Mme Françoise Gatel. Et à Rennes !
M. Pierre Charon. Et je salue tous mes collègues élus de grandes villes qui subissent ces violences inadmissibles.
Nous n’en pouvons plus de ces rassemblements qui dégénèrent. N’attendons pas le pire ! Les violences urbaines sont inexcusables.
Pour toutes ces raisons, en accord avec mes collègues du groupe Les Républicains, qui ont porté ce texte, je voterai cette proposition de loi, et j’invite tous les sénateurs à voter ce texte qui doit emporter l’adhésion la plus large.
Je demande au Gouvernement et au professionnel que vous êtes, monsieur le secrétaire d’État, d’entendre la voix de ceux qui n’en peuvent plus de cette impunité récurrente des casseurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, se réunir, manifester et s’exprimer sont des libertés fondamentales en France.
En effet, le code pénal reconnaît et protège ces libertés. Il punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation.
Si nous comprenons parfaitement que les participants à une manifestation puissent afficher une certaine forme de véhémence – véhémence des propos tenus par les leaders syndicaux, véhémence dans les mots d’ordre de la manifestation –,…
Mme Éliane Assassi. On a le droit de dire ce que l’on veut pendant les manifestations !
Mme Brigitte Lherbier. … aucune violence ni aucune atteinte aux personnes et aux biens ne peuvent être tolérées.
Au-delà de prévenir et de sanctionner les violences, l’enjeu de cette proposition de loi, mes chers collègues, est donc bien de protéger la liberté d’expression.
Certains de nos concitoyens ne vont plus manifester, car ils ont peur. Ils se sentent de plus en plus souvent en insécurité dans l’espace public lors des manifestations.
Le droit de manifester, corollaire de la liberté d’expression, est en train de s’user en raison de ces violences aujourd’hui récurrentes de groupes organisés. Nous ne pouvons l’accepter !
Ces groupes organisés, dénommés Black Blocs, se joignent aux manifestants, non pas pour revendiquer des droits ou défendre leur profession, mais exclusivement pour casser : casser du mobilier public, casser des biens privés, tels que des vitrines, mais aussi « casser du flic » et piller les magasins, ce qui donne lieu à de véritables scènes d’émeutes urbaines.
En dissimulant leurs visages avec des foulards, des cagoules ou des casques, les membres de ces groupes contreviennent à la législation en vigueur, qui interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. Ils démontrent surtout leurs intentions belliqueuses. Ces comportements violents font reculer la liberté d’expression.
La proposition de loi sur laquelle nous allons débattre permettra non seulement de prévenir les possibles débordements en amont des manifestations, mais aussi de donner les moyens légaux à la police d’appréhender les causeurs de trouble, et à la justice de les condamner puis de les tenir à l’écart des futurs rassemblements.
Ainsi, la création d’un fichier de personnes condamnées à la peine d’interdiction de participer à des manifestations, dans le respect des libertés publiques, est un outil indispensable pour éviter que les violences ne se reproduisent.
De même, l’interdiction préalable de prendre part à une manifestation ou la convocation au commissariat de police au moment de la manifestation, en cas de risque d’une particulière gravité pour l’ordre public, sont des mesures qui ont déjà fait leurs preuves – je suis d’accord à ce sujet avec mon collègue François Grosdidier –, notamment dans les stades de football.
Nul doute que ces dispositions permettront aussi de pacifier les manifestations sur la voie publique et qu’elles garantiront ainsi à nos concitoyens un usage serein de leur droit de manifester.
En tant que législateurs, mes chers collègues, il est de notre devoir de garantir à chacun de nos concitoyens le droit de manifester paisiblement et en sécurité dans l’espace public. Ce droit, cette liberté de se réunir et de manifester sur la voie publique accordée à chaque Français, est remise en cause par la violence de ces groupes organisés, prêts à en découdre avec l’ordre public républicain.
