M. le président. La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE
Article 1er
Le rapport définissant les orientations et la programmation des moyens de la justice pour la période 2018-2022, annexé à la présente loi, est approuvé.
Les crédits de paiement de la mission « Justice », hors charges de pensions, exprimés en milliards d’euros courants, évolueront comme suit :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
6,98 |
7,29 |
7,65 |
8,20 |
8,99 |
Les créations nettes d’emplois du ministère de la justice s’élèveront à 13 728 équivalents temps plein et s’effectueront selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
1 100 |
2 987 |
3 095 |
3 213 |
3 333 |
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Notre groupe se réjouit de l’effort budgétaire consenti en faveur de l’administration de la justice. Toutefois, permettez-nous, madame la garde des sceaux, de relever les limites et les impasses d’une telle programmation financière.
Tout d’abord, cette hausse du budget, qui atteindra 1,3 milliard d’euros par an en 2022 par rapport au budget de 2018, est exprimée en euros courants, c’est-à-dire sans prendre en compte l’inflation. On sait que le Gouvernement est passé maître dans l’art de manier budget et comptabilité, mais, si l’on retient un taux d’inflation de 1,4 % par an pour ces quatre années, on se rend compte que l’augmentation budgétaire réelle en 2022 s’élèvera non plus à 1,3 milliard d’euros comme annoncé, mais à seulement 900 millions d’euros.
En outre, cette faible augmentation sera allouée très majoritairement aux services de l’administration pénitentiaire, et non aux services judiciaires. L’étude d’impact est explicite : cette hausse doit permettre la construction de 7 000 places de prison et l’amélioration de l’entretien du parc existant. Aussi l’administration judiciaire bénéficiera-t-elle de seulement 500 équivalents temps plein, ou ETP, sur les 6 500 dont la création est prévue. Autrement dit, cette hausse budgétaire a minima n’aura aucune incidence sur le service public de la justice rendu à nos concitoyens et sur cette justice du quotidien asphyxiée et défaillante, d’autant que le reste du texte vise dans sa globalité à éloigner davantage la justice des justiciables.
Enfin – c’est le point central –, ce choix budgétaire n’est pas contraint ; il est éminemment politique. Songeons que, en début d’année, le Gouvernement a décidé une baisse de l’impôt sur la fortune de 4,5 milliards d’euros par an, pour le plus grand profit d’un peu plus de 400 000 ménages. Or ce montant correspond à peu près au budget annuel de la justice hors administration pénitentiaire. Il aurait donc été tout à fait possible de doubler d’un coup le budget de la justice, au bénéfice, cette fois, de tous nos concitoyens ; mais ce n’est pas ce choix qui a été fait.
Le Sénat propose, au travers du texte de la commission des lois, d’augmenter ce budget – c’est tout à son honneur –, mais, hélas, les orientations choisies ne sont pas contestées et les carences ne sont pas comblées. En 2018, il manquait 13 000 postes pour que la France puisse rejoindre la moyenne européenne ; dès lors, la création de 6 500 postes d’ici à quatre ans proposée par le Gouvernement semble bien dérisoire… Bien que plus réaliste, celle de 13 728 ETP prévue par la commission reste bien en deçà du défi à relever par la France, qui, consacrant 1,8 % de son budget public à la justice, se classe au vingt-troisième rang sur vingt-huit à l’échelon européen. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la garde des sceaux, nous examinons là un article clef, le chiffrage et le financement de vos propositions constituant évidemment un élément majeur.
Je passe sur le fait que cette loi de programmation présente un intérêt essentiellement politique, puisque c’est lors de chaque débat budgétaire annuel que nous pourrons vérifier si vos engagements sont tenus.
Nous nous trouvons aujourd’hui dans une curieuse situation, madame la garde des sceaux. En effet, vous avez incontestablement une réelle ambition de remettre la justice à un niveau décent, y compris sur le plan budgétaire, même si vos propos de tout à l’heure sur votre absence de dialogue avec Bercy m’ont laissée tout à fait perplexe – il s’agissait, je l’espère, d’une formule imagée. Cependant, au fond, ce projet de loi marque une forme de renoncement : les augmentations annuelles du budget que vous prévoyez pour les cinq prochaines années peuvent sembler à première vue extrêmement ambitieuses, mais elles ne le sont que de manière relative, puisqu’elles sont moindres – je remercie le président Bas de l’avoir rappelé – que celles de M. Urvoas sous le quinquennat de François Hollande. Parce que vous ne pouvez pas faire mieux, vous avez décidé de raboter les crédits de toutes les missions qui permettaient de rapprocher le justiciable de son juge.
La commission des lois a proposé, à juste titre, d’accentuer cet effort budgétaire. Lorsque l’on examine un texte de ce genre, l’étude d’impact est très utile. Or celle-ci, concernant l’article 1er, fait preuve d’une pudeur assez exceptionnelle, puisqu’elle indique en quelques mots, sans proposer, en réalité, la moindre analyse, que les moyens supplémentaires accordés permettront de financer rien de moins que « la construction de 7 000 places de prison », « l’amélioration de l’entretien » du parc existant, « le développement des alternatives à la détention », « l’accompagnement des personnes placées sous main de justice », « le renforcement de la sécurité des établissements » pénitentiaires, « l’amélioration des conditions de travail » du personnel, l’ouverture « de vingt centres éducatifs fermés », « les moyens accordés à l’accès au droit et à l’aide aux victimes » et « la remise à niveau des infrastructures informatiques »…
Dès lors, on le voit bien, les moyens prévus par le Gouvernement sont totalement insuffisants. Vous ne pourrez manifestement pas atteindre les objectifs que vous avez fixés, madame la garde des sceaux.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Bien que la commission des lois ait considérablement amélioré le profilage budgétaire, celui-ci reste très insuffisant au regard de l’ambition affichée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l’article.
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, au-delà de la programmation budgétaire, il faut aussi se pencher sur l’organisation de la dépense et les méthodes mises en place.
Monsieur le président de la commission des lois, beaucoup des magistrats que nous avons rencontrés lors des nombreux déplacements que nous avons faits ensemble, notamment des présidents de tribunal de grande instance et des premiers présidents de cour d’appel, se sont plaints d’une hypercentralisation de la gestion budgétaire. Si nous voulons faire en sorte que la justice fonctionne mieux au quotidien, il faut ménager des assouplissements dans son organisation.
Cela ne relève certes pas du domaine de la loi, mais le fait qu’une évolution de l’organisation des services du ministère de la justice et une forme de déconcentration des pouvoirs ne soient nulle part évoquées dans le texte n’est pas rassurant. Des présidents de juridiction nous ont indiqué avoir manqué l’occasion de réaliser des investissements nécessaires étant donné l’état de leurs locaux parce qu’ils n’avaient été prévenus qu’au dernier moment de l’ouverture d’une ligne budgétaire : ils n’avaient donc pu anticiper et passer commande des travaux selon les règles des marchés publics. Si une amélioration fonctionnelle n’intervient pas à cet égard, Bercy aura beau jeu de conclure qu’il n’y a pas lieu d’augmenter les crédits, puisque ceux disponibles ne sont pas tous consommés… C’est d’ailleurs ce que ses services nous ont déjà opposé lors des auditions auxquelles a procédé la mission d’information.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 310, présenté par MM. Détraigne et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer l’année :
2018
par l’année :
2019
II. – Alinéa 3, tableau, première colonne
Supprimer cette colonne.
III. – Alinéa 4
Remplacer le nombre :
13 728
par le nombre :
12 628
IV. – Alinéa 5, tableau, première colonne
Supprimer cette colonne.
La parole est à M. le corapporteur.
M. Yves Détraigne, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Le présent amendement tend à rendre crédible le calendrier de la programmation budgétaire adopté par le Parlement.
En effet, le Gouvernement ayant tardé à déposer et à faire examiner son projet de loi de programmation des moyens pour la justice, la loi de finances pour 2018 est déjà en cours d’exécution ; adopter une programmation budgétaire pour 2018 est donc un exercice inutile.
En conséquence, nous proposons que l’on s’en tienne à la programmation budgétaire pour les années 2019 à 2022 retenue par la commission des lois, qui reprenait celle votée par le Sénat le 24 octobre 2017, 2022 étant l’année cible pour la remise à niveau des moyens de la justice, avec un budget évalué à 8,99 milliards d’euros, hors dépenses de pensions, contre 8,3 milliards d’euros dans le projet gouvernemental.
Pour ce qui concerne les emplois, dans la même perspective, il est proposé de s’en tenir à la programmation retenue par la commission des lois pour la période 2019-2022, prévoyant la création de 12 628 emplois.
M. le président. L’amendement n° 205, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
7,0 |
7,3 |
7,7 |
8,0 |
8,3 |
Les créations nettes d’emplois du ministère de la justice s’élèveront à 6 500 équivalents temps plein et s’effectueront selon le calendrier suivant :
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
1 100 |
1 300 |
1 620 |
1 260 |
1 220 |
La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont l’une sera mise en œuvre avant la fin de l’année 2021. Ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans le rapport annexé à la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir la programmation budgétaire du projet de loi initial, afin de maintenir une trajectoire des crédits et des créations d’emplois en adéquation avec les objectifs fixés dans le rapport annexé au présent texte. Cet amendement tend ainsi à prévoir une progression des crédits de 24 % à l’horizon de 2022 et la création de 6 500 emplois.
Madame de La Gontrie, vous avez fait état d’une augmentation des crédits supérieure sous la majorité précédente. Je ne crois pas que ce soit le cas.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais si !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si mes chiffres sont exacts, entre 2012 et 2017, la hausse des crédits votée s’est établie à 838 millions d’euros.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je parle de la dernière année !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans le testament qu’il a laissé après avoir quitté le ministère de la justice, M. Urvoas prévoyait une augmentation d’un milliard d’euros en cinq ans. Pour ma part, je vous propose d’augmenter de 1,6 milliard d’euros le budget de la justice. C’est là une hausse de grande ampleur, mais sa soutenabilité est garantie par sa cohérence avec la loi de programmation des finances publiques ; ce n’est pas le cas pour la proposition de votre commission des lois.
La trajectoire que vous avez retenue, messieurs les rapporteurs, ne me semble pas réaliste, puisqu’elle prévoit, notamment, la construction et la livraison de 15 000 places de prison d’ici à 2022. C’est irréaliste,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Dites-le au Président de la République !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … tant du point de vue immobilier, du fait du manque de foncier disponible et des délais techniques de construction, bien que nous les réduisions grâce aux dispositions de l’article 51 du projet de loi, que du point de vue de notre capacité à recruter du personnel pénitentiaire. Monsieur le président Bas, les premières nouvelles places de prison du programme « 13 200 » lancé en 2002 par Dominique Perben n’ont été livrées qu’en 2008, et les dernières ne l’ont été qu’en 2015…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout à fait, conformément à ce qui était prévu.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le programme du Président de la République prévoit effectivement la construction de 15 000 places ; c’est bien ce que nous ferons, en construisant 7 000 places de prison supplémentaires et en créant 2 300 ETP pour armer ces nouveaux établissements d’ici à 2022, d’une part, et en lançant la réalisation de 8 000 autres places supplémentaires, toujours d’ici à 2022, d’autre part. La trajectoire du Gouvernement confirme les engagements présidentiels ; elle est tout à la fois ambitieuse et réaliste.
Cette trajectoire intègre une réforme des peines qui a vocation à réduire le placement en détention au profit d’autres peines et donc, à terme, à diminuer le besoin en places de prison.
Cette programmation permettra également, de manière plus volontariste que vous ne le proposez, de conduire un vaste plan de transformation numérique doté de 530 millions d’euros de crédits d’investissement et de 260 emplois supplémentaires.
La programmation financière n’oublie pas la protection judiciaire de la jeunesse, puisqu’elle prévoit non seulement la création de vingt centres éducatifs fermés, mais également les moyens de diversifier et d’individualiser la prise en charge des mineurs par une réponse plus diversifiée et plus efficace.
Enfin, ce budget donne les moyens d’une réforme globale de la justice alliant réformes des procédures civiles et de la procédure pénale, développement des modes alternatifs de règlement des litiges, adaptation de l’organisation judiciaire pour plus d’efficacité et de lisibilité, accompagnement des plus démunis par des dispositifs d’accès au droit.
L’amélioration des conditions de travail dans les juridictions sera réelle. Nous constatons d’ailleurs, après l’exécution du budget 2018 et avec le budget 2019 à venir, qu’elle commence déjà à se faire sentir grâce aux moyens prévus pour la résorption des vacances d’emploi, à la constitution des équipes entourant le magistrat que j’évoquais tout à l’heure, à un haut niveau de moyens de fonctionnement et à un effort immobilier sans précédent pour les juridictions.
