’excessive complexité du dispositif. Le coût s’est également avéré dissuasif pour les associations et les petites collectivités territoriales, puisque le taux de prise en charge par l’État a été ramené de 73 % en 2017 à 50 % en 2018.
Ajoutons que la diminution du nombre de contrats aidés est intervenue dans un contexte financier déjà fragilisé pour les associations et les collectivités territoriales, en raison de la suppression de la réserve parlementaire et de la baisse des dotations de l’État.
Je rappelle que nous ne sommes pas hostiles à l’évolution des contrats aidés vers davantage d’accompagnement et de formation des bénéficiaires. Ce que nous dénonçons, c’est la brutalité avec laquelle cette réforme a été menée. Et quelle réponse pour les petites communes qui n’ont pas les moyens d’embaucher autrement ? Aucune solution alternative ne leur a été apportée !
Quant au budget de Pôle emploi, il en baisse de 85 millions d’euros, après une baisse de 50 millions d’euros en 2018. Là encore, j’ai du mal à comprendre ce choix : ce n’est pas en réduisant les moyens humains et financiers de Pôle emploi et en augmentant dans le même temps les charges des conseillers – 70 dossiers supplémentaires pour chacun avec le plan pauvreté – que la situation des demandeurs d’emploi s’améliorera. C’est une aberration, car nombre de personnes ont plutôt besoin d’être prises par la main.
Enfin, permettez-moi d’aborder la question du handicap. S’il faut saluer l’effort de 15 millions d’euros portant à 400 millions d’euros au total les financements en faveur de l’emploi des personnes handicapées, beaucoup reste à faire pour améliorer leur situation.
Ainsi, la prise en charge de la prestation de compensation du handicap, la PCH, reste insuffisante pour ceux qui travaillent et doivent financer les équipements nécessaires pour s’adapter à leur emploi, comme un véhicule adapté ou un fauteuil. On constate aussi de nombreux retards dans le paiement des aides, et l’expérimentation en cours visant à faire prendre en charge la PCH par les fonds départementaux de compensation du handicap s’avère complexe, en raison des finances exsangues des départements.
Madame la ministre, nous souhaitons le meilleur pour la France. Chaque fois qu’une bonne mesure en faveur de l’emploi est proposée, nous la votons sans hésitation, comme nous l’avons fait avec les ordonnances Travail.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Pascale Gruny. Je m’y emploie, monsieur le président.
Malgré les nombreux points négatifs de ce budget et faute de pouvoir majorer les crédits, nous voterons tout de même en faveur de cette mission, pour les quelques avancées qu’elle comporte. Mais quelle déception pour les Français éloignés de l’emploi ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la lutte contre l’exclusion et le chômage exige des politiques d’insertion professionnelle fortes et ambitieuses. D’autant plus quand les chiffres du chômage ne sont pas bons, malheureusement.
Or, d’après les dernières statistiques de la DARES, toutes catégories confondues, la France compte plus de 5 600 000 demandeurs d’emploi. Un chiffre tristement en hausse, sur trois mois comme sur un an.
Pourtant, pour la deuxième année consécutive, le budget de la mission « Travail et emploi » est marqué par une forte contraction des crédits de paiement, qui s’établissent à 12,4 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros de moins qu’en 2018, à périmètre comparable.
En pratique, on assiste à un affaiblissement des différents opérateurs du travail et de l’emploi, particulièrement symptomatique de la politique mise en œuvre par le Gouvernement, en totale contradiction avec la nécessité d’accompagner davantage les publics les plus fragilisés et éloignés de l’emploi.
L’opérateur Pôle emploi est particulièrement touché, avec une baisse de sa subvention pour charges de service public à hauteur de près de 85 millions d’euros, qui fait suite à la baisse de 50 millions d’euros intervenue cette année.
Les effectifs de Pôle emploi vont être durement touchés. D’ores et déjà, une baisse de 800 équivalents temps plein est annoncée pour l’an prochain, sans tenir compte du redéploiement de certains conseillers vers l’activité de contrôle. En 2018, près de 500 postes et 1 000 contrats aidés ont déjà été supprimés.
À Pôle emploi comme ailleurs, on justifie ces coupes par des gains de productivité – encore évoqués il y a quelques instants –, qui reposeraient notamment sur le tout-numérique. Or si la dématérialisation peut simplifier les procédures, elle peut aussi s’avérer dissuasive pour certains publics. Rien ne remplace l’écoute et l’accompagnement d’un conseiller !
Derrière tout cela, je vois surtout une dégradation du service public de l’emploi et des conditions de travail des agents, aux portefeuilles de suivi et d’accompagnement toujours plus fournis.
Les missions locales, elles aussi, vont être encore fragilisées, par la diminution de plus de 8 millions d’euros des crédits consacrés aux conventions d’objectifs, alors que certaines ont déjà été mises en difficulté par la baisse des subventions des collectivités territoriales, aux budgets toujours plus contraints. Cela correspond à la suppression de 250 emplois de conseiller.
Cette baisse de moyens est un paradoxe, au moment où le Gouvernement va confier aux missions locales de nouvelles responsabilités dans la lutte contre la pauvreté des jeunes, notamment avec l’obligation de formation.
Quant aux expérimentations des fusions des missions locales dans Pôle emploi, nous y sommes opposés. Elles vont conduire à remettre en cause la spécificité de l’accompagnement global et personnalisé des jeunes, ainsi que l’ancrage territorial des missions locales et l’engagement politique et financier fort des élus représentant leur collectivité territoriale. Nous considérons que les missions locales doivent conserver leur expertise et continuer à assurer leur rôle de service public territorialisé de l’insertion des jeunes, notamment dans le cadre de la montée en puissance du dispositif garantie jeunes.
Concernant les contrats aidés, nous avions dénoncé, l’an passé, la baisse drastique de leur nombre. Force est de constater que les nouveaux parcours emploi compétences ne donnent pas pleinement satisfaction, voire sont en échec. À peine plus de la moitié des parcours ont été prescrits cette année, madame la ministre, et vous ne prévoyez que 100 000 contrats supplémentaires l’année prochaine. Voilà un an, vous évoquiez pourtant le chiffre de 200 000…
Cet échec était prévisible : le taux de prise en charge par l’État est trop faible, l’obligation de formation n’est pas financée et vous avez perdu la confiance de nombre d’employeurs, qui redoutent un nouveau revirement du Gouvernement.
C’est tout de même un comble que la sous-consommation des contrats aidés en 2018 vous permette de justifier des crédits et un nombre d’entrées en contrat encore en baisse pour 2019 !
Madame la ministre, vous disiez vouloir privilégier le qualitatif par rapport au quantitatif. Au bout du compte, nous n’avons ni l’un ni l’autre.
Les emplois aidés manquent notamment dans les services scolaires et périscolaires, dans l’aide aux personnes dépendantes, dans les EHPAD et, tout aussi cruellement, dans le milieu associatif. Les conséquences en sont dramatiques dans nos territoires.
C’est pourquoi nous avions déposé un amendement tendant au financement non de 100 000, mais de 200 000 emplois aidés, en abandonnant le taux de prise en charge réduit à 50 % au profit de celui de 70 % du SMIC au moins. Il est bien regrettable qu’il ait été déclaré irrecevable, car il s’agissait d’une mesure indispensable pour relancer les contrats aidés dans le secteur non marchand, surtout en milieu rural, où le sentiment d’abandon par l’État est le plus fort.
Que dire de la disparition dans ce projet de loi de finances de la contribution de l’État au budget de fonctionnement des maisons de l’emploi ? Elle mettra inexorablement en difficulté ces structures. Je crains que seules quelques collectivités territoriales ne soient en mesure de conserver leur maison de l’emploi, et qu’on ne laisse de côté les demandeurs d’emploi des zones déjà défavorisées.
Si l’amendement adopté par l’Assemblée nationale visant à consacrer une enveloppe de 5 millions d’euros aux maisons de l’emploi va dans le bon sens, ce montant reste insuffisant. C’est pourquoi notre groupe défendra un amendement visant à porter ces crédits à 10 millions d’euros.
Madame la ministre, la diminution des effectifs de votre propre ministère, notamment de ceux de l’inspection du travail, est un très mauvais signal, à une époque marquée par des modifications substantielles du droit du travail et alors que la lutte contre le travail illégal devrait vous préoccuper.
Pour toutes ces raisons, et bien que les mesures en faveur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, notamment, aillent dans le bon sens, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités en votant contre les crédits de la mission « Travail et emploi » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme la rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », j’aborderai deux sujets : l’emploi des travailleurs handicapés et l’insertion par l’activité économique.
Je tiens à souligner les moyens financiers consacrés à l’emploi des personnes handicapées, en particulier pour la prise en charge de 5 000 équivalents temps plein supplémentaires.
Toutefois, un certain nombre d’inquiétudes et d’incompréhensions demeurent.
En effet, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié les modalités de calcul de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’OETH, afin de favoriser l’emploi direct. L’analyse de leurs effets nécessitera quelque temps, mais je crains un manque d’anticipation de ces effets sur les entreprises adaptées et les établissements d’aide par le travail. La sous-traitance et les prestations ne pourront pas, à l’avenir, être autant mobilisées qu’aujourd’hui par les employeurs pour s’acquitter partiellement de leur OETH.
Il paraît paradoxal d’augmenter si fortement la création de postes, notamment au sein des entreprises adaptées, quand, en même temps, il y a un véritable risque de diminution de leurs carnets de commandes, par l’application des nouvelles règles de calcul de l’OETH.
De plus, malgré les nombreuses annonces gouvernementales exhortant à décloisonner et à fluidifier les parcours des personnes handicapées, on peine encore à penser le travail de ces dernières en dehors d’une étanche tripartition entre milieu protégé, milieu adapté et milieu ordinaire. Or il est impossible de modifier l’équilibre de l’un de ces milieux sans bouleverser celui des autres et, par ricochet, affecter les travailleurs qui y sont employés.
Pour que les mesures que vous proposez, madame la ministre, soient véritablement efficaces pour l’emploi des travailleurs handicapés, il conviendrait de compléter la réglementation pour permettre à ceux-ci de passer plus facilement du milieu protégé au milieu ordinaire, d’une place dans un établissement médico-social à un emploi au sein d’une entreprise.
En ce qui concerne l’insertion par l’activité économique, l’augmentation des crédits de la mission permettra également la création de 5 000 équivalents temps plein supplémentaires. On ne peut que saluer cet effort, mais il ne compensera que partiellement la diminution importante des emplois aidés.
En ma qualité de membre du conseil d’administration du fonds de l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, je voudrais présenter les résultats intermédiaires de cette opération.
À la suite de l’adoption de la loi du 29 février 2016, dix territoires, dont celui de Mauléon, dans les Deux-Sèvres, ont été sélectionnés afin de tester ce dispositif innovant. Un premier bilan intermédiaire laisse apparaître des résultats très encourageants. Ainsi, au 30 juin dernier, après dix-huit mois d’expérimentation, sur l’ensemble des dix territoires, près de 1 000 personnes ont été recrutées sur un emploi pérenne. Les entreprises à but d’emploi ont créé des emplois supplémentaires non concurrents et utiles.
Le 13 septembre dernier, à l’occasion de la présentation du plan contre la pauvreté, le Président de la République a annoncé sa volonté d’étendre cette expérimentation à quarante nouveaux territoires. J’aimerais, madame la ministre, que vous nous indiquiez les conditions dans lesquelles cette expérimentation sera étendue.