Dans le respect des libertés publiques, il nous appartient de protéger un des droits fondamentaux garantis par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, celui de pouvoir s’assembler paisiblement.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Brigitte Lherbier. C’est tout le sens du débat qui s’instaure autour de cette proposition de loi. Personnellement, je suis totalement favorable à ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Priou. Monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer votre première intervention, ainsi que votre esprit d’ouverture. On espère ici que vous l’insufflerez à votre ministre de tutelle qui, la semaine dernière, a été particulièrement désagréable à l’encontre de notre collègue Philippe Dallier lors des questions d’actualité au Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous aurions pu penser qu’avec un arsenal juridique étendu, complet, voire complexe, et même renforcé ces dernières années, la France était en mesure de répondre à toutes les situations impliquant des opérations de maintien de l’ordre.
Force est de constater que de nouveaux phénomènes violents et de nouvelles menaces à l’ordre public nous obligent aujourd’hui à légiférer et à compléter nos moyens d’action, tout en garantissant les libertés fondamentales, comme le droit de manifester.
Manifester, c’est protester ; ce n’est pas casser, ni blesser, ou intimider. Toutes celles et ceux qui pensent que la violence peut se légitimer par des motifs politiques sauront que l’État de droit doit être respecté en tout temps et en tout lieu.
Ces dernières années, l’ouest de la France a été le théâtre de nombreuses exactions et d’actes de vandalisme autour de l’emblématique dossier de Notre-Dame-des-Landes, qui est aussi un emblématique fiasco du gouvernement actuel, et un renoncement du Président de la République à sa promesse de campagne.
On a parlé d’histoire tout à l’heure. Nous venons de fêter les soixante ans de la Ve République. Or l’ouest de notre pays a connu en 2018, à Rennes comme à Nantes, la « chienlit », pour reprendre un mot célèbre de son fondateur.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Christophe Priou. Puisque l’on fait référence au Président de la République, je voulais simplement dire que, si l’auteur du Coup d’État permanent, François Mitterrand, est considéré comme le Président de la République le plus populaire de la Ve République, c’est uniquement parce que l’on n’a pas jaugé l’action du général de Gaulle, qui a été jugé hors concours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Les centres-villes de Nantes et de Rennes ont souvent été vandalisés ces dernières années, les équipements publics détruits, les vitrines brisées par des groupuscules ultraviolents.
L’année 2014 a été localement marquée par la grande manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, une des manifestations les plus violentes dans l’histoire de Nantes, même s’il n’y eut heureusement aucune victime.
Toujours à Nantes, en 2016, plus d’une centaine de policiers ont été blessés lors des manifestations contre la loi Travail. À Rennes, à la fin du mois d’avril 2016, il est fait mention d’un groupe de 600 casseurs au profil particulièrement hostile. Encore à Nantes, le 22 mars 2018, des heurts violents ont éclaté entre un groupe de manifestants anticapitalistes, visage dissimulé, et la police. À Rennes, enfin, le 19 avril dernier, une centaine d’individus cagoulés ont harcelé les forces de l’ordre. On a recensé à cette occasion de multiples dégradations.
Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle reflète la répétition des actes violents. Ces épisodes sont inadmissibles dans un État de droit. Le taux des individus interpellés qui ont été déférés à la justice est faible. Je tiens à saluer le travail exceptionnel et le calme des forces de l’ordre, dont la tâche n’est pas des plus simples dans un contexte de plus en plus dégradé.
Ce texte a le mérite de compléter notre arsenal juridique de façon concrète, parce qu’il est souvent difficile de déterminer les responsabilités et de rassembler les preuves dans le désordre des mouvements de masse. Les dispositions proposées aujourd’hui seront également utiles aux préfets, dont la connaissance du terrain permet d’adapter les dispositifs et de graduer la réponse selon les circonstances propres à chaque manifestation.
Enfin, il serait utile pour l’État de pouvoir se retourner contre les casseurs pour s’assurer qu’ils participent à l’indemnisation des victimes. Quand on observe l’ampleur des dégâts à Nantes et à Rennes après ces manifestations, il faut bien reconnaître que le principe « casseur-payeur » mériterait d’être précisé.