Pour ces raisons, le Gouvernement propose de rétablir la programmation du projet de loi initial et émet, par cohérence, un avis défavorable sur l’amendement n° 310 de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 205 ?
M. Yves Détraigne, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement du Gouvernement. Nous ne sommes pas sur les mêmes courbes.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Madame la ministre, vous nous indiquez que prévoir la construction de 15 000 places de prison d’ici à 2022 ne serait pas réaliste. Il s’agit là d’un point nodal, que je voudrais clarifier une fois pour toutes.
J’ai profité de la suspension de séance de tout à l’heure pour consulter ma bible, à savoir le programme 2017-2022 du candidat Emmanuel Macron. (L’orateur brandit le document.) Au chapitre intitulé « Un État qui protège », il est, écrit noir sur blanc : « Nous construirons 15 000 nouvelles places de prison », et non « Nous lancerons leur construction ».
Aujourd’hui, vous nous dites un peu vigoureusement que nous devrions savoir que construire des prisons prend du temps, compte tenu des délais, des procédures à respecter et autres difficultés à surmonter. Je ne le conteste pas, madame la ministre. Je constate simplement que vous avez attendu d’être confrontée aux difficultés inhérentes à l’exercice du pouvoir pour revenir sur un engagement présidentiel fort en révisant votre programme de construction à la baisse et en modifiant le calendrier. Cela mérite d’être souligné ! Les objectifs du programme présidentiel ont été divisés par deux. Ce n’est pas être désagréable à votre endroit et vous mettre en cause que de relever que le Président de la République s’est aperçu, depuis son élection, de la difficulté de la tâche…
Par ailleurs, vous nous avez dit vouloir consentir un effort exceptionnel, mais les moyens budgétaires et législatifs nécessaires au lancement d’un chantier véritablement prioritaire n’ont pas été mobilisés. On aurait pu s’attendre à ce que soit mis en place un programme analogue à celui qui a été établi en vue de la tenue des jeux Olympiques de 2024, pour enfin accélérer les choses, mais tel n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Bien évidemment, je soutiens l’amendement du Gouvernement, non pas parce que celui-ci en est l’auteur (Sourires.), mais pour les raisons de cohérence avec la loi de programmation des finances publiques dans un contexte budgétaire contraint rappelées tout à l’heure par Mme la ministre. La proposition de la commission a également sa cohérence, mais je préfère celle, plus globale, de l’amendement du Gouvernement.
Par ailleurs, cet amendement tient compte des mesures du texte qui permettront de libérer des places de prison et du développement de la numérisation de la justice, qui est de nature à simplifier les choses et à engendrer des économies.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. L’amendement de la commission des lois prévoit la création de 12 628 postes au sein du ministère de la justice, un chiffre qui paraît beaucoup plus réaliste que celui annoncé par le Gouvernement, à savoir 13 728. En effet, l’attractivité des métiers de l’administration pénitentiaire est très faible et l’on ne parvient pas à pourvoir tous les postes mis au concours.
Cela devrait d’ailleurs nous inciter à revoir les rémunérations de ces personnels et à envisager des aides au logement : la première affectation est souvent en région parisienne, et certains nouveaux fonctionnaires en sont réduits à dormir dans leur voiture, faute d’autre solution…
Madame la garde des sceaux, je souhaiterais donc que nous nous penchions ensemble sur cette question de l’attractivité des métiers.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Avec son amendement, Mme la garde des sceaux ne fait que reprendre l’idée développée au travers de la proposition de loi que nous avons adoptée voilà un an. C’est sans doute la raison pour laquelle il s’agit d’une programmation annuelle rétroactive. Mme la garde des sceaux veut sans doute vous montrer ainsi, monsieur le président de la commission des lois, qu’elle se rallie à votre démarche, avec des chiffres différents.
Nous verrons bien si la programmation proposée sera respectée, si tous les crédits inscrits pour 2018 ont été dépensés. Cela étant, nous le savons, du fait de l’annualisation budgétaire, cette programmation pluriannuelle constitue un engagement très formel, une simple indication. Il faudra la rappeler, quel que soit le gouvernement en place.
Nous ne voterons pas l’amendement n° 205 et nous abstiendrons sur l’article 1er tel qu’issu des travaux de la commission. L’essentiel est que nous nous battions chaque année, tous ensemble, lors du débat budgétaire, pour donner à la justice les moyens dont elle a besoin.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais répondre à M. Bonhomme, qui a relu le programme du Président de la République, ce dont je ne peux que me réjouir…
Effectivement, le candidat Macron avait écrit : « Nous construirons 15 000 nouvelles places de prison ».
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Sur le quinquennat !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous savez très bien que l’action de construire consiste à assembler différents éléments… (Rires.)
M. François Bonhomme. Voilà qui est subtil !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. On peut donc en être à divers stades de l’assemblage, selon les sites ! En 2022, nous aurons construit et livré 7 000 places et engagé la construction de 8 000 autres. Monsieur le sénateur, il n’est pas écrit, dans le programme présidentiel, que 15 000 nouvelles places seront livrées en 2022. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au-delà de la sémantique, je rappellerai simplement que nous allons consacrer 1,7 milliard d’euros à ces constructions, une somme loin d’être négligeable.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 205 n’a plus d’objet.
RAPPORT ANNEXÉ
1. Vers une justice simple, efficace, moderne, proche des gens
1.1. État des lieux
1.2. Une réforme d’ensemble de l’institution judiciaire est devenue nécessaire
1.2.1. Simplifier la procédure pénale pour faciliter l’action des services enquêteurs et de la justice, tout en veillant au respect des libertés fondamentales
1.2.2. Harmoniser la procédure civile et la rendre plus accessible pour le justiciable
1.2.3. Un recentrage de la justice sur ses missions premières : trancher les conflits et protéger les droits et libertés des citoyens
1.2.4. Un développement des modes alternatifs de règlement des litiges
1.2.5. Une transformation numérique de la justice
1.2.6. Une organisation judiciaire adaptée à ces évolutions conjuguant proximité et compétence
1.2.7. Une justice plus prévisible
1.3. Cette réforme doit redonner du souffle au fonctionnement de l’institution
1.3.1. La conjonction de toutes ces réformes permet de redéployer des emplois
1.3.2. Un renouveau des méthodes de travail
1.3.3. Des moyens humains et matériels pour améliorer la qualité de l’environnement de travail et l’accueil du justiciable
1.3.4. Une recherche déterminée de l’efficacité de gestion
1.4. Améliorer la qualité et l’efficacité de la justice administrative
2. Un service public de la justice plus protecteur et attentif aux plus démunis et aux personnes en souffrance
2.1. Promouvoir l’accès au droit
2.2. Une aide juridictionnelle rationalisée et permettant à chacun d’avoir une défense de qualité
2.3. Accompagner les victimes
3. Un engagement sans faille pour mieux prévenir la radicalisation et lutter contre le terrorisme
3.1. Mieux prévenir la radicalisation dans les établissements pénitentiaires
3.2. Renforcer la prise en charge éducative des jeunes radicalisés et des mineurs de retour de Syrie
4. Des peines plus efficaces et mieux adaptées, des personnels confortés dans leurs missions
4.1. Renforcer l’efficacité des peines
4.2. Conforter la sécurité et l’autorité des personnels et mieux reconnaître leurs métiers et leurs missions
4.3. Donner aux détenus des conditions d’emprisonnement dignes
4.4. Développer des alternatives à l’incarcération et favoriser le suivi des PPSMJ
5. La diversification et l’individualisation de la prise en charge des mineurs
6. Une stratégie ministérielle de ressources humaines pour accompagner ces réformes
Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Trait d’union indispensable entre liberté et sécurité, la justice fonde le contrat social et forge l’esprit républicain. De son bon fonctionnement dépend le caractère harmonieux de la régulation sociale. La justice est en conséquence au centre des préoccupations du Gouvernement.
La présente loi de programmation, annoncée par le Premier ministre dès son discours de politique générale du 4 juillet 2017, garantit à la justice, dans la durée, des moyens pour lui permettre d’accomplir les réformes nécessaires à l’amélioration du service dû à nos concitoyens.
La progression des crédits, inscrite dans la loi de programmation, de 24 % à horizon 2022 par rapport à la loi de finances pour 2017, traduit de manière concrète la priorité donnée par le Gouvernement à la modernisation de la justice. Dès 2018, les crédits augmentent de 3,9 % et un effort significatif, à la hauteur des enjeux, est initié en matière de recrutements. Il se concrétise, sur la période 2018-2022, par la création de plus de 6 500 emplois.
Cette trajectoire ambitieuse est néanmoins soutenable pour les finances publiques. Partant du cadrage budgétaire global de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, la présente loi de programmation pour la justice précise l’effort supplémentaire requis par la nécessaire modernisation du service public de la justice, et en sécurise les moyens. D’ici à 2022, la progression des crédits se décline comme suit :
Moyens de la mission justice HT2 + T2HCAS |
|||||
En milliards d’€ et en crédits de paiement |
|||||
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Mission justice |
7,0 |
7,3 |
7,7 |
8,0 |
8,3 |
La traduction en emplois de cet investissement sans précédent s’échelonne de la manière suivante sur la période considérée :
En équivalents temps plein (ETP) |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Création d’emplois de la mission justice |
1 100 |
1 300 |
1 620 |
1 260 |
1 220 |
Disposer d’une trajectoire budgétaire sécurisée sur cinq ans permettra au ministère de la justice de conduire résolument et sans à-coups les investissements d’ampleur indispensables, tant dans les domaines informatique qu’immobilier et d’accompagnement en matière de ressources humaines, pour évoluer vers un service public moderne, davantage attentif aux besoins des justiciables qu’il accueille et plus respectueux encore des personnes qui lui sont confiées.
Grâce à ces moyens en forte augmentation, le ministère s’engage dans des réformes puissantes afin de redonner confiance au citoyen dans la capacité de la justice à rendre des jugements de qualité, dans des délais maîtrisés, et à réinsérer les personnes qu’elle condamne.
Les réformes portées ici par le Gouvernement intéressent tout à la fois les procédures, les organisations et les outils du ministère. Les plus structurantes de ces réformes sont le fruit des « chantiers de la justice », lancés par le Premier ministre et la garde des sceaux le 6 octobre 2017. Au nombre de cinq, ces chantiers ont traité de la transformation numérique, de l’amélioration et de la simplification des procédures civile d’une part, pénale, d’autre part, de l’adaptation du réseau des juridictions, du sens et de l’efficacité des peines. Deux référents ont été désignés sur chaque chantier afin de conduire une intense concertation avec les acteurs concernés. Plusieurs centaines d’auditions, l’envoi de questionnaires, une consultation numérique ont donné aux référents une matière riche pour faire des propositions d’évolution souvent ambitieuses, toujours en réponse aux attentes des acteurs consultés. Ce projet de loi de programmation met ainsi en œuvre les propositions de niveau législatif qui ont été retenues pour concrétiser les ambitions d’une justice rénovée. Il sera complété des textes réglementaires nécessaires à la conduite des réformes ainsi initiées.
Le projet de loi s’est également attaché à promouvoir la diversification des modes de prise en charge des mineurs auteurs d’infractions pénales en accompagnant la création de 20 centres éducatifs fermés et en promouvant de nouveaux modes de réponses pénales.
Il intègre également une autre priorité annoncée dans le programme du Président de la République : la mise en œuvre d’un « plan pénitentiaire » permettant, notamment, la création de nouvelles places de prison afin, notamment, de répondre à terme à l’objectif d’encellulement individuel.
L’ensemble de ces évolutions fortes, résultat d’une démarche de concertation de plus de cinq mois, permettra d’aller vers une justice simple, efficace, moderne, proche des gens (I), de rendre le service public de la justice plus protecteur et attentif aux plus démunis et aux personnes en souffrance (II), de consacrer un engagement sans faille pour mieux prévenir la radicalisation et lutter contre le terrorisme (III), de prononcer des peines plus efficaces et mieux adaptées tout en confortant les personnels dans leurs missions (IV), de diversifier et d’individualiser la prise en charge des mineurs délinquants (V). Une stratégie ministérielle des ressources humaines est définie pour accompagner tous les personnels du ministère dans cette transformation (VI).
1. Vers une justice simple, efficace, moderne, proche des gens
1.1. État des lieux
Le constat d’une justice qui fonctionne de moins en moins bien est connu de tous et partagé. Les délais de jugement ne cessent de s’allonger en dépit de la mobilisation des magistrats et fonctionnaires. Ils sont, en 2016, à plus de 11 mois pour les affaires civiles dans les tribunaux de grande instance, à près de 14 mois en appel dont plus de 18 mois dans les chambres sociales, à 17 mois dans les conseils de prud’hommes.
