M. Yves Détraigne, corapporteur. Après réexamen de la situation, il nous semble que cet amendement concernant Wallis-et-Futuna n’est pas utile, donc nous ne le retirons.
Mme la présidente. L’amendement n° 315 est retiré.
Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
SOUS-TITRE II
ASSURER L’EFFICACITÉ DE L’INSTANCE
Chapitre Ier
Simplifier pour mieux juger
Article 12
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 216 et 248 sont identiques.
L’amendement n° 216 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 248 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 233 est ainsi rédigé :
« Art. 233. – Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
« Il peut être demandé par l’un des époux lorsque chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats.
« Si la demande en divorce est introduite sans indication de son fondement, les époux peuvent accepter le principe de la rupture du mariage en cours de procédure.
« L’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel. » ;
2° L’article 238 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « lors de l’assignation en divorce » sont remplacés par les mots : « lors de la demande en divorce ou, le cas échéant, lors du prononcé du divorce » ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai de deux ans ne soit exigé » ;
3° Le second alinéa de l’article 246 est supprimé ;
4° L’article 247-2 est ainsi rédigé :
« Art. 247-2. – Si le demandeur forme une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et que le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de la demande » ;
5° La section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier est ainsi modifiée :
a) Les paragraphes 1 et 2 sont remplacés par un paragraphe ainsi rédigé :
« Paragraphe 1
« De l’introduction de la demande en divorce
« Art. 251. – L’époux qui introduit l’instance en divorce n’indique pas les motifs de sa demande sauf si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.
« Art. 252. – La demande introductive d’instance comporte le rappel des dispositions relatives à :
« 1° La médiation en matière familiale et à la procédure participative ;
« 2° À l’homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce.
« Elle comporte également, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.
« Art. 253. – Lorsqu’il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. » ;
b) Le paragraphe 3 devient le paragraphe 2, le paragraphe 4 est abrogé et le paragraphe 5 devient le paragraphe 3 ;
c) À l’article 254, les mots : « Lors de l’audience prévue à l’article 252 » sont remplacés par les mots : « Si au moins une des parties le demande » ;
d) L’article 257 est abrogé ;
6° À l’avant-dernier alinéa et à la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 262-1, les mots : « l’ordonnance de non conciliation » sont remplacés par les mots : « la demande en divorce » ;
7° Au troisième alinéa de l’article 311-20, les mots : « de dépôt d’une requête » sont remplacés par les mots : « d’introduction d’une demande » ;
8° À la seconde phrase de l’article 313, les mots : « , en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, » sont supprimés et les mots : « la date soit de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l’article 250-2, soit de l’ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « l’introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes d’un notaire de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce » ;
9° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 375-3 et à la deuxième phrase de l’article 515-12, la première occurrence du mot : « requête » est remplacée par le mot : « demande ».
II. – L’article 441-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « par une ordonnance de non-conciliation ou à défaut, » et les mots « par une décision du juge prise en application de l’article 257 du code civil ou » sont supprimés ;
2° Au g, les mots : « par une décision du juge prise en application de l’article 257 du code civil ou » sont supprimés.
III. – À la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, les mots : « le dépôt d’une requête » sont remplacés par les mots : « l’introduction d’une demande ».
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 216.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 12, sur le divorce.
C’est une mesure qui est très importante pour nos concitoyens, puisqu’elle rendra plus cohérente et plus rapide la procédure de divorce judiciaire, laquelle concerne aujourd’hui environ 55 000 couples chaque année.
La requête en divorce est supprimée pour unifier le régime procédural. En effet, il ne nous semble pas utile de distinguer deux phases : la phase de conciliation sur les mesures provisoires et celle qui suit au fond.
La réduction de la durée de la procédure qui en découlera nécessairement est un souhait constant des justiciables, qui déplorent régulièrement la durée excessive des procédures judiciaires en divorce. Cette durée est aujourd’hui estimée à peu près à trente mois ; elle devrait être divisée par deux grâce à la procédure que je vous propose.