La résilience d’une nation se mesure aussi à sa capacité d’absorber de tels soubresauts avant que leur multiplication ne devienne incontrôlable. Je vous invite à y réfléchir durant le débat et, pour ma part, je soutiendrai cette proposition de loi de bon sens et, surtout, de responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun d’entre nous garde en mémoire les violences et les dégradations qui ont émaillé toutes les grandes manifestations récentes, notamment celle du 1er mai à Paris.
Les atteintes aux biens sont naturellement inacceptables, mais les atteintes aux personnes le sont encore plus, a fortiori lorsqu’il s’agit de policiers ou de gendarmes.
De tels saccages et agressions ne sont pas nouveaux. Certes, mais comment s’en satisfaire ? Sommes-nous condamnés au fil des ans à être les spectateurs de ces scènes de guérilla, de ces commerces incendiés, de ces CRS blessés ? Certainement pas !
Il faut utiliser tous les moyens pour que chacun puisse continuer à exercer son droit de manifester dans notre pays. Une manifestation ne saurait créer une zone de non-droit dans laquelle on peut se livrer à toutes les exactions, à toutes les violences, en se sentant protégé par une foule anonyme.
Pour mettre un terme à ces dérives, les moyens que l’on peut utiliser sont d’abord matériels : s’assurer que nos forces de sécurité soient parfaitement équipées, aussi bien pour se protéger que pour détecter et faire cesser efficacement un rassemblement qui bascule dans la violence.
Ensuite, il faut des moyens juridiques pour poursuivre efficacement les individus violents qui se croient intouchables, parce que masqués et noyés dans la foule.
Les auteurs de la présente proposition de loi visent ici un objectif bien précis, qui appelle une évolution de notre droit. Le phénomène dit des Black Blocs s’est développé récemment. Le 1er mai dernier, à Paris, ils étaient près de 1 200. À titre de comparaison, en 2016, ils étaient 200 ; en 2017, environ 800. La tendance est donc assez nette.
Policiers et magistrats se trouvent démunis pour poursuivre ces délinquants utilisant des techniques de dissimulation élaborées et concertées.
Dans les manifestations, les Black Blocs forment des groupes éphémères, dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable. Ces individus portent des vêtements noirs ou très sombres, et dissimulent leur visage, ce qui rend difficile le travail d’identification et d’interpellation. Ils s’habillent ainsi au dernier moment et changent immédiatement de tenue une fois les exactions terminées. Voilà pour le constat.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, le dispositif figurant dans la proposition de loi a deux volets : l’un préventif, l’autre répressif.
Nous partageons cette démarche globale consistant à donner de nouveaux instruments à l’autorité administrative avec, par exemple, les fouilles préventives, et à créer des dispositions pénales qui tendent à sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations.
L’un des outils retenus dans le texte existait déjà dans notre droit : la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne crée pas un délit consistant dans le fait, pour une personne, de dissimuler volontairement son visage au sein d’une manifestation, afin de ne pas être identifiée. Cette infraction existe depuis 2009, mais il s’agit de lui donner une tout autre portée, puisque le texte fait de cette simple contravention un délit passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
D’un point de vue opérationnel, quelle différence concrète cela fait-il de passer de la contravention au délit ? La modification a une conséquence immédiate, puisqu’elle rend possibles l’interpellation et le placement en garde à vue des auteurs de l’infraction, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. L’intérêt est donc évident.
Particulièrement attentif à toutes les modifications législatives relatives aux fichiers – je siège à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL –, j’ai analysé avec attention les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi, qui a pour objet d’autoriser la création d’un traitement de données à caractère personnel destiné à répertorier les mesures d’interdiction individuelle de manifester. Il s’agit, autrement dit, d’un nouveau fichier de police.