La justice apparaît souvent au justiciable comme un labyrinthe, avec une organisation à la lisibilité incertaine, des procédures difficilement intelligibles et des décisions qui peuvent parfois sembler peu prédictibles voire difficilement compréhensibles. L’organisation judiciaire, en décalage avec celle des autres administrations de l’État, pose également question pour la conduite de la politique publique de la justice qui nécessite une interaction étroite avec les services de la police et de la gendarmerie ainsi qu’avec les préfets, les autres administrations de l’État et les collectivités territoriales.
Les juridictions se plaignent souvent d’un manque de moyens. Des efforts importants ont été faits dans le budget 2018 pour augmenter de 9 % les crédits de fonctionnement desdites juridictions. Les charges à payer ont été significativement réduites en 2017. Toutefois, un effort de long terme, au travers d’une action structurelle, est indispensable pour améliorer durablement la situation des juridictions.
L’amélioration du quotidien de travail est une attente très forte des magistrats et des fonctionnaires. La mise à disposition d’équipements et d’applications informatiques modernes, répondant aux besoins de mobilité et permettant de gagner en efficacité, constitue une demande récurrente, également remontée de la consultation numérique réalisée auprès des agents du ministère dans le cadre du chantier relatif à la transformation numérique. Le besoin de formation et d’un soutien informatique renforcé est aussi affirmé.
La dématérialisation s’impose comme un besoin pour les justiciables et les partenaires de la justice qui souhaitent saisir et communiquer avec elle en ligne, comme ils le font désormais avec la plupart des services publics. Le ministère doit s’engager résolument dans la démarche de l’État-plateforme, tout en garantissant aux publics éloignés du numérique un accès proche et de qualité.
Face à ces constats, la réforme est urgente car la confiance du citoyen dans la justice, instance privilégiée de régulation des relations sociales et pilier déterminant de la démocratie, est émoussée. La lassitude des magistrats et fonctionnaires, soucieux de rendre un service public de qualité, s’exprime de plus en plus vivement.
1.2. Une réforme d’ensemble de l’institution judiciaire est devenue nécessaire
La loi de programmation pour la justice prévoit une véritable remise à niveau des moyens des juridictions. 832 emplois seront créés et les gains d’emplois dégagés par les réformes seront intégralement redéployés vers les juridictions.
Mais les moyens ne constituent pas à eux seuls une réponse suffisante et ne sont légitimes, dans un contexte budgétaire contraint, que s’ils permettent une transformation de la justice.
La loi de programmation développe cette ambition en simplifiant tout à la fois la procédure pénale et la procédure civile, en organisant la déjudiciarisation des demandes dont la satisfaction sera plus rapide et certaine par des services administratifs ou des professions réglementées (tout en maintenant la possibilité d’une contestation devant le juge), en développant des modes alternatifs de règlement des litiges, en donnant les moyens d’une véritable transformation numérique de la justice et en proposant une approche modernisée de l’organisation du travail judiciaire.
1.2.1. Simplifier la procédure pénale pour faciliter l’action des services enquêteurs et de la justice, tout en veillant au respect des libertés fondamentales
Afin de répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens qui aspirent à une justice plus accessible, plus proche et plus rapide dans le traitement de leurs requêtes ou de leur situation, il a été décidé de faciliter le travail quotidien de tous les acteurs de la chaîne pénale. Il s’agit ici d’amplifier l’effort de simplification déjà engagé mais dont les résultats paraissent encore insuffisants.
Ont ainsi été retenues dans le projet de loi de programmation des mesures concrètes, dont l’objectif n’est pas de réformer en profondeur l’architecture de notre procédure pénale mais de faciliter l’action des magistrats, des fonctionnaires de justice, des services enquêteurs, sans jamais porter atteinte aux exigences conventionnelles et constitutionnelles.
Les simplifications proposées concernent les différentes phases de la procédure pénale, qu’il s’agisse de la phase d’investigation (enquête et instruction) ou de ses suites judiciaires (alternatives aux poursuites, poursuites et jugement).
Les simplifications envisagées pour la phase d’investigation portent notamment sur l’uniformisation du recours aux interceptions téléphoniques et aux autres techniques spéciales d’enquête, sur la suppression d’autorisations préalables à certaines actions des officiers de police judiciaire ou sur la possibilité de les déléguer à des agents de police judiciaire, ainsi que sur l’information judiciaire.
Il est également prévu de modifier les règles relatives à la garde à vue afin d’en rendre le traitement moins lourd. Le projet de loi de programmation pour la justice ne modifie pas l’économie du régime actuel de la garde à vue et maintient des garanties strictes en termes de protection des libertés.
Les simplifications des suites judiciaires proposées par le projet de loi s’effectuent au travers de la fusion de la transaction et de la composition pénales, de l’extension de la forfaitisation d’un certain nombre de délits dont l’usage de stupéfiants, de l’extension de l’ordonnance pénale et des décisions pouvant intervenir dans le cadre de la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité, de l’extension de la compétence du juge unique, de la rationalisation de la procédure devant la cour d’assises et de la possibilité de regrouper toutes les procédures en cours visant un même prévenu devant le tribunal correctionnel.
Afin d’accroître plus encore la qualité et la célérité du jugement, est également prévue la création d’une procédure de comparution différée. Procédure intermédiaire entre la comparution immédiate et l’information judiciaire, elle permet le recours à des mesures coercitives préalables fixées par le juge des libertés et de la détention (détention provisoire, contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique), pendant un temps limité (deux mois maximum) afin de permettre le retour des résultats d’investigations déjà ordonnées, ainsi que, pour les parties, la possibilité de solliciter une demande d’acte.
Enfin, il est prévu d’expérimenter dans plusieurs ressorts pendant trois ans un tribunal criminel départemental, qui jugera en premier ressort les crimes commis par des majeurs et punis d’une peine de 20 ans de réclusion criminelle au plus, en substitution de la cour d’assises. Ce tribunal composé uniquement de magistrats permettra un audiencement plus rapide des affaires tout en garantissant la qualité des débats.
1.2.2. Harmoniser la procédure civile et la rendre plus accessible pour le justiciable
Il existe actuellement une multiplicité de procédures en matière civile, différentes entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance, variables selon la nature du contentieux. Ces procédures sont en outre portées par des systèmes d’information séparés, souvent très anciens, et reposant sur des bases locales. En dépit des efforts d’information déjà entrepris avec la création du site internet justice.fr et du développement dans les tribunaux de services d’accueil unique du justiciable (SAUJ), la procédure civile reste inaccessible pour la plupart des justiciables du fait de sa complexité et de son absence de dématérialisation.
La simplification, pour les justiciables, de ces modes et procédures distincts de saisine doit être recherchée.
L’objectif est donc d’évoluer progressivement vers deux types de procédure selon la nature du contentieux : une procédure orale sans représentation obligatoire pour les contentieux les plus simples, une procédure écrite avec représentation obligatoire pour les autres contentieux. Le contentieux traité actuellement dans les tribunaux d’instance doit rester sans représentation obligatoire pour faciliter l’accès au juge. L’orientation retenue consiste à étendre la représentation obligatoire à certains contentieux devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel pour assurer un meilleur conseil au justiciable, à l’exception de certains contentieux dits de proximité concernant souvent les publics les plus fragiles (surendettement, instances modificatives en matière familiale, baux d’habitation, crédit à la consommation, sécurité sociale).
Le seuil de 10 000 € en-dessous duquel il est possible de saisir le juge d’instance sans avocat est maintenu. En revanche, la représentation obligatoire devant le juge de l’exécution serait étendue lorsque le litige est supérieur à ce même seuil. Il en va de même pour l’ensemble des appels, sauf contentieux particuliers tenant par exemple au surendettement ou aux appels prud’homaux. Enfin, la représentation obligatoire serait encore étendue à plusieurs contentieux complexes ou très sensibles comme les baux ruraux ou les litiges relatifs aux élections professionnelles.
La simplification des procédures se traduit également dans les mesures du projet de loi de programmation pour la justice relatives à la convergence de la procédure de divorce vers le droit commun, avec l’abandon de l’audience de conciliation, la possibilité d’exécution forcée par le parquet des décisions du juge aux affaires familiales. La création d’une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer est prévue pour dématérialiser complètement ce contentieux simple et non contradictoire mais de masse (près de 500 000 requêtes par an) et les demandes portant sur les délais de paiement
Les modalités de ces procédures devront être harmonisées avec un acte de saisine unique, en ligne (sauf pour les justiciables ne disposant pas d’outil de communication numérique), la généralisation de la signification par acte d’huissier, ce qui déchargera les greffes des tâches de convocation, le développement de la procédure de mise en état participative, la possibilité de statuer sans audience avec l’accord des parties.
La plupart de ces évolutions sont de niveau réglementaire et ne nécessitent pas de disposition dans ce projet de loi. En revanche, le calendrier de leur mise en œuvre sera déterminé en lien avec celui de l’évolution de l’organisation judiciaire et celui du développement des applications informatiques associées.
1.2.3. Un recentrage de la justice sur ses missions premières : trancher les conflits et protéger les droits et libertés des citoyens
Depuis plusieurs années, la tendance est à l’octroi de nouvelles compétences au juge. Cette tendance s’inscrit en partie dans une dynamique de meilleure protection des droits et libertés des justiciables. Mais il s’agit aussi souvent d’une facilité pour le législateur quand il a besoin de l’intervention d’un tiers de confiance dans une procédure. La loi relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle a réalisé une première œuvre utile de recentrage du juge sur ses missions principales en ouvrant notamment la possibilité de divorcer par acte d’avocat quand les parties en sont d’accord.
Le projet de loi de programmation pour la justice s’attaque pour sa part à un autre domaine emblématique : la réforme de la protection juridique des majeurs protégés, dont le rapport de la Cour des comptes de 2016 a montré la trop faible efficience. Le rôle extensif du juge et du greffe en matière de tutelle, au lieu de garantir une protection élevée des personnes sous tutelle, l’empêche de concentrer son action là où elle serait vraiment utile et laisse toute une partie du travail de contrôle sans effectivité. Il est donc envisagé d’étendre le recours à l’habilitation familiale, d’alléger le contrôle a priori du juge sur les actes de gestion patrimoniale et d’externaliser la vérification des comptes de gestion auprès des professions habilitées (experts-comptables, huissiers de justice, notaires) quand le patrimoine le justifie.
Au-delà de la réforme des tutelles, d’autres voies innovantes de déjudiciarisation sont poursuivies : une expérimentation pourrait confier aux organismes débiteurs des prestations familiales ou à des officiers publics ministériels la fixation de la révision des pensions alimentaires ; les modalités de délivrance des apostilles doivent être modernisées pour décharger les parquets généraux d’une tâche purement administrative. La répartition des fonds versés par l’employeur dans le cas des saisies des rémunérations pourrait être transférée à la Caisse des dépôts et consignations, favorisant une gestion plus professionnelle et efficace de ces fonds et une diminution des sommes maniées par les régies d’avances et de recettes des tribunaux. La suppression de l’homologation des changements de régime matrimonial en présence d’enfants mineurs est proposée.
1.2.4. Un développement des modes alternatifs de règlement des litiges
Les modes alternatifs de règlement des litiges doivent continuer à se développer pour alléger l’activité des juridictions mais, surtout pour favoriser des modalités plus apaisées et plus rapides de règlement des différends pour les citoyens. La loi relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle a d’ores et déjà rendu systématique le recours préalable au conciliateur pour les litiges de moins de 4 000 euros. La loi de finances pour 2016, mise en application par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, a solvabilisé le recours à la médiation pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle en créant une aide à la médiation, en cas de médiation judiciaire ou de médiation conventionnelle homologuée par le juge, et en étendant la rétribution des avocats en cas de médiation. La loi de programmation pour la justice va plus loin en proposant d’étendre l’obligation d’une tentative préalable de règlement amiable à tout litige, avec des exceptions qui seront fixées par décret en Conseil d’État au regard de la nature ou du montant du litige. Le juge pourra également plus largement enjoindre de rencontrer un médiateur pour une information sur l’objet et le déroulement d’une médiation.
L’expérimentation de tentative de médiation familiale préalable obligatoire introduite par la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle sera poursuivie, avant le cas échéant d’être généralisée à partir de 2020, si ses résultats sont concluants.
Pour promouvoir le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges, il est nécessaire d’étendre l’offre en la matière tout en veillant à sa qualité. Il convient à cet effet d’encadrer les obligations pesant sur les prestataires offrant en ligne des services d’aide à la résolution amiable du litige, de prévoir les sanctions pénales applicables en cas d’inobservation de ces obligations et d’organiser leur contrôle.