Aujourd’hui, on dénombre un certain nombre d’outils pour l’insertion par l’activité économique, destinés notamment à aider les personnes éloignées de l’emploi : les parcours emploi compétences, les ateliers et chantiers d’insertion, les entreprises d’insertion, les entreprises à but d’emploi, les entreprises adaptées, etc.
Peut-être serait-il utile de donner une meilleure lisibilité et une certaine cohérence à l’ensemble de ces dispositifs, qui restent efficaces et nécessaires. Est-ce là la future mission du service public de l’insertion annoncé dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté ?
Madame la ministre, le Gouvernement se veut actif en matière de lutte contre le chômage, mais, aujourd’hui, les effets durables de la politique menée peinent à se faire sentir. Nombre de mesures proposées aujourd’hui ont été élaborées dans la précipitation, en associant souvent trop peu les acteurs des territoires ou parfois dans un délai relativement court. Être plus proche des acteurs territoriaux vous permettrait sans doute d’être plus efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant au nom de notre groupe après ma collègue Corinne Féret, j’insisterai sur quelques points qui ont retenu notre attention.
Tout d’abord, l’AFPA devra fermer trente-huit de ses deux cent six sites, et les salariés sont très inquiets de la suppression de 1 541 postes en CDI sur un effectif de 6 480 personnes. Alors que l’ensemble des territoires étaient couverts, ces fermetures de site priveront onze départements des services de l’AFPA, ce qui nuira une fois de plus – c’est une habitude avec ce gouvernement – aux plus fragiles de nos concitoyens et aux territoires ruraux.
On assiste à un affaiblissement d’un opérateur historique de la formation professionnelle, alors même, madame la ministre, que vous prétendez faire de la formation professionnelle votre priorité. Le groupe socialiste et républicain défendra un amendement tendant à abonder les crédits budgétaires en faveur de l’AFPA. Car l’affaiblissement de cet organisme profiterait au secteur privé, qui ne pourrait pas forcément fournir un service de qualité.
Malheureusement, il y a là une nouvelle illustration du double langage du Gouvernement : vous annoncez des objectifs qui paraissent, parfois, louables, mais vous mettez concrètement en place des politiques qui ne correspondent pas aux effets d’annonce. D’où le sentiment, chez une large majorité de nos concitoyens, d’être trompés.
S’agissant de l’apprentissage, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2019 prévoient la mise en place d’une aide unique, fruit de la fusion, prévue dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, de quatre dispositifs. Cette aide unique est ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat.
Cette simplification nécessaire pour les entreprises concernées était attendue, mais, sachant qu’il reviendra au Gouvernement de fixer le montant de l’aide unique par décret, la vigilance s’impose !
En ce qui concerne les crédits budgétaires consacrés à l’insertion par l’activité économique, après une forte mobilisation des acteurs du secteur l’année dernière, une augmentation de 5 000 équivalents temps plein est prévue pour 2019. Cette progression est toutefois en deçà des attentes des professionnels du secteur comme de la recommandation faite par Jean-Marc Borello, dans son rapport de janvier dernier, d’augmenter de 20 % les postes dans ce secteur.
Enfin, je veux, à mon tour, mettre l’accent sur la catastrophe que représente pour mon département du Pas-de-Calais la suppression des emplois aidés.
Avec ce vaste plan de licenciements, vous avez, madame la ministre, augmenté le chômage, donc la souffrance sociale. Par idéologie, vous avez provoqué des catastrophes sociales sur nos territoires, en particulier sur les plus fragiles. Les emplois aidés manquent dans les EHPAD pour nos aînés, manquent aux associations qui se voient affaiblies. Notre tissu social est fragilisé, les solidarités sont entamées, et le sentiment d’abandon de nos concitoyens augmente cruellement : on en voit pour partie la traduction dans les mouvements de protestation actuels.
Madame la ministre, je veux me faire le porte-parole des souffrances de nos concitoyens, qui perçoivent de plus en plus les injustices de votre politique. Le Gouvernement n’écoute pas, il est sourd, campé dans ses certitudes, face à la colère du peuple, alors que votre système ne marche pas, puisque le chômage ne diminue pas, voire progresse.
Votre politique de l’emploi n’ayant pas de résultats, il est logique que les sénateurs socialistes et républicains s’y opposent résolument, en particulier en votant contre les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2019 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en ces temps troublés, la mission « Travail et emploi » est d’une importance capitale : c’est sans doute par le biais du travail que de nombreux maux de notre société pourraient être résolus.
Bien sûr, les orientations du Gouvernement ont en grande partie été prises précédemment, à l’occasion des ordonnances Travail et de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Force est de reconnaître que de nombreux points allaient dans le bon sens. Adapter les compétences aux mutations que nous connaissons, économiques, sociales ou technologiques, était nécessaire.
Seulement voilà : contrairement à ce que l’exécutif laisse entendre, le chômage n’a pas baissé. Selon l’INSEE, le taux de chômage au troisième trimestre de 2018 était stable, à 9,1 % de la population active en France entière. La diminution de 1,4 % sur la catégorie A entre 2015 et 2018 a été plus qu’annulée par l’évolution des catégories B et C. Toutes catégories confondues, le chômage stagne !
Pourtant, les budgets alloués à la formation et au travail sont importants, même si une baisse de 2,9 milliards d’euros est prévue pour l’année prochaine, pour une meilleure maîtrise de la dépense publique.
Depuis des années, nous critiquons les budgets affectés aux formations et aux différents outils existants, car nous n’avons aucun retour sur les résultats obtenus en matière de lutte contre la précarité.
Lutter contre le chômage des jeunes et des personnes les plus éloignées du travail reste une priorité. À cette fin, je suis favorable à la reconduction des crédits destinés à la garantie jeunes, à la reconduction des crédits alloués aux écoles de la deuxième chance et aux établissements pour l’insertion dans l’emploi, et aux crédits consacrés au plan d’investissement dans les compétences et à l’insertion par l’activité économique.
En revanche, je regrette la diminution de 4 % des moyens alloués aux missions locales, qui œuvrent concrètement et font un véritable travail de terrain pour répondre aux défis de l’emploi de manière circonstanciée, sur leur territoire. Ces structures associatives accueillent plus de 1,4 million de jeunes chaque année, avec des résultats positifs, puisque près d’un jeune sur deux s’est vu proposer un emploi ou une formation. Elles risquent aujourd’hui l’asphyxie financière et d’être phagocytées par Pôle emploi.
Pôle emploi doit aussi connaître une baisse de ses effectifs, compensée par une meilleure productivité. Permettez-moi d’en douter…
Si Pôle emploi reste la structure reconnue par tous, ce n’est plus l’axe privilégié par les employeurs en recherche de salariés. Avec la sur-administration imposée, Pôle emploi ne peut exercer pleinement son activité principale et doit à tout prix se réformer pour confier la gestion des jeunes aux missions locales et aux organismes de réinsertion celle des personnes éloignées de l’emploi. (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)
Je pense que l’administration imposée à Pôle emploi n’est pas toujours nécessaire et qu’elle peut être revue pour permettre aux fonctionnaires d’exercer pleinement leur activité de recherche d’emplois. Actuellement, bon nombre de demandeurs d’emploi sont envoyés vers des formations sans débouchés ou qui ne sont pas suivies, afin que les bénéficiaires ne perdent pas leurs avantages. Pendant ce temps, des emplois ne sont toujours pas pourvus !
La politique en matière d’emplois est aujourd’hui beaucoup trop laxiste, malgré des budgets importants. Il est urgent que des comptes soient rendus pour estimer les outils mis en place, leur coût et leur efficacité. Je suis convaincu que nous pouvons mieux faire, avec moins de moyens.
Enfin, je regrette aussi la diminution des contrats aidés, qui ont permis à des jeunes en situation de précarité d’intégrer des collectivités territoriales pour être formés et, à terme, employés. Certes, cela représente un coût pour l’État, mais une personne au chômage coûte aussi cher, même si ce ne sont pas les mêmes budgets.
Madame le ministre, il est indispensable que la politique du travail et de l’emploi soit revue pour que les demandeurs d’emploi n’hésitent plus à reprendre le chemin du travail et que les emplois soient dorénavant pourvus !
Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour vingt minutes maximum.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteur spécial Sophie Taillé-Polian, monsieur le rapporteur spécial Emmanuel Capus, monsieur le rapporteur pour avis Michel Forissier, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le plaisir de revenir au Sénat une semaine après mon audition par la commission des affaires sociales de votre assemblée, au cours de laquelle j’ai présenté aux membres de la commission le budget de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2019, qui a fait l’objet d’un premier débat à l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, au-delà de nos convergences et, sur certains points, de nos divergences, je tiens à souligner que vos interventions, en séance comme en commission, témoignent d’une volonté que nous partageons pleinement : permettre à l’ensemble de nos concitoyens, quels que soient leurs origines, leur lieu de résidence et leur parcours, d’accéder à un emploi durable et de qualité.
Tel est le sens du cap fixé par le Président de la République et de la politique mise en œuvre par notre gouvernement : l’émancipation par le travail et la formation.
En 2019, nous poursuivrons la transformation profonde des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle que j’ai engagée dès mon arrivée, en parallèle des ordonnances pour le renforcement du dialogue social.
J’ai mené en 2018 des réformes structurantes, avec des choix forts et assumés de réallocation de nos moyens, notamment en faveur des compétences en France. Ces trajectoires se retrouvent évidemment dans le présent projet de loi de finances.
Les chantiers ont été nombreux, à commencer par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Cette loi réforme les règles de gouvernance et de financement des politiques de formation professionnelle et d’apprentissage, avec un objectif : remettre l’individu au centre du jeu, en position de décideur, d’acteur de son propre parcours et permettre un développement massif de l’apprentissage, une meilleure efficacité de la formation professionnelle continue, une meilleure inclusion dans l’emploi des personnes en situation de handicap et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
D’autre part, elle élargit la couverture de l’assurance chômage pour faciliter les transitions professionnelles, lutter contre la précarité et asseoir le retour à l’emploi durable.
Ces objectifs sont au cœur du document de cadrage remis aux partenaires sociaux en septembre dernier.
En réponse à vos questions, je confirme que l’ensemble des décrets d’application seront publiés au plus tard début janvier ; plusieurs l’ont déjà été.
Par ailleurs, l’ensemble des acteurs opérationnels ont déjà été informés du contenu de ces décrets pour que les délais de procédure ne les empêchent pas d’anticiper sur leur mise en œuvre.
Le deuxième chantier correspond au déploiement du plan d’investissement dans les compétences.
En 2018, 1,5 milliard d’euros a déjà été engagé pour lancer une vingtaine de programmes, qui servent deux objectifs.
Le premier objectif, qui est le principal, est évidemment de faire en sorte d’accompagner et de former les personnes peu qualifiées, jeunes sans qualification ou demandeurs d’emploi de longue durée, dans une logique d’acquisition de compétences très attendues sur le marché du travail. Je rappelle que les ordonnances ont redonné confiance aux entreprises – ce sont les entreprises elles-mêmes qui le reconnaissent.
Les TPE et les PME disent qu’elles n’ont plus peur d’embaucher, mais qu’elles ne trouvent pas les compétences qu’elles recherchent sur le marché du travail, ce qui est exact : il existe un décalage important entre les compétences recherchées et les compétences disponibles, d’où l’enjeu fondamental que représente ce plan d’investissement compétences dans la lutte contre le chômage.
Le second objectif est d’intensifier les effets de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en accélérant la transformation du système de formation professionnelle par l’investissement et l’innovation. En effet, notre conviction est que, pour aller plus loin dans la lutte contre le chômage, dont le taux est passé de 9,7 % à 9,1 % en un an – nous sommes en progrès, même s’il reste beaucoup à faire –, il faut aussi engager des efforts structurels sur l’offre de formation et l’offre en matière d’accompagnement des personnes en recherche d’emploi.