Pour les greffes, il en résultera une simplification du travail de gestion des dossiers et de la saisie informatique. Ce temps gagné sur un travail purement administratif sera du temps consacré à l’accueil, à l’écoute des personnes et à la préparation des dossiers.
En outre, cette réforme s’inscrit dans le cadre des évolutions réelles de la société. Le rôle du juge n’est plus aujourd’hui de tenter une conciliation sur le principe même du divorce, en se penchant sur les raisons du démariage ou de la séparation des couples. Le juge doit, en revanche, se consacrer aux conséquences juridiques des situations qui sont vécues par ces couples et des décisions qu’ils souhaitent prendre.
Dans ce contexte, je tiens à l’affirmer avec force, les mesures provisoires et l’accès au juge sont préservés. Toutes les mesures qui peuvent être aujourd’hui prononcées lors de l’ordonnance de non-conciliation pourront l’être dans le nouveau cadre procédural, après la saisine du juge aux affaires familiales. Cela aura lieu lors d’une audience sur les mesures provisoires, qui sera tenue à la demande d’au moins l’une des deux parties. Je le dis clairement, la présence des parties à l’audience sera possible et pourra aussi être ordonnée par le juge.
Dans ce nouveau cadre procédural, le rôle assigné au juge pour concilier les parties sur les décisions provisoires utiles et nécessaires permettra de s’assurer du respect de l’intérêt des enfants et de veiller à l’équilibre entre les intérêts des époux. Tout cela, bien entendu, est maintenu.
Par ailleurs, il faut continuer à inciter les parties à recourir à des divorces moins conflictuels, dans l’esprit de la réforme du divorce de 2004. Nous proposons donc que la demande en divorce n’en mentionne pas la cause, sauf lorsqu’il s’agit d’un divorce accepté ou lié à une rupture ancienne. Le fondement du divorce, c’est-à-dire sa cause, ne sera indiqué, au plus tôt, qu’au moment des premières écritures au fond.
Vous le constatez, cette réforme répond aux impératifs de simplification procédurale que je souhaite réellement porter, tout en préservant les avancées d’apaisement qui découlent de la loi de 2004. Cette proposition de réforme consacre le rôle du juge du divorce dans ses missions tant d’écoute des personnes que d’encadrement juridique des séparations. Elle permettra de gagner du temps, tout en respectant les parties concernées.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 248.
M. Thani Mohamed Soilihi. Notre groupe a également voulu rétablir la disposition que vient de défendre Mme la ministre, et qui tend à l’allégement de la procédure de divorce contentieux par la suppression du préalable obligatoire de la conciliation.
Cet amendement participe de la volonté de simplification et d’unification de l’instance civile.
Cette disposition est particulièrement opportune dans un contexte qui voit émerger le nouveau divorce par consentement mutuel, lequel se déroule désormais, hors quelques hypothèses dans lesquelles il existe une demande d’audition d’enfant, en dehors du cadre judiciaire.
Il convient en effet de moderniser le cadre procédural des divorces contentieux afin d’améliorer la lisibilité de la procédure et de réduire les délais de traitement.
Il ne fait guère de doute que la suppression de la tentative de conciliation accélérera la procédure et contribuera à désengorger les tribunaux.
Cette suppression sera compensée par la possibilité d’obtenir du juge le prononcé de mesures provisoires dans le cadre d’une audience qui se tiendra, comme cela vient d’être précisé, si au moins l’une des parties le demande.
La tentative de conciliation, qui retarde l’instance pour les époux, n’a plus beaucoup de sens eu égard au nombre très limité de conciliations réussies. Elle affecte fortement l’activité des greffes civils des juridictions qui ont à gérer un stock important d’ordonnances de non-conciliation en attente de la délivrance de l’assignation.