Cette promotion des modes alternatifs de règlement des litiges s’appuiera sur une progression des moyens dédiés à la médiation et aux espaces de rencontre sur le quinquennat, la montée en puissance de l’aide à la médiation introduite par décret en 2016, et le recrutement de conciliateurs, mieux rétribués pour leurs interventions.
1.2.5. Une transformation numérique de la justice
Pour bâtir, avant 2022, un véritable service public numérique de la justice, qui permette à l’ensemble des usagers de gérer en ligne leurs procédures et leurs démarches, et aux magistrats et agents du ministère de bénéficier d’applicatifs et d’outils de travail adaptés, réduisant les tâches répétitives et de faible valeur ajoutée, un effort inégalé sera engagé, qui portera sur trois axes indissociables.
L’adaptation du socle technique : le renforcement des réseaux du ministère doit permettre de les sécuriser et de tripler, au minimum, les débits offerts, en commençant dès 2018 et en couvrant la totalité des sites d’ici 2020, tout en poursuivant la migration vers la téléphonie IP ; les magistrats et agents bénéficieront d’outils répondant aux exigences de leur métier, en matière de téléphonie sécurisée ou d’outils de communication mobiles, en veillant désormais à homogénéiser le parc d’équipements et ses modalités de renouvellement ; les juridictions et services du ministère seront dotés d’outils permettant le développement d’échanges sécurisés (mise en service dès 2018 d’une plateforme d’échange de documents volumineux, dispositif permettant l’envoi de LRAR par voie électronique, consolidation du dispositif de visio-conférence) et facilitant le travail quotidien au profit des magistrats et agents comme des justiciables eux-mêmes (poursuite du déploiement des centres d’appel permanence parquet, outils de prise de rendez-vous en ligne et de signalétique dynamique dans les juridictions…).
Les applications du ministère évolueront pour permettre une généralisation de la communication électronique et de la gestion en ligne des procédures et des démarches. Dès 2018, le déploiement du portail des SAUJ et du portail des justiciables permettra de connaître, en ligne, l’état d’avancement des procédures aussi bien pénales que civiles, quelle que soit la juridiction territorialement compétente ; l’opportunité de saisir la juridiction en ligne, pour certains contentieux dans un premier temps, sera effective à la fin de l’année 2018 ; le travail des juridictions sera facilité, notamment par la poursuite du déploiement de l’application Cassiopée aux juridictions d’appel et le déploiement d’outils industrialisés à partir d’expérimentations locales ; les demandes d’extraits de casier judiciaire seront totalement gérées en ligne.
En 2019, une nouvelle application permettra également de gérer en ligne l’ensemble de la procédure d’aide juridictionnelle et les possibilités de communication électronique seront étendues à la totalité des juridictions.
Le déploiement de nouvelles applications, à compter de 2020, en matière civile (projet Portalis) comme en matière pénale (projet Procédure pénale numérique, conduit conjointement avec le ministère de l’intérieur), développées en intégrant les exigences de l’État-plateforme et d’interopérabilité avec l’ensemble des partenaires du service public de la justice, permettra une gestion entièrement numérique des procédures, où chacun des acteurs de celle-ci pourra accéder, en fonction de ses droits, à un dossier numérique partagé. Les applications du ministère seront décloisonnées, dans le respect des principes de confidentialité propre à chacun des domaines concernés, favorisant ainsi le suivi et la gestion des parcours individuels, tout en allégeant les tâches des agents. Ces évolutions concerneront les juridictions, mais également la protection judiciaire de la jeunesse (programme Parcours) et l’administration pénitentiaire (gestion des détenus, numérique en détention, renseignement pénitentiaire…).
Le soutien aux utilisateurs et l’accompagnement du changement : le dispositif de soutien aux utilisateurs internes au ministère sera substantiellement renforcé et rationalisé et le déploiement d’applications nouvelles s’accompagnera d’actions de formation et d’appui à la conduite du changement à la mesure de l’importance des évolutions programmées et de la place désormais conférée aux applications informatiques dans le travail quotidien. La mise en place d’un véritable service public numérique de la justice devra également s’accompagner d’une assistance aux usagers de ce service public, y compris en veillant à l’accueil, dans le réseau des juridictions et de l’accès au droit, mais aussi en partenariat avec l’ensemble des acteurs mobilisables à cet effet, des usagers les plus éloignés du numérique.
La transformation numérique offre l’opportunité unique de rendre notre justice accessible très simplement, à tous, de rendre des décisions plus rapidement, de réduire les distances géographiques, d’introduire de la transparence sur l’avancée des procédures. La réussite de cette transformation, qui irrigue toutes les structures et toutes les activités du service public de la justice, conditionne en bonne partie le succès des autres réformes.
C’est pourquoi le pilotage de la transformation numérique est renforcé, placé sous l’égide d’un comité stratégique présidé par la ministre. L’accroissement substantiel des moyens consacrés au virage numérique sera de la sorte dirigé, orienté et suivi à haut niveau. Il convient, en effet, d’encadrer strictement et d’être en capacité de rendre compte du caractère optimal des choix d’utilisation des crédits d’investissement spécifiquement dévolus au plan de transformation numérique, qui s’élèveront à 530 millions d’euros sur la période 2018-2022.
Afin de doter le service des systèmes d’information et de communication du secrétariat général des capacités de conduire et de mettre en œuvre opérationnellement cette révolution numérique, 260 recrutements supplémentaires seront réalisés sur cette même période. Cet effort sur le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » s’ajoute aux moyens par ailleurs consacrés à cette priorité par chacun des autres programmes de la mission justice.
1.2.6. Une organisation judiciaire adaptée à ces évolutions conjuguant proximité et compétence
L’organisation judiciaire doit être plus lisible et plus efficace et s’adapter aux réformes de simplification des procédures engagées et à la transformation numérique engagée. Il est devenu nécessaire de repenser l’organisation des juridictions tant la répartition des contentieux entre les juridictions, notamment en première instance, est devenue illisible pour les citoyens.
Pour conduire la réflexion en ce domaine, la démarche adoptée a été celle de la concertation. Une mission a été confiée à Dominique Raimbourg et Philippe Houillon qui ont auditionné plus de 200 personnes. La concertation menée par les référents a permis de montrer que cette adaptation était nécessaire mais qu’elle devait accompagner une évolution portée par les acteurs de terrain.
Toutes les implantations judiciaires actuelles seront maintenues pour répondre au besoin de proximité et d’accessibilité de la justice.
Afin d’améliorer la lisibilité de la répartition des contentieux en première instance et pour répondre aux besoins de spécialisation des magistrats dans les domaines les plus complexes, le projet de loi prévoit que le contentieux civil des actuels tribunaux d’instance relève de la compétence du tribunal de grande instance qui deviendra ainsi la juridiction de droit commun en première instance.
Pour garantir un maillage territorial répondant aux besoins de proximité et garantissant l’accès de tous à la justice, le tribunal de grande instance pourra comprendre en dehors de son siège une ou plusieurs chambres, correspondant à la localisation des actuels tribunaux d’instance, dont les compétences seront fixées par décret pour répondre au mieux au besoin de justice dans chacun des territoires concernés. Au-delà d’un socle de compétence commun à l’ensemble de ces chambres, les chefs de cours, après avis conjoint des chefs de juridictions, présidents et procureurs de la République, pourront leur attribuer un ou plusieurs contentieux supplémentaires afin de prendre en compte la réalité des bassins économique et sociologique de leur ressort, renforçant ainsi la justice de proximité.
Il n’y aura donc aucun éloignement de la justice du quotidien pour le justiciable et aucune désertification du territoire.
Dans les départements dans lesquels sont implantés plusieurs tribunaux de grande instance, la multiplicité des interlocuteurs judiciaires vis-à-vis des services et administrations de l’État peut nuire à l’efficacité des politiques menées, notamment en matière pénale et affaiblir la position de l’institution judiciaire dans la conduite de politiques partenariales. Pour remédier à cette situation, tout en préservant l’implantation actuelle des tribunaux de grande instance, il est envisagé d’offrir la possibilité au procureur général de désigner un des procureurs de la République du département pour représenter, sous son autorité, l’ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département et d’assurer la coordination des activités s’y rapportant.
Dans ces mêmes départements, certains tribunaux de grande instance pourraient se voir confier par décret, sur proposition des chefs de cour et après avis des chefs de juridictions concernés, des contentieux spécialisés pour l’ensemble du ressort. En matière pénale, il est prévu la possibilité de regrouper au sein d’une seule juridiction du département certains magistrats spécialisés, juge de l’application des peines et juges d’instruction. Ces évolutions nécessaires permettront de garantir une justice de qualité pour les citoyens, notamment en garantissant une meilleure spécialisation des juges dans les matières les plus complexes.
Elles faciliteront également l’harmonisation de la jurisprudence sur le ressort d’un département en matière civile comme en matière pénale, offrant plus de prévisibilité pour les justiciables. Enfin, elles visent à remédier à l’isolement de certains juges, intervenant ponctuellement dans des domaines complexes sans capacité d’échange sur les pratiques et la jurisprudence et sans équipe autour de lui dédiée au traitement de certains contentieux.
L’association des chefs de juridiction et des chefs de cours au plus près des réalités judiciaires de leur ressort est essentielle pour garantir une parfaite adéquation entre les besoins de justice et la répartition des spécialisations et il leur appartiendra en ce domaine de proposer à la garde des Sceaux l’organisation judiciaire la plus efficace dans chacun des départements concernés.
En appel, le besoin de proximité doit s’appréhender différemment au regard notamment de la représentation obligatoire des justiciables. Cependant, il est nécessaire d’éviter un trop fort éloignement des auxiliaires de justice et des justiciables des cours d’appel. Ainsi, l’ensemble des implantations actuelles des cours sera préservé.
Pour garantir la visibilité et l’efficacité de l’institution judiciaire face à ses interlocuteurs institutionnels, dont certains ont adapté leur organisation sur celle des régions administratives, une coordination plus efficace des politiques menées par chacune des cours doit être mise en œuvre tout en préservant le maillage actuel des cours sur le territoire.
Procéder par expérimentation en ce domaine permettra d’évaluer, avant toute généralisation, l’efficacité d’un dispositif de coordination et d’animation sur un ressort élargi à plusieurs cours et le périmètre des compétences à attribuer, par voie réglementaire, à certains des chefs de cours désignés dans ces nouvelles fonctions. La concertation locale, tant interne à l’institution judiciaire qu’avec les partenaires institutionnels de l’autorité judiciaire et les auxiliaires de justice doit permettre de mesurer au plus près des réalités locales l’efficacité d’une réforme de la gouvernance des cours au sein d’une région déterminée.
De la même manière, et pour répondre aux besoins de justice et de spécialisation dans certaines matières, il appartiendra, dans le cadre de cette expérimentation aux chefs de cours désignés de proposer une répartition des contentieux répondant au mieux aux attentes des justiciables.
Pour accompagner ces évolutions, une enveloppe de plus de 400 M€ sera consacrée aux investissements immobiliers, à l’amélioration du fonctionnement des juridictions, à la réforme des TASS et des TCI et aux mesures d’accompagnement des réorganisations qui découleront de l’adaptation du réseau des juridictions.
1.2.7. Une justice plus prévisible
Il convient en premier lieu de donner une portée concrète aux dispositions de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, prévoyant la mise à disposition du public, à titre gratuit, des décisions de justice, dans le respect de la vie privée des personnes et en prévenant les risques de ré-identification. Conformément aux préconisations du rapport remis à la garde des Sceaux, le 9 janvier 2018, par la mission d’étude et de préfiguration de l’open data des décisions de justice, cette mise à disposition devra respecter un principe d’une occultation des éléments d’identification des personnes mentionnées dans la décision et sera confiée aux cours suprêmes de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Elle devra s’accompagner d’une régulation des algorithmes qui exploitent les données issues de décisions, afin d’assurer une transparence sur les méthodologies mises en œuvre.
Le service public de la justice doit également mettre en capacité l’ensemble de ses usagers, mais aussi de ses acteurs, de mieux mesurer l’évolution de son activité et de la qualité du service rendu. Le système d’information décisionnel du ministère évoluera pour fournir, au niveau national comme au niveau local, des outils efficaces d’analyse et de pilotage de l’activité. Les usagers devront pouvoir accéder en ligne à une information pratique nourrie, enrichissant ce qui figure déjà sur le site Justice.fr (accessibilité des juridictions, pédagogie des procédures, simulateurs…), mais aussi, par exemple, à des indicateurs de délai de procédure devant la juridiction qu’ils envisagent de saisir, ou encore à des barèmes ou à des référentiels jurisprudentiels indicatifs. La qualité du service rendu sera également mesurée par le biais d’enquêtes de satisfaction auprès des usagers, avec des indicateurs adaptés aux spécificités du service public de la justice.