Dans sa version initiale, cette disposition pouvait susciter quelques craintes, car elle retenait une définition très large, voire trop large, des finalités de ce fichier, et semblait disproportionnée au regard de l’objectif à atteindre.
Grâce au travail de notre rapporteur, dont je veux ici saluer la qualité, le texte issu des travaux de la commission des lois corrige ce défaut en limitant les finalités du fichier et en prévoyant que le décret en Conseil d’État, prévu en l’application de l’article, sera pris après publication d’un avis motivé de la CNIL. Je vous remercie, madame le rapporteur, pour cette évolution du texte de notre collègue Bruno Retailleau.
Le groupe Union centriste partage d’ailleurs la volonté exprimée par le rapporteur d’assurer, pour l’ensemble du texte, une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. Nous saluons ainsi les modifications introduites en commission, qui apportent un certain nombre de garanties supplémentaires.
Ne soyons pas naïfs, cette proposition de loi ne permettra pas d’éradiquer toutes les formes de violence lors de manifestations. Néanmoins, elle permet de mettre hors d’état de nuire les individus les plus violents et dangereux. Si elle permet de limiter les dégradations ou les agressions dont sont victimes policiers et gendarmes chargés d’assurer le maintien de l’ordre, alors, oui, elle est utile !
Convaincus que cette proposition de loi n’est ni une atteinte insupportable à la liberté de manifester ni une loi inapplicable, comme certains collègues l’ont affirmé en commission, les membres du groupe Union centriste la voteront ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Je veux simplement faire deux observations à l’issue de cette discussion générale, qui a été très intéressante.
Tout d’abord, pour répondre aux propos qui ont été tenus par Mme Assassi sur les violences policières et l’usage excessif de la force,…
Mme Éliane Assassi. Je le dis parce que je manifeste très souvent !
M. Stéphane Ravier. C’est du délire, madame Assassi !
Mme Esther Benbassa. Oh, ça va !
Mme Cécile Cukierman. On ne vous a rien demandé !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … je voudrais quand même rappeler pour le bon déroulement de ce débat – même si je suis sûr que chacun en a conscience dans cette assemblée – que les policiers travaillent sous une contrainte qui est extrêmement forte en matière d’ordre public. Comme vous le savez, ils tombent sous le coup de la loi comme tout un chacun et sont soumis à un contrôle très précis de l’Inspection générale de la police nationale, notamment.
Je voudrais également rappeler que la qualification de violence policière ou d’usage excessif de la force me paraît pour le coup un peu disproportionnée, au contraire de ce qu’est l’action des policiers en matière de maintien de l’ordre public, à savoir une action qui est toujours très proportionnée.
Ensuite, je tiens à rassurer M. Priou, que je remercie d’ailleurs pour ses mots de bienvenue, tout comme je remercie M. Charon : l’esprit d’ouverture dont je fais preuve devant vous est évidemment totalement partagé par le ministre de l’intérieur, avec lequel je me suis entretenu au sujet de cette proposition de loi.
M. Christophe Priou. En tout cas, ce n’est pas de cet état d’esprit qu’il a fait preuve la semaine dernière !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Nous avons parfaitement entendu le message que vous nous envoyez au travers de cette proposition de loi. Simplement, je le répète : nous travaillons à ce sujet dans le cadre d’un groupe de travail et certaines dispositions – j’y reviendrai au cours de la discussion des articles – me semblent perfectibles.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Je voudrais simplement apporter quelques éléments de réponse en faisant deux observations.
La première s’adresse à Mme Assassi, qui m’a posé une question concernant l’audition des représentants syndicaux, question dont nous avons eu l’occasion de discuter toutes les deux.
Je n’ai certes pas auditionné les syndicats préalablement à l’élaboration du texte en commission, mais je l’ai fait lorsque le texte a été consolidé par la commission des lois. Je les ai conviés à un petit-déjeuner de travail pour qu’ils m’expliquent quelles étaient leurs inquiétudes et que je puisse, de mon côté, leur expliquer quelle était la démarche de la commission des lois.