Mme la présidente. L’amendement n° 278 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Menonville, Requier, Roux et Vall, Mmes Laborde et Jouve, MM. Guillaume et Guérini, Mme N. Delattre et MM. Gabouty et Dantec, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa de l’article 229-1 du code civil est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque le notaire, informé par l’avocat d’un des époux, prend connaissance de violences intra-familiales passées ou courantes, il saisit le juge des affaires familiales en urgence et suspend le dépôt de la convention. Les parties ne sont pas informées de la saisine de ce juge. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. En France, les violences conjugales constituent l’une des réalités de la vie familiale de plus en plus documentée et combattue.
La mission interministérielle pour la protection des femmes contre la violence et la lutte contre la traite des êtres humains souligne régulièrement l’importance du phénomène. Pour l’année 2016, elle a ainsi relevé que 123 femmes avaient été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint et que quatre cinquièmes des victimes de violences ne déposaient pas de plainte, ce qui porterait leur nombre à près de 500 000 personnes, hommes et femmes.
Les instruments juridiques existants doivent être améliorés. On peut facilement imaginer que les victimes de violences conjugales soient plus particulièrement exposées pendant les séparations ou que ces violences se déclenchent au moment de la demande d’un divorce.
Ainsi, les victimes de violences conjugales peuvent être tentées d’accepter un divorce par consentement mutuel devant notaire par volonté de se prémunir contre ces violences, sans qu’un juge puisse prononcer des mesures provisoires qui les protégeraient.
Il est également probable que l’accord obtenu par la convention leur soit moins favorable qu’une décision de divorce pour faute.
Dans cette perspective, nous proposons de réfléchir à un mécanisme qui pourrait permettre d’alerter un juge de l’existence de telles violences au cours d’un divorce par consentement mutuel, sans risquer d’exposer les victimes à d’éventuelles représailles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sur ces trois amendements, deux sont singuliers, notamment les deux premiers, celui du Gouvernement et celui de notre collègue Mohamed Soilihi.
Finalement, à un problème de temps de procédure, c’est-à-dire de durée de convocation à une audience de conciliation, on apporte une solution simple, qui consiste à supprimer la conciliation ! Et pour mieux justifier cette solution, on dit que le juge n’a rien à voir dans cette affaire, car il n’a, en tout état de cause, pas à s’occuper des raisons du divorce, sa seule tâche se limitant à traiter les conséquences de celui-ci. Bref, « circulez, il n’y a rien à voir » !
Telle n’est pas la conception de la commission des lois. Dans le cas des divorces contentieux, l’audience de conciliation est utile. En effet, c’est souvent le premier moment où ceux qui sont en conflit peuvent se voir et, éventuellement, entamer une discussion. Je ne dis pas que la conciliation aboutit à coup sûr. (M. François Patriat s’exclame.)
Il faut savoir si, à un moment ou à un autre, ceux qui sont en conflit peuvent rencontrer au moins une fois leur juge pour que celui-ci commence à appréhender la situation, entende éventuellement les enfants, pour en mesurer les conséquences. Pour la commission des lois, ce moment-là est utile dans le conflit qui oppose des adultes. Selon nous, le rôle du juge est utile, quelle que soit l’issue du contentieux.
Je comprends que certains voudraient se passer de la conciliation, c’est une position que je respecte. Il est toutefois des cas dans lesquels l’un des époux est toujours sous la pression de l’autre. Je vous le dis très librement et très clairement, mon cher collègue, la présence du magistrat permet d’exercer ce contrôle et d’assurer cette protection, surtout lorsqu’il s’agit de préserver les intérêts des plus vulnérables, notamment les enfants.
Telle est la raison pour laquelle la commission des lois, qui souhaite maintenir le texte qu’elle a voté la semaine dernière, a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 216 et 248. Sinon, que l’on se donne les moyens de traiter rapidement les convocations en conciliation !