La troisième transformation engagée en 2018 a consisté à renouveler l’approche de la politique d’inclusion dans l’emploi, grâce notamment à la création des contrats parcours emploi compétences – j’y reviendrai – et aux moyens mis en œuvre pour associer la mise en emploi avec l’accompagnement et la formation dans ces contrats. Cela fait des décennies qu’il est prouvé que le fameux triptyque « mise en emploi-formation-accompagnement » est la meilleure solution, celle qui permet d’obtenir le taux de réussite le plus élevé. C’est la raison pour laquelle nous avons transformé les contrats aidés précédent en contrats aidés parcours emploi compétences.
La dimension territoriale du pilotage de ces outils d’insertion a été renforcée avec la création du fonds d’inclusion dans l’emploi, qui permet une fongibilité et une adaptation locale aux moyens en fonction des besoins observés.
Le quatrième chantier engagé a trait au renforcement sans précédent du modèle inclusif des entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap. C’est le sens de l’accord pluriannuel « Cap vers l’entreprise inclusive 2018–2022 » que j’ai signé avec le secteur des entreprises adaptées le 12 juillet dernier en présence de ma collègue Sophie Cluzel, après des mois de concertation approfondie.
D’ici à 2022, cet accord permettra à 40 000 personnes en situation de handicap supplémentaires d’accéder à un emploi. Il entrera en vigueur dès cette année avec un cadre réglementaire fixé à la mi-novembre, qui prévoit le lancement de l’expérimentation des emplois tremplins. Ce dispositif, qui vise à faciliter les passerelles vers le milieu ordinaire, était prévu par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Toujours en 2018, un plan de transformation de l’AFPA a été annoncé il y a quelques semaines, mais nous y reviendrons plus tard dans le débat.
Je tiens à souligner que l’ensemble de ces actions ont été menées dans le respect du plafond des crédits qui m’ont été alloués.
Pour 2019, vous l’avez souligné, le budget de la mission « Travail et emploi » est de 12,4 milliards d’euros. À périmètre constant, il y a bien une baisse de crédits de 2 milliards d’euros par rapport à 2018, mais cette baisse est liée, en quasi-totalité, à deux facteurs.
Le premier, c’est l’extinction, décidée par le précédent gouvernement, des mesures dont j’ai pris acte à mon arrivée, à savoir la suppression de l’aide ponctuelle à l’embauche des TPE et PME. Je pense, d’ailleurs, que cette suppression était justifiée au sens où le dispositif n’avait pas fait ses preuves. Ce n’est pas un reproche, mais un constat, qui explique pour près de 1 milliard d’euros de crédits la différence que l’on observe.
Le second facteur tient au choix assumé par le Gouvernement de réduire le volume des contrats aidés, non pas parce que nous aurions décidé de continuer à en baisser le nombre, mais parce que nous constatons que, après en avoir fait des outils vraiment qualitatifs, qui prévoient aussi des phases de formation et d’accompagnement, la demande change.
En définitive, cela crée un bon partage des eaux entre les vrais contrats aidés, qui étaient conformes à l’esprit « parcours emploi compétences » et qui avaient pour but de permettre à des personnes en difficulté de remettre le pied à l’étrier et de faire tremplin, et les autres contrats qui correspondaient plutôt à de la précarité subventionnée, répétitive, sans perspective d’emploi.
En 2019, il est de bonne gestion de fixer un niveau de contrats aidés qui correspond à ce que les collectivités locales et les associations sont en mesure de faire de façon qualitative. Il s’agit aussi d’une preuve de sincérité budgétaire.
Je rappelle que nous avons également supprimé ces contrats dans le domaine marchand, puisqu’il s’agissait d’un effet d’aubaine manifeste.
Ce budget poursuit les efforts engagés en 2018 avec deux objectifs très clairement affirmés, qui en sont la colonne vertébrale.
Il s’agit d’abord de l’investissement dans les compétences et, ensuite, du développement de tous les dispositifs d’inclusion dans l’emploi pour les plus vulnérables, en cherchant à chaque fois le plus efficace au service de nos concitoyens.
Il est primordial que les personnes les plus vulnérables soient replacées au cœur des politiques d’inclusion. Cela fait partie de l’objectif visé par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée par le Président de la République le 13 septembre dernier.
C’est dans cet esprit de transformation et en multipliant les déplacements sur le terrain dans le cadre de la semaine de l’apprentissage, de celle de la lutte contre la pauvreté, ou de mes déplacements hebdomadaires, que j’ai construit le budget de l’emploi et de la formation professionnelle pour l’exercice 2019.
Tout d’abord, je tiens à souligner que nous poursuivrons la montée en puissance du plan d’investissement compétences avec un doublement des crédits alloués. Ce nouvel engagement de 3 milliards d’euros sera financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par la contribution des entreprises via France compétences, soit 1,5 milliard d’euros que vous ne trouvez pas directement dans le budget que je vous présente, mais qui viennent accompagner les politiques conduites.
En réponse à vos questions sur le sujet, je précise que ce montant de 1,5 milliard d’euros découle bien de la contribution à la formation professionnelle des entreprises et qu’il est comparable au milliard d’euros auparavant destiné à la formation professionnelle, qui transitait par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, ou le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP.
Quel gain peut-on tirer de cette mesure ? D’abord, on investira plus ; ensuite, le ciblage des publics en difficulté sera bien meilleur, toute comme l’évaluation ; enfin, la représentation nationale disposera d’une meilleure visibilité sur les dépenses affectées aux moins qualifiés, sur lesquelles vous n’aviez aucune information jusqu’à présent.
Ces crédits seront mobilisés selon quatre orientations.
Le premier objectif, qui correspond à près de la moitié du plan d’investissement compétences, est la mise en œuvre des parcours de formation dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d’investissement dans les compétences, qui sont en cours de négociation entre l’État et les régions ou les collectivités compétentes s’agissant des territoires ultramarins.
Ces pactes régionaux auront plusieurs spécificités. D’abord, ils pourront s’intégrer complètement dans les schémas régionaux de développement économique, puisqu’ils permettront de former là où on a besoin de compétences. Ensuite, nous nous engagerons sur quatre ans sous réserve d’une clause de revoyure annuelle, ce qui permettra une montée en puissance de toute l’offre de formation copilotée par l’État.
L’expérience a prouvé, à travers les résultats décevants du « plan 500 000 formations », que quand on va trop vite, trop fort dans la refonte de l’appareil de formation, on crée un appel d’air et que l’on ne fait pas forcément un saut de qualité. C’est pourquoi l’État et les régions se sont engagés à faire monter le dispositif progressivement en puissance. En 2019, 1,6 milliard d’euros d’engagements ont été provisionnés pour ces pactes régionaux pluriannuels d’investissement.
Le deuxième objectif du plan d’investissement compétences est de faire un effort particulier pour certains publics. Je pense notamment aux 60 millions d’euros par an qui seront consacrés à la formation des bénéficiaires de l’insertion par l’activité économique. Ce volet formation manquait souvent dans ce type d’insertion. Nous faisons aussi un effort particulier pour les personnes en situation de handicap, qui sont l’une des priorités du plan d’investissement compétences.
Troisième objectif : consolider les mesures d’accompagnement des jeunes du Parcours contractualisé vers l’autonomie et l’emploi – le PACEA – et sa formule intensive, la « garantie jeunes », dispositifs de qualité qui montent bien et progressivement en puissance. La garantie jeunes doit permettre d’accompagner 100 000 jeunes, ce qui représente une dynamique par rapport au nombre de jeunes profitant du dispositif cette année, qui est lui-même déjà supérieur à celui de l’année dernière. Ces mesures représentent environ 550 millions d’euros en 2019.
Le plan d’investissement compétences permettra aussi de renforcer les capacités d’accueil dans les écoles de la deuxième chance et l’EPIDE.
Le quatrième objectif est de promouvoir les expérimentations fondées sur des approches innovantes portant soit sur des secteurs cibles, soit sur des publics cibles. J’en citerai quelques-unes : les 10 000 formations numériques, les 10 000 formations aux emplois verts, mais aussi le plan massif de mobilisation pour le retour à l’emploi dans les QPV, les quartiers prioritaires de la ville, via l’appel à projets « 100 % inclusion » ou la préparation à l’apprentissage.
Je tiens d’ailleurs à souligner que cette disposition participe de la dynamique d’apprentissage que nous constatons depuis le vote de la loi : sur les 965 CFA, près de 600 ont postulé pour monter des préparations à l’apprentissage. Je crois que ce dispositif sera un grand succès. Il permettra à des jeunes qui en étaient exclus aujourd’hui d’accéder à l’apprentissage. C’est la raison pour laquelle nous avons nommé Patrick Toulmet comme délégué interministériel pour le développement de l’apprentissage, particulièrement dans les quartiers prioritaires de la ville où l’on constate que les jeunes ont très peu accès à cette voie d’excellence et de réussite.
En ce qui concerne les « territoires zéro chômeur », l’évaluation aura lieu. Nous augmentons les moyens consacrés à ce dispositif, dont l’expérimentation s’achève à la fin de l’année 2019. En effet, nous doublons les effectifs d’une année sur l’autre, en les faisant passer de 650 ETP en 2018 à 1 270 ETP en 2019 ; en outre, le budget augmentera de 4 millions d’euros.
Aujourd’hui, onze entreprises à but d’emploi ont été créées en France. Il s’agit encore d’une expérimentation d’une portée limitée, mais nous en évaluerons ensemble tous les résultats l’année prochaine, afin de vérifier que l’hypothèse est bonne. Nous passerons ensuite à une généralisation du dispositif si la deuxième étape de l’expérimentation, plus large, le confirme.
S’agissant des personnes en situation de handicap, je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà expliqué en commission. Je veux simplement dire que les réformes prévues dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel permettront d’ouvrir 100 000 postes de plus dans les entreprises aux personnes en situation de handicap. C’est très important pour ces personnes, qui sont aujourd’hui 500 000 à Pôle emploi et dont le taux de chômage est deux fois plus élevé que le reste de la population. Il s’agit de l’un des efforts majeurs que nous devons faire en faveur des personnes en situation de handicap, mais aussi en faveur de la lutte contre le chômage de masse.
Le budget de l’emploi pour 2019, au-delà du plan d’investissement compétences, prévoit un engagement important en direction des publics les plus vulnérables. Dans un objectif d’amplification de son effet levier, notre objectif est de permettre à 10 000 personnes de plus d’accéder à l’insertion par l’activité économique dès l’an prochain. Le budget est augmenté de 50 millions d’euros en conséquence.
Comme indiqué précédemment, l’année 2019 sera aussi l’année du plein déploiement de la réforme des entreprises adaptées. Un budget de 400 millions d’euros, en augmentation par rapport à 2018, sera consacré à cette ambition en 2019. Au total, et en accord avec le secteur d’activité, nous souhaitons que 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès 2019, grâce aussi au financement de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés – l’AGEFIPH – qui, en complément de l’État, participera au suivi de ces expérimentations.
Je pense que la fluidité entre tous les dispositifs, qui a été évoquée par l’un d’entre vous, est très importante. Nous voulons la renforcer. Aucune structure ne doit être captive ; toutes doivent être des tremplins les unes vers les autres en fonction des besoins et des capacités de chaque individu.