Cet échange a eu lieu ce matin. Malheureusement, sur cinq invitations, je n’ai reçu que deux réponses positives. L’échange a toutefois été très fructueux, parce que nous avons pu égrener l’ensemble des garanties que la commission des lois a insérées dans ce texte, tous les syndicats m’assurant qu’ils travaillaient sur le volet sécuritaire, qu’ils avaient à cœur de développer un maximum de sécurité, tout en déplorant d’être démunis face à ces individus extrêmement violents, les Black Blocs – appelons-les ainsi.
Je leur ai aussi dit que je restais à leur disposition s’il existait d’autres moyens d’améliorer la sécurisation des manifestations. Voilà la réponse que je souhaitais vous apporter sur ce point.
Ensuite, madame Assassi, vous avez fait référence à la note du Défenseur des droits, à juste titre sans doute. Simplement, je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que cette note – qui est sévère contre le texte ! – a été élaborée préalablement au travail de la commission.
M. Loïc Hervé. C’est bien de le rappeler !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Je le rappelle encore une fois : la commission a encadré ce texte de nombreuses garanties. J’ai trouvé qu’il n’était pas vraiment honnête intellectuellement de votre part…
M. Loïc Hervé. Spécieux même !
Mme Éliane Assassi. Il n’y a que vous qui saviez que la note datait d’avant !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. En effet, elle a été remise avant.
Mme Éliane Assassi. Je ne le savais pas !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Je voulais simplement vous dire que vous étiez membre de la commission des lois…
Mme Éliane Assassi. Mais non !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Je veux dire que vous avez été membre de la commission des lois par le passé et que celle-ci a pour habitude, comme les autres commissions permanentes du Sénat, de procéder à un travail de fond. Elle tient tout particulièrement au respect des libertés individuelles et, en l’occurrence, au respect de la liberté de manifester.
Ma seconde observation s’adresse à M. Durain. Vous m’avez rappelé que j’avais pu admettre que nous disposions déjà d’un arsenal juridique. Oui, je l’ai dit, mais, comme l’a rappelé M. Hervé il y a quelques instants, les violences des Black Blocs sont en train de monter en puissance. Il y en a de plus en plus : le nombre de ces casseurs est ainsi passé de 200 à 1 200.
Le fait de dire qu’il existe un arsenal juridique est donc juste. Il faut certes l’admettre, mais on se rend compte également que cet arsenal juridique ne répond pas aujourd’hui à toutes les attentes…
M. le président. Madame le rapporteur, il faudrait conclure !
M. Loïc Hervé. C’est pourtant intéressant !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. J’en termine, monsieur le président. C’est vrai que j’abuse un peu de mon temps de parole.
Monsieur Durain, plutôt que de rester dans l’attente et de se dire que l’on a tout ce qu’il faut, alors même que ce n’est pas suffisant, il faut reconnaître que le texte de Bruno Retailleau a une qualité : il montre qu’il faut avoir les pieds sur terre, qu’il faut prendre les choses en main et élaborer des mesures, que la commission a d’ailleurs corrigées.
Ce texte a le mérite d’apporter des solutions nouvelles à une difficulté majeure et grandissante.
Mme Esther Benbassa. Il est surtout impraticable, madame la rapporteur !
M. le président. Mes chers collègues, j’interprète tous ces dépassements des temps de parole comme une volonté de votre part de tout dire tout de suite et d’en dire beaucoup moins après.
La discussion générale est close.
Nous passons à l’examen du texte de la commission.
proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs
Chapitre Ier
Mesures de police administrative
Article 1er
Après l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 211-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-3-1. – Si les circonstances font craindre des troubles d’une particulière gravité à l’ordre public et à compter du jour de déclaration d’une manifestation sur la voie publique, ou si la manifestation n’a pas été déclarée, dès qu’il en a connaissance, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut autoriser, par arrêté motivé, pendant les six heures qui précèdent la manifestation et jusqu’à dispersion, à l’entrée et au sein d’un périmètre délimité, les agents mentionnés aux 2° à 4° de l’article 16 du code de procédure pénale et, sous la responsabilité de ces agents, ceux mentionnés à l’article 20 et aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du même code à procéder, avec le consentement des personnes faisant l’objet de ces vérifications, à des palpations de sécurité ainsi qu’à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages. La palpation de sécurité est effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet.