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 278 rectifié puisqu’il prévoit que le notaire, informé par l’avocat de l’un des époux de violences au sein d’un couple qui divorce par consentement mutuel, saisirait le juge aux affaires familiales en urgence. Ce n’est évidemment pas le rôle du notaire ! L’avocat ou un avocat nouveau, s’il n’y avait qu’un seul avocat dans la procédure, est en capacité de saisir le juge rapidement. C’est son travail, cela relève de son devoir de conseil et de sa responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 278 rectifié ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si l’amendement que vous proposez, madame la sénatrice, part d’une intention tout à fait louable, il me semble méconnaître le dispositif du divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire.
L’un des apports majeurs de cette réforme, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2017, est d’avoir prévu que chacun des époux doit avoir son propre avocat pour bénéficier d’un conseil personnalisé et indépendant. L’obligation ainsi créée équilibre vraiment ce nouveau divorce.
Face à des violences conjugales comme celles que vous évoquez, il appartiendra à l’avocat, dans le cadre de son devoir de conseil, de dissuader son client ou sa cliente de recourir au divorce par consentement mutuel.
Cet auxiliaire de justice pourra aussi l’accompagner pour une saisine urgente du juge aux affaires familiales selon la procédure dédiée de l’ordonnance de protection, qui est extrêmement utile, ce qui sera en outre beaucoup plus efficace et rapide qu’une transmission de saisine par le notaire.
De plus, le notaire, officier public et ministériel, vous le savez, est tenu par l’article 40 du code de procédure pénale d’aviser le procureur de la République de tout crime ou délit dont il a connaissance. Dans cette hypothèse, c’est donc le parquet et non le juge aux affaires familiales qui doit être saisi par le notaire.
Compte tenu de ces éléments, je vous propose de retirer votre amendement. Dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.
Je voudrais dire deux choses très claires en réponse aux observations de M. le corapporteur à propos de l’évolution que je vous propose de la procédure concernant le divorce.
Le juge conserve son rôle de conciliateur, mais il va l’exercer lors de l’audience sur les mesures provisoires. Je le répète, cette audience, qui sera fixée immédiatement après la saisine, est maintenue, et les parties pourront s’y exprimer. C’est bien le délai entre l’ordonnance de non-conciliation et l’assignation en divorce qui disparaît. Il me semble que ces modifications n’ôtent rien au rôle du juge, qui ne devient pas un observateur totalement extérieur. Il peut intervenir lors de l’audience sur les mesures provisoires, qui est, selon moi, le moment où il est le plus utile.
Je rappelle que le délai entre l’ordonnance de non-conciliation et l’assignation en divorce, en augmentation constante depuis 2010, est de dix mois en 2017. Notre objectif n’est cependant pas de l’ordre de la gestion, nous ne cherchons pas à réduire les délais pour aller plus vite, ce que nous recherchons avant tout, c’est à permettre un apaisement plus rapide des conflits pour les couples.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.
M. François Pillet. Sur ce point, madame la ministre, je crois quand même qu’il y a une ambiguïté. En effet, depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, on nous a beaucoup parlé de conciliation, de médiation, comme de méthodes destinées à décrisper les conflits entre les parties. Curieusement, au moment où nous abordons le droit de la famille et le traitement d’un conflit matrimonial, vous nous proposez de supprimer la tentative de conciliation ! Je trouve qu’il y a là un traitement assez peu homogène…
De plus, comment les choses se passent-elles dans les faits ? Eh bien, lors de l’audience de tentative de conciliation, le magistrat reçoit les parties séparément, d’abord, et en l’absence de leur conseil. Puis, il les reçoit ensemble, quelquefois en l’absence de leur conseil. À ce moment-là, lors de cette tentative de conciliation dont je conviens qu’elle n’aboutit pas dans la plupart des cas, on peut lui faire des révélations, par exemple sur des faits de violences ou des faits concernant les enfants – je parle du troisième amendement, que je ne m’explique pas.
Supprimer la conciliation, alors que nous sommes dans un domaine où l’on doit à tout prix la rechercher, ne serait-ce que dans l’intérêt des enfants, est complètement contradictoire avec ce qu’on nous a dit depuis le début du débat sur la médiation et sur la conciliation !