Ces efforts seront complétés par 100 000 nouveaux parcours emploi compétences. Je disais qu’ils correspondent aujourd’hui à la dynamique actuelle. Nous constatons déjà un meilleur ciblage sur les personnes en difficulté et un meilleur taux d’accès à la qualification.
J’ajoute que 30 000 contrats aidés seront dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap à l’école et transférés au budget du ministère de l’éducation nationale, soit 124 millions d’euros de crédits à cet effet.
Enfin, l’expérimentation des emplois francs, lancée au 1er avril, se poursuivra en 2019.
Pour assurer la pleine cohérence de cette politique publique et avoir un suivi actif sur tous ces sujets, j’ai réuni l’ensemble des parties prenantes de l’inclusion et les partenaires sociaux.
S’agissant de Pôle emploi, je voudrais rappeler à la représentation nationale que la baisse de 85 millions d’euros de la subvention se justifie par rapport à l’effort demandé à tous les opérateurs publics. Cette diminution est plus que compensée, puisque la contribution UNEDIC, qui est dynamique, assise sur la masse salariale, augmentera d’environ 100 millions d’euros pour atteindre 3,5 milliards d’euros. Les moyens de Pôle emploi seront donc bien en hausse en 2019.
En ce qui concerne les missions locales, l’effort demandé représente au total une baisse de 1,1 %, si on considère les trois types d’enveloppes que nous leur attribuons. On passe ainsi de 360 millions à 356 millions d’euros dans le projet de loi de finances. Il s’agit de l’un des efforts les moins intenses demandé à l’un de nos opérateurs.
En revanche, nous souhaitons établir une approche contractualisée plus intense entre les collectivités locales et l’État, afin d’améliorer l’efficacité du système, notamment pour aller chercher les jeunes là où ils sont, dans les zones rurales et au bas des tours dans les quartiers prioritaires de la ville. J’ai d’ailleurs créé un conseil de l’inclusion dans l’emploi, présidé par Thibaut Guilluy, pour suivre de façon plus dynamique toutes les problématiques liées à l’inclusion.
La réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage se traduit dès le budget sur deux autres aspects : la simplification du paysage des aides à l’apprentissage, et donc une aide unique pour les entreprises dès le 1er janvier 2019 pour l’apprentissage, et la création du nouvel opérateur France compétences.
En termes de coût du travail, une simplification du paysage des exonérations, avec la bascule de certains allégements spécifiques vers le droit commun, qui s’appliquera dès le 1er janvier 2019, le droit commun étant plus favorable que les allégements spécifiques précédents.
Un effort budgétaire de près de 4 milliards d’euros, soit un tiers du budget de la mission, est réalisé pour soutenir l’emploi dans le secteur des services à la personne ou la création d’entreprise.
Tout cela suppose une meilleure coordination des acteurs au service de l’emploi. Nous y travaillons. Je précise que nous n’envisageons pas une fusion mais une coopération très renforcée, comme nous l’avons fait entre Cap emploi et Pôle emploi cette année.
L’État continuera à se retirer du financement de la subvention de fonctionnement des maisons de l’emploi, malgré vos remarques. J’ai bien entendu les craintes des élus, qui les avaient déjà exprimées lors du débat national, sur la capacité des maisons de l’emploi à s’adapter dans le délai imparti. J’ai donc accepté de provisionner un budget de 5 millions d’euros pour accompagner cette transition.
S’agissant des effectifs du ministère, la baisse sera de 233 emplois, soit un taux d’effort – 2,5 % – stable par rapport à 2018, qui n’empêchera pas la mise en œuvre de nos missions. Car le ministère relève aussi le défi du numérique et la modernisation du système d’information du ministère en appui des politiques de l’emploi contribue à cette efficacité.
En conclusion, j’ai souhaité partager avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la grande cohérence de ce budget, qui porte deux grandes ambitions : intensifier l’effort d’inclusion pour favoriser l’émancipation par l’emploi et stimuler la création d’emplois et le développement des emplois par l’investissement dans les compétences, la libération de l’apprentissage et un renforcement de l’effort en matière de baisse du coût du travail.
travail et emploi
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Travail et emploi |
13 410 433 069 |
12 450 918 883 |
Accès et retour à l’emploi |
6 276 522 643 |
6 440 154 518 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
6 386 693 007 |
5 234 129 090 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
56 969 516 |
87 988 820 |
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail |
690 247 903 |
688 646 455 |
Dont titre 2 |
614 456 970 |
614 456 970 |
M. le président. L’amendement n° II–541 rectifié bis, présenté par Mmes Féret, Van Heghe et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel, Raynal, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
||||
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
||||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, l’inspection du travail est soumise à une injonction contradictoire. Elle voit ses missions se multiplier, alors que ses effectifs baissent significativement. On enregistre ainsi une baisse continue du nombre d’agents dévolus au contrôle, qui s’est largement amplifiée depuis l’année dernière.
Pour prendre un exemple, l’Île-de-France est la région la moins bien dotée en termes d’effectifs salariés présents. Au second semestre de cette année, ce sont 48 sections d’inspection du travail qui y ont été supprimées.
À cela s’ajoute un terrain juridique en perpétuelle évolution qui appelle les inspecteurs à une mise à jour quasi permanente. Le droit des travailleurs et les obligations des employeurs manquent de lisibilité pour eux, car ils n’ont pas le temps d’intégrer les modifications réglementaires.
Environ 44 % des principales missions exercées par les inspecteurs du travail concernent la santé au travail et près de 30 % touchent à la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement.
Madame la ministre, vous venez de lancer une campagne nationale de sensibilisation au risque de chutes de hauteur, qui figure parmi les priorités du troisième Plan santé au travail. Votre collègue Marlène Schiappa, de son côté, souhaite que les inspecteurs du travail se consacrent au respect de l’égalité entre les femmes et les hommes par les employeurs. Soit ! C’est un sujet majeur pour l’évolution de notre société et la place des femmes au travail mais, faute de moyens, les inspecteurs devront-il arbitrer entre les priorités que chaque ministre leur fixe ?
Aussi, nous proposons, à travers cet amendement, de renforcer les moyens des inspections du travail via l’action Lutte contre le travail illégal.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. L’amendement a pour objet d’abonder de 20 millions d’euros les crédits de l’action n° 04, Lutte contre le travail illégal.
Sur le fond, je suis évidemment favorable à la lutte contre le travail illégal, mais je ferai deux observations.
Première observation, sur la forme, il se trouve qu’il n’y a plus de crédits au niveau de l’action n° 04 du programme 111 depuis 2006. En fait, les crédits de l’inspection du travail sont sur une autre action portée par l’action 16 du programme 155. Aussi s’agit-il davantage d’un problème de réécriture de la maquette budgétaire que d’un problème d’affectation de 20 millions d’euros à l’action n° 04.
Seconde observation, sur le fond, si nous transférions 20 millions d’euros de crédits vers l’action n° 04, il faudrait les prélever, comme le prévoit le présent amendement, sur les crédits consacrés à la garantie jeunes. Or la commission a déjà prévu un prélèvement de 5 millions d’euros sur ces crédits dans le cadre de son amendement n° II–69. Si on prélevait 20 millions d’euros de plus, il deviendrait compliqué de maintenir cette garantie jeunes.
Aussi, la commission vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je ferai la même remarque que le rapporteur spécial sur la forme : ce n’est évidemment pas au niveau du programme 111 que se pose la question des moyens alloués aux inspections du travail. Le Gouvernement sera donc défavorable à l’amendement.
Néanmoins, j’en profite pour répondre à votre question sur le fond. Aujourd’hui, 2 130 agents du ministère sont affectés à des missions d’inspection et de contrôle, soit une proportion légèrement supérieure au taux fixé par l’OIT, l’Organisation internationale du travail, qui est d’un agent pour 10 000 salariés.
La rationalisation de l’action autour des priorités 2019 consiste à mettre en place une meilleure priorisation, ce que nous avons commencé à faire en 2018. Nous avons quatre grandes priorités : la lutte contre le travail illégal, la lutte contre la fraude au travail détaché, les sujets d’égalité professionnelle, et la santé et la sécurité au travail, notamment les accidents de travail comme les chutes de hauteur que vous avez mentionnées.
L’objectif global est d’arriver à 300 000 interventions. Je vous rappelle que l’on constate depuis plusieurs années une baisse du nombre d’interventions par inspecteur du travail. Nous voulons retrouver un rythme qui permette une présence moyenne de deux jours par semaine en intervention pour les inspecteurs du travail. On n’y est pas aujourd’hui.
En matière d’égalité professionnelle, par exemple, il y a aujourd’hui moins d’un contrôle par an et par inspecteur du travail. Réaliser 7 000 interventions dans ce domaine, ce qui permettrait de couvrir toutes les entreprises que l’on souhaite couvrir, ne constitue pas un effort surhumain, puisque cela représenterait trois contrôles et demi par agent et par an.
Atteindre ces objectifs suppose trois choses : premièrement, un pilotage et des échanges permanents entre la Direction générale du travail, la DGT, et les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, afin d’être en mesure de se mobiliser sur des priorités ; deuxièmement, une coordination au plus près des actions ; troisièmement, une coordination interorganismes, notamment dans le domaine de la lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement.
Ce qui est efficace, et nous le faisons de plus en plus, c’est les interventions conjointes de l’inspection du travail, de la police et la gendarmerie, de l’URSSAF, des services fiscaux, et des douanes.
D’ailleurs, il y a quelques jours à Mayotte, j’ai pu constater l’efficacité lorsque l’ensemble des services coopèrent. On peut alors démanteler de véritables filières organisées – je ne parle pas de petits dépassements. À cet effet, Il faut travailler en équipe. C’est plus efficace et, à moyens constants, on arrive à faire beaucoup mieux. C’est là ce que nous voulons faire.
M. le président. Madame Féret, l’amendement n° II–541 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Corinne Féret. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. À titre personnel, je soutiendrai évidemment cet amendement. Même s’il n’est pas extrêmement bien calibré sur le plan technique, il permet à tout le moins de poser la question de la place de l’inspection du travail.
Vous avez parlé de priorisation, madame la ministre, mais quand on regarde ce que font d’ores et déjà les inspecteurs du travail, on voit que cela recoupe déjà en grande partie les priorités que vous avez vous-même énumérées.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises ne sont pas contrôlées et le taux de couverture est en baisse. Alors, il conviendrait peut-être de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le nombre d’interventions par inspecteur du travail diminue aujourd’hui. Peut-être est–il nécessaire de rénover les méthodes de travail, peut-être aussi est-ce lié à une complexification du droit du travail au cours des dernières années, qui ne facilite pas la tâche ?
En tout cas, cela ne justifie aucunement le fait de réduire le nombre d’inspecteurs du travail, tendance que l’on constate depuis plusieurs années déjà et qui va à l’encontre de l’objectif de protection des salariés, notamment en termes de santé au travail. (Mmes Victoire Jasmin, Gisèle Jourda et Michelle Gréaume applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je ferai une simple observation.
Je comprends très bien les chiffres, mais j’ai moi aussi des contacts avec des personnels de l’inspection du travail : dans ce pays, on manque cruellement d’inspecteurs du travail depuis plusieurs années – ce n’est pas d’aujourd’hui. La fraude est extraordinairement élevée, ce que les élus constatent bien dans les villes et les campagnes. Je pense que le Gouvernement devrait faire davantage d’efforts pour accroître le nombre d’inspecteurs du travail.