« L’arrêté est transmis sans délai au procureur de la République et communiqué au maire de la commune concernée.
« L’arrêté définit le périmètre concerné, qui se limite aux lieux de la manifestation, à leurs abords immédiats et à leurs accès, ainsi que sa durée. L’étendue et la durée du périmètre sont adaptées et proportionnées aux nécessités que font apparaître les circonstances.
« L’arrêté prévoit les règles d’accès et de circulation des personnes dans le périmètre, en les adaptant aux impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale.
« Les personnes qui refusent de se soumettre, pour accéder ou circuler à l’intérieur de ce périmètre, aux palpations de sécurité, à l’inspection visuelle ou à la fouille de leurs bagages, ou qui détiennent, sans motif légitime, des objets pouvant constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal, en infraction à un arrêté pris en application de l’article L. 211-3 du présent code, s’en voient interdire l’accès ou sont reconduites d’office à l’extérieur du périmètre par les agents mentionnés au premier alinéa du présent article. »
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la lecture de cette proposition de loi, je ne peux qu’approuver les mesures visant à empêcher l’irruption d’individus violents dans les manifestations en favorisant leur interpellation et plus encore leur condamnation.
J’approuve particulièrement ce texte dans son volet préventif, qui rend possible le contrôle administratif des effets personnels des passants lors des manifestations, dès lors qu’existe un risque de trouble à l’ordre public.
Je l’approuve également, au vu de ce qui s’est passé ces derniers mois lors de manifestations où des centaines de Black Blocs encagoulés, issus de la mouvance radicale d’extrême gauche, ont fait irruption au cri de « Tout le monde déteste la police » et ont gravement menacé l’ordre public, perturbant au passage le traditionnel défilé organisé dans le cadre de la fête du travail.
On peut toujours s’interroger sur la nature composite de cette nouvelle forme de contestation violente et des références politiques qui s’y attachent : une part d’anarchisme, de marxisme (Mme Esther Benbassa s’exclame.), de situationnisme, des anciens autonomes, une frange libertaire et même une curiosité, des « animalistes », figurez-vous, qui auraient cassé le McDonald’s lors des manifestations du 1er mai. Il faut dire que les bouchers sont désormais bien placés pour savoir que ces militants ne sont pas toujours très pacifiques…
Bien que ce phénomène soit parfois difficile à identifier, il n’en demeure pas moins que le législateur ne peut se contenter d’observer, d’analyser ou même de commenter, comme l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb, qui avait annoncé que le dispositif policier allait être renforcé pour éviter tout débordement et qui, après le défilé, avait mis en cause les manifestants lambda, non violents.
Il avait en effet déclaré à cette occasion qu’il fallait « que les personnes qui veulent exprimer leur opinion puissent s’opposer aux casseurs » et appelé les manifestants à « ne pas être complices de ce qui se passe par leur passivité ». Il s’agissait là d’une réponse très baroque et même dérisoire face à l’impuissance de l’État, attaqué comme tel, incapable d’interpeller et de faire condamner les auteurs de violences.
J’ajoute qu’une partie de ces groupes s’est retrouvée dans les blocages des universités, voire des lycées, il y a quelques semaines, ou encore lors d’une manifestation autoproclamée « antifasciste » et dite « festive », organisée le 22 septembre dernier dans les rues d’Angers.
En effet, il y a là une forme de nihilisme qui menace l’ordre public et, particulièrement, nos forces de l’ordre, cible revendiquée et particulièrement exposée. L’État doit donc réagir et mobiliser tous les moyens nécessaires pour sanctionner ces apôtres de la violence pour la violence ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)