J’ajoute d’ailleurs que, s’il y a un délai entre l’ordonnance de non-conciliation, l’assignation et l’instance au fond, cela ne veut pas dire qu’il faut changer le droit parce qu’il serait mauvais, cela signifie seulement qu’il y a un problème d’organisation judiciaire.
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, et sans doute aussi pour des raisons qui tiennent à mon expérience, je considérerais comme une grave régression la suppression de l’audience de conciliation précisément dans un contentieux familial.
M. André Reichardt. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la ministre, en vous entendant à l’instant, j’ai compris que vous ne cherchiez pas seulement à soulager les juges aux affaires familiales. Je vous en donne acte.
Cela étant posé, je veux vous dire qu’il faut complètement revoir votre dossier, parce que la question de la conciliation est fondamentale dans la procédure de divorce.
Vous avez accepté, après avoir auditionné les avocats et magistrats, que le divorce ne soit plus « causé » à l’origine, ce qui provoque un conflit. Au contraire, le fait de ne pas indiquer de motif de divorce, de se contenter d’annoncer son intention de divorcer, ce qui déclenche la convocation devant le juge de l’autre conjoint permet d’apaiser les choses.
La simple indication des mesures provisoires demandées peut être source de conflit. Dès lors que le juge est saisi, l’époux qui ne veut pas divorcer – tel est le cas, sinon le divorce se ferait par consentement mutuel – peut éventuellement consulter un avocat. C’est à ce moment-là que débute un dialogue par avocats interposés.
En outre, vous prévoyez de renvoyer à la procédure ordinaire, puisque vous supprimez l’article 252 du code civil, c’est-à-dire la tentative de conciliation dont l’objectif était de permettre au juge d’essayer de réconcilier les époux pour éviter un divorce. Dans la plupart des cas, la tentative n’aboutit pas, mais c’est une procédure préalable qui permet de fixer les mesures provisoires, c’est-à-dire d’organiser la séparation provisoire du couple dans une situation conflictuelle. S’il n’y a pas de situation conflictuelle, les gens s’organisent sans problème entre eux. Mais, et j’y insiste, dans une situation conflictuelle, il faut bien que le juge puisse intervenir et entendre les parties séparément. Si les professionnels que nous sommes, François Pillet et moi, insistons tant sur ce point, c’est parce que nous connaissons l’importance de ce temps de l’écoute du juge.
Or le schéma procédural indiqué dans l’étude d’impact va faire perdre du temps : on commence par l’assignation, qui donne quinze jours à l’autre époux pour constituer avocat ; puis vient la première audience au cours de laquelle, s’il y a des demandes de mesures provisoires, on renvoie devant le juge aux affaires familiales, qui fixe, comme un juge de la mise en état, les mesures provisoires. Cela prendra plus de temps qu’avec une audience ab initio !
Donc, le vrai sujet, c’est en effet l’engorgement des audiences des juges aux affaires familiales qui, pour certains d’entre eux – tous ne sont pas forcément aptes à ce genre d’activité –, éprouvent peu d’emballement à écouter les gens, alors que c’est fondamental et que cela fait partie de leur métier. J’ai heureusement connu des magistrats qui avaient cette capacité et allaient jusqu’à entendre les enfants – ce qui est aussi prévu par la loi –, et ils le faisaient en prenant du temps.