J’ajoute qu’il y a aussi quantité de logements qui sont loués de manière frauduleuse. Il n’y a pas d’inspection. Ça manque vraiment !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-541 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II–545 rectifié bis, présenté par Mmes Féret, Van Heghe et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel, Raynal, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
18 000 000 |
18 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
18 000 000 |
18 000 000 |
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Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
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TOTAL |
18 000 000 |
18 000 000 |
18 000 000 |
18 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Avec la suppression programmée de plus de 1 000 ETP, soit 16,3 % de ses effectifs, nous assistons bien à un plan social à l’AFPA. Je l’ai dit précédemment, ce sont onze départements qui se trouveront sans site de service public de formation professionnelle pour adultes. D’ailleurs, les salariés de l’AFPA manifesteront jeudi.
Nombre d’élus locaux et de parlementaires de notre groupe s’inquiètent de la fin de ce maillage territorial et de l’avenir des salariés licenciés. Il s’agit d’un service public de proximité en moins dans un contexte où emploi et territoires sont des enjeux majeurs, et ce alors même que l’agence permet tout de même un taux de retour à l’emploi de 70 %.
Dans les Hauts-de-France, ce ne sont pas moins de trois sites qui sont concernés par une fermeture : Berck-sur-mer, Boulogne-sur-mer et Beauvais. De plus, ce sont des centres bien implantés et reconnus, tel que celui d’Agen-Foulayronnes, qui forme près de 400 stagiaires chaque année, dont 60 % de chômeurs, et qui constitue un centre référent dans le domaine du froid.
Les salariés de l’AFPA ne comprennent pas que l’on ferme des formations qui affichent complet, telles que la formation de technicien de maintenance climatique et énergies renouvelables ou certaines formations dans des secteurs sous tension comme la restauration.
Je rappellerai que nous ne sommes pas restés inactifs pour sauver l’AFPA, puisque nous avons opéré un plan de refondation stratégique au cours des années 2014 à 2017, qui a permis une progression sur les marchés avec les entreprises, et a abouti à la transformation de l’agence en EPIC.
Cet amendement est avant tout un amendement d’appel, en particulier sur l’avenir des personnels licenciés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. L’avis est défavorable, pour deux raisons. La première est que l’AFPA est le seul opérateur de la mission dont les crédits restent stables et ne sont pas en baisse. Tous les autres opérateurs voient leurs crédits diminuer.
La seconde raison, rajouter 18 millions d’euros alors que la contribution est de 110 millions d’euros, c’est énorme ! De plus, cela affecterait les crédits consacrés à la garantie jeunes, ce qui n’est pas souhaitable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
Je voudrais expliquer la situation de l’AFPA. C’est très simple : cela fait plus d’une dizaine d’années que l’AFPA n’est pas en mesure de boucler son budget. Sur les cinq dernières années, ce sont 720 millions d’euros de déficit que l’État a dû combler. Cette année encore, cela a coûté 70 millions d’euros. Chaque année, entre août et décembre, l’AFPA est donc en « mode survie » et il faut combler. Ce n’est pas ce que j’appelle une stratégie de développement réussie.
Aujourd’hui, il est de notre responsabilité de ne pas continuer à laisser l’AFPA dans cette situation, et de ne pas laisser ses salariés dans un environnement anxiogène, délétère en termes de finances publiques, et inquiétant pour se projeter dans l’avenir.
L’une des causes du problème – ce n’est pas un reproche, mais un constat un peu mécanique –, c’est que les lois de décentralisation ont permis aux régions de procéder à des appels d’offres, ce qui est leur droit, et même leur devoir le plus absolu. Or, dans beaucoup de cas, l’AFPA n’a pas réussi à emporter ces marchés, soit parce que ses coûts sont plus élevés, 10 à 15 % en moyenne, soit parce qu’elle n’a pas adapté ses formations aux besoins actuels. En tout cas, en moyenne, certaines années, on observe une baisse du chiffre d’affaires de l’agence de 20 à 40 % d’une région à l’autre. Dans certains centres, il y a même plus de formateurs que de stagiaires.
On ne peut continuer dans cette voie, sauf à se résigner à constater un jour la faillite de l’AFPA.
Nous avons décidé de sauver l’AFPA, parce que nous pensons qu’il y a quand même la place pour un service public de la formation, notamment pour des formations d’intérêt national à destination des publics en difficulté, qui n’auraient pas forcément trouvé l’offre de formation adéquate.
Dans le cas du plan d’investissement compétences, les programmes HOPE pour les réfugiés et les programmes de préparation aux compétences – les « prépa compétences » – sont par exemple confiés à l’AFPA. Malgré cela, pour sauver l’AFPA, il faut la redimensionner, ce qui a des effets sur les personnels, d’une part, sur les territoires, d’autre part.
S’agissant des personnels, il est question de 1 541 postes dans le plan élaboré par la direction générale. Néanmoins, 600 personnes partent à la retraite, et 600 créations de postes sont prévues par ailleurs. On peut donc imaginer de nombreuses reconversions internes. D’ailleurs, mon cabinet recevra les organisations syndicales, à leur demande, jeudi prochain.
S’agissant des territoires, j’ai demandé à l’AFPA – c’était un peu la condition du plan stratégique – de développer une offre dénommée « AFPA mobile », qui permettra de continuer à offrir des formations dans des sites ne pouvant pas être maintenus.
Il n’y a pas de marché pour ces sites ! Les régions ne les financent pas et ils ne peuvent pas continuer leur activité ! Mais ce n’est pas parce que les besoins sont insuffisants pour pouvoir proposer la même formation douze mois sur douze que l’on ne peut pas envisager des formations mobiles, itinérantes, afin de maintenir une bonne couverture territoriale.
C’est le sens de la réforme que la direction générale de l’AFPA a suggérée et que nous avons approuvée.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Je souhaite apporter mon soutien entier à cet amendement.
Sur le territoire nivernais, l’AFPA occupe une fonction essentielle, en proposant des formations en rapport avec les caractéristiques économiques du territoire. Les témoignages sont nombreux pour souligner à quel point l’AFPA est une chance, notamment pour les personnes éloignées du marché du travail, qui reprennent ainsi pied et construisent leur parcours de réinsertion.
L’annonce de la suppression du centre de l’AFPA de Nevers a donc été un réel choc. Elle a suscité beaucoup d’incompréhension dans la Nièvre, mais aussi dans le Cher et dans l’Allier.
Pour le seul centre de Nevers, ce sont dix-sept contrats à durée indéterminée qui sont menacés de suppression et plusieurs milliers d’heures de formation qui risquent d’être perdues.
La fermeture de ce centre est donc, sans conteste, un nouveau coup dur porté à notre territoire rural, qui voit chaque année fermer des services publics et assiste, impuissant, à un démantèlement par l’État de son maillage territorial. D’où mon soutien à cet amendement, dont le dispositif, en accordant des moyens à nos territoires, permettrait de redonner du souffle aux personnes concernées.
Madame la ministre, nous avons déjà eu ce débat et je vous demande, à l’image de ce que réclament nos concitoyens, de nous écouter, d’entendre ces craintes légitimes et d’agir dans l’intérêt de tous les territoires, de tous les habitants et de tous les chômeurs.
Contraindre les gens à parcourir plusieurs kilomètres pour trouver un autre centre de formation, ce n’est pas un bon signal donné à nos concitoyens ! Fermer un centre de formation qui fonctionne et dans lequel de gros investissements ont été réalisés sur les plateaux techniques, ce n’est pas juste ! Prendre la décision de supprimer dix-sept contrats à durée indéterminée, alors que l’État représente la moitié des membres du conseil d’administration de l’AFPA, ce n’est pas assumer toute sa responsabilité !
D’ailleurs, les échelons national et régional de l’AFPA ont une réelle responsabilité dans la situation actuelle de l’antenne de Nevers. Il y a eu une défaillance dans l’accompagnement de cette antenne. Les Nivernais n’en étant pas responsables, ils n’ont pas à en subir les conséquences !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Nous arrivons, effectivement, au bout d’un modèle, dans lequel on a cherché à mettre en concurrence un service public à part entière, proposant une qualité de formation, disposant de plateaux techniques, offrant à ses personnels un statut correct, avec des organismes privés. Ces organismes ne prennent pas en charge les intermissions de leurs formateurs, qui sont souvent des vacataires ; ils investissent moins dans les plateaux techniques et leurs systèmes de certification sont bien moins poussés, notamment s’agissant de l’évaluation de la qualité des formations, que ne le sont, ne l’étaient ou ne le seront encore, nous l’espérons, ceux de l’AFPA.
Avoir placé l’AFPA dans une telle situation de concurrence, dans un contexte où les régions voyaient, elles-mêmes, leurs ressources diminuer, a conduit à la perte de nombreux marchés, plongeant l’organisme dans une situation très critique.
Je soutiens pleinement cet amendement, car cet outil doit être sauvé et, aussi, redynamisé. Nous devons prendre conscience, à la fois de la chance que nous avons d’avoir cette structure, assurant cette couverture territoriale, ces personnels, ces plateaux techniques, et de la nécessité de déployer, pour l’AFPA, un projet puissant de redynamisation.
Aujourd’hui, les personnels ne sont pas convaincus que ce soit le cas. Je suis heureuse d’apprendre que vous les recevrez jeudi, madame la ministre, à l’occasion de leur venue à Paris pour manifester, car cette structure doit repartir de l’avant, afin de pouvoir assurer les missions propres à un service public de qualité au bénéfice des personnes, notamment des personnes en recherche d’emploi, qui en ont le plus besoin.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-545 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-540 rectifié, présenté par Mmes Féret, Van Heghe et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel, Raynal, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
14 070 000 |
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14 070 000 |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
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Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
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14 070 000 |
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14 070 000 |
TOTAL |
14 070 000 |
14 070 000 |
14 070 000 |
14 070 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le plan Pauvreté, en septembre dernier, le Président de la République a annoncé le doublement du nombre de chômeurs de longue durée concernés par l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », lancée sous le quinquennat de François Hollande.
Il s’agit d’une excellente mesure pour réinsérer professionnellement des personnes durablement éloignées de l’emploi, tout en répondant à des besoins des populations non couverts par le marché, par la construction concomitante d’une offre de service territoriale.
Au 30 juin dernier, après deux ans d’expérimentation dans dix territoires, 936 chômeurs de longue durée ont retrouvé un emploi, soit plus de la moitié des 1 711 personnes très éloignées de l’emploi qui avaient été identifiées pour participer au programme.
Voici quelques exemples. Sur deux de ces territoires, Pipriac et Mauléon, la liste d’attente des personnes volontaires sera épuisée d’ici à la fin de l’année et l’objectif totalement rempli. À Colombelles, dans mon département, le Calvados, l’expérience menée est également très positive et concluante.
Malheureusement, à ce stade, le doublement du nombre de chômeurs concernés par ce dispositif s’apparente à un effet d’annonce, les crédits alloués à l’expérimentation n’étant nullement doublés dans le présent projet de loi de finances.
Pourquoi attendre 2020, voire au-delà, pour étendre un dispositif qui fonctionne, permet aux plus fragiles d’entre nous de remettre le pied à l’étrier et contribue à la lutte contre le chômage ? Le président du fonds d’expérimentation, Louis Gallois, estime, lui-même, que l’expérimentation est suffisamment concluante pour pouvoir être développée sur de nouveaux territoires.
Avec cet amendement, il s’agit de prendre le Gouvernement au mot, en doublant dès maintenant le nombre de personnes remises au travail via le programme « Territoires zéro chômeur de longue durée », et, ainsi, de répondre aux territoires en attente de développer des entreprises à but d’emploi – ou EBE – dans le cadre de l’extension de cette expérimentation.