1.3. Cette réforme doit redonner du souffle au fonctionnement de l’institution
1.3.1. La conjonction de toutes ces réformes permet de redéployer des emplois
Simplification de procédure, déjudiciarisation, dématérialisation des processus, organisation adaptée, compte tenu de la concertation locale, de la première instance, toutes ces réformes vont transformer en profondeur l’activité des magistrats et des fonctionnaires des services judiciaires, et redonner de la force de travail au profit de la qualité et de la célérité des jugements.
Sur la période 2018-2022, il est ainsi prévu de redéployer les emplois dans le but d’optimiser le traitement des litiges. À l’effet des mesures législatives contenues dans cette loi de programmation s’ajoutent celui de dispositions de niveau réglementaire, qui entraîneront également un gain de temps important pour les personnels. C’est le cas particulièrement de l’acte unique de saisine dématérialisée, de l’assignation du défendeur par huissier, du développement des procédures participatives pour la mise en état.
Le plan de transformation numérique, dont ce n’est cependant pas l’objet premier, contribuera aussi à dégager temps et ressource humaine au profit des activités du cœur de métier des juridictions. En effet, la dématérialisation de toutes les procédures, tant pénales que civiles, avec la constitution d’un dossier unique numérique, limitera considérablement les actes de saisie et de traitement sur support papier.
Ces différentes évolutions permettent, dans le même mouvement, de renforcer le taux d’encadrement des juridictions et d’étoffer les missions d’appui et de soutien. En outre, ces redéploiements autorisent le renfort des équipes autour du magistrat, au siège et au parquet, notamment pour le traitement des contentieux les plus spécialisés.
1.3.2. Un renouveau des méthodes de travail
Ces possibilités de redéploiement ouvrent la perspective d’une véritable amélioration de la situation des juridictions, au sein desquelles le malaise des agents est aujourd’hui patent. S’y ajouteront 832 créations nettes d’emplois sur le quinquennat.
La résorption des vacances d’emploi est en effet une priorité, car elles pèsent lourdement sur les conditions de travail des agents exerçant dans les services concernés, soumis à la pression de l’urgence et du retard dans le traitement des dossiers. Toutes les vacances d’emplois de magistrats seront notamment résorbées d’ici la fin du quinquennat.
Il conviendra de ne plus ajouter de charges nouvelles pour la justice sans en évaluer au préalable la pertinence et l’impact. Un effort particulier sera ainsi fait sur les prochaines années pour adapter les emplois de juge des libertés et de la détention à l’élargissement de leurs missions.
Ces possibilités de redéploiement vont encore conduire à une redéfinition de la structure d’emplois, en tenant compte des conséquences de la réforme de l’adaptation du réseau des juridictions, de la transformation numérique et de la mise en œuvre des nouveaux modèles d’organisation à travers les équipes de magistrats et fonctionnaires.
En effet, la constitution d’équipes autour du magistrat permet de concentrer le temps de travail des magistrats sur leur cœur d’activité et de les appuyer quand le contentieux nécessite des compétences spécialisées. La création de juristes assistants est d’ores et déjà un succès dans les juridictions et permet de créer un nouveau vivier pour de futurs magistrats. 248 emplois de juristes assistants seront créés au cours du quinquennat. Les greffiers assistants du magistrat seront étendus au sein du Parquet, avec la création de 250 emplois. Le recrutement d’assistants de justice et d’assistants spécialisés sera poursuivi. Des interprètes seront recrutés à plein temps, en substitution de collaborateurs occasionnels du service public là où le besoin le justifie.
La transformation numérique va changer très profondément les méthodes de travail des magistrats et fonctionnaires. Conjuguée aux évolutions de procédure qui sont envisagées, elle va rendre nécessaire bien plus qu’une formation aux nouveaux outils, un accompagnement fort de la conduite du changement. Des emplois seront ainsi créés pour accompagner cette transformation et des efforts de redéploiements internes seront accomplis. C’est cette nouvelle allocation des ressources qui permet de créer des emplois de correspondants locaux informatiques, dont l’utilité pour le plein déploiement de la réforme numérique est certaine. Enfin, la transformation numérique impliquera des actions de formation afin que chacun puisse s’approprier les nouvelles méthodologies de travail induites par ces changements.
Par ailleurs, la formation des magistrats, tant initiale que continue, devra s’adapter à ces évolutions pour que les magistrats, au-delà de leur expertise juridique, acquièrent davantage la dimension liée au management, à la gestion budgétaire et administrative afin, notamment de mieux prendre en compte, dans le respect de leur indépendance juridictionnelle, l’impact financier de leur activité en optimisant davantage les frais de justice. La formation des fonctionnaires s’adaptera aussi à ces nouveaux outils et le travail en équipe devra être valorisé, tant pour les magistrats que pour les fonctionnaires au sein des deux écoles de formation. La formation des juges consulaires sera mise en œuvre par l’école nationale de la magistrature qui devra donc assumer l’augmentation du public à former.
1.3.3. Des moyens humains et matériels pour améliorer la qualité de l’environnement de travail et l’accueil du justiciable
L’amélioration des moyens de fonctionnement a été une priorité du budget 2018 avec une hausse de 9 % des crédits hors masse salariale des juridictions. Le maintien de dotations suffisantes au cours du quinquennat est indispensable pour assurer de manière structurelle le bon fonctionnement des juridictions. Ainsi les économies rendues possibles par la dématérialisation (économies d’affranchissement notamment) seront redéployées. L’équipement en ultraportable des magistrats et fonctionnaires qui en ont besoin pour leur activité sera poursuivi en 2019.
La remise à niveau des infrastructures et des équipements informatiques précédemment évoqué améliorera très sensiblement les conditions de travail des magistrats et fonctionnaires. Le renforcement du réseau des correspondants locaux informatiques, avec la création pérenne d’emplois et une professionnalisation de leur formation, participera du confort de travail des fonctionnaires comme des magistrats. Un renfort encore plus important est prévu jusqu’en 2022 pour accompagner les transformations en cours et l’adaptation du réseau judiciaire.
L’investissement immobilier accompagnera l’adaptation du réseau judiciaire, dans les cas où il nécessitera des travaux, afin de donner aux agents des conditions de travail de qualité. Les crédits dédiés aux opérations classiques conduites par les délégations interrégionales du secrétariat général seront maintenus autour de 70 M€ sur toute la période. Les opérations conduites par l’APIJ (Aix, Lisieux, Lille, Mont-de-Marsan, Perpignan) conservent toute leur pertinence et seront poursuivies. La restructuration de l’Ile de la Cité sera également une priorité immobilière suite au départ du tribunal de grande instance de Paris, à la fois pour assurer la remise aux normes techniques du bâtiment et permettre le regroupement des services de la cour de cassation et de la cour d’appel, facilitant de la sorte leur travail tout en étant source d’importantes économies de loyer. L’amélioration de la situation immobilière outre-mer sera poursuivie avec l’achèvement des opérations en cours à Pointe-à-Pitre, Saint -Martin et Basse-Terre et le lancement de la construction d’un tribunal judiciaire à Saint-Laurent du Maroni, en Guyane.
L’attention à la situation des agents des services judiciaires sera une préoccupation forte dans cette période d’intense évolution. Il est ainsi prévu de renforcer le réseau des assistants de prévention. La création d’un emploi de psychologue du travail et d’un infirmier du travail dans chaque DRHAS viendra également améliorer le suivi de la santé au travail des agents du ministère.
1.3.4. Une recherche déterminée de l’efficacité de gestion
Le niveau élevé des charges à payer et le risque de reconstitution de retards de paiement dans les juridictions, préjudiciables à la bonne conduite des procédures pénales, font de la maîtrise de l’évolution des dépenses de frais de justice un enjeu budgétaire majeur pour le ministère de la justice. Le ministère mène, depuis plusieurs années, une action résolue de maîtrise des frais de justice qui va se poursuivre sur les années 2018-2022. Il met notamment en œuvre les recommandations de la revue des dépenses réalisée par l’IGJ et le CGEFI en 2015.
Les économies sur les interceptions judiciaires montent en puissance avec la mise en œuvre effective de l’obligation d’usage de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui assure désormais plus de 90 % des prestations annexes et des interceptions judiciaires, et la baisse des tarifs des opérateurs de communication électronique (OCE). Dans les années à venir, ces économies vont s’accroître grâce à l’extension du périmètre de la PNIJ (prise en compte dès 2018 de la géolocalisation des terminaux en temps réel) et la poursuite des baisses de tarifs des OCE. D’ici à 2022, ce sont 50 M€ par an qui seront économisés grâce à la PNIJ.
Atteindre cette cible implique de continuer à améliorer la performance de la PNIJ, de l’adapter en permanence aux évolutions technologiques et de travailler d’ores et déjà à la conception d’une plateforme de nouvelle génération, qui succédera à l’actuelle plateforme, lorsque celle-ci sera frappée d’obsolescence et favorisera une internalisation du dispositif. Un budget d’environ 30 M€ par an est ainsi prévu pour poursuivre l’évolution technologique de la PNIJ et des nouvelles techniques d’enquête.
Des travaux sont par ailleurs en cours avec le ministère de l’intérieur pour la mise en œuvre des nouvelles techniques d’enquête (balises de géolocalisation, IMSI catcher, captation de données informatiques…).
Le ministère cherche également à rendre plus efficiente la gestion des scellés en agissant sur trois leviers : limitation de l’entrée des scellés dans les juridictions, rationalisation de la gestion des scellés et fluidification des mécanismes de sortie des scellés. Parmi les actions les plus significatives, des plans d’apurement des scellés (automobiles, scellés biologiques) adossés à un mécanisme d’intéressement des juridictions sur leurs crédits de fonctionnement permettent de réaliser des économies très significatives (5 M€ d’économies supplémentaires en 2018). La dématérialisation de la gestion des scellés est par ailleurs inscrite dans le plan de transformation numérique, avec le déploiement du module « scellés » de Cassiopée et le développement d’un outil de gestion des scellés, qui sera utilisé dans un premier temps par le tribunal de grande instance de Paris.
La professionnalisation du traitement des dépenses et des achats sera poursuivie dans tous les domaines de frais de justice, dans le respect de l’indépendance de prescription des magistrats. Ainsi au plan organisationnel, la direction des services judiciaires s’est engagée dans le processus visant à la mise en place, à l’issue d’une phase expérimentale, de services centralisateurs régionaux des frais de justice en charge du traitement des mémoires et de la certification sur l’ensemble du ressort de la cour d’appel. Des évolutions importantes sont en cours sur chaque grand pan de dépenses. La direction des services judiciaires, à travers plusieurs cycles de négociations avec les prestataires et notamment les experts de justice, a consolidé, segment par segment, des stratégies d’achat utilisant des leviers efficaces comme la tarification (analyse toxicologique), l’appel d’offre (analyse génétique des individus – fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)) ou l’instauration de barèmes (expertise informatique).
Un logiciel de traduction automatisée est en cours d’acquisition pour tester la possibilité de limiter l’intervention de traducteurs personnes physiques. Une cellule opérationnelle intervient en soutien des juridictions pour des affaires importantes pour réaliser des mises en concurrence, négocier des devis.
Les efforts d’économies des services judiciaires ne s’arrêtent pas aux frais de justice. La performance de gestion est recherchée également pour le fonctionnement des juridictions. L’effort de dématérialisation va permettre de réaliser d’importants gains sur l’affranchissement (14 M€ prévus en 2022).
1.4. Améliorer la qualité et l’efficacité de la justice administrative
La juridiction administrative doit faire face à une augmentation constante du contentieux dans un cadre budgétaire contraint.
Depuis 15 ans, les recours ont augmenté en moyenne de 3,8 % par an devant les tribunaux administratifs (112 700 affaires en 2002, 197 000 en 2017). À cette augmentation tendancielle du nombre de recours, s’ajoutent :
- la charge d’un nombre toujours croissant de contentieux de l’urgence et de contentieux sous délai de jugement contraint qui pèse sur l’organisation des juridictions ;
- en 2019, le transfert aux tribunaux administratifs d’une partie des contentieux d’aide sociale actuellement traités par les commissions départementales d’aide sociale en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ;
- en 2020, le transfert aux tribunaux administratifs du contentieux des pensions militaires d’invalidité actuellement traité par des juridictions spécialisées (projet de loi de programmation pour la défense).
S’agissant du Conseil d’État, malgré les très importantes réformes opérées dans le but de le recentrer sur son rôle de juridiction suprême, le nombre des entrées n’est pas descendu en - dessous du niveau élevé de 9 000 à 10 000 affaires par an constaté depuis 30 ans. Il est aujourd’hui ce qu’il était avant la création des cours administratives d’appel.