Croyez-moi, madame la ministre, je peux comprendre ce que vous dites, mais à ce moment-là, il faut tout revoir ! Il faut autoriser les parties à indiquer dans l’assignation qu’elles demandent des mesures provisoires. Il faut aussi que la première audience soit non une audience de mise en état ordinaire, mais devienne tout de suite une audience devant le juge, avec comparution des parties pour fixer les mesures provisoires. Il faut vraiment revoir complètement le processus ! Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutiendrons la suppression proposée en commission par nos corapporteurs.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Jacques Bigot. Même si l’on peut penser que cette phase préalable n’est pas nécessaire, vos propositions vont alourdir les choses plus que vous ne le pensez.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voudrais rejoindre nos collègues MM. Pillet et Bigot – j’allais dire nos confrères. Il faut savoir ce qui se passe dans une audience de conciliation – qualification sans doute impropre –, qui est le premier contact entre des époux qui ont engagé, bon gré mal gré, en accord ou pas, une procédure de divorce. Elle permet pour la première fois – la seule, en général – une rencontre avec le juge dans un format très particulier, en cabinet, c’est-à-dire sans le cérémonial de la salle d’audience. Il s’y déroule des rencontres successives et des échanges bilatéraux en l’absence de leurs conseils. Ce que vous avez présenté, madame la garde des sceaux, comme une possibilité doit devenir obligatoire.
Quand un couple divorce dans de mauvaises conditions, il est rare que les deux aient envie de se présenter spontanément. En général, l’un le demande et l’autre n’a pas d’autre choix que de s’exécuter. Ce moment-là est compliqué et douloureux. C’est alors un métier très particulier que d’être juge aux affaires familiales.
Si on supprime ce temps, qui est un temps d’organisation de la vie de la famille ou du couple pendant la procédure de divorce, on privera les familles et les couples de cette possibilité d’organiser au mieux pour chacun le temps difficile de la procédure de divorce. Comme notre collègue Pillet l’a rappelé, c’est un temps qui pose peut-être un problème en termes d’organisation des juridictions, mais c’est un temps qui est nécessaire pour donner un sens à la procédure de divorce. Nous pouvons, si vous le souhaitez, changer le nom de ce que l’on appelle « conciliation » pour le rendre plus adéquat, mais il est très important de conserver ce moment qui permet d’organiser les conséquences de l’introduction de la demande de divorce.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 et 248.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Madame Carrère, l’amendement n° 278 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 278 rectifié est retiré.
L’article 12 demeure donc supprimé.
Articles additionnels après l’article 12
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Panunzi, H. Leroy, Joyandet, Chaize et D. Laurent, Mme Gruny, M. Rapin, Mme Goy-Chavent, MM. Morisset, Milon et Dallier, Mmes Micouleau et Bruguière, MM. Kennel, del Picchia et Lefèvre, Mmes de Cidrac et Delmont-Koropoulis, M. Mizzon, Mmes A.M. Bertrand et Deroche, MM. B. Fournier, Dufaut, Mayet et Bockel, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Huré et Laménie, Mmes Bories et Renaud-Garabedian, MM. Daubresse et Mandelli, Mme Dindar, MM. Henno, Charon, Bizet et Kern, Mmes Lavarde et Lamure, M. Mouiller, Mmes Loisier, Duranton, Vermeillet et M. Mercier, M. Sido, Mmes Lherbier et Malet, M. Karoutchi, Mmes Deseyne et Imbert et MM. Savin, Duplomb et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 229-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le principe du divorce est alors acquis de façon irrévocable. » ;
2° Après l’article 229-1, il est inséré un article 229-1-… ainsi rédigé :
« Art. 229-1-… – Par exception à l’article 2224 du code civil, l’action en nullité à l’encontre de la convention de divorce déposée au rang des minutes d’un notaire n’est pas susceptible de remettre en cause le caractère irrévocable du divorce, sauf à démontrer que le consentement au principe du divorce n’a pas été valablement donné. En cas d’annulation de la convention de divorce, les parties ont la faculté de saisir le juge aux affaires familiales pour qu’il se prononce sur les conséquences du divorce. » ;
3° L’article 229-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° En annexe, l’extrait avec indication de la filiation de chacun des époux, qui ne doit pas dater de plus de trois mois. » ;
4° L’article 1374 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties sur les conséquences juridiques de cet acte. »
II. – Le 4° bis de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution est ainsi rédigé :
« 4° bis. – L’original ou la copie certifiée conforme par le notaire de la convention sous signature privée contresignée par avocats, assortie de sa preuve de dépôt au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ; ».
La parole est à M. André Reichardt.