La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait 18,22 millions d’euros pour cette dernière. Aussi proposons-nous d’augmenter le programme « Accès et retour à l’emploi », plus précisément son action n° 02, Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, de 14,07 millions d’euros, pour atteindre un montant de 36,44 millions d’euros qui soit affecté à l’expérimentation visée, et ce afin que le plan Pauvreté ne s’apparente pas à un simple effet d’annonce. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Cet amendement tend donc à majorer de 14 millions d’euros les crédits du programme 102, « Accès et retour à l’emploi », au profit de l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
Je partage, bien évidemment, la volonté de ses auteurs de voir le dispositif monter en charge et il me semble que plusieurs orateurs, issus de différents groupes, ont exprimé une même préoccupation – je pense en particulier à Philippe Mouiller.
Mais, étant donné que 4 millions d’euros de crédits, seulement, ont été consommés l’année dernière, alors que la prévision s’établissait à 15 millions d’euros, les crédits prévus pour l’exercice 2019 – 22,4 millions d’euros – me paraissent suffisants.
C’est pourquoi, tout en partageant les intentions des auteurs de cet amendement, je formule une demande de retrait. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je partage la remarque que M. le rapporteur spécial vient de faire sur l’aspect financier.
Je me suis rendue à Pipriac et, comme vous, madame la sénatrice Corinne Féret, j’ai pu constater combien les opérations en cours étaient encourageantes. Cela étant, il a été prévu, dans la loi, qu’une évaluation serait conduite à la fin de l’année 2019 et transmise à la représentation nationale.
Cela me paraît indispensable pour une opération représentant, pour l’État, un coût de 17 000 euros par bénéficiaire et reposant sur un double postulat, original et innovant : un, l’ensemble de ces dispositifs doit pouvoir être financé par le jeu des externalités ; deux, les emplois créés ne doivent pas entrer en concurrence avec des petites et moyennes entreprises.
Ces deux points seront au cœur de l’évaluation que nous sommes convenus de mener, avec les initiateurs de la démarche, en 2019. Celle-ci sera même anticipée de quelques mois, compte tenu de la dynamique engagée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les moyens affectés permettront de doubler les effectifs l’année prochaine. Nous procéderons, ensuite, à une évaluation, avant de revenir vers vous.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » a pour objectif, cela a été rappelé, de proposer de manière exhaustive à tous les demandeurs d’emploi de longue durée, présents depuis plus de six mois dans un territoire donné, un emploi à durée indéterminée – c’est un point important –, adapté à leur savoir-faire – autre caractéristique particulière pour un dispositif d’insertion.
Comme dans neuf autres territoires, cette expérimentation est menée dans la Nièvre, sur un espace comprenant 4 000 habitants, depuis maintenant un an et demi.
Dans ces territoires, les salariés ne sont pas recrutés, mais embauchés en CDI, ce qui change tout. À ce jour, dans la Nièvre, nous dénombrons 90 personnes embauchées par l’entreprise à but d’emploi existante et 60 autres en attente de l’être, soit par cette EBE, soit par une deuxième EBE qui serait créée à cet effet, avec les partenaires de l’économie sociale et solidaire.
Dans le cadre de cette expérimentation, ce sont des services et des prestations qui sont offerts à l’agriculture dans des secteurs d’emplois difficiles à pourvoir – je pense, en particulier, aux saisonniers. Ce sont également des services mis à disposition des personnes, notamment des personnes âgées, qui jusque-là n’étaient pas rendus, notamment parce que la demande sociale était peu, voire très peu solvable.
L’expérimentation permet aussi d’offrir des perspectives aux salariés, qui peuvent se projeter en matière de logement, en matière d’investissement dans un véhicule, leur permettant d’avoir accès à la mobilité. Aujourd’hui, l’immobilier vacant a presque disparu sur ce territoire, des travaux sont réalisés et l’emploi dans le secteur de l’artisanat et du commerce se développe.
On peut donc parler d’une sorte de dynamique vertueuse qui s’est engagée.
De plus – et ce n’est pas le moindre des aspects –, sur le plan humain, des hommes et des femmes relèvent la tête, participent à la vie de la cité, dans des associations, à l’occasion d’événements, etc. Ils ont retrouvé leur dignité !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette expérimentation est un vrai succès dans mon département, mais également, pour ce que j’en sais, dans les autres territoires où elle est menée. Il importe donc qu’elle perdure et qu’elle puisse être déclinée ailleurs.
On nous annonce un périmètre de 40 territoires ; il faut les moyens correspondants ! C’est pourquoi je figure parmi les cosignataires de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je me félicite de tous les arguments qui sont avancés, aujourd’hui, pour mettre en valeur cette expérimentation. Je fais partie, comme je l’ai indiqué précédemment, de ceux qui espèrent une issue favorable pour la pérennisation de ce dispositif.
Néanmoins – je le vois de près, pour disposer d’une expérimentation dans mon département et siéger au conseil d’administration du fonds –, nous avons besoin de temps pour nous assurer que cette pérennisation est possible.
Les emplois créés, je le rappelle, sont des CDI. Qui dit CDI, dit pérennisation de l’expérimentation et nécessité que les entreprises développent un vrai modèle économique pour permettre le suivi. C’est un point essentiel !
Or ce n’est pas en dix-huit mois qu’une entreprise peut être certaine d’asseoir définitivement sa capacité réelle à perdurer, dans le cadre de la mise en place d’un nouveau modèle économique concernant, en outre, une niche particulière, puisque ces emplois ne sont pas concurrentiels.
L’exercice est donc un peu complexe et, au-delà des effets d’annonce, je crois nécessaire de prendre du temps pour évaluer ces questions de la pérennité et du suivi. Le délai écoulé de l’expérimentation est trop court, aujourd’hui, pour envisager une généralisation. C’est prématuré ! Développons, déjà, le champ de l’expérimentation.
J’évoquerai aussi le volet financier, toujours en ma qualité de membre du conseil d’administration du fonds. Je me demande si, aujourd’hui, le besoin réel n’est pas, plutôt que de doubler les montants financiers, d’apporter de la souplesse administrative dans la gestion de ce fonds…
Les difficultés rencontrées actuellement sont des difficultés de trésorerie, d’affectation réelle des crédits à la gestion du fonds, puis, ensuite, à celle des entreprises. L’expérimentation vaut donc pour ceux qui soutiennent l’entreprise, mais aussi pour l’administration, qui doit faire preuve de souplesse dans la gestion et dans l’accompagnement de ce projet.
Je terminerai mon intervention par une petite remarque de forme. Madame Taillé-Polian, dans le cadre de vos interventions, êtes-vous rapporteur à la fois de la commission et du groupe socialiste et républicain ? Cette précision sera bienvenue.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Sachez, monsieur Mouiller, que M. Capus et moi-même nous sommes répartis les tâches. Je donnerai l’avis de la commission des finances, lorsque celui-ci sera favorable. Il l’est rarement, et je le regrette.
En outre, le fait d’être rapporteur ne prive pas de la possibilité d’exprimer une position personnelle, ce que je fais. Et c’est, je pense, ce que vous feriez si vous étiez à ma place.
M. Philippe Mouiller. Je n’en suis pas sûr !
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Cela dit, il est extrêmement important, dans l’évaluation à venir, de considérer l’impact global en termes de dynamique économique sur l’ensemble du territoire. C’est effectivement un point saillant de ces projets : ils bénéficient, non seulement aux personnes qui sont en situation d’être embauchées par les EBE, mais aussi au territoire entier, en redonnant du pouvoir d’achat à un certain nombre d’habitants et, donc, en redynamisant le tissu économique. Il faudra être attentif à cet aspect.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.
L’amendement n° II-69 est présenté par M. Capus et Mme Taillé-Polian, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-408 rectifié est présenté par MM. Lefèvre et Husson.
L’amendement n° II-430 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Collin, Corbisez et Gabouty, Mme Jouve et M. Requier.
L’amendement n° II-489 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-494 est présenté par Mme Schillinger.
L’amendement n° II-526 rectifié est présenté par M. Henno, Mme Létard, M. Delcros, Mme Vullien, MM. Kern, Vanlerenberghe et Janssens, Mme Sollogoub et M. Moga.
L’amendement n° II-543 rectifié est présenté par Mmes Féret et Van Heghe, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Houllegatte, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel et Raynal, Mme G. Jourda, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
I. – Créer le programme :
Maisons de l’emploi
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l’emploi |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
|
|
|
||
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
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|
||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
|
|
|
|
||
Maisons de l’emploi |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-69.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Je vais essayer d’être bref, puisque sept amendements identiques ont été présentés sur le sujet.
Nous avons eu ce même débat l’an dernier, madame la ministre. Les crédits des maisons de l’emploi avaient été réduits à 12 millions d’euros et nous avions dit que ces 12 millions d’euros devaient être concentrés sur les maisons qui fonctionnaient bien.
Entre-temps, ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même avons réalisé une mission de contrôle budgétaire. Nous en concluons – en tout cas, c’était l’avis de l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés – un bilan globalement positif de ces maisons de l’emploi, celles qui existent encore. Elles ont su trouver leur place ; elles fédèrent les démarches engagées par tous les acteurs du secteur de l’emploi et présentent des spécificités, notamment en termes de clauses sociales et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC.
À l’Assemblée nationale, à la suite du dépôt d’un amendement par notre homologue rapporteur spécial, a été votée la réouverture d’un crédit de 5 millions d’euros pour les maisons de l’emploi, alors que rien n’était prévu dans le projet de loi de finances initiale.
La commission des finances du Sénat et ses deux rapporteurs spéciaux estiment que l’on pourrait porter ce budget à 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. C’est ce que nous proposons ici.
En toute vraisemblance, les crédits consacrés à la garantie jeunes ne seront pas intégralement consommés et il existe sans doute une réserve – pas de 20 millions d’euros, pas de 18 millions d’euros – de 5 millions d’euros, qui permettrait de créer un programme ad hoc.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° II-408 rectifié.
M. Antoine Lefèvre. Cet amendement est identique à celui qui a été présenté par les deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui ont justement rappelé, dans leurs interventions, l’utilité des actions des maisons de l’emploi et de la formation.
Plusieurs collègues se sont également exprimés pour défendre le rôle de ces maisons de l’emploi et de la formation dans notre maillage territorial. L’État, en abandonnant ces structures, laisse les collectivités se débrouiller avec cette mission, si essentielle, que représente l’insertion professionnelle des jeunes.
Cet abandon des maisons de l’emploi et de la formation est d’autant plus incompréhensible que le Président de la République s’est engagé à multiplier par cinq l’accueil des jeunes dans le cadre du plan Pauvreté présenté voilà deux mois.
Les maisons de l’emploi n’ont pas des missions redondantes. Bien au contraire, elles apportent un éclairage supplémentaire et leur objet social est unique : accompagner, notamment dans les zones rurales, dont nous avons beaucoup entendu parler ces temps-ci, des populations en situation de difficultés chroniques et qui peinent à revenir sur le marché, quand ce n’est pas, juste, à y venir !
Il est indispensable de donner aux maisons de l’emploi les moyens de poursuivre leur mission de proximité au service de nos territoires. C’est ce que permettrait l’adoption de cet amendement !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° II-430 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Depuis un an, madame le ministre, je vous demande audience en tant que présidente des maisons de l’emploi, pour vous parler de cet outil, né des territoires, de la volonté d’élus qui œuvrent pour l’emploi et l’insertion.
Depuis 2005, date de leur création par Jean-Louis Borloo, les maisons de l’emploi ont adapté leurs missions aux évolutions des territoires et des besoins sociétaux, en lien avec chaque ministre successif du travail et de l’emploi.