Le contentieux s’est en outre alourdi, car la stabilité globale des entrées recouvre une diminution des requêtes simples affectées aux juridictions subordonnées (appel des reconduites à la frontière, recours contre les refus de visas d’entrée en France, affaires individuelles dont le Conseil d’État connaissait en premier ressort) entièrement compensée par des affaires plus difficiles, en premier ressort et en cassation. De nouvelles procédures génératrices de contentieux supplémentaires, comme la question prioritaire de constitutionnalité et le contentieux du renseignement, se sont en outre ajoutées.
Les recours en cassation sur les contentieux de masse traités par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) (les recours devant la CNDA ont crû de 34 % en 2017 ; 61 000 sont attendus en 2018) et la nouvelle commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) (qui devrait enregistrer au minimum 100 000 requêtes par an) pourraient peser à l’avenir sur les missions juridictionnelles du Conseil d’État.
Cette augmentation continue du contentieux ne saurait être absorbée par une augmentation proportionnelle du nombre de magistrats. Le budget pluriannuel 2018-2022 prévoit des créations de postes de magistrats pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, mais en augmentation bien moindre que l’augmentation moyenne du contentieux, de 3,8 % constatée depuis 15 ans. Certains de ces postes devront, au demeurant, être affectés à la CNDA et à la CCSP.
L’amélioration de la performance et l’équilibre à moyen terme de la juridiction administrative ne pourront être trouvés, compte tenu de la croissance nécessairement limitée du nombre de magistrats, que dans l’augmentation de l’aide à la décision, c’est-à-dire de la collaboration apportée aux magistrats par des assistants juristes, et dans une redéfinition de l’office du juge administratif, de telle sorte que ce juge ne soit pas systématiquement et directement saisi de toutes les difficultés résultant de l’activité des services publics.
Les mesures législatives proposées visent à permettre aux juridictions administratives de faire face à leur charge croissante. Elles permettent ainsi de recentrer les magistrats sur leur cœur de métier en élargissant les possibilités de recours aux magistrats honoraires, en autorisant le recrutement de juristes assistants et en tenant compte de l’intérêt du service public de la justice pour apprécier les mérites d’une demande de maintien en activité des magistrats administratifs et membres du Conseil d’État au-delà de la limite d’âge. Elles réduisent également le nombre de litiges soumis au juge en allongeant la durée d’expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire pour certains contentieux. Au-delà, il convient de réexaminer et de simplifier en profondeur les procédures qui engendrent des contentieux systématiques sans gain réel pour le justiciable.
L’amélioration de l’efficacité et la qualité de la justice rendue est par ailleurs recherchée avec l’ouverture de la possibilité de statuer en formation collégiale pour les référés précontractuels et contractuels et l’accroissement de l’effectivité des décisions de justice en renforçant les pouvoirs d’injonction du juge.
2. Un service public de la justice plus protecteur et attentif aux plus démunis et aux personnes en souffrance
2.1. Promouvoir l’accès au droit
Dans un contexte de profonde évolution de l’institution judiciaire, les dispositifs d’accès au droit seront essentiels pour que le justiciable ne soit pas désorienté. Ils devront s’adapter à l’organisation judiciaire et à la répartition des contentieux telles qu’issues de la concertation locale pour que le maillage de l’accès au droit soit optimisé, favoriser le développement des modes alternatifs de règlement des litiges et accompagner la transformation numérique.
Pour la plupart des citoyens, l’accès au droit sera en effet facilité avec la dématérialisation progressive des procédures de justice, la possibilité de saisir en ligne la justice, le développement de l’offre en ligne de résolution amiable des différends, l’open data. Mais il conviendra de veiller à ce que les personnes les plus éloignées du numérique trouvent également une réponse dans les points d’accès au droit et soient accompagnées dans leurs contacts avec la justice pour que la dématérialisation ne devienne pas, pour elle, un obstacle vers le juge et la justice.
2.2. Une aide juridictionnelle rationalisée et permettant à chacun d’avoir une défense de qualité
Depuis 2015, l’État a entrepris une réforme progressive de l’aide juridictionnelle visant principalement à mieux rétribuer les avocats, à trouver des ressources nouvelles et à mieux protéger les plus démunis en relevant les plafonds de ressources. Les moyens consacrés à l’aide juridictionnelle ont ainsi augmenté de près de 40 % entre 2014 et 2018. L’unité de valeur servant de référence pour le calcul de la rétribution des avocats a fortement progressé, passant de 22,5 € hors taxes à 32 €. Le plafond de ressources pour une personne seule atteint désormais 1 017 € contre 941 € en 2015.
Les crédits prévus sur le quinquennat confortent ces avancées et permettent d’accompagner les réformes de la loi de programmation qui renchérissent le coût de l’aide juridictionnelle, comme l’extension des contentieux pour lesquels la représentation par un avocat est obligatoire afin de garantir au justiciable une défense de meilleure qualité pour les contentieux concernés.
Il est également nécessaire de simplifier l’accès à l’aide juridictionnelle qui fait l’objet d’un million de demandes par an. Elle sera accessible en ligne, dans une version simplifiée, au plus tard le 31 décembre 2019. Elle sera numérisée de bout en bout, de la demande initiale à l’instruction et l’attribution, pour les justiciables comme pour les auxiliaires de justice.
Une mission en cours, conduite conjointement par l’Inspection Générale des Finances et l’Inspection Générale de la Justice, expertise par ailleurs des solutions d’organisation nouvelle comme la mise en place au sein des barreaux de structures spécifiquement destinées à l’aide juridictionnelle, notamment en matière pénale.
Elle étudie aussi les pistes d’une meilleure prise en charge de la rémunération de l’avocat par les assurances de protection juridique. Les conclusions et préconisations que cette mission rendra seront transcrites en mesures et dispositifs adéquats, accompagnant les évolutions induites par la loi de programmation de la justice, pour protéger davantage les plus démunis de nos concitoyens et garantir leur accès à la justice.
2.3. Accompagner les victimes
Les crédits en faveur de la politique d’aide aux victimes continueront à progresser au cours du quinquennat pour atteindre près de 30 M€ en fin de période, soit trois fois plus qu’en 2012. Ils permettent un véritable soutien dans la durée des associations d’aide aux victimes, qui peuvent ainsi mettre en place des actions de long terme et recruter des personnels, sans crainte d’une restriction non anticipée des financements. Il s’agit ainsi d’améliorer :
- le maillage territorial en augmentant la présence de permanences notamment au sein des commissariats, des brigades de gendarmerie, et des hôpitaux ;
- la qualité des prises en charge par le renforcement des effectifs et le développement des compétences spécialisées pour les victimes particulièrement vulnérables comme les victimes mineures ou les plus gravement traumatisées ;
- la capacité du réseau associatif à se mobiliser en urgence et à prendre en charge, dans ces conditions, des victimes, en particulier les plus gravement traumatisées, ou leurs proches, notamment en cas d’événement de grande ampleur, ce qui implique une grande disponibilité des associations, voire l’organisation de permanences ou d’astreintes.
Ces moyens permettent également de financer des actions ciblées sur l’accompagnement des victimes de terrorisme et d’accidents collectifs comme la professionnalisation du réseau référents associatifs « victimes d’actes de terrorisme », le renforcement des moyens des associations d’aide chargées d’accompagner les victimes lors de procès hors normes (accidents collectifs, attentats) ou à l’occasion de faits commis à l’étranger, la participation des associations aux comités locaux d’aide aux victimes.
Le dispositif de téléphone « grave danger », qui a montré son utilité pour la prévention de la récidive dans les violences faites aux femmes, sera étendu, notamment en outre-mer.
L’amélioration du dispositif d’aide aux victimes passe également par la concrétisation d’une coordination interministérielle renforcée, sous l’égide de la délégation interministérielle à l’aide aux victimes placée auprès de la garde des sceaux, par le développement de schémas départementaux d’aide aux victimes et une optimisation de la conduite et du pilotage de la politique d’aide aux victimes. Un système d’information interministériel sur les victimes d’attentats et de catastrophes (SIVAC) sera construit afin de doter les différents acteurs publics d’un outil de travail informatisé pour conduire les actions nécessitées par des évènements générant de nombreuses victimes (acte de terrorisme, accidents collectifs, catastrophes). En orchestrant les échanges d’informations utiles, au travers d’un « hub » d’échange de données, le SIVAC évitera aux opérationnels des tâches de manipulation des données et leur permettra ainsi de se concentrer sur les actes au cœur de leur métier.
3. Un engagement sans faille pour mieux prévenir la radicalisation et lutter contre le terrorisme
3.1. Mieux prévenir la radicalisation dans les établissements pénitentiaires
Le ministère de la justice a été très impliqué dans la conception du plan national de prévention de la radicalisation. Pour la mise en œuvre des mesures annoncées par le Premier ministre lors du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation du 23 février 2018, la direction de l’administration pénitentiaire doublera en 2018 les capacités d’évaluation des détenus terroristes et radicalisés dans les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) et créera deux nouveaux quartiers de prise en charge des détenus radicalisés les plus prosélytes (QPR).
En outre, dans la suite du relevé de conclusions du 29 janvier 2018, elle créera 450 places de détention étanches pour le regroupement des terroristes et radicalisés d’ici à la fin de l’année 2018 et poursuivra un objectif de 1 500 places dans des quartiers étanches du reste des détentions. Ces structures dédiées aux détenus radicalisés et violents seront implantées dans près de 80 établissements pénitentiaires, au sein desquels, par ailleurs, seront étendus les programmes de prévention de la radicalisation violente. Enfin, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) créera en province trois centres de prise en charge individualisée des personnes radicalisées suivies en milieu ouvert sur le modèle du dispositif RIVE, à Paris.
La montée en puissance du renseignement pénitentiaire sera poursuivie. Une centaine de personnels dédiés au renseignement seront recrutés sur les cinq années. En parallèle, l’administration pénitentiaire se dote d’un système d’information dédié au renseignement. Une première version sera mise à disposition de l’ensemble des agents du réseau d’ici à la fin de l’année 2018.
3.2. Renforcer la prise en charge éducative des jeunes radicalisés et des mineurs de retour de Syrie
La prise en charge des mineurs radicalisés constitue également une politique publique à part entière, assumée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle a dû adapter ses modalités de prise en charge à ce nouveau public particulièrement complexe pour être capable d’intervenir rapidement et de façon adaptée. Les crédits dédiés à la lutte contre le terrorisme permettent de former les personnels à la prévention de la radicalisation et de faire vivre le réseau des référents laïcité. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse étudie également des dispositifs de prise en charge innovants pour ces publics. Depuis fin 2016, elle expérimente ainsi le dispositif d’accueil spécialisé et individualisé (DASI), qui propose une prise en charge éducative individuelle renforcée et thérapeutique en faveur de jeunes filles et garçons poursuivis pour des faits d’association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste ou en situation de radicalisation.
La DPJJ va également être confrontée à un nouveau public nécessitant une prise en charge éducative adaptée : les mineurs de retour de zone de guerre irako-syrienne. Leur nombre est estimé à plus de 400, la moitié d’entre eux étant âgés de moins de cinq ans. La protection judiciaire de la jeunesse voit ses moyens renforcés à compter de 2019 pour systématiser les mesures judiciaires d’investigation éducative à destination des mineurs de retour de Syrie ou en voie de radicalisation.
4. Des peines plus efficaces et mieux adaptées, des personnels confortés dans leurs missions
4.1. Renforcer l’efficacité des peines
Un double objectif doit être poursuivi : assurer le prononcé de peines efficaces et adaptées aux infractions sanctionnées et garantir leur exécution effective.
Ce double objectif est, cependant, loin d’être atteint aujourd’hui. Près de 90 000 peines prononcées sont des courtes peines d’emprisonnement, de moins de six mois. Elles ne permettent pas un réel travail de prévention de la récidive. En leur sein, près de 10 000 sont d’une durée inférieure ou égale à un mois. Elles se révèlent particulièrement désocialisantes. Cette inefficacité est renforcée par la situation actuelle de surpopulation carcérale qui atteint, en moyenne, 140 % dans les maisons d’arrêt.
Dans le même temps, depuis dix ans, dans une simple perspective de gestion des flux de la population dans les établissements pénitentiaires, s’est développé un système d’examen automatique d’aménagement des peines de moins de deux ans. Cette procédure a été introduite à l’article 723-15 du code de procédure pénale par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle a été modifiée par la loi pénitentiaire de 2009 pour en prévoir l’application à toutes les personnes non incarcérées condamnées à des peines dont la durée est inférieure ou égale à deux ans.
Ce système crée une véritable complexité dans l’exécution des peines d’emprisonnement. Plus profondément, il dénature le sens de la peine en prévoyant le prononcé d’une peine d’emprisonnement qui peut ensuite être totalement transformée par un juge d’application des peines.
Dans le cadre des chantiers de la justice, un certain nombre de propositions ont été formulées, à la fois pour favoriser le prononcé de peines plus efficaces que les courtes peines d’emprisonnement et pour assurer la pleine exécution des peines d’emprisonnement effectivement prononcées.
La présente loi propose une refondation puissante de l’économie du dispositif de sanction et de l’échelle des peines. L’objectif est de rendre effective l’incarcération dès lors que la peine de prison est retenue et de développer les alternatives à cette même incarcération lorsque d’autres solutions s’avèrent préférables en vue de prévenir la récidive, particulièrement pour les courtes peines.
Ainsi, le projet de loi prévoit que les peines de prison inférieures ou égales à un mois ferme soient prohibées, comme cela est déjà le cas chez certains de nos voisins européens, à l’instar de l’Allemagne.
Le principe d’une exécution hors établissement pénitentiaire fermé est posé pour les peines comprises entre 1 et 6 mois. Il est assorti d’une systématisation d’un suivi socio-éducatif renforcé, le juge conservant toutefois la possibilité de prononcer une peine d’emprisonnement ferme de courte durée s’il considère qu’aucune autre sanction n’est davantage adaptée.
Il est prévu de créer une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique d’une durée maximale d’un an pour permettre au juge correctionnel de prononcer une peine de détention qui s’exécute hors établissement pénitentiaire et sans intervention préalable d’un juge d’application des peines.
Le dispositif de l’article 723-15 du code de procédure pénale, permettant à ce jour des aménagements des peines allant jusqu’à deux ans, connaîtra une double limitation pour le contenir aux seules peines comprises entre six mois et un an. De la sorte, l’exécution en établissement pénitentiaire des peines supérieures à un an deviendra systématique.
La possibilité pour les peines de plus 6 mois de décerner un mandat de dépôt à effet différé, avec convocation devant le procureur de la République sous un mois, offrira également au juge correctionnel une alternative pour placer en détention un condamné comparaissant libre plutôt que de le renvoyer devant le juge d’application des peines, quand le mandat de dépôt à l’audience n’est pas adapté.
La contrainte pénale, dispositif novateur et spécialement intéressant en vue d’individualiser la peine, s’avère peu utilisée (1 200 contraintes pénales prononcées) en raison de la trop grande complexité des conditions de sa mise en œuvre et de l’impossibilité de principe qu’elle pose de prononcé d’une peine mixte, de prison et de suivi.
Le sursis mise à l’épreuve (SME) fait l’objet d’un recours plus intensif puisque 80 000 sont infligés par an. Toutefois cette mesure ne bénéficie pas des modalités de suivi de la contrainte pénale, qui garantissent une évaluation renforcée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Il est donc proposé de fusionner la contrainte pénale et le SME en étendant les larges possibilités d’adaptation et de suivi de la première au second. Cette mesure dynamique induit un renforcement de l’activité des services pénitentiaires d’insertion et de probation, pour nourrir les enquêtes de personnalité et surtout au travers de la systématisation d’un suivi socio-éducatif de qualité dont le rôle est majeur pour la prévention de la récidive.
La libération sous contrainte aux deux tiers de la peine sera érigée en principe, pour les peines n’excédant pas cinq ans.
De façon globale et dans un but de prévention de la récidive, une intervention renforcée des services d’insertion et de probation est recherchée, tant en présentenciel, pour aider les magistrats dans la recherche de la sanction la plus adaptée, au travers d’enquêtes de personnalité abouties, que dans l’exécution de la peine.
Rendant le dispositif des sanctions plus lisible, facilitant pour le juge la possibilité de prononcer des peines adaptées et favorables à la réinsertion, renforçant la certitude de l’exécution de la peine décidée, cette réforme est essentielle pour asseoir la confiance du citoyen dans la justice. Elle permet, de manière secondaire, de lutter contre la surpopulation carcérale en maison d’arrêt en évitant le prononcé de peines conduisant à l’incarcération lorsqu’elle n’est pas la meilleure solution de réparation.
La mise en œuvre de cette politique pénale refondée est, en conséquence, prise en compte dans le programme immobilier nécessaire pour garantir que l’objectif d’encellulement individuel soit atteint.
4.2. Conforter la sécurité et l’autorité des personnels et mieux reconnaître leurs métiers et leurs missions
Afin de sécuriser les établissements pénitentiaires et leurs abords, des crédits complémentaires sont prévus. Ils vont permettre d’assurer la sécurisation périmétrique des établissements pénitentiaires : face à l’accroissement des saisies de matériels illicites (33 521 portables découverts en 2016), des systèmes de détection de nouvelle génération et plus performants pour les produits illicites ou dangereux seront déployés dans les établissements pour permettre d’améliorer significativement leur dépistage, notamment celui des téléphones portables. En parallèle, le déploiement d’un système de brouillage des communications est prévu, échelonné au regard de son coût important sur une période de cinq ans. L’objectif est de couvrir tous les établissements sensibles à l’horizon 2022. De plus, l’administration pénitentiaire se dote d’un système de lutte contre les drones malveillants. En effet, les intrusions des drones sur des sites sensibles se multiplient : une quinzaine de survols ont été constatés sur des établissements pénitentiaires en 2016 ; certains drones ont été retrouvés échoués sur des domaines ou des chemins de ronde.
Dans le but de prévenir les actes de violence contre les personnels, les systèmes de vidéo-surveillance des établissements pénitentiaires seront rénovés. Afin de renforcer la protection des personnels, les dotations seront complétées par des tenues redéfinies en fonction des missions (tenues pares coups, vêtements anti-coupures, gants adaptés pour tous…) et les équipements de sécurité seront améliorés (passe-menottes, arrêtoirs de portes…).
Plus de 80 M€ sont donc consacrés sur la période 2018-2022 à la sécurité des sites pénitentiaires et du personnel qui y travaille.
En outre, des équipes locales de sécurité pénitentiaire dans les établissements les plus exposés seront créées.
L’amélioration des conditions de travail du personnel, au-delà de la résorption de la surpopulation carcérale, requiert la réalisation des effectifs à la hauteur de l’armement théorique des structures. Les vacances de postes nombreuses qui sont aujourd’hui constatées correspondent à l’écart entre les effectifs cibles et les effectifs affectés en établissements ; elles baissent au moment des sorties de promotions de l’école nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) pour remonter chaque mois au gré des départs en retraite, détachements et disponibilités. La réactivité pour combler les départs est aujourd’hui très faible car soumise au cadencement des sorties de formation. À partir de 2019, le cadencement des formations de surveillants sera rationalisé en revoyant le rythme des sorties de promotions. Cela permettra une réactivité plus grande par rapport aux départs qui se réalisent tout au long de l’année et une meilleure prise en charge par l’ENAP des promotions dont le volume correspond davantage aux capacités d’accueil de l’école. Le pic des vacances, qui est actuellement atteint plusieurs mois après la dernière arrivée de stagiaires, devrait baisser sensiblement.
Le relevé de conclusions signé le 29 janvier 2018 prévoit une accélération du comblement des vacances à hauteur de 1 100 postes sur 4 ans (100 en 2018, 400 en 2019, 300 en 2020 et 2021).
La reprise par le ministère de la justice de la compétence en matière d’extractions judiciaires des forces de sécurité intérieure à la direction de l’administration pénitentiaire, décidée en 2010, s’est traduite par le transfert de 1 200 emplois du ministère de l’intérieur. En outre, 450 emplois supplémentaires ont été recrutés à ce titre grâce au second volet du plan de lutte antiterroriste.
Malgré ces emplois supplémentaires, la reprise de ces missions reste délicate et fortement consommatrice de ressources pour les services de l’administration pénitentiaire. Ces difficultés se traduisent par un niveau important d’annulation ou de recours aux forces de sécurité intérieure. La cause en est double : d’une part un sous-dimensionnement initial des emplois nécessaires à la reprise totale, d’autre part une organisation territoriale des services pénitentiaires en charge des extractions judiciaires qui ne permet pas une gestion optimale des missions à réaliser.
Pour répondre à cette dernière difficulté, la direction de l’administration pénitentiaire met en œuvre, dès 2018, des extractions judiciaires de proximité, dites extractions vicinales, qui permettent le renforcement du maillage territorial. Pour réaliser cette réorganisation et ainsi limiter à un nombre résiduel les impossibilités de faire, 150 surveillants supplémentaires, dédiés à ces missions, seront recrutés entre 2018 et 2020, portant à 1 800 les recrutements à ce titre depuis la reprise de la mission.
L’amélioration des conditions d’exercice du personnel pénitentiaire passe encore par la reconnaissance de ses métiers, de leurs spécificités et des contraintes qui y sont associées. Ainsi, les réformes statutaires engagées pour la filière de surveillance seront poursuivies.
La filière dite de commandement sera revalorisée, avec la création d’un corps de catégorie A et un important plan de requalification, afin de mieux mettre en cohérence le statut et les missions exercées et renforcer l’encadrement des établissements.
Des mesures complémentaires concerneront également le corps d’encadrement et d’application (CEA) afin de redynamiser l’ensemble de la filière de surveillance : modernisation de ses modalités de recrutement, de classement et d’avancement, visant à la fois à accroître son attractivité ainsi qu’à fidéliser davantage les agents exerçant au sein d’établissements pénitentiaires jugés « difficiles ».
S’y ajoutent les mesures issues du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 qui a entendu reconnaître les contraintes particulières et la pénibilité dans l’exercice des métiers de surveillance à travers plusieurs améliorations indemnitaires, au bénéfice des agents du corps d’encadrement et d’application et des officiers : la prime de sujétion spéciale (PSS) sera revalorisée progressivement de 2 points, d’ici à 2020 ; le taux de base de l’indemnité pour charges pénitentiaires est porté de 1 000 € à 1 400 € annuels ; la prime des dimanches et jours fériés est revalorisée de 26 € à 36 € ; une prime d’attractivité et de fidélisation est créée, afin d’inciter les lauréats des concours à rejoindre les établissements qui connaissent les situations les plus tendues en matière d’effectifs.
4.3. Donner aux détenus des conditions d’emprisonnement dignes
Le Président de la République a pris l’engagement d’augmenter les capacités nettes du parc pénitentiaire afin d’atteindre notamment l’objectif de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt où la très importante surpopulation carcérale dégrade fortement la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.
La résorption de la sur-occupation des détentions est urgente afin de restaurer l’attractivité du métier de surveillant, de rendre effectif l’objectif de réinsertion sociale de la peine privative de liberté en permettant la mise en œuvre d’activités et d’améliorer la prise en charge sanitaire et psychologique des personnes détenues. Elle doit aussi permettre de garantir la dignité des conditions de détention, d’améliorer la sécurité et de mieux lutter contre la radicalisation violente.
Les projections de population pénale à dix ans ont permis d’objectiver les nouvelles implantations de maisons d’arrêt. Le calibrage intègre en outre l’impact de la réforme pénale projetée, notamment la réduction du recours à la détention provisoire et la limitation des peines d’emprisonnement de courte durée.
La programmation proposée, qui s’étend sur la période 2018-2027, prévoit d’optimiser le nombre de places livrées au cours des cinq prochaines années dans le but d’obtenir un résultat assez rapide dans la lutte contre la surpopulation et pour pouvoir calibrer et mieux répartir l’effort sur les dix ans.
L’objectif est de pouvoir créer 7 000 places de prison supplémentaires d’ici fin 2022, principalement au sein de maisons d’arrêt mais également de structures avec un niveau de sécurité adapté à la fois à des peines de durée peu importante ou pour préparer la sortie de détenus dont le potentiel de réinsertion est avéré. Ces structures permettront l’exécution de fin de peines ou de courtes peines traditionnellement effectuées en maison d’arrêt, au sein d’un environnement plus favorable à l’aménagement des peines et à l’engagement des démarches vers la réinsertion. Elles accueilleront aussi des personnes condamnées à de courtes peines dont le potentiel de réinsertion justifie un suivi socio-éducatif, tourné vers la société ouverte, plus aisé à mettre en œuvre dans de tels établissements qu’au sein de maisons d’arrêt fermées.
La suite du programme immobilier sera affinée en fonction des effets constatés de la réforme issue du chantier sur le sens et l’efficacité des peines et de la nécessaire rénovation d’une partie du parc pénitentiaire, dont la dégradation a été accélérée par l’insuffisance des moyens consacrés à la maintenance normale comme aux réhabilitations lourdes. Elle permettra d’échelonner d’autres livraisons jusqu’en 2027, dans la limite maximale de 15 000 places.
Dans l’immédiat, les besoins les plus urgents sont concentrés en Ile-de-France, dans la région lyonnaise, sur le pourtour méditerranéen et dans les grandes agglomérations. En outre-mer, le programme devra répondre notamment aux situations tendues des Antilles et de la Guyane.
L’armement en ressources humaines des nouvelles structures dont le délai de livraison est raccourci requiert près de 2 300 créations d’emplois sur le quinquennal, afin de permettre l’arrivée de la ressource à bonne date par rapport à celle de livraison et de mise en service des nouvelles structures.
Cet effort conséquent ainsi que la refondation du dispositif de sanction et de l’échelle des peines sont de nature, en réduisant la surpopulation carcérale, à contribuer fortement à l’amélioration des conditions de détention. C’est aussi une nécessité pour favoriser les actions de lutte contre la récidive, dont le développement des activités en détention. À cet égard et afin de conférer toute leur efficacité aux dispositions de l’article 27 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, aux termes duquel toutes les personnes détenues condamnées doivent exercer au moins l’une des activités qui leur sont proposées par l’administration pénitentiaire dans les champs visés par l’article R.57-9-1 du code de procédure pénale, le volume et la diversité des activités offertes seront enrichis grâce au développement de programmes d’insertion. Un peu plus de 14 M€, entre 2019 et 2022, seront dédiés au développement des activités dans des détentions plus adaptées pour les mettre en œuvre, car moins soumises à des phénomènes de surpopulation.
En parallèle, des crédits sont dégagés (plus de 4 M€ par an à compter de 2019) afin de tirer, pour la rémunération horaire des détenus affectés au service général, toutes les conséquences de l’article 717-3 du code de procédure pénale. De fait, ce dernier prévoit de rémunérer les personnes détenues selon un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC.
L’administration pénitentiaire mettra également en chantier un nouveau service visant à moderniser le fonctionnement des établissements : le numérique en détention. Il s’agit de la création d’un portail destiné à dématérialiser les commandes de cantines, la gestion du pécule des détenus ou les échanges entre les personnes détenues et l’administration sur le suivi des requêtes formulées par les détenus. Ce service a donc également vocation à décharger le personnel de tâches répétitives dont la lenteur de réalisation est souvent source de conflit avec la population carcérale. À terme, ce portail permettra d’accéder à des modules pédagogiques numériques.
4.4. Développer des alternatives à l’incarcération et favoriser le suivi des PPSMJ
La lutte contre la récidive requiert la meilleure individualisation des sanctions compte tenu, entre autre, du profil des personnes condamnées. Dès lors que cela est adapté, une alternative à l’incarcération doit être recherchée. L’accompagnement des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) vers la sortie de la délinquance repose sur la qualité de l’intervention des personnels en service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Les recrutements prévus en accompagnement de la refondation du dispositif de sanction et de l’échelle des peines s’élèvent à 1.500 ETP, soit une progression des effectifs du corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation d’environ 30 %.
Les conseillers de probation et d’insertion intégreront la catégorie A à compter du 1er février 2019, marquant ainsi la reconnaissance du niveau de responsabilité qu’implique l’exercice de leurs missions.
Compte tenu des hypothèses d’impact de ces différentes mesures, prenant notamment en considération la limitation de l’article 723-15 du code de procédure pénale, plus de 3.500 détenus pourraient être placés sous surveillance électronique.
Par ailleurs, le réinvestissement des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation en présententiel, afin d’accroître la connaissance du public sous main de justice, doit augmenter les alternatives à la détention provisoire (700 assignations à résidence sous surveillance électronique ARSE supplémentaires escomptées).
Le placement extérieur sera développé. Il est prévu qu’environ 1 500 détenus pourraient bénéficier à terme d’un placement extérieur.
Enfin, 4 000 personnes supplémentaires pourraient bénéficier d’un travail d’intérêt général (TIG) grâce à l’extension des possibilités pour le juge de prescrire des TIG ainsi qu’à la création de l’agence nationale des TIG. L’action de cette agence permettra de développer l’offre de TIG et de faciliter l’accès du juge à l’offre, qui pourra ainsi prononcer plus aisément l’exécution d’un TIG. Une expérimentation d’extension du périmètre des personnes morales pouvant accueillir un TIG aux personnes morales de droit privé relevant de l’économie sociale et solidaire et poursuivant un but d’utilité sociale sera également réalisée.
Le coût de ces mesures d’aménagement de peines et d’alternatives à l’incarcération sera compensé par l’économie induite par un moindre flux d’entrée en détention.
5. La diversification et l’individualisation de la prise en charge des mineurs
La diversification de l’offre de prise en charge permet de mieux s’adapter à chaque situation individuelle. Elle favorise la continuité du parcours du mineur, évitant ainsi les ruptures et les interruptions de l’accompagnement éducatif qui constituent des obstacles à la sortie définitive de la délinquance. Elle est source d’efficience de la politique publique en réduisant le risque de récidive et en adaptant la prise en charge au plus près des besoins du mineur. Elle sera mise en œuvre au cours du quinquennat à travers :
- la création de vingt centres éducatifs fermés (CEF) pour répondre aux situations les plus aigües et fournir une alternative crédible à l’incarcération des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d’une particulière gravité. Cinq CEF seront créés dans le secteur public et quinze seront confiés au secteur associatif habilité, portant ainsi à 73 le nombre de CEF. Ces établissements devront se répartir sur l’ensemble du territoire pour favoriser le rétablissement des liens familiaux ou permettre un éloignement temporaire, en fonction des situations individuelles. 133 emplois seront créés pour armer les CEF du secteur public. 35 M€ sont consacrés au cours du quinquennat à la construction des CEF publics et au financement des CEF du secteur associatif habilité (SAH). Il convient également d’assouplir leur fonctionnement en rendant possible le passage progressif vers un autre type de placement ou vers un retour en famille dans la dernière phase de l’accueil, au moment de la préparation à la sortie, afin de faciliter la reprise d’une scolarité ou d’une formation, voire l’obtention d’un emploi. Il s’agit également d’autoriser un accueil temporaire du jeune hors du CEF. La loi de programmation autorise ainsi un placement séquentiel pour les jeunes en centre éducatif fermé.
- la diversification des modes de placement en accroissant le recours aux familles d’accueil et en reconfigurant et rénovant le réseau des unités éducatives d’hébergement collectif. Cette orientation impliquera notamment de sécuriser le cadre juridique d’intervention des familles d’accueil. La diversification des modes de placement doit permettre d’optimiser la dépense tout en améliorant la prise en charge des mineurs, en offrant à chacun le dispositif de suivi le plus adapté.
- une plus grande pluridisciplinarité de l’intervention en milieu ouvert afin d’adapter l’intensité et les techniques de prise en charge à chaque situation, en fonction des besoins du jeune et des ressources du territoire et d’offrir aux jeunes les plus en difficulté une prise en charge plus complète (insertion scolaire et professionnelle mais aussi état de santé, relations familiales, …). Un accueil de jour plus organisé et encadré, sous mandat judiciaire, tenant compte de l’ensemble de ces enjeux, devra être développé. La loi de programmation autorise ainsi l’expérimentation pendant trois ans d’une mesure éducative d’accueil de jour, troisième voie entre le placement et le milieu ouvert, garantissant à des mineurs sortant de CEF ou nécessitant un suivi éducatif renforcé une continuité de prise en charge en journée, intensive et pluridisciplinaire, pour leur permettre d’accéder le plus rapidement possible aux dispositifs de droit commun. Cette mesure éducative plus englobante permet d’éviter des placements par nature plus coûteux.
Un programme de rénovation du parc immobilier sans précédent sera également lancé pour améliorer les conditions d’accueil des jeunes.
Pour accompagner ces évolutions, il convient de mieux reconnaître les métiers de la protection judiciaire de la jeunesse. La réforme du statut des directeurs de service entrée en vigueur au 1er janvier 2017 et le passage des éducateurs en catégorie A au 1er février 2019 sont l’occasion pour la PJJ de revoir les modalités de recrutement et les contenus des formations statutaire et continue, qui se doit d’être un vecteur pour accompagnement les nouvelles orientations. Une attention particulière est portée à la fonction de responsables d’unité éducative, premier niveau d’encadrement des équipes éducatives et porteurs auprès de ces équipes des évolutions de la prise en charge des jeunes, qui doit faire l’objet d’une reconnaissance statutaire.
Enfin, l’insertion professionnelle et sociale des jeunes repose en partie sur le corps de professeurs techniques, dont l’action permet l’inclusion sociale vers des dispositifs de droit commun. Une évolution statutaire, pour accompagner l’évolution et le renforcement des missions et pour garantir l’attractivité de ce corps, sera conduite au profit des professeurs techniques.
6. Une stratégie ministérielle de ressources humaines pour accompagner ces réformes
Le succès des réformes ambitieuses contenues dans la loi de programmation repose, outre les moyens matériels et budgétaires qui doivent y être consacrés, en premier lieu sur les femmes et les hommes qui œuvrent au quotidien dans les directions et services du ministère. L’ampleur des réformes à conduire pour rendre un service public de la justice plus en cohérence avec les besoins de nos concitoyens requiert un accompagnement des professionnels aujourd’hui en fonction et de ceux que le ministère sera conduit à recruter.
L’ampleur des réformes à conduire appelle la mise en œuvre de nouvelles pratiques de ressources humaines (RH) pour attirer, motiver, fidéliser, développer les compétences des agents. La stratégie « RH » devra accompagner les enjeux auxquels doit faire face le ministère et construire dans la durée une politique « RH » exemplaire, reposant sur les besoins spécifiques du ministère, liés à ses métiers et à la nécessité de renforcer son attractivité, tout en tenant compte des objectifs interministériels et des meilleures pratiques existant au sein de l’État.
Elle tiendra compte des orientations issues de la concertation engagée par le Gouvernement avec les représentants des agents et des employeurs publics sur les quatre chantiers annoncés lors du Comité interministériel de la transformation publique du 1er février 2018.
La vocation de cette stratégie « RH » ainsi définie se concrétise au travers de plusieurs axes :
- les réformes statutaires, indiciaires et indemnitaires annoncées seront menées à bien, et les nouveaux outils de la politique indemnitaire seront complètement déployés. La mise en œuvre des évolutions indiciaires issues de l’accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) sera ainsi poursuivie pour tous les corps du ministère. Le déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) sera achevé pour tous les corps concernés. Il sera évidemment tenu compte des chantiers engagés par le Gouvernement, au fil de leur avancée et en fonction des moyens qui leurs seront dédiés, pour mieux reconnaître l’investissement, collectif comme individuel. Un corps de psychologues ministériel sera également créé ;
- la politique de recrutement s’appuiera sur le développement de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), une valorisation des métiers, une professionnalisation des pratiques, ainsi qu’une gestion ministérielle harmonisée des contractuels ;
- l’accompagnement des parcours professionnel sera développé et la politique de l’encadrement, public clef pour la réussite de toute réforme d’ampleur, permettra de mieux appuyer les encadrants pour conduire le changement ;
- le ministère de la justice s’attachera à offrir aux fonctionnaires des corps à statut interministériel des perspectives de mobilité, organisées et en cohérence avec les besoins des services du département de la justice, par une gestion plus harmonisée entre les différents réseaux et en coordination avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique ;
- l’amélioration de la qualité de vie au travail s’appuiera sur un accord à négocier avec les organisations syndicales, destiné à favoriser l’autonomie et la reconnaissance des agents et à leur proposer des conditions de travail renouvelées (organisation du temps de travail, télétravail, nouveaux modes de travail…).
Une attention particulière sera portée à la prévention des violences faites aux agents et au développement de la politique de santé et de sécurité au travail ;
- la politique d’action sociale sera rénovée et renforcée pour mieux contribuer à la qualité de vie et à la fidélisation des agents (soutien à la parentalité, facilitation de l’accès au logement, amélioration de l’accès à la restauration administrative…) ;
- L’exemplarité sera recherchée dans la mise en œuvre de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dans la reconnaissance de la diversité et la lutte contre les discriminations. Le recrutement et le maintien en fonctions des personnes en situation de handicap seront en outre poursuivis.
Le ministère de la justice s’engagera dans le processus de labellisation Diversité et Égalité professionnelle (dispositif Alliance). Cette démarche d’amélioration continue valorisera ainsi les engagements des services vers plus d’exemplarité.
La mise en œuvre de cette stratégie ministérielle en matière de ressources humaines donnera lieu à un suivi concerté et régulier avec les organisations syndicales représentatives au sein du comité technique ministériel. Elle sera, selon des modalités clairement définies, évaluée en fin de période.