Aujourd’hui, elles sont au nombre de 106 et emploient 1 200 collaborateurs, que je défendrai bec et ongles.
Toutes ont une spécificité, au cœur de leur mission principale de gestion prévisionnelle des compétences : création d’entreprise et bâtiment à Bordeaux, formation transfrontalière à Strasbourg, accompagnement des TPE dans leur recrutement et ressources humaines à Brest, outils numériques à Roubaix… Je ne passerai pas en revue les 106 maisons de l’emploi !
Ces dernières, comme je l’indiquais au cours de la discussion générale, sont soutenues par 15 000 communes et plus de 1,5 million d’entreprises. Elles sont aussi le support de clauses d’insertion, ce dispositif selon lequel 72 % des personnes les plus éloignées de l’emploi restent en CDI après dix-huit mois de contrat. C’est le dispositif le plus évalué, et toujours positivement !
Cet outil est pertinent et remplit sa part de contrat ; l’État, lui, ne remplit presque plus la sienne. Nous passons de 82 millions d’euros en 2005 à 5 millions d’euros en 2019. C’est incompréhensible pour les élus de terrain, qui voient, sur un dossier supplémentaire, le désengagement de l’État, le mépris pour un outil auquel ils sont attachés.
Le Sénat se mobilise, sur toutes les travées, pour vous demander des crédits supplémentaires. Merci de l’entendre, madame la ministre. (MM. Antoine Lefèvre et Philippe Mouiller applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° II-489.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement a pour objet de rétablir les financements à destination des maisons de l’emploi, qu’il était prévu de supprimer dans ce budget pour 2019.
Les maisons de l’emploi permettent de faire le lien entre les différents partenaires publics et privés, d’élaborer une stratégie au niveau local et de développer l’emploi.
Le retrait des financements de l’État est particulièrement dommageable pour les collectivités qui sont dans une situation financière difficile, car elles ne pourront plus financer ces maisons de l’emploi. Cette mesure aggravera donc les inégalités territoriales. C’est la double peine pour les habitants de ces territoires, privés d’emploi et de structures d’accès à l’emploi !
Vous le savez, mes chers collègues, notre pays connaît un taux de chômage élevé, puisqu’il s’établit à 9 % – 11,7 % dans ma région, les Hauts-de-France, dont le taux de pauvreté atteint 18 %, plus de 20 % dans mon département du Pas-de-Calais.
Pourtant, ce projet de loi de finances organise un recul global du service public de l’emploi, et un certain nombre d’opérateurs essentiels à l’insertion dans l’emploi et à la formation professionnelle voient leur financement diminuer, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. Citons Pôle emploi, l’inspection du travail, l’AFPA, qui voient aussi leurs effectifs se réduire, alors que, dans le même temps, la liste de leurs missions s’allonge.
Nous nous opposons à cette politique par laquelle l’État se désengage des initiatives en faveur de l’emploi. Il est nécessaire de maintenir un service public de l’emploi de proximité accessible à tous, pour tous, sur tout le territoire.
Pour ces raisons, nous proposons de rétablir les financements des maisons de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Victoire Jasmin se joint à ces applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° II-494.
Mme Patricia Schillinger. Mes chers collègues, j’ai déposé un amendement identique pour que le budget de notre nation continue d’apporter un soutien important à l’activité indispensable des maisons de l’emploi sur nos territoires.
Dans mon département, notamment, je tiens à souligner le dynamisme dont fait preuve la maison de l’emploi et de la formation de Mulhouse sud-Alsace pour répondre aux besoins des entreprises et des actifs et contribuer à la lutte contre le chômage. Qu’il s’agisse de l’anticipation des mutations économiques, du développement de l’emploi local, de l’orientation ou de la mise en œuvre du plan local pour l’insertion et l’emploi, ou PLIE, les équipes sont toujours à pied d’œuvre.
Ainsi, sur mon territoire, les maisons de l’emploi ont largement contribué au succès des clauses sociales d’insertion dans les marchés publics. Elles ont également œuvré au développement de l’emploi et de l’apprentissage transfrontaliers. Enfin, je mentionnerai une implication dans le travail de fond sur la promotion des mobilités professionnelles pour tous les actifs, dans la droite ligne de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que nous avons adoptée cette année.
Ce réseau mérite donc tout notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° II-526 rectifié.
M. Olivier Henno. Cet amendement a été défendu.
J’ajouterai juste quelques remarques complémentaires.
Lorsque Jean-Louis Borloo a créé les maisons de l’emploi dans le cadre du plan de cohésion sociale, l’objectif était double : il s’agissait d’introduire des complémentarités et, surtout, une notion de gouvernance territoriale dans le service de l’emploi.
Dans un monde idéal, si le service public de l’emploi fonctionnait très bien, nous n’aurions plus besoin de maisons de l’emploi…
Commençons donc par introduire dans le service public de l’emploi et, particulièrement, dans le fonctionnement de Pôle emploi, plus de gouvernance territoriale avant de nous interroger sur la pertinence du maintien des maisons de l’emploi.
Dans la vie réelle, les maisons de l’emploi sont encore utiles dans un certain nombre de territoires. Certes, le dispositif est très disparate, mais il rend des services très pertinents. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre se joint à ces applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° II-543 rectifié.
Mme Corinne Féret. À mon tour, madame la ministre, d’apporter quelques éléments pour appuyer ces amendements…
Entre les fermetures de sites de l’AFPA, la fusion des missions locales avec Pôle emploi et le désengagement de l’État dans les maisons de l’emploi, c’est tout le service public de la formation et de l’emploi dans nos territoires qui est rogné ! Or nous avons besoin de structures de proximité.
Cette réduction du périmètre et de l’efficacité des structures territoriales publiques de l’emploi inquiète fortement les élus locaux impliqués dans cette politique publique de toute première importance pour nos concitoyens.
Je pense en particulier, sur mon territoire, à la maison de l’emploi et de la formation de l’agglomération caennaise, la MEFAC. Je pense à sa présidente, pour qui le changement d’échelle entraîné par le plan d’investissement compétences, le PIC ne pourra se faire sans l’implication et la mobilisation des plateformes locales d’animation et d’ingénierie que sont les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi et les maisons de l’emploi.
Dans le même esprit, le rapport de la mission d’information du Sénat relative aux maisons de l’emploi a conclu à un bilan gain-efficacité négatif, en cas de retrait complet de l’État du financement des maisons de l’emploi.
Certes, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à augmenter de 5 millions d’euros la ligne budgétaire concernée, mais c’est totalement insuffisant à nos yeux ! le présent amendement vise donc à augmenter, à hauteur de 10 millions d’euros, cette ligne budgétaire pour 2019.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Au moment de la création des maisons de l’emploi, le service public de l’emploi, tel qu’il a ensuite été conçu, n’existait pas. C’est la raison pour laquelle tous les gouvernements précédents, de tous les bords, ont fortement réduit les subventions aux maisons de l’emploi. De 2009 à 2017, année après année, on a fait baisser le budget de 75 %.
Par ailleurs, de nombreux élus locaux ont fait évoluer les maisons de l’emploi, au travers, notamment, de rapprochements avec les maisons de services au public qui gèrent les PLIE ou les missions locales. Plusieurs d’entre eux nous ont indiqué qu’ils souhaitaient poursuivre dans cette voie.
Comme cela a été évoqué, si nous procédons à des rapprochements – à ce titre, je ne sais pas combien de fois il va falloir dire qu’aucune fusion n’est envisagée entre les missions locales et Pôle emploi –, avec des gouvernances mieux partagées, cela peut être l’occasion d’un travail commun.
La multiplication des structures au plan local n’est pas forcément un gage d’efficacité. Il faut, en revanche, une coopération très étroite entre les structures, sans quoi on a de la perte en ligne. Souvent, les maisons de l’emploi suppléent à une coordination qui n’est pas faite par ailleurs.
Mme Nathalie Delattre. Mais 15 000 communes les soutiennent !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il vaut peut-être mieux que les organismes se coordonnent, plutôt que de prévoir une strate supplémentaire pour assurer cette coordination.
Nous avions déjà annoncé, l’an dernier, que l’État ne continuerait pas à financer les maisons de l’emploi. Cela a été dit, le nombre de territoires concernés est assez faible et chaque structure vise des objectifs très différents. On ne peut donc pas parler, en dépit d’une même appellation, d’une véritable politique nationale.
En revanche, nous estimons que, selon les objectifs, des accompagnements s’imposent.
Les maisons de l’emploi, je le rappelle, sont éligibles au Fonds social européen, le FSE.
Par ailleurs, elles peuvent postuler aux dispositifs liés à la GPEC, domaine dans lequel nous disposons de financements importants. Un bon nombre d’entre elles mènent effectivement des projets de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences à l’échelle d’un bassin d’emploi, ce qui me semble très pertinent et ne supplée pas à ce que d’autres font.
Nous avions annoncé l’année dernière que l’État ne financerait plus les maisons de l’emploi. De fait, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, sur lequel je me suis prononcée favorablement, visant à augmenter de 5 millions d’euros les crédits qui leur sont dédiés. C’est pourquoi je regrette de devoir émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Au nom de la commission, j’insiste une nouvelle fois sur l’ensemble de ces amendements identiques.
Nous l’avons bien noté, la diminution des crédits, progressive, mais importante, jusqu’à leur extinction, ne date pas d’hier. À mesure que ces crédits se raréfiaient, un certain nombre de réorganisations, de fusions, ont eu lieu. On a même assisté à la disparition de certaines maisons de l’emploi qui, aux yeux des élus des territoires, n’avaient pas forcément rempli leurs objectifs ou trouvé leur place.
Il n’en demeure pas moins que ces structures existent toujours, qu’elles ont démontré leur capacité à créer des dynamiques et à les agréger autour d’elles, à susciter des échanges au sein des territoires. Parce qu’elles sont pilotées par des élus locaux, il paraît difficile d’imaginer que Pôle emploi, compte tenu de son mode de gouvernance, puisse prendre leur relais.
Nous préconisons effectivement de maintenir un financement suffisant pour assurer la pérennité des maisons de l’emploi encore en service, qui ont prouvé leur utilité sur les territoires où elles sont implantées. Et je ne parle pas seulement des financements aux projets, lesquels tendent à fragiliser les structures et à faire supporter la charge par les collectivités locales, qui, comme chacun le sait ici, ont déjà beaucoup à faire pour maintenir les politiques publiques locales.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je connais bien ces maisons de l’emploi pour avoir présidé le conseil général de la Vienne.
Créées à la suite du plan Borloo, lorsque celui-ci était ministre de Nicolas Sarkozy, elles disposaient alors de crédits de fonctionnement très importants. On m’a proposé de construire une maison de l’emploi à Poitiers. Or j’ai préféré une répartition des crédits sur tout le territoire de façon que chacun puisse y accéder.
Après l’élection de François Hollande, le préfet m’a convoqué pour me dire que l’État ne financerait plus les maisons de l’emploi, parce que la politique désormais menée était différente et que financer ces structures n’était plus intéressant. C’est la vérité pure !
Après avoir assuré dans un premier temps des permanences, Pôle emploi y a mis fin. Du coup, il a fallu se battre, taper du poing sur la table comme on sait le faire quand on est élu. Le préfet m’a alors invité à créer une maison de services au public, s’engageant à nous aider un peu pour ce faire.
Nous avons donc créé cette maison de services au public, avec des financements du département et, dans une moindre mesure, de la région dans le cadre du contrat de territoire. Après la disparition progressive de ces contrats, ces financements ont pris fin et c’est désormais le département qui met ses personnels à disposition pour accueillir le public.
Ce système des maisons de l’emploi fonctionnait bien, mais de nombreux départements n’ont pas pu en bénéficier en raison de la rupture intervenue avant l’arrivée au pouvoir du président Macron. C’est pourquoi ces crédits sont importants.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-69, II-408 rectifié, II-430 rectifié et II-489, II-494, II-526 rectifié et II-543 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° II-544 rectifié, présenté par Mmes Féret, Van Heghe et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Houllegatte, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel et Raynal, Mme G. Jourda, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l’emploi |
8 250 000 |
|
8 250 000 |
|
||
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
8 250 000 |
|
8 250 000 |
||
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
||
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
|
|
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|
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TOTAL |
8 250 000 |
8 250 000 |
8 250 000 |
8 250 000 |
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SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Le budget global des missions locales pour 2019 est en baisse de 8,25 millions d’euros par rapport à 2018 dans le cadre des conventions pluriannuelles d’objectifs.
Cette réduction budgétaire est en contradiction avec les annonces du Président de la République qui placent les missions locales au cœur du plan de lutte contre la pauvreté des jeunes.
Ainsi le plan Pauvreté vise-t-il un quintuplement du nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes. Or le présent projet de loi de finances ne fixe comme objectif que 100 000 nouveaux jeunes entrants pour 2019, ce qui est notoirement insuffisant et en contradiction avec l’affichage du Gouvernement. Il convient donc de renforcer la capacité d’accompagnement des jeunes en difficulté par les missions locales, parce que la garantie jeunes ne se résume pas à une simple allocation, mais intègre un volet accompagnement. C’est d’ailleurs ce qui a fait le succès et l’efficacité de ce dispositif.
S’il est bien prévu une augmentation de 40,4 millions d’euros des crédits du financement de l’allocation stricto sensu de la garantie jeunes, d’abord, celle-ci est liée à la capacité des missions locales de répondre à des appels à projets dans le cadre du Fonds social européen, et, ensuite, rien n’est prévu en matière d’accompagnement de ces jeunes par les missions locales.
Pis, les crédits dédiés à l’accompagnement de tous les jeunes, hors garantie jeunes donc, soit tout de même 86,4 % des jeunes, diminuent fortement, ce qui remet en cause la capacité d’information, d’orientation pour une prise en charge la plus adaptée et l’accompagnement de l’ensemble des jeunes en difficulté d’insertion professionnelle. Ce à quoi il convient d’ajouter une perte de 250 équivalents temps plein.
Le Gouvernement se prive ainsi d’une réelle capacité à lutter contre les 20 % de jeunes non diplômés qui vivent sous le seuil de pauvreté et dont le taux de chômage atteint 56 %.
Nous vous demandons, madame la ministre, de la cohérence dans votre politique et de sortir des effets d’annonce en maintenant le financement des missions locales à son niveau de 2018, et ce afin de préserver leur capacité d’agir en direction de tous les jeunes qui en ont besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement qui vise à augmenter de 8,3 millions d’euros les crédits pour les conventions pluriannuelles d’objectifs conclues avec les missions locales. Principalement, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’ôter des crédits au volet formation du PIC.
Cela dit, à titre personnel, il me semble difficile de considérer que l’augmentation des crédits de la garantie jeunes permettra de contrebalancer la baisse de ceux qui sont consacrés à ces conventions pluriannuelles. Pourquoi ? Parce qu’une mission locale qui fait entrer un jeune dans le dispositif de la garantie jeunes n’est pas du tout certaine de percevoir in fine 100 % du financement, puisque le financement en clôture dépend de la manière dont le jeune sort du dispositif : si sa sortie n’est pas positive, la mission locale ne touche pas la totalité du budget prévu.
En pratique, ces jeunes étant très éloignés des situations d’insertion, certains étant même sans domicile fixe ou en rupture parentale, il est impossible de demander aux missions locales d’obtenir un taux de sortie positive égal à 100 %. On sait bien que certains abandonnent en cours de route, ce qui est normal, même si c’est malheureux.
On peut quand même s’interroger sur ces crédits dédiés aux missions locales, bien que, je le rappelle, la commission des finances soit défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’État est largement impliqué dans le financement des missions locales, à hauteur de 52 % de leur budget, et sa participation est dynamique.
Ce financement est triple : un financement structurel ; un financement au titre des missions d’accompagnement exercées par la garantie jeunes ; un financement pour le développement du parrainage.
Si l’on considère ces trois enveloppes, le financement global des missions locales par l’État prévu par le projet de loi de finances pour 2019 enregistre une baisse très légère de 1,1 %, comme je le disais.
Par ailleurs, et c’est important, une réflexion a été engagée sur les modalités de financement des missions locales, avec un objectif de simplification des circuits financiers. Plutôt que d’avoir trois enveloppes différentes faisant l’objet de trois conventions et de trois négociations, nous souhaitons une globalisation des crédits versés aux missions locales pour tirer les conséquences de l’intégration durable de la garantie jeunes dans leur offre de service et leur permettre d’avoir plus de souplesse de gestion. C’est évidemment un aspect dont nous souhaitons discuter aussi avec les collectivités territoriales, qui – j’ai bien compris vos propos – sont très favorables à ces missions locales et dont, je l’espère bien, elles ne se désengageront pas.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Dire que je soutiens avec force cet amendement, c’est peu dire. En effet, la pseudo-constance des crédits de la mission « Travail et emploi » pour les missions locales est de fait un véritable tour de passe-passe. Elle masque la réalité des moyens dévolus aux missions locales, qui, au titre des conventions pluriannuelles d’objectifs conclues avec l’État, vont perdre 8,2 millions d’euros, alors qu’elles ont la charge de la montée en puissance de la garantie jeunes.
L’annonce du plan Pauvreté, la volonté du Gouvernement de faire bénéficier de ce dispositif 100 000 jeunes supplémentaires n’est donc qu’un écran de fumée.
Madame la rapporteur l’a justement dit dans son intervention : la garantie jeunes est un système très complexe à mettre en œuvre, tant dans ses obligations de résultat, excessives, que dans ses modalités d’évaluation, inadaptées.
Département pilote, l’Aude avait au départ un très bon taux de sortie. Mais aujourd’hui celui-ci est en baisse. Telle est la réalité ! Les missions locales n’ont plus les moyens d’accompagner les jeunes. Au final, elles ne perçoivent en moyenne que 85 % des financements : ce ne sont donc pas 1 600 euros qu’elles touchent par jeune, mais 85 % de 1 600 euros. Il faut simplifier cette bureaucratie excessive et non pas supprimer les crédits.
S’agit-il là d’affaiblir ces opérateurs de l’emploi, pourtant reconnus, pourtant spécialisés, pourtant de proximité ? S’agit-il de les affaiblir encore et encore, afin de montrer qu’ils n’ont pas la capacité de réaliser cette prise en charge des jeunes ?
Que se passera-t-il ? In fine, le Gouvernement justifiera la rationalisation des dispositifs, annoncera ou, en tout cas, favorisera leur fusion avec Pôle emploi. On connaît la méthode ! Terrible erreur !
Les élus sur l’ensemble de nos territoires y sont fermement opposés. La preuve : quand M. le Premier ministre a fait cette annonce brutale, sans concertation préalable, en juillet dernier, c’est à une véritable levée de boucliers qu’il s’est confronté. C’est devenu alors une expérimentation, annoncée dans le cadre du plan de transformation Action publique 2022. Il faut se méfier de cette expérimentation : les missions locales ne font pas le même métier que Pôle emploi. Il faudrait que les élus maintiennent leur contribution financière tout en abandonnant cela, sous pilotage automatique, à Pôle emploi.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Gisèle Jourda. Cette perspective est hors de question et je vous demande avec conviction, mes chers collègues, de soutenir cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je connais bien également les missions locales, financées à l’échelle des pays, avec un soutien du département, des intercommunalités. Elles fonctionnaient pas mal. Chez moi – peut-être est-ce le cas ailleurs –, à un moment donné, la région a carrément décidé de mettre la main sur ces missions locales, attribuant des financements.
Je m’interroge : les régions apportent-elles toujours des financements ? Je n’en ai pas le sentiment. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, à laquelle appartient mon département, retire une quantité de financements qui étaient auparavant accordés à la fois aux associations, aux communes, etc. Tout cela est inquiétant.
M. le président. L’amendement n° II-546 rectifié, présenté par Mmes Féret, Van Heghe et Taillé-Polian, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, MM. Tourenne, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel, Raynal, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
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Accès et retour à l’emploi |
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Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
5 000 000 |
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5 000 000 |
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Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
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Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
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5 000 000 |
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5 000 000 |
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TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Les crédits dédiés au CPA-CPF – compte personnel d’activité et compte personnel de formation – baissent de 8 à 3 millions d’euros, en plein contexte de mise en œuvre de votre réforme de la formation professionnelle, madame la ministre.
Il est prévu que l’application internet d’accès au CPA-CPF soit opérationnelle à l’automne prochain, la Caisse des dépôts et consignations travaillant à sa configuration en lien avec les organismes de formation.
À ce propos, si la concertation est établie avec les professionnels pour s’assurer que l’application réponde bien aux besoins des acteurs privés du marché de la formation, une telle concertation est-elle envisagée en direction des usagers de cette future application ?
Garantir que celle-ci répondra effectivement aux besoins de nos concitoyens doit être la priorité des pouvoirs publics. Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir nous rassurer sur ce point.
Le financement en baisse est un mauvais signal. Vous nous répondrez sans doute qu’un financement complémentaire est prévu via le PIC, mais nous n’avons aucune garantie sur ce point ni aucune information sur son montant. D’où notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Avis défavorable. Au total, en considérant également les crédits complémentaires du Grand Plan d’investissement, 23 millions d’euros seront dépensés à ce titre en 2019, en y incluant les 3 millions d’euros du système d’information CPA.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 84 et 84 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
Travail et emploi
Article 84
I. – Le titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 5122-1 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. –Sont prescrites, au profit de l’État et de l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage, les créances constituées au titre de l’allocation mentionnée au II pour lesquelles l’employeur n’a pas déposé de demande de versement auprès de l’autorité administrative dans un délai d’un an à compter du terme de la période couverte par l’autorisation de recours à l’activité partielle. » ;
2° À la première phrase de l’article L. 5124-1, la référence : « à l’article L. 5123-2 » est remplacée par les références : « aux articles L. 5122-1 et L. 5123-2 ».
II. – Le I s’applique aux demandes de versement de l’allocation mentionnée à l’article L. 5122-1 pour lesquelles la demande préalable d’autorisation de recours à l’activité partielle a été déposée à compter du 24 septembre 2018. – (Adopté.)
Article 84 bis (nouveau)
Pour l’année 2019, il est institué une contribution, d’un montant de 25 millions d’euros, de l’association de gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés mentionnée à l’article L. 5214-1 du code du travail, au profit de l’Agence de services et de paiement mentionnée à l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime. Cette contribution est affectée au financement des aides financières mentionnées à l’article L. 5213-19 du code du travail et attribuées dans les conditions prévues au même article L. 5213-19.
Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires. – (Adopté.)
compte d’affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
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Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage |
1 709 714 489 |
1 709 714 489 |
Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage |
1 384 542 387 |
1 384 542 387 |
Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage |
325 172 102 |
325 172 102 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 5 décembre 2018, à onze heures, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (n° 146, 2018-2019) ;
- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 79 à 81 ter) ;
- Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales ;
- Enseignement scolaire.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 5 décembre 2018, à une heure quinze.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD